La carrière criminelle d’agresseurs en contexte conjugal : généralistes ou spécialistes?

Par Frédéric Ouellet, Ph.D.
École de criminologie, Université de Montréal
Centre International de Criminologie Comparée
Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal

Avec la collaboration de :
Arthur Nouvian, B.Sc., École de criminologie, Université de Montréal
Elise Soulier, M.Sc., École de criminologie, Université de Montréal
Valérie Thomas, M.Sc., Cégep régional de Lanaudière à L'Assomption

8 février 2021

Les opinions exprimées dans le présent document sont celles de l'auteur(e) ou des auteur(e)s et ne reflètent pas nécessairement celles d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ou du Gouvernement du Canada.

Table des matières

Résumé

Des études sur les carrières criminelles menées dans plusieurs pays montrent que de nombreux délinquants impliqués dans de la violence conjugale ne se spécialisent pas uniquement dans ce type d’infraction. Certains travaux empiriques mettent en évidence que les délinquants qui commettent de graves et fréquentes agressions en contexte familial et plus précisément en contexte conjugal sont également plus susceptibles de se livrer à d'autres types de comportements violents et criminels. Ce rapport de recherche s’intéresse à cette question en cherchant à savoir si les individus reconnus coupables de violence conjugale au Canada sont également impliqués dans d'autres types de comportements violents et criminels à l’extérieur du contexte conjugal. Pour répondre à cette question, la présente étude s’appuie sur des entretiens réalisés entre 2018 et 2020 auprès de 121 conjoints violents judiciarisés (sentences provinciales). La majorité des délinquants qui ont participé à ces entretiens ne sont pas limités à de la violence conjugale, mais se sont diversifiés dans d’autres crimes. Ce constat s'observe sur l’ensemble de la carrière criminelle ou à l’intérieur d’une période fenêtre récente. L’examen détaillé de la carrière criminelle durant une période fenêtre de trois ans précédant l’incarcération en cours montre que dans bien des cas, la nature des délits commis à l’extérieur du contexte conjugal est vaste et que ces crimes sont commis fréquemment. Plus de la moitié des délinquants avaient commis au moins un crime pouvant entraîner des lésions corporelles sur une personne à l’extérieur de la famille et près du tiers avaient perpétré un acte pouvant occasionner des lésions corporelles graves. En contexte conjugal, c’est l’ensemble des délinquants qui avaient commis des gestes associés à des lésions corporelles. La violence conjugale perpétrée par ces délinquants prenait différentes formes. Elle était diversifiée, fréquente ou intense, et les conduites plus graves pouvant entraîner des blessures étaient récurrentes. Les caractéristiques individuelles des délinquants et celles de leur carrière criminelle suggèrent qu’il s’agit d’individus qui s’apparentent aux délinquants chroniques et persistants qui sont décrits chez plusieurs auteurs en criminologie. Ces individus sont reconnus pour commettre un nombre de crimes plus important, donc nécessitent une intervention soutenue, et ils mobilisent davantage de ressources. Il y a donc un intérêt réel à identifier ces individus.

Mots clés :

Violence conjugale; crime violent; lésions corporelles; carrière criminelle; délinquants; données autorévélées; données officielles.

Sommaire exécutif

Le présent rapport fait état d’une analyse de la carrière criminelle officielle et autorévélée d’individus reconnus coupables de violence familiale, mais plus précisément de la sous-catégorie correspondante à la violence conjugale. Une attention particulière est accordée à l’observation des conduites violentes commises en contexte conjugal, mais aussi aux comportements violents et aux autres crimes que ces délinquants auraient pu commettre à l’extérieur du contexte conjugal. L’objectif général est de savoir si les individus reconnus coupables de violence conjugale au Canada sont également impliqués dans d'autres types de comportements violents et criminels à l’extérieur du contexte conjugal. Ce rapport de recherche s’appuie des données officielles et autorévélées colligées dans le cadre d’un projet s’intéressant aux trajectoires délictuelles et aux processus de passage à l’acte de délinquants ayant perpétré des violences en contexte conjugal. Les analyses portent sur des entretiens qui ont été réalisés entre 2018 et 2020 auprès de 121 conjoints violents judiciarisés (sentences provinciales). Six établissements de détention provinciaux du Québec (sentence de moins de deux ans) ont été sollicités et ont participé au recrutement des délinquants.

Le portrait de la carrière criminelle comprenait un examen de la participation criminelle (officielle et autorévélée), de l’âge au premier crime, de la nature des délits commis, de la diversification criminelle, de la fréquence des délits commis. Pour terminer, des analyses supplémentaires ont été réalisées afin d’examiner les caractéristiques des délinquants, mais aussi afin d’identifier ceux qui seraient le plus enclins à commettre des délits violents graves.

Voici le sommaire des résultats obtenus selon les objectifs spécifiques formulés :

Objectif A : la participation criminelle.

Objectif B : paramètres de la violence conjugale, l’âge au premier crime, la nature des délits, la diversification criminelle et la fréquence des crimes commis.

Violence conjugale

Crime hors du contexte conjugal

Objectif C : caractéristiques des délinquants et prédiction des conduites violentes graves.

Les résultats de ce rapport de recherche tendent à montrer que pour les délinquants qui commettent de la violence conjugale, cette forme de violence n’est que la résultante et la projection d’autres types de crimes commis en dehors du foyer. Ces éléments corroborent ainsi la notion de généralisation des crimes et soulignent l’importance de considérer l’historique criminel des auteurs de violence conjugale. Il est donc possible de suggérer que la violence conjugale n’est qu’une manifestation d’une variété de conduites criminelles. Les violences conjugales font alors souvent partie d’une constellation plus large de comportements antisociaux. Il est ainsi recommandé d’intervenir avec rigueur sur les individus qui affichent une délinquance chronique, ceci permettant notamment de réduire la prévalence et la commission de violence entre partenaires.

Ainsi, il est difficile de croire que les conduites violentes des délinquants rencontrés ne s’étendent pas à d’autres relations intimes, donc à d’autres formes de violence familiale. D’ailleurs, les études qui ont porté sur le lien entre les violences conjugales et d’autres formes de violence familiale montrent que dans de nombreuses situations, les violences se présentent de manière concomitante au sein d’une même famille. Il serait alors souhaitable d’adopter une analyse globale du phénomène qui permet de rendre compte de sa complexité et d’étudier davantage les liens complexes entre les violences dans le cadre de relations intimes.

Glossaire

Agression sexuelle : « voies de fait commises dans des circonstances de nature sexuelle telles qu’il y a atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime » (Code criminel, 1985).

Autres crimes (criminalité lucrative) : crimes acquisitifs et crimes de marché.

Cambriolage (introduction par effraction) : « s’introduire en un endroit par effraction et y commettre un acte criminel ou avec l’intention d’en commettre un; sort d’un endroit par effraction soit après y avoir commis un acte criminel, soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel » (Code criminel, 1985).

Contrebande : « omettre d’apposer une marque […], sur des marchandises importées; de marquer des marchandises importées d’une manière trompeuse de façon à induire une autre personne en erreur quant au pays ou à la zone géographique d’origine des marchandises; avec l’intention de dissimuler des renseignements, de causer la détérioration d’une marque apposée, conformément aux règlements pris en vertu du paragraphe 19(2) du Tarif des douanes, sur des marchandises importées, de la détruire, de l’enlever, de l’altérer ou de l’oblitérer ». (Code criminel, 1985).

Crimes acquisitifs : vol qualifié, cambriolage, vol de véhicule moteur, vol, fraude, délinquance d’affaires.

Crimes de marché : vente et distribution de drogue, contrebande, prêt usuraire, paris illégaux, marché relié au sexe, recel et autres crimes de marché.

Crimes violents : voies de fait simples ; voies de fait armées ou avec lésions ; menaces ou extorsions ; agressions sexuelles ; homicides ; autres crimes violents.

Délinquance d’affaire : renvoie généralement à des violations explicites de la loi mais elle peut inclure également des pratiques à la limite du droit, qui consistent à tirer parti du flou d'un règlement, à mettre en concurrence plusieurs systèmes normatifs ou à bénéficier d'une exemption négociée préalablement (Spire, 2013; p.10).

Délinquant généraliste : un délinquant généraliste commet différentes infractions à travers le temps, sans aucune propension à poursuivre un acte criminel ou un modèle d'actes criminels spécifiques (Baker et al., 2013).

Délinquant spécialiste : un délinquant spécialisé a plus tendance à répéter le même crime ou l'infraction au fil du temps (Baker et al., 2013).

Fraude : « Par supercherie, mensonge ou autre moyen trompeur, frustrer le public ou toute personne, déterminée ou non, de quelque bien, service, argent ou valeur. Sous cette appellation sont regroupées entre autres, les fraudes par carte de service, par chèque, par obtention frauduleuse de gîte, nourriture ou transport, par supposition de personne, par fausses réclamations aux gouvernements ou aux assurances, par télémarketing, par ordinateur, par délit d’initié, par manipulation d’opérations boursières, etc. » (Code criminel, 1985).

Homicide : « Sous cette appellation générale sont regroupées les infractions suivantes : meurtre au premier degré (meurtre prémédité) ; meurtre au deuxième degré (meurtre non prémédité) ; homicide involontaire coupable (meurtre réduit parce que la personne qui l’a commis a ainsi agi dans un accès de colère causé par une provocation soudaine); infanticide (acte ou omission involontaire d’une personne du sexe féminin qui a pour effet de causer la mort de son enfant nouveau-né) » (Code criminel, 1985).

Lésions corporelles : « blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d’une personne et qui n’est pas de nature passagère ou sans importance » (Code criminel, 1985).

Marché relié au sexe : « le proxénétisme est le fait d’entraîner, de solliciter, d’encourager ou de forcer quelqu’un à se livrer à la prostitution aux fins de gain, y compris le fait de vivre des produits de la prostitution » (Code criminel, 1985).

Menaces ou extorsions : « Proférer, transmettre ou faire recevoir par une personne, de quelque façon, une menace : de causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un; de brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles; de tuer, empoisonner ou blesser un animal qui est la propriété de quelqu’un. Sans justification ou excuse raisonnable et avec l’intention d’obtenir quelque chose, par menaces, accusations ou violence, induire ou tenter d’induire une personne, que ce soit ou non la personne menacée ou accusée, ou celle contre qui la violence est exercée, à accomplir ou à faire accomplir quelque chose. » (Code criminel, 1985)

Paris illégaux : « Quiconque tient une maison de jeu ou une maison de pari est coupable : a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de deux ans; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Quiconque est trouvé, sans excuse légitime, dans une maison de jeu ou une maison de pari; en qualité de possesseur, propriétaire, locateur, locataire, occupant ou agent, permet sciemment qu’un endroit soit loué ou utilisé pour des fins de maison de jeu ou de pari. » (Code criminel, 1985)

Prêt usuraire : « Le "prêt usuraire" ou " prêt à usure" est officiellement reconnu au Canada comme une infraction au Code criminel lorsque le taux d'intérêt effectif exigé (comprenant tous frais et pénalités de retard) excède un taux annuel de 60 %. Malgré toute autre loi fédérale, quiconque conclut une convention ou une entente pour percevoir des intérêts à un taux criminel ou perçoit, même partiellement, des intérêts à un taux criminel est coupable. » (Code criminel, 1985)

Recel : « Quiconque, sans excuse légitime, produit, a en sa possession, vend ou offre en vente, importe, obtient en vue de l’utiliser, écoule ou rend accessible un dispositif conçu ou adapté principalement pour commettre une infraction […] sachant que le dispositif a été utilisé pour commettre une telle infraction ou est destiné à cette fin. » (Code criminel, 1985)

Vente et distribution de drogue : « le trafic de stupéfiants se définit comme étant le fait de vendre, donner, administrer, transporter, expédier ou encore livrer une des drogues ». (Code criminel, 1985)

Violence conjugale : La violence conjugale est définie comme étant une forme de violence spécifique, interpersonnelle, et caractérisée par l’existence d’un lien d’intimité entre l’auteur et la victime, toute orientation sexuelle confondue. Elle comprend des manifestations de violence (qui peuvent être psychologiques, verbales, économiques, physiques ou sexuelles) au sein des couples mariés ou non ; des couples vivant ensemble ou non ; des couples en relation, en période de séparation ou qui ont déjà rompu. Le plus souvent exercée en tant que comportement coercitif avec l’intention de contrôler son partenaire intime, la violence conjugale intègre les violences de types physiques, sexuelles et/ou psychologiques (Jaquier et Guay, 2013), ainsi que le « stalking » (Gover, 2011). Le Code criminel ne prévoit pas spécifiquement d’infraction de violence conjugale.  La notion de violence conjugale criminelle réfère au contexte dans lequel les actes criminels sont perpétrés et à la nature des liens existants entre l’auteur et la victime.

Violence familiale : Les comportements violents qui peuvent être inclus dans une définition de la violence familiale sont vastes. Les travaux empiriques ont porté une attention plus particulière sur la violence physique, sexuelle et verbale, et sur les mauvais traitements psychologiques, l'exploitation financière et la négligence pouvant survenir dans des relations de parenté ou d’intimité. Selon Barnett et ses collègues (2005), la nature de la relation qui unit l’agresseur et la victime peut amener à faire des sous-catégories de violence familiale : la violence conjugale, la violence des parents à l’égard de leurs enfants, la violence des enfants envers leurs parents ou proches âgés, ainsi que la violence dans la fratrie.

Voies de fait simples : « Se livrer à une attaque ou une agression, selon le cas : d’une manière intentionnelle, en employant la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement; en tentant ou menaçant, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein; en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie. » (Code criminel, 1985)

Voies de fait armées ou avec lésions (niveau 2 et 3) : « porter, utiliser ou menacer d’utiliser une arme ou une imitation d’arme ou infliger des lésions corporelles en se livrant à des voies de fait); blesser, mutiler ou défigurer une personne ou mettre sa vie en danger en se livrant à des voies de fait) ». (Code criminel, 1985)

Vol : « Commet un vol quiconque, ayant reçu, soit seul, soit conjointement avec une autre personne, de l’argent ou une valeur ou une procuration l’autorisant à vendre des biens meubles ou immeubles, avec instructions d’affecter à une fin ou de verser à une personne que spécifient les instructions la totalité ou une partie de cet argent ou la totalité ou une partie du produit de la valeur ou des biens, frauduleusement et en violation des instructions reçues affecte à une autre fin ou verse à une autre personne l’argent ou le produit, ou toute partie de cet argent ou de ce produit. » (Code criminel, 1985)

Vol de véhicule moteur : « Quiconque commet un vol est, si l’objet volé est un véhicule à moteur. » (Code criminel, 1985)

Vol qualifié (braquage) : « Voler et, pour extorquer la chose volée ou empêcher ou maîtriser toute résistance au vol, employer la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens; voler quelqu’un et, au moment du vol, ou immédiatement avant ou après, blesser, batttre ou frapper cette personne ou se porter à des actes de violence contre elle; se livrer à des voies de fait sur une personne avec l’intention de la voler; voler une personne en étant muni d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme. » (Code criminel, 1985)

Introduction

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) évalue les risques de violence familiale dans le contexte de l’immigration au Canada dans le but d’améliorer les politiques visant à prévenir la violence familiale et à mieux protéger les personnes parrainées dans la catégorie du regroupement familial. Cette approche s’arrime à l’un des objectifs de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, celui de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne. Elle s’inscrit aussi dans le cadre des mesures mises en place par le Gouvernement du Canada pour protéger les personnes vulnérables, dont la Stratégie du gouvernement fédéral du Canada établie en 2017 pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe.

Il n'existe pas de consensus quant à la définition de la violence familiale. Les comportements violents qui peuvent être inclus dans une définition de la violence familiale sont vastes. Les travaux empiriques ont porté une attention plus particulière sur la violence physique, sexuelle et verbale, et sur les mauvais traitements psychologiques, l'exploitation financière et la négligence pouvant survenir dans des relations de parenté ou d’intimité. Selon Barnett et ses collègues (2005), la nature de la relation qui unit l’agresseur et la victime peut amener à faire des sous-catégories de violence familiale : la violence conjugale, la violence des parents à l’égard de leurs enfants, la violence des enfants envers leurs parents ou proches âgés, ainsi que la violence dans la fratrie. Le présent rapport porte plus particulièrement sur les auteurs de violence conjugale puisqu’il s’agit d’une catégorie de violence familiale répandue et une des mieux bien documentée, et que les données ayant servi au présent rapport étaient limitées pour l’étude des autres sous-catégories de violence familiale. Néanmoins, la fin de ce rapport reviendra aux autres types de violences familiales en faisant des liens entre les résultats de ce rapport et ces autres types de violence.

La violence conjugale est définie comme étant une forme de violence spécifique, interpersonnelle, et caractérisée par l’existence d’un lien d’intimité entre l’auteur et la victime, toute orientation sexuelle confondue. Elle comprend les actes de violence au sein des couples mariés ou non ; des couples vivant ensemble ou non ; des couples en relation, en période de séparation ou qui ont déjà rompu. Le plus souvent exercée en tant que comportement coercitif avec l’intention de contrôler son partenaire intime, la violence conjugale intègre les violences de types physiques, sexuelles et/ou psychologiques (Jaquier et Guay, 2013), ainsi que le « stalking » (Gover, 2011).

D’un point de vue mondial, le Sondage international sur les violences envers les femmes (Intimate Violence Against Women Survey), réalisé dans 11 pays à travers le globe, indique qu’en moyenne 15% des femmes subissent une forme de violence de la part d’un partenaire au cours de leur vie (Johnson, Ollus et Nevala, 2008). Au sein de cette étude, le pays rapportant le plus haut taux de violence conjugale est le Mozambique avec 40%, et celui rapportant le plus bas est la Suisse avec près de 10%.

Si on observe la violence conjugale subie tant par les hommes que les femmes, aux États-Unis, 11% de la population rapporte avoir déjà subi de la violence physique de la part d’un partenaire intime au cours de sa vie (Klevens, Simon et Chen, 2012). Ces chiffres varient légèrement d’une étude à l’autre. Ainsi, en étudiant un échantillon de 70 000 personnes, Breiding, Black et Ryan (2008) montrent qu’approximativement 20% des femmes américaines et 11% des hommes américains ont été agressés physiquement par un partenaire au cours de leur vie ou le sont toujours. De ce fait, on déplore chaque année environ 1 200 décès liés à la violence conjugale aux États-Unis, en plus de compter 2 millions de femmes et 600 000 hommes blessés par un conjoint ou un ex-conjoint (Center for Disease Control and Prevention, 2003). Cependant, l’ampleur de ce phénomène reste très difficile à estimer. En effet, le silence des victimes reste un frein majeur à l’évaluation de la prévalence de la violence conjugale, et on estime qu’en moyenne, les deux tiers de ces violences ne sont pas portés à la connaissance des autorités policières ou judiciaires (Johnson, Ollus et Nevala, 2008).

Pour le cas spécifique du Canada, l’enquête sociale générale (ESG) canadienne indique que dans les douze mois précédents leur participation à l’enquête, 1,8% des femmes et 1,8% des hommes disent avoir été victimes de violence de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint (Laroche, 2007). Malgré cette parité dans les données autorévélées, les données policières rapportent une proportion plus élevée de femmes victimes. En 2007, plus de 40 000 incidents de violence conjugale sont présents dans les statistiques de la police canadienne, dont plus de 80% touchaient des victimes de sexe féminin (Ministère de la Justice, 2010). Il est donc possible que les hommes victimes de violence conjugale ne rapportent pas ces incidents à la police et déposent moins de plaintes formelles.

Les études présentées précédemment font état d’un phénomène d’envergure majeur engendrant de nombreuses victimes au sein de populations et de cultures différentes, et les conséquences de la violence conjugale se font ressentir sur les plans individuel et sociétal. Ainsi, d’un point de vue économique, aux États-Unis, en 2003, on estime à 5,8 milliards de dollars les coûts engendrés par la violence conjugale pour les soins médicaux et la perte de travail (Center for Disease Control and Prevention, 2003). Au Canada, à partir d’un échantillon de 309 Canadiennes ayant quitté un conjoint violent dans les 20 mois précédents, Varcoe et al. (2011) estiment les coûts engendrés par la violence conjugale (secteurs public et privé confondus) à plus de 13 162$ par femme. Cela se traduit par un coût annuel national de 6,9 milliards de dollars pour les femmes âgées de 19 à 65 ans ayant quitté un partenaire violent.

