Rapport sur la Directive sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur

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Ce rapport a été rédigé et présenté en anglais par James Judd et traduit en français par le gouvernement du Canada afin de respecter la Loi sur les langues officielles du Canada.

Introduction

Le 30 janvier 2019, conscient de l’importance de protéger le processus électoral du Canada contre l’ingérence étrangère, le gouvernement du Canada a annoncé une série de mesures visant à défendre la démocratie canadienne et à mieux protéger nos systèmes électoraux contre les menaces de cyberingérence et d’autre types d’ingérence étrangère.

Le Protocole public en cas d’incident électoral majeur (le Protocole) faisait partie de ces mesures. Il mandatait un groupe de cinq hauts fonctionnaires (le groupe d’experts) pour informer les Canadiens de tout incident ou de toute menace pouvant peser sur les élections fédérales de 2019 et ayant été jugé suffisamment grave pour compromettre l’intégrité du processus de scrutin ou nuire à la capacité des Canadiens à tenir des élections libres et impartiales. Ce rôle ne devait être exercé que pendant les élections (la période électorale).

La Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur, qui établissait ledit Protocole et le groupe d’experts responsables de son application, a été rendue publique le 9 juillet 2019. Une copie de cette directive, de même qu’une biographie de l’auteur du présent rapport, sont jointes aux présentes.

La Directive du Cabinet prévoyait également l’élaboration d’un rapport indépendant après la tenue des élections afin d’évaluer la mise en œuvre du Protocole et la mesure dans laquelle il a permis de gérer efficacement les menaces pesant sur l’élection de 2019.

Le rapport devait également permettre de déterminer si le Protocole devrait être établi de façon permanente dans le but de protéger l’intégrité des élections futures et, dans l’affirmative, s’il serait indiqué d’y apporter des ajustements (et, le cas échéant, lesquels).

Le rapport devait se concentrer sur le modèle et les processus en place ainsi que sur l’utilité et le caractère opportun de l’information, plutôt que sur l’issue d’une quelconque prise de décision.

L’évaluation a été réalisée au moyen d’une série d’entrevues avec des responsables du gouvernement, anciens et actuels, des représentants des partis politiques et des groupes de réflexion. Elle intègre également l’examen de documents gouvernementaux, classifiés et autres, de documents publics provenant de gouvernements étrangers, de reportages médiatiques nationaux et internationaux et de rapports nationaux et internationaux de diverses organisations non gouvernementales. Cet examen ne tient pas compte de l’information présentée dans le cadre de briefings sur le renseignement (cette dernière étant classée au-dessus du niveau « secret »).

L’évaluation a passé en revue les événements connexes qui se sont produits au Canada (et dans certains pays tiers) de la fin de 2016 jusqu’à la fin de l’élection 2019.

Une perspective plus large a été adoptée pour mieux comprendre le contexte général dans lequel la décision de créer et de mettre en œuvre le Protocole a été prise. Cette perspective élargie a également été rendue nécessaire du fait que le Protocole ne peut être jugé adéquatement sans tenir compte d’autres initiatives connexes visant à protéger l’intégrité des élections, dont certaines étaient directement liées aux travaux du groupe d’experts.

Fondamentalement, plus les autres mesures visant à renforcer le processus électoral étaient efficaces, moins il était probable que le groupe d’experts ait à intervenir durant la période électorale.

Contexte

Développements récents à l’international

L’ingérence électorale étrangère n’est pas un phénomène nouveau. Le sujet a cependant acquis une visibilité beaucoup plus importante au cours des cinq dernières années en raison des efforts déployés en ce sens lors d’élections et de référendums tenus dans un certain nombre de démocraties occidentales (entre autres aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne). Ces actions ont poussé les gouvernements de certains pays à mettre en œuvre de nouvelles mesures, législatives ou autres, pour atténuer le risque d’ingérence étrangère dans leurs processus électoraux.

Compte tenu de ces développements et de sa vulnérabilité potentielle à des activités d’ingérence similaires, le Canada fait lui aussi partie des démocraties qui cherchent à mettre en place de nouvelles initiatives à cet égard. De nombreux pays occidentaux poursuivent toujours l’élaboration et la mise en œuvre de nouvelles mesures visant à protéger leurs systèmes électoraux.

Ingérence étrangère

L’ingérence étrangère dans les affaires intérieures d’un pays est aujourd’hui répartie en deux catégories :

  1. Ingérence étrangère « traditionnelle ». Le rapport annuel de 2019 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement donne un aperçu complet de ce type d’activité au Canada. Cependant, le rapport n’aborde pas la question de l’ingérence étrangère dans les processus électoraux (ni le nouveau phénomène qu’est l’ingérence étrangère en ligne ou « cyberingérence »).

    L’ingérence électorale traditionnelle comprend la corruption, le chantage, le financement illégal, la coercition et l’intimidation, la désinformation et d’autres stratagèmes visant à influencer le comportement des électeurs ou le processus de sélection des candidats. Bon nombre des tactiques d’ingérence, électorale ou autre, ainsi que leurs auteurs, ont toujours été et sont encore chose courante dans bien des pays.
  2. La « cyberingérence » est une nouvelle forme d’ingérence qui tire parti des technologies modernes pour s’immiscer dans les affaires intérieures d’un autre pays. Le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada a publié plusieurs documents (notamment en 2017 et en 2019) décrivant la menace que représente ce genre d’activités pour notre processus démocratique et nos institutions.

    Il importe d’abord de noter qu’il y a eu, et qu’il y a toujours, au Canada des activités d’ingérence étrangère « traditionnelles » et cybernétiques. Certaines de ces activités ont été camouflées de manière à donner l’impression qu’elles sont le fait d’individus ou d’organisations non gouvernementales nationales.

    Deuxièmement, l’ingérence étrangère ne se limite pas aux « institutions d’États antagonistes ». De telles ingérences ont également été montées par des entités non gouvernementales, comme les groupes anti-avortement lors du référendum irlandais sur la promulgation d’une loi sur la libéralisation de l’avortement dans ce pays, ou encore les acteurs non gouvernementaux pendant les élections en France.

    S’ajoutent à cela les campagnes de désinformation et la diffusion de fausses nouvelles qui ont perturbé les processus électoraux partout dans le monde. L’impact de ces activités a été amplifié par le déclin des médias d’information traditionnels (ces dix dernières années, 200 journaux canadiens ont fermé leurs portes, tandis que ceux qui restent ont subi une certaine érosion). Cette situation a également été exacerbée par une dépendance accrue vis à vis des médias sociaux comme sources de nouvelles et d’information. La capacité de vérifier les faits s’est appauvrie. Là encore, les sources d’information – étrangères ou nationales, gouvernementales ou non gouvernementales – ne sont pas toujours claires.

La réponse du Canada à l’ingérence étrangère dans les élections

Les préoccupations du gouvernement du Canada en matière d’ingérence étrangère se sont accentuées à la fin 2016, suite aux élections américaines de 2016 et au référendum britannique sur le Brexit. Ces préoccupations ont ensuite été amplifiées par les événements qui se sont produits ultérieurement ailleurs dans le monde (entre autres en France et en Allemagne).

La lettre de mandat du 1er février 2017 de la nouvelle ministre des Institutions démocratiques comprend la priorité suivante :

« En collaboration avec le ministre de la Défense nationale et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, diriger les efforts du Canada en vue de défendre le processus électoral du Canada contre les cybermenaces. Ceci devrait inclure de demander au Centre de la sécurité des télécommunications (CST) de réaliser une analyse du risque que posent les pirates informatiques pour les activités politiques et électorales du Canada, et de la rendre publique. De plus, demander au CST de fournir aux partis politiques du Canada et à Élections Canada des conseils sur les meilleures pratiques en matière de cybersécurité. »

En outre, on a aussi demandé à cette même ministre de diriger les efforts visant à modifier la Loi électorale du Canada. Ces changements ont été intégrés au Projet de loi C‑76, Loi sur la modernisation des élections.

