Introduction et La loi de la prérogative de la Couronne

1. Introduction

La prérogative de la Couronne est une source de pouvoirs et de privilèges exécutifs. Elle constitue une partie intégrante de la Constitution du Canada et occupe une place de choix au sein du système de gouvernement responsable canadien. La prérogative de la Couronne joue un rôle vital dans le système gouvernemental du Canada, conférant à l'autorité exécutive le pouvoir d'accomplir d'importants mandats en vue des intérêts politiques canadiens. Les pouvoirs et privilèges de la prérogative de la Couronne accorde au gouvernement la flexibilité nécessaire pour réagir rapidement face à des situations complexes. Le présent document a pour objet de présenter la loi de la prérogative de la Couronne dans le champ d'application relatif aux activités du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes (FC). Il traite de deux sujets distincts qui sont toutefois étroitement reliés. D'abord, le document décrit, de façon générale, la loi canadienne de la prérogative de la Couronne. Afin de bien servir l'objectif de ce document, il sera majoritairement question de la prérogative de la Couronne au niveau fédéral plutôt que provincial. Les exemples choisis pour illustrer les différents points sont autant que possible tirés de contextes militaires. En second lieu, il sera question de l'application de la loi générale de la prérogative de la Couronne par rapport aux déploiements des FC dans le cadre d'opérations militaires à l'extérieur du Canada.

2. La loi de la prérogative de la Couronne

2.1 Prérogative de la Couronne : « Les pouvoirs et privilèges accordés à la Couronne par la common law »

Il n'existe pas de définition précise et normalisée du terme « prérogative de la Couronne »1. Dans l'arrêt Black v. Chrétien et al.,2 la Cour d'appel de l'Ontario a retenu la définition suivante, émise par le professeur Peter Hogg :

les pouvoirs et privilèges accordés à la Couronne par la common law3.

C'est cette définition de la prérogative de la Couronne qui sera utilisée dans le présent document.

Voici une autre définition communément utilisée de ce même terme, rédigée par le professeur Dicey :

le résidu des pouvoirs arbitraires et discrétionnaires qui sont légalement exercés par la Couronne.4

Outre la définition du professeur Hogg notée plus haut, la Cour, lors de l'affaire Black5, a également retenu la définition du professeur Dicey.6Les universitaires ont toutefois critiqué cette dernière à cause de sens trop étroit : bien que la définition rende bien l'idée d'autorité de la Couronne sur les autres entités, elle ne fait aucunement mention des privilèges et immunités dont elle seule bénéficie grâce à cette autorité.7

À la lumière de ces arguments, il est possible d'affirmer que la définition de la prérogative de la Couronne du professeur Hogg est préférable à celle du professeur Dicey puisqu'elle comprend la notion de privilèges et d'immunités spéciaux dont il est question ci-dessus.

Tel que précisé dans la définition du professeur Hogg, c'est la common law, ou le droit jurisprudentiel, qui détermine l'étendue de la prérogative de la Couronne. Comme il en sera question plus loin, les tribunaux peuvent trouver le fondement d'un privilège ou d'un pouvoir particulier dans la législation, ce qui peut avoir comme effet de limiter ou de destituer la prérogative de la Couronne à l'intérieur du champ d'application donné. Finalement, il est important de noter que le contenu de la prérogative de la Couronne n'est pas statique ni absolument défini.

2.2 Histoire de la prérogative de la Couronne au Canada

Nous le répétons, la prérogative de Couronne est basée sur la jurisprudence. Un bref aperçu de son l'histoire au Canada aidera à comprendre ses débuts et ses premiers développements dans ce pays. Un tel survol facilitera également la compréhension de ses développements ultérieurs et de ses principes premiers.