De plus, les victimes de violences conjugales, vivant quotidiennement dans la peur (Belknap et Sullivan, 2002), présentent de nombreux problèmes de santés, notamment sur le plan psychologique et comportemental. Ainsi, on recense : dépression, anxiété, trouble post-traumatique, de l’alimentation, et du sommeil, mais également, comportements d’automutilations, d’abus de substances, d’évitement et comportements sexuels à risque (Barnett, 2000 ; Coker et al., 2002 ; Ellsberg et al., 2008 ; Leserman et Drossman, 2007, Herman, 1992). S’ajoutent à cela des problèmes de santé physique récurrents chez les victimes, tels que des migraines, des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou encore des maladies chroniques (Brewer, Roy et Smith, 2010 ; Coker et al, 2002).

L’ampleur du phénomène et les coûts engendrés par ce dernier en font un problème de santé publique majeur. Certaines victimes se retrouvent à conjuguer partenaire intime et violence au quotidien durant plusieurs années de leur vie. Les travaux empiriques relèvent également que les individus qui commettent des violences conjugales sont aussi reconnus pour commettre un nombre de crimes important à l’extérieur du contexte conjugal, donc ces individus nécessitent une intervention soutenue et mobilisent davantage de ressources. Il y a donc un intérêt à identifier ces individus. Or, il existe très peu d’études canadiennes qui se sont efforcées à dresser le profil criminel des agresseurs conjugaux. Sont-ils effectivement des généralistes dans leur carrière criminelle ? Ce rapport de recherche vise à décrire les trajectoires d’agresseurs conjugaux canadiens, et ce à partir du point de vue des agresseurs eux-mêmes. Avant de passer à l’analyse de ces trajectoires, il est proposé de jeter un regard sur les travaux concernant ces délinquants, pour ensuite délimiter les objectifs qui sont poursuivis, ainsi que la méthodologie derrière la recherche ici proposée.

Recension des écrits

Tout au long de cette recension des écrits, il s’agira de comprendre ce qui mène les agresseurs à commettre de la violence conjugale, en accordant une attention particulière à la carrière criminelle de ceux-ci. Plus précisément, il s’agit d’examiner les différentes trajectoires de ces délinquants et d’analyser les diverses formes de criminalité présentes au sein de leur parcours. Dans un premier temps, on observera les facteurs de risques permettant de prédire le passage à l’acte criminel dans le cas de la violence conjugale, pour ensuite examiner la carrière criminelle, et ultimement scruter les recherches empiriques afin de savoir si les auteurs de violence conjugale commettent d’autres types de crimes violents.

Facteurs de risques et circonstances

En criminologie, les circonstances et les facteurs de risques ou de vulnérabilité constituent des sujets d’étude privilégiés pour prédire le passage à l’acte criminel. Les circonstances et les facteurs de risques ou de vulnérabilité quant aux violences conjugales restent partiels et se sont essentiellement cristallisés par le modèle de la violence conjugale masculine, bien que la recherche actuelle tende à corriger ce biais en étudiant la violence conjugale féminine ou sans identification de genre. Ainsi, les écrits empiriques ont ciblé des facteurs contextuels et individuels qui semblent favoriser un agir violent au sein de la relation amoureuse. Bien que certaines recherches évoquent des circonstances augmentant la vulnérabilité et la victimisation, le but ici poursuivi est de comprendre quelles sont les caractéristiques qui influencent le passage à l’acte violent dans les relations amoureuses, soit ce qui entoure la prise de décision. À la lumière des écrits sur le sujet, il est possible d’identifier des facteurs personnels, relationnels, et contextuels qui permettent d’expliquer ou de prédire le comportement violent entre partenaires intimes.  

Aux niveaux personnel et relationnel, un enfant ou un adolescent témoin de violence conjugale sera plus à même de reproduire ce comportement dans ses futures relations, ce que Straus et Gelles (1990) appellent la transmission intergénérationnelle de la violence. Plusieurs auteurs identifient les comportements délinquants ou antisociaux pendant l’adolescence comme étant un facteur de risque important dans les violences conjugales au début de l’âge adulte (Capaldi et al., 2012 ; Costa et al, 2015). Moffitt et al. (2000) identifient également que les individus qui commettent des agressions physiques avant l’âge de 15 ans sont plus susceptibles de commettre de la violence conjugale, et que les personnes atteintes de troubles mentaux graves présentent également un plus haut risque de passage à l’acte.

En examinant de façon longitudinale les crimes et la délinquance de 411 hommes nés dans les années 1950 dans un quartier de Londres (Cambridge Study in Delinquant Development), certains auteurs montrent que des facteurs familiaux (p. ex. une mauvaise éducation, des conflits parentaux, et de faibles revenus familiaux) augmentent le risque de violence conjugale de façon indirecte puisque cet environnement favorise les comportements antisociaux à l’adolescence (Lussier, Farrington et Moffitt, 2009). La présence d’un déficit neurologique (faible QI verbal à l’âge de 10 ans) joue un rôle plus direct dans cette relation (Lussier, Farrington et Moffitt, 2009). En examinant les entrevues réalisées à 32 et à 48 ans au sein de ce même échantillon, Theobald et Farrington (2012) se concentrent sur la précision des prédictions de certains facteurs explicatifs. Ils trouvent que les facteurs familiaux (père criminel, famille perturbée, faible supervision et problèmes relationnels avec les parents) et que les facteurs individuels (impopularité, audace, impulsivité, tendance agressive et faible QI verbal) prédisent de futures violences conjugales. Piquero, Theobald et Farrington (2014) ajoutent que ces facteurs de risques durant la petite enfance sont reliés aux comportements criminels violents et à la violence conjugale, mais qu’ils ne contribuent pas à l’explication de ces violences.

Certains traits de personnalités sont corrélés avec la commission de violence conjugale. On y compte la colère et la faible estime de soi, ainsi que les troubles de la personnalité antisociale et de la personnalité limite (Dutton, 1998). On retrouve aussi, en tant que facteur externe, la consommation d’alcool, qui s’avère être un trait récurrent chez les auteurs de violence conjugale (Riggs, Caufield et Street, 2000).

Au niveau des facteurs contextuels, la population jeune est surreprésentée dans les écrits sur le sujet. En effet, Moffitt et al. (2000) rapportent que la violence entre partenaires intimes est fortement liée à la cohabitation à un jeune âge entre les partenaires, à l’abandon des études, au fait de devenir parent à un jeune âge, à la pauvreté et à l’adversité familiale. Également, les couples de jeunes subiraient plus de pressions personnelles et professionnelles que leurs aînés, ce qui favoriserait l’apparition de conflits (Godenzi et al., 2001). De surcroît, le mariage pourrait jouer un rôle dans la commission de violences conjugales. Pour certains, les auteurs de violences conjugales seraient moins à même de perpétrer de tels actes lorsqu’ils sont mariés (Akers et Keukinen, 2009), tandis que pour d’autres, cette variable apparaît comme étant non significative (Richards et al., 2012).

Néanmoins, le facteur de risque principal omniprésent dans les écrits apparaît être la commission de crimes au sens général, notamment de crimes violents. En effet, les personnes impliquées dans des comportements antisociaux ou criminels persistants ou sérieux présentent un risque particulièrement accru de perpétrer des violences conjugales. En Nouvelle-Zélande, Woodward et al. (2002) ont mesuré les comportements antisociaux de 495 jeunes de 8 à 21 ans et ont remarqué que ceux manifestant un comportement antisocial persistant et précoce affichent un risque plus élevé de s’engager dans des violences conjugales. Avec la Dunedin Multidisciplinary Health and Development Study, Moffitt et al. (2002) ont suivi une cohorte de 477 individus de la naissance jusqu’à leurs 26 ans. Ils ont montré que les jeunes présentant un modèle persistant de comportements antisociaux graves pendant l’adolescence étaient plus susceptibles d’avoir commis des violences conjugales à 26 ans et d’être condamnés par un tribunal pour violence à l’égard des femmes, par rapport à ceux qui ont montré des comportements antisociaux normatifs. En Angleterre, Piquero et al. (2014) montrent que sur un échantillon de 411 hommes (ceux de l’étude Cambridge Study in Delinquant Development), les deux groupes engagés dans un comportement de délinquance chronique (mesuré alors qu’ils sont âgés 10 à 40 ans) affichent un risque plus élevé de commettre des violences conjugales physiques pendant le jeune âge adulte. Finalement aux États-Unis, Herrenkohl et al. (2007) examinent l’association entre les modèles de violence à l’adolescence (13-18 ans) et la commission de violence conjugale à 24 ans chez 644 individus. En identifiant quatre groupes de trajectoires différentes, ils observent que ceux qui commettent des violences chroniques sont plus susceptibles de déclarer des violences conjugales par rapport aux groupes de non-délinquants et de délinquants désistés.

Ainsi, les études longitudinales présentées ici montrent que participer de manière active et chronique à une carrière délinquante est un facteur de risque considérable dans la perpétration de violence conjugale. Cependant, afin de comprendre pleinement le lien entre ces deux composantes, il incombe de revenir sur les théories de la carrière criminelle en comparant les différents écrits empiriques qui tentent d’établir un lien entre la criminalité au sens large et les violences conjugales, en accordant une attention particulière à la criminalité violente.

Carrière criminelle des auteurs de violences conjugales

Depuis quelques décennies, les approches intégrant les explications théoriques provenant de multiples disciplines telles que la psychologie, la sociologie et la criminologie ne cessent de vouloir expliquer les trajectoires et les facteurs régissant les carrières criminelles individuelles. Au fil des années, la recherche a su montrer que la carrière criminelle est la résultante de nombreux facteurs dynamiques et statiques. La carrière criminelle d’un individu débute à un âge donné, au commencement des premiers délits. L’individu s’engagera alors dans la délinquance à une fréquence qui lui est propre, commettra une variété de crimes, puis se désistera du crime à un moment donné de sa vie. Sa carrière sera teintée de réussites (p. ex. gains financiers, reconnaissance des pairs, progression dans la hiérarchie d’une organisation), mais également d’échecs (p. ex. pertes financières, sentences judiciaires). Sa carrière connaîtra toutes sortes de fluctuations à travers le temps, avec des périodes d’abstinence et des périodes de criminalité intense, et comprendra des types de crimes variés ou ciblés. De multiples paramètres vont donc permettre de décrire une carrière criminelle, selon des trajectoires particulières (Piquero et al., 2003, 2007).

Les recherches sur les parcours de vie en criminologie ont montré que le sommet général de la délinquance est entre la fin de l’adolescence et le jeune âge adulte, pour ensuite suivre une courbe descendante (Farrington, 2008 ; Gottfredson et Hirschi, 1990 ; Sweeten et al, 2013).

Deux grandes tendances se voient dans les carrières criminelles (Laub et Sampson, 1993). D’un côté, une large proportion de délinquants se désisteront du crime au début de l’âge adulte (Piquero et al., 2007; Laub et Sampson, 1993). Certains expliquent cela par la maturation (Moffitt, 1993; Massoglia et Uggen, 2010), tandis que d’autres affirment que les liens sociaux que les gens tissent pendant le début de l’âge adulte font la promotion d’un style de vie plus conventionnel (Sampson et Laub, 1993 ; Laub et Sampson 2003). D’un autre côté, on observe une continuité considérable dans l’agressivité et le comportement antisocial à travers le temps (Huesmann, 2009 ; Piquero et al., 2012). Cette stabilité serait, quant à elle, due à des caractéristiques sous-jacentes stables, telles que le contrôle de soi (Gottfredson et Hirschi, 1990), une interaction entre les caractéristiques individuelles et facteurs de risques environnementaux (Moffitt, 1993), ou un processus de désavantage cumulatif dans lequel les conséquences des comportements antisociaux d’un individu réduisent ses chances d’abandonner un comportement criminel (Sampson et Laub, 1997). La formation d’une relation intime stable au début de l’âge adulte serait un facteur important de désistement pour la délinquance générale (Sampson et Laub, 1993 ; Laub et Sampson, 2003), ce qui ne serait pas le cas pour les criminels plus sérieux, pour qui entretenir une relation intime serait une opportunité de plus d’exercer des comportements antisociaux et violents (Moffitt, 1993).

Ainsi, en raison d’une propension antisociale stable, certains individus commencent leur carrière criminelle tôt et sont plus susceptibles de maintenir leurs comportements criminels tout au long de leur vie sous différentes formes, incluant la violence conjugale (Gottferdson et Hirschi, 1990 ; Moffitt, 1993). D’ailleurs, en ce qui a trait aux comportements violents, plusieurs auteurs ont montré que la violence (subie et perpétrée) est fortement corrélée avec une commission fréquente de crimes (Farrington, 1991; Piquero, 2000 ; Piquero et al., 2007, Piquero et al., 2012). La violence conjugale ne semble pas déroger à cette règle (Piquero et al., 2014).

Ainsi, il apparaît important de se pencher sur les liens entre la carrière criminelle, la fréquence et les variations des crimes en matière de violence conjugale.

Fréquence, variations et récidive de la violence conjugale

Quelques auteurs ont mis l’accent sur la cohabitation et les couples mariés, et ont considéré que la stabilité des violences entre partenaires est plus probable au sein des couples présentant des violences conjugales sévères (Caetano et al., 2005 ; Quigley et Leonard, 1996), mais également que les comportements criminels et antisociaux en général sont corrélés avec une forte probabilité de persistance dans les violences conjugales (Holzworth-Munroe et Stuart, 1994). Autrement dit, les individus impliqués dans des comportements délinquants seraient plus à même de commettre des violences conjugales sérieuses et de façon persistante à travers le temps. Par exemple, en examinant 94 couples dans lesquels le mari a commis des actes violents envers sa femme durant la période d’engagement, Lorber et O’Leary (2004) se sont rendu compte que les agressions générales (non domestiques) chez le mari sont associées à de la violence conjugale (sévère) plus persistante.

Du côté de la variation des crimes de violence conjugale à travers le temps, certaines études longitudinales suggèrent que les taux de violences physiques entre partenaires diminuent à travers le temps (Kim et al., 2008). Shortt et al. (2012) ont examiné la violence conjugale (physique et psychologique) chez 184 hommes à risque de délinquance dans l’Oregon (Oregon Youth Study) de leurs 20 à 30 ans, en portant une attention particulière aux fluctuations de la violence au fur et à mesure de la relation. Ils ont constaté trois points importants : (1) la violence conjugale des hommes diminue avec l’âge ; (2) les agressions physiques envers le partenaire au début de la vingtaine prédisent celles à la fin de la vingtaine ; et (3) les agressions psychologiques au début de la vingtaine prédisent celles au début de la trentaine. De plus, les auteurs soulignent une plus grande stabilité des violences conjugales chez les hommes qui restent avec la même partenaire. Quelques années plus tard, Johnson et al. (2015) ont étudié la perpétration des violences conjugales sur un échantillon de 1200 hommes et femmes, de leurs 13 à 28 ans, et ont remarqué que les actes de violence entre partenaires suivent une tendance similaire à celle de la courbe âge/criminalité trouvée pour le crime en général, bien que la perpétration des violences conjugales semble culminer un peu plus tard (vers 20 ans) pour ensuite décliner. Cependant, d’autres auteurs expliquent que la stabilité des violences conjugales dans le temps dépend de la sévérité et de la fréquence des actes violents envers le partenaire. Ainsi, on pourrait observer une stabilité dans la perpétration des violences conjugales à travers le temps (Greenman et Matsuda, 2016), et ce sur des échantillons similaires, suivis jusqu’à environ 30 ans (Shortt et al., 2012). Feder et Dugan (2002) ont, par ailleurs, interrogé des agresseurs et des victimes de violences conjugales et montré que les comportements violents ne changent pas à travers le temps.

On ajoutera que les études sur des échantillons montrent un plus haut taux de violences conjugales psychologiques comparé aux violences conjugales physiques, avec des preuves similaires de stabilité à travers le temps des violences conjugales de type psychologiques (Capaldi et al., 2003 ; Fritz et Slep, 2009 ; Kim et al., 2008 ; Shortt et al., 2012). D’ailleurs, ces deux types de violences sont souvent liés et corrélés dans les écrits, et les violences psychologiques apparaissent comme étant un précurseur des violences physiques au sein du couple (Schumacher et Leonard, 2005).

Concernant la récidive, la majorité des auteurs s’accordent sur le fait que les auteurs de violence conjugale sont plus à même de réitérer ce type de crime au cours de leur vie, et ce, même lorsqu’il y a changement de partenaire. À titre d’exemple, Frantzen, San Miguel et Kwak (2011) rapportent que sur la totalité des 415 individus de leur échantillon, 22 % des criminels sont arrêtés de nouveau pour violence conjugale dans les deux ans suivant leur premier crime. Pendant la première année de l’étude, 18 % des condamnés pour violence conjugale sont arrêtés de nouveau, et au bout de la deuxième année, 24 % des condamnés ont récidivé. Les données étant collectées sur une période de deux ans, et considérant ce qui a été dit plus tôt, il est possible de suggérer que les chiffres augmentent au fil des années. Hilton et al. (2004) avaient d’ailleurs montré quelques années plus tôt que 30 % des 589 criminels ontariens identifiés des services de police pour violence conjugale ont récidivé au bout de 51 mois. Il est également à noter que les auteurs de violences conjugales auraient une tendance à la récidive plus importante que les criminels violents en général. Olson et Stalans (2001) comparent des échantillons de chacun des deux groupes et indiquent que 18 % des auteurs de violences conjugales victimisent à nouveau le même individu durant leur probation, tandis que seulement 5 % des auteurs d’autres crimes violents le font.

Violence conjugale : spécialisation ou généralisation de la criminalité ?

Les écrits explorés jusqu’ici permettent de mieux cerner le profil type d’un auteur de violence conjugale. Cependant, un point important reste à éclaircir. Comme discuté précédemment, la carrière criminelle est différente chez chaque individu, et malgré le fait que la plupart des délinquants se tournent vers une carrière de généraliste (Gottfredson et Hirschi, 1990 ; Laub et Sampson, 1993 ; Piquero, Brame, Mazerolle et Haapanen, 2002), il est possible de se demander si les auteurs de violences conjugales exercent une criminalité uniquement dans ce contexte ou si leurs activités criminelles, notamment violentes, demeurent « une fois passé le seuil de la porte ». Bien que les éléments exposés jusqu’à maintenant tendent en faveur d’une hypothèse de généralisation plutôt que de spécialisation du crime, il reste important d’identifier les écrits propres au sujet afin de savoir si les auteurs de violences conjugales sont spécialisés dans ce domaine ou si cette forme de violence n’est que la résultante et la projection d’autres types de crimes commis en dehors du foyer.

On rappelle que les écrits empiriques ont permis d’identifier deux types de criminels : ceux commettant des délits seulement à l’adolescence, et ceux exerçant leurs activités criminelles tout au long de leur vie (Moffitt, 1993). Piquero et al. (2002) ajoutent que les crimes commis par la première catégorie d’individus sont en moyenne peu violents et assez spécialisés, tandis que ceux commis par les persistants sont plus variés, et ces personnes sont plus à même d’user de stratégies violentes (Farrington, 1991; Piquero, 2000 ; Piquero et al., 2007, Piquero et al., 2012). Plus précisément, les auteurs privilégiant une perspective développementale parlent d’une combinaison de spécialisation et de généralisation dans les comportements criminels (DeLisi et al., 2011 ; Piquero, 2000 ; Piquero et al., 2002), et affirment que la spécialisation viendrait avec l’âge (Piquero et al., 2003). Autrement dit, la variété des crimes serait évolutive tout au long de la carrière criminelle : les délinquants alterneraient entre des périodes de spécialisation et de généralisation quant aux types d’infractions commises, et plus le criminel persévère dans le crime, plus ses chances de se spécialiser dans un crime en particulier sont élevées.

