Rapports avec le Service national des enquêtes des Forces canadiennes

Directive du DPM
Directive no : 001/00
Date d’émission : 1er mars 2000
Mise à jour : 1er septembre 2018
Renvoi : Vérification préalable à l’accusation, Interrogatoire des témoins, Infractions d’inconduite sexuelle, Révision postérieure à l’accusation
Objet : Rapports avec le Service national des enquêtes des Forces canadiennes

Application de la directive

1. Cette directive s’applique aux procureurs1 dans le cadre de leurs rapports professionnels avec le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC)2.

Introduction

2. Les procureurs et le SNEFC ont des responsabilités distinctes dans le système de justice militaire; cependant, ils doivent travailler en partenariat pour appliquer efficacement les lois de nature criminelle et le code de discipline militaire. Les rapports professionnels entre les procureurs et le SNEFC doivent refléter le respect mutuel et le professionnalisme découlant de la reconnaissance appropriée des frontières entre les fonctions d’enquête et de poursuite.

3. Le SNEFC, qui est responsable d’enquêter sur les infractions présumées et de déposer les accusations, peut demander l’avis des procureurs sur les questions juridiques découlant des enquêtes sur les infractions. Les procureurs, qui sont responsables de déterminer si une accusation doit être maintenue après avoir été déposée, peuvent demander l’aide du SNEFC afin que soit menée une enquête supplémentaire et que soient fournies des informations additionnelles, nécessaires à la poursuite.

4. Le SNEFC et le Service canadien des poursuites militaires (SCPM) ont un rôle à jouer, indépendamment l’unde l’autre, et aucune de ces organisations n’est subordonnée à l’autre. Cette indépendance institutionnelle est fondamentale au maintien du rôle du procureur comme officier de justice, et est essentielle à la bonne administration de la justice militaire3.

5. Le procureur joue également un rôle de premier plan pour maintenir l’équilibre précaire entre les besoins et les intérêts des victimes et la bonne administration de la justice militaire.

Énoncé de directive

6. Les rapports entre les procureurs et les enquêteurs du SNEFC doivent être fondés sur une communication proactive tout au long de l’enquête et du processus de la cour martiale, dans le respect des rôles de chacun des acteurs.

Pratique / procédure

Étape précédant le dépôt des accusations

7. À cette étape, le rôle du procureur est d’aider l’enquêteur en fournissant une évaluation juste et objective de la suffisance de la preuve et de la pertinence de procéder. Les procureurs devraient demeurer disponibles pour consultation pendant une enquête et avant le dépôt des accusations afin d’encourager les enquêteurs à demander leur avis. Les procureurs ne doivent pas dicter l’orientation globale d’une enquête, mais peuvent cependant conseiller le SNEFC sur une variété de questions juridiques.

8. Il est impossible de prévoir toutes les formes d’avis qu’un procureur peut donner au cours d’une enquête. Les procureurs peuvent notamment fournir des avis sur les délais de prescription pour le dépôt des accusations et le renouvellement ou la prolongation des ordonnances de la cour, concernant les agents et les informateurs, sur la nécessité d’obtenir un mandat dans une circonstance particulière ainsi que sur l’examen des transcriptions et des vidéos de témoins clés pour conseiller les enquêteurs sur les questions de crédibilité et de fiabilité des témoins potentiels au procès.

9. Le procureur doit communiquer avec le directeur adjoint des poursuites militaires (DAPM) – Équipe d’intervention en cas d’inconduites sexuelles (EIIS) lorsqu’il doit fournir des conseils portant sur des questions complexes de preuve soulevées dans un dossier comportant des allégations graves d’inconduite sexuelle.

Avis concernant le plan d’enquête

10. Dans les premières étapes d’une enquête, l’enquêteur peut vouloir consulter un procureur et lui demander des conseils et des orientations sur la façon de structurer l’enquête afin d’éventuelles poursuites ne se soldent pas par un échec. Cependant, les procureurs doivent éviter de s’immiscer dans le processus d’enquête puisque cela pourrait miner leur indépendance s’ils ont à fournir un avis juridique à l’étape de la vérification préalable au dépôt d’accusations.

