Audit interne des Programmes pilotes d’immigration 

Direction générale de la vérification interne et de la responsabilisation

29 mars 2022

Table des matières

1. Contexte

Introduction

  1. Les dispositions de l’article 14.1 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) de 2002 permettent au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC) de donner des instructions ministérielles (IM) établissant des catégories de résidents permanents au sein de la catégorie de l’immigration économique, dans le but d’aider le gouvernement fédéral à atteindre ses objectifs économiques. Pour répondre aux besoins économiques uniques de divers secteurs, régions et populations, des programmes pilotes d’immigration sont créés par voie d’instructions ministérielles afin d’établir de nouvelles catégories d’immigration économique et de mettre à l’essai de nouvelles approches novatrices en matière d’immigration.
  2. Aux termes de l’article 14.1, ces programmes pilotes sont temporaires, leur durée ne dépassant pas une période maximale de cinq ans à compter de la date d’entrée en vigueur des IM. Ils permettent de traiter jusqu’à 2 750 demandes par année, par catégorie créée. La décision de convertir un programme pilote en un programme permanent repose sur une évaluation de l’efficacité et de la réussite du programme pilote. 
  3. En outre, l’article 25.2 de la LIPR autorise le ministre d’IRCC à adopter, pour des raisons d’intérêt public, des politiques temporaires qui peuvent également mener à la création d’un programme ou d’une initiative.
  4. Il n’existe à IRCC aucune définition universelle des programmes pilotes. Aux fins du présent audit, les programmes pilotes sont définis comme des programmes ou des initiatives d’une durée limitée qui sont établis par voie d’instructions ministérielles en vertu de l’article 14.1 de la Loi et dont le Ministère se sert pour mettre des approches novatrices à l’essai, pour répondre à des besoins économiques particuliers ou pour aider le gouvernement à réaliser ses priorités.
  5. L’audit des programmes pilotes d’immigration était prévu dans le Plan d’audit axé sur les risques 2020-2022 du Ministère, lequel a été proposé par le Comité ministériel d’audit à la réunion de juin 2020 et approuvé ultérieurement par la sous-ministre.

Contexte opérationnel

  1. C’est en avril 2013 qu’IRCC a lancé le premier programme pilote créé par voie d’instructions ministérielles. En date de novembre 2021, le Ministère comptait un total de 11 programmes pilotes établis par voie d’IM. De ce nombre, un est devenu un programme permanent, trois sont en voie de devenir des programmes permanents, trois ont été remplacés ou remaniés et quatre sont en cours.
  2. À IRCC, le processus de conception, d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des programmes pilotes mobilise plusieurs directions générales. Dans bien des cas, lorsqu’un programme pilote franchit le processus d’approbation des comités de la haute direction, la Direction générale de l’immigration (DGI) joue un rôle de premier plan dans la conception, l’analyse et l’élaboration des politiques relatives au programme. La Direction générale de l’orientation du programme d’immigration (DGOPI) aide la DGI à déterminer les rôles et les responsabilités liés à l’exécution et à la mise en œuvre du programme, notamment en communiquant avec les divers partenaires externes et réseaux de traitement.
  3. La DGOPI joue ensuite un rôle principal dans l’élaboration d’un produit opérationnel, qui consiste notamment à définir les exigences en matière de données et celles liées aux technologies de l’information (TI), ainsi qu’à préparer des instructions sur l’exécution des programmes (IEP) et des outils pour le site Web. La DGOPI travaille également avec la Direction générale des communications et la DGI à la préparation de communiqués de presse, et elle est chargée de fournir une orientation fonctionnelle générale.
  4. À la suite du lancement d’un programme pilote, les réseaux appropriés (p. ex. le Réseau centralisé, le Réseau national et le Réseau international) participent à la réception et au traitement des demandes. La DGOPI fournit à la haute direction des mises à jour régulières sur le rendement du programme pilote, en se fondant sur les rapports produits par la Direction générale de la planification et du rendement des opérations (DGPRO).
  5. La Direction générale de la gestion des risques pour l’intégrité (DGGRI) sera appelée à fournir une orientation fonctionnelle et un soutien stratégique au Secteur des opérations afin d’assurer une gestion uniforme et cohérente des risques touchant l’intégrité des programmes pilotes. Dans certains cas, la DGGRI utilise également les rapports produits par la DGPRO. Elle est notamment chargée d’analyser l’efficacité des mesures de contrôle et des méthodes de gestion du risque existantes, et de mettre au jour d’éventuelles lacunes et occasions présentes dans les programmes pilotes en vue de réduire les zones de vulnérabilité des programmes. Des changements opérationnels et administratifs peuvent être apportés à un programme pilote au cours de sa durée de vie en fonction des commentaires reçus des intervenants clés.
  6. Enfin, la Direction générale de la recherche et de l’évaluation (DGRE) peut effectuer une évaluation d’un programme pilote à mi-chemin du processus de mise en œuvre et selon le plan d’évaluation ministériel annuel. Les évaluations servent à mesurer les premiers résultats du programme pilote et à déterminer si le programme est en voie d’atteindre ses objectifs. Les conclusions et les recommandations des évaluations aident le Ministère à prendre une décision à la fin du programme pilote, à savoir s’il y met fin ou s’il en fait un programme permanent.
  7. Selon les besoins et les objectifs de programmes pilotes particuliers, d’autres directions générales d’IRCC peuvent avoir un rôle à jouer à différents moments du cycle de vie d’un programme pilote.

