Révision postérieure à l'accusation

Directive du DPM
Directive no : 003/00
Date d’émission : 1er mars 2000
Mise à jour : 1er septembre 2018
Renvoi : Interrogatoires des témoins, Infractions d’inconduite sexuelles, Vérification préalable à la mise en accusation

Objet : Révision postérieure à l’accusation

Application de la directive

1. Cette directive s’applique lorsqu’une autorité de renvoi réfère une demande de connaître d’une accusation au directeur des poursuites militaires (DPM), conformément à l’article 109.05 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), et qu’un procureur1 est désigné pour réaliser la révision après le renvoi de cette demande au DPM.

Introduction

2. L’une des plus importantes étapes du processus des poursuites est de décider s’il faut prononcer ou non la mise en accusation. Dans chaque cas, il faut prendre le plus grand soin pour s’assurer de prendre la décision appropriée. Toute décision irréfléchie, ou prise à la hâte, pour ce qui est de prononcer ou non la mise en accusation pourrait miner la confiance envers le système de justice militaire. Il est également important de s’assurer que l’affaire soit entendue dans le système de justice le plus approprié – le système militaire ou civil.

3. L’impartialité et la cohérence sont des objectifs importants du processus des cours martiales. Cependant, l’impartialité n’empêche pas la fermeté de la poursuite et la cohérence ne signifie pas la rigidité dans la prise de décision. Les critères pour exercer le pouvoir discrétionnaire de poursuivre ne peuvent pas être réduits à une formule mathématique et il ne serait pas souhaitable d’essayer de le faire. L’ensemble des facteurs dont il faut tenir compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire démontre clairement le besoin d’appliquer des principes généraux aux cas individuels et d’exercer ainsi un bon jugement.

4. Les cas d’inconduites sexuelles sont parmi les plus sérieux et complexes confiés au Service canadien des poursuites militaires (SCPM). En raison des préjudices personnels et institutionnels qui résultent des inconduites sexuelles au sein des FAC, de la vulnérabilité des victimes et des considérations uniques en matière de preuve; certains procureurs militaires sont amenés à développer une expertise précise dans ce domaine. La révision postérieure à l’accusation pour les cas les plus sérieux d’inconduites sexuelles sera effectuée par des procureurs possédant cette expertise qui sont supervisés par le Directeur adjoint des poursuites militaires (DAPM) - Équipe d’intervention en cas d’inconduites sexuelles (ÉIIS).

Énoncé de directive

5. Lorsqu’il révise le dossier après le renvoi des accusations, le procureur doit effectuer une analyse en deux étapes afin de déterminer s’il doit prononcer ou non la mise en accusation afin que l’affaire soit jugée en cour martiale. Le procureur doit examiner s’il existe une perspective raisonnable de condamnation dans l’éventualité où l’affaire se rendait en cour martiale et déterminer si l’intérêt public requiert de procéder à une poursuite2.

Pratique / procédure

6. Souvent, lorsqu’un procureur doit faire une révision postérieure à l’accusation, le dossier peut être incomplet comparativement au dossier présenté en cour martiale. Même si le procureur a besoin de suffisamment d’information pour faire une analyse appropriée lors de la révision postérieure à l’accusation, il n’a pas toujours besoin d’un dossier complet avant de faire la révision. Pour effectuer une révision postérieure à l’accusation, un procureur n’est pas obligé d’atteindre une norme de perfection. Ces révisions sont conçues pour déterminer de manière efficace et opportune si une affaire peut procéder en cour martiale, et non pour procéder à l’analyse complète de la preuve au niveau exigé pour la préparation du procès. Par conséquent, le procureur doit prendre les décisions nécessaires en toute confiance après le dépôt des accusations en tenant compte des informations disponibles qui ont été fournies par l’enquêteur. Le procureur doit consulter le DAPM approprié lorsque nécessaire.

7. Lorsqu’il reçoit un dossier de l’autorité de renvoi3, le DAPM régional doit effectuer une révision initiale du dossier afin de se familiariser avec la taille et la complexité du dossier avant de l’assigner à un procureur. À ce stade, si le DAPM régional conclut qu’un dossier particulier entraînera une décision de ne pas déposer d’accusations, par souci d’efficacité, il peut remplir les documents nécessaires pour se prononcer sur le dossier sans l’assigner à un procureur.

