Chapitre 10 : Sujets divers - Defence Counsel Services Manual

L'ARRESTATION, LA DÉTENTION ET LA LIBÉRATION D'UNE PERSONNE SOUS GARDE1

La LDN exige qu'une personne effectuant une arrestation, ou ayant la garde d'une personne en détention préventive, justifie la détention continue d'une telle personne. Dès que les circonstances le permettent, quiconque a été mis en état d'arrestation doit être libéré, sauf si la personne qui a procédé à l'arrestation a des motifs raisonnables de croire que cela est contre-indiqué et que la détention est nécessaire2. La personne déterminant ceci doit considérer toutes les circonstances de la situation, notamment3 :

La personne qui confie la garde de la personne arrêtée à une autorité désignée doit lui remettre à cette occasion un exposé écrit4 et signé, motivant le placement en détention. Une copie de cet exposé devra être remise à la personne détenue5. À son tour, celle qui a reçu la garde du détenu, doit, dans les 24 heures suivant l'arrestation, remettre à l'officier réviseur6 un rapport de détention7. Ce rapport de détention sera accompagné de l'exposé écrit et de toutes observations faites par la personne détenue ou en son nom8. L'officier concerné doit réviser tous ces documents dans les plus brefs délais, mais pas plus tard que 48 heures suivant l'arrestation9 et ordonner la remise en liberté de la personne arrêtée, sauf s'il croit, pour des motifs raisonnables que

cela est contre-indiqué dans les circonstances, notamment pour les raisons énoncées au paragraphe 158(1) [de la LDN]1 10.

L'officier réviseur peut ordonner la libération, pourvu que la personne détenue signe un engagement11 en vertu duquel elle s'engage à respecter l'une ou l'autre des conditions suivantes qu'il précise12 :

Cette ordonnance de libération conditionnelle peut être modifiée par l'une des autorités suivantes13 :

Après avoir donné au représentant des FC et à la personne libérée l'occasion de présenter leurs observations, l'officier effectuant la révision peut alors rendre toute ordonnance14 assortie d'une ou plusieurs des conditions énoncées aux paragraphes 158.6(1)(a) à (e) de la LDN.

Si l'officier réviseur ne remet pas le détenu en liberté, il devra le faire conduire dans les plus brefs délais devant un juge militaire pour une audition visant à déterminer s'il doit être maintenue sous garde15. Dans ce cas, ce dernier a le droit d'être représenté par un avocat du DSAD16. L'officier réviseur doit s'enquérir auprès du détenu de ses intentions quant à sa représentation après l'avoir informé des options disponibles17.

Généralement le Directeur des poursuites militaires (DPM) représentera les FC au cours d'une telle audition, autrement, c'est l'officier réviseur qui désignera un représentant des FC18. Si la personne sous garde n'est pas accusée d'une infraction désignée, le fardeau de persuader le juge que le maintien sous garde est justifié revient au représentant des FC, par la prépondérance des probabilités. Toutefois, si le détenu est accusé d'une infraction désignée, c'est à lui qu'il appartiendra de démontrer que sa détention n'est pas nécessaire, aussi, par la prépondérance des probabilités.

La procédure19 suivie est la même que lors de toute autre audition présidée par un juge militaire.

Une fois l'audition terminée, si le juge militaire a ordonné la mise en liberté, la personne libérée retourne à son unité. Cependant, cette libération peut être assortie de conditions20. L'une ou l'autre des parties peut interjeter appel de cette décision à la Cour d'appel des cours martiales21.

INAPTITUDE D'UN ACCUSÉ À SUBIR SON PROCÈS22

L'expression « inapte à subir son procès » signifie :

Incapacité de l'accusé en raison de troubles mentaux d'assumer sa défense, ou de donner des instructions à un avocat à cet effet, à toute étape du procès devant une cour martiale avant le prononcé du verdict, et plus particulièrement incapacité de :
a) comprendre la nature ou l'objet des poursuites;
b) comprendre les conséquences éventuelles des poursuites; ou
c) communiquer avec son avocat 23.