Concernant la violence conjugale, les études qui tendent à lier ce type de crimes avec la criminalité en général, et notamment la criminalité violente, se sont multipliées ces dernières décennies afin de faire progresser ce débat de la généralisation et de la spécialisation. Ainsi, certains auteurs identifiant les caractéristiques de la personnalité des auteurs de violences conjugales ont considéré le rôle de l’agression et le crime plus largement, révélant notamment que les personnes violentes, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du contexte familial, ont tendance à être des auteurs de violence conjugale plus grave (Holtzworth-Munroe et Stuart, 1994). Farrington (1994) reprend les données de la CSDD et trouve une corrélation significative entre les conjoints agresseurs et les hommes criminellement violents (26,2 % des 42 époux usant de violence conjugale ont été condamnés pour violence). Piquero, Theobald et Farrington (2014) utiliseront les mêmes données afin d’explorer le chevauchement entre les trajectoires criminelles de violence générale et de violence conjugale ainsi que les facteurs associés à ces comportements. Ainsi, ils rendent compte d’un chevauchement significatif entre la violence criminelle et la violence conjugale.

Ces premiers résultats semblent donc appuyer la thèse de la spécialisation et le fait que les personnes ayant pour habitude de victimiser leur partenaire tendent aussi à avoir un historique de violence à l’encontre d’autres personnes, ainsi que des actes criminels en général (Moffitt et Caspi, 1999 ; Feder et Dugen, 2002).

Pour étayer ces propos, Piquero et al. (2006) examinent les cas de 650 individus usant de violence conjugale. Un tiers de l’échantillon n’a pas d’historique de criminalité, un deuxième tiers a un historique criminel non violent et le tiers restant présente un passé de criminel violent. Les résultats indiquent que seule une petite proportion de l’échantillon se spécialise uniquement dans les crimes violents et que si certains criminels affichent un niveau d’agression élevé et stable, d’autres connaissent une escalade ou une diminution dans leurs comportements violents. Piquero et al. (2006) concluent que les auteurs de violences domestiques se spécialisent rarement dans la violence domestique ou même dans tout crime violent. Également, Verbruggen, Maxwell et Robinson (2020) examinent le lien entre les tendances à la délinquance en général, et l’occurrence et la probabilité de persistance de la violence entre partenaires intimes à l’âge adulte. Pour ce faire, les auteurs utilisent les données longitudinales mesurées pendant une période de 18 ans sur une cohorte de Chicago (Project Human Development in Chicago Neighborhoods study). Les résultats identifient trois groupes de trajectoires de délinquance générale : (1) aucune délinquance, (2) faible fréquence de délinquance, et (3) forte fréquence de délinquance. Les individus impliqués dans la délinquance, et spécialement ceux qui présentent un panel de délinquance varié, affichent un risque croissant de perpétrer des violences conjugales psychologiques et physiques graves, en même temps qu’ils montrent une persistance dans les différentes formes de violence conjugale. En outre, Richards et al. (2012) présentent une étude longitudinale sur une cohorte de 317 agresseurs poursuivis pour violence conjugale afin de déterminer les trajectoires d’arrestation pour violence conjugale et violence en dehors du couple, sur une période de 10 ans. Ils identifient deux groupes de trajectoires pour les arrestations pour violences entre partenaires intimes (faible et haut taux) et trois trajectoires pour les violences non domestiques (très faible, faible, et haut taux). Ils indiquent que la spécialisation parmi les agresseurs conjugaux est rare et que des crimes antérieurs reliés à l’alcool et aux drogues prédisent une appartenance à la catégorie « haut taux d’arrestation pour violence conjugale ». Ils rapportent également que des antécédents de violence conjugale prédisent une appartenance à la catégorie « haut taux » de trajectoires d’arrestation pour violence non domestique.

Holtzworth-Munroe et Stuart (1994) identifient chez les auteurs de violence conjugale différents types d’agresseurs. Ils montrent que les individus du groupe d’hommes généralement violents/antisociaux (à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la maison) sont engagés dans les plus hauts niveaux de violence conjugale au cours de la période de suivi de trois ans, et étaient moins susceptibles de se désister, comparés aux autres groupes. Ainsi, les délinquants usant de violence envers leur partenaire semblent être des criminels chroniques. En effet, Olson et Stalans (2001) comparent un échantillon d’individus en période de probation pour violence conjugale et un autre en période de probation pour crime violent. Ils parviennent à différents résultats. Premièrement, 52 % des individus en probation pour violence conjugale ont précédemment été condamnés en tant qu’adultes (contre 42 % des individus en probation pour crime violent). Deuxièmement, 63 % présentent des condamnations antérieures pour crime violent (contre 54 %). Et finalement, 66 % ont un historique d’abus de substance (contre 48 %).

De surcroît, la relation semble fonctionner dans les deux sens. Richards et al. (2013) ont suivi 317 hommes jugés pour violence conjugale au Massachusetts sur une période de 10 ans et rapportent qu’un historique de violence domestique augmente significativement les probabilités d’infractions non domestiques violentes et non violentes.

Concernant le lien entre la violence conjugale et la récidive dans les crimes subséquents, Buzawa et Hirschel (2008) étudient les criminels arrêtés pour de la violence conjugale dans trois états américains. Ils comparent les individus n’ayant pas d’antécédents criminels, ceux n’ayant pas d’antécédents violents et ceux présentant des antécédents violents. Ils découvrent que les individus des groupes ayant des antécédents violents ou criminels (sans violence) sont plus à même d’être arrêtés de nouveau pour une infraction quelconque durant le suivi de trois à cinq ans. Il est aussi intéressant de souligner qu’en étudiant 730 individus registrés pour violence conjugale, Bouffard et Zedaker (2016) ont avancé la probabilité que les femmes aient un degré de spécialisation plus élevé que les hommes en matière de violence conjugale.

Il est important de souligner que la majorité des études exposées portent sur des données autorévélées. Cependant, quelques études utilisant des données officielles démontrent aussi qu’une large proportion des délinquants arrêtés pour violence conjugale ont également un historique de délinquance en général (Buzawa et Hirschel, 2008 ; Hilton et Eke, 2016 ; Klein et Tobin, 2008 ; Piquero et al, 2006).

Toutes les études observées ici, réalisées à travers le monde, démontrent un chevauchement important entre les crimes généraux et les violences conjugales. Ces éléments soutiennent la notion de généralisation des crimes chez les criminels violents envers un conjoint et soulignent l’importance de considérer l’historique criminel des auteurs de violence conjugale. Il est donc possible de suggérer que la violence domestique n’est qu’une manifestation d’une variété de conduites criminelles (Piquero et al., 2006). Aussi, la violence dans les crimes et la violence conjugale sont intimement liées et fortement prédites par une criminalité chronique (Piquero, Theobald, Farrington, 2014). Les violences conjugales font souvent partie d’un ensemble plus large de comportements antisociaux. L’intervention doit donc se concentrer sur l’interruption de la carrière criminelle des jeunes délinquants pour réduire la prévalence et la commission de violence entre partenaires (Verbruggen et al., 2020).

État de la situation au Canada 

Au Canada, très peu d’études ont pour but de lier la généralisation des types de crime et les violences conjugales. Quelques recherches préliminaires canadiennes ont été amorcées, mais elles demandent à être complétées pour une meilleure compréhension du phénomène.

En Ontario, Hilton et al. (2004) ont conçu une échelle afin de prédire la récidive de violence envers un (ex-) partenaire intime (Ontario Domestic Assault Risk Assessment, ODARA). Ils ont étudié un échantillon de 589 criminels identifiés par les services de police pour violence conjugale pendant cinq ans. Ils ont relevé que : (1) 24 % des criminels de leur échantillon ont eu des sentences correctionnelles antérieures ; (2) 4 % d'entre eux affichent un historique de violence contre une personne n’étant pas un partenaire ; (3) 15 % ont violé une liberté conditionnelle ; et (4) tous les criminels de l'échantillon ont déjà blessé quelqu’un au cours d’un crime violent. Dans la continuité de cette étude, Hilton et Eke (2016) ont analysé les infractions générales de 93 auteurs de violence conjugale afin de prédire la récidive 7,5 ans plus tard. Les auteurs ont conclu que la plupart des hommes arrêtés pour violence conjugale ne se spécialisent pas dans leur carrière criminelle. Ainsi, l’évaluation des risques pourrait inclure à la fois les risques de comportements de violence conjugale, mais aussi les risques d’autres infractions.

Au Québec, Ouellet et al. (2016) examinent un total de 52 149 incidents de violence conjugale enregistrés par les services de police et démontrent que 31 % de ces incidents impliquent un suspect présentant un dossier criminel uniquement pour de la criminalité non domestique. Également, les résultats de l’étude rapportent que les auteurs de violence conjugale présentant un dossier criminel ont 16 % plus de chance d’être impliqués dans des incidents domestiques plus graves. Cette étude présente donc une base empirique afin de suggérer que les criminels dits « généralistes », connus des services de police, ont un impact important sur la proportion des incidents de violence conjugale, et particulièrement les incidents les plus graves.

Ces résultats précurseurs tendent vers une généralisation de la violence chez les auteurs de violence conjugale, comme le montrent les études empiriques effectuées dans les autres pays. Cependant, le manque de recherches canadiennes sur le sujet ne permet pas d’affirmer un tel constat.

On peut relever un certain nombre de lacunes présentes dans les études tendant à lier la carrière criminelle et la violence conjugale. Si les écrits scientifiques permettent d’affirmer que les individus violents envers leur (ex-) conjoint ont tendance à commettre un panel de crimes varié, on trouve peu de preuves empiriques soulignant que ces individus axent leur carrière criminelle autour de la violence entraînant des lésions corporelles en dehors du domicile. Pour examiner si les hypothèses de longue date sur la spécialisation et l’escalade de la violence parmi les délinquants de violence domestique sont exactes, il est nécessaire d’examiner les trajectoires d’arrestation en violence conjugale. À ce jour, très peu de recherches canadiennes de ce type existent. On note également que peu d’études longitudinales sur la violence conjugale considèrent la fréquence de la violence à travers le temps.

De plus, un nombre limité de recherches explorent la relation entre les modèles développementaux de la délinquance générale et le développement de commission de violences conjugales. Bien que la criminalité en général soit un facteur de risque de perpétration de violence conjugale (Capaldi et al., 2012 ; Costa et al., 2015), on en sait relativement peu à propos des différents comportements délinquants généraux liés à la commission de violence conjugale dans les modèles développementaux. Ceci est dû en grande partie au fait que les chercheurs travaillant sur la violence conjugale développent leur modèle séparément des théories de la délinquance générale. En effet, Piquero et al. (2014) affirme que les crimes spécifiques et moins visibles tels que la violence conjugale sont rarement inclus dans les modèles de délinquance générale.

Finalement, les violences conjugales psychologiques sont moins étudiées dans les écrits que les violences conjugales physiques. Cependant, il est important de la considérer. On notera d’ailleurs que la recherche sur l’association entre la criminalité générale et la violence conjugale psychologique est limitée. Quelques preuves existent néanmoins quant à l’implication de comportements antisociaux reliés à une augmentation de la probabilité de commission de violence conjugale psychologique (Kim et al., 2008 ; Magdol et al., 1998).

Objectifs de recherche

Cette recension des écrits permet de constater que les études sur les carrières criminelles menées dans plusieurs pays montrent que de nombreux délinquants impliqués dans de la violence conjugale ne se spécialisent pas uniquement dans ce type d’infraction. Certains travaux empiriques mettent en évidence que les délinquants commettant de graves et fréquentes agressions en contexte conjugal sont également plus susceptibles de se livrer à d'autres types de comportements violents et criminels. Ces individus sont reconnus pour commettre un nombre de crimes plus important, donc nécessitent une intervention soutenue et mobilisent davantage de ressources. Il y a donc un intérêt réel à identifier ces individus.

Peu d’études canadiennes établissent un lien entre la violence conjugale et les autres types de crimes violents. Il s’agit là de la question inhérente à ce projet de recherche : Est-ce que les individus reconnus coupables de violence conjugale au Canada sont également impliqués dans d'autres types de comportements violents et criminels à l’extérieur de la famille, et plus spécifiquement des crimes violents pouvant entraîner des lésions corporelles contre quiconque ?

L’objectif principal cette recherche est de faire le portrait de la carrière criminelle, officielle et autorévélée, d’individus coupables de violence conjugale en observant leurs comportements s’associant à la violence conjugale, mais aussi leurs autres comportements violents et les autres crimes commis par ces individus. Les objectifs spécifiques sont les suivants :

  1. Examiner la proportion de délinquants dans chaque groupe (1- violence conjugale uniquement, 2- violence conjugale et autres comportements violents, 3- violence conjugale et autres crimes, 4- violence conjugale, autres comportements violents et autres crimes) ;
  2. Pour les différents groupes de délinquants, déterminer pour chaque catégorie de crimes (violence conjugale, autres comportements violents, autres crimes) l’âge au premier crime, la nature des infractions, la diversification criminelle et la fréquence des crimes commis ;
  3. Examiner les caractéristiques individuelles qui distinguent les différents groupes de délinquants (p. ex. sexe/genre, minorités visibles, statut au Canada, revenus, lieu de résidence) et examiner la valeur prédictive de ces caractéristiques sur la perpétration de violences graves.

Méthodologie

Cette section du rapport a pour but de présenter la méthodologie derrière l’étude pour faire état et justifier certains choix méthodologiques. Il est proposé d’aborder la provenance des données, la procédure et les instruments qui ont permis de colliger les informations analysées. Par la suite, un bref portrait des délinquants à l’étude est brossé. Finalement, la stratégie d’analyse et certaines limites méthodologiques sont exposées. 

Provenance des données

Afin de répondre aux objectifs de ce rapport, des analyses ont été conduites sur des données provenant d’un autre projet de recherche. Dans le cadre de ce premier projet, des entretiens ont été réalisés entre 2018 et 2020 auprès de 121 conjoints violents judiciarisés (sentences provinciales). Un conjoint violent est défini comme étant un homme âgé de 18 ans ou plus qui a été judiciarisé pour des délits violents contre sa conjointe ou son ex-conjointe. Ce projet se centrait prioritairement sur les délinquants impliqués dans de la violence conjugale et visait à analyser de manière détaillée les trajectoires délictuelles et les processus de passage à l’acte de délinquants ayant perpétré des violences en contexte conjugal.

Six établissements de détention provinciaux du Québec (sentence de moins de deux ans) ont été sollicités et ont participé au recrutement des délinquants. Ce sont les agents correctionnels des prisons visitées qui ont d’abord approché les délinquants pour solliciter leur participation au projet de recherche. Ceux-ci devaient être incarcérés pour un délit commis en contexte conjugal. Les participants ont été sélectionnés par l’équipe de recherche sur la base d’un critère de diversification, à savoir la durée de la sentence, l’âge, la nature de la relation avec la victime (conjoint, ex-conjoint). Dans chaque établissement, une rencontre a été organisée avec les délinquants volontaires sélectionnés. Lors de cette rencontre, les membres de l’équipe ont pu expliquer les détails de la participation à ce projet et suivant ces explications, il était demandé aux délinquants de donner leur consentement quant à la participation à cette recherche (incluant les entretiens et la consultation du dossier officiel). Il importe de souligner que ce projet de recherche financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (programme Savoir ; chercheur principal – Jean Proulx) a été approuvé par le Comité d'éthique de la recherche - Société et culture (CER-SC) de l’Université de Montréal. Les questionnaires ont été administrés par des interviewers qualifiés (essentiellement des étudiants à la maîtrise à l’École de criminologie de l’Université de Montréal). Chacun des 121 conjoints violents a donc participé à un entretien individuel structuré, lequel a permis de reconstruire sa trajectoire délictuelle. Les dossiers officiels ont aussi été consultés afin de compléter certaines informations dans le questionnaire utilisé. De plus, chacun des participants a complété une série d’instruments psychométriques visant à évaluer ses caractéristiques personnelles et sa relation de couple.

Instruments et procédures

Le présent rapport se base essentiellement sur les données colligées lors des entretiens structurés sur la trajectoire délictuelle. Le questionnaire qui comporte deux parties a été administré en face à face, ce qui a exigé en moyenne deux heures dix minutes. Dans la première partie du questionnaire, les informations collectées concernaient les caractéristiques individuelles des participants : données sociodémographiques et familiales, limitations psychologiques et physiques, événements de vie (p. ex. l’historique des violences émises et subies au cours de la vie), opinions et attitudes sur divers sujets (p. ex. le sentiment de sécurité, le milieu judiciaire, la violence et la responsabilité). C’est dans cette partie du questionnaire que les dossiers officiels des antécédents criminels ont été utilisés pour compléter les informations relatives aux arrestations et aux condamnations passées. La seconde partie du questionnaire se concentre sur la trajectoire criminelle et les violences au sein du couple survenu au cours des 36 mois précédant l’incarcération en cours et sur les circonstances de vie les accompagnant. Les données ont été collectées à l’aide de la méthode des calendriers d’histoire de vie. Cette méthode fournit des données détaillées à court terme, par exemple sur une base mensuelle ou annuelle, et s’est révélée fiable (Sutton et al., 2011). Elle permet d’améliorer la qualité des données rétrospectives, notamment avec la synchronisation des événements, et de rendre compte de la séquence d’événements et de changements pouvant survenir dans les trajectoires individuelles (Freedman, Thornton, Camburn, Alwin et Young-DeMarco, 1988). La structure de collecte des données à l’aide de cette méthode est adaptée à la structure de la mémoire autobiographique des participants (Belli, 1998). Parmi les thèmes abordés, on retrouve notamment : la trajectoire criminelle, les incidents de violences conjugales (physique, psychologique, sexuelle), les événements significatifs (p. ex. perte d’emploi, décès d’un proche, séparation, maladie, perte financière), les circonstances conventionnelles (p. ex. emploi), les scripts du participant relatifs à ces événements (soit les cognitions, émotions et comportements du participant), le capital social (ex. : amis, famille), la consommation (alcool, drogue, médicament), les problèmes avec la justice non reliés à la violence conjugale.

Crimes perpétrés

Dans ce rapport, on s’intéresse au contexte dans lequel les crimes ont été commis. Plus spécifiquement, on distingue les crimes commis en contexte conjugal et ceux perpétrés à l’extérieur de celui-ci. Une attention est aussi dévouée aux crimes qui peuvent causer des lésions corporelles. La définition utilisée dans ce rapport est celle du Code criminel canadien : Blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d’une personne et qui n’est pas de nature passagère ou sans importance. (bodily harm) (Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46). La blessure peut donc être de différentes natures, elle ne doit cependant pas être ni éphémère ni futile pour être qualifiée de lésion corporelle. Ainsi, les actes de violence verbale (p. ex. certaines formes de violence psychologique ou émotionnelle en parole ou en action au sein d'une famille ou à l'extérieur de la famille visant à contrôler, isoler, intimider ou déshumaniser) ou les actes de violence économique (p. ex. exploitation financière au sein d'une famille ou à l'extérieur de la famille) susceptibles de causer une blessure psychologique ou physique peuvent être considérés comme une lésion corporelle, si la blessure n’est ni passagère ni sans importance. Cette définition des lésions corporelles couvre ainsi toutes les formes de la violence familiale (physique, psychologique, financière et sexuelle) et ne concernent pas uniquement le milieu familial, mais peuvent aussi être perpétrées à l'extérieur de la famille. Deux types de données sont utilisées pour mesurer les délits commis. Les données officielles, à long terme et à court terme, proviennent des dossiers détenus par les autorités pénitentiaires qu'il a été possible de consulter pour compléter les informations relatives aux arrestations et aux condamnations des délinquants rencontrés. Les informations sur la criminalité autorévélée ont été colligées lors des entretiens structurés. La méthode des calendriers d’histoire de vie a été utilisée pour collecter ces renseignements sur la période fenêtre.

Violence conjugale

L’instrument utilisé pour mesurer la violence conjugale perpétrée en contexte conjugal sur une base mensuelle s’inspire de la version révisée du Conflict Tactics Scales (CTS2) élaboré par Straus (19 962) et traduit par Lussier (19 973). L’instrument est constitué de cinq sous-échelles : la négociation, la violence psychologique, la violence physique, la violence sexuelle et les blessures. Chacune de ces sous-échelles contient des items portant sur la violence mineure ou sévère.

Crime hors du contexte conjugal

Les crimes commis à l’extérieur du contexte conjugal se divisent en deux sphères d’activités : les crimes violents et les autres crimes.

