L’honorable Karina Gould Ministre des Institutions démocratiques au Conseil international du Canada

Discours

Merci et bonjour.

Avant d’aller plus loin, je désire reconnaître que le territoire où nous sommes réunis aujourd’hui est un territoire ancestral des Premières Nations, notamment la bande des Mississaugas de Credit, les Anishinaabes, les Ojibwés, les Haudenosaunee et les Wendat, et un territoire qui accueille à l’heure actuelle de nombreuses personnes des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Je tiens à remercier le Conseil international du Canada de m’avoir invitée à vous adresser la parole aujourd’hui. Je salue votre dévouement à la promotion d’un dialogue ouvert avec les Canadiennes et Canadiens et une gouvernance qui, pour reprendre l’expression de votre ancien président R. M. Fowler, constitue un exemple « d’une opinion publique canadienne aussi réfléchie qu’éclairée » [traduction].

Il y a 91 ans, quand une poignée d’importants Canadiens s’est réunie pour la première fois à Ottawa pour inaugurer l’Institut canadien des affaires internationales, il s’agissait d’une réaction à des préoccupations selon lesquelles la progression d’une démocratie récente pourrait être minée par l’apathie politique et l’ignorance de l’actualité chez les citoyens.

Près d’un siècle plus tard, ces préoccupations demeurent actuelles. De plus, cette apathie est exacerbée par de larges problèmes de cynisme, de scepticisme et de confiance.

Du moins, c’est ce qu’on nous dit. Mais la situation n’est pas si simple.

Je fais confiance aux Canadiennes et aux Canadiens. Je sais qu’ils sont en mesure de prendre des décisions éclairées. Je sais qu’ils sont engagés.

Je sais aussi, en revanche, que vous et moi hésitons à accorder une confiance implicite aux sources d’information accessibles.

Ce mois-ci, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) a publié une version mise à jour de son rapport de 2017 qui fait autorité et s’intitule Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada. L’étude initiale, qui était le premier rapport public de ce type au monde, arrivait à la conclusion qu’il est « très probable » que les électeurs canadiens doivent faire face à de l’ingérence étrangère informatique dans les semaines et les mois qui précéderont la prochaine élection fédérale.

Ces semaines et ces mois sont à nos portes.

Avec des élections générales dans quelques mois seulement, il demeure très probable que des acteurs malveillants s’engagent dans une telle ingérence. De plus, dans les deux années suivant la publication du premier rapport du CST, l’activité liée aux cybermenaces individuelles et coordonnées est devenue nettement plus sophistiquée, et nettement plus malveillante.

Voilà pourquoi le CST a publié en temps opportun une version révisée de son analyse avant-gardiste. La nouvelle version, qui, comme le rapport de 2017, est accessible au public, révèle que la moitié des démocraties avancées qui ont organisé des élections générales en 2018 ont été soumises à des activités assimilables à des cybermenaces. Ce pourcentage a triplé depuis 2015.

Et cette tendance est appelée à se poursuivre.

Le Canada, à l’instar de plusieurs autres pays démocratiques, convoquera ses citoyens aux urnes en 2019. Chacun de ces pays se prépare à résister à de l’ingérence étrangère.

Dans quelques semaines, des élections auront lieu au Parlement européen. Un rapport publié récemment par les services secrets de l’Estonie se penche sur la probabilité d’ingérence attribuable à un gouvernement national lors de ces élections. Leur conclusion : « très probable ».

En ce moment même, des Canadiens sont en Ukraine et travaillent d’arrache-pied pour contribuer à préserver l’intégrité du processus électoral dans ce pays. Le Canada s’est engagé à offrir du financement, des ressources et du personnel pour renforcer les mesures prises par notre allié pour mettre en œuvre une réforme électorale, l’égalité des sexes et une gouvernance inclusive.

Notre rôle en faveur de l’avancement de la démocratie a permis au Canada de gagner du respect sur la scène internationale. Nous maintenons les communications ouvertes avec les démocraties avancées, et nous partageons nos pratiques exemplaires. Nous demeurons membres d’un bon nombre d’alliances essentielles et y jouons un rôle actif.

Nous reconnaissons qu’il est urgent d’endiguer une menace internationale en constante évolution qui utilise la désinformation et les « fausses nouvelles » pour nous ébranler.

Le Canada n’est pas à l’abri des menaces. À bien y penser, nous sommes plutôt une cible de choix. Alors que l’élection approche, il est possible que les électeurs soient ciblés. Les partis politiques, les candidats et l’administration pourraient aussi être ciblés. L’élection elle-même pourrait constituer une cible.

Tout cela me semble probable. Tout progrès technologique s’accompagne de nouveaux moyens de mettre en place des subterfuges. Si nous n’entreprenons pas des efforts larges et concertés pour prévenir les cybermenaces, les activités illicites iront en accélérant.

Voilà pourquoi le Canada a pris des mesures pour protéger ses processus démocratiques et pour veiller à ce que les élections générales de 2019 représentent l’opinion réfléchie et éclairée des Canadiennes et des Canadiens.

Des mesures en faveur de l’accroissement de la transparence pour les médias sociaux, comme certaines dispositions de la Loi sur la modernisation des élections qui exigent que les grandes plateformes en ligne tiennent un registre des publicités partisanes et électorales qui sont publiées durant la période électorale et la période préélectorale.

Des mesures permettant d’évaluer, de désigner et de combattre des cybermenaces grâce à un organisme récemment créé, le Centre canadien pour la cybersécurité, et grâce au Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, qui représente une collaboration jamais vue mettant en commun l’expertise de la GRC, du SCRS, du CST et d’Affaires mondiales Canada.

Des mesures visant à préserver notre processus électoral, comme le développement du Mécanisme de réponse rapide du G7 pour contrer les menaces à la démocratie, et comme la création du Protocole public en cas d’incident électoral majeur qui informe les Canadiennes et les Canadiens de tout incident qui met en péril l’intégrité d’une élection fédérale.

Des mesures visant à ce que l’on délaisse les choix partisans en offrant à Élections Canada, aux partis politiques, aux candidats, aux employés et aux bénévoles des conseils et des orientations, ainsi que des séances d’information classifiée sur les menaces perçues et potentielles ainsi que sur les vulnérabilités des systèmes.

Et aussi des mesures qui gardent la population engagée et bien renseignée par des efforts de sensibilisation publique comme la campagne Pensez cybersécurité du CST. Il est impératif que les Canadiennes et les Canadiens appliquent une pensée critique à l’information qui s’affiche à leurs écrans. Il est impératif de tenir compte de la source originale des nouvelles que nous consommons, ainsi que de ses intentions et de sa crédibilité.

Les médias sociaux ont reconnu le risque que posent les renseignements erronés et la désinformation. J’ai travaillé avec eux et je continue de le faire afin que soient prises des mesures volontaires qui accroîtront la transparence associée aux publicités et pour lutter contre l’emploi de cybertechnologies à des fins antidémocratiques.

Il est temps pour les plateformes de médias sociaux de reconnaître que leur influence leur demande d’assumer de grandes responsabilités.

Non pas afin d’être en mesure de faire taire la dissension, mais bien pour s’assurer que les voix qui expriment la dissension sont justes.

Comme l’a récemment exprimé le Dalaï-Lama, « la liberté d’exprimer son désaccord est l’un des plus grands bienfaits de la démocratie moderne » [traduction].

Nous prendrons connaissance d’un grand nombre de désaccords au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Espérons que ces désaccords seront issus d’un discours public aussi éclairé que réfléchi.

Je vous remercie.

Détails de la page

Date de modification :