# 2012-116 Carrières, Mesures correctives, Première mise en garde (PMG)
Sommaire de cas
Date de C & R : 2012–11–18
Le plaignant, un militaire du rang de la Force régulière qui était affecté à une unité de la Première réserve, a reçu une première mise en garde (PMG) pour avoir agi de manière méprisante envers un supérieur. Le plaignant a fait valoir qu’il n’était pas méprisant lorsqu’il a affirmé vouloir songer à savoir s’il devait obéir à un ordre de présenter des excuses, un ordre qu’il croyait potentiellement illégal et contraire à l’éthique. Le plaignant a demandé l’annulation de la PMG.
Le Comité devait décider si l’ordre donné au plaignant de présenter ses excuses était légal, si le plaignant avait été méprisant à l’égard d’un supérieur, si la PMG administrée à l’encontre du plaignant était justifiée et si les actes de l’officier commandant du plaignant et ceux de son commandant d’unité (Cmdt) étaient justifiés et respectaient les politiques applicables.
Un sergent (sgt), subordonné au plaignant, a refusé d’exécuter l’ordre de ce dernier de donner des directives à certains subordonnés et a adressé un juron à l’endroit du plaignant, lequel a ensuite fait des reproches au sgt à cet égard devant ces subordonnés. Le plaignant s’est par la suite adressé à son officier commandant, un major, qui avait été témoin de la confrontation et a demandé qu’une enquête soit menée concernant la conduite du sgt. Par la suite, l’officier commandant a rencontré le plaignant et a ordonné que ce dernier et le sgt présentent, ensemble, leurs excuses aux membres de la sous unité pour leurs agissements.
Le plaignant a estimé que cet ordre était potentiellement illégal et contre l’éthique et a répondu à son officier commandant qu’il songerait à savoir s’il devait y obéir. L’officier commandant a ensuite avisé le plaignant que s’il ne présentait pas des excuses, il entreprendrait des mesures disciplinaires. Toutefois, peu de temps après, l’officier commandant a donné le choix au plaignant et au sgt : ils pouvaient présenter leurs excuses de manière séparée ou accepter une PMG en lien avec leur comportement; tous les deux ont consenti à présenter des excuses et c’est ce qu’ils ont fait le même jour.
L’officier commandant a par la suite administré une PMG au plaignant parce qu’il avait agi de façon méprisante envers un supérieur. Le plaignant a nié qu’il avait été méprisant, et a cité à l’appui des cas antérieurs dans lesquels le Comité avait conclu que le fait d’ordonner de présenter des excuses était incompatible avec la liberté d’expression prévue à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).
L’autorité initiale (AI) a accueilli le grief, a annulé la PMG et a ordonné qu’une enquête disciplinaire soit menée concernant le comportement du plaignant et du sgt. Le plaignant n’a pas accepté l’explication de l’AI selon laquelle l’ordre de l’officier commandant n’était pas manifestement illégal et a présenté un grief à l’autorité de dernière instance (ADI), demandant des éclaircissements quant à savoir si l’ordre de présenter des excuses était légal.
Le Comité a d’abord noté que, même si l’AI avait annulé la PMG, la procédure de règlement des griefs permettait à l’ADI de substituer sa décision à celle de l’AI, c. à d. d’ordonner la tenue d’un nouvel examen.
Le Comité s’est ensuite penché sur la légalité de l’ordre en examinant l’article 19.015 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, et a déterminé qu’afin que l’ordre de l’officier commandant soit manifestement illégal, il se devait que cet ordre soit perçu, par un citoyen ordinaire, comme étant clairement ou expressément illégal. Selon le Comité, cela ne pouvait être le cas puisque le plaignant lui-même avait reconnu qu’il n’était pas certain si l’ordre était légal ou non. Le Comité a donc conclu que le plaignant aurait dû obéir à l’ordre et remettre en question sa légalité par la suite.