Préparation des mandats

11. Bien que les enquêteurs connaissent habituellement bien les exigences pour l’obtention de mandats, les procureurs doivent être prêts à aider et à conseiller les enquêteurs sur les exigences légales et sur la procédure applicable à l’obtention de mandats, particulièrement lorsqu’il s’agit de situations inusitées ou de questions susceptibles de faire l’objet d’une grande attention publique.

12. La nature de l’aide ira de la prestation d’avis concernant la nécessité d’un mandat jusqu’à l’aide fournie pour la rédaction d’une requête. La rédaction des documents par le procureur lui-même ne doit être envisagée que pour les causes les plus délicates.

Étape de la vérification postérieure à l’accusation

13. À cette étape, le procureur, au nom du DPM, détient un pouvoir absolu et indépendant quant à l’accusation et il a l’autorité de déposer l’accusation ou toute autre accusation fondée sur les faits révélés par la preuve, de renvoyer l’accusation pour qu’elle soit jugée par procès sommaire ou de décider de ne pas aller de l’avant avec l’accusation. Ces décisions devraient, dans la mesure du possible, être prises en consultation avec le SNEFC, même si cette consultation n’est pas exigée par la loi.

14. Lors de la vérification postérieure à l’accusation, le procureur peut découvrir des faiblesses dans la décision de porter des accusations, l’absence d’éléments requis pour qu’une pleine communication de la preuve puisse être faite, ou des aspects de la cause qui nécessitent un complément d’enquête. À la demande du procureur, le SNEFC est responsable de mener une enquête complémentaire sur ce que le procureur juge nécessaire afin de présenter la cause de façon juste et efficace au tribunal4. Bien que le SNEFC n’ait pas l’obligation de mener les enquêtes complémentaires exigées par le procureur, les enquêteurs se conforment habituellement aux demandes du procureur.

15. Il est primordial de maintenir la communication avec l’enquêteur à chaque étape du processus de la cour martiale, y compris au moment de décider si une accusation devrait être portée. Lorsque le SNEFC se voit confier l’enquête, et que c’est l’un de ses enquêteurs qui a déposé l’accusation, les procureurs sont tenus de communiquer avec l’enquêteur qui s’est chargée de la plainte afin de lui faire savoir s’ils ont décidé de porter une accusation contre un accusé.

16. Les procureurs devraient effectuer un suivi avec l’enquêteur une fois qu’une décision postérieure à l’accusation a été rendue afin de s’assurer que l’enquêteur est au courant de la décision et de discuter des prochaines étapes, le cas échéant.

Pendant la poursuite

17. Après le dépôt d’un acte d’accusation, le procureur devrait probablement communiquer avec le SNEFC, selon les besoins, afin d’obtenir son assistance, notamment dans les cas suivants :

  1. être présent aux audiences selon les besoins;
  2. signifier les assignations;
  3. préparer et rendre disponible la preuve de signification des assignations;
  4. maintenir la continuité et la sécurité de toute la preuve physique jusqu’à ce que les éléments qui constituent la preuve soient admis par la cour martiale comme pièces et s’assurer que toute la preuve est à la disposition du procureur aux fins d’inspection ou pour les besoins de la cour;
  5. être présent et participer aux entrevues des témoins éventuels avant le procès, comme demandé par le procureur, et prendre des notes lors de ces entrevues;
  6. s’assurer que des mesures de sécurité spéciales sont mises en place pour les personnes sous garde civile qui assistent aux procédures et consulter le personnel administratif de la cour martiale dans de tels cas;
  7. accomplir les tâches administratives supplémentaires qui sont exigées par le procureur; et
  8. maintenir et mettre à jour les dossiers de la cour jusqu’à ce que les procédures de la cour martiale soient terminées ou que les accusations soient retirées.

18. Le procureur peut demander l’aide du SNEFC pour répondre, dans la mesure du possible, aux considérations spéciales auxquelles ont droit les témoins qui présentent des besoins physiques ou psychologiques spéciaux, y compris les enfants ou les victimes de violence familiale ou d’infractions sexuelles.

Fin d’une instance devant la cour martiale

19. Une fois qu’une instance devant la cour martiale a pris fin, le procureur doit fournir à l’enquêteur une copie du résumé d’une cour martiale et lui formuler des commentaires afin de répondre à toute préoccupation qui aurait pu être soulevée au cours de l’instance devant la cour martiale. Les commentaires ont pour objectif de cerner et de traiter les sujets communs de préoccupation en vue d’améliorer la qualité des enquêtes futures.

