Le soin des images photographiques présentées en coffret – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 16/1

Introduction

Il existe trois genres de photos du XIXe siècle normalement conservées dans des coffrets ayant une fonction à la fois décorative et protectrice : le daguerréotype (ainsi désigné en l'honneur de son inventeur, Louis Jacques Mandé Daguerre), l'ambrotype et le ferrotype. C'est en , à Paris, que le daguerréotype fait son apparition. Selon certains historiens de la photo, il marque la genèse de la photographie. Pour ce qui est de l'ambrotype et du ferrotype, fabriqués selon le procédé au collodion humide, c'est vers les années qu'ils sont mis au point. On fabrique des daguerréotypes jusque dans les années , tandis que la fabrication d'ambrotypes se poursuit un peu plus longtemps. Quant aux ferrotypes, ils persistent jusqu'au XXe siècle, avec quelques changements, comme un genre de portrait instantané.

Le regroupement de ces trois types de photos ne signifie pas pour autant qu'ils partagent les mêmes caractéristiques. Le daguerréotype est réalisé selon un procédé photographique particulier, différent de tout autre procédé aux halogénures d'argent. Pour ce qui est de l'ambrotype et du ferrotype, ils sont réalisés selon un procédé au collodion humide, principale méthode ème moitié du XIXe siècle.

C'est une plaque de cuivre revêtue d'une couche d'argent qui sert de support aux daguerréotypes. L'image est composée de particules microscopiques d'amalgame d'argent (un alliage de mercure et d'argent) qui se trouvent à la surface de la couche argentique. En raison de la présence de cette couche d'argent métallique, on a déjà qualifié le daguerréotype de « miroir doté de mémoire », avec l'« apparence d'un bijou ». Cette caractéristique facilite son identification. Du point de vue photographique, le daguerréotype est un négatif. Toute personne attentive peut constater la ressemblance en modifiant l'angle d'incidence de la lumière sur sa surface : sous certains angles, l'image apparaît négative.

Les ambrotypes et les ferrotypes présentent, en revanche, une structure nettement étagée : une couche de collodion sur une plaque de verre (ambrotype) ou de fer (ferrotype). On appelle souvent ces deux types de photos des « positifs au collodion ». Le collodion humide est constitué d'une solution de nitrate de cellulose dans un mélange d'éther et d'alcool.

Du point de vue technique, les ambrotypes sont des négatifs. Ils ont toujours comme support une plaque de verre, dont le fond noir peint ou, plus rarement, constitué d'un morceau de tissu ou de feutre sombre, donne l'impression d'une image positive. Un fond de peinture noire se trouve sous la couche de collodion, ou bien au revers de la plaque de verre. Si, en l'absence d'un fond noir, le verre lui-même est de couleur sombre (rouge, par exemple), on appelle la photo qui en résulte un amphitype. Doté d'un revêtement de laque noire, le support du ferrotype est en fer et sera donc attiré par un aimant. Cette caractéristique facilite son identification. Les ambrotypes et les ferrotypes sont des images à faible contraste. Avec un peu d'expérience, on peut facilement les distinguer des daguerréotypes. Tout comme les positifs au collodion, les daguerréotypes sont parfois colorés à la main, surtout pour rehausser les carnations et faire ressortir les bijoux dans des portraits.

Une plaque portant une image, un passe-partout, une vitre de protection et une monture en laiton flexible.
Figure 1. Les composantes d'un daguerréotype (Gill, ).

Le coffret – trait particulier des trois types de photos – peut être fait de bois ou de carton recouvert de cuir et de papier gaufré. Parfois, un plastique noir servait à fabriquer ce que l'on appelle un coffret « Union ». À l'intérieur du coffret, on trouve un assemblage qui s'enlève en une seule pièce et qui est souvent constitué de quatre éléments : une plaque portant une image, un passe-partout, une vitre de protection et une monture en laiton flexible qui maintient le tout ensemble (figure 1). Il arrive que les coffrets soient composés d'éléments différents.