8. Si le DAPM régional ne se prononce pas immédiatement sur le dossier, il demandera à l’organisme d’enquête approprié la communication de la preuve et désignera un procureur pour effectuer la révision postérieure au dépôt de l’accusation.

9. Cette désignation se fait par écrit et elle est envoyée au procureur responsable de faire cette révision, avec une copie à l’autorité de renvoi, au commandant de l’accusé, au directeur des services d’avocats de la défense (DSAD), à l’assistant du juge-avocat général (AJAG) concerné et au juge-avocat général adjoint/services régionaux (JAGA/Svc rég). Dans la mesure du possible, c’est le procureur qui a fourni l’avis juridique préalable qui est responsable de faire la révision postérieure à l’accusation. Sauf dans des circonstances spéciales, le procureur devrait être de la même région que l’accusé(e).

10. Les DAPM régionaux doivent désigner un procureur à l’étape de la révision postérieure à l’accusation aussi rapidement que possible.

Désignation des dossiers d’inconduites sexuelles

11. Lorsqu’un DAPM régional reçoit un dossier qui contient une allégation d’inconduite sexuelle, il doit décider si l’allégation en est une d’inconduite sexuelle grave. Au besoin, le DAPM régional doit consulter le DAPM de l’Équipe d’intervention en cas d’inconduites sexuelles (ÉIIS) lorsqu’il prend une telle décision.

12. Si le dossier contient une allégation d’inconduite sexuelle grave, le DAPM régional doit désigner un procureur en consultation avec le DAPM ÉIIS.

13. Dans tous les cas d’allégation d’inconduite sexuelle grave, le DAPM régional doit s’assurer que l’autorité finale en matière de poursuite dans le dossier soit conférée au DAPM ÉIIS. Dans tous les autres cas d’inconduite sexuelle, le DAPM régional doit s’assurer que le DAPM ÉIIS est au courant du dossier.

Mesures prises par le procureur

14. Dès la réception de la lettre de désignation envoyée par le DAPM régional, le procureur doit s’assurer qu’il a reçu la pleine communication de la preuve de l’organisme d’enquête applicable.

15. Une fois qu’un procureur s’est assuré qu’il a reçu pleine communication de la preuve, il doit examiner les documents communiqués par l’enquêteur et décider s’il dépose une accusation ou si le dossier doit être renvoyé à un officier ayant la compétence de juger l’accusé par procès sommaire lorsque le procureur est convaincu qu’il ne faut pas procéder par mise en accusation devant la cour martiale.

16. Dans la mesure du possible, le procureur doit préparer les documents à communiquer qui seront envoyés à l’avocat de la défense en même temps que la décision de prononcer ou non la mise en accusation afin que l’avocat de la défense puisse avoir la possibilité d’examiner le dossier avec son client en temps opportun. Lorsque le procureur n’est pas en mesure d’envoyer la communication de la preuve en même temps que la décision de prononcer ou non la mise en accusation, il doit informer son DAPM régional de la raison pour laquelle la communication de la preuve est retardée.

17. Dans tous les cas, l’examen nécessaire des documents de preuve à communiquer sera amorcé immédiatement dès la réception afin de s’assurer que tous les documents pertinents sont fournis à l’accusé aussitôt que possible.

18. Lorsque le procureur détient l’autorité finale en matière de poursuite, sa décision doit être enregistrée à l’aide du formulaire qui figure à l’annexe A (compte rendu de décision). Lorsque le procureur juge qu’il faut une note de service plus détaillée en raison de la complexité et/ou de la gravité des accusations, il doit remplir l’annexe A et joindre la note de service plus détaillée en s’assurant que la note de service est désignée comme protégée en vertu du privilège de la poursuite.

19. Lorsque le procureur ne détient pas l’autorité finale en matière de poursuite, il doit communiquer sa recommandation concernant la décision en matière de poursuite à l’autorité applicable dans le délai imparti. Une fois qu’une décision est prise par l’autorité appropriée, cette personne doit ensuite s’assurer d’enregistrer sa décision dans le formulaire figurant à l’annexe A et que le formulaire rempli est classé dans le dossier de poursuite.