Le Canada a hérité du système juridique des pouvoirs impériaux qui le régissaient autrefois, c'est-à-dire le Royaume-Uni, et, jusqu'à un certain point, la France.8 Lorsque le roi d'Angleterre a acquis le territoire qui est aujourd'hui appelé Canada, il a aussi acquis le droit d'utiliser la prérogative de la Couronne à l'égard de ce territoire. À cette époque, la common law d'Angleterre avait déjà commencé à définir et à modeler le concept de la prérogative de la Couronne. À la suite de l'arrêt Prohibition del Roy9 en 1607, le roi perdit le droit d'administrer la justice, droit que les tribunaux se réservèrent désormais. La Déclaration des droits de 1688 a fait en sorte que le roi perdit également son droit de suspension ou d'exemption par une loi ainsi que son droit de taxer.10 Selon le professeur Hogg, ces changements, parmi d'autres, « ont confiné la prérogative aux pouvoirs exécutifs gouvernementaux ».11 En dernier lieu, « les limites de la prérogative se sont aussi resserrées suivant la doctrine selon laquelle la plupart des mesures exécutives portant atteinte à la liberté d'autrui nécessitait d'être appuyées par la loi ».12

Les lois du Royaume-Uni donnait droit aux colonies conquises de s'assujettir à la législation adoptée par le Parlement impérial. La colonie devenait également sujette au droit engendré par la prérogative du roi de légiférer jusqu'à ce qu'elle puisse avoir sa propre assemblée législative.13 Ce vaste privilège a été utilisé de nombreuses fois dans le territoire qui allait devenir le Canada. Par exemple, la Grande-Bretagne a conquis la Nouvelle-France (maintenant l'Ontario et le Québec) lors de la guerre de Sept Ans.14 Avec la Proclamation royale de 1763,15 un acte découlant de la prérogative, le roi a entre autres mis sur pied une assemblée à Québec.16 Les constitutions de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard sont également des fruits de la prérogative, tout comme l'est la charge du gouverneur général.17

Avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, maintenant la Loi constitutionnelle de 1867,18 et l'union du Canada (après la Confédération, provinces de l'Ontario et du Québec), de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick en tant que Dominion du Canada, la Constitution est née.19 Elle ne remplacera toutefois pas la prérogative de la Couronne, comme le précise l'article 9 de la Loi constitutionnelle de 1867 :

À la Reine continueront d'être et sont par la présente attribués le gouvernement et le pouvoir exécutifs du Canada.20

La prérogative de la Couronne a donc survécu à la Confédération, mais l'entité ayant le pouvoir de l'utiliser et d'en tirer avantage a changé. Du temps de la Confédération, la prérogative de la Couronne était exercée par l'Angleterre. Depuis que le Canada s'est vu octroyé le statut d'État21, elle appartient au gouvernement canadien.22

2.3 Définition des compétences de la prérogative de la Couronne dans la common law

Ce sont les tribunaux qui déterminent les compétences de la prérogative de la Couronne en se basant sur la jurisprudence. Les cas où les lois surpassent la Couronne et les effets des lois sur l'autorité de la Couronne sont définis par la common law et les règlements législatifs.

La Couronne est généralement soumise aux lois du Parlement et des législatures : elle est une personne légale qui n'est pas protégée contre les lois en vigueur par quelconque règlement constitutionnel.23 Cette règle s'applique au droit fédéral ainsi qu'aux droits provinciaux. En outre, et d'un grand intérêt pour le sujet du présent document, une prérogative de la Couronne peut, dans certaines circonstances, être limitée ou même destituée par la législation.24

Dans l'éventualité d'un questionnement visant à déterminer si une prérogative a été limitée ou destituée par une loi particulière, la Cour étudiera la question en deux étapes. D'abord, une recherche sera effectuée afin de savoir si la loi en question a vraiment préséance sur la Couronne. Cette recherche ne peut aboutir qu'à un « oui » ou un « non »; la loi a préséance sur l'autorité de la Couronne ou elle ne l'a pas. Ensuite, si la loi surpasse effectivement la Couronne, il faudra déterminer si elle ne fait que limiter la prérogative ou si elle la destitue.25

Relativement à la première étape, c-à-d déterminer si la loi a préséance ou non sur la Couronne, la Couronne bénéficie d'une immunité qui oblige la présomption contre l'applicabilité de la loi sur la Couronne.26 La Loi d'interprétation27 confirme cette immunité en contexte fédéral :28

Sauf indication contraire y figurant, nul texte ne lie Sa Majesté ni n'a d'effet sur ses droits et prérogatives.29