On peut également trouver des ferrotypes dans un simple cadre fait de carton ou dans des albums avec fenêtres spécialement découpées. On ne peut pas extraire les ferrotypes par la fenêtre de l'album; il faut plutôt les faire glisser vers le haut ou le bas de la page. On trouve souvent des ferrotypes qui ne sont pas montés.

Préservation et mise en réserve

Comme c'est le cas pour bien des photos réalisées au cours des 40 premières années de la photographie, on ignore à peu près tout des conditions de conservation optimales des daguerréotypes, des ambrotypes et des ferrotypes. S'il existe de nombreux comptes rendus sommaires décrivant la méthode de fabrication de ces photos, les détails exacts du procédé utilisé pour une photo donnée sont, en général, inconnus. La conservation d'un grand nombre de photos présentées en coffret depuis plus d'un siècle constitue une preuve de leur stabilité. En l'absence de conseils précis, fondés sur des données expérimentales touchant la mise en réserve de ces photos, on peut raisonnablement supposer que les recommandations relatives à la mise en réserve des images photographiques contemporaines valent également pour les photos présentées en coffret.

Le taux d'humidité relative doit se situer entre 30 et 50 %, et ne doit jamais dépasser 60 %. Selon les résultats de recherches récentes, l'humidité relative optimale pour la conservation d'images photographiques se situe entre 30 et 35 %. Il convient d'éviter les fluctuations d'humidité relative qui se produisent au cours d'une journée ou d'une saison à l'autre. Dans les réserves, la température ne doit pas dépasser 24 °C et il est même préférable qu'elle soit inférieure à 21 °C. En outre, les fluctuations au cours d'une journée ne doivent jamais être supérieures à 4 °C. L'air ambiant doit être exempt de polluants, notamment les peroxydes, le sulfure d'hydrogène, le dioxyde de soufre et l'ozone.

Comme les coffrets dans lesquels on trouve la plupart de ces photos ont grandement contribué à la préservation de celles-ci, il importe également de les nettoyer et de les protéger. Les daguerréotypes, les ambrotypes et les ferrotypes peuvent être mis en réserve individuellement dans des boîtes à documents assez grandes pour contenir le coffret et son contenu. On peut également ranger dans chaque boîte toute la documentation touchant l'oeuvre. Veiller surtout à éviter que les trois types de photos présentées en coffret soient immergées dans de l'eau. En effet, une fois mouillées, il est impossible de les congeler ou de les sécher par lyophilisation. En raison de la grande diversité de matériaux qui composent les photos (plaques de verre avec ou sans revêtement, feuilles de métal, charnières en laiton, reliures en cuir, plastiques, dorures et lettrage, étiquettes en papier à l'intérieur du coffret, pièces de bois, carton, doublures de velours, couches de collodion et vernis), leur séchage est extrêmement difficile. Les boîtes de polyéthylène rigide munies d'un couvercle-pression, et les boîtes de rangement emballées dans du polyéthylène, assurent une bonne protection en cas d'inondation. Il importe en outre de protéger les réserves de toute inondation (par exemple : mettre des portes aux armoires et surélever les étagères).

Manipulation

Tout comme pour les autres types d'images photographiques, au moment de manipuler les photos présentées en coffret, le port de gants de nylon ou de coton non pelucheux est essentiel. Veiller à ne pas endommager les bords et les coins des coffrets, et à ne pas égratigner le verre. Ouvrir et fermer les coffrets délicatement, pour ne pas abîmer les charnières souvent fragiles. Pour tout ferrotype qui n'est pas monté, fabriquer des passe-partout taillés sur mesure, selon la méthode que décrit Swan ().