20. Le procureur doit également s’assurer que l’accusé a eu l’occasion de retenir les services d’un avocat, soit par l’entremise du Service d’avocats de la défense ou à ses propres frais. Si cela n’a pas encore été fait, le procureur doit communiquer avec le conseiller juridique de l’unité pour s’assurer que l’on respecte cette exigence.

21. Bien que le procureur soit uniquement obligé de considérer, après le dépôt des accusations, s’il y a une perspective raisonnable de condamnation et si l’intérêt public requiert la tenue d’une cour martiale, celui-ci devrait réviser le dossier et déterminer si des questions pourraient être soulevées au moment des premiers préparatifs du procès, lesquelles pourraient influencer sa révision postérieure à l’accusation. L’annexe B établit les facteurs dont le procureur doit tenir compte et elle sert de guide pour les procureurs tout au long du processus de préparation au procès. Lors de l’examen du dossier, le procureur devrait également considérer la question de la juridiction.

Nouvelle désignation du dossier

22. Lorsqu’un autre procureur doit être désigné, le DAPM régional doit désigner un nouveau procureur par écrit en vue d’informer l’autorité de renvoi, le commandant de l’accusé, le DSAD, l’AJAG concerné, le JAGA/Svc rég et l’administrateur de la cour martiale de la nouvelle désignation.

23. Une fois qu’un nouveau procureur a été désigné, il doit examiner le dossier afin de déterminer s’il existe une possibilité raisonnable de condamnation dans l’éventualité où l’affaire se rendrait en cour martiale et déterminer si l’intérêt public requiert de procéder à une poursuite.

24. Dans tous les cas, le nouveau procureur doit enregistrer sa décision en remplissant le compte rendu de décision qui figure à l’annexe A, peu importe s’il souscrit à la décision du procureur initial.

Juridiction

25. Le procureur peut, avant ou après que des accusations soient portées, communiquer directement avec les autorités civiles de juridiction concurrente pour déterminer si la poursuite devrait se dérouler dans le système de justice militaire ou civil. Avant toute communication de ce genre, le procureur doit consulter le DAPM approprié.

26. La désignation de la partie poursuivante se fonde sur un examen consciencieux des facteurs pertinents, notamment :

  1. l’intérêt militaire présenté par l’affaire, qui est déterminé en fonction de l’endroit où l’infraction présumée s’est produite ou de la question de savoir si l’accusé était en fonction à ce moment;
  2. l’intérêt de la collectivité civile dans l’affaire;
  3. la perspective de la victime4;
  4. la question de savoir si l’accusé, le plaignant ou les deux sont membres des FC;
  5. la question de savoir si l’affaire a fait l’objet d’une enquête militaire ou civile;
  6. l’opinion de l’organisme d’enquête;
  7. des questions d’ordre géographique, comme l’endroit où se trouvent les témoins requis;
  8. des questions d’ordre interjuridictionnel, par exemple si l’infraction présumée a été commise à l’étranger;
  9. les conséquences d’une condamnation; et
  10. l’opinion du commandant, telle qu’énoncée par le conseiller juridique de l’unité, en ce qui concerne l’intérêt de l’unité en matière de discipline.

27. Lorsque le consensus n’a pas été atteint par la consultation entre le procureur, les autorités civiles et le conseiller juridique de l’unité, le procureur doit engager le DAPM approprié. Le DAPM poursuivra le processus de consultation pour résoudre la question.

La perspective de la victime au sujet de la juridiction

28. En fournissant des conseils juridiques au sujet de si des accusations devraient être portées ou non, il est important pour le procureur de prendre en compte la perspective de la victime de l’infraction présumée, en particulier dans les cas où l’infraction présumée implique la violation de l’intégrité personnelle de la victime (par exemple physique, sexuelle, émotionnelle). Certaines préoccupations exprimées par la victime peuvent être mieux traitées en procédant dans le système de justice militaire, mais d’autres peuvent être mieux traitées en demandant les autorités civiles à exercer leur juridiction.

