Répondre aux besoins des victimes

Directive du DPM
Directive no : 007/00
Date d’émission : 15 mars 2000
Mise à jour : 15 décembre 2017
Renvoi : Interrogatoire des témoins, Infractions à caractère sexuel

Sujet : Répondre aux besoins des victimes

Application de la directive

1. Dans la présente politique, le renvoi au « procureur militaire régional (PMR) », « procureur » ou aux « procureurs » est présumé désigner tout officier qui est autorisé par le directeur des poursuites militaires (DPM) à l’assister ou à le représenter, conformément à l’article 165.15 de la Loi sur la défense nationale dans la mise en accusation en cour martiale et dans le soutien de l’accusation en cour martiale. Toute référence dans la présente politique à « victime » est présumée désigner toute personne affectée directement par la conduite alléguée qui constitue une ou plusieurs infractions.1

Énoncé de directive

2. La victime doit se voir accorder un rôle significatif dans la procédure de justice militaire de façon à ce qu’elle soit protégée, écoutée, informée, respectée et entendue. Le procureur joue un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre délicat entre les besoins et intérêts de la victime et la bonne administration de la justice militaire.

3. Dans toute instance en cour martiale, le procureur remplit ses fonctions de façon à permettre à la victime de participer activement au processus, dans le respect du droit et de la justice fondamentale. Le procureur veille, dès le début du processus, à ce que l’on comprenne bien qu’il ne représente pas la victime en tant que conseiller juridique et qu’il n’agit pas à titre de représentant de celle-ci à l’instance. Toutefois, il doit saisir toute occasion raisonnable de se prévaloir des mécanismes et procédures offerts par la loi pour défendre les intérêts de la victime pendant l’instance. Aucune formule ne peut établir la façon d’atteindre cet équilibre délicat; les principes énoncés dans la présente politique fournissent une directive en vue de son application à une vaste gamme de cas particuliers.

Cas particuliers

4. Bien que les besoins et les circonstances diffèrent pour chaque victime, le procureur doit garder quelques considérations générales à l’esprit dans certains cas.

5. Lorsque la victime est un enfant, la communication et la protection deviennent particulièrement importantes. Le procureur doit envisager les mesures nécessaires pour s’assurer que la victime comprend bien le genre de renseignements qui sont transmis. Par exemple, le procureur peut adapter son vocabulaire au niveau de maturité de l’enfant et l’interroger dans un endroit et à un moment où la victime sera le plus à l’aise et en sécurité. Les enfants ont tendance à être plus dépendants que les adultes et, par conséquent, à être plus vulnérables. Le procureur devrait toujours adopter des pratiques qui maximisent, non seulement la sécurité de l’enfant, mais aussi sa perception de la sécurité.

6. Pour ce qui est des infractions d’inconduite sexuelle graves, un procureur avec un entraînement spécialisé sera assigné au dossier par le directeur adjoint des poursuites militaires (DAPM) régional après consultation avec le DAPM – Équipe d’intervention en matière d’infractions sexuelles (ÉIIS). Le procureur doit s’attendre à ce que la participation de la victime à l’instance soit particulièrement difficile, et que les conséquences de l’acte criminel sur la victime soient graves et profondes. Il doit anticiper les besoins de la victime et y répondre en conséquence, en accord avec les mesures et principes liés à ces affaires se trouvant à la directive portant sur les infractions d’inconduite sexuelle.

7. Dans tous les délits avec violence, les victimes ressentent, avec raison, un sentiment de violation plus profond que ce qui est courant dans les affaires d’infraction contre les biens par exemple. Le procureur doit être sensible au sentiment de vulnérabilité de la victime dans ces affaires et doit envisager les mesures nécessaires pour accroître sa sécurité et son confort. Il est fort possible que les victimes de délits avec violence cherchent à se venger. Cette réaction est tout à fait normale. Le procureur doit déceler ces perceptions et en discuter calmement et convenablement avec la victime.

