Le test Beilstein – Une méthode simple pour déceler la présence de chlore dans les matériaux organiques et polymériques et quelques exemples de matériaux testés - Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 17/1

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La Note de l'ICC 17/1 fait partie de la dix-septième série des Notes de l'ICC (Tests ponctuels en conservation)

Introduction

En général, on estime que les matériaux organiques chlorés ne peuvent convenir à la conservation à long terme des objets et on déconseille de les utiliser dans les musées. En effet, ils risquent d'endommager les objets car ils libèrent des gaz acides en se dégradant ou ils contiennent des additifs, comme les plastifiants, susceptibles de migrer. On peut soumettre ces substances à un laboratoire aux fins d'analyse approfondie, mais il existe un test simple, le test Beilstein, qui permet aux restaurateurs de s'assurer que les produits utilisés ne contiennent pas de chlore.

Ce test est fondé sur la réaction du chlore en présence de composés du cuivre, à des températures élevées comme celles que produit la flamme des brûleurs; cette réaction a pour effet de produire des atomes ou des ions de cuivre excités, de couleur verte, qui confèrent à la flamme normalement incolore (ou à peine bleutée) une coloration vert brillant (ou parfois bleu-vert).

Méthode

Dans la flamme d'un bec Bunsen ou d'un brûleur au propane, chauffer au rouge un fil de cuivre assez gros pour ne pas fondre trop rapidement (par exemple, un fil électrique en cuivre de calibre 12 ou 14 pour usage domestique, dont on a enlevé la gaine isolante). Continuer à chauffer le fil jusqu'à ce que toute couleur (sauf celle de la flamme du bec, légèrement bleutée et à peine visible) ait disparu. La flamme ne devrait présenter aucune coloration verte. En plongeant de temps à autre le fil dans une solution d'eau et d'acide nitrique (10 %), on parvient en général à éliminer les éléments qui causent la coloration indésirable. Si cette opération s'avère infructueuse, utiliser un autre fil. Une fois le fil nettoyé, on doit s'abstenir de le toucher du doigt et s'assurer que le seul objet avec lequel il peut se trouver en contact est le matériau soumis à un essai. Le test ne doit avoir lieu que lorsque la flamme est parfaitement incolore.

Il vaut mieux effectuer le test sous un éclairage réduit afin de bien distinguer la couleur de la flamme. Les vapeurs, les gaz ou la fumée qui se dégagent du matériau soumis au test doivent envelopper le fil de cuivre chauffé, de façon que des réactions puissent se produire. On peut procéder de diverses façons :

  1. Une fois le fil de cuivre chauffé au rouge, le mettre rapidement en contact avec un fragment du produit soumis à l'essai et remettre le fil immédiatement dans la flamme. Si la flamme se teinte de vert, c'est que le produit testé contient du chlore. N'appliquer le fil chauffé que sur un fragment de l'échantillon et non sur le produit tout entier. Certains plastiques (par exemple, le nitrate de cellulose et le celluloïd) peuvent s'enflammer soudainement (ce qui est généralement considéré comme un test positif dans le cas du nitrate de cellulose).
  2. Tenir dans la flamme, près du bord, le fil chauffé au rouge, et placer près de la flamme, à proximité du fil, un fragment de l'échantillon jusqu'à ce qu'il commence à se carboniser et que la fumée enveloppe le fil. Si la flamme se teinte de vert, c'est que l'échantillon contient du chlore.
  3. Tenir le fil chauffé au rouge dans la flamme et placer un fragment de l'échantillon à proximité de celle-ci, ou bien dedans, jusqu'à ce qu'il commence à se carboniser. Rapprocher aussitôt ce fragment de la prise d'air, à la base du brûleur, pour que la fumée soit attirée dans le brûleur et se mêle intimement avec le mélange de gaz combustibles. Si la flamme se teinte de vert autour du fil de cuivre, le test est positif.
  4. Chauffer le fil au rouge et toucher immédiatement avec celui-ci un morceau de l'échantillon que l'on tient près de la prise d'air à la base du brûleur, de façon qu'une partie des gaz libérés soient attirés vers la flamme. Si la flamme se teinte de vert, le test est positif.