29. Le procureur doit prendre en compte le point de vue de la victime sur des questions telles que :

  1. besoin de procéder d’urgence;
  2. préoccupations liées à la sécurité et au sujet d’éventuelles représailles du suspect ou d’autres;
  3. préoccupations relatives aux conditions imposées sur le suspect après la libération de la garde à vue5;
  4. l’accès aux services d’aide aux victimes;
  5. tout traumatisme physique ou mental résultant de l’infraction présumée;
  6. tout traumatisme physique ou mental résultant de la participation dans les procédures judiciaires; et
  7. les besoins de tous les enfants ou autres personnes à charge touchés par l’infraction présumée.

30. Si le procureur détermine que les informations contenues dans le rapport d’enquête ne précisent pas suffisamment la perspective de la victime, comme décrit ci-dessus, le procureur fera un suivi auprès de l’enquêteur et demandera des informations complémentaires.

31. Le procureur doit consulter le DAPM approprié avant qu’une décision finale ne soit prise dans tous les cas.

32. Une fois que la question de juridiction est décidée, le procureur doit encourager l’enquêteur à informer la victime de la décision et le raisonnement associé.

Perspective raisonnable de condamnation

33. Le critère préliminaire de la « perspective raisonnable de condamnation » est objectif. Cette norme est supérieure à celle dite « prima facie » qui exige simplement qu’il existe des preuves selon lesquelles un jury raisonnable, ayant reçu des directives appropriées, pourrait condamner. D’autre part, la norme ne nécessite pas une « probabilité de condamnation », c’est-à-dire que l’on en vient à la conclusion qu’une condamnation est plus probable qu’improbable6.

34. Une poursuite ne tient sur le plan juridique que s’il y a une preuve à l’appui de l’accusation voulant qu’une personne soumise au Code de discipline militaire ait commis une infraction d’ordre militaire. Au moment d’examiner la preuve, il est nécessaire, mais pas suffisant de croire actuellement et raisonnablement que l’infraction a été commise. La preuve doit être évaluée afin de déterminer quelle sera la force de la cause au moment où elle sera présentée en cour martiale et cette évaluation doit se faire en présumant que le juge des faits agira avec impartialité et selon la loi. Il faut donc examiner adéquatement s’il existe des éléments de preuve relatifs à tous les éléments de l’infraction présumée et cela peut comprendre la pertinence et l’admissibilité de la preuve impliquant l’accusé ainsi que la compétence et la crédibilité objective des témoins7.

35. Le procureur est obligé de tenir compte de toutes les défenses qui sont manifestement ouvertes, ou qui ont été révélées par l’accusé, et de tous les autres facteurs qui pourraient affecter la perspective raisonnable d’une condamnation, par exemple l’existence d’une violation possible de la Charte qui pourrait mener à l’exclusion de la preuve.

36. Le rôle du procureur, lorsqu’il détermine la perspective raisonnable de condamnation, est de nature quasi judiciaire. L’examen de la preuve exige une évaluation juste de toutes les circonstances de la cause. Les procureurs doivent se méfier d’une perception ou d’un point de vue de la cause qu’ils adoptent simplement à partir du point de vue ou de l’enthousiasme des autres. Au fur et à mesure qu’une cause progresse et change au cours du processus de poursuite, le procureur doit se tenir sur ses gardes et maintenir l’indépendance et l’intégrité requises pour réexaminer équitablement la cause au fur et à mesure qu’elle évolue.

37. En plus de la tâche de procéder à la poursuite vigoureusement et fermement, le procureur doit s’assurer que chaque poursuite est conduite avec impartialité. Un procureur n’est pas obligé de croire sans réserve ce que les témoins éventuels de la poursuite lui ont dit. Pour ce qui est de l’impartialité, toute réserve concernant la preuve doit faire l’objet d’une enquête et être traitée de façon à appuyer la détermination de la perspective raisonnable de condamnation.

Critères d’intérêt public

38. Lorsqu’il juge qu’il y a une perspective raisonnable de condamnation justifiant que l’on continue la poursuite, le procureur doit alors considérer si, à la lumière des faits prouvables et des circonstances connexes, l’intérêt public8 exige de procéder à la mise en accusation. Toutes les infractions pour lesquelles la preuve semble suffisante pour justifier une poursuite ne requièrent pas nécessairement une poursuite.