2. Objectif, portée et méthodologie de l’audit

Objectif et portée de l’audit

  1. L’audit visait à déterminer si des mesures de contrôle efficaces sont en place aux fins de l’élaboration, de l’exécution et de la surveillance des programmes pilotes d’immigration, ainsi qu’à déterminer les leçons apprises et les aspects à améliorer aux fins de l’élaboration et de la gestion des futurs programmes pilotes.
  2. L’équipe d’audit a examiné les structures, les mesures de contrôle et les processus utilisés pour orienter, élaborer, gérer, surveiller et évaluer les programmes pilotes d’immigration. Elle a également évalué l’incidence des programmes pilotes sur l’efficacité du Ministère dans l’exécution de l’ensemble des programmes d’immigration et pour les réfugiés. Enfin, l’équipe d’audit a vérifié si le Ministère utilise efficacement les programmes pilotes comme mécanisme pour atteindre ses objectifs stratégiques et concrétiser ses priorités ministérielles.
  3. Les programmes pilotes suivants (certains englobent plus d’une catégorie) ont été sélectionnés aux fins d’un examen approfondi :
    • le Programme pilote de visa pour démarrage d’entreprise (2013 2018);
    • le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique (2017-2021);
    • les programmes pilotes des aides familiaux (Programme pilote des gardiens d’enfants en milieu familial et Programme pilote des aides familiaux à domicile) (2019-2024).
  4. Ces programmes pilotes ont été choisis à la suite de consultations tenues avec les secteurs concernés d’IRCC (c.-à-d. Opérations et Politiques stratégiques et de programmes) et en tenant compte des considérations suivantes : le type de programme pilote établi par voie d’IM (c.-à-d. programme pilote régional de nature économique ou programme pilote sectoriel de nature économique); le type de financement (c.-à-d. financé ou non financé); le type de réponse (c.-à-d. tester une approche novatrice ou répondre à des besoins particuliers de la population canadienne); le statut du programme pilote (c.-à-d. en cours, devenu un programme permanent ou terminé).
  5. C’est en avril 2013 qu’IRCC lançait le Programme pilote de visa pour démarrage d’entreprise (PVDE), premier programme pilote établi par voie d’instructions ministérielles. Le PVDE est aujourd’hui un programme permanent. Le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique (PPICA) était en voie de devenir un programme permanent au moment de l’audit. Le PPICA a été fermé le 31 décembre 2021, de même que les ententes bilatérales connexes. Toutefois, comme les IM s’appliquant au programme pilote ont pris fin le 5 mars 2022, IRCC a pu continuer de recevoir des demandes jusqu’à cette date. Le Ministère a commencé à accepter des demandes de résidence permanente (RP) au titre du Programme d’immigration au Canada atlantique (PICA) le 6 mars 2022. Dans la catégorie des programmes pilotes pour les aides familiaux, le Programme de la garde d’enfants et le Programme des soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés, établis en 2014, ont été remplacés en juin 2019 par deux nouveaux programmes pilotes pour les aides familiaux – le Programme pilote des gardiens d’enfants en milieu familial et le Programme pilote des aides familiaux à domicile.

Méthodologie

  1. Les activités suivantes ont été effectuées dans le cadre de l’audit :
    • la conduite de 27 entrevues avec des membres clés du personnel afin de recueillir leurs points de vue sur les aspects suivants : les activités de gouvernance, de gestion du risque et de surveillance en place, l’efficacité des programmes et les leçons tirées des programmes pilotes sélectionnés pour un examen approfondi. Au nombre des participants aux entrevues figuraient des représentants de la haute direction d’IRCC, des gestionnaires de programme et des employés des programmes provenant de 13 directions générales, ainsi que des intervenants externes de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique et des quatre provinces de l’Atlantique (T.-N.-L., N.-B., N.-É. et Î.-P.-É.);
    • l’examen de pièces justificatives clés, notamment des présentations à la haute direction et aux comités de gouvernance, des profils d’information sur le rendement (PIR), des évaluations, des instructions sur l’exécution des programmes (IEP) et des procédures opérationnelles normalisées (PON) internes, entre autres, afin d’établir et de confirmer l’existence de mécanismes de contrôle aux fins de l’élaboration, de la gestion et de la surveillance des programmes pilotes;
    • l’examen des activités de gouvernance, de gestion du risque et de surveillance menées à l’appui des programmes pilotes;
    • l’analyse des données probantes et des renseignements recueillis.
  2. L’équipe d’audit a utilisé les critères suivants pour évaluer la mesure dans laquelle l’objectif de l’audit a été atteint :
    • Une structure efficace de gouvernance et de surveillance a été mise en place pour fournir un soutien continu à l’échelle du Ministère durant l’élaboration et la gestion des programmes pilotes. Les rôles, les responsabilités et les obligations redditionnelles des acteurs clés ont également été définis et communiqués.
    • Des processus de gestion du risque sont en place afin de déterminer, d’atténuer et de surveiller les risques associés aux programmes pilotes, notamment : le risque d’inefficacité dans l’exécution des programmes d’immigration et pour les réfugiés (incidence néfaste sur la productivité, méconnaissance des voies d’accès existantes par les clients, etc.), les risques liés à la gestion des ressources humaines et financières, les risques de fraude et les risques liés à l’intégrité.
    • Des processus de surveillance, d’évaluation et d’établissement de rapports ont été élaborés et mis en place dans le but de déterminer l’efficacité et l’efficience des programmes pilotes ainsi que leur conformité aux exigences réglementaires, et de déterminer les améliorations requises relativement à leur gestion.
  3. L’équipe d’audit ne fait pas expressément rapport sur les programmes pilotes sélectionnés pour un examen approfondi, mais utilise plutôt les résultats de son analyse pour dégager des tendances générales liées à l’élaboration et à la gestion des programmes pilotes.
  4. L’équipe d’audit n’a pas effectué un exercice approfondi d’échantillonnage et d’analyse de demandes reçues par les programmes pilotes visés pour déterminer leur conformité aux modalités respectives.
  5. L’audit s’est déroulé de juin à août 2021. Les observations, les conclusions et les recommandations découlant de l’audit sont fondées sur les travaux effectués.

Énoncé de conformité

  1. L’audit a été planifié et mené conformément au Cadre international de référence des pratiques professionnelles de l’Institut des auditeurs internes, comme en font foi les résultats du programme d’assurance et d’amélioration de la qualité.