D’abord, les crimes violents renvoient : aux voies de fait simples ; aux voies de fait armées ou avec lésions ; aux menaces ou extorsions ; aux agressions sexuelles ; aux homicides ; aux autres crimes violents. Il importe de souligner que l’ensemble de ces formes de criminalité sont susceptibles d’occasionner des lésions corporelles.

Ensuite, les autres crimes, qui sont des crimes à but lucratif, regroupent les crimes acquisitifs (vol qualifié, cambriolage, vol de véhicule moteur, vol, fraude, délinquance d’affaires) et les crimes de marché (vente et distribution de drogue, contrebande, prêt usuraire, paris illégaux, marché relié au sexe, recel et autre crime de marché).

Description des participants

Les délinquants rencontrés sont tous de sexe masculin et avaient en moyenne 38,6 ans au moment de l’entretien. Ils se considéraient en grande majorité d’origine canadienne (86,8 %). Le niveau d’éducation est relativement bas : plus de la moitié (57,0 %) des participants n’avaient pas complété leur diplôme d’études secondaires. Près de 63 % des hommes rencontrés étaient déjà pères au moment de l’entretien. Il convient aussi de noter que durant la période fenêtre, 35,5 % des délinquants ont eu une conjointe qui était enceinte, 39,7 % ont révélé avoir eu des problèmes de santé mentale et 22,3 % ont fait l’expérience de limitations physiquesNote de bas de page 1.

Le Tableau 1 renseigne également sur la présence de certains facteurs de risques à l’enfance et à l’adolescence. On constate ainsi que plusieurs participants proviennent de milieux familiaux aux prises avec certaines problématiques. La majorité des participants ont évolué dans un milieu où au moins un des deux parents avait des problèmes d’alcool. Les problèmes de drogue (28,9 %) et les antécédents criminels (30,6 %) des parents sont aussi des événements qui ont marqué l’enfance ou l’adolescence de plusieurs des participants rencontrés. De plus, il faut souligner que près de la moitié des délinquants ont fait l’objet d’un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse.

En regard de l’exposition à la violence conjugale durant l’enfance ou l’adolescence, la moitié des délinquants ont été témoins de violence psychologique entre leurs parents (ou beaux-parents) et plus d’un délinquant sur cinq a été exposé à de la violence physique entre les parents.

Tableau 1 : Statistiques descriptives des caractéristiques des délinquants rencontrés.
Caractéristiques individuelles Moyenne (É-T) / %
Âge des participants 38,6 ans (10,2)
Origine ethnique
Canadien 86,8 %
Non-Canadien 13,2 %
Niveau d’éducation
Diplôme d’études secondaires complété 43,0 %
Diplôme d’études secondaires non complété 57,0 %
Enfants (oui / non) 62,8 %
Conjointe enceinte durant la PF (oui / non) 35,5 %
Activités quotidiennes limitées en raison d'un état psycho., émotif ou mental (PF ; oui/ non) 39,7 %
Activités quotidiennes limitées en raison d'un problème physique (PF; oui/ non) 22,3 %
Facteurs de risques à l’enfance / adolescence Moyenne (É-T) / %
Parent(s) problèmes d’alcool (oui / non) 51,2 %
Parent(s) problème de drogue (oui / non) 28,9 %
Parent(s) antécédent criminel (oui / non) 30,6 %
Signalement à la DPJ à l’enfance / adolescence (oui / non) 49,6 %
Exposition à la violence conjugale à l’enfance / adolescence Moyenne (É-T) / %
Témoin de violence psychologique entre vos deux parents (oui / non) 50,4 %
Témoin de violence physique entre vos deux parents (oui / non) 24,0 %

Abréviations utilisées dans ce tableau
É-T : écart type
DPJ : Direction de la protection de la jeunesse

Stratégies d’analyse

Le type d’analyses déployées progresse graduellement à travers ce rapport. Les analyses de l’objectif A sont essentiellement descriptives. Les analyses réalisées dans le cadre de l’objectif B combinent à la fois des analyses descriptives et bivariées. Finalement, des analyses multivariées ont servi à répondre à l’objectif C. L’ensemble des analyses a été réalisé à l’aide du logiciel SPSS, version 25.0.

Analyses descriptives

Les analyses descriptives servent essentiellement à décrire un ensemble relativement important de données. Ces analyses qui regroupent de nombreuses techniques (p. ex. moyenne) seront utilisées pour décrire la participation criminelle (objectif A), mais aussi pour décrire les différents paramètres de la carrière criminelle, incluant les paramètres de la violence conjugale (objectif B).

Analyses bivariées

Dans le cadre de l’objectif B, on s’intéresse à savoir s’il existe des différences au niveau des paramètres de la carrière criminelle entre différents groupes de délinquants. Les analyses bivariées impliquent l'analyse de deux variables, afin de déterminer la relation empirique entre elles. Des tests de moyennes et des chi carré ont été effectués afin de déterminer si les différences observées entre les groupes de délinquants sont statistiquement significatives.

Analyses multivariées

Les analyses multivariées s'intéressent à la valeur prédictive de plusieurs variables simultanément. Pour prédire certains comportements violents et graves, tant en contexte conjugal qu’à l’extérieur de celui-ci, des régressions (linéaires et logistiques) sont réalisées afin de départager la valeur prédictive des caractéristiques individuelles, des paramètres de la violence conjugale et de la carrière criminelle. Les modèles de régression sont construits dans le but de prédire la variance d’un phénomène (variable dépendante) à l’aide d’une combinaison de facteurs explicatifs (variables indépendantes).

Résultats

En guise de rappel, l’objectif principal de ce rapport est de démontrer à l’aide de données canadiennes si les délinquants impliqués dans de la violence conjugale s’engagent également dans d’autres formes de criminalité. La première partie de ce rapport consiste à décrire la participation criminelle de délinquants incarcérés pour des crimes commis en contexte conjugal au moment de l’entretien (Objectif A). La participation criminelle est examinée sur l’ensemble de la carrière criminelle, ainsi que sur une période fenêtre correspondant aux trois années précédant le début de leur incarcération en cours. La deuxième partie de ce rapport vise à examiner les paramètres de la carrière criminelle (Objectif B), par exemple l’âge au premier crime, la nature des infractions commises, la diversification criminelle et la fréquence des crimes. La violence conjugale, ses formes et son intensité seront décrites. Une attention particulière est également portée à la nature des crimes commis. Cet examen sert à identifier, lorsque possible, l’implication des participants dans de la violence familiale ou encore dans des crimes violents pouvant entraîner des lésions corporelles contre quiconque. En regard des résultats obtenus, la dernière partie veut déterminer s’il est possible de prédire les délinquants qui commettent de graves et fréquentes agressions en contexte conjugal comme à l’extérieur de celui-ci (Objectif C).

Objectif A

Cette partie du rapport de recherche vise à examiner la participation criminelle des auteurs de violences conjugales rencontrés. L’objectif est d’observer la proportion de délinquants qui se sont impliqués dans diverses sphères d’activités criminelles. Avant d’aborder la conceptualisation relative à la participation criminelle, il importe de se rappeler que tous les participants purgeaient alors une peine d’incarcération pour des violences conjugales. Autrement dit, on enregistre une implication dans la violence conjugale pour l’ensemble des participants. La participation criminelle est donc observée à l’intérieur de trois grandes catégories de crimes : la violence conjugale, les crimes violents et les autres crimes. Ainsi, il est proposé de diviser les participants en quatre groupes. Le premier groupe est composé des individus qui ont participé uniquement à de la violence conjugale. Le deuxième groupe regroupe des individus qui ont participé à de la violence conjugale et à des crimes violents. Le troisième groupe se compose des individus ayant commis de la violence conjugale et d’autres crimes. Finalement, le quatrième groupe est formé des individus ayant participé à de la violence conjugale, à des crimes violents et à d’autres crimes (groupe 4). Pour cet examen descriptif, deux types de données sont utilisées (autorévélées et officielles), ainsi que deux perspectives temporelles (à long terme et à court terme). Ces différents angles d’analyse permettent la comparaison des portraits de la participation criminelle obtenus, mais plus spécifiquement l'examen de la trajectoire criminelle au-delà des antécédents officiels. Plusieurs études démontrent que l’historique des antécédents criminels est un excellent prédicteur des comportements criminels futurs (réarrestation Freeman, 2007; Lattimore et al., 1995). Ainsi, il est ici proposé d’observer la participation criminelle autorévélée qui se trouve dans l’ombre des données officielles, ce qui, au passage, permet de juger de la fiabilité de certaines données officielles.

Participation criminelle sur l’ensemble de la carrière criminelle

Il est d’abord suggéré de comparer les portraits de la participation criminelle sur l’ensemble de la carrière criminelle. La Figure 1 représente la proportion de délinquants inclus dans chacun des quatre groupes constitués. Force est de constater que la spécialisation criminelle est un fait rare lorsque l’on considère l’ensemble de la trajectoire criminelle. Les personnes dont on enregistre une participation dans au moins deux grandes catégories de crimes représentent 94,3 % de l’échantillon. De plus, la majorité (71,1 %) révèle une implication dans l’ensemble des catégories de crimes. Les participants qui se sont limités à la violence conjugale durant leur trajectoire criminelle représentent seulement 5,8 % des individus rencontrés.

Figure 1 : Participation criminelle autorévélée sur l’ensemble de la carrière criminelle
Version texte : Participation criminelle autorévélée sur l’ensemble de la carrière criminelle

5,8% violence conjugale uniquement ; 2,5%  violence conjugale et crime violent ; 20,7% violence conjugale et autre crime ; 71,1% violence conjugale, crime violent et autre crime.

Ce portrait de la participation criminelle, basé sur des données autorévélées, montre que les délinquants rencontrés sont plutôt des généralistes lorsque l’on se fonde sur l’ensemble de leur carrière criminelle. Il reste maintenant à comparer cet état des faits lorsque l’on change la source des données. Plus précisément, il est intéressant de comparer ce portrait autorévélé de la participation criminelle à celui que l’on obtient à l’aide des antécédents criminels officiels, soit les crimes pour lesquels les participants ont purgé une peine d’incarcération.

À titre d’information, les délinquants rencontrés ont fait l’expérience en moyenne de quatre épisodes distincts d’emprisonnement. Les motifs d’incarcération passés donnent un portrait très différent de la participation criminelle (Figure 2). Il importe de souligner que l’examen de la participation criminelle basé sur ces données officielles a nécessité la création de quatre catégories supplémentaires. Bien que les délinquants rencontrés purgeaient une peine en raison de violence commise en contexte conjugal, il demeure possible que leurs antécédents officiels ne révèlent pas une implication dans ce type de crimes (voire une quelconque participation criminelle) puisque les données excluent l’épisode actuel d’incarcération. Ainsi, sur la base de données officielles, il est possible que les individus, en plus des quatre catégories déjà constituées, aient une implication criminelle qui se limite à des crimes violents, à d’autres crimes, ou qu’elle combine à la fois des crimes violents et d'autres crimes, sans pour autant inclure des violences conjugales. Il est aussi possible que le dossier criminel n’affiche aucun antécédent d’incarcération.

Les données autorévélées sur la participation ont montré une grande versatilité criminelle, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on observe les données officielles. Alors que la majorité des participants rapportaient avoir commis les trois catégories de crime durant leur carrière criminelle (71,1 %), cette proportion est nettement plus faible (7,4 %) lorsque l’on consulte les motifs d’incarcération. D’ailleurs, sur cette même source de données, on remarque que plusieurs délinquants affichent une spécialisation criminelle (40,5 %) sur l’ensemble de leur carrière criminelle. Dans bien des cas, les antécédents de violence (36,3 %) ou de violence conjugale (71,9 %) ne transparaissent pas à la lecture des dossiers officiels des condamnations antérieures, alors que dans les données autorévélées, presque la totalité des participants a commis des crimes violents (94,2 %) et de la violence conjugale (100 %) sur l’ensemble de leur carrière criminelle.

Figure 2 : Participation criminelle officielle sur l’ensemble de la carrière criminelle.
Version texte : Participation criminelle officielle sur l’ensemble de la carrière criminelle

6,6% violence conjugale uniquement ; 5,0% violence conjugale et crime violent ; 9,1% violence conjugale at autre crime ; 7,4% violence conjugale, crime violent et autre crime ; 14,1% crime violent uniquement ; 19,8% autre crime uniquement ; 21,5% crime violent et autre crime ; 16,5% aucune incarcération

Le portrait de la participation criminelle est ainsi très différent selon la source de données utilisées. Alors que les délinquants rencontrés concèdent avoir été impliqués dans plusieurs types de crimes, les motifs relatifs aux condamnations antérieures montrent une tout autre réalité, un portrait plus nuancé qui met en évidence une plus forte tendance à la spécialisation. À la lumière des résultats obtenus, il est possible d’affirmer que les données officielles sous-estiment largement la participation criminelle, notamment en matière de violence conjugale.

Participation criminelle durant la période fenêtre de trois ans précédant l’incarcération en cours

Il est proposé d’examiner la participation criminelle durant les trois années précédant l’incarcération en cours au moment des entretiens. Cet examen permet un regard sur la criminalité récente des personnes rencontrées. Les travaux sur les carrières criminelles montrent que l’âge d’initiation et l’implication diffèrent selon les formes de crimes (Le Blanc et Bouthillier, 2003). Par exemple, certains types de crime (p. ex. vandalisme) se manifestent davantage durant l’adolescence et sont délaissés par la plupart des délinquants au début de l’âge adulte. En criminologie, on reconnait l’importance de la relation entre les activités criminelles passées et futures (Piquero et al., 2003) et ce lien est d’autant plus fort lorsque l’on s’appuie sur les comportements criminels récents pour prédire l’engagement criminel futur. D’ailleurs, certaines études tendent à démontrer qu’après un certain temps sans passage à l’acte, l’association entre la présence d’un dossier criminel et la récidive perd de son pouvoir prédictif (Blumstein et Nakamura, 2009). Ainsi, la participation criminelle tirée d’une perspective à court terme est pertinente notamment dans la prédiction de la continuité des activités criminelles. Elle revêt également un intérêt en ce qui a trait à l’intervention auprès des délinquants.

En regard de la participation criminelle autorévélée des trois années précédant l'incarcération en cours, on remarque qu’elle est répartie au sein des quatre catégories (Figure 3). La proportion d’individus qui affirment une spécialisation dans la violence conjugale (26,4 %) ou les crimes violents (19,8 %) représente près de la moitié de l’échantillon (46,2 %). Ces proportions sont beaucoup plus élevées que celles observées avec le même type de données, mais sur l’ensemble de la carrière criminelle (5,8 % et 2,5 % respectivement). Il demeure que les individus qui se sont impliqués à la fois dans de la violence conjugale et d'autres crimes sont nombreux (21,5 %). Il importe également de souligner que la catégorie qui représente l’implication dans les trois sphères de criminalité est la catégorie la plus importante (32,2 %).

Figure 3 : Participation criminelle autorévélée durant les trois années précédant l’incarcération en cours
Version texte : Participation criminelle autorévélée durant les trois années précédant l’incarcération en cours

26,4% violence conjugale uniquement ; 19,8% violence conjugale et crime violent ; 21,5% violence conjugale et autre crime ; 32,2% violence conjugale, crime violent et autre crime

Ainsi, la tendance à la spécialisation serait plus forte à l’intérieur d’une fenêtre temporelle plus restreinte, mais le fait demeure que la majorité des individus participent à différentes sphères d’activités criminelles. Comme il a été fait dans la section précédente, il est proposé d’examiner le portrait de la participation criminelle sur la base de données officielles.

Les motifs d’arrestation sont ici utilisés pour mesurer la participation criminelle. Les délinquants rencontrés ont été arrêtés en moyenne trois fois (2,86) durant la période fenêtre (minimum = 0 ; maximum = 30). Comme c’était le cas pour les épisodes d’incarcération, de nouvelles catégories ont dû être constituées. Lorsque l’on observe la participation criminelle sur la base des arrestations, on constate que la spécialisation criminelle est plus forte que celle affichée avec les données autorévélées (53,7 % vs 26,4 %). Alors que plus de 32 % de l’échantillon déclarait s’être impliqué dans les trois grandes catégories de crimes, seulement 4 % des individus affichent un tel portrait sur la base des motifs d’arrestation. Alors que l’on sait que la totalité des délinquants reconnaissent avoir commis des violences conjugales dans la période fenêtre, seuls 56,1 % d’entre eux ont été arrêtés relativement à de la violence conjugale durant cette période. Les comportements violents (violence conjugale ou crime violent) transparaissent quant à eux dans 90,1 % des carrières criminelles à court terme basées sur les arrestations. Autre élément digne de mention, seulement 2,5 % des délinquants n’ont pas été arrêtés durant la période fenêtre.

Figure 4 : Participation criminelle officielle durant les trois années précédant l’incarcération en cours
Version texte : Participation criminelle officielle durant les trois années précédant l’incarcération en cours

27,3% violence conjugale uniquement ; 5,8% violence conjugale et crime violent ; 19,0% violence conjugale et autre crime ; 4,0% violence conjugale, crime violent et autre crime ; 19,0% crime violent uniquement ; 7,4% autre crime uniquement ; 14,9% crime violent et autre crime ; 2,5% aucune incarcération

Comme c’était le cas sur l’ensemble de la carrière criminelle, la différence entre les deux portraits réalisés sur une période fenêtre de trois ans suggère une sous-estimation de la participation criminelle lorsque l’on s’appuie sur des données officielles. Il est possible d’examiner plus en détail cet écart pour chacun des quatre groupes composés à partir des données autorévélées. Cet examen permet d’observer dans quelle mesure la violence conjugale est détectée dans les trajectoires individuelles.

Violence conjugale uniquement

En se basant uniquement sur les délinquants qui reconnaissent avoir exclusivement commis des crimes en contexte conjugal, l’idée ici est d'observer jusqu’à quel point les informations relatives aux arrestations donnent une image exacte de la participation criminelle. Plus précisément, il s'agit de vérifier les cas où les deux types de données donnent une information similaire (vert), les cas où l’information reflète partiellement l’implication dans le crime (jaune) et finalement, les cas où les réalités décrites divergent entre les deux sources de données (rouge). Une attention est accordée aux crimes commis en contexte conjugal. Il importe de préciser que la violence conjugale n’est pas un crime qui est inscrit dans le Code criminel. Autrement dit, le Code criminel ne prévoit pas d’infractions de violence conjugale. Il s’agit d’infractions qui ont été commises dans un contexte conjugal. Ainsi, pour qu’un crime ayant mené à une arrestation soit considéré avoir été commis en contexte conjugal, on doit retrouver dans le dossier des éléments qui établissent une relation intime, qu’elle soit actuelle ou passée, entre l’auteur d’une infraction criminelle et sa victime. C’est donc la nature des liens existants entre l’auteur et la victime qui permet d’établir s’il y a violence conjugale et dans bien des cas, les informations recueillies dans les dossiers officiels ne permettent pas d’établir ce lien. Par exemple, lorsque la victime de violence conjugale ne désire pas porter plainte, suivant des voies de fait, des méfaits ou des actes de vandalisme par exemple, il devient difficile pour les autorités d’établir les liens nécessaires pour déterminer le contexte entourant l’infraction commise. Pour résumer, il est possible dans certains cas que les arrestations ne laissent pas transparaitre la violence conjugale et faute d’informations, que l’on ait été contraint de classifier le crime dans une autre catégorie (p. ex. crime violent, autre crime).

