L'identification des fibres naturelles – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 13/18

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La Note de l'ICC 13/18 fait partie de la treizième série des Notes de l'ICC (Textiles et fibres)

Introduction

L'identification des fibres constitue une étape initiale importante lorsqu'il faut prévoir comment un textile de collection réagira aux conditions ambiantes de divers milieux. En connaissant la nature d'une ou de plusieurs fibres dans un objet, il est plus facile de planifier des traitements de conservation et des méthodes d'entreposage adéquats. Dans cette Note, on décrit deux moyens simples et pratiques (l'essai à la flamme et l'examen au microscope) qui permettent d'identifier le coton, le lin, la soie et la laine, soit les fibres naturelles les plus courantes dans les collections occidentales. Pour en savoir plus sur les caractéristiques des fibres naturelles, voir le 13/11 des Notes de l'ICC : Les fibres naturelles. Certains documents de la bibliographie font mention d'autres tests qualitatifs et quantitatifs, mais leur exécution exige parfois des méthodes et des instruments plus perfectionnés et des connaissances spécialisées. Il existe toutefois des laboratoires scientifiques universitaires ou des entreprises offrant des services d'évaluation de textiles qui sont en mesure de les réaliser.

Facteurs dont il faut tenir compte

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent rendre plus complexe l'identification des fibres d'un textile de musée :

  • Le mauvais état d'un textile historique détérioré peut rendre difficile, voire impossible, l'identification des caractéristiques diagnostiques propres aux fibres.
  • Les fils composés d'au moins deux types de fibres, y compris les fibres synthétiques, peuvent rendre plus complexe l'interprétation des résultats de l'essai à la flamme. Il faut donc utiliser une autre méthode de test, l'examen des fibres au microscope par exemple, pour confirmer la validité des résultats de l'essai à la flamme.
  • Ni l'essai à la flamme ni l'examen au microscope n'est considéré comme probant à lui seul, mais les deux techniques peuvent servir d'essais de confirmation. L'exécution d'autres essais par des spécialistes peut être nécessaire afin d'établir une identification certaine.

Avant d'effectuer des essais sur des artéfacts, il est important d'obtenir la permission du conservateur. De plus, il faut d'abord faire des essais des méthodes d'identification avec des fibres de textiles connus qui ne sont pas indispensables.

Échantillonnage

Il est possible d'identifier des fibres à partir de très petits échantillons de fils. On coupe normalement un morceau d'au plus 0,4 cm (1/8 po) de longueur de l'extrémité d'un fil exposé qui est en bon état et se trouve dans une zone peu apparente de l'objet. Il faut prélever des échantillons du fil de chaîne et du fil de trame, car la chaîne et la trame de certains tissus sont parfois constituées de types de fibres distincts. Dans la mesure du possible, il faut prélever des échantillons de tous les tissus présents dans un textile ou un costume, y compris les fils à coudre. Il est important de consigner dans les registres l'endroit où chaque échantillon a été prélevé et d'y ajouter des photographies connexes. Les échantillons de fibres prélevés doivent être placés temporairement dans le pli d'un morceau de papier blanc ou coloré étiqueté. On rend ainsi les fibres perceptibles et on facilite leur manipulation.

Essai à la flamme pour identifier les fibres

L'essai à la flamme permet de distinguer les fibres végétales (fibres cellulosiques) des fibres animales (fibres protéiniques). En général, l'essai ne constitue pas la seule méthode d'identification utilisée, mais il sert de complément à d'autres techniques.