8. Il est possible que le procureur ait affaire à des victimes ayant des besoins particuliers. De même, dans certains cas, la langue maternelle de la victime peut être différente de celle du procureur ou de la langue dans laquelle se déroule l’instance. Ces cas nécessitent une attention et une planification particulières par le procureur afin d’éliminer les obstacles qui pourraient entraver la participation de la victime à la procédure de justice militaire.

9. Il se peut que certaines personnes soient désavantagées en cour martiale en raison de leur race, leur origine ethnique, leur sexe ou leur orientation sexuelle. Certains inconvénients peuvent être amplifiés par des préjugés subtils à l’état latent dans la société canadienne. En ce qui concerne ces victimes, le procureur doit s’efforcer de déceler ces inconvénients et de les atténuer.

Juridiction

10. En fournissant des conseils juridiques sur la pertinence de porter des accusations et sur la juridiction dans laquelle celles-ci devraient être traitées, il est important pour le procureur de prendre en compte la perspective de la victime de l'infraction présumée, en particulier dans les cas où l’infraction présumée implique la violation de l'intégrité personnelle de la victime (par exemple, physique, sexuelle, émotionnelle). Certaines préoccupations exprimées par la victime peuvent être mieux traitées en procédant dans le système de justice militaire, mais d'autres peuvent être mieux traitées en demandant aux autorités civiles d’exercer leur juridiction. Le DAPM ÉIIS doit être consulté pour les dossiers relatifs à des infractions d’inconduite sexuelle grave.

11. Le procureur doit prendre en compte le point de vue de la victime sur des questions telles que :

  1. le besoin de procéder d'urgence;
  2. les préoccupations liées à la sécurité, notamment sur la question d'éventuelles représailles du suspect ou d'autres personnes;
  3. les préoccupations relatives aux conditions imposées sur le suspect après la libération de la mise sous garde;2
  4. l'accès aux services d'aide aux victimes;
  5. tout traumatisme physique ou mental résultant de l'infraction présumée;
  6. tout traumatisme physique ou mental résultant de la participation dans les procédures judiciaires; et
  7. les besoins de tous les enfants ou autres personnes à charge touchés par l'infraction présumée.

12. Si le procureur détermine que les informations contenues dans le rapport d'enquête ne précisent pas suffisamment la perspective de la victime, comme décrit ci-dessus, le procureur doit faire un suivi avec l'enquêteur et demander des informations complémentaires.

13. Le procureur doit consulter le DAPM approprié avant qu'une décision finale ne soit prise dans tous les cas.

Aide pour les témoignages en cour

14. En cour martiale, les victimes sont parfois obligées à témoigner dans le cadre de la poursuite. Il arrive souvent que ce soit la première rencontre entre la victime et le procureur. Lorsqu’il le peut, le procureur devrait discuter avec la victime avant son témoignage en cour martiale afin de :

  1. lui expliquer les politiques à suivre en matière de poursuite (par exemple, l’implication du DAPM EIIS et de son équipe dans le cas d’infractions d’inconduite sexuelle grave);
  2. lui expliquer le rôle de la poursuite et de l’avocat de la défense dans l’instance;
  3. lui expliquer le rôle du témoin en cour martiale;
  4. évaluer la fiabilité de la victime en tant que témoin;
  5. inciter la victime à témoigner sincèrement de ce qui s’est passé, dire toute la vérité et d’être explicite; et
  6. informer la victime de toute condition de mise en liberté de l’accusé, et déterminer si la victime craint que l’accusé ne respecte pas ces conditions.

15. En règle générale, une victime exige plus que les informations requises par d'autres témoins dans les procédures en cour martiale. Par exemple, une victime d'un crime peut se sentir lésée par les décisions de ne pas poursuivre, ou les décisions de poursuivre quand ils ne sont pas favorables à la poursuite. Le procureur doit tenir la victime informée de manière appropriée tout au long du processus.3 Cela est en outre discuté sous la rubrique «Interroger la victime» dans la politique intitulée « interrogatoire des témoins ».

