Le soin de l'argilite – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 12/1

La Note de l'ICC 12/1 fait partie de la douxième série des Notes de l'ICC (Pierre et plâtre)

Introduction

Depuis au moins le début du XIXe siècle, les Haïdas utilisent une ardoise noire que l'on trouve près de Slatechuck Creek, dans les îles de la Reine-Charlotte, en Colombie-Britannique, pour fabriquer divers petits articles tels que des bols, des plats et de miniatures mâts totémiques. Pour en savoir plus, voir Macnair et Hoover ( ). Comme cette ardoise, nommée argilite, est fragile, il faut prendre des précautions particulières pour manipuler, exposer, mettre en réserve et transporter les objets qui en sont constitués. Les conseils suivants sont extraits de Wainwright et Down ( ), que l'on pourra consulter pour en savoir plus.

La caractérisation du matériau

L'argilite est une ardoise kaolinique charbonneuse, c.-à-d. une roche métamorphique constituée de couches distinctes parallèles au plan de litage de la carrière. Elle est composée surtout de minéraux argileux qui, ayant été soumis à la chaleur et à la pression au cours des périodes géologiques, forment aujourd'hui une matière fine, uniforme et facile à travailler.

Au moment de son extraction, cette roche est encore détrempée. Si elle est soumise à un séchage trop rapide, elle a tendance à se fendre dans le sens du longrain. Ainsi, sur les grandes sculptures en argilite, on constate parfois des réparations apportées à des fentes qui s'y trouvaient avant même l'exécution de la sculpture. Selon les résultats des recherches, on se servait jadis d'une colle de poisson pour des réparations de cette nature. De nos jours, on répare normalement les fentes naturelles à l'aide de résines époxydes et de cyanoacrylates (par exemple : de la Krazy GlueMD).

La surface des sculptures en argilite peut être altérée après l'exécution par l'application de noir de fumée, de cirage ou de toute une gamme d'huiles naturelles ou synthétiques. En guise de décoration, des morceaux d'os, de coquille et d'autres matériaux y sont souvent incrustés.

Les conditions ambiantes

L'argilite adsorbe et désorbe de l'humidité présente dans l'air, ce qui se traduit par des changements dimensionnels. Les changements les plus importants sont perpendiculaires au plan de litage (c.-à-d. le longrain); les changements parallèles au plan de litage, eux, sont minimes. Des cycles fréquents d'expansion et de contraction du matériau peuvent affaiblir la structure des couches. Les tensions liées aux changements dimensionnels sont particulièrement nuisibles aux sculptures en argilite composées de plus d'un élément, puisque le longrain de certains morceaux se trouve à angle droit par rapport à celui d'autres morceaux.

Comme l'adsorption et la désorption d'eau sont plus grandes lorsque le taux d'humidité est très élevé ou très bas, il est souhaitable de maintenir une humidité relative stable autour des objets en argilite, c.-à-d. de 30 à 50 %, avec des fluctuations faibles et lentes.

Comme l'argilite n'est pas particulièrement sensible à la lumière, elle peut être soumise à une lumière vive en toute quiétude. On évitera, néanmoins, d'exposer les objets en argilite sous des lampes qui émettent beaucoup de chaleur, comme des lampes à incandescence, surtout si ces objets se trouvent à l'intérieur de vitrines fermées. En effet, une lumière forte augmente la température à la surface de l'argilite, entraînant une baisse locale de l'humidité relative. En outre, le réchauffement créé pendant les heures d'exposition et le refroidissement qui se produit lorsque l'on éteint les lumières causent de fréquentes fluctuations de l'humidité relative. En cas de doute, il faut mesurer l'humidité relative alentour de l'objet exposé à l'aide d'un thermohygrographe et prendre les mesures correctives qui s'imposent.

La manipulation

On serait porté à croire que l'argilite est un matériau relativement solide, mais, en fait, elle peut facilement s'ébrécher ou se fendre sous l'effet d'un choc ou d'une manipulation inadéquate. Contrairement à nombre d'autres objets en pierre, les sculptures en argilite comportent souvent des défauts inhérents d'ordre structural et, par conséquent, elles risquent davantage de se briser accidentellement. Comme les sculptures en argilite peuvent s'abîmer gravement pendant le transport, il faut bien tenir compte de tous les facteurs avant d'en inclure dans une exposition itinérante. Si elles doivent voyager, il faut absolument prendre de nombreuses précautions au cours de leur transport, notamment l'utilisation de caisses à humidité contrôlée et bien matelassées pour protéger les objets contre les chocs, ce qui permettra de réduire au minimum les risques de dommages.

Le nettoyage

Avant de nettoyer un objet en argilite, il faut absolument déterminer s'il a été fini au moyen d'un revêtement quelconque. Examiner soigneusement la surface et effectuer des essais ponctuels à divers endroits discrets au moyen de VarsolMD ou de ShellsolMD. Si ces solvants modifient l'aspect de la surface ou produisent tout autre changement, ne faire qu'un simple époussetage à l'aide d'un petit pinceau ou d'un chiffon doux et non pelucheux. Il ne faut jamais se servir d'eau pour nettoyer l'argilite. On peut toutefois utiliser des cotons-tiges légèrement humectés, qui permettent d'enlever la poussière localisée sans transférer d'humidité sur la surface.

Dans certains cas, les adhésifs qui ont servi à réparer les fentes dans l'argilite avant l'exécution de la sculpture sont parfois devenus jaunes et peu esthétiques. Pour enlever ces taches, du moins en surface, on peut se servir de solvants tels que le toluène et le chlorure de méthylène, qui ne semblent pas avoir d'incidence sur l'argilite. Ils peuvent cependant altérer gravement l'aspect de la surface si un revêtement a été appliqué sur la pierre. L'acétone et l'acide acétique glacial sont à éviter, car ces substances peuvent contenir de l'eau. Il ne faut pas défaire un joint de colle, sauf si une telle opération est indispensable. Si le joint de colle a été fait avant l'exécution de la sculpture, il est probable, lorsque la vieille colle aura été enlevée et que la pièce aura été remontée, que les parties ne s'alignent plus aussi bien qu'auparavant. Il est beaucoup plus sûr d'effectuer un traitement en surface des lignes de colle inesthétiques que de démonter entièrement la sculpture. Dans le doute, consulter un restaurateur ou bien l'Institut canadien de conservation.

Bibliographie

  1. MACNAIR, P. L., et A. L. HOOVER, The Magic Leaves: A History of Haida Argillite Carving, « Special Publication, 7 » du Musée provincial de la Colombie-Britannique, Victoria, ministère du Secrétaire provincial des services du gouvernement, .

  2. WAINWRIGHT, I. N. M., et J. L. DOWN, « Slatechuck Creek Argillite: Its Structure, Composition and Dimensional Stability », Journal de l'Institut international pour la conservation– Groupe canadien, nos 10 et 11 ( ), p. 8-19.


Thomas Stone, Robert L. Barclay, et Ian N. M. Wainwright

Première date de publication :
Révision : ,

Also available in English.
Également publié en anglais.

© Ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada,
Nº de cat. : NM95-57/12-1-2007F
ISSN : 1191-7237

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