Au paragraphe précédent, le terme « troubles mentaux » signifie « toute maladie mentale »24. Il comprend aussi toute pathologie ou toute condition ou état anormal, qui prive un individu de sa lucidité et perturbe le cours normal de ses agissements. Il n'inclut pas une condition causée volontairement par l'alcool ou une drogue ni celles de nature temporaire, telles l'hystérie ou la commotion cérébrale.

Lorsque la question de l'aptitude de l'accusé à subir son procès est soulevée au cours d'un procès sommaire, l'officier qui y préside doit, parce qu'il n'a plus juridiction pour procéder25, référer l'affaire à une cour martiale qui devra trancher la question26. Un accusé est présumé apte à subir son procès, à moins que le contraire ne soit démontré à la cour par prépondérance des probabilités27.

Lors de la détermination d'une telle question, l'accusé a le droit d'être représenté par un avocat du DSAD28. Cette question peut être soulevée :

Toutefois, la partie qui prétend que l'accusé est inapte à subir son procès a la charge de le prouver32. La cour martiale peut, d'office, ou à la demande de l'une ou de l'autre partie33, ordonner l'évaluation mentale34 de l'accusé35.

Si la question d'inaptitude se soulève par voie de fin de non recevoir ou autrement comme requête préliminaire, la procédure suivie est celle prescrite à l'article 112.05(5)(b), (c), (d) ou (e). Autrement, l'on procédera à un voir dire36 au cours duquel la partie qui la soulève, suivie de l'autre peut :

Une cour martiale qui juge un accusé inapte à subir son procès doit annuler les plaidoyers qui ont été enregistrés, s'il y a lieu, et tenir une audition visant à rendre une décision à l'égard de l'accusé37. Un juge militaire38 préside l'audience qui est tenue de la façon « aussi informelle que possible, compte tenu des circonstances »39. Malgré cela, les deux parties peuvent présenter des éléments de preuve, faire des observations orales ou écrites, citer des témoins et contre-interroger ceux de la partie adverse40. La décision41 qui s'ensuivra devrait être « la moins sévère et la moins privative de liberté »42, parmi celles qui suivent :

L'ordonnance rendue ne pourra cependant pas prévoir que l'accusé subisse un traitement quelconque, notamment un traitement psychiatrique à moins qu'il n'y consente44.

Par la suite, la commission d'examen45 de la province ou du territoire où s'est déroulée la cour martiale, devra tenir à son tour une audition afin d'examiner la décision rendue précédemment, ou d'en émettre une nouvelle46. Si la cour martiale a eu lieu à l'extérieur du Canada, la commission d'examen avec laquelle le ministre de la Défense nationale a pris des dispositions pour l'intérêt et le bien-être de l'accusé, révisera l'ordonnance47.

LA PREUVE PRIMA FACIE48

Au plus tard deux ans après qu'un accusé eut été trouvé inapte à subir son procès et, par la suite à tous les deux ans, une cour martiale doit tenir

...une audition et [déterminer] s'il existe toujours suffisamment d'éléments de preuve admissibles pour ordonner que l'accusé subisse son procès... 49.

Là aussi, l'accusé aura droit d'être représenté par un avocat du DSAD50. Encore là, la procédure51 est similaire à celles en place pour les auditions de même nature discutées plus haut.

La cour martiale doit déclarer l'accusé non coupable si elle est d'avis qu'il n'existe pas suffisamment d'éléments de preuve admissibles pour que celui-ci subisse son procès52.


Notes en bas de page

1 Voir les art. 105.12 à 105.30 des ORFC relativement aux actes susceptibles de justifier une arrestation, la détention et sa révision.

