Un navire capturé, un navire nommé : Les réalisations de Frédérick Rolette

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Capture du Cuyahoga, 1992, Peter Rindlisbacher. Représentation du lieutenant Frédérick Rolette, à droite, debout dans sa barque, qui brandit son pistolet. Il s’agit de l’unique représentation de lui connue à ce jour. Collection privée.
Le 3 juillet 1812, alors que la guerre de 1812 avait été déclarée quelques mois plus tôt, une goélette américaine, le Cuyahoga Packet, remontait la rivière de Detroit sans se douter du péril qui l’attendait.
Frédérick Rolette, récemment nommé lieutenant de la Marine provinciale du Haut-Canada, mena une capture audacieuse de la goélette avant même que l’équipage à bord ne soit informé de la guerre.
L’attaque, exécutée depuis une chaloupe avec un petit équipage de cinq ou six hommes, força la reddition d’une quarantaine de soldats et d’officiers à la pointe des armes. Rolette découvrit à bord des documents de guerre capitaux qui ont fourni aux Britanniques des renseignements importants sur les forces américaines et leur déploiement.
Trois survivants de cet assaut racontèrent plus tard au fils de Rolette leur admiration pour la conduite de son père et ils s’accordèrent à dire qu’ils ne comprenaient pas comment ils avaient été fascinés par lui. « Son regard nous paraissait si farouche, dirent-ils, que nous le regardions en tremblant comme des soldats craintifs qui reçoivent des ordres sévères de leur capitaine. »
Tout au long de la guerre, Rolette continua d’être un soldat influent, il participa à plusieurs batailles, il subit de nombreuses blessures et il revint constamment au combat avec une résolution inébranlable. Grâce aux documents originaux que le Musée naval de Québec a récemment acquis auprès des descendants de Rolette, nous pouvons maintenant partager le récit de son courage et de sa bravoure, qui ont laissé une marque durable sur l’histoire maritime du Canada.
À cette époque, il était rare de décorer les soldats pour leur bravoure. Pourtant, le zèle de Rolette est souvent mentionné dans les lettres adressées au commandant.
Le 22 janvier 1813, Rolette participait à la bataille de Frenchtown, près de la rivière Raisin, en tant qu’officier d’artillerie sous les ordres du major général Henry Procter, lorsqu’il fut sévèrement blessé derrière la tête par un tir fratricide. Malgré la gravité de sa blessure, Rolette survécu. Encore une fois, il se distingua par ses actions et ses supérieurs le félicitèrent à nouveau pour sa conduite exceptionnelle sur le champ de bataille.
La blessure l’empêcha de reprendre du service avant la fin de l’année. Toutefois, aussitôt remis sur pied, il participa à la bataille du lac Érié, le 10 septembre 1813, où, encore une fois, son zèle et son sang-froid firent bonne impression.
Lors de la bataille du lac Érié, il était Premier Lieutenant (commandant adjoint) de la goélette britannique Lady Prevost. Aussi connue sous le nom de Put-In-Bay, cette bataille opposait la flottille britannique de six vaisseaux, commandés par le commodore Robert Barclay, aux neuf vaisseaux des forces américaines commandées par le commodore Olivier Hazard Perry.
Barclay n’ayant pas reçu les canons dont il avait besoin, les navires britanniques étaient alors équipés d’un ensemble hétérogène de canons mal adaptés au combat naval. Le combat s’est engagé et a tourné rapidement au carnage. Dès le début de la bataille, le capitaine Buchan du Lady Prevost fut gravement blessé et son commandement échoua entre les mains du lieutenant Frédérick Rolette, qui a continué la lutte jusqu’à ce qu’il subisse des blessures importantes et qu’il soit sévèrement brûlé par une explosion de poudre qui tua et blessa plusieurs de ses hommes.
Rolette poursuivit son combat jusqu’à ce que son navire, endommagé et en perdition, soit rendu à contrecœur aux Américains. Ainsi capturé, il demeura un certain temps prisonnier des Américains, avant de pouvoir rentrer à Québec.
Sa bravoure ne passa pas inaperçue. Après la guerre, ses amis et les citoyens de Québec lui offrirent un sabre honorifique en guise de reconnaissance pour ses actes de bravoure pendant la guerre de 1812. Ce sabre est aujourd’hui précieusement conservé et exposé au Musée naval de Québec, témoignant ainsi la pérennité de son héritage.
Frédérick Rolette est né le 25 septembre 1785 dans la ville de Québec. Il résidait près du Vieux-Port où des navires de la Royal Navy venaient régulièrement à quai. Rolette fut sans doute charmé par leur présence puisqu’il s’engagea à bord d’un navire anglais à un jeune âge. Les archives de la ville mentionnent qu’il s’est engagé au plus tard à 13 ans. On en sait très peu sur ses débuts en mer.
La vie de Frédérick Rolette n’a pas été exempte de sacrifices. Il est décédé le 17 mars 1831 des suites de ses blessures de guerre dont il ne s’est jamais complètement remis. Pourtant, il reste dans les mémoires, immortalisé par le nom du navire canadien de Sa Majesté Frédérick Rolette, un hommage de la Marine royale du Canada.
Frédérick Rolette n’était pas seulement un héros de guerre, mais un homme d’une intégrité et d’une force d’âme inébranlable. Son cheminement, des quais animés de Québec aux champs de bataille tumultueux de la guerre de 1812, témoigne de l’esprit de ceux qui ont façonné le riche patrimoine maritime du Canada.
Transcription du lettre de George B. Hall
Navire de Sa Majesté (NSM) Queen Charlotte
Amherstburg, 24 décembre 1812
Je certifie par la présente que le lieutenant Rolette de la Marine provinciale de Sa Majesté, sur les lacs et aux frontières du Canada, était commandant du NSM General Hunter par désignation de Son Excellence Sir George Prevost et qu’il commandait les forces de Sa Majesté en Amérique du Nord, le matin du 3 juillet 1812 lorsqu’une partie de son équipage [a quitté le quai et] a capturé le Cuyahoga Packet une [goélette] américaine avec une partie des bagages de l’armée du général Hull à son bord, et que c’est son zèle pour le service qui l’a incité à [quitter] le NSM General Hunter pour effectuer le service susmentionné avant de recevoir une quelconque [désignation] d’une autre force navale dans ce port – et c’est décidément mon opinion qu’il a droit à tous les émoluments qui peuvent découler de ladite capture, en tant que commandant dudit brick Hunter. […]
George B. Hall, maître et commandant.
Lieutenant de la Marine provinciale aux lacs Érié et Huron
Transcription du lettre de Felix Throughton
Sandwich, 28 janvier 1813
Monsieur,
Le général Procter a remarqué votre excellente conduite lors de la bataille de Frenchtown le 22 [janvier dernier] et il m’a demandé de vous adresser ses plus sincères remerciements et de vous assurer qu’il ne manquera pas de vous récompenser, dans la mesure de ses moyens, pour vos mérites.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur,
Votre plus [humble et obéissant] serviteur
Felix Troughton [Provincial Art.]