Au moment de la publication de la lettre de mandat ministérielle, le Canada bénéficiait déjà d’un certain nombre d’avantages dans l’élaboration d’un plan d’action.

D’abord, les responsables canadiens étaient en mesure de mieux comprendre les techniques employées par certains pays pour accomplir des actes d’ingérence. Il leur a été particulièrement utile d’avoir accès aux leçons tirées par les responsables de la sécurité d’autres pays sur les vulnérabilités systémiques et les modus opérandi des attaques dont ils avaient fait l’objet.

Deuxièmement, ils ont pu étudier, évaluer et adopter (ou adapter) les mesures d’atténuation élaborées et mises en œuvre par d’autres pays pour contrer l’ingérence étrangère, qu’il s’agisse de mesures de dissuasion ou de protection, ou de façons de parer aux tentatives d’ingérence.

Troisièmement, le Canada a en place des organismes de sécurité compétents et expérimentés; ces organismes avaient déjà une bonne compréhension des techniques d’ingérence (traditionnelles et en ligne) utilisées. Le travail de ces organismes a par la suite été renforcé par le Mécanisme de réponse rapide du G7 et la création du Centre canadien pour la cybersécurité.

Quatrièmement, nous avons au Canada un régime d’administration électorale professionnel et expérimenté, fondé sur un cadre législatif et réglementaire exhaustif. Les administrateurs électoraux n’ont jamais cessé de renforcer leurs régimes de sécurité pour s’assurer contre le risque d’ingérence. Contrairement à certains autres États, il n’y a au Canada qu’un seul directeur des élections fédérales.

Cinquièmement, lors des élections fédérales, les électeurs utilisent un bulletin de vote en papier. Le fait que le Canada n’utilise pas le vote électronique réduit certaines possibilités d’ingérence étrangère.

Enfin, les prochaines élections canadiennes devaient avoir lieu plus de deux ans et demi plus tard, ce qui laissait du temps pour planifier et mettre en œuvre des mesures pour protéger le processus électoral.

Pendant le reste de 2017 et pendant une bonne partie de 2018, de hauts fonctionnaires de divers organismes fédéraux ont participé activement à l’évaluation des menaces d’ingérence étrangère en ligne et sous d’autres formes. Cet effort leur a permis de cerner les vulnérabilités potentielles de l’« univers électoral » à de telles menaces et de trouver des moyens pour atténuer les risques. Les enjeux en cause ont fait l’objet d’examens et de discussions lors des nombreuses réunions tenues au cours de cette période.

Il y a eu des consultations avec d’autres gouvernements démocratiques qui partageaient les mêmes inquiétudes et qui, dans certains cas (p. ex. la France et l’Allemagne), avaient été la cible d’ingérence étrangère après l’élection américaine de 2016.

De plus, on a sollicité l’avis et les conseils de divers experts non gouvernementaux provenant des milieux universitaires, de l’industrie et de groupes de réflexion au Canada et à l’étranger. Des travaux ont été commandés sur des questions relatives à la désinformation et sur les moyens que peuvent prendre les médias traditionnels, la société civile et d’autres pour y répondre.

Une série d’initiatives – législatives, budgétaires, stratégiques, programmatiques, organisationnelles et autres – ont constitué, dans leur ensemble, le plan d’action qui a été élaboré pour cibler spécifiquement le risque d’une éventuelle ingérence étrangère.

Dans la mesure du possible, ces initiatives se sont concentrées sur les éléments constitutifs de ce que l’on a appelé « l’écosystème électoral », soit les électeurs, les partis politiques, la société civile et le milieu universitaire, les médias, les plateformes de médias sociaux, Élections Canada, le commissaire aux élections fédérales et les agences de sécurité et de renseignement.

Certaines de ces initiatives étaient inédites dans le contexte canadien.

Le plan d’action – intitulé le Plan du Canada pour défendre la démocratie canadienne – s’articulait autour de quatre objectifs clés :

  1. améliorer l’état de préparation des citoyens dans le but de soutenir l’épanouissement d’une population engagée et informée;
  2. renforcer la préparation organisationnelle afin de s’assurer que les institutions gouvernementales, les partis politiques, Élections Canada et les médias étaient en mesure de bien planifier la lutte contre l’ingérence électorale et qu’ils avaient la capacité d’y réagir et de l’atténuer de manière efficace.
  3. compter sur les plateformes de médias sociaux pour qu’elles agissent et prennent des mesures concrètes pour accroître la transparence et lutter contre la désinformation;
  4. lutter contre l’ingérence étrangère pour s’assurer que le Canada était pleinement conscient des menaces et qu’il entretenait des partenariats internationaux solides.

Le Plan a été annoncé en janvier 2019 lors d’une conférence de presse donnée par le ministre de la Défense nationale, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et la ministre des Institutions démocratiques. Cette conférence de presse a été précédée d’une séance d’information technique donnée par de hauts fonctionnaires.

Le Plan était complété par d’autres mesures (législatives et organisationnelles) qui, sans être directement liées à la sécurité électorale, ont contribué pour beaucoup à renforcer le plan d’action du gouvernement pour protéger le système électoral et ses intervenants. Le projet de loi C‑59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, qui prévoyait de nouveaux pouvoirs opérationnels pour le Centre de la sécurité des télécommunications et le Service canadien du renseignement de sécurité, en est un bon exemple. Ce projet de loi a reçu la sanction royale le 21 juin 2019.

En juin 2017, le Centre de la sécurité des télécommunications a publié un rapport intitulé Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada.

Ce document, qui décrit avec une franchise et une clarté sans précédent les menaces et les méthodes (et les vulnérabilités potentielles à cet égard) utilisées par certaines entités étrangères qui déploient des cybercapacités en vue d’influencer le processus démocratique du Canada pendant des élections, a retenu beaucoup d’attention au Canada comme à l’étranger.

Ces questions ont également été abordées en 2018 lors du Sommet des dirigeants du G7, dont le Canada a été l’hôte et au cours duquel a été annoncé le Mécanisme de réponse rapide (MRR) du G7. Le but de cette initiative était de renforcer la coordination parmi les pays du G7 afin de prévenir les menaces changeantes qui pèsent sur les démocraties des pays membres, de les contrecarrer et d’y réagir, notamment en favorisant l’échange d’information, en décloisonnant l’analyse de la menace et en cernant les possibilités de réponses coordonnées. Le Canada a mis sur pied une unité de coordination à Affaires mondiales Canada, qui sert de secrétariat permanent au MRR. Depuis, le réseau de partage de l’information du G7 sur le MRR s’est élargi pour inclure l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et la Lituanie.

En octobre 2018, le gouvernement a créé le Centre canadien pour la cybersécurité. Le Centre regroupait l’expertise existante de différentes agences fédérales en matière de cybersécurité. Son but était d’offrir une source unique et unifiée en matière de conseils, d’orientation, de services et de soutien en cybersécurité pour le gouvernement, les propriétaires et les exploitants d’infrastructures essentielles, le secteur privé et le public canadien.

Le Mécanisme de réponse rapide du G7 et le Centre canadien pour la cybersécurité ont tous deux joué un rôle important dans les efforts déployés par le gouvernement pour protéger les élections de 2019.

En décembre 2018, la Loi sur la modernisation des élections a reçu la sanction royale. Cette loi contenait plusieurs dispositions visant à déjouer les tentatives de perturbation des campagnes électorales ou du scrutin. Ces dispositions portaient, entre autres, sur :

Élections Canada a été très actif au chapitre des communications avec le public, les partis politiques, les candidats aux élections et les médias. L’organisme a également assuré une surveillance des médias sociaux et, au besoin, a pris des mesures pour faire retirer des plateformes de médias sociaux tout renseignement trompeur ou inexact concernant l’élection (p. ex. l’emplacement des bureaux de vote).