3. Constatations et recommandations de l’audit

Principes directeurs relatifs aux programmes pilotes et structure de gouvernance et de surveillance des programmes du Ministère

Définition des programmes pilotes

  1. De façon générale, les programmes pilotes ont une durée temporaire et ciblent des catégories d’immigration économique qui ont été créées en dehors des programmes d’immigration réglementaires du Ministère, mais qui sont exploitées en conformité avec les règlements. On utilise ces programmes pilotes pour mettre des approches novatrices à l’essai, pour combler des besoins économiques particuliers de la population canadienne ou pour aider à réaliser les priorités du gouvernement. Toutefois, le Ministère n’a aucun cadre universel ou commun qui définit la raison d’être des programmes pilotes et la façon dont ils sont créés.
  2. Toutes les instructions ministérielles, y compris celles autorisant la création de programmes pilotes, sont publiées dans la Gazette du Canada et affichées sur le site Web d’IRCC. Elles précisent notamment les critères d’admissibilité et la date de lancement du programme pilote. Le Ministère ne tient aucune liste générale interne pour centraliser les renseignements essentiels relatifs aux programmes pilotes, ou qui faciliterait les activités de suivi, de surveillance et d’établissement de rapports en précisant s’il s’agit de programmes financés ou non, leur stade d’avancement, les principaux risques et éléments à considérer, et les résultats sur le rendement.

Principes directeurs régissant l’utilisation des programmes pilotes

  1. Des principes directeurs bien définis augmentent la qualité du processus de conception, de gestion et d’évaluation des programmes pilotes, appuient la prise de décision, garantissent que les programmes pilotes sont mis à profit pour aider à réaliser les priorités ministérielles et à atteindre les objectifs stratégiques, et permettent au Ministère d’offrir une valeur ajoutée aux clients, aux employés et aux partenaires.
  2. On utilise actuellement les programmes pilotes pour répondre à de nouveaux besoins et pour mettre à l’essai de nouvelles approches novatrices en matière d’immigration. Le PPICA, par exemple, a été créé pour aider une région particulière à relever d’importants défis démographiques et liés au marché du travail, notamment une faible croissance économique, le vieillissement de la main-d’œuvre et une difficulté à attirer et à garder des immigrants, tout en mettant à l’essai une approche axée sur les employeurs. Les programmes pilotes des aides familiaux visent à offrir aux aides familiaux à domicile une voie d’accès à la résidence permanente plus claire et directe, tout en continuant à offrir aux familles canadiennes un éventail d’options en matière de services d’aide à domicile. L’élément clé mis à l’essai dans le cadre de ces programmes pilotes était le processus de demande en deux étapes pour travailler au Canada et obtenir la résidence permanente. À la première étape, qui consiste à établir l’admissibilité à la résidence permanente, le client présente des demandes de résidence permanente et de permis de travail ou d’études pour lui-même et les membres de sa famille. À la deuxième étape, le client avise IRCC lorsqu’il a accumulé les deux années d’expérience de travail requises, puis IRCC rend une décision définitive sur la demande de résidence permanente.
  3. De façon générale, les programmes pilotes représentent un moyen utile d’examiner des concepts, des approches et des processus nouveaux et novateurs, de les mettre à l’essai, d’en déterminer la viabilité et de les mettre en œuvre pour aider le Ministère à réaliser son mandat et ses priorités et à atteindre ses objectifs stratégiques.
  4. Quelques-uns des participants aux entrevues ont exprimé des préoccupations par rapport à la façon dont les programmes pilotes sont utilisés. On mentionne que ces programmes sont parfois utilisés pour répondre plus rapidement à un nouveau besoin ou à une exigence de l’évolution des priorités du gouvernement plutôt que pour mettre à l’essai de nouvelles approches novatrices en matière d’immigration.
  5. On a fait remarquer que le Ministère n’a pas établi de principes directeurs officiels pour guider la conception, la gestion et l’évaluation des programmes pilotes et pour appuyer la prise de décision en rapport avec ces programmes. À cet égard, le Ministère n’a peut-être pas mis en place un cadre de gestion assez solide pour la réalisation des avantages qui contribuerait à améliorer l’exécution des programmes et l’aiderait à réaliser les priorités et à atteindre les objectifs organisationnels, horizontaux et fédéraux.

Gouvernance et surveillance

  1. Une structure efficace de gouvernance et de surveillance appuie la prise de décision aux niveaux appropriés et par les parties concernées. Il est observé que les structures de gouvernance actuelles d’IRCC, notamment le Comité des politiques et le Comité exécutif, sont les principaux mécanismes utilisés pour s’assurer que les programmes pilotes font l’objet d’une gouvernance et d’une surveillance par des cadres supérieurs et de direction à l’étape de la conception. Les programmes pilotes sont approuvés par les comités pertinents de la haute direction, ce qui assure un degré de rigueur approprié. En outre, l’approche utilisée à l’égard des programmes pilotes est confirmée au ministre par voie de note de service.
  2. L’équipe d’audit a constaté que le degré de surveillance fourni par la haute direction durant la conception et tout au long de la mise en œuvre varie entre les programmes pilotes d’immigration économique visés par l’audit. Par exemple, pendant la mise en œuvre du PPICA, la haute direction a reçu des tableaux de bord mensuels lui donnant un aperçu du rendement du programme. Ces tableaux de bord comprenaient des renseignements sur le nombre d’employeurs participant au programme pilote, le nombre de demandes de résidence permanente (RP) approuvées et le nombre d’admissions dans la région de l’Atlantique. Des tableaux de bord mensuels sur les tendances en matière de risques liés à l’intégrité ont également été produits pour le PPICA. Dans le cas des programmes pilotes des aides familiaux, des présentations ont été faites au COMEX, au comité du ministre – sous‑ministre, au Groupe de travail de la lutte contre la fraude et au Comité des politiques à la fin du cycle de vie des programmes pilotes en 2018. Ces présentations ont servi à évaluer les prochaines étapes, y compris les éléments à prendre en considération pour transformer les programmes pilotes en nouveaux programmes permanents. Pour le PVDE, il n’a pas été possible d’obtenir toute la documentation présentée à la haute direction.
  3. Comme chaque programme pilote a un modèle, un objectif et une portée qui lui sont propres, il est souvent nécessaire d’adapter les structures de gouvernance et de surveillance en fonction des besoins uniques que les programmes pilotes visent à combler. Bien que les fonctions de gouvernance et de surveillance soient établies au niveau du programme, il pourrait néanmoins être possible de renforcer les structures de surveillance existantes en intégrant une vision globale dans la gestion de l’ensemble des programmes pilotes d’IRCC. Cela favoriserait une application efficace des principes directeurs relatifs aux programmes pilotes du Ministère, en plus de permettre une gestion coordonnée et une surveillance globale du rendement de ces programmes et de réduire les risques communs. Cette approche permettrait aussi de tenir compte des leçons apprises et de tirer profit des gains d’efficience potentiels en matière de processus dans le cadre des programmes existants ou des nouveaux programmes pilotes.

