Jour J : L’ARC et le Coastal Command
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Article de nouvelles / Le 29 mai 2019
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Par le major (retraité) William March
Le 6 juin 2019 marquera le 75e anniversaire du jour J, l’invasion de la Normandie par les Alliés.
L’opération, qui s’est révélée un succès, a constitué un tournant dans la Seconde Guerre mondiale.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’Aviation royale canadienne (ARC) a dépêché six escadrons qui allaient servir aux côtés du Coastal Command (Commandement de l’aviation côtière) de la Royal Air Force (RAF). Parmi ceux-ci, cinq ont pris directement part aux opérations du jour J, bien que, le jour même de l’invasion, la majeure partie des escadrons n’aient rencontré que peu d’ennemis.
Le 8 mai 1941 est né le 407e Escadron « Demon », le quatrième escadron de l’ARC formé à l’étranger et le deuxième à se joindre au Coastal Command. Plus tard le jour J, l’escadron a lancé deux de ses avions Wellington basés à Chivenor, dans le comté de Devon. Toutefois, un seul de ces appareils est rentré au bercail. L’autre avion, piloté par le commandant d’aviation Desmond William Farrel, âgé de 29 ans et originaire de Senneville, au Québec, n’est jamais revenu. Farrell et les cinq autres membres de son équipage n’ont aucune sépulture connue, mais leur nom figure sur le monument de guerre de Runnymede en Angleterre.
Les aéronefs du 413e Escadron, formé le 1er juillet 1941 et le troisième escadron affecté au Coastal Command, étaient initialement des Catalina. En mars 1942, cependant, l’escadron a été affecté au Ceylan (maintenant le Sri Lanka), de sorte qu’il n’a pas pris part à l’invasion de la Normandie.
Les avions Wellington du 415e Escadron « Swordfish », basés à un aérodrome situé à Bircham Newton, dans le comté de Norfolk, n’a pas chômé le jour J. Formé le 20 août 1941 en tant que treizième unité de l’ARC à l’étranger et quatrième unité canadienne affectée au Coastal Command, il avait la mission d’attaquer les navires ennemis, dont il s’est acquitté avec grand enthousiasme.
Pour perturber l’invasion, la marine allemande disposait de cent petits torpilleurs motorisés rapides, de cinq destroyers et de nombreuses petites embarcations à proximité. Pour cette raison, il était impératif de les tenir éloignés de la zone de débarquement. On a donc envoyé les avions alliés mener des patrouilles antinavires. Toutefois, les appareils de l’escadron « Swordfish » n’ont vu aucun ennemi et ont donc pu rentrer sans subir de pertes.
Les cinquième et sixième escadrons de l’ARC affectés au Coastal Command, les 422e et 423e, ont vu le jour le 2 avril 1942 et le 18 mai 1942 respectivement. Les deux unités étaient munies d’hydravions à coque Short Sunderland Mark III et, en juin 1944, elles étaient basées à Castle Archdale, en Irlande du Nord. Une patrouille normale en temps de guerre durait de dix à quatorze heures au-dessus de la mer, pendant lesquelles on se servait du radar et de l’œil nu pour dépister les proies insaisissables.
Le jour J, les 422e et 423e Escadrons avaient déjà pris part au combat; le 422e Escadron avait coulé un sous-marin allemand en mars 1944, alors que le 423e Escadron en avait prétendument détruit trois, en plus d’avoir partagé une autre victoire avec des navires de la Marine royale canadienne et de la Royal Navy.
Le 6 juin, chacun des escadrons a lancé un seul avion afin de mener une patrouille anti-sous-marine, mais le Sunderland du 422e Escadron est rentré plus tôt à cause d’intempéries, alors que le 423e Escadron n'a eu rien à signaler.
Le premier escadron de l’ARC affecté au Coastal Command est cependant celui qui a travaillé le plus fort de tous les escadrons côtiers de l’ARC le jour J. Lorsque le 404e Escadron « Buffalo », formé le 15 avril 1941 en tant que deuxième escadron à l’étranger de l’ARC, a été placé en attente le 6 juin 1944, il disposait de bombardiers lance-torpilles Beaufighter dotés de roquettes.
La situation a changé rapidement, toutefois. Un rapport faisait état de trois destroyers allemands de classe « Narvik », qui naviguaient en direction de la Manche. On a informé les équipages en milieu d’après-midi et 14 avions se sont envolés à 18 h 20. Ils ont volé en formation avec 17 Beaufighter du 144e Escadron de la RAF, assurant ainsi une protection contre les tirs antiaériens, et huit Mosquitos du 248e Escadron de la RAF pour escorter les chasseurs. Le jour J, cette unité a constitué l’escadron canadien du Coastal Command le plus occupé.
Même si le 404e Escadron a aperçu de nombreuses cibles le jour J, l’équipage n’en a attaqué aucune, puisque les escadrons ont reçu l’instruction de se concentrer sur les destroyers. Enfin, trois destroyers ont fait leur apparition près de Belle-Isle. Dérouté par l’arrivée soudaine des navires allemands, le commandant de l'attaque avait annulé initialement la frappe, mais le lieutenant d’aviation Sidney Shulemson, de Montréal, commandant du 404e Escadron, a reconnu la cible principale et a crié à la radio : « Voilà la cible! Attaquez! Attaquez! » Ayant obtenu cette confirmation, le commandant de l’attaque a alors ordonné à tous les avions de lancer l'assaut.