39. Les facteurs dont on peut validement tenir compte au moment de décider si l’intérêt public requiert qu’une poursuite soit tenue varient d’une cause à l’autre. En règle générale, plus l’infraction est sérieuse, plus il est possible que l’intérêt public commande que la mise en accusation soit prononcée. Les ressources disponibles pour la conduite des poursuites ne doivent pas être utilisées de manière inappropriée. Cependant, les coûts liés à la tenue d’une cour martiale ne sont jamais un facteur déterminant lorsque l’on décide de poursuivre ou non.

40 Les facteurs d’intérêt public découlant des faits particuliers d’une affaire comprennent notamment :

  1. l’effet sur le maintien du bon ordre et de la discipline dans les FAC, y compris les répercussions possibles, s’il y en a, sur les opérations militaires9;
  2. la gravité ou la trivialité de l’infraction présumée;
  3. la perspective de la victime et toutes les répercussions évidentes que la décision de prononcer la mise en accusation pourrait avoir sur elle;
  4. les circonstances atténuantes ou aggravantes substantielles;
  5. les antécédents personnels et les circonstances personnelles extraordinaires de l’accusé;
  6. le degré de caducité de l’infraction présumée;
  7. le niveau de responsabilité présumée de l’accusé concernant l’infraction;
  8. l’effet probable sur la confiance du public dans la discipline militaire ou l’administration de la justice militaire;
  9. si le prononcé d’une mise en accusation était perçu comme contre-productif, par exemple, en jetant le discrédit sur l’administration de la justice;
  10. la disponibilité et la pertinence des alternatives à prononcer une mise en accusation;
  11. la prévalence de l’infraction présumée dans l’unité ou la communauté militaire en général et le besoin d’une dissuasion générale et spécifique;
  12. si les conséquences d’aller de l’avant avec une accusation étaient disproportionnellement sévères ou oppressantes, particulièrement en considérant le traitement des autres personnes impliquées dans l’infraction ou dans des affaires similaires; et
  13. si l’infraction présumée est une préoccupation d’importance pour le public.

41. L’application des facteurs établis ci-dessus, d’autres facteurs pertinents et le poids à accorder à chacun dépendent des circonstances de chaque affaire.

42. Lorsque l’autorité de renvoi fait une demande au DPM de connaître d’une accusation, il exprime habituellement ce qu’il pense de l’intérêt public en se basant sur les renseignements fournis par le commandant de l’accusé. Le commandant de l’accusé est habituellement dans la meilleure position pour déterminer comment les intérêts de l’unité en matière de discipline seront le mieux servis et l’autorité de renvoi est habituellement dans la meilleure position pour déterminer les intérêts plus généraux de son commandement. Si l’accusé et la victime n’ont pas le même commandant, le commandant de la victime devrait aussi être consulté.

43. Même si le procureur doit tenir compte du point de vue des autorités militaires et de la victime, c’est lui qui prend la décision finale de procéder à la mise en accusation. Dans le contexte du bon exercice du pouvoir discrétionnaire de poursuivre, un procureur peut juger nécessaire de se prononcer sur une ou des accusations d’une façon qui ne correspond pas au point de vue des autorités militaires, conformément aux articles 109.03(2)(c) ou 109.05(1) des ORFC.

44. Les facteurs dont il ne faut pas tenir compte au moment de décider si l’on doit procéder à la mise en accusation comprennent ce qui suit :

  1. le grade de l’accusé;
  2. tout raisonnement, qui constitue un motif défendu de discrimination selon l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
  3. les sentiments personnels du procureur par rapport à l’accusé ou la victime;
  4. l’avantage politique possible or perçu pour les FAC, le ministère de la Défense nationale, le gouvernement ou tout groupe ou parti politique;
  5. les effets possibles de la décision sur les circonstances personnelles ou professionnelles de ceux qui sont responsables de l’enquête ou de tout autre membre des FAC ou du ministère de la Défense nationale.

La disposition finale par le procureur10

45. Selon la Loi sur la Défense nationale, le DPM est responsable de procéder aux mises en accusation et de conduire toutes les poursuites en cour martiale. Même si le DPM, les DAPM régionaux et le DAPM ÉIIS conservent l’autorité pour exercer le pouvoir discrétionnaire de poursuivre lors de la prise de décision dans certaines affaires, le procureur est responsable de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire dans la majorité des cas.

