Politique sur la justice militaire au niveau de l'unité :
Chapitre 4 – Révision

Contexte

Un aspect essentiel de l’équité procédurale du processus d’audience sommaire est la possibilité de demander à une autorité autre que l’officier qui a tenu l’audience sommaire de réviser les décisions prises au cours de celle-ci lorsque la personne accusée a été reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire.

Ce chapitre de la Politique doit être lu conjointement avec les dispositions contenues dans la section 5 de la Loi sur la défense nationale (LDN) (Audiences sommaires) et le chapitre 124 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) (Révision), qui fournissent un cadre pour la révision des décisions prises et des sanctions infligées lors d’une audience sommaire. Ce chapitre traite de la façon dont une révision peut être demandée, qui peut agir en tant qu’autorité compétente en matière de révision, comment la révision doit être effectuée et les pouvoirs de l’autorité compétente en matière de révision.

4.1 Initiation d’un processus de révision

4.1.1    Il existe deux façons d’initier une révision.

4.1.2    Premièrement, une personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire a le droit de présenter une demande de révisionNote de bas de page 71. L’officier tenant l’audience sommaire (OTAS) doit informer la personne accusée de ce droit lorsqu’il conclut qu’elle a commis un manquement d’ordre militaireNote de bas de page 72. La personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire doit soumettre sa demande de révision à une autorité compétente (AC), qui est un officier supérieur envers qui l’officier ayant tenu l’audience sommaire (AS) est responsable pour les questions disciplinairesNote de bas de page 73.

4.1.3    Deuxièmement, une AC peut également initier une révision de sa propre initiativeNote de bas de page 74.

4.2 Déférer une révision

4.2.1    Une AC qui est d’avis qu’il serait inapproprié pour elle d’agir en tant qu’AC dans un cas particulier compte tenu des intérêts de la justice et de la discipline militairesNote de bas de page 75 doit :

  1. S’abstenir de prendre toute décision concernant la demande de révision; et
  2. Déférer la demande de révision à un autre officier supérieur envers qui l’officier ayant tenu l’AS est responsable pour les questions disciplinaires.

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4.3 Pouvoirs de l’autorité compétente en matière de révision

4.3.1    Les pouvoirs et les limites des AC dans le cadre de la révision d’une décision et de toute sanction infligée sont exposés ci-dessous.

Révision d’une décision

4.3.2    Lors de la révision d’une décision, l’AC peut :

  1. Maintenir la décision et ne pas la modifier;
  2. Annuler la décision; aucun
  3. Annuler la décision et en substituer une nouvelle.

4.3.3    La révision d’une décision peut être fondée sur l’un ou les deux motifs suivants : 1) la décision était invalide ou 2) la décision ne peut pas être soutenue par les preuves, y compris tout nouveau renseignement, tel que décrit à la section (s) 4.5.

4.3.4    Une décision invalide est une décision qui : découle d’une audience qui n’était pas conforme aux exigences juridiques applicables, y compris celles énoncées dans la LDN, les ORFC et celles relatives à l’équité procédurale; ou qui est fondée sur une analyse juridique erronée. Une analyse juridique erronée est une analyse qui n’est pas conforme au para 3.5.1, par exemple si l’officier qui a tenu l’AS pour déterminer si une personne accusée a commis ou non un manquement d’ordre militaire a omis de considérer si la personne accusée a pris toutes les précautions raisonnables et n’a pas agi avec négligence, ou si elle a commis une erreur de fait honnête et raisonnable. Si une AC détermine qu’une décision est invalide ou ne peut être soutenue par la preuve, la décision doit être annulée.

4.3.5    Une décision qui ne peut pas être soutenue par la preuve est une décision qui est prise sans un fondement factuel adéquat. L’AC doit examiner si les faits prouvés à l’audience sont suffisants pour étayer la décision. L’AC ne doit pas revoir l’interprétation des faits établis par l’officier ayant tenu l’AS.