Chevauchement perçu entre les programmes principaux et les programmes pilotes

  1. D’un point de vue stratégique, les programmes pilotes sont des voies d’accès et des solutions novatrices distinctes qui sont proposées pour obtenir un résultat donné. Une préoccupation a toutefois été exprimée par rapport au fait que, dans certains cas, l'élaboration des projets pilotes était influencée par des facteurs externes (c.-à-d. des intervenants, des influences politiques), plutôt que d'être proposée par les partenaires fédéraux et provinciaux/territoriaux, a été une préoccupation soulevée. Bien que cela puisse avoir une incidence sur les délais de mise en œuvre, le Ministère a travaillé en étroite collaboration avec les partenaires pour déterminer clairement les objectifs stratégiques et concevoir un projet pilote qui répond également aux besoins fédéraux, provinciaux et territoriaux. Des modifications à mi-parcours peuvent se révéler nécessaires dans une perspective d’amélioration continue, mais il doit y avoir en place un processus de gestion officiel pour s’assurer que les changements et les attentes s’harmonisent adéquatement avec la raison d’être du programme pilote et que l’on dispose des ressources nécessaires pour leur mise en œuvre.  
  2. D’un point de vue opérationnel, les commentaires reçus des gestionnaires de programme, du personnel et des intervenants externes indiquent un chevauchement possible entre les programmes pilotes, d’une part, et les programmes principaux et les voies d’accèsNote de bas de page 1, d’autre part, par rapport aux critères d’admissibilité et aux exigences relatives aux demandes, ce qui crée de la confusion chez les clients. Ce constat vise non seulement les programmes exécutés par le Ministère, mais également ceux administrés par les provinces et territoires. Par exemple, on recense environ 80 volets dans les neuf provinces et les deux territoires qui participent au Programme des candidats des provinces (PCP). Un nouveau demandeur peut donc avoir de la difficulté à s’orienter et à comprendre les différences entre les divers programmes (permanents et pilotes) et les voies d’accès. Des personnes qui présentent une demande dans le cadre des programmes pilotes auraient peut-être été admissibles au titre des programmes existants. On remarque par exemple un certain chevauchement entre le PCP et le PVDE. Le PCP a été conçu afin que les provinces et les territoires puissent créer des volets leur permettant de désigner des immigrants qui peuvent contribuer au marché du travail et à l’économie de la région et qui ont l’intention de s’établir dans ces provinces et territoires. Les « volets des gens d’affaires » établis par les provinces et les territoires pour inciter des entrepreneurs à s’établir et à exploiter une entreprise varient entre les administrations et ciblent une vaste gamme d’entreprises. Le PVDE ciblait pour sa part des entrepreneurs innovateurs des domaines des technologies et de l’innovation. Le chevauchement perçu provient du fait que les provinces et les territoires ont mis en place des volets qui ciblent les entrepreneurs du secteur des technologies, un objectif similaire à celui du PVDE. Et parmi les demandeurs du PVDE figuraient des gens d’affaires traditionnels qui étaient similaires à ceux visés par le PCP.
  3. Un autre exemple de chevauchement perçu concerne le PCP et le PPICA, qui peuvent sembler viser un résultat final et des groupes cibles similaires, mais qui ont chacun une approche unique pour atteindre ce résultat. Le PPICA et le PCP visent tous deux à attirer et à garder de nouveaux arrivants pour combler les besoins en main-d’œuvre dans la région de l’Atlantique. Le modèle du PPICA, qui met l’accent sur les employeurs et sur un soutien amélioré à l’établissement, a été élaboré en réponse aux faibles taux de rétention enregistrés par le PCP au Canada atlantique. Les deux programmes se révèlent essentiels pour aider les provinces atlantiques à attirer et à garder de nouveaux arrivants qui peuvent contribuer à leur économie.
  4. Les provinces atlantiques se révèlent très habiles à mobiliser des intervenants et à les orienter vers le programme le plus apte à combler leurs besoins uniques, ce qui contribue à réduire la confusion sur le marché et le nombre de demandes reçues. En outre, les employeurs qui participent au PPICA ont accès au mode de service réservé (MSR) d’IRCC, lequel offre un soutien pour s’orienter dans le système d’immigration. Bien que le MSR ne dirige pas les employeurs vers des programmes particuliers, il peut expliquer les particularités des divers programmes d’immigration d’IRCC en cas de confusion. De plus, la Direction générale des communications d’IRCC créée des pages Web distinctes pour chaque programme, pilote et principal, afin que le public soit dirigé vers l’information appropriée. La DGC se sert également de son outil « Venir au Canada » pour aider les demandeurs éventuels à choisir un programme et de son système de messagerie intelligent pour s’assurer que l’information est concise et que les messages parviennent aux groupes ciblés.