46. Le DPM conserve l’autorité finale relativement aux affaires suivantes :

  1. le meurtre, l’homicide involontaire ou tout autre accident mortel;
  2. les infractions de nature opérationnelles qui ont des répercussions sur d’autres que les membres des FAC;
  3. une infraction en vertu des articles 280 à 283 du Code criminel; et
  4. une affaire sérieuse ou délicate qui a une importance stratégique ou nationale.

47. Sauf autrement prévu dans la présente directive, le DAPM régional prend la décision finale dans les causes qui comportent :

  1. des infractions en vertu d’une loi du Parlement pour lesquelles la personne accusée peut être sujette à l’emprisonnement à vie, sauf pour ce qui est des accusations selon les articles 83, 88 et 98 de la Loi sur la Défense nationale;
  2. des infractions qui exigent le consentement du procureur général avant d’amorcer les procédures;
  3. des infractions où il y a une peine minimum selon le Code criminel; et
  4. la torture.

48. Le DAPM ÉIIS agit comme autorité finale dans les affaires impliquant des allégations d’inconduite sexuelle grave.

49. Sauf lorsque le DAPM régional délègue cette autorité au procureur, le DAPM régional prend la décision finale dans les affaires suivantes :

  1. les infractions relatives aux armes;
  2. les infractions comportant une entrave à la justice;
  3. les infractions de nature opérationnelle;
  4. les infractions selon la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, autres que la simple possession; et
  5. la fraude ou le vol pour un montant de plus de 5 000 $.

50. Lorsque le procureur n’a pas le pouvoir de prendre la décision finale dans une affaire, il doit fournir une recommandation écrite à cet égard et il doit la soumettre au DAPM approprié ou au DPM.

Mise en accusation/décision de ne pas prononcer la mise en accusation

51. Lorsque le procureur prononce la mise en accusation dans une affaire, il doit informer de sa décision : l’autorité de renvoi, le commandant de l’accusé, l’enquêteur, le DSAD, l’AJAG concerné, le JAGA/Svcs rég, le juge-avocat général (JAG), par l’entremise de la Direction juridique de la justice militaire - Opérations (DJ/JM Ops), ainsi que le DAPM régional et, si nécessaire, le DAPM ÉIIS dans les affaires comportant des allégations d’inconduite sexuelle grave.

52. Lorsque le procureur détermine qu’il n’y a pas de perspective raisonnable de condamnation ou qu’il n’est pas dans l’intérêt public de prononcer la mise en accusation, le procureur doit informer de sa décision : l’accusé, l’avocat de l’accusé, l’autorité de renvoi, le commandant de l’accusé, le DSAD, l’AJAG concerné, le JAGA/Svc rég, le juge-avocat général, par l’entremise de la DJ/JM Ops, ainsi que le DAPM régional ou, si nécessaire, le DAPM ÉIIS dans les affaires comportant des allégations d’inconduite sexuelle grave11.

53. Dans l’intérêt d’une communication proactive avec l’enquêteur, les procureurs doivent faire un suivi auprès de l’enquêteur après qu’une décision quant à la révision postérieure au dépôt de l’accusation a été prise afin de s’assurer que l’enquêteur est au courant de la décision et de discuter des prochaines étapes, le cas échéant.

54. Dans les cas où l’infraction présumée implique la violation de l’intégrité personnelle de la victime (par exemple physique, sexuelle, émotionnelle), le procureur doit s’assurer que la victime est informée de la décision de ne pas poursuivre ainsi que des raisons de cette décision. Par exemple, une victime d’un crime peut se sentir lésée par la décision de ne pas poursuivre, ou la décision de poursuivre quand elle n’est pas favorable à la poursuite. Le procureur doit tenir la victime informée de la décision de manière appropriée12.

55. Avant de prendre une décision de ne pas prononcer de mise en accusation, le procureur doit premièrement informer l’AJAG/juge-avocat adjoint (JAA) concerné de son intention. Cela offre l’occasion à l’AJAG/JAA d’informer le procureur de toutes les autres questions dont il faut tenir compte avant de décider ne pas prononcer la mise en accusation, mais cela sert aussi à tenir l’AJAG/JAA au courant de sa décision. Il faut souligner que toute décision de ne pas prononcer la mise en accusation relève du pouvoir discrétionnaire de poursuivre dévolu au procureur.