Même s'il y a une exception à cette immunité, elle est limitée. Dans la Loi d'interprétation fédérale citée ci-dessus, l'exception se lit ainsi : « Sauf indication contraire y [texte] figurant ». C'est la common law qui délimite l'étendue de l'immunité. Il est clairement indiqué que les mots exprimés dans la loi peuvent compromettre l'immunité.30 Une question demeure toutefois sans réponse : la doctrine de « déduction nécessaire » est-elle obligatoirement applicable en droit canadien? En bref, cette doctrine stipule que si une loi n'affecte pas expressément l'autorité de la Couronne, mais qu'une telle intention est nécessairement implicite, la loi sera reconnue comme supérieure à la Couronne. Voici les commentaires de Lordon concernant cette doctrine :

Whether the prerogative may be affected by a statute by necessary implication is not clear, since judicial pronouncements on the applicability of the necessary implication doctrine are inconsistent.31

En résumé, la Couronne possède une immunité prérogative contre l'application des lois. Cette immunité est toutefois sujette à des exceptions. Il est clair que ces exceptions incluent les lois qui affectent expressément la Couronne dans leur texte. Il demeure incertain que les tribunaux appliqueront la doctrine de déduction nécessaire lors de l'analyse visant à savoir si la loi a préséance ou non sur la Couronne.

Il existe deux autres problèmes reliés au fait de savoir si une loi affecte ou non la Couronne. Premièrement, le fait de trouver une simple référence à la Couronne dans la loi ne règle pas toujours la question : la référence peut avoir été rédigée afin de n'inclure que la Couronne du chef du pouvoir législatif concerné. Par exemple, la Couronne fédérale peut affirmer qu'une référence expresse à la Couronne dans une loi de l'Ontario ne concerne que la Couronne du chef du gouvernement ontarien.32 Deuxièmement, ce genre de questionnement doit nécessairement tenir compte de problèmes au niveau fédéral. En plus de la difficulté à déterminer si la matière d'une loi se classe dans les compétences régies par une entité législative particulière, il règne une incertitude générale à savoir si une législature provinciale peut avoir préséance sur la Couronne fédérale, si le Parlement peut surpasser la Couronne au nom d'une province et si la législature d'une province peut affecter la Couronne du chef d'une autre province.33 Par exemple, il demeure incertain que la province de l'Alberta puisse affecter une prérogative de la Couronne fédérale par une loi, même si cette loi concerne un sujet listé dans les compétences l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.34

Ce n'est que dans l'éventualité qu'il soit reconnu qu'une loi ait présence sur la Couronne qu'il sera nécessaire de déterminer si la loi a l'effet de limiter ou de destituer la prérogative de la Couronne. Ce point concerne ce qui est communément appelé [Traduction] « l'interaction entre la prérogative royale et les textes de loi ».35

Une loi peut limiter une prérogative, tel que mentionné dans Attorney-General v. De Keyser's Royal Hotel, Ltd :36

…when the Act deals with something which before the Act would be effected by the prerogative and specially empowers the Crown to do the same thing, but subject to conditions, the Crown assents to that, and by that Act, to the prerogative being curtailed. 37

Dans De Keyser's Hotel, situation ayant eu lieu pendant la Première Guerre mondiale, le Conseil de l'Armée a réquisitionné un hôtel comme lieu de poste de commandement du Royal Flying Corps. Le pouvoir de saisir l'hôtel était basé sur une loi et sur la prérogative de la Couronne autorisant la prise de propriété en situation de danger pour la défense du royaume. La Cour a accepté ce fondement juridique, et si l'affaire s'était terminée là, aucune indemnisation n'aurait pu être légalement accordée. Toutefois, dans cette affaire, la Cour a jugé que la Defence Act de 1842, qui prévoit un dédommagement dans l'éventualité de la saisie d'une propriété, devait s'appliquer à la Couronne. Cette loi a donc eu l'effet de limiter la prérogative existante et de la modifier en y ajoutant l'obligation de verser une indemnisation légale.