Le premier rapport du DGE sur la 43e élection générale (publié le 18 février 2020) présente une description détaillée des divers efforts de communication déployés par le bureau du DGE dans le cadre de l’élection de 2019. Ce rapport sera suivi d’autres rapports sur les élections de 2019 plus tard en 2020.

Le 8 avril 2019, le Centre de la sécurité des télécommunications a publié une deuxième évaluation des cybermenaces contre le processus démocratique du Canada.

En outre, le Centre de la sécurité des télécommunications et Centre canadien pour la cybersécurité ont tous deux publié des documents d’information et des lignes directrices dans les 18 mois précédant les élections.

Le Centre canadien pour la cybersécurité a également accru la promotion de son blogue intitulé Pensez cybersécurité, qui offre aux utilisateurs d’Internet des conseils sur les bonnes pratiques de sécurité.

Améliorer l’état de préparation des citoyens

Afin d’appuyer les programmes et les activités de recherche sur la « littératie numérique citoyenne », des fonds supplémentaires ont été engagés pour soutenir :

Enfin, le gouvernement a annoncé la création du Protocole public en cas d’incident électoral majeur. Le rôle de ce protocole est expliqué en détail dans une directive du Cabinet rendue publique le 9 juillet 2019. Sa diffusion était accompagnée d’une séance d’information technique offerte par des représentants du gouvernement et d’Élections Canada. Le rôle et le fonctionnement du groupe d’experts mandaté par ce protocole sont présentés plus en détail ci-après.

Renforcer la préparation organisationnelle

Élections Canada a commencé à planifier l’élection de l’an dernier immédiatement après les élections de 2015. Une grande partie des travaux préparatoires ont porté sur les questions liées à la sécurité.

La section 6 du rapport du directeur général des élections sur la 43e élection générale, conjointement avec une fiche d’information publiée par le bureau du DGE et intitulée Comment Élections Canada contribue-t-il à la sécurité des élections?, présente un compte rendu complet des diverses mesures adoptées pour protéger l’élection.

Le bureau du DGE a maintenu des liens étroits avant et après l’élection avec les organismes de sécurité canadiens et le groupe d’experts établi par le Protocole public en cas d’incident électoral majeur. Une liaison permanente a été créée entre le Centre de la sécurité des télécommunications et le bureau du DGE pour offrir une assistance en cas de problème lié à la cybersécurité.

Le Centre canadien pour la cybersécurité a offert aux représentants des partis politiques des séances d’information sur les menaces, ainsi que des conseils en matière de cybersécurité. Le Centre de la sécurité des télécommunications a mis en place des lignes téléphoniques directes réservées aux partis, en cas de problème lié à la cybersécurité. Par la suite, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections a offert aux représentants des partis disposant de l’autorisation de sécurité requise des séances d’information classifiée en vue de l’élection.

Plateformes de médias sociaux

À la fin mai 2019, le gouvernement a conclu une entente avec Facebook, Twitter, Google et Microsoft sur des mesures visant à guider la conduite de ces plateformes avant et pendant l’élection de 2019. Cette entente est contenue dans la Déclaration du Canada sur l’intégrité électorale en ligne, rendue publique à la fin du mois de mai 2019. Les plateformes ont également pris des mesures volontaires à cet égard et Loi sur la modernisation des élections imposait de nouvelles obligations.

Lutter contre l’ingérence étrangère

Le gouvernement a créé le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections en lui donnant pour mandat de fournir, en tant que guichet unique, des rapports coordonnés sur l’état du renseignement, avant et pendant les élections. La tâche du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections portait exclusivement sur des questions touchant la sécurité électorale. Présidé par le Centre de la sécurité des télécommunications, ce groupe comprenait des représentants du Service canadien du renseignement de sécurité, de la Gendarmerie royale du Canada et du Mécanisme de réponse rapide du G7 d’Affaires mondiales Canada.

Il a entamé ses activités plus d’un an avant l’élection; il a produit des rapports consolidés qui intégraient les renseignements classifiés et non classifiés transmis par les quatre organismes membres du groupe de travail. La fréquence des rapports a augmenté avec le temps. En août 2019, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections produisait des rapports de situation quotidiennement.

La Gendarmerie royale du Canada a assigné des dossiers d’enquête criminelle relatifs à l’ingérence d’acteurs étrangers aux équipes intégrées de la sécurité nationale existantes. Il a également offert des séances d’information aux membres de l’Association canadienne des chefs de police (qui représente tous les grands services de police municipaux au Canada) sur les menaces que pose l’ingérence étrangère.

Les organismes de sécurité canadiens – en particulier le Centre de la sécurité des télécommunications et le Service canadien du renseignement de sécurité – ont maintenu des liens étroits avec leurs partenaires du Groupe des cinq (États-Unis, le Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande) tout au long des périodes préélectorale et électorale; leur but était de mettre à profit la collecte de renseignements susceptibles d’avoir un lien avec les élections canadiennes. L’unité de coordination du Mécanisme de réponse rapide du G7 a fait de même avec ses partenaires du G7. D’autres partenaires étrangers ont également été consultés à cet égard.

Communications

Des efforts considérables ont été déployés pour veiller à ce que les menaces à la sécurité de notre système électoral et les mesures prises pour en protéger l’intégrité soient rendues publiques. Des campagnes de sensibilisation ont été menées pour mobiliser les électeurs et les informer des mesures qu’ils pouvaient mettre eux-mêmes en œuvre pour se protéger contre ces menaces.

Les discours des ministres et les comparutions devant les comités parlementaires étaient accompagnés de séances d’information technique détaillée, offertes aux médias par de hauts fonctionnaires.

Les publications du Centre de la sécurité des télécommunications concernant les menaces potentielles ont été consultées par un grand nombre de Canadiens; il en a été de même pour les documents d’orientation sur la cybersécurité publiés par le Centre canadien pour la cybersécurité.

Ces efforts de communication ont duré près de deux ans avant les élections de 2019. La menace d’ingérence électorale étrangère au Canada a été amplifiée par les événements qui se sont déroulés sur la scène internationale pendant cette période. Les actes d’ingérence dans les campagnes électorales française, allemande et américaine (élections de mi-mandat de 2018) ont été largement médiatisés. Ce fut aussi le cas des réponses des gouvernements étrangers à de tels événements, que ce soit par l’adoption de nouvelles contre-mesures ou par de longues enquêtes sur l’ingérence passée (p. ex. l’enquête Mueller).

Les mesures prises par le Canada ont été rapportées dans les médias étrangers; elles ont également été examinées par des organismes internationaux comme la Transatlantic Commission on Election Integrity et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Les rapports de ces organismes ont été rendus publics avant l’élection de 2019. Certains médias étrangers ont comparé favorablement les mesures prises par le Canada aux efforts déployés par d’autres pays occidentaux.

La plupart des commentaires exprimés publiquement démontrent une attitude positive à l’égard des efforts menés par le Canada sur les scènes canadienne et internationale. La seule lacune relevée était le traitement des plateformes de médias sociaux : certains ont perçu un certain laxisme quant à la surveillance des plateformes (compte tenu de leur nombre limité) et à la rigueur des dispositions sur la gouvernance et l’application de la loi. On a jugé que la stratégie du Canada était plus limitée que celle, par exemple, utilisée par certains pays d’Europe de l’Ouest.

Protocole public en cas d’incident électoral majeur

Le Protocole a été rendu public le 30 janvier par la ministre des Institutions démocratiques lors d’une conférence de presse pour présenter les initiatives gouvernementales visant à protéger le processus électoral canadien.

La ministre a déclaré :

« Le Protocole prévoit un processus simple, clair et impartial pour informer les Canadiens d’une menace pour l’intégrité de l’élection de 2019.

Il est conçu pour éviter le type de blocage qui pourrait empêcher le gouvernement de réagir de façon efficace. La responsabilité principale du Protocole incombe à un groupe de hauts fonctionnaires.