Matériaux

  • Ciseaux fins
  • Pinces fines, en acier inoxydable
  • Bougie non parfumée ou autre source de flamme
  • Briquet ou allumettes

Précautions

  • Les essais à la flamme doivent être exécutés dans une zone sûre, éloignée des objets de musée et des matières combustibles.
  • La combustion des échantillons de fibres ne dégage que peu de fumée, mais avant de réaliser des essais multiples, s'assurer qu'ils ne déclencheront pas accidentellement les détecteurs de fumée.
  • Si on utilise des allumettes pour allumer la bougie, il faut laisser l'odeur de l'allumette brûlée se dissiper avant d'amorcer les essais à la flamme.
  • S'exercer à exécuter la technique en utilisant des échantillons prélevés sur des textiles connus qui ne sont pas indispensables, avant de passer à l'étape de mise à l'essai de fils provenant d'artéfacts. Il est important de pouvoir se fier à la vue et à l'odorat pour les observations, et ce, à chaque étape du processus de combustion.
  • Se rappeler que les fibres brûlent très rapidement dans la flamme et qu'en raison de la très petite taille des échantillons, il peut être très difficile de bien percevoir les fibres qui brûlent.

Marche à suivre

En tenant les fibres ou le petit échantillon de fil du bout des pinces, consigner les faits suivants :

  • observations visuelles de l'échantillon lorsqu'il est approché de la flamme, placé dans celle-ci, puis retiré;
  • odeur des fibres qui brûlent;
  • caractéristiques des cendres, y compris leur couleur et leur texture.

Comparer les résultats avec les données du tableau 1.

Tableau 1. Caractéristiques de fibres cellulosiques et protéiniques en bon état exposées à la flamme
Type de FibreEssai à la flamme
À proximité
de la flamme
Dans la
flamme
Retirée
de la flamme
OdeurCendres
dela
flamme
Cellulo-
sique, par exemple coton en lin
  • ne flétrit
    pas devant
    la flamme
  • s'en-
    flamme
    immé-
    diate-
    ment
    au contact
    de la flamme
  • brûle facile-
    ment
  • continue à brûle
  • présent
    une incande-
    scence resi-
    duelle, jusque'a ce
    que la fibre
    se consume
  • odeur de papier qui brûle
  • texture pelu-
    cheuse
  • de
    petite taille
  • de
    couleur
    blanche
    à grise
Protéin-
ique,
par exemple, soie et laine
  • flétrit devant la flamme
  • brûle lente-
    ment
  • s'éteint
    d'elle-
    même
  • odeur de che-
    veux qui brû-
    lent
  • de très petite
  • de
    couleur
    foncée
  • en forme d'amas en perle
    qui se disso-
    cient facile-
    ment

Soie chargée

Certains tissus de soie sont chargés par l'ajout de sels métalliques dans le bain de teinture ou au cours de procédés d'apprêt d'autres natures. Le poids ainsi ajouté à la soie compense la perte de poids qu'entraîne le décreusage dont elle fait l'objet en vue de son traitement. Vers la fin du XIXe siècle, toutefois, les entreprises de traitement de la soie utilisaient des quantités excessives de sels métalliques. Les sels ont accéléré la détérioration de la soie en augmentant sa sensibilité à la lumière et en causant ultérieurement la fragilisation et la rupture du tissu. L'essai à la flamme permet de déterminer si un tissu de soie est chargé, car en brûlant, seules les soies chargées produisent un résidu de très fines cendres dans la forme de la structure du fil ou du tissu.

Identification de fibres au microscope

L'examen des fibres au microscope peut confirmer les résultats d'essais à la flamme et aider à déchiffrer les résultats d'essais sur des fils mixtes. Il permet également de distinguer les fibres cellulosiques des fibres protéiniques. L'identification de fibres en très mauvais état, de couleur très foncée et celles dont la surface est apprêtée peut toutefois être difficile, même au microscope.

Matériaux

  • microscope optique (grossissement pouvant atteindre 400 × : oculaire avec grossissement de 10× et objectifs de grossissement de 10 ×, 20 × et 40 ×); le grossissement minimum recommandé est de 100 ×
  • Lames de microscope
  • Couvre-objets ou lamelles de microscope
  • Plateaux ou supports pour lames de microscope
  • Petit bécher contenant de l'eau ou de l'huile minérale, servant comme milieu de montage pour lames temporaires
  • Pinces fines
  • Compt
  • E-gouttes
  • Ciseaux fins
  • Marqueur permanent et/ou crayon, pour les besoins de la documentation

Les lames de référence disponibles sur le marché, contenant des échantillons des fibres naturelles les plus courantes – le coton, le lin, la soie et la laine – constituent des outils essentiels pour ceux qui veulent se familiariser avec les caractéristiques morphologiques et de surface de ces fibres (la section « Fournisseurs »). On peut les examiner à divers grossissements et les comparer aux caractéristiques présentées au 'Caractéristiques longitudinales de fibres cellulosiques en bon état'. Comme dans le cas de l'essai à la flamme, il faut s'exercerà exécuter la technique en utilisant des échantillons prélevés sur des textiles connus qui ne sont pas indispensables, avant de mettre à l'essai des fibres provenant d'artéfacts.