Délais

56. Même si le temps requis pour réaliser la révision postérieure au dépôt de l’accusation dépend de la nature et de la complexité de la cause, lorsqu’un DAPM régional désigne un procureur aux fins d’une révision postérieure au dépôt de l’accusation, il doit déterminer une période raisonnable à l’intérieur de laquelle le procureur doit achever la révision en tenant compte des facteurs suivants :

  1. la taille et la complexité du dossier;
  2. la charge de travail et l’expérience du procureur; et
  3. tout autre facteur que le DAPM régional juge être raisonnable.

57. Si le procureur a besoin d’une prorogation du délai imparti pour achever la révision postérieure au dépôt de l’accusation il doit demander l’approbation du DAPM régional et lui fournir une estimation raisonnable du temps qui sera requis pour achever la révision ainsi qu’une brève explication de la raison pour laquelle il a besoin de temps additionnel.

58. Lorsque le DAPM régional approuve une prorogation du délai pour achever une révision postérieure au dépôt de l’accusation, le DAPM régional doit s’assurer que l’approbation est fournie par écrit et qu’elle contient une explication de la raison pour laquelle la prorogation a été accordée. Cette approbation doit être classée dans le dossier de poursuite.

59. Dans les cas où le procureur ne détient pas l’autorité finale en matière de poursuite, la personne qui détient cette autorité examinera la recommandation du procureur et rendra sa décision aussitôt que possible après que la recommandation du procureur lui a été communiquée. Le temps dont la personne qui détient l’autorité finale en matière de poursuite a besoin pour examiner la recommandation ne comptera pas dans le délai accordé au procureur pour examiner le dossier, tel que cela est décrit au paragraphe 5.

Enquête supplémentaire

60. Dans les cas où les éléments de preuve ne permettent pas de tirer une conclusion selon laquelle il existe une perspective raisonnable de condamnation ou que l’intérêt public requiert de procéder à une poursuite et que le procureur est convaincu que la poursuite de l’enquête permettrait d’obtenir des éléments de preuve suffisants, le procureur doit demander, par écrit, que l’enquêteur poursuive l’enquête afin de fournir au procureur des renseignements suffisants pour lui permettre de prendre une telle décision.

61. Si la demande d’une enquête supplémentaire est présentée à un enquêteur du SNEFC, le procureur doit en faire la demande auprès de l’officier qui commande le détachement et il doit en acheminer une copie à l’enquêteur.

62. Si la demande d’une enquête supplémentaire est présentée à un enquêteur de la police militaire, le procureur doit en faire la demande auprès de l’officier qui commande le détachement et il doit en acheminer une copie à l’enquêteur et au conseiller juridique de l’unité.

63. Lorsque la demande d’une enquête supplémentaire est présentée à un enquêteur d’une unité, le procureur doit en faire la demande auprès de l’officier qui commande l’unité et il doit en acheminer une copie à l’enquêteur et au conseiller juridique de l’unité.

64. La demande d’une enquête supplémentaire présentée par le procureur doit contenir assez de renseignements pour établir la nature de l’information demandée afin que l’enquêteur puisse comprendre ce qui est demandé.

65. La détermination d’un délai raisonnable en ce qui concerne une telle enquête doit être faite en consultation avec l’enquêteur.

66. Lorsqu’un procureur a présenté une demande d’enquête supplémentaire, il doit informer, par écrit, l’autorité de renvoi, le commandant de l’accusé, l’AJAG/JAA concerné et le DAPM régional et, si nécessaire, le DAPM ÉIIS, qu’une enquête supplémentaire a été demandée et qu’une date limite précise a été convenue pour exécuter une telle demande.

67. Avant la date limite fixée pour fournir l’information découlant de l’enquête supplémentaire, les procureurs devraient communiquer de manière proactive avec l’enquêteur afin de s’assurer que le délai accordé pour l’enquête supplémentaire sera respecté.

68. Dans les cas où il est peu probable que le délai accordé pour une enquête supplémentaire sera respecté ou qu’il n’est pas respecté, le procureur doit en informer son DAPM régional, dans les plus brefs délais, afin d’obtenir d’autres directives.