La quatrième méthode susmentionnée est la plus sensible et la meilleure pour déceler la présence d'une substance chlorée volatile (par exemple, le chlorure de méthylène, un solvant).

Conclusion

Le test Beilstein est utilisé depuis plusieurs dizaines d'années pour l'analyse des matériaux organiques et polymériques (Shriner, et coll., ; Vogel, ). Les techniciens en réfrigération ont maintenant recours à un test tout à fait semblable pour déceler et repérer les fuites de frigorigènes de type Fréon (c.-à-d., hydrocarbures chlorés et fluorés). Il a été recommandé d'utiliser ce test pour la détection du polychlorure de vinyle (PVC) dans les produits servant à la mise en réserve des collections numismatiques (Sharpless, ).

Le test Beilstein est très sensible et ne nécessite qu'une toute petite quantité de la substance à analyser. Il y a toutefois plusieurs possibilités d'erreur. Les dépôts laissés par les doigts peuvent donner des résultats faiblement marqués, qui sont en réalité « faussement positifs ». Les matières inorganiques chlorées (c.-à-d., pigments, matières de charge) peuvent aussi donner des résultats faussement positifs. Mais comme elles ne sont généralement pas présentes dans les matériaux soumis aux essais, elles risquent peu de nuire au test. Le plus souvent, la principale difficulté provient de la volatilisation trop rapide de l'échantillon, en particulier dans le cas des solvants. Ces produits volatils se dissipent si rapidement qu'ils n'ont pas le temps de réagir avec le fil de cuivre. Pour éviter ce problème, il est recommandé d'utiliser la quatrième méthode décrite ci-dessus, dans laquelle les gaz sont exposés à la prise d'air de la flamme.

Le test se prête à la vérification d'une large gamme de produits, y compris les pellicules et les feuilles de plastique, les adhésifs, les caoutchoucs, les revêtements, les solvants et les articles fabriqués industriellement. Parmi les substances courantes qui produisent des résultats positifs, il convient de mentionner le polychlorure de vinyle, le polychlorure de vinylidène, les caoutchoucs chlorés, les résines époxydes chlorées et les solvants chlorés, ainsi que tout composé contenant ces produits.

Divers matériaux ont été soumis à ce test au laboratoire du Service de la recherche analytique de l'ICC. La présence ou l'absence de matières organiques chlorées a ensuite été confirmée par spectroscopie infrarouge ou par spectrométrie des rayons X excités par radio-isotopes. Le tableau ci-dessous présente les résultats de cette analyse.

Résultats du test de Beilstein effectué sur divers matériaux organiques et polymériques