Coûts financiers et retombées des programmes pilotes

  1. Les programmes pilotes semblent avoir des coûts opérationnels initiaux supérieurs à ceux des programmes permanents du Ministère. Comme les programmes pilotes sont souvent élaborés pour répondre à de nouveaux besoins et ont une durée temporaire, le temps alloué à la conception est plus court. Un niveau élevé de ressources est souvent nécessaire pour respecter les délais plus courts, exécuter les programmes pilotes rapidement et les adapter pendant la mise en œuvre. Par ailleurs, ces programmes exigent souvent une plus grande coordination entre tous les intervenants clés, y compris avec des partenaires externes tels que les collectivités, les provinces et territoires et les entreprises, pour garantir leur réussite.
  2. Bien qu’on s’attende généralement à ce que les programmes pilotes exigent plus de ressources humaines et financières à l’étape de la conception, plusieurs programmes pilotes ont été élaborés sans qu’il soit nécessaire d’allouer des ressources supplémentaires. Par exemple, le PPICA, les programmes pilotes des aides familiaux et le Programme pilote sur l’agroalimentaire n’ont pas été financés, tandis que le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord a été financé en partie. Aucun exercice d’établissement des coûts n’a été effectué, et l’exécution des programmes pilotes non financés repose sur la capacité ministérielle existante, augmentant la pression exercée sur le personnel pour la concrétisation des priorités.
  3. En outre, l’incidence des programmes pilotes sur la capacité du Ministère d’exécuter efficacement ses programmes principaux ou de prendre des mesures efficaces pour atténuer les répercussions n’a fait l’objet d’aucune analyse. La formation portant sur les activités et tâches opérationnelles propres à chaque programme pilote était de qualité variable, ce qui a eu pour effet de diminuer la capacité des employés de gérer efficacement leur charge de travail globale en plus de limiter la capacité du Ministère de mesurer l’efficacité de la formation. On a souligné que la formation propre à un programme pilote est souvent élaborée et offerte à l’interne par des employés ayant une expérience dans le traitement des demandes. Bien que la formation puisse atteindre son objectif pour le nouveau personnel opérationnel, le programme de formation ne fait pas systématiquement l’objet d’un examen d’assurance de la qualité, ce qui peut avoir une incidence sur la pertinence et la durabilité de ce savoir au sein du Ministère.
  4. En l’absence de principes directeurs clairement définis pour la gestion des programmes pilotes, il peut être plus difficile d’élaborer, de gérer et d’évaluer ces programmes et de prendre des décisions éclairées s’appuyant sur des données probantes quant à leur intégration éventuelle dans l’ensemble des programmes permanents du Ministère. Les ressources humaines et financières disponibles ne sont peut‑être pas affectées d’une manière efficace ou efficiente en fonction des priorités, et il pourrait y avoir un dédoublement d’efforts ou d’autres lacunes dans la conduite des activités liées aux programmes pilotes. Enfin, il peut être plus difficile de déceler rapidement de nouveaux enjeux et obstacles ou de s’assurer que les leçons apprises sont prises en compte dans l’élaboration de nouveaux programmes pilotes ou l’exécution des programmes permanents existants.
  5. Recommandation 1 : Le sous-ministre adjoint principal (SMA), Secteur des politiques stratégiques et de programmes, et le SMA, Secteur des opérations, devraient définir conjointement un ensemble de principes directeurs officiels pour améliorer la façon dont les programmes pilotes sont conçus, mis en œuvre et évalués au sein du Ministère, ainsi que déterminer et mettre en place des mécanismes et des mesures de contrôle pour appuyer l’application des principes directeurs relatifs aux programmes pilotes du Ministère.

    Réponse de la direction : La direction accepte cette recommandation. En réponse, la Direction générale de l’immigration travaillera avec le Secteur des opérations à l’établissement et à l’intégration de principes directeurs pour favoriser une gestion efficace des programmes pilotes et uniformiser le processus d’élaboration et de mise en œuvre.

Obligations redditionnelles, rôles et responsabilités

  1. Un document définissant clairement les obligations redditionnelles, les rôles et les responsabilités en lien avec le cadre de réalisation des avantages est essentiel pour aider les intervenants à s’acquitter de leurs responsabilités, et s’assurer que les programmes pilotes obtiennent les résultats escomptés et les avantages anticipés.