4.3.6    Si une AC détermine qu’une décision est invalide ou ne peut être soutenue par la preuve, la décision doit être annulée. En revanche, l’AC n’a pas le pouvoir d’annuler une décision qui a été valablement prise et qui est soutenue par la preuve. En d’autres termes, l’AC ne peut pas annuler une décision simplement parce qu’elle n’aurait pas donné suite à l’accusation si elle avait agi en tant qu’officier tenant l’AS.

Les conséquences d’une décision annulée

4.3.7    Lorsqu’une décision est annulée, elle est rendue nulle et considérée comme n’ayant jamais été rendue.

4.3.8    Une nouvelle décision peut être substituée à la décision annulée seulement si, conformément au para 163.8(1) de la LDN (Substitution de décisions - Décision invalide ou non justifiée), la nouvelle décision aurait pu valablement être rendue sur l’accusation et si la nouvelle décision peut être fondée sur les faits dont l’officier ayant tenu l’AS était convaincu lors de l’audienceNote de bas de page 76. En d’autres termes, la nouvelle décision ne doit pas se fonder sur des constatations factuelles faites par l’AC indépendamment des faits dont s’est satisfait l’officier ayant tenu l’AS. Lorsqu’une décision est substituée, conformément au para 163.8(2) de la LDN (Effet sur la sanction), la sanction peut également devoir être substituée.

4.3.9    Lorsqu’une décision est annulée mais non substituée et qu’aucune autre décision ne subsiste, la sanction est également automatiquement annulée. Une nouvelle AS peut être tenue en relation avec ce manquement d’ordre militaire comme si l’audience initiale n’avait pas eu lieuNote de bas de page 77. Lorsqu’une décision est annulée mais que d’autres décisions subsistent, conformément au para 163.7(3) de la LDN (Effet d’une annulation partielle), la sanction peut devoir être substituée.

Révision d’une sanction

4.3.10  La révision d’une sanction est fondée sur le fait qu’elle est invalide ou qu’elle est trop sévère. Une sanction invalide est une sanction qui n’est pas conforme aux exigences juridiques applicables, y compris celles énoncées dans la LDN, les ORFC et celles relatives à l’équité procédurale, ou une sanction qui est fondée sur une analyse juridique erronée. Une sanction est invalide lorsque, par exemple, la sanction infligée ne relevait pas des pouvoirs de sanction de l’officier qui a tenu l’AS, ou lorsque la personne accusée n’a pas bénéficié d’une équité procédurale appropriée.

4.3.11  Si une sanction est jugée invalide, elle peut être substituée par toute autre sanction que l’AC juge appropriée, à condition que la nouvelle sanction ne soit pas plus élevée dans l’échelle des sanctions que la sanction initialement infligéeNote de bas de page 78.

4.3.12  Une sanction peut également être révisée au motif qu’elle est trop sévère. Une sanction peut être considérée comme trop sévère si elle est beaucoup plus sévère que les sanctions qui seraient normalement ou raisonnablement infligées pour la même infraction dans des circonstances similaires. L’AC doit faire preuve de retenue dans la révision des sanctions, car elle n’est peut-être pas en meilleure position que l’officier ayant tenu l’AS pour évaluer la sanction. Par conséquent, en règle générale, les AC devraient éviter de modifier une sanction à moins qu’elle ne soit clairement déraisonnable.

4.3.13 Si l’AC estime que la sanction était trop sévère, elle peut commuer, mitiger ou remettre tout ou partie des sanctions infligées par un OTASNote de bas de page 79.

4.3.14  Sauf lorsque l’AC détermine qu’une sanction n’est pas valide ou qu’elle est trop sévère, l’AC ne peut pas modifier une sanction à moins que la décision pour laquelle elle a été infligée ait modifiée. Dans de tels cas, voir les paras 4.4.6 à 4.4.7 ci-dessous et les articles 163.7 à 163.8 de la LDN.

Décision suite à une révision

4.3.15  Après avoir terminé la révision, l’AC doit motiver sa décision par écrit et en fournir une copie à la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire, à son commandant et à l’officier ayant tenu l’AS. Les motifs écrits doivent :

  1. Aborder tous les problèmes identifiés dans la demande de révision ou dans les motifs justifiants la révision;
  2. Identifier tout élément de preuve sur lequel l’AC s’est appuyée dans la conduite de la révision; et
  3. Expliquer les fondements de la décision.

