Paver la voie au civisme actif des nouveaux arrivants au Canada : Possibilités, défis et solutions

Discours

Notes d’allocution - L’honorable Karina Gould, ministre des Institutions démocratiques

Toronto, ON, 9 juin 2017

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à sa politique sur les communications.

Bonjour,

Permettez-moi tout d’abord de souligner que les terres sur lesquelles nous sommes aujourd’hui sont le berceau des Autochtones de l’Île de la Tortue. Depuis des générations, ce territoire est un lieu de rassemblement pour les Autochtones, et nous devons honorer et respecter l’histoire ainsi que la contribution continue des peuples autochtones du Canada.

Je tiens à remercier Samara Canada, l’organisme North York Community House et l’Agincourt Community Services Association de m’avoir invitée à vous adresser la parole aujourd’hui. Il est très inspirant de me retrouver parmi vous en raison du travail que vous faites, celui de vous rendre dans les collectivités, d’accueillir les gens et de leur réserver cet accueil chaleureux bien connu des Canadiens. Je suis reconnaissante d’avoir l’occasion de vous parler et de connaître vos expériences et vos idées.

Dans le monde entier, le Canada est connu pour sa remarquable capacité à accueillir un si grand nombre de nouveaux arrivants. En avril dernier, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a félicité le Canada pour ses efforts visant à réinstaller plus de 46 000 réfugiés. Jean‑Nicolas Beuze, le représentant du Haut Commissariat au Canada s’est exprimé ainsi : « Il s’agit d’une réalisation exceptionnelle qui s’inscrit dans la tradition canadienne de longue date qui consiste à accueillir les réfugiés et à les aider à s’intégrer à la société canadienne ».

Ce n’est pas le fruit du hasard. Il faut des organisations comme la vôtre, et des Canadiens comme vous, pour nous aider à atteindre ces grands objectifs.

Votre travail est essentiel pour aider les nouveaux arrivants. Tous les ans, l’organisation North York Community House offre des services aux nouveaux arrivants afin de les aider à trouver des emplois, à apprendre l’anglais, à prendre part aux activités communautaires et surtout à trouver une voix politique.

L’Agincourt Community Services Association a réellement changé le cours des choses à Scarborough. Votre Newcomers’ Centre est un bel exemple de ce que notre gouvernement est en mesure d’accomplir par l’octroi de fonds à une organisation locale de premier plan.

Et Samara Canada, vous réalisez le travail vital de conscientiser les gens, plus particulièrement les néo-Canadiens et les jeunes, à la politique. C’est un travail important. Au Canada, nous avons la chance d’avoir une démocratie solide, mais trop de Canadiens considèrent comme acquises la démocratie et ses institutions.

J’aimerais amorcer ma réflexion par une histoire personnelle. Je suis née au Canada. Ma mère est arrivée d’Allemagne alors qu’elle avait 19 ans, et mon père est né de parents tchèques qui sont venus au Canada après la Deuxième Guerre mondiale, fuyant la guerre et la persécution. Peu après les élections, je prenais un café avec ma grand-mère. Elle s’émerveillait du fait qu’il y a 60 ans, ils sont arrivés au pays avec 20 $ dans les poches et qu’aujourd’hui, sa petite-fille est députée.

Quand elle est arrivée, elle était tellement enthousiaste à l’idée de pouvoir commencer une nouvelle vie. Après avoir perdu presque tout durant la Deuxième Guerre mondiale, elle avait l’occasion de refaire sa vie, de faire les choses autrement, et d’avoir des chances dont elle avait été privée.

Elle avait tout perdu pendant la guerre, mais le Canada lui a donné l’occasion de se reconstruire et, tout compte fait, de réussir dans la vie. L’histoire de ma famille est celle d’un si grand nombre de Canadiens venus d’ailleurs, mais qui ont élu domicile au Canada. Que ce soit pour y demander l’asile ou pour s’offrir une vie meilleure, des générations de nouveaux arrivants ont contribué à rendre le pays plus tolérant, plus inclusif et plus accueillant.

En effet, nous pouvons être fiers de pouvoir créer un sentiment d’appartenance. Par la valorisation du multiculturalisme et de la diversité, les Canadiens incarnent un mode de vie à l’appui de l’engagement que nous avons pris envers un pluralisme pacifique. À de nombreux égards, c’est unique au monde. Pour ce faire, nous offrons aux nouveaux arrivants la possibilité de rester en contact avec les cultures, les religions et les communautés issues de leurs racines.

Aujourd’hui, cela pourrait sembler comme une évidence, voire un cliché. Pourtant, si le Canada est en mesure d’accueillir des néo-Canadiens, c’est en grande partie grâce à l’aide d’organisations comme la vôtre, à des gens comme vous, et au dévouement et à l’engagement de la société.

Nous savons que pour véritablement réussir, le travail ne consiste pas uniquement à aider les nouveaux arrivants à trouver un logement, à apprendre une langue et à trouver un emploi. Il faut les inciter à prendre part aux débats publics concernant la vie citoyenne. Après tout, notre démocratie est aussi la leur. Leurs idées sont importantes, et nous en avons besoin puisque la démocratie produit de meilleurs résultats lorsque de nombreuses voix se font entendre et que différents points de vue sont exprimés.