Nettoyage minimal

On peut enlever la poussière en surface à l'aide d'une brosse douce ou avec de l'air sous pression, préférablement d'une bonbonne d'air. Aucune autre méthode de nettoyage ne peut être recommandée en toute sécurité. Comme un simple effleurement peut abîmer la surface non protégée d'un daguerréotype, la plaque doit être manipulée avec le plus grand soin. Les opérations de nettoyage se limitent aux éléments de l'assemblage qui ne sont pas porteurs d'image : coffret, passe-partout, vitre de protection et monture. Nettoyer la vitre et la monture au savon doux, à l'aide d'un coton-tige, puis rincer et sécher à l'air chaud (par exemple : au séchoir à cheveux). Ne pas nettoyer au savon doux les passepartout faits de carton. Utiliser plutôt une brosse.

La détérioration des ambrotypes consiste souvent en une disparition partielle ou totale du fond noir. Si la couche image à l'endroit de la photo est toujours intacte, comme c'est souvent le cas, on peut remplacer le fond noir. Pour ce faire, ouvrir délicatement la monture de laiton, enlever la vitre de protection et le passe-partout et, par la suite, retirer de l'assemblage la plaque de verre portant l'image. En veillant à ne pas égratigner ou abîmer la couche image au moment de retirer la plaque photographique du coffret, poser un morceau de feutre noir, taillé aux dimensions exactes de l'ambrotype, bien uniformément au dos de la plaque. Remplacer la vitre de protection si elle est cassée. Reconstituer l'assemblage tel qu'indiqué à la figure 1.

Exposition

Si la plupart des images photographiques – y compris les ambrotypes et les ferrotypes – sont visibles en raison de la lumière absorbée ou réfléchie à leur surface, l'image d'un daguerréotype est visible à cause de la lumière que dispersent les particules de la surface. La meilleure façon d'éclairer un daguerréotype accroché à un mur est donc d'utiliser une source lumineuse unique, placée au-dessus de l'oeuvre de façon à donner à la lumière un angle d'incidence de 45°. Pour des raisons de sécurité, les daguerréotypes, les ambrotypes et les ferrotypes sont toujours exposés dans des vitrines protectrices en Plexiglas. Il n'existe pas de données qui mettent en évidence l'instabilité de ces images à la suite d'une exposition à la lumière. On peut exposer les photos pendant plusieurs semaines, voire quelques mois, à un niveau d'éclairage considéré comme très élevé en contexte muséal (jusqu'à 1000 lux).

Fournisseurs

Nota : L'information qui suit vise uniquement à informer le lecteur. La présence d'une entreprise dans cette liste n'engage aucunement l'Institut canadien de conservation.

Brosses douces

Magasins de matériel d'artistes

Cotons-tiges

Pharmacies ou supermarchés

Fournitures et matériaux de conservation

  • ARCHIVAL PRODUCTS.ca (disponible en anglais seulement)
    Division of B.F.B.. Sales Ltd.
    2957 Inlake Court
    Mississauga (Ontario)
    L5N 2A4
    Canada
    Téléphone : 905-858-7888 ou 1-800-667-2632
    Téléconférence : 905-858-8586 ou 1-800-616-0342

  • Carr McLean (disponible en anglais seulement)
    461 Horner Avenue
    Toronto (Ontario)
    M8W 4X2
    Canada
    Téléphone : 416-252-3371 ou 1-800-268-2123
    Téléconférence : 416-252-9203 ou 1-800-871-2397

  • Conservation Resources International (disponible en anglais seulement)
    5532 Port Royal Road
    États-Unis
    Téléphone : 703-321-7730 ou 1-800-634-6932
    Téléconférence : 703-321-0629

  • Talas (disponible en anglais seulement)
    20 West 20th Street, 5th Floor
    New York NY
    10011
    États-Unis
    Téléphone : 212-219-0770
    Téléconférence : 212-219-0735

  • Woolfitt's Art Enterprises Inc. (disponible en anglais seulement)
    1153 Queen Street West
    Toronto (Ontario)
    M6J 1J4
    Canada
    Téléphone : 1-800-490-3567

Bibliographie

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par Klaus B. Hendriks
Révision : Joe Iraci

Première date de publication :
Révision : ,

Also available in English.
Également publié en anglais.

© Ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada,
Nº de cat. : NM95-57/16-1-2007F
ISSN : 1191-7237


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