4.3.16  L’AC doit veiller à ce que les motifs écrits et les copies de leur correspondance avec l’officier ayant tenu l’AS et la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire soient annexés au procès-verbal d’accusation.

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4.4 Processus

Information requise

4.4.1   Lorsqu’il est établi que la personne accusée a commis un manquement d’ordre militaire à l’égard d’une personne ou a causé à une personne des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques, l’AC doit veiller à ce que cette personne soit informée qu’une révision sera effectuée, de même que la décision résultant de cette révision.

Militaire désigné

4.4.2    Un militaire désigné peut aider, conseiller et faire des représentations au nom de la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire tout au long du processus de révisionNote de bas de page 80.

Révision demandée par la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire

4.4.3    Si la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire cherche à exercer son droit à une révision de la décision et de toute sanction infligée lors d’une AS, la demande de révision doit être soumise par écrit à l’AC dans les 14 jours suivant la réception des motifs écrits justifiants la décision et toute sanction infligéeNote de bas de page 81. La demande doit être motivée et doit énoncer les éléments de preuve à l’appuiNote de bas de page 82.

4.4.4    Après avoir reçu une demande de révision et avoir déterminé qu’elle est une autorité compétente pour procéder à la révision, l’AC en matière de révision doit transmettre la demande de révision à l’officier ayant tenu l’AS dès que possible et doit informer cet officier et la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire des délais applicables au processus de révision.

Révision initiée par l’autorité compétente en matière de révision

4.4.5    Une AC a le pouvoir d’entreprendre de sa propre initiative une révision d’une décision concluant qu’une personne a commis un manquement d’ordre militaire et de toute sanction infligéeNote de bas de page 83. Cela peut se produire, par exemple, lorsqu’un avocat militaire, après avoir examiné les documents placés dans le Fichier des poursuites disciplinaires de l’unité, signale des erreurs dans le procès-verbal d’accusation ou le non-respect potentiel des exigences procédurales au cours du processus d’AS.

4.4.6    Après avoir pris la décision de mener une révision et avoir confirmé qu’elle est une autorité compétente pour effectuer la révision, l’AC doit, dès que possible, fournir, à l’officier ayant tenu l’AS et à la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire, les motifs écrits pour lesquels elle procède à une révision et les délais applicables au processus de révision.

Réponses et représentations

4.4.7    L’officier ayant tenu l’AS peut fournir toute observation concernant la révision, y compris en ce qui concerne chaque motif de révision identifié et toute autre question pertinente pouvant aider l’AC à prendre sa décision. Toute observation doit être fournie à l’AC et à la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire dans les 7 jours suivant la réception des motifs de l’initiation d’une révision.

4.4.8    La personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire peut répondre aux observations de l’officier ayant tenu l’AS, et dans le cas d’une révision initiée par l’AC, elle peut également fournir des représentations. Toute réponse et/ou représentations par la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire doit être fournie à l’AC dans un délai de 7 jours à compter de la réception des observations de l’officier qui a tenu l’AS, ou dans un délai de 14 jours à compter de la réception par l’AC des motifs pour lesquels la révision a été initiée si l’officier qui a tenu l’AS ne fournit aucune observation.

4.4.9    Si l’officier ayant tenu l’AS ou la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire a besoin de plus de temps pour préparer ses observations, ses réponses ou ses représentations, l’AC peut accorder une prorogation raisonnable.

4.4.10  Dans les 14 jours suivant la réception de la réponse et/ou des représentations de la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire, ou à l’expiration du délai imparti pour la présentation de sa réponse ou ses représentations ne fournit pas d’observations, l’AC doit déterminer la révision.