Nous savons que de nombreuses communautés participent activement au processus électoral, qu’elles donnent vie à nos institutions. Prenez par exemple la Chambre des communes. Ahmed Hussen, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, est lui-même un réfugié somalien. Harjit Sajjan, ministre de la Défense nationale, est né à Bombeli, un petit village du Pendjab. La Chambre des communes compte des députés nés dans 22 pays, et le pendjabi est la troisième langue dans la Chambre des communes. De plus en plus, la Chambre des communes représente la mosaïque qu’est le Canada.

Toutefois, d’après des rapports d’Élections Canada, de Statistique Canada et de différents universitaires, une tendance se dégage : les nouveaux immigrants affichent, au fil des ans, un taux de participation inférieur à la moyenne. L’inclusion nécessite également un sentiment d’appartenance à la vie citoyenne. Nous devons être conscients des courants et chercher activement à faire en sorte que les nouveaux arrivants au Canada sentent qu’ils représentent eux aussi une partie et une voix importantes de notre vie citoyenne. Des tentatives ont été faites, tant à l’échelle fédérale que provinciale, pour casser cette tendance de participation à la baisse. Élections Canada, par exemple, offre maintenant un guide de l’électeur dans 31 langues. Mais nous savons que la vie citoyenne va au-delà d’un simple guide de l’électeur.

Certaines tendances sont néanmoins plus encourageantes. En 2015, vous avons vu une augmentation globale du nombre et du pourcentage de Canadiens qui votent. Plus de 17,7 millions de Canadiens ont voté lors de cette élection, soit 68 % des électeurs inscrits. En 2011, ce nombre était légèrement inférieur à 15 millions, ce qui représentait 61 % des électeurs inscrits. Il s’agit de l’une des hausses les plus marquées de notre histoire.

Même si de grands efforts ont été déployés pour accroître le taux de participation, il reste encore beaucoup de travail à faire. Il faut que les Canadiens, qu’ils soient nés ici ou qu’ils aient choisi notre beau pays, sentent qu’ils participent pleinement à notre démocratie. Cherchons d’autres façons de les aider à tirer avantage des occasions que nous offre, à nous tous, notre démocratie.

Lorsque je discute avec de nouveaux électeurs, j’explique souvent pourquoi je pense qu’il est important de voter : parce que la voix des personnes qui ne votent pas ne sera jamais entendue. Je sais également que, pour beaucoup de gens, il peut être inquiétant, voire intimidant, de voter ou de communiquer avec son député pour la première fois. Il arrive fréquemment que des nouveaux arrivants m’approchent et me demandent comment ils pourraient me rencontrer. Je leur réponds qu’ils n’ont qu’à appeler mon bureau ou à m’envoyer un courriel. Une tâche qui peut apparaître effrayante ou colossale. Voilà exactement le cœur de votre travail : démystifier la participation politique pour de nombreux Canadiens est quelque chose sur laquelle nous devons tous travailler.

Voilà où entre un jeu ce que j’appelle la littératie citoyenne.

À titre de ministre des Institutions démocratiques, j’aimerais que l’ensemble de la population, y compris les nouveaux arrivants, ne voie pas la démocratie que comme le simple fait de voter. Nous devons déterminer les obstacles à la participation et examiner les façons d’interpeller les gens avec des façons concrètes de participer. Lorsque je parle de littératie citoyenne, je fais référence à la création d’outils que nous pouvons utiliser comme citoyens pour demeurer informés et impliqués dans notre vie citoyenne et politique. À la raison pour laquelle le bulletin de vote que nous déposons dans l’urne le jour de l’élection est important, et aux gestes que nous pouvons poser entre les élections pour discuter avec nos politiciens et nos gouvernements et pour les tenir responsables de leurs actes. Voilà pourquoi vous et votre travail êtes si essentiels.

Pour que notre pays continue de prospérer, l’ensemble de la population doit faire partie de cette réflexion continue et contribuer à définir ses aspirations. On veillera ainsi à ce que tous ceux qui ont le droit de participer aient également la possibilité de le faire.

La force d’une véritable démocratie réside dans l’intégration d’un nombre de voix et d’opinions différentes, ainsi que dans le débat, la discussion et l’examen des enjeux importants de façon constructive et empreinte de respect. Notre propre société ouverte est davantage en sécurité lorsque nous vivons dans un monde de sociétés ouvertes. Voilà pourquoi il est crucial d’être exposé à d’autres opinions. Ultimement, lorsque nous nous fermons à cette idée, c’est notre identité de Canadien et de Canadienne qui en pâtit.

Je crois qu’il revient à chacun et chacune d’entre nous de faire un effort pour remettre en question ses propres opinions. Et il n’existe à nul autre endroit dans le monde un rassemblement de personnes d’horizons si diversifiés, qui choisissent de travailler sans relâche en vue d’une vie meilleure et qui propagent leurs expériences uniques.