Figure 5 : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 1
Version texte : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 1

Groupe 1 = 32 personnes

Participation criminelle – autorévélée :

  • Violence conjugale uniquement – 32 personnes

Participation criminelle – officielle (arrestation) :

  • Violence conjugale uniquement (13 personnes; 40,6%)
  • Violence conjugale et autre crime  (7 personnes; 21,9%)
  • Crime violent uniquement  (9 personnes; 28,1%)
  • Autre crime uniquement (1 personne; 3,1%)
  • Comportement violent et autre crime  (1 personne; 3,1%)
  • Aucune arrestation (1 personne; 3,1%)

La Figure 5 montre comment les individus du premier groupe se classent lorsque l’on se base sur les informations relatives aux arrestations durant la période fenêtre. On observe que la participation criminelle correspond entre les données autorévélées et officielles dans 40,6 % des cas. Dans 21,9 % des cas, l’information entre les deux portraits est partiellement similaire, les deux sources de données soulignant l’implication dans la violence conjugale. Cet examen des trajectoires individuelles quant à la participation criminelle montre également que dans 37,5 % des cas, les motifs d’arrestation ne permettent pas de représenter l’implication criminelle réelle, masquant les crimes ayant été commis en contexte conjugal. Ainsi, dans un groupe qui rassemble des délinquants dont la participation criminelle se caractérise par une spécialisation dans une fenêtre temporelle de trois ans, il appert que dans la majorité des cas (62,5 %), les données officielles permettent d’identifier l’implication dans la violence conjugale. 

Violence conjugale et crime violent

Pour le second groupe qui affirme avoir participé à de la violence conjugale et d’autres crimes violents, la correspondance entre les deux sources de données est rare (Figure 6). Les informations relatives aux arrestations sont similaires à la criminalité autorévélée pour seulement deux individus (8,3 %). Les données officielles représentent partiellement la participation criminelle dans 83,3 % des cas, mais permettent de souligner la violence conjugale dans seulement 37,5 % des cas. La participation criminelle diverge diamétralement entre les deux sources de données dans deux cas (8,3 %).

Figure 6 : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 2
Version texte : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 2

Groupe 2 = 24 personnes

Participation criminelle – autorévélée :

  • Violence conjugale et crime violent – 24 personnes

Participation criminelle – officielle (arrestation) :

  • Violence conjugale et crime violent (2 personnes; 8,3%)
  • Violence conjugale uniquement (8 personnes; 33,3%)
  • Crime violent uniquement  (7 personnes; 29,2%)
  • Violence conjugale et autre crime  (2 personnes; 8,3%)
  • Comportement violent et autre crime (3 personnes ; 12,5%)
  • Autre crime uniquement (1 personne; 4,2%)
  • Aucune arrestation (1 personne; 4,2%)

En bref, dans ce groupe, les données officielles donnent dans bien des cas un portrait partiel de l’implication dans le crime, et plus important encore, la violence conjugale n’est pas détectée dans la majorité des cas (54,2 %).

Violence conjugale et autre crime

Pour le troisième groupe constitué, celui dont la participation criminelle se caractérise par de la violence conjugale et d’autres crimes (non violent), la Figure 7 suggère une symétrie entre les deux sources de données dans plus d’un quart des cas (26,9 %). En contrepartie, on remarque une correspondance partielle chez plus de la moitié (57,6 %) des individus. Dans ce groupe, la proportion d’individus dont la participation criminelle est différente selon que l’on se fonde la déclaration des individus ou sur les arrestations est élevée (15,3 %).

Figure 7 : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 3
Version texte : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 3

Groupe 3 = 26 personnes

Participation criminelle – autorévélée :

  • Violence conjugale et autre crime – 26 personnes

Participation criminelle – officielle (arrestation) :

  • Violence conjugale et autre crime (7 personnes; 26,9%)
  • Violence conjugale uniquement (5 personnes; 19,2%)
  • Autre crime uniquement (3 personnes; 11,5%)
  • Violence conjugale et crime violent  (1 personne; 3,8%)
  • Crime violent et autre crime (4 personnes ; 15,4%)
  • Violence conjugale, crime violent et autre crime (2 personnes; 7,7%)
  • Crime violent uniquement  (3 personnes; 11,5%)
  • Aucune arrestation (1 personne; 3,8%)

Dans ce groupe, la violence conjugale n’est pas observable à la consultation du dossier officiel basé sur les éléments associés aux arrestations dans 42,5 % des cas.

Violence conjugale, crime violent et autre crime

Quant au groupe composé des individus qui rapportent une participation criminelle dans les trois sphères de criminalité à l’examen (les généralistes), on constate d’abord (Figure 8) que dans bien des cas, les informations sur les arrestations ne permettent pas de faire justice à la criminalité rapportée par les individus. La participation criminelle est ainsi sous-estimée dans la grande majorité des carrières criminelles décrites par les données officielles (92,3 %). Dans plus d’un tiers (38,5 %) de ces trajectoires, on arrive seulement à identifier une sphère d’activités criminelle sur trois.

La violence conjugale, quant à elle, n’est pas détectée à l’aide des informations associées aux arrestations dans la majorité (57,7 %) des carrières criminelles de ces individus dont les activités criminelles sont diversifiées. 

Figure 8 : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 4
Version texte : Comparaison de la participation criminelle autorévélée et officielle durant la période fenêtre pour le groupe 4

Groupe 4 = 39 personnes

Participation criminelle – autorévélée :

  • Violence conjugale, crime violent et autre crime – 39 personnes

Participation criminelle – officielle (arrestation) :

  • Violence conjugale, crime violent et autre crime (3 personnes; 7,7%)
  • Violence conjugale uniquement (7 personnes; 17,9%)
  • Crime violent uniquement  (4 personnes; 10,3%)
  • Autre crime uniquement (4 personnes; 10,3%)
  • Violence conjugale et crime violent  (4 personnes; 10,3%)
  • Violence conjugale et autre crime (7 personnes; 17,9%)
  • Crime violent et autre crime (10 personnes ; 25,6%)

Synthèse

Les analyses descriptives présentées avaient pour but d’examiner si les individus reconnus coupables de violence conjugale au Canada étaient également impliqués dans d'autres types de comportements violents ou criminels. Les résultats présentés montrent que la majorité des délinquants ont une implication criminelle qui ne se limite pas à la violence conjugale. Sur l’ensemble de la carrière criminelle, 94,3 % des délinquants reconnaissaient une participation dans au moins deux sphères d’activités criminelles, alors que 71,1 % déclaraient une participation dans les trois formes de crimes à l’examen. En prenant une fenêtre temporelle plus restreinte, les trois dernières années avant l’incarcération en cours, on notait des résultats allant dans la même direction. Bien que la diversification criminelle soit un peu moins forte à court terme, il n’en demeure pas moins que la participation à deux sphères de criminalité s’élevait à 73,6% au sein de l’échantillon et 32,2 % des participants révélaient une implication dans les trois sphères d’activités criminelles. Force est de constater que la spécialisation criminelle est un fait rare chez les délinquants rencontrés. Plus spécifiquement, très peu se spécialisent dans la violence conjugale, tant à long terme (5,8 %) qu’à court terme (26,4 %).

Pour les quatre groupes de délinquants constitués sur la base de la participation criminelle à court terme, une comparaison a été réalisée en utilisant une source de données officielles, soit les informations relatives aux arrestations. Les résultats de ces analyses descriptives montrent, peu importe le groupe, que ces données officielles sous-estiment dans la majorité des cas l’implication dans la violence conjugale (en moyenne dans 54,2 % des cas). On peut donc penser que cet état des choses concernant la violence conjugale prévaut pour la violence familiale.

Il ressort des différentes comparaisons effectuées que les données officielles (informations associées aux incarcérations et aux arrestations dans le cas présent) sont une source de données peu fiable pour représenter la participation criminelle. Au mieux, elles permettent de brosser un portrait partiel qui sous-estime l’implication réelle. Ainsi, il est privilégié d’examiner les paramètres de la carrière criminelle en se basant essentiellement sur les données autorévélées issues des calendriers d’histoire de vie. Plusieurs auteurs concluent que la méthode des calendriers d’histoire de vie est une approche valide et fiable pour obtenir des données rétrospectives précises sur la prévalence et la fréquence des comportements criminels (Roberts et Horney, 2010; Morris et Slocum, 2010).

Objectif B

Dans cette partie du rapport de recherche, il est proposé d’explorer les paramètres de la carrière criminelle pour les différents groupes de délinquants. Cette comparaison permet de déterminer l’existence de différences entre les groupes pour identifier des éléments distinctifs au niveau du parcours criminel. Plus précisément, il est question d’examiner pour chaque groupe de délinquants l’âge au premier crime, la nature des infractions commises, la diversification criminelle et la fréquence des crimes.

Âge au premier crime

L’âge auquel un individu commet son premier délit a reçu une attention importante en criminologie et est considéré comme l’un des meilleurs prédicteurs de la délinquance future. Plusieurs travaux ont montré la valeur prédictive de l’âge au premier délit sur les différents paramètres de la carrière criminelle. Ainsi, les individus qui s’initient plus tôt à la délinquance auront une plus longue carrière dans le crime (Nagin, Farrington, 1992; Moffit, 1993 ; Le Blanc, Fréchette 1989 ; Farrington, Hawkins; 1991; Farrington, West; 1990 ; Farrington, 2006). Ils commettront un nombre plus fréquent de délits (Fréchette, Le Blanc, 1979 ; Loeber ,1982 ; Cohen, 1986 ; Tolan et al. 2000 ; Farrington et al., 2006). Les délits commis seront graves (Tolan, Thomas, 1995 ; Piquero, Chung, 2001) et plus diversifiés (Tolan, 1987; Mills, Noyes; 1984; Tracy et al., 1990). Il existe différentes mesures de l’âge au premier crime et il importe de mentionner que peu importe le type de mesure, les conclusions demeurent les mêmes. On recense notamment l’utilisation de mesures officielles de l’âge au premier délit ou encore des mesures autorapportées de l’âge au premier délit (Le Blanc, Loeber, 1998). Les données utilisées dans ce rapport permettent d’examiner trois mesures différentes de l’initiation à la délinquance : l’âge au premier crime autorévélé, l’âge lors de la première arrestation et l’âge lors de la première condamnation. Il est peu surprenant de constater que les délinquants étaient en moyenne plus jeunes lors du premier crime autorévélé (15,08 ans) que lors de la première arrestation (18,99 ans) ou de la première condamnation (19,87 ans).

Tableau 2 : Tests de moyennes entre l’âge au premier crime et les groupes de délinquants.
Mesure Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) Tests de moyennes (valeurs statistiques pour chaque mesure)

Moyenne âge au 1er crime autorévélé (É-T)

17,90

(11,10)

15,42

(7,22)

14,77

(4,71)

12,76

(4,84)

Eta = 0,260

p = 0,045

Moyenne âge à la 1re arrestation

22,25

(11,35)

19,71

(7,94)

17,96

(5,82)

16,56

(4,71)

Eta = 0,281

p = 0,022

Moyenne âge à la 1re condamnation

22,91

(11,67)

21,74

(9,60)

18,73

(5,50)

17,03

(4,80)

Eta = 0,290

p = 0,017

Abréviations utilisées dans ce tableau
É-T : écart type
Eta : taille de l'affect
p : probabilité

En regard de l’âge au premier crime selon les différents groupes de délinquants, les trois mesures de l’âge d’initiation au crime soulignent une tendance similaire. Plus précisément, plus les individus affichent une participation dans un nombre de sphères d’activités criminelles élevé, plus l’âge d’initiation au crime est précoce. Il y a donc des différences significatives quant à l’âge d’amorce de la carrière criminelle entre les groupes de délinquants à l’examen et ces différences vont dans le sens des travaux empiriques recensés plus haut.

Nature des infractions commises et diversification criminelle

Pour l’examen de la nature des infractions et de la diversification criminelle, il est suggéré de se tourner vers les données autorévélées collectées sur la période fenêtre de trois ans avant l’incarcération en cours. Ces données donnent accès à un portrait qui se rapproche de la réalité des infractions commises en contexte conjugal ainsi qu’à l’extérieur de ce contexte.

Violence conjugale

La perpétration de violence conjugale peut être examinée selon ses différentes formes (violences psychologique, économique, physique ou sexuelle). Si tous les délinquants rencontrés ont commis des infractions en contexte conjugal, ceci n’est toutefois pas synonyme d’une implication dans l’ensemble des formes de cette violence. L’instrument utilisé pour mesurer la violence conjugale perpétrée en contexte conjugal s’inspire de la version révisée des Échelles des tactiques de conflits (CTS2 ; en anglais Conflict Tactics Scales) conçues par Straus, Hamby, Boney-McCoy et Sugarman (1996) et traduites par Lussier (1997). L’instrument est constitué de plusieurs sous-échelles. Dans le cas présent, les échelles suivantes sont utilisées : la violence psychologique (8 items), la violence économique (5 items) la violence physique (12 items ; ainsi que la sous-échelle de la violence physique grave – 7 items), la violence sexuelle (7 items ; ainsi que la sous-échelle de la violence sexuelle grave – 4 items) et les blessures (6 items). Chaque item correspond à un comportement distinct. Il est possible de consulter les items du CST2 à l’Annexe A de ce rapport. Deux mesures sont utilisées pour évaluer la perpétration de ces violences. La première consiste à déterminer la participation, donc si au moins un des items (un comportement spécifique) de la sous-échelle a été déclaré comme ayant été commis. La deuxième mesure équivaut à la somme des items dont la perpétration a été confirmée. Autrement dit, il s’agit d’un indicateur de la diversification des comportements perpétrés dans chacune des sous-échelles. La perpétration de la violence conjugale par les délinquants de l’échantillon est présentée dans le Tableau 3.  

Tableau 3 : Statistiques descriptives de la perpétration des différentes formes de la violence conjugale selon les groupes de délinquants.
Forme de violence commise par des groupes de délinquants L’ensemble des délinquants (121 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) par % (Mov.) Chi-Carré Tests de moyennes
Violence psychologique 98,3  (6,34) 96,9 (5,09) 95,8 (6,46) 100 (6,77) 100 (7,03) n.s. n.s.
Violence économique 81,8 (1,51) 75,0 (1,04) 83,3 (1,71) 92,3 (1,73) 79,5 (1,51) n.s n.s
Violence physique 92,6 (4,00) 87,5 (3,25) 91,7 (4,25) 96,2 (4,69) 94,9 (4,00) n.s. n.s.
Violence sexuelle 8,3 (0,14) 0 (0) 16,7 (0,25) 15,4 (0,35) 5,1 (0,05) n.s. n.s

Abréviations utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
Mov. : moyenne

En regard des différents types de violence conjugale, les résultats montrent que presque la totalité des délinquants (98,3 %) ont commis de la violence psychologique à l’endroit de leur partenaire ou de leur ex-partenaire. On observe également que plus de neuf délinquants sur dix (92,6 %) et plus de huit délinquants sur dix (81,8 %) ont commis respectivement des actes de violence physique et économique. Il ressort que la majorité des délinquants ont commis ces trois formes de violence en contexte conjugal. En comparaison, la violence sexuelle est plus rare. Dans l’ensemble, 8,3 % des délinquants ont reconnu avoir perpétré au moins un acte de la sous-échelle des violences sexuelles. Il importe de souligner ici qu’il n’existe aucune différence significative entre les groupes de délinquants. Autrement dit, pour chacune des formes de violence, la proportion de délinquants qui y ont participé dans chaque groupe ne permet pas d’affirmer que les groupes sont différents.

Si on se tourne vers le nombre de comportements différents par sous-échelles, on constate que la moyenne d’actes distincts commis en violence psychologique est très élevée. En moyenne, les délinquants ont commis 6,34 actes de violence psychologique sur une possibilité de huit. En ce qui concerne la violence physique, en moyenne, les délinquants ont fait subir 4,0 types de comportements de cette nature sur la période de trois ans précédant l’incarcération en cours. Bien que la majorité des délinquants ont reconnu avoir fait subir de la violence économique, on constate qu’ils n’ont pas commis plusieurs actes faisant partie de cette échelle (1,51 acte en moyenne, sur une possibilité de cinq). La violence sexuelle étant rare, on s’étonne donc peu du manque de diversité des comportements commis (en moyenne 0,14). Comme c’était le cas pour l’implication dans les formes de violence, les analyses d’associations (tests de moyennes) ne permettent pas de conclure qu’il existe des différences significatives entre les groupes de délinquants en regard de la diversité des comportements commis selon les quatre sous-échelles de la violence.

Le CTS2 permet d’examiner certaines violences graves, ainsi que les blessures que l’agresseur a pu faire subir à sa victime. Le Tableau 4 rapporte la proportion de délinquants qui ont commis ces violences graves, mais aussi le nombre des différents incidents qui ont été perpétrés selon les groupes de délinquants. Les résultats montrent que la majorité des délinquants ont commis des violences graves (66,1 %) et ont fait subir des blessures (62,0 %) à leur partenaire ou ex-partenaire. Le nombre de comportements distincts de violence physique grave et le nombre de blessures différentes ayant été faites sont en moyenne similaires (1,4 dans les deux cas). On note la perpétration de violences sexuelles graves chez 2,5 % des délinquants et globalement, le nombre de comportements différents ayant été commis est faible (0,38). À l’instar des formes de violence conjugale, les analyses réalisées suggèrent qu’il n’existe pas de différences significatives entre les groupes de délinquants quant à la perpétration ou à la diversification des comportements violents graves et des blessures. 

Tableau 4 : Statistiques descriptives de la perpétration des violences physiques graves, des violences sexuelles graves et des blessures selon les groupes de délinquants.
Lésions corporelles causées par des groupes de délinquants L’ensemble des délinquants (121 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) par % (Mov.) Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) par % (Mov.) Chi-Carré Tests de moyennes
Violence physique grave 66,1 (1,40) 68,8 (1,19) 58,3 (1,33) 65,4 (1,69) 69,2 (1,41) n.s. n.s.
Violence sexuelle grave 2,5 (0,38) 0 (0) 8,3 (0,80) 3,8 (0,78) 0 (0) n.s. n.s.
Blessures 62,0 (1,40) 62,5 (1,50) 54,2 (1,20) 73,1 (1,69) 59,0 (1,23) n.s. n.s.

Abréviations utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif

Si l’on considère la définition présentée des lésions corporelles (voire la méthodologie), on arrive rapidement à la conclusion que les personnes contrevenantes rencontrées ont toutes commis des actes pouvant causer des lésions corporelles durant la période examinée, du moins en contexte conjugal.

Maintenant que la nature et la diversification des incidents en contexte conjugal ont été décrites, il est proposé d’examiner de la même manière les crimes commis à l’extérieur du contexte conjugal par les délinquants rencontrés.

Crime violent et autre crime

Le Tableau 5 met en évidence la diversité des crimes commis selon les groupes de délinquants rencontrés. De manière générale, les délinquants s’impliquent en moyenne dans deux types de délits (2,06) à l’extérieur du contexte conjugal durant la période fenêtre. Il importe de faire remarquer qu’il existe des différences importantes entre les individus quant à la diversification des activités criminelles (Écart-type = 2,29). Il reste à voir comment la diversification se distribue entre les groupes. Les résultats des tests de moyennes indiquent qu’il existe une différence entre les groupes de délinquants. Les délinquants du groupe 4 s’impliquent dans une plus grande diversité d’activités criminelles (4,51 types de délits) que les délinquants du groupe 3 (1,58) ou du groupe 2 (1,33).

Tableau 5 : Statistiques descriptives de la diversification criminelle selon les groupes de délinquants.
Activités criminelles L’ensemble des délinquants (121 personnes) (Min ; Max) Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Mov. Tests de moyennes
Nombre d’activités criminelles total (0 ; 11) S.o. 1,33 1,58 4,51 Eta = 0,681; p = 0,000
Crime violent (0 ; 4) S.o. 1,33 S.o. 1,62 n.s.
Autre crime (0 ; 8) S.o. S.o. 1,58 2,90 Eta = 0,373; p = 0,002
Crime acquisitif (0 ; 4) S.o. S.o. 0,88 1,21 n.s.
Crime de marché (0 ; 5) S.o. S.o. 0,69 1,69 Eta = 0,396; p = 0,001

Abréviations utilisées dans ce tableau
É-T : écart type
Eta : taille de l'affect
p : probabilité

En regard des crimes violents, on observe des similarités chez les deux groupes impliqués dans ce type de crimes (2 et 4). Les délinquants du groupe 2 s’impliquent en moyenne dans 1,33 type de crimes, alors que ceux du groupe 4 s’engagent en moyenne dans 1,62 activité criminelle dans cette catégorie de délits (différences non significatives). Le crime commis par le plus grand nombre de délinquants est les voies de fait (54,2 % - 74,4 %), suivi des menaces/extorsion (37,5 % - 59,0 %). En regard de la définition mobilisée en ce qui a trait aux lésions corporelles (voir méthodologie), les analyses descriptives réalisées permettent d’établir que 52,0% des participants rencontrés ont commis des actes pouvant causer des lésions corporelles à l’extérieur du cadre conjugal. Le troisième crime en importance est les voies de fait armées/avec lésions. Cette forme grave de crime violent a été commise par près du quart des délinquants (25,0 % - 28,2 %). De plus, il importe de souligner les agressions sexuelles chez deux participants du groupe 2.  Si on considère la gravité de ces crimes, l’implication dans des crimes violents commis à l’extérieur de la famille et pouvant entraîner des lésions corporelles graves (voies de fait armés/lésions, agressions sexuelles et homicides) est également préoccupante par son importance : près d’un délinquant sur trois (33,3 % - 28,2 %) s’y est engagé.