69. Les procureurs doivent s’assurer que toutes les demandes d’enquête supplémentaire sont enregistrées convenablement dans le dossier de poursuite afin de s’assurer que le temps nécessaire pour réaliser l’enquête supplémentaire ne compte pas dans les délais établis ci-dessus pour déterminer s’il existe une perspective raisonnable de condamnation ou si l’intérêt public requiert de procéder à une poursuite.

Procureurs intégrés

70. Habituellement, les procureurs intégrés13 ne réalisent pas de révision postérieure à l’accusation et ils n’agissent pas comme procureurs principaux lors de cours martiales. Cependant, cela n’empêche pas un procureur de demander à un procureur intégré de l’aider au cours de la révision postérieure à l’accusation ou lors du procès.

Disponibilité de cet énoncé de directive

71. Cet énoncé de directive est un document public et il est disponible aux membres des FAC ainsi qu’au public.


Notes en bas de page

1 Dans la présente politique, le renvoi aux termes « procureur » ou aux « procureurs » désigne les officiers qui ont été nommés en vue d’aider et de représenter le directeur des poursuites militaires (DPM) dans l’exercice des pouvoirs conférés au DPM par les articles 165.11 à 165.14 de la Loi sur la défense nationale et sous réserve de toute limitation, tel que cela est indiqué dans le Guide des directives du Service canadien des poursuites militaires.

2 Cette politique est conforme aux politiques appliquées par les procureurs généraux du Canada et par les organismes chargés des poursuites dans les pays du Commonwealth. La force de ce consensus a été reconnue par le Comité Martin en Ontario qui a fait la déclaration suivante : « Il est un principe fondamental de l’administration de la justice dans ce pays selon lequel il doit exister non seulement suffisamment de preuves de la perpétration d’une infraction criminelle par une personne avant d’intenter ou de continuer les poursuites, mais la poursuite doit également avoir un intérêt public. »

3 Tel que défini dans l’article 109.02 des ORFC.

4 Toute personne affectée directement par la conduite alléguée qui constitue une ou plusieurs infractions. On rappelle au procureur que, dans une instance en cour martiale, il convient de ne pas faire référence au plaignant en tant que victime jusqu’à ce que la cour martiale ait rendu un verdict de culpabilité, ce qui conduit à la conclusion logique que le plaignant est une victime du geste ou des gestes allégué(s).

5 Voir les articles 158.2 à 159.9 de la LDN qui portent sur les conditions de libération suivant la détention préventive.

6 Province d’Ontario, ministère du procureur général, manuel des politiques de la Couronne, 21 mars 2005.

7 Le juge des faits est mieux placé pour évaluer plus adéquatement le comportement ou d’autres caractéristiques subjectives des témoins. Cependant, dans certains cas, la distinction entre la crédibilité objective et la crédibilité subjective des témoins peut être floue. À titre d’exemple, un procureur peut déterminer qu’un témoin clé, selon sa conduite ou son comportement, pourrait avoir très peu ou aucune crédibilité devant le juge des faits. Une telle évaluation subjective peut être tellement évidente qu’elle se présente comme un facteur objectif dont un procureur peut tenir compte lorsqu’il détermine s’il y a une perspective raisonnable de condamnation.

8 Qui comprend l’intérêt des FAC comme principal facteur.

9 R c Moriarity, [2015] 3 R.C.S. 485 : « En effet, l’objectif consistant à maintenir la “discipline, l’efficacité et le moral” est rationnellement lié au traitement des comportements criminels auxquels se livrent des militaires, même en dehors d’un contexte militaire. » (paragraphe 51) et « Même commis dans des circonstances non directement liées à des fonctions militaires, un comportement criminel ou frauduleux peut avoir une incidence sur les normes applicables au titre de la discipline, de l’efficacité et du moral des troupes. » (paragraphe 52).

10 La disposition finale d’une cause grâce à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de poursuivre fait référence à la mise en accusation y compris la décision de porter ou non une accusation, la décision de retirer une accusation, la décision de conclure une entente ayant force obligatoire quant au prononcé de la sentence et la décision d’acquiescer à un mode particulier de procès à la demande de l’accusé.

11 Voir l’article 110.04(3) des ORFC.

12 Voir La décision d’intenter des poursuites, Guide du Service des poursuites pénales du Canada, section 2.3.

13 Abordé plus en détail dans la Directive du DPM 001/00 : Relation avec le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC), paragraphes 15 et 16.

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