  2. Des lignes directrices, des processus et des procédures établis constituent une source d’information faisant autorité pour les intervenants et aident à ce que l’élaboration, l’exécution et la surveillance des programmes pilotes soient efficaces et uniformes, en plus d’appuyer la décision d’intégrer ou non un programme pilote à l’ensemble des programmes permanents. Ces éléments sont essentiels pour garantir que les intervenants ont une compréhension commune des objectifs, des exigences, des produits et des avantages.
  3. De façon générale, les rôles et les responsabilités des principaux intéressés participant à l’élaboration, à l’exécution, à la surveillance et à l’intégration des programmes pilotes au sein du Ministère sont bien compris. On a toutefois constaté des lacunes en fait de documents justificatifs ou de cadre officiel décrivant les obligations redditionnelles, les rôles et les responsabilités liés aux programmes pilotes. Il n’existe aucun énoncé général des rôles et des responsabilités communs à tous les types de programmes pilotes et à toutes les fonctions (p. ex. la réalisation des avantages).
  4. Bien que la DGI dirige généralement la conception et l’élaboration des programmes pilotes, elle a désigné des équipes pour s’occuper de la conception et de la mise œuvre de certains (notamment le PPICA, le PPICRN et le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique). Ces équipes étaient également responsables du suivi et de la mesure des résultats, des modifications au programme, de la collaboration avec les partenaires et les intervenants, et des comptes rendus à la direction). Cependant, la direction générale n’avait pas d’équipe désignée ou de centre d’expertise pour fournir une orientation ou des directives officielles et intégrer les leçons tirées des réussites et défis antérieurs à la conception et à la mise en œuvre de nouveaux programmes pilotes, ce qui a eu une incidence sur la charge de travail du personnel.
  5. En février 2020, la DGOPI, qui est responsable des programmes d’immigration économique, a créé l’Unité de l’innovation des pilotes et des voies économiques (anciennement le Groupe de travail sur les projets pilotes d’immigration économique) pour l’appuyer dans l’exercice des rôles et des responsabilités liés à l’exécution et au suivi du rendement de ces programmes. L’unité est responsable du Programme pilote sur l’agroalimentaire, du Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord, du Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique et du Programme de candidats municipaux.
  6. L’audit révèle que le Ministère n’avait pas de processus, de procédures ou de cadres ministériels officiels pour guider la conception et la mise en œuvre des nouveaux programmes pilotes. À défaut, la direction et le personnel ont dû compter sur un degré variable de disponibilité et de compréhension des connaissances et de l’expérience disponibles à l’interne. En l’absence de directives ministérielles, l’unité a pris l’initiative de préparer un diaporama PowerPoint (The Design, Delivery and Evaluation of Pilots (Full Cycle)) décrivant les étapes de conception, d’exécution et d’évaluation qui forment le cycle de vie habituel des programmes pilotes. Ce document mentionne les étapes clés du processus lié à un programme pilote ainsi que les rôles et responsabilités des acteurs clés (soit la DGI, la DGOPI et la DGRE). Le document a été approuvé à l’interne par le directeur général, OPI, en février 2021. Il n’a pas encore été transmis aux autres intervenants ni approuvé et diffusé à l’échelle du Ministère. L’absence d’un processus pour définir et appliquer les étapes clés du processus d’élaboration et de mise en œuvre des programmes pilotes augmente le risque que des erreurs ou des écarts soient commis en cours de route, que les leçons apprises ne soient pas prises en compte et qu’on ne profite pas des gains d’efficacité potentiels, ce qui a pour effet de limiter la réussite des programmes pilotes et d’augmenter les coûts pour le Ministère.
  7. Au niveau du programme pilote, des procédures de vérification de la conformité et des instructions relatives au programme ont été fournies sous forme d’IEP et de PON aux personnes responsables de la mise en œuvre opérationnelle. Il ressort des entrevues que ces documents étaient clairs, bien compris et mis à jour régulièrement. Des directives ont également été fournies aux partenaires externes, notamment aux provinces et territoires pour le PPICA, ainsi qu’à la National Angel Capital Organization et à l’Association canadienne du capital de risque et d’investissement pour le PVDE, pour les aider à s’acquitter de leurs responsabilités.
  8. En outre, on trouve sur le site intranet d’IRCC de la documentation sur les processus, les procédures et les outils qui explique clairement comment traiter les demandes de résidence permanente et temporaire présentées au titre des programmes pilotes. On y retrouve entre autres des processus et des procédures pour évaluer la conformité des demandes aux modalités et conditions des programmes et pour assurer l’intégrité des programmes.