Marche à suivre : Vue longitudinale des fibres

Le processus d'échantillonnage décrit précédemment peut également servir à prélever des fibres de textiles. Les fibres ainsi obtenues doivent être montées sur une lame de microscope en utilisant de l'eau ou de l'huile minérale (l'eau permet de mieux distinguer la texture de la surface, tandis que l'huile minérale permet une meilleure observation de l'intérieur des fibres).

À l'aide de pinces fines, disposer les fibres au centre d'une lame de verre exempte de contaminants tels que d'autres fibres. Utiliser les pointes des pinces pour isoler les fibres de l'échantillon. Pour en simplifier l'identification, les fibres doivent être séparées les unes des autres et ne pas former un amas serré ou se chevaucher. Déposer une gouttelette de liquide sur la lame. Placer délicatement une lamelle sur les fibres, afin de ne pas modifier leur disposition. Le milieu de montage se répartira rapidement sous le couvre-objet; l'échantillon peut alors être examiné au microscope. Les fibres naturelles réagissent avec le milieu de montage et gonflent légèrement.

Placer la lame sur la platine et régler les dispositifs au plus faible grossissement, normalement l'objectif de grossissement de 10 × (couplé à l'oculaire de 10 ×, on obtient un grossissement de 100 ×). L'observation à faible grossissement est utile quand il faut « repérer » les fibres sur la lame, en utilisant les boutons de réglage grossier et fin du foyer, et distinguer les zones de torsion des fibres et les caractéristiques de surface comme les noeuds. Pour observer les détails des caractéristiques morphologiques des fibres, utiliser un grossissement plus élevé (par exemple, un objectif de grossissement de 20 × ou de 40 ×).

Tableau 2. Caractéristiques longitudinales de fibres cellulosiques en bon état

Coton.
Figure 1 –
Fibres cellulosiques : Coton
Caractéristiques longitudinales : ressemble à un ruban et présente, par intervalles, des zones de torsion le long de la fibre, le canal médullaire (dit lumen) peut avoir l'air d'une strie (minuscule rainure présente sur toute la longueur de la fibre), le canal médullaire est large et constitue normalement plus de la moitié de la largeur de la fibre.
Coton mercerisé
Figure 2 –
Fibres cellulosiques : Coton mercerisé
Caractéristiques longitudinales : les fibres mercerisées ont moins de zones de torsion, le canal médullaire (dit lumen) peut avoir l'air d'une strie.
Lin.
Figure 3 –
Fibres cellulosiques : Lin
Caractéristiques longitudinales : les fibres simples présentent, par intervalles et sur leur longueur, des noeuds en forme de I, de V ou de X, ressemblant à ceux du bambou, largeur inégale, le canal médullaire (dit lumen) est plutôt petit et constitue normalement moins de la moitié de la largeur de la fibre, les fibres se présentent souvent sous la forme d'un faisceau serré dans le sens de la longueur, plutôt que sous celle de fibres distinctes.