Feuilles et films d'emballage
Matériau testé
(fabricant ou fournisseur)
Résultat du testRésultat de l'examen par spectroscopie infrarouge ou par spectrométrie des rayons X (SRX)
Film à bulles Aircap, petites bulles
(Smith Packaging)
Plus polyéthylène avec polychlorure de vinylidène
Film à bulles Aircap, grosses bulles
(Smith Packaging)
Moins polyéthylène
Pellicule transparente Alcoa (Alcan) Plus polychlorure de vinyle plus ester
Saran Wrap (Dow) Plus polychlorure de vinylidène
Stretch n'Seal (ESSO) Plus polychlorure de vinyle
Baggies (Colgate Palmolive) Moins polyéthylène
Sacs Glad (Union Carbide) Moins polyéthylène
Mylar, 0,25 mil (Dupont) Moins polyéthylène téréphtalate
Parafilm « M » (American Can Co.) Moins cire d'hydrocarbures
Pochettes protectrices (documents, photographies, pièces de monnaie)
Matériau testé
(fabricant ou fournisseur)
Résultat du testRésultat de l'examen par spectroscopie infrarouge ou par spectrométrie des rayons X (SRX)
Pochettes pour diapositives à trois anneaux, DF Snap-in-Page, 1042 (Desmarais & Frères) Plus polychlorure de vinyle
Pochettes pour diapositives à trois anneaux, de qualité archives DF Snapin,
1042X, (Desmarais & Frères)
Moins polypropylène
Protège-document Plus polychlorure de vinyle
Protège-document, Oxford M721 R
(Carr McLean)
Moins polypropylène
Protège-document (source inconnue) Moins acétate de cellulose
Protège-photos Kodak Moins acétate de cellulose
Pochettes pour pièces de monnaie Coinserts (Canada Wholesale Supply) Plus polychlorure de vinyle
Pochettes pour pièces de monnaie, Safeguard, Universal-Plastifilm Nº de cat. 64 (Canada Wholesale Supply) Plus polychlorure de vinyle
Charnières pour timbres (Scott) Moins polystyrène
Joints d'étanchéité en mousse et coupe-bises
Matériau testé
(fabricant ou fournisseur)
Résultat du testRésultat de l'examen par spectroscopie infrarouge ou par spectrométrie des rayons X (SRX)
Joints de Néoprène Plus polychloroprène
Coupe-bise Shur-Seal blanc, 2270 (Drummond Metal Products) Plus polychlorure de vinyle plus ester
Coupe-bise auto-collant fait de mousse vinylique à alvéoles fermées, blanc, 93-0251 (Stanley) Plus polychlorure de vinyle plus ester
Coupe-bise Eskimo très résistant fait de mousse polyuréthane, blanc Moins polyéthylène
Coupe-bise Climaloc, blanc, 12001 (RCR International) Moins polyuréthane
Coupe-bise Climaloc, blanc, 12005 (RCR International) Moins polyéthylène
Tubes
Matériau testé
(fabricant ou fournisseur)
Résultat du testRésultat de l'examen par spectroscopie infrarouge ou par spectrométrie des rayons X (SRX)
Tubes de Tygon, Formulation R-3603 (Norton Industrial Plastics) Plus polychlorure de vinyle
Tubes C-Flex Moins silicone-hydrocarbure
Adhésifs
Matériau testé
(fabricant ou fournisseur)
Résultat du testRésultat de l'examen par spectroscopie infrarouge ou par spectrométrie des rayons X (SRX)
émulsions d'acétate de polyvinyle AdSol 604 (Adhesive Solutions Ltd.) Plus pas de chlore dans les adhésif secs (par SRX)
émulsions d'acétate de polyvinyle Magna-tac 1577 XH (Beacon Chemical Co. Inc.) Moins un peu de chlore (par SRX)
émulsions d'acétate de polyvinyle Swifts 2928 (ESCHEM Canada Ltd.) Plus beaucoup de chlore (par SRX)
Autres matériaux
Matériau testé
(fabricant ou fournisseur)
Résultat du testRésultat de l'examen par spectroscopie infrarouge ou par spectrométrie des rayons X (SRX)
Acide chlorhydrique 0,05 % Plus réactif HC1
Revêtement mural Mactac : endroit (surface) Moins
Revêtement mural Mactac : envers (adhésif) Plus
Gants de PVC Plus polychlorure de vinyle

Bibliographie

  1. Sharpless, Thomas W. « Corrosion: The Problem of Storage », The Numismatist, , p. 2453.
  2. Shriner, Ralph L., Reynold C. Fuson et David Y. Curtin. The Systematic Identification of Organic Compounds: A Laboratory Manual, 5e édition, New York, John Wiley and Sons Inc., , p. 64.
  3. Vogel, Arthur I. Elementary Practical Organic Chemistry. Part 2: Qualitative Organic Analysis, 2e édition, Londres, Longmans, Green and Co. Ltd., , p. 96.

Texte également publié en version anglaise
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© Gouvernement du Canada,
Nº de cat. : NM 95-57/17-1-1989F
ISSN : 1191-7237


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