16. La Loi sur la défense nationale et les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) prévoient plusieurs mesures pouvant être invoquées dans des cas particuliers pour accroître le confort et la sécurité des victimes contraintes à témoigner en cour martiale. Il incombe au procureur d’examiner si l’une de ces mesures est disponible et appropriée pour un cas en particulier, et d’en faire la demande en conséquence. Parmi ces mesures, citons notamment:

  1. l’utilisation d’un écran ou d’une télévision en circuit fermé;4
  2. les services d’une personne pour soutenir le témoin;
  3. l’utilisation d’une preuve par affidavit;5
  4. les délibérations à huis clos;6
  5. une ordonnance de non-publication de renseignements pouvant permettre d’identifier la victime;7
  6. une interdiction de remettre à l’accusé le dossier personnel de la victime; et
  7. une interdiction de présenter des preuves du comportement sexuel antérieur de la victime.

17. Le Code criminel prévoit des mesures supplémentaires pour augmenter le confort et la sécurité de la victime. Sur demande, un juge militaire pourrait utiliser son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 179(1)(d) de la Loi sur la défense nationale pour ordonner :

  1. l'exclusion du public ou d'un témoin hors de la vue du public (l’article 486(1) du Code criminel);
  2. le contre-interrogatoire par un avocat désigné (où l'accusé est non représenté) (l’article 486.3 du Code criminel); et
  3. une ordonnance que le tribunal juge nécessaire pour protéger la sécurité d'un témoin et qui est par ailleurs dans l'intérêt de la bonne administration de la justice (l’article 486.7 du Code criminel).

Participation au processus judiciaire

18. La victime peut participer à l’instance en cour martiale autrement que par un témoignage. Le procureur doit tenir compte des points suivants à l’égard de la victime :

  1. chaque fois qu’un accusé est mis en liberté en attendant la fin de l’instance, le procureur doit prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que la victime est au courant de la mise en liberté, des conditions de celle-ci et de toute modification apportée aux conditions;
  2. si le procureur provoque la conclusion définitive d’une affaire en exerçant son pouvoir discrétionnaire,8 il doit s’assurer que les victimes des infractions présumées soient avisées de la décision et de ses motifs;
  3. si le procureur divulgue à l’avocat de la défense des renseignements sensibles concernant la victime, le procureur doit prendre les mesures nécessaires pour en empêcher une utilisation ou une diffusion inappropriée de ces renseignements;9
  4. le droit de la victime à être informée en temps opportun des discussions concernant le plaidoyer et la sentence;10 et
  5. la participation de la victime aux audiences de détermination de la peine en témoignant en personne ou autrement.

Disponibilité de cet énoncé de directive

19. Cet énoncé de directive est un document public et il est disponible aux membres des FAC ainsi qu'au public.


Notes en bas de page

1 On rappelle au procureur que, dans une instance en cour martiale, il convient de ne pas faire référence au plaignant en tant que victime jusqu'à ce que la cour martiale a rendu un verdict de culpabilité, ce qui conduit à la conclusion logique que le plaignant est une victime du geste ou les gestes allégué(s).

2 Voir les articles 158.2 à 159.9 de la LDN qui traitent des conditions de libération suivant la détention avant le procès.

3 Voir La décision d’intenter des poursuites, Guide du Service des poursuites pénales du Canada, section 2.3

4 Voir ORFC art. 112.33. Voir aussi Code criminel, LRC 1985, c C-46, s.486.2.

5 Voir ORFC art. 112.72.

6 Voir ORFC art. 112.10. Voir aussi l’article 180(2) de la LDN.

7 Voir aussi Code criminel, LRC 1985, c C-46, s.486.31.

8 Voir Directive du DPM 003/00 Révision postérieure à l’accusation.

9 Voir Directive du DPM 006/00 Divulgation de la preuve.

10 Voir Directive du DPM 008/00 Discussions sur le plaidoyer, le procès et le règlement de la sentence.

 

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