4.4.11  Conformément à l’al 124.02(2) des ORFC (Autorités compétentes), l’AC doit obtenir un avis juridique avant de procéder à une révision. Lorsqu’elle détermine la révision, l’AC doit seulement tenir compte des éléments suivants :

  1. Les motifs pour lesquels la révision a été initiée;
  2. Le procès-verbal d’accusation et tout ce qui est annexé au procès-verbal d’accusation conformément à la présente politique;
  3. Les motifs fournis conformément à l’al 122.09(4) des ORFC (Décision et sanction); et
  4. Toute observation fournie par l’officier ayant tenu l’AS et toute réponse ou représentation de la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire ou du militaire désigné en son nom.

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4.5 Nouveaux renseignements

4.5.1    Lorsqu’une demande de révision contient des renseignements qui étaient inconnus au moment de l’AS, l’AC doit déterminer si ces renseignements sont pertinents. Si les renseignements sont pertinents, l’AC doit évaluer leur incidence sur la ou les décisions afin de déterminer si une ou plusieurs décisions doivent être annulées en conséquence. Après avoir terminé la révision,  l’autorité compétente en matière de révision doit expliquer dans ses motifs sa décision concernant les incidences des nouveaux renseignements, y compris toute décision selon laquelle les nouveaux renseignements n’étaient pas pertinents et n’ont donc pas eu d’incidence.

4.5.2    Lorsque l’AC détermine que de nouveaux renseignements sont pertinents, elle doit alors déterminer si ces renseignements sont pertinents pour les intérêts de toute personne à l’égard de laquelle un manquement d’ordre militaire est jugé avoir été commis ou qui a subi des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques résultant de ce manquement d’ordre militaire. Si les renseignements sont jugés pertinents pour eux, l’AC doit leur donner une possibilité raisonnable de présenter des observations et doit également donner à la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire la possibilité raisonnable de présenter d’autres observations en réponse, conformément aux principes d’équité procédurale. Si les renseignements ne sont pas pertinents aux intérêts d’une telle personne, l’AC doit suivre le processus de révision tel que décrit à la s 4.2 et au para 4.5.1.

4.6  Soutien en matière de santé mentale

4.6.1    Si nécessaire, un soutien en matière de santé mentale doit également être mis à la disposition des personnes concernées tout au long du processus de révision, y compris la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire et toute personne contre laquelle un manquement d’ordre militaire a été commis ou qui est présumée avoir subi des dommages — matériels, corporels ou moraux — ou des pertes économiques à la suite de la commission du manquement d’ordre militaire. Les autorités du système de justice militaire doivent aviser ces personnes du soutien en matière de santé mentale disponible, et leur fournir les coordonnées pertinentes.

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4.7 Tâches administratives de l’autorité compétente en matière de révision

4.7.1    Une fois la révision terminée, l’AC doit faire en sorte que le procès-verbal d’accusation soit mis à jour et qu’il soit transmis, avec les documents suivants, au commandant de la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire :

  1. Les motifs écrits de la décision; et
  2. L’ordonnance concernant toute décision prise en vue d’annuler, de substituer, de commuer, de mitiger ou de remettre une décision, une sanction ou une partie de celle-ci en vertu de la LDN ss 163.7 (Annulation des décisions), 163.8 (Substitution de décisions), 163.9 (Substitution de sanctions) et 163.91 (Commutation, mitigation et remise des sanctions).

4.7.2    Le commandant de la personne reconnue d’avoir commis un manquement d’ordre militaire doit placer les documents énumérés ci-dessus dans le fichier des poursuites disciplinaires de l’unité et prendre toutes les mesures nécessaires pour donner effet à la décision.

4.7.3    Si l’AC annule ou remplace une sanction de rétrogradation par une autre sanction, le Quartier général de la Défense (Directeur général - Carrières militaires) doit en être informé.

4.7.4    En cas de substitution, de commutation ou de remise de la sanction de privation de la solde et des indemnités, toute somme constituant une privation excessive du compte de solde de la personne reconnue d’avoir commis le manquement d’ordre militaire à la suite de la décision de l’AC, doit être restituéeNote de bas de page 84.

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Notes de bas de page

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Détails de la page

2024-06-24