Opération Market Garden : le baptême de feu du 437e Escadron
Article de nouvelles / Le 30 août 2019
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Par le major (à la retraite) William March
L’année 2019 marque le 75e anniversaire de l’opération Market Garden, la campagne audacieuse mais infructueuse
visant à capturer des ponts enjambant plusieurs rivières aux Pays-Bas afin d’ouvrir un corridor par lequel les forces terrestres alliées pourraient passer pour éventuellement mettre fin à la guerre avant Noël 1944.
En mai 1942, dans le cadre de la mise à jour de l’Accord du Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique, le Canada et l’Angleterre acceptent, en vertu de l’article XV, que l’Aviation royale canadienne (ARC) forme 35 escadrons à l’étranger.
En mai 1944, il reste encore trois escadrons à mettre sur pied, mais le British Air Ministry presse le Canada d’affecter ces escadrons au 6e Groupe de l’ARC faisant partie du Bomber Command. Les officiers supérieurs d'aviation canadiens, conscients du nombre élevé de pertes dans les unités de bombardement, estiment toutefois que la participation actuelle du Canada, soit 15 escadrons de bombardiers lourds, suffit. Ils recommandent plutôt la formation d’un escadron de bombardiers légers et de deux escadrons de transport. Ottawa accepte la recommandation et deux escadrons de transport (les 435e et 436e Escadrons) voient le jour en Inde. Puisque les Britanniques ont suffisamment d’escadrons de bombardiers légers pour répondre à leurs besoins dans le théâtre européen, on convient de créer un troisième escadron de transport : le 437e Escadron.
Le 437e Escadron, établi le 14 septembre 1944, à la station de la Royal Air Force (RAF) Blakehill Farm, dans le Wiltshire, fait partie du 46e Groupe du Transport Command de la RAF. Le lieutenant-colonel d'aviation John Alexander « Jack » Sproule, un Canadien qui s’est enrôlé dans la RAF en 1937, en devient le premier commandant. Il se joint à l’escadron fort d'un solide bagage d’expérience : il a fait partie du Bomber Command, a servi comme instructeur de navigation du PEACB, est retourné en Europe piloter des Dakota et a commandé un escadron de transport de la RAF. Il aura besoin de toute son expérience durement acquise, puisque le 437e Escadron doit commencer ses opérations aériennes trois jours plus tard.
Heureusement, le lieutenant-colonel d'aviation Sproule reçoit une aide inattendue. En raison d’une réorganisation entraînant la réduction des effectifs des escadrons de transport de la RAF, treize équipages de l'ARC servant déjà dans le Transport Command sont disponibles et tous affectés au 437e Escadron. Les neuf premiers équipages arrivent à Blakehill Farm juste à temps pour participer à l’opération Market Garden, l’offensive aérienne et blindée des Alliés aux Pays-Bas occupés.
Le 17 septembre, le lieutenant-colonel d'aviation Sproule, ses neuf équipages canadiens et deux autres équipages détachés décollent en remorquant des planeurs Horsa transportant du personnel et de l’équipement de la 1re Division aéroportée britannique. La zone de largage se situe près d’Arnhem et les avions se heurtent à peu d’opposition, hormis de légers tirs antiaériens. Tous les Dakota du 437e Escadron rentrent saufs. Au cours des jours qui suivent, les équipages canadiens continuent de livrer des renforts et des provisions aux forces aéroportées constamment sous pression au sol. Pendant que la résistance allemande se resserre, les aéronefs de transport doivent affronter des tirs antiaériens de plus en plus nombreux à chacune des missions. Néanmoins, à l’exception de quelques trous supplémentaires dans leurs aéronefs, les Huskies rentrent au bercail indemnes.
La chance de l’escadron s’épuise le 21 septembre. Dix de ses équipages se joignent à la flotte aérienne de ravitaillement ce jour-là et la Luftwaffe réussit finalement à franchir l’écran de protection des chasseurs alliés. Les pilotes ennemis s’en donnent à cœur joie parmi les avions de transport lents et non armés. Ensuite, les appareils de l’escadron affrontent des tirs antiaériens encore plus mortels, puisque les Allemands se sont emparés de la majorité de la zone de réapprovisionnement prévue. Un soldat écrit ce qui suit :
Le courage intrépide et l’héroïsme des pilotes étaient incroyables. Ils sont venus dans leurs machines lourdes à quinze cents pieds à la recherche de notre position… Les artilleurs allemands tiraient à bout portant et les avions d’approvisionnement étaient plus ou moins des cibles faciles… La façon dont ces pilotes pouvaient voler sous les tirs en gardant les yeux ouverts dépasse mon imagination… Ils sont arrivés dans leurs Dakota bimoteurs lents et non armés avec la précision d'une horloge. Je crois que le plus tragique, c’est que très peu de provisions sont parvenues jusqu’à nous.