Pour les autres crimes, que l’on divise entre selon les crimes acquisitifs et les crimes de marché, on note une participation chez les groupes 3 et 4. Or, il faut d’emblée préciser que les délinquants du groupe 4 se montrent davantage engagés dans cette criminalité lucrative (différence significative), participant en moyenne à 2,90 types de crimes contre 1,58 pour les individus du groupe 3. Les crimes acquisitifs sont assez répartis parmi cinq infractions. Les délinquants du groupe 3 participent, en moyenne, à une seule activité de cette catégorie (0,88). Dans ce groupe, on enregistre la plus forte participation dans les vols (34,6 %) et les cambriolages (23,1 %). Chez le quatrième groupe, près de la moitié des délinquants se sont impliqués dans la fraude (46,2 %). On retrouve ensuite les cambriolages (25,6 %) et les vols (20,5 %). Les délinquants du groupe 4 s’impliquent dans 1,23 crime acquisitif. En ce qui a trait à la criminalité de marché, malgré une proportion de participants plus faible dans le groupe 3, on observe que la vente de drogue est le crime dans lequel on note une plus forte implication (30,8 % - 64,1 %), suivie de la distribution de drogue (11,5 % - 30,8 %) et du recel de biens volés (11,5 % - 30,8 %). En moyenne, les délinquants du groupe 4 commettent près de 2 (1,69) types de délits contre 1 (0,69) seul type pour les délinquants du groupe 3. Ainsi, les analyses réalisées suggèrent que les délinquants du groupe 4 s’impliquent de manière plus significative dans les autres crimes et plus particulièrement dans les crimes de marché en comparaison aux délinquants du groupe 3.

Tableau 6 :Statistiques descriptives de la nature des délits commis hors du contexte conjugal.
Catégorie de crime Groupes de délinquants Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) – numéro (%) Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – numéro (%) Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – numéro (%) Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – numéro (%)
Violent Voies de fait simples S.o. 13 (54,20) S.o. 29 (74,4)
Violent Voies de fait armées/avec lésions S.o. 6 (25,0) S.o. 11 (28,2)
Violent Menaces/extorsions S.o. 9 (37,5) S.o. 23 (59,0)
Violent Agression sexuelle S.o. 2 (8,3) S.o. 0 (0)
Violent Homicide S.o. 0 (0,0) S.o. 0 (0)
Violent Autre crime violent S.o. 2 (8,3) S.o. 0 (0)
Acquisitif Vol qualifié S.o. S.o. 3 (11,5) 6 (15,4)
Acquisitif Cambriolage S.o. S.o. 6 (23,1) 10 (25,6)
Acquisitif Vol d'auto/pièces S.o. S.o. 3 (11,5) 6 (15,4)
Acquisitif Vol S.o. S.o. 9 (34,6) 8 (20,5)
Acquisitif Fraude S.o. S.o. 2 (7,7) 18 (46,2)
Acquisitif Délinquance d'affaires S.o. S.o. 0 (0) 0 (0)
Marché Vente de drogue S.o. S.o. 8 (30,8) 25 (64,1)
Marché Distribution de drogue S.o. S.o. 3 (11,5) 12 (30,8)
Marché Contrebande S.o. S.o. 2 (7,7) 8 (20,5)
Marché Prêt usuraire S.o. S.o. 0 (0) 3 (7,7)
Marché Bookmaking S.o. S.o. 0 (0) 0 (0)
Marché Marché relié au sexe S.o. S.o. 1 (3,8) 5 (12,8)
Marché Recel de biens volés S.o. S.o. 3 (11,5) 12 (30,8)
Marché Autre crime de marché S.o. S.o. 1 (3,8) 1 (2,6)

Les résultats précédant (Objectif A) ont permis d’observer que peu de délinquants, à long terme comme à court terme, se limitent aux crimes commis en contexte conjugal. Ainsi, la présente section se penchait sur la nature des infractions et de la diversification criminelle. D’abord, la nature et la diversification de la violence conjugale ont été décrites. Ces analyses ont permis de constater que la majorité des délinquants ont fait subir de la violence psychologique, économique et physique à un conjoint ou à un ex-conjoint. Il est aussi suggéré que les actes de violence psychologique et physique sont diversifiés. Les résultats indiquent qu’il n’existe pas de différences significatives entre les groupes de délinquants quant à ces deux dimensions de la violence conjugale. Ensuite, la nature et la diversification des crimes commis à l’extérieur du contexte conjugal ont été observées chez les groupes 2, 3 et 4, soit tous ceux qui ont admis avoir participé à des crimes hors contexte conjugal. On retient de ces analyses descriptives sur la nature des infractions qu’elle est étendue et diversifiée. En particulier, la participation à des crimes pouvant causer des lésions corporelles à l’extérieur du contexte conjugal n’est pas un phénomène rare. Finalement, le groupe de délinquants le plus nombreux (le groupe 4) est aussi celui qui participe à plus de types d’activités criminelles et aussi celui qui se diversifie le plus à l’intérieur de ces grandes catégories de crimes.

Fréquence des crimes

La fréquence des délits ne peut se faire que par le biais de données autorévélées. Peu importe le type de données officielles, celles-ci ne permettent pas d’apprécier la fréquence du passage à l’acte, car il est bien documenté que les délinquants ne se font pas prendre à chaque délit qu’ils commettent. On propose ici d’examiner d’abord la fréquence ou l’intensité des diverses formes de violence conjugale pour ensuite aborder la fréquence des délits commis à l’extérieur du contexte conjugal pour les trois groupes de délinquants chez lesquels on note une implication (groupes 2-3-4).

Violence conjugale

Les échelles de la violence psychologique et économique sont présentées en annexe. En plus de permettre d’évaluer l’implication et la diversification des comportements, ces échelles permettent d’examiner la fréquence de chacun des comportements. Pour chaque item de l’échelle de la violence psychologique, il est demandé d’évaluer si : 0 = ceci n’est jamais arrivé,  1 = 1 fois au cours de la relation durant la période fenêtre, 2 = 2 fois au cours de la relation durant la période fenêtre, 3 = 3 à 5 fois au cours de la relation durant la période fenêtre, 4 = 6 à 10 fois au cours de la relation durant la période fenêtre, 5 = 11 à 20 fois au cours de la relation durant la période fenêtre, 6 = + de 20 fois au cours de la relation durant la période fenêtre, 7 = pas au cours de la période fenêtre, mais c’est déjà arrivé avant. En ce qui concerne la violence économique, à chaque item, il est demandé de répondre si le comportement ou l’événement survient : 0 = jamais, 1 = rarement, 2 = parfois, 3 = souvent, 4 = toujours. Ainsi, en additionnant la somme des scores obtenus à chaque item, on obtient une mesure de l’intensité de la violence psychologique et économique durant la période fenêtre. L’examen de l’intensité de ces deux formes de violence est intéressant dans la mesure où la grande majorité des délinquants avaient reconnu avoir commis certains des comportements de ces échelles. Les statistiques descriptives concernant ces deux échelles sont présentées dans le Tableau 7. 

Tableau 7 : Statistiques descriptives l’intensité de la violence psychologique et économique selon les groupes de délinquants.
L’intensité de la violence L’ensemble des délinquants (121 personnes) (Min ; Max) Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Mov. Tests de moyennes
L’intensité de la violence psychologique 21,39 15,59 21,79 24,15 24,03 Eta = 0,250 p = 0,05
L’intensité de la violence économique 4,95 3,88 5,38 5,50 5,23 n.s.

Abréviations utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
Eta : taille de l'affect
p : probabilité
Mov. - moyenne

L’échelle de l’intensité de la violence psychologique affiche une moyenne de 21,39 (valeur variant entre 0 et 46) lorsque l’on considère l’ensemble des délinquants. On constate toutefois qu’il existe des différences entre les groupes de délinquants. Les délinquants qui se sont impliqués uniquement dans de la violence conjugale durant la période ont une moyenne inférieure à celle des individus des autres groupes et cette différence est significative. Autrement dit, en comparaison aux délinquants des autres groupes, les délinquants qui se sont spécialisés dans la violence conjugale ont fait subir à leur partenaire ou ex-partenaire une violence psychologique moins intense. L’échelle de la violence économique affiche une tendance similaire si on s’attarde aux moyennes obtenues par les différents groupes. Or, contrairement à la violence psychologique, les différences observées ne sont pas statistiquement significatives.

Les fréquences de la violence physique, des blessures et de la violence sexuelle sont issues des données colligées sur une base mensuelle durant la période fenêtre. Les mesures présentées au Tableau 8 représentent la fréquence totale moyenne des comportements selon les diverses échelles sur l’ensemble de la période fenêtre, soit 36 mois.

Tableau 8 : Statistiques descriptives de la fréquence de la violence physique, des blessures et de la violence sexuelle selon les groupes de délinquants.
Fréquence de la violence L’ensemble des délinquants (121 personnes) (Min ; Max) Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Mov. Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Mov. Tests de moyennes
Fréquence de la violence physique 13,17 11,23 14,64 14,21 13,18 n.s.
Fréquence de la violence physique grave 3,58 3,93 2,05 3,79 4,05 n.s.
Fréquence des blessures 2,25 2,87 2,00 2,71 1,63 n.s.
Fréquence de la violence sexuelle 0,74 0,00 1,82 0,29 0,97 n.s.
Fréquence de la violence sexuelle grave 0,05 0,00 0,09 0,17 0,00 n.s.

Abréviations utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif

En moyenne, les délinquants ont commis un peu plus de treize actes (13,17) de violence physique, dont en moyenne près de quatre actes (3,58) jugés plus graves sur l’ensemble de la période fenêtre. Les blessures résultant de cette violence physique ont été enregistrées en moyenne à deux reprises (2,25) lors les 36 mois à l’étude. Comme c’était le cas dans les analyses précédentes, il appert que les violences sexuelles sont rares : en moyenne on enregistre moins d’un incident sur la période à l’étude, et ce, pour l’ensemble de l’échantillon. Les résultats concernant les différences entre les groupes de délinquants montrent qu’il n’existe pas de différences significatives. Autrement dit, la fréquence de la violence est très comparable entre les groupes, peu importe le type de violence (physique, physique grave, blessures, sexuelle, sexuelle grave).

Crime violent et autre crime

À l’instar de la violence physique, des blessures et des violences sexuelles, les renseignements concernant les crimes violents commis à l’extérieur du contexte conjugal, ainsi que les autres crimes (crimes lucratifs) sont issus des calendriers d’histoire de vie. Plus précisément, les informations relatives aux moments où les délinquants ont été actifs dans chacun des types de crimes et au nombre de crimes qu’ils ont commis sont colligées pour chaque mois de la période fenêtre. Comme on sait que les délinquants ne sont pas toujours actifs (Ouellet, 2019), il est intéressant d’examiner leur performance lorsqu’ils le sont. Le Tableau 9 présente les statistiques descriptives de la fréquence de ces crimes. La moyenne des différentes mesures étant fortement asymétrique, la médiane (mesure de tendance centrale qui indique le centre d'une distribution) des différents groupes est présentée. Il importe également de mentionner que ces analyses ne concernent que les délinquants qui ont commis des crimes hors du cadre conjugal (groupe 2, 3 et 4). En regard de la somme des crimes commis, on constate que 50% des délinquants ont commis 19 crimes ou plus durant les mois de la période fenêtre où ils ont été actifs criminellement. Ceci est équivalent à près de 3 (2,62) crimes par mois. Il existe une grande disparité entre les groupes. Le groupe 3 est plus actif de manière générale que le groupe 2, et le groupe 4 est beaucoup plus actif. L’examen des diverses catégories de crimes permettra d’en savoir plus long sur cet état des choses.

Tableau 9 : Statistiques descriptives de la fréquence des crimes violents et des autres crimes selon les groupes de délinquants.
Fréquence L’ensemble des délinquants (121 personnes) – Fréq. (Fréq. / mois actif) Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Fréq. (Fréq. / mois actif) Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Fréq. (Fréq. / mois actif) Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Fréq. (Fréq. / mois actif) Tests de moyennes Fréq. Tests de moyennes Fréq. / mois actif
Fréquence des crimes 19,00 (2,62) 1,35 (1,04) 10,00 (2,99) 833,00 (15,69) Eta=0,358 p=0,003 Eta=0,247 p=0,052
Fréquence des crimes violents 1,91 (1,05) 1,35 (1,04) S.o. 2,62 (1,06) n.s. n.s.
Fréquence des autres crimes 91,00 (12,66) S.o. 10,00 (2,99) 770,00 (17,81) Eta=0,259 p=0,037 n.s.
Fréquence des crimes acquisitifs 1,38 (1,11) S.o. 0,94 (2,60) 1,70 (1,12) n.s. n.s.
Fréquence des crimes de marché 53,00 (30,22) S.o. 0,75 (19,00) 540,00 (36,67) Eta=0,254 p=0,041 n.s.

Abréviations utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
Eta : taille de l'affect
p : probabilité
Fréq. - fréquence

Si on prend les crimes violents, il n’existe pas de différences significatives entre les groupes. La médiane se situe entre 1,05 et 2,62 crimes violents sur la période fenêtre et à un crime de cette nature par mois où les délinquants admettent avoir été actifs. Les différences entre les groupes sont donc imputables à la fréquence des autres crimes, mais plus particulièrement à la fréquence des crimes de marché. Le Tableau 10 permet d’apprécier la distribution de la fréquence des crimes selon les types de délits, et on constate chez le groupe 4 l’intensité de l’engagement dans les crimes de marché.

Tableau 10 : Statistiques descriptives de la fréquence des crimes selon le type de délits et les groupes de délinquants.
Catégorie de délit Type de délit Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Nb mois actif (Fréquence) Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Nb mois actif (Fréquence) Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Nb mois actif (Fréquence)
Acquisitif Vol qualifié S.o. 2,0 (2,0) 3,2 (5,7)
Acquisitif Cambriolage S.o. 1,5 (1,5) 8,1 (60,4)
Acquisitif Vol d'auto/pièces S.o. 3,0 (13,0) 3,4 (4)
Acquisitif Vol S.o. 12,3 (108,3) 15,6 (65,0)
Acquisitif Fraude S.o. 1 (1) 10,4 (69,8)
Acquisitif Délinquance d'affaires S.o. 0 (0) 0 (0)
Marché Vente de drogue S.o. 13,5 (1752,5) 16,7 (2092,0)
Marché Distribution de drogue S.o. 25,5 (612) 16,1 (1641,0)
Marché Contrebande S.o. 10,5 (10,5) 9,1 (387,1)
Marché Prêt usuraire S.o. 0 (0) 24,0 (117,0)
Marché Bookmaking S.o. 0 (0) 0 (0)
Marché Marché relié au sexe S.o. 0 (0) 13,4 (2128,8)
Marché Recel S.o. 8,0 (23,0) 14,7 (85,8)
Marché Autre crime de marché S.o. 15 (450) 10,5 (12)
Violent Voies de fait simples 1,9 (2,7) S.o. 3,4 (8,8)
Violent Voies de fait armées/avec lésions 2,3 (2,3) S.o. 4,5 (8,8)
Violent Menaces/extorsions 2,7 (3,3) S.o. 5,8 (45,5)
Violent Agression sexuelle 10,0 (10,0) S.o. 0 (0)
Violent Homicide 0 (0) S.o. 0 (0)
Violent Autre crime violent 1 (1) S.o. 1,5 (2)

Synthèse

Cette partie du rapport avait comme objectif de décrire les paramètres de la carrière criminelle des délinquants rencontrés, lesquels avaient tous été reconnus coupables de violence conjugale. Plus spécifiquement, il visait à examiner l’âge au premier crime, la nature et la diversification des activités criminelles, ainsi que la fréquence des crimes commis. En arrière-plan de cette description, une attention était également portée aux différences pouvant exister entre les groupes de délinquants selon les données autorévélées, c’est-à-dire entre ceux qui ont admis avoir commis, dans les trois ans précédant leur incarcération en cours, de la violence conjugale (groupe 1) ; de la violence conjugale et d’autres crimes violents (groupe 2) ; de la violence conjugale et d’autres crimes (groupe 3) ; de la violence conjugale, d’autres crimes violents et d’autres crimes (groupe 4).

Trois mesures ont été employées pour décrire l’âge au premier crime. Comme on pouvait s’y attendre, l’âge au premier crime autorévélé était plus précoce que celle de la première arrestation ou de la première condamnation. Puis, il était possible d’observer une tendance : une participation dans un plus grand nombre de sphères d’activités criminelles était associée à un âge d’initiation au crime plus précoce, et ce, peu importe l’indicateur du début de la carrière criminelle. 

En regard de la nature et la diversification des crimes commis, il a été décidé d’examiner d’abord la violence conjugale perpétrée, pour ensuite s’attarder aux crimes commis à l’extérieur du contexte conjugal. On constate que la majorité des délinquants ont commis trois formes de violence conjugale (psychologique, économique et physique). Les violences sexuelles perpétrées étaient plus rares dans cet échantillon. Pour la violence psychologique et physique, il était possible d’observer une diversification des conduites violentes dans ces deux formes. La violence économique était, quant à elle, moins diversifiée : sur la période fenêtre, les délinquants commettaient en moyenne 1,5 des comportements compris dans l’échelle de la violence économique. Un intérêt a également été dirigé vers les violences conjugales graves et il a été possible d’observer que la majorité des délinquants avaient commis, à au moins une reprise, des violences physiques graves et avaient causé des blessures importantes à leur partenaire ou à leur ex-partenaire durant la période fenêtre. En regard de la nature et de la diversification des violences conjugales, il n’y avait pas de distinctions significatives entre les groupes de délinquants. Aucun groupe ne se démarquait. L’examen des crimes à l’extérieur du cadre conjugal a permis d’observer que les délinquants s’impliquaient en moyenne dans deux autres types durant la période fenêtre. Les délinquants impliqués dans des crimes violents et des crimes lucratifs (groupe 4) affichaient une diversification significativement plus élevée que les individus des deux autres groupes. Ils commettaient en moyenne 4,51 crimes différents, cette différence était plus accentuée dans la criminalité de marché.

L'examen de la fréquence des crimes commis a été fait suivant la même logique : on s'est d'abord intéressé à la violence conjugale pour ensuite s’intéresser à la criminalité à l’extérieur de ce cadre. À l'exception de la violence sexuelle et de la violence sexuelle grave, il a été possible d’observer que les violences conjugales étaient fréquentes et intenses durant la période fenêtre. Par exemple, les violences physiques, les violences physiques graves et les blessures étaient loin d’être des événements isolés. Il est important de souligner qu’il y avait d’importantes variations entre les individus par rapport aux divers indicateurs de la fréquence. À l’exception de l’intensité de la violence psychologique, il y avait peu de différences entre les groupes de délinquants. La fréquence des crimes à l’extérieur du contexte conjugal a révélé des différences importantes entre les groupes de délinquants. Les statistiques descriptives présentées ont permis d’observer que cette disparité était davantage le résultat de l’engagement dans la criminalité de marché des délinquants du groupe 4.

On rappelle que les individus du quatrième groupe de délinquants, le plus nombreux des quatre, commencent plus tôt à commettre des crimes. Ils sont aussi violents que les autres en contexte conjugal (nature, diversification et fréquence), mais ils se diversifient davantage dans leurs activités criminelles et commettent aussi plus de crimes. Ce groupe de délinquants cadre sous plusieurs aspects avec les connaissances sur les carrières criminelles et ces individus nécessitent une attention plus soutenue de la recherche, mais aussi sur le plan de l’intervention.