En 2017, les possibilités de participer à notre démocratie sont innombrables.

Le message que je formule à toute la population, partout où je passe et peu importe depuis combien de temps la famille est au Canada, est le suivant : participez à une discussion sur les politiques publiques devant un bon repas ou en ligne. Donnez de votre temps à un organisme caritatif. Joignez-vous à une organisation communautaire. Signez une pétition. Participez à une marche. Communiquez avec votre député, fédéral ou provincial, ou avec votre conseiller municipal.

La participation revêt une importance particulière pour les nouveaux Canadiens. Leurs voix comptent. Si un groupe de Canadiens, quel qu’il soit, ne vote pas, il existe un risque que les politiques du gouvernement ne tiennent pas compte des besoins de ce groupe; et les besoins des nouveaux arrivants sont très importants dans les années suivant leur entrée au pays.

Et si je reviens à l’histoire de ma famille : lorsque mes grands‑parents sont arrivés au Canada, qu’ils ont immigré à Niagara Falls et qu’ils ont travaillé dans une épicerie, puis que mon grand‑père a fini par acheter une ferme de fraises à Lynden, en Ontario, leur participation à la communauté s’est faite par le Club Lions local. C’est en joignant une organisation communautaire qu’ils ont eu l’occasion de rencontrer des gens nouveaux, de s’intégrer, et de ressentir un lien avec la collectivité et, pour mon grand‑père, de remporter le titre de Citoyen de l’année de Lynden. Ils avaient un sentiment d’appartenance, et le Canada est devenu leur chez eux.

Lorsque des personnes ou des communautés sont désengagées ou marginalisées, elles peuvent finir par être exclues du processus démocratique. C’est pourquoi je pense que nous avons fait, dans le contexte mondial, un bon travail d’ouverture et d’accueil. Mais la vigilance est de mise, et il faut trouver des façons d’en faire davantage.

Lorsque le premier ministre Justin Trudeau m’a nommée à ce poste, il m’a demandé de l’aider à faire en sorte que « les Canadiens et les Canadiennes aient de nouveau confiance en nos processus démocratiques et y participent ». Nous avons pris des mesures concrètes à cet égard, notamment en déposant un projet de loi pour faciliter l’exercice du droit de vote.

À titre d’exemple, le projet de loi C-33 permettrait de créer un registre national des futurs électeurs grâce auquel les jeunes pourraient s’inscrire sur la liste électorale avant leur 18e anniversaire. Le projet de loi permettrait aussi aux citoyens canadiens de se porter garants d’une personne n’ayant pas de pièce d’identité avec photo.

En outre, Élections Canada pourrait prendre des initiatives d’éducation civique pour renseigner davantage l’électorat.

Le projet de loi C-33 aiderait à éliminer certains obstacles à la participation des néo-Canadiens, des jeunes et des Autochtones. Par contre, il ne peut pas tous les éliminer. Et c’est là où vous avez un rôle à jouer : vous pouvez nous aider à cerner là où se trouvent les obstacles.

Je partage l’opinion exprimée dans un rapport de 2015 produit par l’Institut de la citoyenneté canadienne.

L’Institut fait valoir que l’apathie et les lacunes linguistiques n’expliquent pas à eux seuls le faible taux de participation chez les nouveaux Canadiens.

Le rapport cite un manque d’information, un manque de confiance à l’égard du système électoral et même un manque de temps libre payé pour voter. Nous devons trouver des moyens d’éliminer ces obstacles.

Pour continuer à éliminer les obstacles, nous devons écouter ce que vous – les intervenants de première ligne – avez à dire. Vous devez poursuivre vos efforts et nous dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

C’est la raison pour laquelle je suis ravie d’être ici et de participer à cette conversation opportune que vous dirigez.

Je me réjouis à la perspective de recevoir vos commentaires et de poursuivre les travaux qui rendront notre vie citoyenne et notre démocratie plus inclusives.

Pour terminer, je vais vous faire part de quelques commentaires cités dans le rapport de l’Institut de la citoyenneté canadienne. Il s’agit de commentaires formulés par des personnes qui ont voté pour la première fois au Canada et qui ont fait part de leurs sentiments en sortant de l’isoloir.

Un électeur à Mississauga a dit : « Je me sens accepté. Aujourd’hui, j’ai l’impression de faire partie du tissu social canadien ». Une électrice à Vancouver estimait que le fait de voter confirmait qu’elle était Canadienne. Un troisième électeur à Ottawa a simplement dit qu’il s’est mis à pleurer, qu’il est sorti de l’isoloir et a fondu en larmes.

Comme je l’ai dit au début, pour bâtir une nation, il faut déployer des efforts soutenus. Nous devons continuellement travailler pour favoriser l’inclusion et pour donner à tous les citoyens un sentiment d’appartenance. La démocratie n’est pas forcément assurée. Mais nous faisons quelque chose de bien; sinon, comment expliquer les réflexions positives et les émotions fortes ressenties par les nouveaux arrivants qui ont voté pour la première fois?

Merci. Meegwetch.

Détails de la page

Date de modification :