ARCHIVÉ – Notes en vue d’une allocution de l’honorable Jason Kenney, C.P., député, ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme

Lors d’une activité pour annoncer la création d’un prix spécial d’excellence pour l’éducation sur l’Holocauste

Toronto (Ontario)
le 27 janvier 2013

Tel que prononcé

C’est un immense privilège de me retrouver parmi vous pour célébrer la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, instituée il y a quelques années par l’Organisation des Nations Unies. Il lui aura fallu assez longtemps, mais fort heureusement, il s’agit d’une commémoration internationale. Et c’est une journée qui coïncide avec la date anniversaire de la libération des camps d’Auschwitz et Birkenau.

Comme je l’ai mentionné lors d’un événement qui a eu lieu plus tôt dans la journée, la conférence annuelle de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste à l’Université de Toronto coparrainée par le UJA Centre for Holocaust Education, je me trouvais effectivement à Auschwitz-Birkenau la première année de cette journée internationale annuelle – il y a quatre ans, à l’occasion du 65e anniversaire de la libération des camps. C’était une journée particulièrement glaciale, où il faisait environ -35 degrés, et je n’oublierai jamais la vue de ces survivants octogénaires emmitouflés pour se protéger de l’hiver glacial polonais – et se retrouvant dehors, mettant sans doute leur santé en péril, mais tenant absolument à revenir sur les lieux de l’enfer sur Terre. Et je n’oublierai jamais la vue de ces gens, avec leur courage indomptable, tenant à revenir en ce lieu pour se rappeler la mémoire des victimes.

Cela a éclairé d’un jour nouveau ce qui est trop souvent un cliché sur notre devoir de mémoire. L’histoire du Canada et son rapport avec l’Holocauste sont relativement lointains, tout en demeurant très réels. Grâce aux recherches de Irving Abella et de Harold Troper, nous savons que le Canada avait une politique de « aucun, c’est encore trop » à l’égard des réfugiés juifs européens avant d’entrer dans la guerre : une histoire peu glorieuse d’antisémitisme quasi officiel. S’il vous est arrivé de lire les documents d’archive, c’est une conclusion à laquelle parviendrait toute personne douée de raison. Le rejet délibéré des réfugiés juifs européens avant et durant la guerre a été motivé dans une certaine mesure par le reflet d’un antisémitisme populaire à peine latent.

En tant que Canadiens, nous célébrons constamment notre modèle de pluralisme, ce que nous appelons multiculturalisme. Nous nous percevons comme une incarnation des droits de la personne. Il est vrai que nous sommes un chef de file de la protection des réfugiés et de leur réinstallation. Malgré la véracité de tous ces éléments, il n’en a pas toujours été ainsi. Et il est d’une importance cruciale que nous entendions les voix des survivants et de leurs enfants et que nous confrontions les preuves tangibles. Et nous le faisons à une époque où dans le monde et, même ici au Canada, nous constatons des signes de réapparition de l’ancien antisémitisme, et ce qui est sans doute encore plus inquiétant, d’une forme virulente et violente d’un nouvel antisémitisme.

C’est pourquoi le gouvernement canadien attache autant d’importance à la mémoire des victimes de l’Holocauste, à l’enseignement et à la recherche dans ce domaine, en commençant par reconnaître sa politique d’exclusion des Juifs avant et pendant la guerre. Avec le concours du Congrès juif canadien, nous avons érigé un monument national à la mémoire des passagers du NM St. Louis, 843 passagers qui se sont vu interdire l’entrée du port d’Halifax par le gouvernement du Dominion en 1938 après s’être heurtés au même refus à Cuba et à Miami, ce qui symbolise de manière très concrète l’antisémitisme tacite de la politique d’immigration du Canada à l’époque.

Nous avons donc érigé un monument national à la mémoire des passagers du St. Louis au nouveau Musée canadien de l’immigration sur le quai 21 à Halifax. Nous avons investi une importante somme d’argent, plus de 100 millions de dollars, dans la construction du Musée national des droits de la personne à Winnipeg, dont le mandat essentiel est bien entendu la célébration de la Shoah. Nous avons contribué à la création de centres d’enseignement des réalités de l’Holocauste dans tout le pays. Nous avons participé à des recherches dans ce domaine, pour tenter de réparer la politique d’exclusion que nous suivions avant et durant la guerre. Nous avons investi plusieurs millions de dollars dans des projets de recherche, dont certains sont dirigés par B’nai B’rith à l’Université de Toronto, sur la politique d’exclusion.

Mais surtout, nous avons pavé la voie à l’adhésion du Canada à ce qui était alors le Groupe de coopération internationale pour la recherche sur l’Holocauste, l’enseignement de ses réalités et la perpétuation de sa mémoire que l’on appelle aujourd’hui l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste. Cela fait maintenant quatre ans que le Canada est membre de cette alliance et je suis heureux de vous annoncer que le Canada, à compter du mois de mars de cette année, assumera la présidence de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, sous la direction fort compétente de M. Mario Silva.

Nous avons demandé à assurer cette présidence pour traduire notre leadership grandissant en tant que pays prêt à mettre ses propres intérêts en péril pour dénoncer en toute honnêteté et franchise l’émergence d’un nouvel antisémitisme dans le monde. Nous pensons que l’enseignement des réalités de l’Holocauste est un antidote indispensable à la propagation de cette forme virulente d’antisémitisme. Et nous sommes convaincus que l’Alliance internationale est un vecteur essentiel pour administrer cet antidote, en échangeant des pratiques exemplaires dans le monde entier, mais également en multipliant le nombre de pays qui prennent au sérieux l’enseignement, la commémoration et la recherche sur l’Holocauste.