Ce groupe rassemble des perspectives juridiques et de sécurité nationale d’Affaires Étrangères et de gouvernance. 

Les membres de ce groupe possèdent l’expérience nécessaire pour évaluer de façon rigoureuse les faits relatifs à la sécurité et les répercussions de la communication d’une menace d’une telle ampleur aux Canadiens.  Il représente les échelons les plus élevés de la fonction publique et ont pour mandat d’agir de manière impartiale, transparente et juste.

Soyons clairs : il ne s’agit pas ici d’arbitrer l’élection, mais d’informer les Canadiens d’un incident qui met en péril leur droit à une élection libre et juste.

Si un incident survient lors de la campagne, les Canadiens ont l’assurance que cet incident a été rendu public par les personnes compétentes, que les renseignements communiqués sont véridiques et exacts, et qu’il ne s’agit pas d’un jeu politique.

Car cette question va au-delà des considérations partisanes.

Le Protocole a une portée restreinte et un seuil d’intervention très élevé en ce qui concerne les annonces publiques. Le Protocole s’appliquera seulement aux incidents qui ont lieu pendant la période électorale.

Si le groupe détermine que le seuil d’intervention a été atteint, le greffier du Conseil privé ordonnera au dirigeant de l’organisme de sécurité concerné d’informer les Canadiens de l’incident.

Par souci de justice et de transparence, nous avons consulté les quatre grands partis politiques à plusieurs reprises dans le cadre de l’élaboration de ce protocole.

Il était important que les partis politiques comprennent le but de ce protocole et qu’ils aient confiance en ce dernier et que les décisions de ce groupe de hauts fonctionnaires soient prises de façon impartiale.

Nous espérons ne jamais avoir à faire une telle annonce publique, mais il est maintenant essentiel que nous informions les Canadiens de la mise en place d’une structure qui veillera à ce qu’ils demeurent informés et engagés. »

Fondamentalement, la création du Protocole et de son groupe de hauts fonctionnaires visait à éviter une situation semblable à celle qui s’était produite lors des élections américaines de 2016. Le degré considérable d’ingérence étrangère qui a marqué ces élections n’a pas été porté à la connaissance des électeurs avant le scrutin. Il n’a pas été rendu public de peur que l’incident puisse être interprété comme ayant été ourdi pour des raisons partisanes.

Le protocole semble bien avoir été une invention unique et particulière au Canada. Il ne semble pas exister de dispositif équivalent ailleurs au monde.

Mandat

Le mandat du Protocole était très précis et très circonscrit. Il s’agissait d’un mécanisme d’urgence qui ne devait être utilisé que dans des circonstances très limitées. Il était en partie fondé sur la convention de transition, qui établit les lignes directrices applicables à la conduite en période électorale. Comme on peut le lire dans la convention, « le gouvernement doit faire preuve de retenue pendant la période électorale ». Il était également fondé sur une pratique propre aux campagnes électorales qui consiste à déléguer les affaires gouvernementales appropriées aux fonctionnaires, qui agiront si nécessaire.

Compte tenu de ce qui s’était produit dans le cadre des élections américaines, le Protocole s’appuyait également sur l’idée que toute annonce faite pendant une campagne électorale et pouvant avoir une incidence sur cette élection devrait provenir d’une source non partisane. Ainsi, contrairement à ce qui s’était produit aux États-Unis, cette responsabilité n’incombait pas à un seul fonctionnaire mais à un groupe de cinq hauts fonctionnaires non partisans qui parvenaient à une décision par consensus.

Le Protocole énonce explicitement les limites de son mandat.

D’abord, le mandat « sera uniquement appliqué pour faire face aux incidents qui surviendront durant la période électorale et qui ne relèvent pas des domaines de responsabilité d’Élections Canada (en ce qui concerne l’administration de l’élection, tel qu'énoncé dans la Loi électorale du Canada) ».

Deuxièmement, « une annonce publique durant la période électorale ne sera faite que si le groupe d’experts détermine qu’il s’est produit un incident ou une accumulation d’incidents qui menace la tenue d’élections libres et justes au pays. Une grande rigueur sera requise pour établir si les critères sont remplis.

Différents facteurs pourraient être examinés en vue de prendre une décision à ce sujet, par exemple :

Troisièmement, en ce qui concerne le type d’incidents en cause, le protocole précise ce qui suit : « Même si des acteurs nationaux ou étrangers peuvent être à l’origine d’une activité ou d’une interférence perturbatrice, l’accent devrait être mis au départ sur l’ingérence étrangère. » Le Protocole poursuit ainsi : « De plus, il est possible que des acteurs étrangers travaillent en collaboration avec des acteurs nationaux ou par l’entremise de ces derniers. En fin de compte, c’est l’incidence sur la tenue d’élections libres et justes au Canada qui permettra de déterminer si les critères sont remplis et qu’une annonce publique est requise. »

Quatrièmement, le groupe d’experts devait fonctionner sur une base consensuelle : toute décision devait être avalisée par l’ensemble des membres.

Enfin, toute annonce publique serait limitée : « L’annonce serait centrée sur les éléments suivants :

  1. la notification de l’incident;
  2. les renseignements connus à propos de l’incident (selon ce qui est jugé approprié);
  3. les mesures que les Canadiens devraient prendre pour se protéger (s’assurer qu’ils sont bien informés, avoir de bonnes pratiques informatiques, etc.), le cas échéant. »

Il était entendu qu’Élections Canada et le commissaire aux élections fédérales agiraient pendant la période électorale pour régler les enjeux qui relevaient de leurs compétences. De même, le Service canadien du renseignement de sécurité et le Centre de la sécurité des télécommunications étaient censés intervenir sur les questions relevant de leurs autorités respectives, si cela devenait nécessaire.

Composition du groupe d’experts

De nombreuses options ont été envisagées par le gouvernement dans la sélection des membres du groupe d’experts. Parmi les options examinées, certaines ne comprenaient aucun fonctionnaire.

Le groupe d’experts qui a été créé réunissait :

Ces hauts fonctionnaires ont été choisis en raison des responsabilités de leurs bureaux et de leurs organismes respectifs.

Le greffier du Conseil privé est le plus haut fonctionnaire de la fonction publique fédérale; il assume une responsabilité particulière à l’égard de la continuité du gouvernement.

Le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre est le plus haut fonctionnaire de la communauté canadienne de la sécurité et du renseignement; il exerce un rôle clé dans la coordination des organisations membres de cette communauté.

La sous-ministre de la Justice et sous-procureure générale du Canada est l’officière supérieure et la conseillère juridique principale auprès du gouvernement; elle joue un rôle essentiel d’analyse critique et de remise en question, y compris sur les questions liées à la Charte.

La sous-ministre des Affaires étrangères du Canada est la haute fonctionnaire dans le domaine de la politique étrangère et des relations extérieures, un rôle important au sein du Protocole étant donné l’enjeu relatif à aux ingérences étrangères potentielles.

Le sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada est le fonctionnaire le plus haut placé de son ministère; il assume des responsabilités relatives à la politique sur la cybersécurité, à la Gendarmerie royale du Canada, au Service canadien du renseignement de sécurité, à la sécurité frontalière, aux services correctionnels et aux mesures d’urgence.

Le groupe possédait une très vaste expérience, cumulant en moyenne 24 ans de service au sein de la fonction publique grâce à des affectations dans divers ministères et organismes. Tous étaient familiers avec les enjeux liés à la sécurité et au renseignement et avec le fonctionnement des organismes travaillant dans ces domaines; certains avaient acquis une expérience considérable de ce type de dossiers. Chacun possédait une expérience différente et était en mesure d’aborder les enjeux dont le groupe d’experts était saisi sous un angle différent.

Toutefois, certains changements ont été apportés à la composition du groupe d’experts entre son annonce initiale, à la fin janvier, et les élections d’octobre.