En ce qui concerne la question de savoir si un ordre de présenter des excuses est légal, le Comité a examiné la Charte et a appliqué le critère en trois volets de son article premier; il a décidé que, même si le fait d’ordonner que le plaignant présente des excuses verbalement entraînerait une légère violation des droits du plaignant, l’amélioration des relations de travail et les effets positifs des excuses sur le rétablissement de l’ordre et de la discipline dans l’unité contrebalançaient les effets négatifs d’un tel ordre. Par conséquent, le Comité a conclu que l’ordre donné par l’officier commandant de présenter des excuses était légal dans le cas présent.
Ensuite, le Comité a examiné si le plaignant avait agi de manière méprisante envers l’officier commandant lorsqu’il a déclaré qu’il songerait à savoir s’il allait obéir à l’ordre. Selon le Comité, la déclaration du plaignant équivalait à défier l’autorité de l’officier commandant et démontrait un manque de respect au point d’être méprisant. Le Comité a donc conclu que le plaignant avait fait preuve de mépris (manque de respect) à l’égard d’un supérieur. Selon le Comité, la PMG était justifiée et la décision de l’officier commandant de lui administrer était raisonnable.
Au cours de l’analyse du dossier, le Comité a observé certains agissements de la part de l’officier commandant et de la part de l’AI dont elle a fait part à l’ADI.
Concernant l’officier commandant, le Comité se demande pourquoi il a fait fi du fait que le sgt avait défié l’autorité du plaignant, incident dont l’officier commandant avait été témoin, ce qui avait entraîné l’écueil avec le plaignant. Selon le Comité, le fait que l’officier commandant n’ait pas entrepris d’enquête disciplinaire au sujet des agissements du sgt était déraisonnable dans les circonstances. Le Comité était également en désaccord avec la façon dont l’officier commandant a conseillé le plaignant, à savoir que ce dernier pouvait présenter des excuses et participer à un mode alternatif de résolution des conflits (MARC), ou accepter une PMG. Le Comité a constaté que le MARC était un service pour lequel il fallait se porter volontaire. On ne pouvait pas ordonner à quelqu’un de participer à un MARC.
Enfin, le Comité était préoccupé par les directives données au plaignant par l’AI selon lesquelles il ne devait pas discuter du grief avec une personne qui n’intervenait pas dans la prise de décision à cet égard. Le Comité a constaté que cette mise en garde ne provenait pas de la réglementation applicable et que rien n’empêchait le plaignant de communiquer les renseignements contenus dans son dossier de grief à une personne de son choix ou ne l’empêchait d’en discuter s’il souhaitait le faire.
Le Comité a souscrit à la décision de l’AI d’entreprendre une enquête disciplinaire concernant le comportement du plaignant et du sgt.
Le Comité a recommandé que le Chef d’état-major de la Défense (CEMD) rejette le grief.
Le Comité a également recommandé que le CEMD ordonne que :
- la PMG administrée à l’encontre du plaignant pour ses « manières méprisantes » envers son officier commandant soit restaurée;
- l’officier commandant soit informé qu’il ne devrait plus rendre de décision à l’avenir dans laquelle il établirait un lien entre l’obligation de présenter des excuses et la participation à un MARC, à une question relative à une PMG;
- le Cmdt soit informé du fait que les directives qu’il a données au plaignant, à savoir de ne pas discuter du grief avec d’autres personnes, n’étaient pas appuyées par la réglementation applicable.
Sommaire de la décision du CEMD
Date de la décision du CEMD : 2014–03–12
L'autorité de dernière instance (ADI) a souscrit en partie aux conclusions du Comité et à ses recommandations, dont celle de rejeter le grief. À l'instar du Comité, l'ADI a estimé que le fait d'ordonner à un subordonné de présenter des excuses n'était pas manifestement illégal et, par conséquent, si un tel ordre est donné, le subordonné doit l'exécuter, conformément à l'article 19.015 des ORFC. Toutefois, l'ADI n'a pas souscrit à la recommandation du Comité d'imposer une nouvelle première mise en garde (PMG). L'ADI était d'avis que la conduite du plaignant ne justifiait pas l'imposition d'une PMG à l'époque puisque rien ne démontrait que le commentaire du plaignant se voulait méprisant ou avait été fait sur un ton teinté de mépris.
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