Objectif C

Cette partie du rapport se divise en deux parties. La première vise à examiner les caractéristiques individuelles qui distinguent les différents groupes de délinquants. La seconde a pour but tenter de prédire les délinquants qui commettent des violences conjugales graves et fréquentes, puis d’examiner si les agressions en contexte conjugal sont également plus susceptibles de se livrer à d'autres types de comportements violents et criminels. L’idée ici est de mettre à l’épreuve la valeur prédictive de certaines caractéristiques individuelles, ainsi que les paramètres de la violence conjugale et ceux de la carrière criminelle décrits dans les analyses précédentes. Il importe de préciser qu’il s’agit ici d’analyse exploratoire.

Comparaison des caractéristiques entre les groupes de délinquants

Cette partie permet d’explorer davantage les groupes de délinquants qui ont été constitués sur la base de la participation criminelle. On cherche ici à examiner s’il existe des distinctions entre les groupes quant à leurs caractéristiques individuelles, mais aussi selon certains facteurs de risque associés à leur milieu familial durant l’enfance ou l’adolescence. Bien que la description des participants, dans la partie sur la méthodologie de ce rapport, montre que les individus rencontrés exhibent de nombreux facteurs de risque, il est ici tenté de voir si certains groupes se démarquent davantage. Le Tableau 11 montre qu’il n’existe de pas différences entre les groupes quant à l’origine ethnique, au fait d’avoir des enfants, aux limitations physiques, aux problèmes d’alcool et de drogue des parents, aux antécédents criminels, ainsi qu'à l’exposition à la violence conjugale durant l’enfance ou l’adolescence. En contrepartie, plus les délinquants ont participé à un plus grand nombre de sphères d’activités criminelles et plus ils sont jeunes, moins ils sont éduqués (en proportion), plus il y avait de chances que leur partenaire soit enceinte durant la période fenêtre et plus il était possible qu’il y ait eu un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (pour l’ensemble de ces facteurs il y a un effet linéaire significatif). Ainsi, sur la base de ces caractéristiques, il appert que les délinquants du groupe 4 exhibent davantage de facteurs de risque que les délinquants des autres groupes. Il est aussi possible de constater que la proportion de délinquants qui ont éprouvé des problèmes de santé mentale durant la période fenêtre est plus élevée chez les individus du groupe 3.

Tableau 11 : Statistiques descriptives des caractéristiques des délinquants rencontrés selon les différents groupes.
Caractéristiques individuelles Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) – Mov. / % Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Mov. . / % Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Mov. . / % Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Mov. . / % Tests de moyenne / Chi carré
Âge des participants 44,3 ans 40,3 ans 37,3 ans 33,8 ans Eta=0,409 p=0,000
Origine ethnique canadienne 81,3 % 87,5 % 88,5 % 89,7 % n.s.
Niveau d’éducation Diplôme d’études secondaires non-complété 40,6 % 54,2 % 61,5 % 69,2 % V de Cramer=0,226 p=0,014
Enfants 68,8 % 62,5 % 61,5 % 59,0 % n.s.
Conjointe enceinte durant la PF 21,9 % 29,2 % 38,5 % 48,7 % V de Cramer=0,224 p=0,014
Activités quotidiennes limitées en raison d’un état psycho, émotif ou mental PF 25,0 % 66,7 % 30,8 % 41,0 % V de Cramer=0,303 p=0,011
Activités quotidiennes limitées en raison d’un problème physique PF 18,8 % 29,2 % 15,4 % 25,6 % n.s.
Facteurs de risque à l’enfance / adolescence Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) – Mov. / % Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Mov. . / % Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Mov. . / % Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Mov. . / % Tests de moyenne / Chi carré
Parent(s) problème d’alcool 62,5 % 45,8 % 46,2 % 48,7 % n.s.
Parent(s) problème de drogue 34,4 % 16,7 % 23,1 % 35,9 % n.s.
Parent(s) antécédent criminel 31,3 % 33,3 % 15,4 % 30,6 % n.s.
Signalement à la DPJ à l’enfance / adolescence 37,5 % 41,7 % 46,7 % 66,7 % V de Cramer=0,243 p=0,013
Exposition à la violence conjugale à l’enfance / adolescence Groupes de délinquants 1 : Violence conjugale uniquement (32 personnes) – Mov. / % Groupes de délinquants 2 : Violence conjugale et crime violent (24 personnes) – Mov. . / % Groupes de délinquants 3 : Violence conjugale et autre crime (26 personnes) – Mov. . / % Groupes de délinquants 4 : Violence conjugale, crime violent et autre crime (39 personnes) – Mov. . / % Tests de moyenne / Chi carré
Témoin de violence psychologique entre vos deux parents 50,0% 37,5 % 50,0 % 59,0 % n.s.
Témoin de violence physique entre vos deux parents 21,9 % 25,0 % 11,5 % 33,3 % n.s.

Abréviations/termes utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
p : probabilité
DPJ : Direction de la protection de la jeunesse

Prédiction de la violence conjugale grave et fréquente et des crimes pouvant causer des lésions

Les analyses réalisées dans cette partie visent à prédire les comportements violents graves commis en contexte conjugal, mais aussi à l’extérieur de ce contexte.

Violence physique et blessures

Les résultats des régressions linéaires visant à prédire la fréquence des violences physiques durant la période fenêtre sont présentés au Tableau 12. Le modèle final explique 25,6 % de la variance de la fréquence des violences physiques, ce qui est fort satisfaisant. En science sociale, on suggère qu’un modèle qui explique 10 % du phénomène étudié est un bon modèle. Si on examine plus en détail les résultats obtenus, on constate que les caractéristiques individuelles ne contribuent pas à expliquer la fréquence des violences physiques. L’introduction des paramètres de la violence conjugale a un effet notable (Modèle 2), et l’intensité de la violence psychologie et l’occurrence de violences sexuelles durant la période ont un effet significatif. Plus la violence psychologique est intense et plus la fréquence des violences physiques est élevée. Également, la seule présence de violences sexuelles s’associe à une fréquence plus élevée des violences physiques. Un seul paramètre de la carrière est associé à la fréquence des violences physiques. Plus les délinquants ont diversifié leurs activités criminelles durant la période fenêtre hors du contexte conjugal, plus ils ont commis un grand nombre de violences physiques durant la même période.

Tableau 12 : Prédiction de la fréquence des violences physiques durant la période fenêtre – régressions linaires.

Fréquence de violences physiques

Modèle 1 : Caract. individuelles
Facteur Sign. Bêta
Âge du participant n.s. 0.933
Niveau d’éducation n.s. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o.
Intensité violence psychologique PF S.o. S.o.
Intensité violence économique PF S.o. S.o.
Violence sexuelle PF S.o. S.o.
Âge premier crime S.o. S.o.
Participation crime violent PF S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o.
Modèle n.s. S.o.
R2 S.o. .016
Modèle 2 : Violence conjugale
Facteur Sign. Bêta
Âge du participant n.s. 0.933
Niveau d’éducation n.s. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o.
Intensité violence psychologique PF .000 .415
Intensité violence économique PF n.s. S.o.
Violence sexuelle PF .041 .182
Âge premier crime n.s. S.o.
Participation crime violent PF S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o.
Modèle .001 S.o.
R2 S.o. .190
Modèle 3 : Carrière criminelle
Facteur Sign. Bêta
Âge du participant n.s. S.o.
Niveau d’éducation n.s. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o.
Intensité violence psychologique PF .000 .390
Intensité violence économique PF n.s. S.o.
Violence sexuelle PF .022 .202
Âge premier crime n.s. S.o.
Participation crime violent PF n.s. S.o.
Participation autres crimes PF n.s. S.o.
Diversification criminelle PF .007 .393
Fréquence crimes PF n.s. S.o.
Modèle .001 S.o.
R2 S.o. .256

Abréviations/termes utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
sign – importance
PF - période fenêtre

Suivant cette analyse de la fréquence, il est pertinent d’examiner si le modèle proposé permet de prédire l’occurrence de violences physiques graves et de blessures au partenaire (ou ex-partenaire). Les résultats présentés au Tableau 13 montrent certains parallèles avec la fréquence de la violence physique dans la mesure où le meilleur prédicteur est l’intensité de la violence psychologique, mais aussi parce que la perpétration de violences sexuelles est identifiée comme un facteur de risque. Toutefois, à la différence de la fréquence, les violences physiques graves sont influencées par une caractéristique individuelle. En effet, les modèles suggèrent un effet du niveau d’éducation. Ainsi, il appert que les délinquants qui détiennent un diplôme d’études secondaires sont 2,5 fois plus à risque de commettre ces violences graves. Il faut également souligner que les paramètres de la carrière criminelle n’ont ici aucune influence sur l’occurrence des violences physiques graves.

Tableau 13 : Prédiction de l’occurrence de violences physiques graves durant la période fenêtre – régressions logistiques.

Occurrence de violences physiques graves

Modèle 1 : Caract. individuelles
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant n.s. S.o. S.o.
Niveau d’éducation ,028 4,850 2,520
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF S.o. S.o. S.o.
Intensité violence économique PF S.o. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF S.o. S.o. S.o.
Âge premier crime S.o. S.o. S.o.
Participation crime violent PF S.o. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o. S.o.
Modèle n.s. S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,059 S.o.
Modèle 2 : Violence conjugale
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant n.s. S.o. S.o.
Niveau d’éducation ,032 4,615 2,161
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF ,004 8,099 1,062
Intensité violence économique PF n.s. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF ,051 3,410 7,927
Âge premier crime n.s. S.o. S.o.
Participation crime violent PF S.o. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o. S.o.
Modèle ,002 S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,211 S.o.
Modèle 3 : Carrière criminelle
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant n.s. S.o. S.o.
Niveau d’éducation ,034 4,473 2,700
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF ,010 6,683 1,058
Intensité violence économique PF n.s. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF ,053 3,150 7,573
Âge premier crime n.s. S.o. S.o.
Participation crime violent PF n.s. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF n.s. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF n.s. S.o. S.o.
Fréquence crimes PF n.s. S.o. S.o.
Modèle ,017 S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,240 S.o.

Abréviations/termes utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
sign – importance
R.C. – Rapport de cotes
PF - période fenêtre

Les blessures qui résultent de la violence conjugale peuvent être considérées comme un autre indicateur de la gravité de la violence conjugale. Le Tableau 14 affiche les résultats des régressions logistiques visant à prédire l’occurrence de blessures durant la période fenêtre. On constate que les caractéristiques individuelles ont ici aussi peu de pouvoir prédictif. Les deux facteurs qui ressortent de cette analyse sont (en ordre d’importance) l’intensité de la violence psychologique et la diversification des activités criminelles hors du contexte conjugal. Une augmentation au niveau de ces deux facteurs s’associe à une hausse des probabilités d’infliger des blessures à un (ex-)partenaire durant la période fenêtre. Ainsi, chaque type de crimes dans lequel s’engage le délinquant augmente de 1,4 fois les probabilités qu’il commette des violences conjugales occasionnant des blessures. 

Tableau 14 : Prédiction de l’occurrence des blessures résultant de la violence conjugale durant la période fenêtre – régressions logistique.

Occurrence des blessures

Modèle 1 : Caract. individuelles
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant n.s. S.o. S.o.
Niveau d’éducation n.s. S.o. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF S.o. S.o. S.o.
Intensité violence économique PF S.o. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF S.o. S.o. S.o.
Âge premier crime S.o. S.o. S.o.
Participation crime violent PF S.o. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o. S.o.
Modèle n.s. S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,009 S.o.
Modèle 2 : Violence conjugale
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant n.s. S.o. S.o.
Niveau d’éducation n.s. S.o. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF ,004 8,450 1,062
Intensité violence économique PF n.s. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF n.s. S.o. S.o.
Âge premier crime n.s. S.o. S.o.
Participation crime violent PF S.o. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o. S.o.
Modèle ,001 S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,183 S.o.
Modèle 3 : Carrière criminelle
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant n.s. S.o. S.o.
Niveau d’éducation n.s. S.o. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF ,005 7,967 1,058
Intensité violence économique PF n.s. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF n.s. S.o. S.o.
Âge premier crime n.s. S.o. S.o.
Participation crime violent PF n.s. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF n.s. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF ,039 4,246 1,427
Fréquence crimes PF n.s. S.o. S.o.
Modèle ,009 S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,254 S.o.

Abréviations/termes utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
sign – importance
R.C. – Rapport de cotes
PF - période fenêtre

Crimes pouvant causer des lésions corporelles graves à l’extérieur du contexte conjugal

Plusieurs des délinquants rencontrés ont commis des crimes pouvant causer des lésions corporelles graves (voies de fait armées/lésions, agressions sexuelles et homicides) durant la période fenêtre. Les analyses présentées au Tableau 14 visent à examiner s’il est possible de distinguer et de prédire ce qui s’associe avec la commission de tels crimes. Les mêmes indicateurs qui ont été utilisés pour la violence conjugale sont déployés dans les modèles.

D’abord, on observe que l’âge des participants permet de prédire les crimes causant des lésions corporelles graves. Plus les délinquants sont jeunes, plus il est probable qu’ils commettent ce type de délits durant la période à l’étude. Ensuite, force est de constater que la violence conjugale perpétrée n’a pas d’incidence sur la probabilité de commettre un crime pouvant causer des lésions à l’endroit d’une personne autre que son partenaire ou son ex-partenaire. Enfin, les paramètres de la carrière criminelle ont une grande influence sur le fait de commettre des crimes violents graves. Les délinquants enregistrant une implication dans les autres crimes lucratifs sont plus à risque de commettre des crimes causant des lésions. Dans la même lignée, ceux qui commettent plus de crimes et qui se diversifient davantage dans leurs activités criminelles sont aussi plus à risques.

Tableau 15 : Prédiction de l’occurrence des crimes pouvant causer des lésions corporelles graves hors du contexte conjugal durant la période fenêtre – régressions logistique.

Crimes causant des lésions hors du contexte conjugal

Modèle 1 : Caract. individuelles
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant ,021 5,339 0,933
Niveau d’éducation n.s. S.o. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF S.o. S.o. S.o.
Intensité violence économique PF S.o. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF S.o. S.o. S.o.
Fréquence violences physiques PF S.o. S.o. S.o.
Âge premier crime S.o. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o. S.o.
Modèle ,045 S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,111 S.o.
Modèle 2 : Violence conjugale
Facteur Sign. Wald R.C.
Âge du participant ,024 5,095 0,933
Niveau d’éducation n.s. S.o. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF n.s. S.o. S.o.
Intensité violence économique PF n.s. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF n.s. S.o. S.o.
Fréquence violences physiques PF n.s. S.o. S.o.
Âge premier crime n.s. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF S.o. S.o. S.o.
Diversification criminelle PF S.o. S.o. S.o.
Fréquence crimes PF S.o. S.o. S.o.
Modèle n.s. S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,121 S.o.
Modèle 3 : Carrière criminelle
Facteur Sign. Wald R.C.

Âge du participant

,029

4,777

0,923
Niveau d’éducation n.s. S.o. S.o.
Origine ethnique n.s. S.o. S.o.
Intensité violence psychologique PF n.s. S.o. S.o.
Intensité violence économique PF n.s. S.o. S.o.
Violence sexuelle PF n.s. S.o. S.o.
Fréquence violences physiques PF n.s. S.o. S.o.
Âge premier crime n.s. S.o. S.o.
Participation autres crimes PF ,016 5,825 0,638
Diversification criminelle PF ,039 12,264 3,159
Fréquence crimes PF ,051 3,641 1,555
Modèle ,009 S.o. S.o.
Nagelkerke’s R2 S.o. ,438 S.o.

Abréviations/termes utilisées dans ce tableau
n.s. : non significatif
sign – importance
R.C. – Rapport de cotes
PF - période fenêtre

Synthèse

Les analyses présentées dans cette section avaient pour but de prédire les crimes graves commis à la fois en contexte conjugal et à l’extérieur de celui-ci. Il ressort de ces analyses que l’intensité de la violence psychologique est un excellent indicateur du nombre et de la gravité des violences physiques, mais aussi des blessures qui résultent de ces conflits conjugaux. L’occurrence de violence sexuelle était aussi un facteur de risque en ce qui concerne les indicateurs de la violence physique examinés. La diversification des activités criminelles hors du contexte conjugal s’est aussi révélée associée au nombre de violences physiques perpétrées, ainsi qu’aux probabilités de blessures en contexte conjugal.

En regard des crimes pouvant causer des lésions corporelles graves, il a été possible d’observer que les indicateurs de violence conjugale avaient peu d’influence sur ces crimes graves à l’extérieur du cadre conjugal. Il en va tout autrement pour les paramètres de la carrière criminelle. La participation aux autres crimes, la diversification des activités criminelles et la fréquence des crimes commis ont toutes une incidence sur la probabilité de commettre un crime pouvant causer des lésions corporelles graves.

Ainsi, ces résultats suggèrent que les facteurs divergent passablement selon le contexte dans lequel ont pris place les crimes.

Discussion

L’objectif de cette étude était de faire le portrait de la carrière criminelle, officielle et autorévélée, d’individus ayant été reconnus coupables de violence conjugale. L’idée derrière la recherche était d’examiner dans le contexte canadien si ces individus sont également impliqués dans d'autres types de comportements violents et criminels à l’extérieur de la famille considérant qu’il y a un vide dans les écrits à ce niveau. En effet, très peu d'études examinent le chevauchement entre la violence conjugale et la délinquance générale (Buzawa et Hirschel, 2008 ; Ouellet et al., 2016 ; Piquero et al., 2006, 2013 ; Richards et al., 2013). Premièrement, la majorité des études portant sur la violence conjugale se basent sur le point de vue de la victime ou sur des données officielles. Ces deux sources de données ne peuvent qu’offrir une vision partielle du phénomène. Deuxièmement, lorsque l’on se tourne vers les délinquants, très peu d’entre eux vont avouer avoir commis ce type d’infraction, notamment en raison de la forte réprobation sociale qui existe à l’égard des délits commis dans un contexte conjugal ou familial. Ainsi, la présente étude est novatrice dans la mesure où l’on se base essentiellement sur le point de vue des agresseurs eux-mêmes. Les données examinées dans ce rapport ont été collectées auprès de 121 délinquants incarcérés dans une prison québécoise pour des faits de violence conjugale. Ces participants ont été recrutés par des agents correctionnels qui ont examiné leurs dossiers. Les différents instruments mobilisés lors des entretiens structurés (ex. questionnaire, méthode des calendriers d’histoire de vie) et la consultation des dossiers officiels concernant les antécédents criminels ont permis de brosser le portrait des trajectoires délictuelles de ces agresseurs conjugaux. Il est à présent proposé de discuter des résultats plus en détail.  

Participation criminelle

Le premier objectif spécifique de ce rapport consistait à examiner la participation criminelle des délinquants rencontrés. Le portrait de la participation a été réalisé à l’aide de deux types de données (autorévélé et officielle), et selon deux perspectives temporelles (à long terme et à court terme). D’abord, les résultats de cette partie du rapport mettent à jour les limites des données officielles (informations sur les motifs d’incarcération et d’arrestation) dans la reconstitution des trajectoires criminelles. Les portraits qui émanaient de ces deux sources de données étaient passablement différents et il est possible d’affirmer avec confiance que les données officielles sous-estiment la participation criminelle. Par exemple, il était possible d’observer dans la majorité des cas (en moyenne dans 54,2 % des cas) que l’implication dans la violence conjugale était sous-estimée : elle n’était pas observable via les données officielles. Il est difficile d’imaginer que ce constat serait différent à l’égard de la violence familiale. Il est clair que la nature même des données officielles ne permet pas, dans bien des cas, d’observer avec exactitude la nature de la participation criminelle ou les autres paramètres de la carrière criminelle. Ouellet et ses collègues (2013) avaient souligné dans leur étude sur le lien entre la réarrestation et les habitudes de codélinquance que les informations relatives aux arrestations ne permettaient pas de distinguer les individus qui ont abandonné le crime de ceux qui ont récidivé sans se faire arrêter de nouveau. Par conséquent, il n'est pas possible, selon eux, d'évaluer avec de telles données la proportion de délinquants qui renoncent et celle de ceux qui persistent dans la criminalité. Ces résultats obtenus dans ce rapport vont dans le même sens et remettent en doute la fiabilité des données officielles. D’ailleurs, Ouellet et Thomas (2018) suggéraient que l’utilisation de données autorapportées pourrait permettre d’identifier ou de catégoriser les criminels de manière plus précise, de générer un nouveau savoir et de comparer et de mesurer le biais potentiel entre les diverses populations délinquantes selon la source des données. C’est un peu ce qui a tenté d’être réalisé dans ce rapport.

