Politique sur la justice militaire au niveau de l'unité
Chapitre 3 – Audience

Contexte

Ce chapitre vise à fournir des conseils sur le processus d’audience sommaire (AS) à l’étape de l’audience. Il comprend des conseils sur des sujets tels que la comparution, l’assermentation, le prononcé d’une décision et l’imposition d’une sanction, le cas échéant.  Le chapitre doit être lu conjointement avec les dispositions de la section 5 de la Loi sur la défense nationale (LDN) (Audience sommaire) et des chapitres 120 (Manquements d’ordre militaire) et 122 (Audience sommaire) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC).

3.1 Tenue de l’audience

3.1.1    La tenue d’une AS relève de la seule responsabilité de l’officier tenant l’audience sommaire (OTAS) et aucune autorité supérieure ne peut intervenir dans la procédure. L’OTAS peut demander des avis juridiques concernant l’audience sommaire en tout temps.

3.1.2    Par défaut, une AS sera ouverte au public. Toutefois, l’OTAS peut ordonner que la totalité ou une partie de l’AS se déroule à huis clos lorsqu’il est d’avis que l’une des circonstances énoncées aux alinéas (als) 122.02(1)a) à c) des ORFC est présente. Des motifs doivent être fournis par l’OTAS lorsqu’il décide de tenir tout ou partie d’une AS à huis closNote de bas de page 52 .

3.1.3    Avant de commencer l’AS, l’OTAS doit s’assurer que la personne accusée d’avoir commis un manquement d’ordre militaire et son militaire désigné (MD), si la personne accusée en a demandé un, sont présents, et que tous les témoins qui seront appelés à comparaître sont disponibles en personne ou par voie électroniqueNote de bas de page 53 .

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3.2 Serment/affirmation solennelle

3.2.1    L’OTAS doit par la suite, en présence de la personne inculpée, prêter serment ou faire une affirmation solennelle. Le libellé du serment ou de l’affirmation solennelle de l’OTAS est énoncé à l’article (art) 122.06 des ORFC (Serment ou affirmation solennelle). Après avoir prêté serment ou fait une affirmation solennelle, l’OTAS fait lire à haute voix les accusations telles qu’elles figurent dans la partie 1 du procès-verbalNote de bas de page 54  d’accusation.

3.3 Questions préliminaires

3.3.1    Avant de recevoir toute preuve, l’OTAS doit poser les questions préliminaires énoncées à l’art 122.07 des ORFC (Questions préliminaires) à la personne accusée d’avoir commis un manquement d’ordre militaire. Pour plus de renseignements concernant la question préliminaire énoncée à l'art 122.07(a) des ORFC concernant les ajournements raisonnables, voir la section (s) 2.7 au chapitre 2 (Avant l’audience).  Pour plus de renseignements sur la question préliminaire énoncée à l'art 122.07(b) des ORFC concernant la compétence de l'OTAS à mener l’AS, voir la s 2.6 au chapitre 2 (Avant l’audience).

3.3.2    Lorsque l’OTAS demande à la personne inculpée si elle souhaite admettre un ou des détails de tout chef d’accusationNote de bas de page 55  ou admettre l’une des accusations portées, sa réponse doit être consignée par écrit et annexée au procès-verbal d’accusation. L’admission de tout détail d’un chef d’accusation ou de l’ensemble d’une accusation signifie que les preuves n’ont pas besoin d’être présentées à l’audience sommaire pour prouver ce détail ou cette accusation particulière. Il est important de consigner par écrit les détails et les accusations admises afin d’étayer la décision, les motifs et toute révision éventuelle.

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3.4 Audition de la preuve/Représentations

3.4.1    Une fois que les étapes détaillées dans les sections (ss) 3.1 à 3.3 ont été complétées, l’OTAS peut commencer à recevoir les preuves relatives à l’accusation.

3.4.2    Une AS est un processus inquisitoire. Cela signifie que l’OTAS mène l’audience dans le but d’établir les faits.  Il est chargé d’appeler et d’interroger les témoins et de recevoir toute preuve qui pourrait l’aider à décider si la personne accusée d’avoir commis ou non le présumé manquement d’ordre militaire. Les preuves peuvent être introduites de différentes manières, comme par l’interrogation de témoins ou l’acceptation de preuves documentaires ou physiques.

3.4.3    La personne accusée doit avoir une possibilité raisonnable de participer à l’AS : de discuter des preuves au fur et à mesure qu’elles sont présentées, de présenter ses propres preuves, d’interroger les témoins et de faire des représentations pendant toutes les phases de l’audienceNote de bas de page 56 . Lorsque toutes les preuves ont été présentées, la personne accusée doit également avoir la possibilité de faire des représentations lui permettant d’établir si selon elle les preuves démontrent que le manquement d’ordre militaire a été commis ou si sa conduite peut être autrement excusée. La personne accusée a la possibilité de participer et de faire des représentations personnellement ou de demander à son MD de le faire en son nom.

