Pleins feux sur la science : L’histoire qui doit être racontée - Mark Drever
Profil de Mark Drever (Ph.D.)
L'histoire qui doit être racontée

Cette histoire remonte à octobre 2016, année où le Nathan E. Stewart fait naufrage, ce qui entraîne le déversement de 110 000 litres de diesel dans l’océan Pacifique. Pendant les opérations de nettoyage, on découvre plusieurs carcasses de phalaropes sur la plage. On fait alors appel à Mark Drever pour qu’il identifie les espèces. En participant à l’étude des carcasses, il constate que tous les oiseaux ont l’estomac rempli de plastique. C’était le début d’une histoire qui se devait d’être racontée.
Une sommité dans l’analyse de données
Mark Drever est originaire de l’Amérique du Sud. Passionné par le grand air depuis son jeune âge, la question qui le taraude dès son arrivée au Canada à 11 ans est : « Pourrais-je gagner ma vie en travaillant dans la nature? ». Son parcours se dessine au fur et à mesure qu’il poursuit sa passion : il a fait ses premières études universitaires en zoologie à Toronto, puis un stage en Californie sur les oiseaux des marais, puis un autre à Hawaii où il a étudié les espèces invasives, comme les rats dans les colonies d’oiseaux. Ses études supérieures l’ont amené à se spécialiser sur la question des conséquences des changements climatiques sur les oiseaux, et à devenir une sommité dans l’analyse de données. Dans sa carrière, il a d’ailleurs contribué à plusieurs articles scientifiques sur de nombreuses espèces fauniques.
Faire de la science qui importe
Mark occupe un poste de chercheur à ECCC depuis 2010. « J’adore être un scientifique au sein du gouvernement. J’ai le sentiment d’être une ressource importante, non seulement dans le développement de projets, mais aussi parce que la recherche scientifique que je fais avec mon équipe est utile et peut appuyer la prise de décisions pour la conservation de nos écosystèmes », raconte Mark avec une fierté palpable.
Ce qu’il préfère dans son travail, c’est de transformer une idée floue en un projet concret puis en un article scientifique. Plus encore, il éprouve une grande satisfaction lorsque la communauté scientifique peut s’appuyer sur ses découvertes et ses publications, comme une sorte de guide pour la conservation qui perdure.
C’est le cas notamment avec ses travaux sur les oiseaux de rivage et leur exposition à la pollution plastique. Il a participé à la publication d’un article intitulé : « Les oiseaux de rivage ingèrent aussi du plastique : ce que nous savons, ce que nous ignorons et ce que nous devrions faire à l’avenir ». Dans cette étude, Mark et ses collègues ont catalogué et synthétisé les études disponibles dans le monde entier qui traitent de la pollution plastique chez les oiseaux de rivage. Ils ont ensuite quantifié les caractéristiques pertinentes des espèces et de leurs environnements afin de comprendre comment les oiseaux de rivage sont exposés à la pollution plastique. Après de longues recherches, ils ont découvert que l’organisme de 53 p. 100 des oiseaux portait des traces de pollution plastique. Les résultats ont également démontré que les espèces qui migrent en passant par des zones marines (océaniques ou côtières) sont davantage victimes de la pollution plastique que les espèces qui utilisent les voies de migration continentales. À partir des résultats de leurs analyses, Mark et ses acolytes ont formulé des recommandations sur les protocoles d’échantillonnage et les futurs domaines de recherche.
L’alchimie à protéger

Une autre histoire qui passionne le chercheur est celle de l’écosystème riverain de Roberts Bank au sud de Vancouver et de ses visiteurs saisonniers, les bécasseaux. Fin avril-début mai, il s’y produit une parfaite alchimie qui génère le festin par excellence pour cette espèce : l’eau devient moins saline en raison de la fonte des neiges provenant des montagnes, le fleuve Fraser apporte des nutriments, les marées basses exposent le rivage, les températures se réchauffent et les heures d’ensoleillement augmentent. La combinaison de ces phénomènes entraîne la création d’un riche biofilm intertidal, une fine couche collante et nutritive sécrétée principalement par les microalgues à la base de la chaîne alimentaire. Les bécasseaux s’alimentent de ces superaliments lors de leur migration printanière.
Il s’agit d’une période clé pour cette espèce. Cette efflorescence de microalgues se produit précisément au moment où les bécasseaux passent par la Colombie-Britannique dans leur migration vers leurs aires de reproduction de l’Arctique. Or, ce carburant, chargé des nutriments essentiels pour la migration, est possiblement menacé par les répercussions qu’ont les projets industriels côtiers sur l’écoulement du fleuve dans l’océan. C’est ici que les recherches de Mark entrent en jeu. Ses découvertes constituent une mine d’or de données probantes et de connaissances qui peuvent être mises à contribution pour chercher des pistes de solution, diriger des mesures de restauration et contribuer à réduire les effets de l’activité humaine sur la biodiversité.
Sécurité, recherche, plaisir : une philosophie qui fait ses preuves
À la question sur ce qu’il aime de son quotidien, Mark répond : « J’adore mon équipe, avoir des échanges sur des sujets nichés avec mes collègues, partager des idées qui prennent forme, entre nos blagues trop intellectuelles! ».

Non seulement les blagues font partie de son quotidien, mais elles font partie de cet élément que Mark considère comme essentiel à son travail : le plaisir! « Ma philosophie au travail est et restera : Sécurité-recherche-plaisir », précise Mark. Son travail comporte effectivement un niveau de risque, comme il se déroule dans un environnement parfois dangereux. La sécurité physique est essentielle, mais le chercheur insiste également sur l’importance de se sentir en sécurité sur le plan psychologique et émotif. « Il est essentiel de développer un sentiment d’appartenance à notre groupe, et de s’y sentir bien. En se sentant en sécurité dans ces différentes facettes, nous sommes disposés à donner le meilleur de nous-même », explique Mark.
La recherche scientifique est également au cœur des priorités de Mark. « Il faut constamment garder à l’esprit quelles sont nos hypothèses scientifiques et pourquoi nous réalisons notre travail. C’est ce qui nous donnera envie de continuer par des journées froides et pluvieuses », affirme-t-il.
Comme il l’a mentionné, la troisième composante essentielle de sa philosophie au quotidien − et non la moindre − est le plaisir. « C’est ce qui fera que tout ira bien! Le travail est tellement plus agréable quand il est fait dans le plaisir. Je vise un équilibre entre ces éléments dans ma vie professionnelle », résume Mark avec l’œil rieur. C’est avec cette philosophie qu’il continue de conter chaque jour l’histoire qui doit être racontée, afin de parvenir à vivre dans un environnement sain et de protéger les processus écologiques fragiles dont dépend la biodiversité qui nous entoure.