Le greffier du Conseil privé a quitté son poste le 18 avril 2019, au milieu de la controverse entourant l’affaire SNC‑Lavalin. Dans sa lettre de démission, il écrivait : « une des principales responsabilités du Bureau du Conseil privé est de soutenir le gouvernement que les Canadiens auront élu au mois d’octobre ».

Il poursuivait : « Il est maintenant apparent qu’il m’est impossible d’avoir une relation de confiance et de respect mutuels avec les chefs de partis d’opposition [...] C’est pourquoi je souhaite renoncer à ces responsabilités avant les élections. »

Enfin, faisant allusion au groupe de hauts fonctionnaires auquel il allait siéger pour l’élection à venir, il affirmait : « Il est essentiel que durant la période électorale, le greffier soit considéré par tous les partis politiques comme étant impartial, surtout dans un contexte où de l’interférence étrangère aurait eu lieu. »

Il a été remplacé au poste de greffier du Conseil privé par celui qui était alors sous-ministre des Affaires étrangères du Canada. Le poste de sous-ministre des Affaires étrangères du Canada a été pourvu par la sous-ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.

Parallèlement, le sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada de l’époque s’est retiré de la fonction publique et a été remplacé par le sous-ministre délégué de Sécurité publique Canada de l’époque, en mai 2019.

Enfin, le sous-ministre de la Sécurité publique a été remplacé par le sous-ministre délégué de Sécurité publique Canada pour la période électorale, à l’automne 2019.

Enjeux

La mise en œuvre du Protocole était une expérience inédite dans le contexte canadien; de plus, aucune initiative similaire avec laquelle établir des comparaisons et tirer des leçons n’avait encore été mise en œuvre ailleurs dans le monde.

Le temps était un facteur déterminant à plusieurs égards. Tout d’abord, il y avait relativement peu de temps, avant l’élection, pour préparer le groupe d’experts. En second lieu, la campagne électorale (période électorale), qui est une période dynamique et en constante évolution, est assortie d’un calendrier serré, soit 50 jours. Toute intervention potentielle, fondée sur une décision unanime du groupe d’experts, devait être effectuée rapidement, dans le contexte précipité des campagnes politiques, des médias de nouvelles et des réseaux sociaux qui bat son plein 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Les critères à remplir, établis par le Protocole, pour informer le public de toute mesure prise par le groupe d’experts ne se prêtaient pas facilement à l’application de paramètres quantifiables. En dernière analyse, il était nécessaire d’analyser le contexte de l’ingérence (quant à l’action et aux répercussions possibles, sur la campagne électorale, de tout type d’ingérence). Une deuxième condition préalable était que toute décision d’intervenir pendant la période électorale nécessiterait le consensus du groupe d’experts.

Le contexte des menaces d’ingérences potentielles n’est pas sans rappeler les propos de Donald Rumsfeld sur ce que nous savons et ne savons pas : il y a des connus connus, des inconnus connus et des inconnus inconnus. Ce qui revient à dire que l’exactitude et l’exhaustivité de l’information sur laquelle le groupe d’experts fonde ses décisions peut ne pas être parfaite, qu’elle émane d’organismes de sécurité ou qu’elle résulte d’une analyse des médias sociaux.

L’éventail des auteurs potentiels d’ingérence était vaste : acteurs étatiques hostiles (identifiables comme tels ou agissant sous les traits d’acteurs nationaux); acteurs étrangers non gouvernementaux, y compris des acteurs étroitement alignés sur des gouvernements de pays hostiles; acteurs étrangers non gouvernementaux provenant de pays amis (p. ex. diffuseurs de fausses nouvelles, groupes à revendications particulières ou instigateurs de chaos); ou acteurs nationaux malintentionnés.

De même, l’éventail des activités d’ingérence pouvait être très diversifié : cyberattaques visant à paralyser l’infrastructure essentielle de TI; cyberattaques visant le vol de données à des fins de diffusion publique (avec ou sans altération d’une partie ou de la totalité du contenu par de faux renseignements); campagnes de désinformation montées sur les plateformes de médias sociaux (et dont l’origine – intérieure ou étrangère – est parfois inconnue); ainsi qu’une variété de moyens traditionnels d’ingérence étrangère.

À l’instar des expériences d’autres pays concernant les publications dans les médias sociaux, la difficulté de faire la distinction entre les activités émanant véritablement d’acteurs nationaux et les actions étrangères a posé un problème particulier.

Les membres du groupe d’experts devaient également continuer à s’acquitter de leurs responsabilités habituelles. Pour trois de ces hauts responsables, nommés à leurs postes respectifs en avril 2019, la courbe d’apprentissage était double.

Soutien au groupe d’experts

Deux secrétariats du Bureau du Conseil privé ont fourni le soutien de base aux travaux du Comité : le Secrétariat de la sécurité et du renseignement et le Secrétariat des institutions démocratiques. Ces deux secrétariats ainsi que le groupe d’experts bénéficiaient également du soutien d’un troisième secrétariat (Communications).

Pendant les périodes préélectorale et électorale, une grande partie des documents dont le groupe d’experts avait besoin lui étaient fournis par le Secrétariat de la sécurité et du renseignement et le Secrétariat des institutions démocratiques. Cela comprenait un volume de référence couvrant une panoplie de renseignements fondamentaux sur les divers acteurs, leurs rôles et leurs responsabilités dans la grande famille de la sécurité électorale. Les deux secrétariats fournissaient également les scénarios utilisés dans le cadre des exercices de simulation; ces scénarios étaient à la base même des préparatifs du groupe d’experts (bien qu’ils aient aussi été utilisés dans d’autres forums, comme les séances d’information sur la sécurité pour les représentants des partis politiques).

Ce sont ces secrétariats qui préparaient les ordres du jour, les documents et les comptes rendus des réunions du groupe d’experts. Ils coordonnaient et organisaient en outre les réunions entre le groupe d’experts et d’autres intervenants (Élections Canada, organismes de sécurité).

Les secrétariats répondaient également aux demandes de documents d’information supplémentaires que leur adressait le groupe d’experts. De la même manière, ils donnaient suite aux demandes individuelles de renseignements que leur adressaient des membres du groupe d’experts pour augmenter leurs connaissances sur des questions précises.

De façon plus générale, les secrétariats assuraient la coordination du travail d’autres organismes menant des activités dans le domaine de la sécurité électorale, comme le groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections (et les organismes individuels qui ont collaboré avec le groupe d’experts).

En outre, le Secrétariat de la sécurité et du renseignement a joué un rôle clé dans la structure inter-organismes existante des comités de fonctionnaires sur la sécurité nationale (à l’échelle des sous-ministres, des sous-ministres adjoints et des directeurs généraux).

Fonctionnement du groupe d’experts

Le groupe d’experts s’est réuni pour la première fois à la fin mai 2019. Par la suite, il a tenu des réunions tout au long de l’été et de la période électorale. Il était entendu que pendant la période électorale, le groupe d’experts serait être de garde en permanence, prêt à intervenir selon les circonstances.

Le groupe d’experts a concentré ses efforts dans les domaines suivants :

Ces objectifs ont été atteints au moyen de divers mécanismes.

La première réunion du groupe d’experts portait essentiellement sur son mandat. Le Protocole a été examiné et analysé dans ses moindres détails; certains éclaircissements ont été apportés, et les membres en sont arrivés à une compréhension commune claire.

Il a été explicitement établi que le groupe d’experts avait un rôle bien défini et limité. Il n’allait pas jouer un rôle d’arbitre électoral. Il ne devait intervenir publiquement que pendant la période électorale et que dans des circonstances exceptionnelles où les critères rendant cette intervention nécessaire seraient remplis. Il devait agir uniquement sur la base d’un consensus entre les membres du groupe d’experts. Les implications et les conséquences possibles d’une telle intervention étaient claires.