Procureurs intégrés

20. De plus en plus, les enquêtes augmentent en complexité et elles nécessitent des avis juridiques qui vont au-delà des rapports traditionnels, tels que décrits aux paragraphes précédents, entre le procureur et l’enquêteur. À cet égard, on assigne habituellement un procureur intégré pour travailler directement avec le SNEFC afin de fournir des avis juridiques et pratiques. En règle générale, un procureur intégré ne devrait pas participer directement à une enquête ni prendre part aux décisions ou aux fonctions de poursuite telles que la vérification postérieure à l’accusation, y compris l’interrogatoire des témoins, ou la plaidoirie devant un tribunal.

21. Le procureur intégré fournit des avis juridiques aux enquêteurs du SNEFC dans le but d’appuyer les enquêtes de manière efficace et opportune, notamment par des avis sur :

  1. la structure de l’enquête en vue de faciliter une poursuite viable;
  2. la légalité de toute perquisition et saisie; les exigences concernant les mandats de perquisition, y compris la teneur des affidavits à l’appui et l’admissibilité des preuves obtenues;
  3. la légalité des activités liées aux enquêtes, y compris les techniques de couverture et les moyens électroniques; les exigences des autorisations judiciaires, y compris la teneur des affidavits à l’appui et l’admissibilité des preuves obtenues;
  4. les exigences procédurales et de droit substantif des déclarations des témoins, y compris les confessions et l’admissibilité des preuves obtenues;
  5. l’admissibilité de toute autre preuve, y compris la preuve documentaire, les images ou la preuve réelle;
  6. les éléments de preuve de toutes les infractions proposées;
  7. l’application d’un privilège à la preuve, y compris les témoins, les notes, les documents, les communications obtenues ou créées par les enquêteurs du SNEFC;
  8. la préparation et le format de la communication, y compris les déclarations des témoins, aux fins de distribution en conformité avec la loi;
  9. la vérification préalable à l’accusation; et
  10. toutes autres questions sur lesquelles le commandant du SNEFC et le DPM se sont entendus, comme la formation juridique pour les enquêteurs et l’examen juridique des politiques et des procédures du SNEFC.

Accès à cet énoncé de directive

22. Cet énoncé de directive est un document public et il est mis à la disposition des membres des Forces canadiennes et du public.


Notes en bas de page

1 Tout renvoi dans cette directive à « procureur » ou « procureurs » fait référence à l’officier ou aux officiers qui ont été désignés pour assister et représenter le directeur des poursuites militaires (DPM) dans l’exercice des pouvoirs qui ont été conférés à ce dernier par les articles 165.11 à 165.13 de la Loi sur la défense nationale et sous réserve des restrictions énoncées dans le Guide des directives du Service canadien des poursuites militaires.

2 Lorsque les membres de la police militaire de la base, d’autres autorités militaires chargées des enquêtes ou des organismes civils chargés des enquêtes, entreprennent une enquête, le procureur ne sera pas le conseiller juridique de cet organisme. Cependant, dans certaines circonstances, les procureurs doivent fournir des avis juridiques aux conseillers juridiques de l’unité – voir la Directive 002/99 sur la vérification préalable à la mise en accusation.

3 Le rôle du procureur au sein du système judiciaire fut précisé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Boucher c La Reine (1954), 110 C.C.C. 263, à la page 270 : On ne saurait trop insister sur le fait que l’objectif d’une poursuite criminelle n’est pas d’obtenir une condamnation, mais bien de présenter devant un jury les éléments de preuve que la Couronne considère comme crédibles à l’égard de l’infraction alléguée. Les procureurs ont la responsabilité de s’assurer que toute la preuve disponible portant sur les faits est présentée : cela doit se faire avec fermeté en considérant la force légale de l’argument, mais aussi de façon équitable. Le rôle du procureur exclut les concepts de victoire ou de défaite, son rôle relève d’un devoir public qui n’a pas d’équivalent, dans la vie civile, avec un devoir de responsabilité personnelle plus élevé. De surcroît, ce devoir doit être exercé avec zèle en relation avec la dignité et l’importance du système judiciaire. [Notre traduction]

4 Voir l’article 110.05 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, en ce qui concerne le devoir qu’a le SNEFC de mener, sur demande du directeur des poursuites militaires, toute enquête supplémentaire.

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