Quelques minutes à peine avant d’arriver à la zone de largage, quatre Dakota du 437e Escadron sont abattus. L’épaisse fumée noire s’élevant des épaves en flammes, qui s’ajoute à la forêt grotesque de piliers semblables, marque la perte d’autres aéronefs alliés.
L'héroïsme est au rendez-vous ce jour-là, comme le montre le lieutenant d’aviation Gerald P. Hagerman, de Mallorytown, en Ontario. Aux commandes du Dakota KG376, il survole deux fois la zone de largage, essayant avec acharnement de livrer les paniers de provisions (de lourds paniers en osier contenant une charge moyenne de 160 kilogrammes) au bon endroit. Pendant son retour en Angleterre, une fois sa mission accomplie, il subit l’attaque de six chasseurs ennemis. Ses manœuvres habiles ne suffisent pas à sauver le Dakota de dommages mortels, mais son équipage a néanmoins le temps de sauter. S’assurant que son équipage a bel et bien quitté l’avion, le lieutenant d’aviation Hagerman lui emboîte le pas et atterrit en territoire allié. Ces gestes lui vaudront une croix du service distingué dans l’aviation.
Au total, cinq aéronefs du 437e Escadron sont abattus ou s’écrasent en raison de dommages subis au combat. Huit aviateurs de l’escadron perdent la vie : le capitaine d’aviation Robert Wilfred Alexander (pilote, âgé de 24 ans, originaire de Norwich, en Ontario), les lieutenants d’aviation William Stewart McLintock (copilote, âgé de 21 ans, originaire de Regina, en Saskatchewan) et Charles Herbert Cressman (pilote, âgé de 27 ans, originaire de Saskatoon, en Saskatchewan), John Spencer Blair (pilote, âgé de 27 ans, originaire de Lucan, en Ontario), Paul N. Steffin (copilote, âgé de 28 ans, originaire d’Eastgate, en Alberta, les sous-lieutenants d’aviation Thomas John Brennan (radiotélégraphiste, âgé de 30 ans, originaire de Coleman, en Alberta, Michael Stanley Reece Mahon (pilote, âgé de 28 ans, originaire de la Barbade, dans les Antilles britanniques), et le sergent de section John Charles Hackett (RAF).
Plusieurs autres subissent des blessures ou se retrouvent prisonniers aux mains des Allemands.
Il y a peu de temps pour pleurer les morts.
Le lendemain, l'escadron passe la journée à accueillir des équipages supplémentaires et à s’occuper de la visite d’une personnalité très importante. Toutefois, le 23 septembre, soit le dernier jour de la bataille, les aéronefs du 437e Escadron s’envolent de nouveau. Cette fois-ci, ils n’affrontent pas de chasseurs ennemis, mais les tirs antiaériens se révèlent tout aussi mortels, entraînant la perte du Dakota KB315. Les aviateurs suivants perdent la vie : les lieutenants d’aviation William Richard Paget (pilote, âgé de 21 ans, originaire de Shelburne, en Ontario), Donald Lawrence Jack (pilote, âgé de 21 ans, originaire de Westmount, au Québec), l’adjudant Roy Irving Pinner (radiotélégraphiste, âgé de 25 ans, originaire de Fort William, en Ontario), le sergent de section Denis Joseph O’Sullivan (copilote, âgé de 28 ans, originaire de Montréal, au Québec) et trois largueurs du Royal Air Service Corps, le caporal Thomas Henry Baxter et les chauffeurs Frederick Walter Beardsley et Paul Williams. Les largueurs avaient la tâche d’arrimer les provisions, puis de les larguer au-dessus de la cible.
En moins d’une semaine d’existence, les Huskies perdent douze des leurs.
L’histoire militaire ne mentionne que rarement le travail essentiel des escadrons de transport, puisque ceux-ci consacrent la grande majorité de leur temps aux travaux d’approvisionnement de « routine ». Mais lorsqu’on fait appel à leurs services, leurs équipages sont prêts à consentir le sacrifice suprême pour appuyer les soldats au sol, faisant tout en leur possible pour livrer leurs cargaisons.
L’honneur de bataille « Arnhem » qui figure sur les drapeaux consacrés du 437e Escadron rappelle la devise de l’unité, « Omnia passim », n’importe quoi, n’importe où, malgré les obstacles sur sa route.