Gestion du risque

  1. La gestion du risque favorise la prise de décisions éclairées qui tiennent compte des risques. Elle permet de réagir de façon proactive à la fois aux menaces et aux possibilités. Une bonne gestion du risque sert à appuyer la prise de décisions stratégiques qui contribuent à l’atteinte des objectifs généraux d’une organisation.
  2. Une approche officielle détaillée en matière de gestion du risque appuie la détermination, l’évaluation et l’atténuation des risques liés aux programmes pilotes d’une manière systématique en plus d’appuyer la prise de décision et l’affectation des ressources. Un processus de gestion du risque de fraude, qui comprend un mécanisme de surveillance et de signalement des risques de fraude possibles, contribue également à éclairer et à appuyer les activités de contrôle qui sont nécessaires pour détecter, prévenir et atténuer les éventuels risques de fraude propres aux programmes pilotes.
  3. L’équipe d’audit a constaté que des procédures et des processus sont en place pour gérer le risque de fraude et les risques liés à l’intégrité des programmes visés par l’audit, et qu’ils sont adaptés aux besoins particuliers de ces programmes. Par exemple, la DGI a préparé, en collaboration avec le Secteur des opérations d’IRCC, un document sur les rôles et les responsabilités qui explique la façon dont chaque direction générale participe à la surveillance de l’intégrité du PPICA. Depuis juin 2019, la DGI travaille avec des collègues du Secteur des opérations à établir des indicateurs de rendement clé (IRC) liés à l’intégrité des programmes et à recueillir des données pour avoir une meilleure connaissance de l’intégrité du programme pilote. La DGI surveille étroitement les problèmes d’intégrité signalés par les provinces et les collègues opérationnels d’IRCC afin d’évaluer la mesure dans laquelle la conception du programme pilote pourrait involontairement prêter à une utilisation appropriée. De concert avec la DGOPI, la DGGRI et les réseaux, la DGI recommande des modifications aux politiques pour renforcer l’intégrité des programmes, et applique les leçons apprises aux autres programmes d’immigration.
  4. En outre, la DGGRI a travaillé de façon proactive avec les programmes pilotes dans le cadre de l’évaluation du risque de fraude et des risques liés à l’intégrité, notamment en mettant au point un processus normalisé pour appuyer leur mandat. Par exemple, la DGGRI a collaboré étroitement à la conversion du PPICA en un programme permanent pour veiller à la mise en place de mesures d’atténuation des risques. La DGGRI préside un Groupe de travail de la lutte contre la fraude (GTLCF) au sein duquel les provinces et les territoires peuvent soulever, et ont soulevé, des problèmes d’intégrité en lien avec le PCP. Le GTLCF relève du Groupe de travail opérationnel sur l’immigration économique. L’équipe d’audit a constaté que des mesures et des mécanismes sont en place pour assurer l’intégrité du PPICA et du PVDE.
  5. Certains cas de fraude soupçonnée ou confirmée ne touchaient pas les clients d’IRCC. Comme on ne trouve aucun dossier sur les personnes impliquées dans le SMGC, un signalement ne peut pas être fait. La DGGRI a souligné qu’il y a toutefois un processus en place pour consigner et communiquer les cas de fraude soupçonnée ou confirmée, ce qui permet aux agents d’IRCC de corroborer les allégations et d’y associer possiblement les dénonciations reçues pour préparer un rapport plus étoffé sur la fraude soupçonnée ou confirmée et sa prévalence dans le processus d’immigration.
  6. Des voies de communication sont également en place (boîte aux lettres, MSR, formulaire de soumission en ligne pour encourager la transmission de données uniformes et détaillées par les provinces, groupes de travail, formation sur l’intégrité des programmes, etc.) pour que les principaux intervenants internes et à externes puissent signaler tout problème de fraude ou touchant l’intégrité des programmes. Dans l’ensemble, les voies de communication en place sont efficaces et accessibles. Toutefois, en ce qui concerne le PPICA, des représentants provinciaux ont souligné le besoin d’améliorer la gestion et la surveillance de la boîte aux lettres générale d’IRCC puisqu’il leur arrive de ne pas obtenir de réponse à leurs demandes de renseignements ou de ne pas avoir tous les renseignements nécessaires pour prendre des décisions éclairées. Il a été mentionné que, même si les provinces communiquent souvent à IRCC les tendances qu’elles observent, comme des cas possibles de fraude ou de fausse déclaration, il n’y a pas de boucle de rétroaction fermée. La DGGRI a expliqué que le formulaire de soumission en ligne récemment mis en place vise à corriger cette lacune. Ce processus permet aux provinces de communiquer leurs préoccupations d’une manière normalisée et de recevoir rapidement une rétroaction.
  7. Il convient de préciser que, dans bien des cas, les risques mis au jour n’étaient pas en lien avec une utilisation abusive ou une fraude susceptible de nuire aux programmes; il s’agissait plutôt de risques de nature opérationnelle (délais de traitement, goulots d’étranglement, etc.).
  8. L’équipe d’audit a constaté qu’aucune directive ou orientation générale n’a été donnée concernant l’exigence d’établir un cadre officiel détaillé de gestion du risque à l’étape de la conception ou de la mise en œuvre des programmes pilotes. Des stratégies de gestion du risque n’ont pas été mises en place pour déterminer, évaluer et atténuer d’une manière systématique les risques associés aux programmes pilotes. De plus, il n’y avait aucune exigence officielle concernant l’élaboration de plans financiers ou de ressources humaines, notamment pour évaluer et atténuer les risques opérationnels, financiers et liés aux ressources humaines dans le cadre des programmes pilotes. En l’absence de directives ou d’exigences officielles, il peut être plus difficile d’évaluer précisément les répercussions opérationnelles des programmes pilotes sur les secteurs d’activité principaux d’IRCC. Par exemple, les participants aux entrevues ont mentionné que le personnel existant d’IRCC est souvent appelé à appuyer la mise en œuvre des programmes pilotes en plus de ses responsabilités courantes. Des préoccupations ont d’ailleurs été exprimées par rapport au fait que les ressources existantes des secteurs d’activité principaux du Ministère sont réaffectées aux programmes pilotes non financés. Les personnes interviewées estiment que cette approche augmente la charge de travail des employés et exerce des pressions supplémentaires sur les activités ministérielles.
  9. De façon générale, les responsables de la mise en œuvre opérationnelle disent que les voies de communication existantes leur permettent de détecter et d’atténuer les risques, et d’obtenir des réponses à leurs questions concernant les processus et les procédures. Les intervenants externes ont suggéré quelques aspects à améliorer au chapitre du soutien continu offert par IRCC, comme fournir des lignes directrices plus claires sur la façon d’annuler une nomination et d’apporter des modifications à l’emploi d’une personne après la désignation, ainsi que simplifier les rapports exigés ou en réduire le nombre. 
  10. Sans une approche officielle détaillée en matière de gestion du risque, il est plus difficile de prendre des décisions éclairées et d’affecter les ressources nécessaires pour appuyer l’élaboration et la mise en œuvre des programmes pilotes.