J’espère notamment qu’au printemps prochain, je pourrai me rendre en Ukraine avec M. Silva pour instamment prier ce pays d’adhérer à l’Alliance internationale, car je pense que certains de nos amis d’Europe de l’Est, comme l’Ukraine, ont besoin d’un peu d’aide et d’encouragements pour tenter de se réconcilier avec leur propre histoire durant l’Holocauste.

Par ailleurs, il y a des pays où l’on constate cette nouvelle forme d’antisémitisme et qui ont désespérément besoin de tirer les leçons de la Shoah. De fait, j’étais récemment en Turquie, où j’ai eu une rencontre avec la communauté juive d’Istanbul, qui nous a supplié d’accélérer l’adhésion de la Turquie à l’Alliance internationale. Compte tenu des rapports complexes qui existent aujourd’hui entre la Turquie et Israël, cette communauté tient désespérément à ce que l’on adopte dans le cursus scolaire un programme d’enseignement des réalités de l’Holocauste, pour que les jeunes garçons et filles qui fréquentent l’école en Turquie aujourd’hui et demain sachent qu’il y a eu un Holocauste, et qu’ils comprennent alors peut-être la raison d’être de l’État d’Israël.

Voilà certains des efforts que nous déployons pour montrer l’exemple ici même au Canada et dans le monde entier. Je tiens à remercier et à reconnaître les brillantes recherches de Yad Vashem et de ses Amis canadiens qui ont vraiment montré l’exemple et qui ont été le pilier ici même au Canada de l’enseignement des réalités de l’Holocauste et de la commémoration de ses victimes. Les travaux que Fran et vous tous avez réalisés sont inestimables sur le plan de l’engagement que vous avez pris, des fonds que vous avez recueillis à l’appui de Yad Vashem et de ses programmes de recherche et de formation des enseignants et de tout ce que fait cet organisme, non seulement en Israël, mais également pour que cela trouve un écho utile au Canada, dans nos écoles, chez nos jeunes et dans notre société civile.

Ainsi, au nom du gouvernement du Canada, permettez-moi de remercier tous les administrateurs, les volontaires, les donateurs, les employés et tous les Amis canadiens de Yad Vashem du leadership dont ils ont fait preuve. Cela est tout à fait remarquable, et est partiellement attribuable au fait que même si nous avons connu cette terrible histoire d’antisémitisme tacite avant et pendant la guerre, le Canada s’est en quelque sorte racheté après la guerre, en ouvrant toutes grandes ses portes de terre d’asile à des dizaines de milliers de survivants de l’Holocauste et à leurs enfants, pour devenir, après Israël et les États-Unis, la plus grande terre d’accueil des survivants de l’Holocauste.

La majorité d’entre eux se sont d’ailleurs établis ici à Toronto, dans ce quartier même de la ville. Nous nous trouvons donc au cœur même de l’une des communautés de survivants de l’après-guerre dans le monde. Et c’est leur présence, leur témoignage digne et silencieux qui nous incite à en faire encore plus. C’est pourquoi j’ai le plaisir d’annoncer que, dans le cadre des multiples activités que nous parrainerons durant l’année où le Canada assurera la présidence de l’Alliance internationale, et conjointement avec l’Alliance, nous créerons un prix d’excellence pour l’éducation sur l’Holocauste.

Avec ce prix unique, le gouvernement du Canada ne cherche pas seulement à sanctionner l’excellence, mais également à promouvoir l’enseignement, les pratiques exemplaires et l’échange d’idées novatrices sur l’Holocauste. Le lauréat de ce prix recevra 5 000 $, qu’il devra réinvestir dans l’éducation sur l’Holocauste dans son école. Quant aux trois finalistes, leurs documents pédagogiques seront publiés sur le site Web de Citoyenneté et Immigration Canada à titre de ressource pour d’autres enseignants et éducateurs.

Quiconque s’intéresse à ce prix d’excellence pourra obtenir des précisions sur les mises en candidature et les modalités de sélection sur le site Web de mon Ministère, et je tiens à préciser que nous accepterons les candidatures jusqu’au 15 mai. J’invite les enseignants à se porter eux-mêmes candidats, ou à présenter la candidature de tout autre enseignant qu’ils connaissent et qui se voue à l’enseignement des réalités de l’Holocauste et dont les principes et les méthodes d’enseignement ont des répercussions incommensurables sur les étudiants. Il ne s’agit que d’un projet restreint parmi tant d’autres que nous lancerons cette année alors que nous assurons la présidence de l’Alliance, et tous ces projets se dérouleront en collaboration avec les Amis canadiens de Yad Vashem.

À nouveau, en cette journée commémorative, tandis que nous évoquons le plus grand crime de l’humanité, n’oublions pas de nous laisser inspirer par les symboles d’espoir que sont les survivants. Même si la vie de beaucoup d’entre eux, dans le silence et dans l’angoisse, a été tourmentée et pleine de douleur pour tenter de comprendre cette expérience inimaginable, ils symbolisent pour le Canada, depuis maintenant près de six décennies, la présence de gens dont la dignité et le courage n’ont pas d’égal.

Aujourd’hui donc, nous les remercions de leur témoignage et nous les invitons à se prévaloir de la présidence par le Canada de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste pour renouveler l’engagement pris par le Canada d’être un chef de file de la dignité humaine et un ennemi de la forme la plus ancienne et la plus pernicieuse de haine de toute l’histoire de l’humanité, l’antisémitisme. Merci de votre attention.

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