Dès la première réunion et jusqu’à la période électorale, la question du seuil d’ingérence exigeant l’intervention du groupe d’experts a fait l’objet de discussions et de débats continus. Lors d’exercices de simulation et de séances de réflexion, le groupe d’experts s’est penché sur une multitude de scénarios d’ingérence possibles, sur leur provenance et leurs implications potentielles – à l’échelle locale, régionale et au-delà. Certains de ces exercices se sont déroulés avec la participation d’autres acteurs, notamment des organismes de sécurité, Élections Canada et le commissaire aux élections fédérales.

Les discussions au sein du groupe d’experts ou avec un groupe de participants élargi ont suscité une diversité d’opinions et d'observations qui ont aidé à éclairer les points de vue sur les critères à remplir et les circonstances qui pourraient inciter le groupe d’experts à intervenir.

Les rôles du groupe d’experts et des partenaires clés – les organismes de sécurité, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, Élections Canada et le commissaire aux élections fédérales – ont été décrits dans le document de référence de base. Les discussions entre l’ensemble des intervenants pendant les réunions tenues avant la période électorale ont permis d’apporter des éclaircissements sur ces rôles, lorsque nécessaire. Les responsabilités et les façons de fonctionner de chacun, en vertu de leurs pouvoirs respectifs, ont été clairement comprises par tous les acteurs.

Les renseignements sur les menaces fournis au groupe d’experts ont commencé avec les évaluations des principales menaces, préparées et publiées par le Centre de la sécurité des télécommunications (ces évaluations ont été incorporées aux documents de référence de base du groupe d’experts). Ceux-ci ont par la suite été complétés par des séances d’information offertes au groupe d’experts par des organismes de sécurité lors de réunions tenues en période préélectorale. Les séances d’information portaient sur l’éventail des activités et des sources potentielles d’ingérence, cybernétiques ou traditionnelles. Le groupe d’experts a également passé en revue les questions liées à la désinformation et à la diffusion de fausses nouvelles. Au besoin, des séances d’information individuelles ont été organisées pour les membres du groupe d’experts qui en faisaient la demande.

De plus, les membres du groupe d’experts recevaient quotidiennement des rapports consolidés contenant des renseignements provenant de sources multiples (y compris des analyses des médias sociaux), que leur transmettait le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections. Ces efforts se sont poursuivis jusqu’à l’élection et ont permis de s’assurer que le groupe d’experts était pleinement informé de l’évolution de la situation.

Les séances d’information sur les menaces ont également permis aux membres du Comité de se faire une idée plus claire des activités d’ingérence de base ou continues menées par des acteurs étrangers. Le groupe d’experts a tenu compte de ces renseignements dans son analyse du seuil d’intervention.

Le groupe d’experts a été actif pendant près de cinq mois, depuis sa première réunion préparatoire à la fin mai jusqu’à l’élection d’octobre. Au cours de cette période, ses membres ont établi un rapport et une base commune de compréhension du rôle du groupe d’experts et de divers défis qu’ils ont tous dû relever pour s’acquitter de leurs responsabilités. Leurs nombreuses discussions et leurs nombreux débats ont certes permis de dégager différents points de vue et facteurs à prendre en considération, mais ils ont aussi favorisé une certaine cohésion et fourni une base permettant de parvenir à un consensus sur les questions dont le groupe d’experts était saisi.

Communications et réactions

Le Protocole et la composition institutionnelle du groupe d’experts avaient été rendus publics presque neuf mois avant l’élection.

À deux occasions, de hauts fonctionnaires ont offert des séances d’information détaillées et franches aux médias nationaux sur le Protocole et sur le groupe d’experts – la première lors de l’annonce ministérielle à cet égard, la deuxième en juillet 2019, lors de la publication de la Directive du Cabinet. La deuxième séance d’information portait exclusivement sur le Protocole et sur le groupe d’experts; elle présentait une bonne évaluation des défis et des activités du groupe d’experts à ce jour. Dans les deux cas, on a répondu aux questions des médias de la façon la plus complète possible.

Par la suite, en juillet, le Secrétariat des communications du Bureau du Conseil privé ainsi que d’autres organismes gouvernementaux ont régulièrement répondu aux demandes de renseignements des médias sur le travail du groupe d’experts.

Dans l’ensemble, la réaction du public et des médias à l’adoption du Protocole et à la création du groupe d’experts a été neutre ou positive (les rapports médias étant pour la plupart factuels). Les partis politiques avaient été consultés à l’avance au sujet du Protocole et étaient d’accord avec cette approche. Les représentants des partis interrogés dans le cadre de la présente évaluation ont également exprimé leur accord avec cette idée. L’un d’eux a recommandé que le groupe d’experts soit constitué à nouveau le plus tôt possible afin d’être prêt pour les prochaines élections.

Cela dit, certaines critiques ont été formulées à l’égard du Protocole et du groupe d’experts.

L’une d’elles était qu’il ne devrait y avoir ni Protocole ni groupe d’experts, au motif que toute intervention de ce dernier pendant la campagne électorale ferait plus de mal que de bien. Autrement dit, la confusion que pourrait provoquer une intervention du groupe d’experts serait pire que le tort provoqué par l’ingérence signalée.

Une autre critique faisait valoir que la composition du groupe d’experts était inadéquate, soit parce qu’il ne comprenait pas de personnalités publiques et que de ce fait, il manquerait de crédibilité, soit parce qu’une élection est un phénomène fondamentalement politique, qui dépasse le rayon d’action des fonctionnaires. Ces arguments avaient deux variantes. La première avançait que la création d’un groupe composé de fonctionnaires n’avait pas sa raison d’être : le groupe d’experts devrait plutôt être composé d’éminents Canadiens, d’anciens juristes ou d’anciens dirigeants politiques. La deuxième avançait que le groupe d’experts qui avait été constitué aurait dû compter parmi ses membres un représentant d’Élections Canada, administrateur de l’élection.

Une troisième observation, formulée par un représentant d’un parti politique interviewé dans le cadre de la présente évaluation, soutenait que le groupe d’experts (ou une entité gouvernementale) devait jouer un rôle permanent dans la lutte contre la désinformation. Cela reposait sur l’idée que les « vérificateurs de faits » traditionnels ne pouvaient plus suffire à cet égard.

Conclusions

Le groupe d’experts n’est pas intervenu dans l’élection de 2019, mais il était prêt à le faire si la situation le justifiait. Le fait d’intervenir ou pas n’était pas, en soi, un test de l’utilité du protocole ou du groupe d’experts; en effet, la non-intervention était le résultat de décisions concrètes, tout autant que l’aurait été une intervention. Il n’y a eu aucune incidence sur l’élection à la suite de mesures prises par le groupe d’experts. Le fait qu’il n’ait pas eu à intervenir est une bonne nouvelle.

Le Protocole était une expérience mise en place dans des délais serrés. Bon nombre des caractéristiques du protocole sont inédites et ont été élaborées à partir de rien.

La plupart, en particulier la question du seuil d’intervention, exigeaient du jugement, des connaissances et une compréhension du contexte. Les types de problèmes avec lesquels ils auraient pu être aux prises ne se prêtent pas facilement à des indicateurs clairs susceptibles de fournir un cadre directeur.

Le groupe d’experts mandaté pour appliquer le Protocole réunissait un vaste éventail d’expériences dans la fonction publique. La connaissance des questions de sécurité et de renseignement était inégale parmi les membres, mais elle était complétée au besoin.

Le groupe d’experts recevait un bon appui de la part de ses principaux partenaires (Élections Canada et les organismes de sécurité) et entretenait avec eux une relation éclairée et des rapports de collégialité. Les renseignements et l’information qu’il a reçus étaient opportuns, variés et réfléchis.

Dans l’ensemble, la mise en œuvre du Protocole a été couronnée de succès.

Recommandations

Les prochaines élections canadiennes auront lieu d’ici le 16 octobre 2023. L’actuel gouvernement est en situation minoritaire, le sixième depuis cinquante ans. La durée des cinq gouvernements minoritaires précédents a varié entre 209 jours et un peu plus de deux ans et demi.