Ensuite, l’examen de la participation criminelle autorévélée montre que la spécialisation était rare, et ce, en utilisant en regroupant les formes particulières de crime à l’intérieur de trois grandes sphères d’activités criminelles : la violence conjugale, les crimes violents commis à l’extérieur du cadre conjugal et les autres crimes. Sur l’ensemble de la carrière criminelle, on observait une participation criminelle de 94,3 % des délinquants dans au moins deux sphères d’activités criminelles sur trois, alors que 71,1 % déclaraient une participation dans les trois sphères de crimes à l’examen.

Durant la période fenêtre, soit les trois dernières années avant l’incarcération en cours, on notait des résultats allant dans la même direction : la participation à deux sphères de criminalité s’élevait à 73,6 % au sein de l’échantillon, dont 32,2 % révélaient une implication dans trois sphères. Force est de constater que la majorité des délinquants sont des généralistes. Les résultats de la nature des crimes commis (objectif B) renforcent également ce constat. Lorsqu’on regarde plus en détail les crimes commis, on voit dans la majorité des cas une activité criminelle diversifiée. Ces résultats semblent donc appuyer la thèse des généralistes et le fait que les personnes ayant pour habitude de victimiser leur partenaire tendent aussi à avoir un historique qui comprend de la violence à l’encontre d’autres personnes et d’autres actes criminels (Moffitt et Caspi, 1999 ; Feder et Dugen, 2002). Ce constat rejoint celui de nombreuses études basées sur des sondages autorévélés, mais aussi révélé par des études utilisant des données officielles qui démontrent qu’une large proportion des délinquants arrêtés pour violence conjugale ont également un historique de délinquance en général (Buzawa et Hirschel, 2008 ; Hilton et Eke, 2016 ; Klein et Tobin, 2008 ; Ouellet et al., 2016 ; Piquero et al, 2006).

Ces éléments soulignent l’importance de considérer l’historique criminel des auteurs de violence conjugale. Il est donc possible de suggérer que la violence domestique n’est qu’une manifestation d’une variété de conduites criminelles (Piquero et al., 2006). Les violences conjugales faisant souvent partie d’un patron plus large de comportements antisociaux, l’intervention doit se concentrer sur l’interruption de la carrière criminelle des jeunes délinquants pour réduire la prévalence et la commission de violence entre partenaires (Verbruggen et al., 2020). Ces résultats suggèrent que les écrits sur la violence conjugale devraient accorder plus d'attention aux théories criminologiques portant sur les criminels généralistes, au lieu de se concentrer presque exclusivement sur des modèles d'agresseurs patriarcaux masculins ou de violence conjugale situationnelle (Ouellet et al., 2016).

Paramètres de la carrière criminelle

Le second objectif spécifique était de décrire les paramètres de la violence perpétrée et de la carrière criminelle en portant une attention particulière aux groupes de délinquants formés à partir de la participation criminelle autorévélée durant la période fenêtre, soit 36 mois précédant l'incarcération en cours. L’âge au premier crime est l’un des meilleurs prédicteurs de la délinquance future (Blumstein et al., 1985 ; Farrington et al., 1990 ; Loeber, Le Blanc, 1998). Les délinquants qui s’initient plus jeunes à la délinquance connaîtront une carrière criminelle plus importante (Le Blanc, Loeber, 1998). Les résultats obtenus vont dans ce sens. Les délinquants qui ont plus rapidement transité vers la délinquance rapportent une participation criminelle plus variée. La nature des comportements de violence conjugale a permis de voir que la majorité des délinquants avaient fait subir à leur partenaire des incidents de diverses natures. On notait chez la plupart la perpétration de violence psychologique, physique et économique. De plus, bien qu’il n’y ait pas de différences significatives entre les groupes de délinquants, il a aussi été possible d’observer que les violences conjugales étaient fréquentes et intenses durant la période fenêtre. Les résultats concernant les crimes à l’extérieur du contexte conjugal ont permis de constater la grande diversité des activités criminelles, notamment à l’intérieur du groupe impliqué dans les trois sphères de criminalité. À l’instar de la violence conjugale, il a été possible de constater que la fréquence des délits commis était élevée. Une plus grande implication dans les crimes de marché s’associait à une plus grande fréquence des infractions commises, comme chez les délinquants du groupe 4.

Les paramètres de la carrière criminelle qui caractérisent les individus rencontrés correspondent fort possiblement à la trajectoire des life-course-persistent de la typologie de Moffitt (1993). Il s’agit de délinquants précoces et persistants qui vont poursuivre leurs comportements antisociaux au-delà de l’adolescence. Il a été régulièrement rapporté dans les travaux empiriques que ces délinquants sont responsables de grande majorité des crimes commis dans nos sociétés, qu'ils passent à l’acte plus fréquemment et qu’ils commettent des crimes plus violents et plus diversifiés que les autres délinquants (Farrington, 1991 ; Stattin et Magnusson, 1989). Moffitt (1993) suggère également qu'ils sont plus susceptibles que les autres délinquants de commettre des crimes dirigés vers une victime, comme le sont les crimes violents. Enfin, Moffitt (1993) affirme que la plupart des délinquants adultes font partie de cette catégorie.

Moffitt n’est pas la seule à avoir observé la continuité des conduites violentes et des comportements antisociaux à travers le temps (Huesmann, 2009 ; Piquero et al., 2012). Cette stabilité pourrait s’expliquer par des caractéristiques sous-jacentes stables, telles que la faible maîtrise de soi (Gottfredson et Hirschi, 1990), une interaction entre les caractéristiques individuelles et facteurs de risques environnementaux (Moffitt, 1993), ou un processus de désavantage cumulatif dans lequel les conséquences des comportements antisociaux réduisent chez le délinquant ses chances d’abandonner un comportement criminel (Sampson et Laub, 1997). En ce sens, la formation d’une relation intime stable au début de l’âge adulte serait un facteur important de désistement pour la délinquance générale (Sampson et Laub, 1993 ; Laub et Sampson, 2003), ce qui ne serait pas le cas pour les criminels plus sérieux, pour qui entretenir une relation intime serait une opportunité de plus d’exercer des comportements antisociaux et violents (Moffitt, 1993). Ainsi, certains individus commencent leur carrière criminelle tôt et sont plus susceptibles de maintenir ce comportement tout au long de la vie sous différentes formes, incluant la violence conjugale (Gottferdson et Hirschi, 1990 ; Moffitt, 1993).

Différence entre les groupes de délinquants et prédiction des violences graves

Les facteurs de risque liés à la délinquance sont multidimensionnels. On associe souvent les facteurs de risque à plusieurs domaines, comme les caractéristiques individuelles, la famille, l’école, les pairs, le réseau social, etc. La description des participants réalisée dans la section méthodologie de ce rapport a permis de constater que les délinquants rencontrés affichaient de nombreux facteurs de risque associés à la délinquance générale et à la violence conjugale. Les analyses des groupes de délinquants ont permis de pousser la réflexion plus loin et ainsi d’observer que ces facteurs étaient d’autant plus présents chez les délinquants qui révélaient une implication criminelle dans des sphères d’activités multiples. En fait, ceux qui se démarquaient par une participation criminelle plus étendue, une fréquence plus élevée de crimes commis et une plus grande diversification criminelle durant la période fenêtre étaient aussi les individus qui affichaient le plus de facteurs de risque. L’engagement dans la délinquance ou la criminalité ne relève pas du simple hasard : certains individus sont davantage à risque de se lancer dans de telles trajectoires (Ouellet et Hodgins, 2014). On évoque alors un effet cumulatif et interactif des facteurs de risque. Les résultats du présent rapport en sont une autre démonstration. Il devient alors prioritaire de cibler les individus qui s’engagent et persistent dans la délinquance, puisque ces délinquants « chroniques » seraient responsables de près de 50 % à 70 % des crimes qui sont commis dans nos sociétés occidentales (Blumstein, Cohen et Farrington, 1988 ; Chaiken et Chaiken, 1982 ; Moffitt, Caspi, Harrington et Milne, 2002 ; Piquero, 2000).

La deuxième partie des analyses de cette section se voulait prédictive. On voulait vérifier, par exemple, si les crimes et la violence conjugale sont intimement liés. Les résultats ont mis en évidence un lien entre la diversification des activités criminelles hors contexte conjugal et la fréquence des violences physiques, ainsi que l’occurrence de blessures en contexte conjugal. Or, il est manifeste que c’est l’intensité de la violence psychologique perpétrée durant la période fenêtre qui est le meilleur prédicteur de la violence physique (la fréquence des violences physiques, l’occurrence des violences physiques graves, ainsi que les blessures). On retrouve d’ailleurs dans les écrits scientifiques de nombreuses preuves empiriques de l’association entre ces deux formes de violence, soit la violence psychologique et la violence physique. Schumacher et Leonard (2005) précisent que les violences psychologiques apparaissent souvent comme un précurseur des violences physiques au sein du couple. De son côté, l’occurrence de crimes pouvant causer des lésions corporelles graves à l’extérieur du contexte conjugal était prédite plus efficacement par les paramètres de la carrière criminelle. Les probabilités de commettre un tel crime étaient plus élevées lorsque la participation aux autres crimes, la diversification des activités criminelles et la fréquence des crimes étaient plus élevées. Les résultats obtenus correspondent ici aussi avec les travaux effectués sur les carrières criminelles. Au sein des trajectoires criminelles, les comportements violents à l’extérieur du contexte conjugal sont fortement corrélés avec une commission fréquente de crime (Farrington, 1991 ; Piquero, 2000 ; Piquero et al., 2007, Piquero et al., 2012), et la violence conjugale ne semble pas déroger à cette règle (Piquero et al., 2014).

Les résultats de ce rapport de recherche penchent davantage vers une conclusion voulant que pour les agresseurs en contexte conjugal, cette forme de violence ne soit que la résultante et la projection d’autres types de crimes commis en dehors du foyer. Ils rejoignent aussi ceux d’études réalisées à travers le monde qui démontrent un chevauchement important entre les crimes généraux et la commission de violences conjugales. Ces éléments corroborent ainsi la notion de généralisation des crimes et soulignent l’importance de considérer l’historique criminel des auteurs de violence conjugale. Il est donc possible de suggérer que la violence conjugale n’est qu’une manifestation d’une variété de conduites criminelles (Piquero et al., 2006). Les violences conjugales faisaient alors souvent partie d’une constellation plus large de comportements antisociaux. Il est ainsi recommandé d’intervenir avec rigueur sur les individus qui affichent une délinquance chronique, ceci permettant notamment de réduire la prévalence et la commission de violence entre partenaires (Verbruggen et al., 2020).

Ce rapport de recherche a permis d’observer que les crimes commis par les délinquants arrêtés pour de la violence conjugale sont souvent loin de se limiter au contexte conjugal : les délinquants s'engagent le plus souvent dans différentes sphères d'activités criminelles. Il est difficile de croire que les conduites violentes des délinquants rencontrés ne s’étendent pas à d’autres relations intimes, au concept plus large de violence familiale, même si la recherche actuelle n’explore pas les autres types de violence familiale vu les données utilisées. D’ailleurs, les études qui ont porté sur le lien entre les violences conjugales et d’autres formes de violence familiale montrent que dans de nombreuses situations les violences se présentent de manière concomitante au sein d’une même famille (Chang et al., 2011 ; Goddard et Bedi, 2010 ; Clément et al., 2013 ; Margolin et al., 2009). Ainsi, comme l’énoncent Lessard et ses collègues (2015), si l’on admet que les dynamiques de violence conjugale sont multiples et touchent plusieurs acteurs sociaux, il serait alors préférable d’adopter une analyse globale du phénomène qui permet de rendre compte de sa complexité et d’étudier davantage les liens complexes entre les violences dans le cadre de relations intimes.

Limites

Certaines limites relatives aux données et à l’analyse réalisée doivent être considérées dans l’interprétation des résultats. La portée des résultats obtenus est limitée dans la mesure où cette recherche concerne la carrière criminelle d’un petit nombre de participants. Il s’agit d’une étude exploratoire et les résultats ne se prêtent pas à la généralisation. Puis, les données autorévélées sous-jacentes à cette étude dépendent de la mémoire des participants, et on peut présumer que les capacités de se remémorer les détails de l’implication criminelle, les circonstances et les tournants de la carrière criminelle varient d’un individu à l’autre. Finalement, les analyses réalisées dans cette étude ne permettent pas de savoir si les actes subis s’aggravent au fil du temps ni de mettre en évidence des liens causaux, par exemple ce qui influence la dynamique des différents crimes commis. Pour cela, d’autres analyses statistiques seraient nécessaires, ce qui pourrait faire l’objet d’un autre projet de recherche.

Conclusion

On reconnaît que l'engagement de certains individus dans une trajectoire criminelle chronique et persistante ne relève pas du simple hasard, les risques d’emprunter une telle voie étant plus prononcés pour certains. Pour expliquer ce phénomène, on se réfère souvent au concept de désavantage cumulatif, qui nait dans l’effet cumulatif et interactif des facteurs de risque. Les études sur les trajectoires criminelles de délinquants chroniques montrent que ces délinquants vont poursuivre leurs activités criminelles au-delà de l’adolescence, que les délits qu’ils commentent sont plus nombreux et plus variés, mais aussi que ces individus sont plus à même d’user de violence (Farrington, 1991 ; Piquero, 2000 ; Piquero et al., 2007, Piquero et al., 2012). Malgré le fait que la plupart de ces délinquants se tournent vers une carrière criminelle diversifiée, raison pour laquelle on les dit souvent généralistes (Gottfredson et Hirschi, 1990 ; Laub et Sampson, 1993 ; Piquero, Brame, Mazerolle et Haapanen, 2002), peu d’études ont porté sur des auteurs de violence conjugale pour explorer le lien entre la violence commise en contexte conjugal et les crimes commis à l’extérieur de ce contexte. La violence conjugale est un phénomène qui est souvent étudié en vase clos et selon la perspective de la victime ou sur la base de données officielles. Plus spécifiquement, peu d’études canadiennes établissent un lien entre la violence conjugale et les autres types de crimes violents. Ce rapport de recherche s’intéresse à cette question et cherche à savoir si les individus reconnus coupables de violence conjugale au Canada sont également impliqués dans d'autres types de comportements violents et criminels à l’extérieur du contexte conjugal.

Les résultats de ce rapport indiquent que la majorité des délinquants rencontrés ne sont pas limités à de la violence conjugale, mais se sont diversifiés dans d’autres crimes. Ce constat prévaut que l’on examine les crimes commis sur l’ensemble de la carrière criminelle ou sur une plus courte période. À partir des détails mensuels sur une période de trois ans, il a été possible d’observer chez les délinquants rencontrés la vaste nature des délits perpétrés à l’extérieur du contexte conjugal, mais aussi de constater la fréquence élevée de ces crimes. Un groupe de délinquants se démarque davantage par sa criminalité plus diversifiée et plus soutenue, soit le groupe 4. De plus, en ce qui concerne les crimes sur des personnes extérieures à la famille, près de la moitié des personnes contrevenantes rencontrées ont commis au moins un crime pouvant entraîner des lésions corporelles et près d’une sur trois avait commis un acte pouvant occasionner des lésions corporelles graves.En ce qui concerne la violence conjugale, on notait au sein des trajectoires individuelles la perpétration de nombreuses formes (psychologique, économique et physique), une grande diversité des gestes perpétrés et une fréquence/intensité élevée des actes violents commis. Pour finir, l’examen des caractéristiques des délinquants a également révélé la prévalence élevée de plusieurs facteurs de risque au sein de l’échantillon. En considérant à la fois les caractéristiques individuelles et celles des carrières criminelles, il est fort possible qu’une grande partie des individus rencontrés fassent partie de la catégorie des délinquants chroniques et persistants décrite dans de nombreux travaux en criminologie. Ces délinquants, qui commettent la majeure partie des crimes dans nos sociétés, nécessitent une attention soutenue.

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Annexe

Annexe A : Échelles des tactiques de conflits – éléments de sous-échelle

Violence psychologique
Code Comportement
CTS2-6 J’ai insulté ou me suis adressé à ma partenaire en sacrant?
CTS2-36 J’ai hurlé ou crié après ma partenaire ?
CTS2-50 Lors d’un désaccord, je suis sorti de la pièce, de la maison ou de la cour bruyamment?
CTS2-68 J’ai fait quelque chose pour contrarier ma partenaire ?
CTS2-26 J’ai traité ma partenaire de grosse ou de laide ?
CTS2-30 J’ai détruit quelque chose qui lui appartenait?
CTS2-66 J’ai accusé ma partenaire d’être nulle comme amante?
CTS2-70 J’ai menacé ma partenaire de la frapper ou de lui lancer un objet?
Violence économique
Comportement
Vous désapprouvez que votre partenaire ou ex-partenaire travaille ou soit aux études?
Si oui, est-ce que vous essayez d’intervenir auprès de votre partenaire ou ex-partenaire afin de rendre son travail ou ses études plus difficile?
Vous ressentez le besoin d'avoir le contrôle sur l’argent/les finances de votre partenaire ou ex-partenaire (par exemple, le salaire, les bénéfices, les profits)?
Si oui, est-ce que vous lui donnez allocation ou lui imposez qu’elle vous le demande afin d’obtenir de l’argent ?
Est-ce qu’elle a une connaissance du revenu familial?
Violence physique
Code Comportement
CTS2-8 J’ai lancé un objet qui pouvait la blesser?
CTS2-10 J’ai tordu le bras de ma partenaire ou lui ai tiré les cheveux?
CTS2-18 J’ai poussé ou bousculé ma partenaire ?
CTS2-46 J’ai agrippé brusquement ma partenaire ?
CTS2-54 J’ai giflé ma partenaire ?
CTS2-22 J’ai menacé ma partenaire avec un couteau ou une arme?
CTS2-28 J’ai donné un coup-de-poing à ma partenaire ou l’ai frappé avec un objet qui aurait pu la blesser?
CTS2-34 J’ai tenté d’étrangler ma partenaire ?
CTS2-38 J’ai projeté brutalement ma partenaire contre le mur?
CTS2-44 J’ai battu ma partenaire ?
CTS2-62 J’ai brûlé ou ébouillanté volontairement ma partenaire ?
CTS2-74 J’ai donné un coup de pied à ma partenaire ?
 
Blessures
Code Comportement
CTS2-12 Une entorse, une ecchymose (un bleu) ou une petite coupure à cause d’une bagarre ?
CTS2-72 À la suite d’une bagarre avec moi, ma partenaire a ressenti une douleur physique jusqu’au lendemain ?
CTS2-24 Après que je l’ai frappé à la tête lors d’une bagarre, ma partenaire s’est évanouie ?
CTS2-32 Après une bagarre avec moi, ma partenaire a consulté un médecin ?
CTS2-42 À la suite d’une bagarre avec moi, ma partenaire a eu besoin de consulter un médecin, mais ne l’a pas fait?
CTS2-56 À la suite d’une bagarre avec moi, ma partenaire a subi une fracture ?
 
Violence sexuelle
Code Comportement
CTS2-16 J’ai obligé ma partenaire à avoir des relations sexuelles sans condom?
CTS2-52 J’ai insisté pour avoir des relations sexuelles alors que ma partenaire ne voulait pas?
CTS2-64 J’ai insisté pour avoir des relations sexuelles orales ou anales (sans utiliser la force physique)?
CTS2-48 J’ai utilisé la force (comme frapper, maintenir au sol, utiliser une arme) pour obliger ma partenaire à avoir des relations sexuelles?
CTS2-20 J’ai utilisé la force (comme frapper, maintenir au sol, utiliser une arme) pour obliger ma partenaire à avoir des relations sexuelles orales ou anales?
CTS2-76 J’ai utilisé des menaces pour avoir des relations sexuelles?

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