# 2014-038 - Retrait des fonctions militaires
Sommaire de cas
Date de C & R : 2014–11–28
Le plaignant s'est vu attribuer des contraintes d'emploi pour raisons médicales de façon permanente. Il a été affecté à un poste dans une autre unité en vue de faciliter sa transition vers une carrière civile. Après quelques mois, son nouveau commandant, soulignant sa réussite dans le poste, a recommandé un maintien en fonction d'une durée de trois ans, ce qui a été accordé. Peu après, des allégations ont été rapportées contre le plaignant. Le commandant a alors pris la décision de le retirer de ses fonctions et a mandaté des subordonnés pour lui annoncer cette décision. La Police militaire a également commencé une enquête. Le plaignant est demeuré sans fonctions pendant quelques jours. Il a demandé à trois reprises une rencontre avec son commandant, mais en vain. Un mois après le retrait de fonctions, le commandant a signé une lettre avisant le plaignant qu'il subissait un changement temporaire de fonctions à titre de mesure administrative préventive.
Un an plus tard, le plaignant a déposé un grief, afin de connaître les raisons pour le retrait de fonctions et pourquoi il n'avait pas été interrogé dans le cadre de l'enquête policière. Le plaignant, souffrant gravement de stress et demeurant sans réponses, a dû être muté à l'Unité interarmées de soutien du personnel.
L'autorité initiale a accueilli le grief et a fourni des réponses écrites aux trois questions du plaignant concernant le motif pour son retrait de fonctions, les raisons pour l'enquête, et l'explication pour ne pas avoir été interrogé au cours de l'enquête policière. Le plaignant, insatisfait, a posé des questions additionnelles et a demandé que le grief soit renvoyé à l'autorité finale.
Le Comité était d'avis que la réponse de l'autorité initiale n'avait pas traité de la véritable question sous-jacente au grief du plaignant à savoir si, dans son ensemble, le traitement qu'il avait subi était acceptable. Le Comité a noté que le commandant et l'autorité initiale semblaient croire que le retrait de fonctions avait été effectué selon la procédure pour une mesure disciplinaire en vertu de l'article 19.75 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Or, cet article n'était pas pertinent et il s'agissait plutôt d'une mesure administrative prise en vertu des Directives et ordonnances administratives de la Défense 5019-4 et 5019-2. Quoiqu'il en soit, le Manuel de droit administratif militaire impose un minimum d'équité procédurale en tout temps, avec une norme plus exigeante en fonction de l'impact d'une décision sur la carrière d'un militaire. Selon les principes fondamentaux, le militaire doit être informé des faits pertinents, avoir la possibilité de faire des représentations et que celles-ci soient prises en considération avant qu'une décision ne soit prise et, une fois rendue, cette décision doit expliquer les motifs.
En l'espèce, les motifs pour son retrait de fonctions n'ont pas été expliqués au plaignant et ce dernier n'a pas eu la possibilité de présenter son point de vue avant que la décision ne soit prise. Celle-ci ne semble pas avoir été rendue sur la base d'informations soigneusement vérifiées, mais à la suite de simples allégations qui, pour la plupart, se seraient révélées non fondées après une simple vérification sommaire. Le commandant du plaignant n'a jamais rencontré ou parlé au plaignant malgré ses demandes répétées. Il n'y a eu presque aucun suivi effectué auprès de la Police militaire, permettant ainsi à l'enquête de traîner pendant près de trois ans avant d'en arriver à une conclusion où le plaignant a été blanchi à tous égards. Qui plus est, même si les allégations s'étaient avérées fondées, le Comité est d'avis que il semble improbable qu'elles puissent justifier le retrait de fonctions, vu leur nature et les circonstances.
Le Comité a recommandé que le CÉMD reconnaisse qu'il y a eu violation des principes d'équité procédurale avec de sérieuses conséquences pour le plaignant et qu'il transmette le dossier du plaignant au Directeur – Réclamations et contentieux des affaires civiles pour que ce dernier évalue la possibilité d'une indemnisation financière.
Sommaire de la décision du CEMD
Date de la décision du CEMD : 2015–06–29
L'ADI est d'accord avec le Comité que le plaignant a été lésé, mais il n'est pas d'accord avec tous les raisonnements du Comité. L'ADI interprète erronément l'analyse qu'a fait le Comité concernant le retrait de ses fonctions du plaignant. Essentiellement, l'ADI est d'avis que parce que le plaignant était en période de rétention, son droit à l'équité procédurale n'était pas une obligation légale. L'ADI est d'avis que l'existence d'allégations contre le plaignant indiquait que les ressources des FAC étaient utilisées à des fins illégitimes et justifiaient les agissements de la chaîne de commandement, mais l'ADI n'a pas examiné le bien-fondé de ces allégations. L'ADI est d'avis que la chaîne de commandement n'a pas entendu la version du plaignant qui, si elle avait été obtenue, aurait pu éclairer la situation. L'ADI est aussi d'opinion que l'enquête militaire n'a pas été effectuée dans un délai raisonnable, qu'il est inacceptable que le dossier d'enquête ait été retardé au motif que son enquêteur était en congé. L'ADI apportera ces manquements à l'attention du Grand Prévôt des FAC. Concernant la transmission du dossier au DRCAC pour évaluer si le plaignant peut être indemnisé, l'ADI soutient que puisque l'incident s'est déroulé au Québec, la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif s'applique, mais le plaignant n'a pas démontré que les circonstances pouvaient donner lieu à une réclamation contre la Couronne.
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