Les avions canadiens se sont lancés à la poursuite des deux derniers destroyers, laissant le navire principal aux autres escadrons. Quatre Beaufighter du 404e Escadron ont tiré leurs roquettes en direction du destroyer de queue et fait savoir que plusieurs de leurs roquettes avaient atteint le navire sous l’eau. Les neuf autres équipages canadiens ont tiré sur le destroyer central, qui s’est enflammé. Après avoir lancé leurs roquettes, tous les équipages se sont de nouveau dirigés vers les cibles afin de cribler le pont des navires de projectiles de mitrailleuse, s’approchant souvent à quelques centaines de mètres avant d’ouvrir le feu. Tous les navires allemands avaient subi des dommages au moment où l’avion menant l’attaque a décidé de rentrer au bercail.
Immédiatement après l’atterrissage, on a procédé au ravitaillement en carburant et en munitions de cinq des Beaufighter en vue de mener une seconde attaque. Ce deuxième groupe était composé de nouveaux arrivants dans l’unité, mais, comme on le mentionne dans le Journal de guerre de l’escadron, « ils se sont comportés comme de véritables pilotes de chasse aguerris. » Il a été beaucoup plus facile de repérer les destroyers allemands lors de cette deuxième attaque, puisque la fumée et les flammes qui s’échappaient des navires endommagés étaient visibles à de nombreux kilomètres. Tous les avions se sont approchés à moins de 350 mètres avant de lancer leurs roquettes, pour ensuite les attaquer une seconde fois à la mitrailleuse. Convaincus que ces navires n’allaient plus constituer une menace immédiate pour l’invasion alliée, les Beaufighter victorieux sont rentrés au bercail.
Incroyablement, un seul des avions attaquants a été abattu. L’équipage a survécu à un amerrissage dans la Manche et a ensuite été rescapé. Plusieurs des Beaufighter ont subi des dommages en raison du tir antiaérien des destroyers, mais les dommages subis par les avions du 404e Escadron n’étaient pas graves. Un Beaufighter du 404e Escadron a reçu un projectile, alors que la fenêtre du navigateur d’un autre appareil a éclaté en raison de tirs. Les éclats de verre ont provoqué des coupures au navigateur, le sergent de section P. McCartney. Étonnamment, c’était là le seul événement déplorable qu’avait subi l’escadron « Buffalo ». Le personnel navigant et celui au sol, qui avait ravitaillé les Beaufighter si rapidement, ont fait la fête.
En plus de ces escadrons de la série 400, le 162e Escadron a participé à des opérations du Coastal Command le jour J, décollant de Reykjavik, en Islande. L’escadron a vu le jour à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, le 19 mai 1942, et, doté d’aéronefs Canso, il faisait initialement partie de l’effectif de guerre territorial du Canada. En janvier 1944, on a « prêté » l’escadron au Coastal Command pour assurer une protection aérienne au-dessus des itinéraires du convoi au milieu de l’Atlantique. En juin et en juillet 1944, un aéronef du 162e Escadron a également participé à partir de Wick, en Écosse, augmentant ainsi les forces chargées de contrer la menace que posaient les sous-marins allemands pour les forces d’invasion. Pendant cette période, l’escadron a signalé avoir coulé quatre sous-marins et pris part à la destruction d’un cinquième. Le 24 juin 1944, le capitaine d’aviation David Hornell a dirigé son équipe lors de la destruction d’un sous-marin allemand, mais à fort prix, puisque l’avion a été abattu. Pour souligner son geste et la lutte que les membres d’équipage ont ensuite menée pour survivre, qui a fini par coûter la vie au capitaine d'aviation Hornell, on lui a décerné la Croix de Victoria à titre posthume.
Puisque l’escadron a cessé d’exister le 7 août 1945 et qu’on a décidé après la guerre de remettre sur pied uniquement les escadrons de la série 400, le 162e Escadron était admissible à l’honneur de guerre « Normandie », mais ne l’a jamais reçu.
Même si un seul des escadrons canadiens affectés au Coastal Command a combattu intensément le jour J, les autres unités servant en Europe en ont fait de même au cours des semaines qui ont suivi.
En tout, le Coastal Command a effectué 130 sorties le jour J et 90 autres le lendemain. À la fin de juin, le commandement avait effectué 4 724 sorties et attaqué 75 cibles, dont des navires et des sous-marins. Bien que plusieurs de ces vols aient été des patrouilles ordinaires, ils ont néanmoins permis, en majeure partie, de tenir la marine allemande loin de la Normandie. Au cours de cette période, le Coastal Command a perdu 60 avions aux mains de l’ennemi et pour d’autres raisons. Ces unités ont mérité sans l’ombre d’un doute leur honneur de guerre « Normandie ».