Surveillance et établissement de rapports

  1. Une approche structurée et intégrée en matière de gestion des investissements repose sur un mécanisme systématique pour la sélection, l’établissement d’un ordre de priorité, la surveillance et l’évaluation. En harmonisant la fonction de surveillance et d’établissement de rapports avec les exigences du Cadre ministériel des résultats et du Cadre de réalisation des avantages, on s’assure que les programmes concourent aux objectifs ministériels et appuient les besoins fonctionnels tout en aidant à réduire le risque au minimum, à tirer un maximum des résultats anticipés du projet et à appuyer la réalisation des avantages.
  2. Les leçons apprises reflètent les expériences tant positives que négatives d’un programme. La façon dont le Ministère consigne les leçons apprises et en tient compte témoigne de son engagement à améliorer continuellement la gestion des programmes pilotes.
  3. Il est constaté que la DGRE a joué un rôle central en dirigeant l’évaluation du rendement des programmes pilotes. La fonction d’évaluation ministérielle a évalué le rendement préliminaire, les résultats et l’efficacité des programmes pilotes nommés dans le plan d’évaluation ministériel annuel, et en a fait rapport. Grâce à l’évaluation des programmes pilotes, le Ministère dispose rapidement de données probantes pour appuyer la prise de décisions au sujet de l’orientation du programme pilote et de sa conversion en programme permanent. Cette fonction fournit également de précieuses informations et permet de recommander des modifications stratégiques au programme qui s’appuient sur les leçons apprises pendant l’exécution du programme pilote.
  4. Les programmes pilotes durent de trois à cinq ans, et ce court cycle de vie pose des défis. Habituellement, un projet pilote de cinq ans fait l’objet d’une évaluation trois ans après le début de sa mise en œuvre. La capacité du Ministère d’évaluer pleinement les résultats à long terme, notamment l’établissement économique et la rétention, était limitée puisque cette information est disponible plus tard dans le cycle de vie du programme pilote. Certaines décisions (p. ex. s’il faut terminer le programme pilote ou en faire un programme permanent) doivent donc être prises avant que les résultats à long terme d’un programme pilote régional de nature économique puissent être connus.
  5. Des cadres et des stratégies de mesure du rendement, notamment des PIP, des modèles logiques et des stratégies de collecte des données, ont été élaborés pour les programmes pilotes examinés. Les programmes pilotes bénéficient du soutien de la DGPRO et de la Direction générale du dirigeant principal des données (DGDPD) pour produire des rapports internes et externes sur le rendement. Il est toutefois observé qu’en ce qui concerne le PVDE et les programmes pilotes des aides familiaux, on recourt abondamment aux évaluations de programme au lieu d’effectuer des exercices périodiques de surveillance et d’établissement de rapports.
  6. Les besoins en données doivent être définis à l’étape de la conception du programme pilote pour permettre l’obtention d’une mesure efficace du rendement. Des personnes ont mentionné que la participation de la DGDPD a été inégale entre les programmes pilotes examinés et que certains écueils n’ont pu être évités. Par exemple, comme la DGDPD a été consultée aux premières étapes de l’élaboration du PPICA, elle a pu mettre en place les mécanismes nécessaires de collecte et de transmission de données en vue de recueillir des données pertinentes pour appuyer la mesure du rendement du programme pilote. Cependant, en raison des complexités liées à la conception de la voie d’accès RT à RP dans le cadre des programmes pilotes des aides familiaux, des problèmes liés à la préparation des rapports persistent bien que la DGDPD ait été consultée tôt dans le processus.
  7. Dans l’ensemble, il est observé que le Ministère a acquis de l’expérience aux chapitres de l’élaboration et de la gestion des programmes pilotes et de la surveillance continue, et que les méthodes d’évaluation et d’établissement de rapports se sont améliorées. Il est également constaté qu’il y avait peu de mécanismes d’évaluation du rendement en place pour mesurer le rendement du capital investi dans les programmes pilotes ou l’atteinte d’autres objectifs tels que le renforcement des partenariats et de la collaboration. Par exemple, il a été déterminé que les méthodes de collecte des données et de gestion du rendement doivent être améliorées pour le PVDE. La stratégie de mesure du rendement du PVDE a été mise à jour en réponse à une recommandation découlant de l’évaluation du PVDE. Des problèmes persistent toutefois en ce qui a trait à la collecte des données requises pour mesurer la réussite de ce programme, et certains de ces problèmes échappent à la portée du programme. Le PVDE comprend des indicateurs qui font l’objet d’un suivi dans le cadre des PIP relatifs aux programmes économiques fédéraux, lesquels sont en cours d’examen, mais le PVDE s’appuie sur les données et les indicateurs existants. En outre, IRCC compte sur le soutien de partenaires du secteur privé pour assurer l’exécution du PVDE. Le Ministère communique avec des associations de l’industrie pour connaître leur point de vue sur la mise en œuvre du programme et obtenir les commentaires des organismes désignés, mais ces derniers ne sont pas tenus de faire rapport. En ce qui concerne la conversion du PVDE en un programme, les leçons tirées du programme pilote indiquent que l’ensemble du processus et les relations avec les organisations devraient être décrits, mais à ce jour, cela n’a pas été fait. 
  8. Les recommandations et les leçons apprises propres au PPICA et au PVDE ont été formulées pendant les évaluations de ces programmes. Un certain nombre de pratiques exemplaires proposées à l’égard du PPICA sur la façon de concevoir et d’exécuter un programme pilote ont été prises en compte dans des programmes pilotes ultérieurs. Par exemple, les premières leçons tirées du PPICA ont été prises en considération durant la conception du Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord. Il n’existe cependant aucun processus officiel ni suivi des leçons tirées de l’ensemble des programmes pilotes, notamment celles ayant trait aux pratiques novatrices des programmes pilotes ou aux pratiques exemplaires augmentant l’efficacité du processus de conception et de mise en œuvre.
  9. En l’absence d’un processus défini pour centraliser les leçons apprises, le Ministère court un risque accru de se buter à nouveau à des obstacles similaires ou de perdre des occasions d’améliorer les processus et les pratiques des nouveaux programmes pilotes et des programmes permanents existants.
  10. En ce qui a trait à la fonction de surveillance et d’établissement de rapports en matière de conformité à l’article 14.1 de la LIPR, des processus appropriés étaient en place par rapport au nombre de demandes reçues et approuvées. Tous les programmes pilotes visés par l’audit étaient conformes à ces exigences. En outre, les programmes pilotes étaient fondés sur l’atteinte d’un objectif économique défini, les catégories de demandeurs ciblées étaient de nature économique, et les programmes pilotes n’ont pas dépassé ou ne devraient pas dépasser une durée de cinq ans.

4. Conclusion

  1. De façon générale, l’équipe d’audit a constaté l’absence de principes directeurs clairement définis pour mieux guider l’élaboration, la surveillance, la gestion, l’évaluation et la transition des programmes pilotes.
  2. Étant donné qu’ils visent des objectifs qui leur sont propres, les programmes pilotes ont été gérés séparément, et les structures et processus ministériels existants ont été mis à profit aux fins de leur élaboration, de leur mise en œuvre et de leur transition ou interruption. Malgré la présence de processus adéquats pour gérer le risque de fraude et les risques liés à l’intégrité des programmes, l’équipe d’audit n’a trouvé aucune directive générale visant la création d’un cadre officiel de gestion du risque pour les programmes pilotes. Le Ministère a beaucoup compté sur la fonction d’évaluation pour mesurer et communiquer les premiers résultats sur le rendement des programmes pilotes, dans le but d’appuyer une prise de décision rapide au sujet des changements à apporter à un programme pilote ou de sa conversion en un programme permanent. La capacité d’évaluer l’établissement économique et la rétention était toutefois limitée étant donné que les données respectives sont disponibles des années après la fin des programmes pilotes. La fonction de surveillance et d’établissement de rapports ne s’assortissait pas d’un cadre de réalisation des avantages pour éclairer les décisions d’investissement futures.
  3. Puisque IRCC continue de faire face à des exigences croissantes et que la possibilité d’utiliser des programmes pilotes augmente, la mise en place de principes directeurs clairement définis aux fins de la gestion et de l’évaluation des programmes pilotes appuiera la fonction générale de gestion et de surveillance de l’ensemble des programmes pilotes du Ministère, ainsi que l’atteinte des objectifs ministériels en général. Les principes directeurs fourniront également une orientation et des directives aux fins de l’élaboration et de la mise en œuvre de programmes pilotes distincts en tenant compte des pratiques exemplaires et des leçons apprises.

La direction a accepté les constatations de l’équipe d’audit et a élaboré un plan d’action afin de donner suite aux recommandations.

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