Caractéristiques longitudinales de fibres protéiniques en bon état

Figure 4 - Soie sauvage
Figure 4–
Fibres protéiniques : Soie sauvage
Caractéristiques longitudinales : ressemble à une tige lisse cylindrique qui présente des renflements périodiques, peut parfois présenter des stries à peine visibles.
Figure 5 - Soie sauvage
Figure 5–
Fibres protéiniques : Soie sauvage
Caractéristiques longitudinales : ressemble à une tige plate, comme un ruban, et présente un diamètre inégal, peut présenter des stries plus visibles que celles des fibres de soie, peut également présenter des marques en croix perpendiculaires, comme les fibres de lin.
Laine fine
Figure 6–
Fibres protéiniques : Laine fine
Caractéristiques longitudinales : surface extérieure et bords rugueux, en raison des écailles qui se chevauchent, aucun canal médullaire (un trait ininterrompu ou une rangée de points, selon l'animal dont provient la laine).
Laine brute
Figure 7–
Fibres protéiniques : Laine brute
Caractéristiques longitudinales : surface extérieure et bords rugueux, en raison des écailles superficielles serrées, en zigzag ou à bords irréguliers, canal médullaire visible.

Examiner plusieurs fibres dans toute leur longueur. Pour ce faire, repérer une extrémité coupée d'une fibre et poursuivre l'observation, dans le sens de sa longueur, en déplaçant progressivement la platine. La consultation d'ouvrages de référence peut favoriser la comparaison des caractéristiques de surface propres à chaque fibre, qui permettent ainsi de les distinguer les unes des autres (la Bibliographie). L'identification au microscope peut s'avérer simple, en raison de caractéristiques morphologiques singulières et facilement reconnaissables. La présence de caractéristiques inhabituelles ou complexes peut toutefois exiger l'aide de spécialistes.

Coton mercerisé

Procédé élaboré dans les années , le mercerisage rend les fibres de coton plus brillantes et plus résistantes et augmente leur affinité tinctoriale. Le procédé fait gonfler la fibre et la rend plus cylindrique, éliminant en grande partie la torsion qui caractérise normalement le coton (Caractéristiques longitudinales de fibres cellulosiques en bon état).

Documentation

Il est important de consigner tous les résultats dans des registres. Inscrire la date, le numéro et le nom de l'objet de musée, la description de l'échantillon, l'endroit de prélèvement, s'il s'agit d'un fil de chaîne ou de trame, la couleur de la fibre, le grossissement du microscope, ainsi que le type de fibre et ses caractéristiques. Faire un schéma des fibres observées. Certains microscopes sont munis d'un appareil photo numérique ou à pellicule qui permet d'obtenir des enregistrements photographiques.

Fournisseurs

Nota : L'information qui suit vise uniquement à informer le lecteur. La présence d'une entreprise dans cette liste n'engage aucunement l'Institut canadien de conservation.

Trousses de lames de référence contenant des échantillons de fibres, matériel de microscopie, microscopes

The McCrone Group (disponible en anglais seulement)

Microscopes et accessoires de microscope

SDL Atlas – Textile Testing Solutions (disponible en anglais seulement)

Matériel de microscopie

Fournisseurs de matériel scientifique

Bibliographie

  • American Association of Textile Chemists and Colorists (AATCC). AATCC Technical Manual, . Research Triangle Park, Caroline du Nord, AATCC, .

  • CATLING, D. ET J. GRAYSON. Identification of Vegetable Fibres. Londres, Chapman and Hall Ltd., . COOK, J.G. Handbook of Textile Fibres — Natural Fibres, 5e édition, 2 vol., Shildon, Merrow, .

  • DEGRUY, I.V. The Fine Structure of Cotton — An Atlas of Cotton Microscopy. New York, Marcel Dekker Inc., .

  • HUDSON, P.B., A.C. CLAPP et D. KNESS. Joseph's Introductory Textile Science, 6e édition, New York, Harcourt Brace College Publishers, .

  • Textile Institute of Manchester. Identification of Textile Materials, 7e édition révisée, Manchester, Textile Institute, .

  • The Fiber Reference Image Library (disponible en anglais seulement) (FRIL).

  • United States National Park Service. Development of a Web-Accessible Reference Library of Deteriorated Fibers Using Digital Imaging and Image Analysis : Proceedings of a Conference (disponible en anglais seulement), (J. Merritt, édition). Harpers Ferry Center, U.S. National Park Service, .


Rédigé par le personnel de la Section des textiles de l'ICC.

Also available in English.
Également publié en anglais.

© Ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada,
Nº de cat. : NM95-57/15-9-2010F
ISSN : 1191-7237


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