Si le gouvernement souhaite avoir la capacité d’avertir les Canadiens d’un incident majeur d’ingérence lors des prochaines élections, l’option la moins risquée consiste à appliquer le Protocole et à recourir au groupe d’experts créé à cette fin.

Sous cette hypothèse, la composition institutionnelle du groupe d’experts demeurerait inchangée. Les dispositions du Protocole relatives aux critères à remplir et au consensus seraient également les mêmes. L’établissement d’un seuil élevé permettrait d’éviter les interventions fréquentes du groupe d’experts dans tout processus électoral (ce qui n’avait pas été envisagé au moment de sa création). L’exigence du consensus concernant toute intervention potentielle du groupe d’experts ajoute un élément de confiance et de crédibilité à l’égard des décisions prises.

Il y aurait lieu d’envisager une modification au Protocole en place, soit élargir le calendrier opérationnel du groupe d’experts afin d’y inclure les périodes électorale et préélectorale, et ce, pour deux raisons.

D’abord, il est peu probable qu’une ingérence étrangère potentielle se produise exclusivement durant la période électorale. Les récentes cyberattaques visant le Parlement australien et trois de ses principaux partis politiques le démontrent clairement. Elles ont été menées avant le début de la campagne électorale de 2019.

Deuxièmement, cela mettrait entre les mains d’une entité non partisane la révélation de toute tentative d’ingérence, réduisant ainsi le risque que le gouvernement soit accusé d’utiliser la sécurité nationale à des fins partisanes.

Il serait impossible d’apporter ce changement si des élections anticipées étaient déclenchées avant le 16 octobre 2023, à la suite d’un vote de censure à la Chambre des communes à l’endroit du gouvernement.

La justification du maintien du Protocole, modifié ou non, repose sur une simple analyse des coûts et des avantages et sur des principes de gestion raisonnable des risques.

Le modèle a déjà été accepté par les partis de l’opposition. Il n’a jamais été discrédité, publiquement ou autrement.

Trois membres du groupe d’experts sont toujours en poste et possèdent une expérience inégalée, acquise en participant aux travaux de l’an dernier.

Les deux nouveaux membres seraient le nouveau sous-ministre de la Sécurité publique et le nouveau conseiller à la sécurité nationale et au renseignement. Il y aurait lieu de commencer à les préparer à jouer un rôle au sein du groupe d’experts.

Le critère initial voulant que le groupe d’experts se compose de personnes ayant une diversité d’expériences et de points de vue tiendrait toujours. Ce groupe serait également prêt à réagir plus rapidement que tout autre groupe, puisque trois de ses membres ont déjà de l’expérience en cette matière.

Si le Protocole et le groupe d’experts sont maintenus conformément à la recommandation, cette décision devrait s’accompagner d’une stratégie médiatique appropriée.

Le groupe d’experts devrait bénéficier du même soutien que l’année dernière (celui du BCP, des agences de sécurité et du groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections).

Sa relation de collaboration avec Élections Canada serait également réactivée.

Le groupe principal de soutien pourrait commencer à former les deux nouveaux membres du groupe d’experts et, par la suite, organiser des séances de préparation à l’intention de tous ses membres.

Le groupe de soutien devrait mettre l’accent sur la surveillance et l’évaluation de tous les cas d’ingérence étrangère dans les processus électoraux qui se dérouleront dans d’autres démocraties au cours des deux prochaines années. D’ici deux ans, des élections auront lieu dans des pays qui ont déjà été la cible d’actes d’ingérence étrangère aux dernières élections. Cette année, Singapour, la Géorgie, la Lituanie et les États‑Unis tiendront des élections; l’an prochain, ce sera au tour des Pays‑Bas et de l’Allemagne et, en 2022, de la France.

En cas d’ingérence étrangère durant ces élections, il sera important de prêter une attention particulière aux nouvelles technologies et aux méthodes opérationnelles des contrevenants. Il sera tout aussi important de prendre bonne note des nouvelles mesures de protection (légales, réglementaires et opérationnelles) adoptée par les États cibles potentiels. Certaines pourraient être mises en place ici.

Le groupe de soutien peut également examiner et signaler toute recherche menée ici ou ailleurs par des universitaires ou des groupes de réflexion susceptible de fournir des renseignements utiles sur les cas d’ingérence électorale.

Il est également recommandé de se pencher dès maintenant sur une question connexe.

Il y aurait lieu de réactiver la relation avec les partis politiques représentés à la Chambre des communes qui avait été établie pour l’élection de l’année dernière. Dans certains pays, ce sont souvent les partis politiques qui ont été la cible d’incidents d’ingérence étrangère (aux États‑Unis, le Comité national démocratique en 2015, en France, le parti du Président en 2017, et l’an dernier, en Australie, trois partis politiques ont tous été victimes de cyberattaques).

Les représentants des partis bénéficieraient des conseils stratégiques en matière de cybersécurité et d’un accès à des renseignements classifiés concernant les menaces d’ingérence chez nous (ou, le cas échéant, à l’étranger). Il serait raisonnable d’activer ces deux formes de collaboration dès maintenant, étant donné que la vulnérabilité aux actes d’ingérence ne se limite pas seulement à la période électorale. Des attaques peuvent se produire à tout moment d'ici les prochaines élections.

À tort ou à raison, c’est, de toutes les mesures prises pour protéger l’élection de 2019, l’entente conclue avec les plateformes de médias sociaux (la Déclaration du Canada sur l’intégrité électorale en ligne) qui a fait l’objet du plus de critiques. Plusieurs mesures doivent être envisagées à cet égard en prévision des prochaines élections.

La première consiste à évaluer dans quelle mesure les plateformes ont respecté les engagements pris en vertu de l’entente de 2019.

La deuxième consiste à déterminer s’il y a lieu de conclure une nouvelle entente ayant une portée plus vaste que celle de 2019. En ce qui concerne la première initiative, il y aurait lieu d’inclure à cette fin d’autres plateformes nord-américaines et d’évaluer certaines plateformes en langues étrangères.

Au terme de ces évaluations, il serait bon d’entamer des discussions avec les plateformes concernées afin de leur faire part des attentes du gouvernement à l’égard de leurs activités à l’approche des prochaines élections.

Il a récemment été annoncé que le Canada dirigerait un groupe de travail chargé d’assurer la protection des processus électoraux. Cette annonce fait suite à l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, lancé récemment par des acteurs multiples, dont des entreprises du secteur privé et des États. L’Appel s’articule autour de neuf principes, le troisième visant la protection de l’intégrité des processus électoraux démocratiques. Les travaux menés ici pourraient donner une bonne idée de la portée et des objectifs de toute nouvelle entente entre le Canada et les plateformes de médias sociaux.

Annexe 1 - James Judd

James Judd s’est joint au ministère des Affaires étrangères en 1973, à titre d’agent du service extérieur. Après plusieurs affectations à l’administration centrale, il a été nommé deuxième secrétaire à l’ambassade canadienne à Caracas, au Venezuela.

À son retour à Ottawa, il a travaillé au Bureau du personnel à l’administration centrale. En 1981‑1982, il a occupé le poste de secrétaire de l’enquête sur les pratiques commerciales restrictives qui examinait la compétitivité du secteur canadien du pétrole. Il est ensuite revenu au ministère des Affaires extérieures à titre de conseiller principal auprès du sous-ministre adjoint (réorganisation). En 1983, il a été nommé à l’ambassade canadienne à Washington à titre de conseiller (relations avec le Congrès).

En 1987, M. Judd est revenu à Ottawa à titre d’adjoint ministériel principal auprès du secrétaire d’État aux Affaires extérieures, le très honorable Joe Clark. En 1991‑1992, il était chef de cabinet de M. Clark, alors président du Conseil privé et ministre responsable des Affaires constitutionnelles.