3.4.4    Au cours de l’AS, la personne accusée doit demander la permission de l’OTAS si elle souhaite interroger toute personne contre laquelle un manquement d’ordre militaire présumé aurait été perpétrée ou toute personne qui aurait subi des dommages – matériels, corporels ou moraux – ou des pertes économiques par suite de la prétendue perpétration du manquement d’ordre militaire. Cette demande doit inclure une description générale de chaque question que la personne accusée souhaite poser.

3.4.5     En réponse, l’OTAS doit, après consultation avec le témoin à interroger, décider des questions qui peuvent être posées et si la personne accusée peut interroger le témoin directement elle-même, ou indirectement (comme par l’intermédiaire de son MD ou de l’OTAS). L’OTAS doit être prêt à motiver sa décision, y compris les motifs pour lesquels il refuse que certaines questions soient posées au témoin.

3.4.6    Avant de comparaître, un témoin, y compris la personne accusée, doit prêter serment ou faire une affirmation solennelle conformément aux paragraphes (paras) 122.06(3) - (4) des ORFC (Serment ou affirmation solennelle).

3.4.7    Les témoins qui comparaîtront lors de l’AS doivent être exclus de la salle d’audience jusqu’à ce qu’ils soient appelés à comparaître. En outre, l’OTAS doit informer les témoins que jusqu’à ce qu’ils soient appelés à présenter leur témoignage, ils ne doivent pas :

  1. discuter avec tout autre témoin de ce qu’ils diront lors de leur comparution; aucun
  2. obtenir des renseignements au sujet du témoignage d’autres témoins au cours de l’AS.

3.4.8    L’OTAS est tenu de conserver une liste de toutes les preuves reçues au cours de l’AS, qui comprend les noms de tous les témoins et toutes les preuves documentaires et physiques présentées. Cette liste doit être jointe au procès-verbal d’accusation à la fin de l’AS.

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3.5 Décisions

3.5.1    Une fois que l’OTAS a reçu tous les éléments de preuve et entendu toutes les représentations, il doit déterminer si la personne accusée a commis ou non le présumé manquement d’ordre militaireNote de bas de page 57 . Dans sa décision, l’OTAS doit tenir compte des deux considérations suivantes :

  1. Premièrement, s’il existe des preuves claires et convaincantesNote de bas de page 58  qui démontrent, selon la prépondérance des probabilités, que la personne accusée a commis le manquement d’ordre militaire. En d’autres termes, pour conclure qu’une personne a commis un manquement d’ordre militaire, il doit y avoir des preuves claires et convaincantes qu’il est plus probable que non que la personne accusée ait commis le manquement. Il n’est pas pertinent pour cette détermination de savoir si la personne accusée savait qu’elle commettait le manquement d’ordre militaire ou avait l’intention de le commettre.Note de bas de page 59 
  2. Deuxièmement, si, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de preuve établissent que, dans le cadre de sa conduite, la personne accusée a soit :
    • (1) Pris toutes les précautions raisonnables et n’a pas agi de façon négligente; ou
    • (2) Commis une erreur de fait honnête et raisonnable.Note de bas de page 60 

3.5.2    Pour démontrer qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable, la personne accusée doit prouver qu’elle a pris les mesures qu’une personne raisonnable aurait prises dans les mêmes circonstances pour éviter de commettre le manquement d’ordre militaire.Note de bas de page 61

3.5.3    Les facteurs pertinents pour déterminer si des précautions raisonnables ont été prises sont les suivants:

  1. Si la situation était hors du contrôle de la personne;
  2. Le niveau de compétence attendu d’un militaire appartenant à cette profession et détenant ce grade; et
  3. Les complexités impliquées.Note de bas de page 62

3.5.4    Pour démontrer l’existence d’une erreur de fait honnête et raisonnable, la personne accusée du manquement d’ordre militaire doit prouver qu’elle a commis une erreur honnête dans sa compréhension d’un fait lié à la commission du manquement d’ordre militaire et qu’une personne raisonnable aurait pu commettre une erreur similaire dans des circonstances semblablesNote de bas de page 63 . Toutefois, ces méprises ne comprennent pas le fait de ne pas comprendre que l’acte ou le comportement en question donne lieu à un manquement d’ordre militaire. Ce concept est illustré par l’expression « Nul n’est censé ignorer la loi ».Note de bas de page 64 

3.5.5     L'OTAS doit conclure que la personne accusée a commis un manquement d’ordre militaire lorsque, après avoir entendu toute la preuve, l'OTAS conclut qu'il existe une preuve claire et convaincante, qui montre selon la prépondérance des probabilités que la personne accusée a commis le manquement d’ordre militaire ; et que la personne n'a pas pris toutes les précautions raisonnables ou n'a pas commis une erreur de fait honnête et raisonnable.

3.5.6    Inversement, l’OTAS doit conclure que la personne accusée n’a pas commis de manquement d’ordre militaire lorsque, après avoir entendu tous les éléments de preuve, il conclut que la preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, que la personne accusée a pris toutes les précautions raisonnables ou a commis une erreur de fait honnête et raisonnable.