2 L'art. 158(1)(a) à (f) de la LDN.

3 L'art. 158(1)(a) à (f) de la LDN.

4 Voir le formulaire de l'exposé écrit à l'art. 105.16(3) des ORFC.

5 L'art. 105.16(2) des ORFC.

6 L'art. 153 de la LDN définit « officier réviseur » comme étant le commandant ou un officier qu'il désigne.

7 L'art. 158.1(1) de la LDN.

8 L'art. 158.1(5) de la LDN.

9 L'art. 158.2(1) de la LDN.

10 L'art. 158.2(2) de la LDN. Cependant, l'art 158.4 de la LDN exige que la personne arrêtée soit maintenue sous garde si elle est accusée d'avoir commis « une infraction désignée » telle que définie à l'art. 153 de la LDN (les infractions citées à l'art. 469 du code criminel, aux art. 5(3), 6(3) et 7(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou tout acte de complot visant à commettre ces infractions, les infractions comportant comme peine minimale l'emprisonnement à perpétuité, les infractions qui sont présumées avoir été commises alors que la personne était en liberté après avoir été libérée relativement à une autre infraction passible d'une peine supérieure à l'emprisonnement de moins de deux ans et les actes de gangstérisme).

11 L'art. 158.6(1) de la LDN.

12 L'art. 158.6(1)(a)–(e). La forme de l'engagement est présentée au para. (2).

13 L'art. 158.6(2) de la LDN.

14 L'art. 158.6(3) de la LDN.

15 L'art. 159(1) de la LDN.

16 Les art. 101.20(2)(e) et 105.26(2) des ORFC.

17 Les art. 105.26(2) à (5) des ORFC.

18 L'art. 105.27(1) des ORFC.

19 La procédure à cette audition est décrite à l'art. 105.27 des ORFC. Voir aussi l'art. 105.29.

20 L'art. 159.4(1) de la LDN. Voir la « Formule relative à une ordonnance et promesse » à l'art. 105.28 des ORFC.

21 L'art. 159.9(1) de la LDN.

22 Les art. 119.03 à 119.19 des ORFC.

23 L'art. 119.02 des ORFC.

24 Ibid.

25 Les art. 163(1)(e) et 164(1)(e) de la LDN et l'art. 108.16(1)(a)(iv) des ORFC.

26 Lors d'une cour martiale générale ou disciplinaire, ce sont les membres du comité qui déterminent si un accusé est apte à subir son procès.

27 L'art. 198(1) de la LDN.

28 Les art. 101.20(2)(b) et 119.07 des ORFC.

29 Les art. 112.05(5)(b) et (e) des ORFC.

30 L'art. 112.24(1)(e) des ORFC.

31 L'art. 198(2) de la LDN.

32 L'art. 198(3) de la LDN.

33 L'art. 119.05(2) des ORFC.

34 Voir les art. 119.53 à 119.59 des ORFC relativement au contenu de l'ordonnance et des rapports d'évaluation.

35 L'art. 198(4) des ORFC.

36 L'art. 119.10(1) des ORFC.

37 L'art. 200(2) de la LDN. Voir les art. 119.44 à 119.52 des ORFC relativement aux règles de procédure à l'audition en vue de déterminer la décision à l'égard de l'accusé.

38 L'art. 119.44(2) des ORFC.

39 L'art. 119.44(3) des ORFC.

40 L'art. 119.44(9) des ORFC.

41 Les art. 119.12 à 119.19 des ORFC relativement aux règles concernant les mesures concernées.

42 L'art. 201(1) de la LDN.

43 L'art. 201(1)(a) et (b) de la LDN.

44 L'art 201(2) de la LDN.

45 L'art. 197 de la LDN définit la commission d'examen comme « la commission d'examen constituée ou désignée pour une province en vertu du paragraphe 672.38(1) du Code criminel ». En vertu de l'art. 35 de la Loi d'interprétation, le terme « province » comprend « territoire ».

46 L'art. 202.25 de la LDN.

47 Ibid.

48 Les art. 119.23 à 119. 31 des ORFC.

49 L'art. 202.12(1) des ORFC. Une cour martiale permanente pour dirige l'audition à l'égard des militaires, alors que les civiles relèvent de la cour martiale générale spéciale.

50 L'art. 101.20(3)(c) des ORFC.

51 L'art. 119.29 des ORFC.

52 L'art. 202.12(2) de la LDN.

Détails de la page

Date de modification :