En 1992 et 1993, il a travaillé au Conseil privé à titre de secrétaire adjoint du Cabinet pour les politiques étrangères et la défense. Il est ensuite revenu au ministère des Affaires étrangères dans le cadre d’une affectation spéciale au cabinet du sous-ministre. En 1994, il a été nommé sous-ministre adjoint aux Services ministériels.

Il a quitté le service extérieur en 1996 et a été désigné représentant du Canada pour le G7 et sous-ministre adjoint pour le commerce international et les affaires économiques au ministère des Finances. En 1998, il a été nommé sous-ministre au ministère de la Défense et, en 2002, secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général du Canada. En 2004, il a été nommé directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, avant de prendre sa retraite en 2009.

Annexe 2 - Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur

1.0 Introduction

L’une des responsabilités fondamentales du gouvernement fédéral consiste à protéger et à préserver les institutions et les pratiques démocratiques du Canada.

Les évaluations des menaces relatives à la sécurité nationale et du risque, ainsi que les expériences vécues par nos principaux alliés internationaux, indiquent que les élections générales devant se tenir en 2019 au Canada pourraient être vulnérables à l’ingérence étrangère dans un certain nombre de domaines. Pour cette raison, d’importants travaux ont été entrepris au sein du gouvernement fédéral en vue de protéger et de défendre les systèmes et les processus électoraux. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a établi le Protocole public en cas d’incident électoral majeur afin d’informer la population canadienne de façon cohérente et uniforme, durant la période électorale, des incidents pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays.

2.0 Objectif

La Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur énonce les attentes des ministres en ce qui touche les directives générales et les principes à suivre pour informer le public, durant la période électorale, de tout incident pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays.

Le Protocole est conforme à la convention de transition, qui suit le principe selon lequel le gouvernement doit faire preuve de retenue et restreindre la prise de décisions en matière de politiques, de dépenses et de nominations pendant la période électorale, sauf si cela est impératif sur le plan de l’intérêt national ou en cas de situation d’urgence.

Pendant la période d’application de la convention de transition, toute annonce jugée nécessaire doit être faite au nom d’un ministère, afin de faire la distinction entre les activités officielles du gouvernement et les activités partisanes.

3.0 Champ d’application

Le Protocole public en cas d’incident électoral majeur aura un champ d’application limité. Il sera uniquement appliqué pour faire face aux incidents qui surviendront durant la période électorale et qui ne relèvent pas des domaines de responsabilité d’Élections Canada (en ce qui concerne l’administration de l’élection, tels qu’énoncé dans la Loi électorale du Canada). Tout incident se produisant avant la période électorale sera géré dans le cadre des activités courantes du gouvernement du Canada.

4.0 Groupe d’experts

Le Protocole sera administré par un groupe de hauts fonctionnaires qui, en collaboration avec les agences de sécurité nationale relevant du mandat actuel de leurs organisations respectives, seront chargés de déterminer si les critères rendant nécessaire que les Canadiens soient informés sont remplis, que ce soit dans le cas d’un incident isolé ou de l’accumulation d’incidents distincts.

Ce groupe d’experts réunira :

5.0 Processus

Le Protocole établit la procédure à suivre pour informer les Canadiens de tout incident pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays, si cela était nécessaire.

Durant la période électorale, le protocole à suivre pour toute annonce publique est le suivant :

  1. Les agences de sécurité nationale donneront des séances d’information régulières au groupe d’experts sur les développements touchant la sécurité nationale et les menaces possibles pesant sur l’intégrité de l’élection.
  2. Les dirigeants des agences de sécurité nationale (Centre de la sécurité des télécommunications, Service canadien du renseignement de sécurité, Gendarmerie royale du Canada ou Affaires mondiales Canada), s’ils sont informés d’une ingérence dans l’élection générale de 2019, examineront en consultation concertée, tous les moyens possibles pour remédier efficacement à la situation. À moins de motifs impérieux liés à la sécurité nationale et à l’intérêt public, les agences informeront directement la partie touchée de l’incident (p. ex. un candidat, un parti politique ou Élections Canada).
  3. Le groupe d’experts évaluera les incidents en vue de déterminer si les critères rendant nécessaire que les Canadiens soient informés sont remplis (tels qu’ils sont énoncés à l’article 6 ci-dessous). Le groupe d’experts prendra ses décisions par consensus, en tirant parti de l’expertise de l’ensemble du gouvernement, y compris des agences de sécurité nationale dans l’exercice de leur mandat.
  4. Si une annonce publique est jugée nécessaire, le groupe d’experts en informera le premier ministre, les chefs des autres grands partis (ou les représentants principaux désignés des partis ayant reçu leur autorisation de sécurité, parrainés par le BCP), ainsi qu’Élections Canada. Tous ces dirigeants recevront la même séance d’information à ce sujet.
  5. Immédiatement après avoir informé le premier ministre, les autres partis politiques et Élections Canada, le greffier du Conseil Privé, au nom du groupe d’experts, demandera aux dirigeants responsables de tenir une conférence de presse pour informer les Canadiens de l’incident.

6.0 Critères à remplir pour informer le public

Une annonce publique durant la période électorale ne sera faite que si le groupe d’experts détermine qu’il s’est produit un incident ou une accumulation d’incidents qui menace la tenue d’élections libres et justes au pays.

Une grande rigueur sera requise pour établir si les critères sont remplis. Différents facteurs pourraient être examinés en vue de prendre une décision à ce sujet, par exemple :

Le groupe d’experts, de par sa composition particulière, disposera d’une vue d’ensemble englobant la sécurité nationale, les affaires étrangères, la gouvernance démocratique et les considérations juridiques, y compris une conception claire des droits démocratiques consacrés par la Charte canadienne des droits et libertés.

Même si des acteurs nationaux ou étrangers peuvent être à l’origine d’une activité ou d’une interférence perturbatrice, l’accent devrait être mis au départ sur l’ingérence étrangère. Cela dit, il pourrait être difficile, voire impossible, d’attribuer la responsabilité de tentatives d’interférence étrangère dans les délais permis par les événements, étant donné les malversations et la désinformation susceptibles d’être impliquées dans les tentatives d’exercer une influence néfaste sur les élections. De plus, il est possible que des acteurs étrangers travaillent en collaboration avec des acteurs nationaux ou par l’entremise de ces derniers. En fin de compte, c’est l’incidence sur la tenue d’élections libres et justes au Canada qui permettra de déterminer si les critères sont remplis et qu’une annonce publique est requise. Il est entendu que les intérêts de la population canadienne – et la démocratie – sont le mieux servis par les campagnes électorales qui offrent un large éventail de débats et de positions différentes. Le Protocole n’a pas pour but de limiter le débat démocratique et ne sera pas utilisé à cette fin.

7.0 Annonce

L’annonce serait centrée sur les éléments suivants :

  1. la notification de l’incident;
  2. les renseignements connus à propos de l’incident (selon ce qui est jugé approprié);
  3. les mesures que les Canadiens devraient prendre pour se protéger (s’assurer qu’ils sont bien informés, avoir de bonnes pratiques informatiques, etc.), le cas échéant.

8.0 Pouvoirs actuels

Aucun élément de la présente Directive ne modifie ou n’élargit de quelque façon que ce soit le mandat de chacune des agences de sécurité nationale ou de tout autre ministère ou organisme. Plus précisément, aucune disposition du Protocole n’a préséance sur l’indépendance de la Gendarmerie royale du Canada.

9.0 Évaluation

Après l’élection de 2019, un rapport indépendant sera préparé pour évaluer la mise en œuvre du Protocole public en cas d’incident électoral majeur et la mesure dans laquelle il a permis de gérer efficacement les menaces pesant sur l’élection de 2019. Ce rapport sera présenté au premier ministre et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Une version publique sera aussi préparée. Le rapport sera établi dans le but de déterminer si le Protocole doit avoir un statut permanent dans le but de protéger l’intégrité des futures élections ou s’il doit être modifié afin d’être renforcé.

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