3.5.7    Après avoir entendu les preuves relatives aux accusations, l’OTAS peut ajourner l’audience afin d’examiner les preuves conformément aux deux considérations énoncées ci-dessus, et prendre la décision qu’il estime être soutenue par les preuves disponibles. Après avoir pris sa décision, l’OTAS peut reprendre l’AS, si elle a été ajournée, et prononcer sa décision, en la motivant.

3.5.8    Les motifs, qui sont donnés oralement lors de l’AS, puis par écritNote de bas de page 65  ensuite, doivent expliquer comment et pourquoi l’OTAS est arrivé à cette décision. Les motifs doivent démontrer que l’OTAS a examiné les preuves et les représentations relatives au manquement d’ordre militaire dont il est saisi, et qu’il a tenu compte des deux considérations énoncées ci-dessus au para 3.5.1. Le fait de présenter les motifs aide la personne accusée à comprendre le fondement de la décision et permet à une autorité de révision d’examiner la décision le cas échéant.

3.5.9    Si la personne accusée est reconnue d’avoir commis le ou les manquements d’ordre militaire, l’audience se poursuit, et l’OTAS passe à l’étape suivante, soit la détermination de la sanction.Note de bas de page 66  S’il est établi que la personne accusée n’a pas commis les manquements d’ordre militaire, l’OTAS peut clore l’AS et renvoyer les participants et toute autre personne présente.

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3.6 Sanction

3.6.1    Avant de procéder à la détermination de la sanction, l’OTAS doit demander à la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire si elle est prête à procéder. Si la personne n’est pas prête à procéder, l’OTAS doit lui accorder un ajournement raisonnable pour qu’elle se prépare.

3.6.2    Lorsqu’il est établi qu’un manquement d’ordre militaire a été commis à l’encontre d’une personne ou qu’il a causé à une personne des dommages – matériels, corporels ou moraux – ou des pertes économiques, l’OTAS devrait informer cette personne qu’elle est invitée, mais non obligée, à faire une déclaration à l’étape de la détermination de la sanction. La personne reconnue d’avoir commis le manquement d’ordre militaire ne pourra poser aucune question à la personne qui fait cette déclaration.

3.6.3    Pour déterminer une sanction, l’OTAS doit tenir compte de toutes les circonstances entourant la commission du ou des manquements d’ordre militaire. L’OTAS peut imposer une ou plusieurs sanctionsNote de bas de page 67  pour un manquement d’ordre militaire reconnu comme ayant été commis. Si plus d’un manquement d’ordre militaire est constaté et que plus d’une sanction est imposée, les sanctions doivent être imposées pour l’ensemble des manquements d’ordre militaire commis, et non pour chaque manquement d’ordre militaire. Par exemple, un militaire dont on a établi qu’il était à la fois en retard et en état d’ébriété au moment de se présenter au travail recevra une seule sanction qui tiendra compte à la fois de son retard et de son état d’ébriété.

3.6.4    Après avoir examiné les circonstances entourant le manquement d’ordre militaire, y compris toute déclaration d’une personne décrite au para 3.6.2, l’OTAS prononcera la sanction, en la motivant oralement. Les motifs de la sanction doivent, tout comme les motifs de la décision, démontrer que l’OTAS a tenu compte des preuves et des représentations relatives au manquement d’ordre militaire.

3.6.5    En ce qui concerne l’imposition et la mise en œuvre ultérieure de sanctions mineuresNote de bas de page 68 , les commandants doivent s’assurer que des règles régissant les militaires faisant l’objet de sanctions mineures sont émises, que ces règles sont portées à la connaissance de ces militaires et qu’elles sont appliquées. Dans les cas où aucune règle de ce type n’a été émise, l’OTAS doit, après avoir motivé la sanction, fournir les détails administratifs nécessaires à la mise en œuvre appropriée de la sanction.

3.7 Motifs écrits

3.7.1    Des copies des motifs écrits de la décision (et des sanctions, le cas échéant) doivent être joints au copies du procès-verbal d’accusation et remis à la personne reconnue d’avoir commis le manquement d’ordre militaire et à son commandant dans les trois jours suivant le prononcé de la décisionNote de bas de page 69 . Une copie des motifs écrits doit également être fournie à toute personne contre laquelle un manquement d’ordre militaire est présumé avoir été commis ou qui est présumée avoir subi des dommages – matériels, corporels ou moraux – ou des pertes économiques à la suite de la commission présumée de l’infraction, si elle le souhaite. Le contenu des motifs écrits doit être similaire à celui des motifs oraux.

3.7.2    Donner des raisons aide la personne accusée à comprendre le fondement de la décision et permet à une autorité compétente d'examiner la décision, si cela a été demandéNote de bas de page 70 .

3.8 Soutien en matière de santé mentale

3.8.1    Au besoin, des soutiens en matière de santé mentale devraient également être mis à la disposition des personnes impliquées, y compris la personne accusée d'avoir commis un manquement d'ordre militaire et toute personne soupçonnée d'avoir subi des dommages – matériels, corporels ou moraux – ou des pertes économiques par suite de la perpétration prétendue du manquement. Les autorités du système de justice militaire doivent aviser ces personnes du soutien en matière de santé mentale disponible, et leur fournir les coordonnées pertinentes.

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Notes de bas de page

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2024-06-24