La Cour suprême du Canada était divisée sur un point similaire lors du procès Ross River. La prérogative de la Couronne en jeu était le pouvoir de créer une réserve pour les peuples autochtones. La majorité des juges étaient d'accord pour dire que ce pouvoir était limité par la Loi sur les Indiens et la Loi sur les terres territoriales.38 Les trois juges en minorité, au contraire, étaient d'avis que le pouvoir de cette prérogative n'était pas contraint par l'une ou l'autre de ces lois.39

Dans l'arrêt Vancouver Island Peace Society v. Canada40, les requérants cherchaient à casser les deux décrets en conseil qui autorisaient la visite de navires à propulsion nucléaire et de navires d'armements nucléaires dans les ports canadiens. Les requérants alléguaient entre autres que certaines lois41 avaient pour effet de destituer la prérogative de la Couronne utilisée par le gouvernement en tant que fondement des décrets. Le Tribunal a rejeté cette allégation sous prétexte que la prérogative demeurait intouchée. Pour émettre cette conclusion, le Tribunal a relevé le fait que l'objet des lois en question ne concernait pas la réglementation des actions concernées et qu'aucune intention de la sorte n'avait été émise par le Parlement.42 Aucun éléments dans ces lois, [Traduction] « ni aucune condition historique des méfaits pour lesquels ces lois ont été créées » n'ont persuadé le Tribunal que le Parlement [Traduction] « avait l'intention de retirer ou d'entraver la prérogative de la Couronne d'autoriser la visite » de ce types de navire dans les ports canadiens.43

Il est possible qu'une loi limite une prérogative de la Couronne, mais il est aussi possible, dans de rares circonstances, qu'elle la destitue complètement. Voici un extrait de l'arrêt De Keyser's Royal Hotel :

…if the whole ground of something which could be done by the prerogative is covered by the statute it is the statute that rules. 44

Le meilleur exemple illustrant une loi ayant complètement destitué une prérogative au Canada est sans aucun doute la loi reliée à la prérogative de la Couronne classique qui exemptait la Couronne de toute responsabilité du fait d'autrui en matière délictuelle. Avec la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif,45 la Couronne fédérale [Traduction] « est responsable des dommages pour lesquels, si elle était une personne, elle serait tenue responsable ». Dans certains cas, cela inclut les situations où [Traduction] « le dommage a été causé par la faute de ses préposés. »46

Par conséquent, dans l'éventualité qu'une loi prévale sur la Couronne, il devient alors, et seulement alors, nécessaire d'étudier l'interaction de cette loi et de la prérogative. Dans certains cas, la loi peut avoir un effet de limitation ou d'exclusion de la prérogative de la Couronne. Maintenant que le côté négatif de cette question a été présenté, il faut étudier son aspect positif. Il existe de nombreux cas où la Cour a jugé que la prérogative de la Couronne conservait son pouvoir en entier. Par exemple, et comme il en sera question à la section 3.3 du présent document, ni la Loi sur la défense nationale47 (LDN), ni aucune autre loi, ne peut limiter la prérogative de la Couronne de déployer les FC dans le cadre d'opérations internationales. La prérogative de la Couronne demeure la source d'autorité en ce qui concerne ces déploiements.48

2.4 Contenu de la prérogative de la Couronne

Jusqu'à maintenant, il a été question du concept de prérogative de la Couronne et de la façon dont son contenu a été modifié et dont il continue de l'être. Le moment est venu d'examiner le droit moderne pour définir le contenu de la prérogative de la Couronne par domaine.

C'est la common law qui a déterminé les champs de compétence de la prérogative de la Couronne. Il est maintenant possible d'énumérer ces derniers dans une liste à jour, mais non exhaustive :49

  1. Affaires étrangères,
  2. Guerre et paix,
  3. Conclure des traités,
  4. Autres actes du gouvernement en matière d'affaires étrangères,
  5. Défense et forces armées.50

D'autres pouvoirs et privilèges considérés comme des prérogatives de la Couronne concernent les passeports, la prérogative de clémence, la nomination de personnel diplomatique, les services de renseignements, l'embauche et le licenciement de fonctionnaires, l'administration et la disposition des terres publiques, le droit d'auteur, les armoiries, et l'attribution de distinctions honorifiques et de titres.51

Il est important de souligner que la liste ci-dessus n'inclut pas les prérogatives dites « personnelles » du gouverneur général. De telles prérogatives servent à nommer ou destituer un premier ministre, ou encore à dissoudre le Parlement. Ces pouvoirs sont en théorie utilisés à l'entière discrétion du gouverneur général, mais en réalité, ils sont exercés par l'entremise d'élections, de votes parlementaires ou selon les directives du premier ministre.

2.5 Le fédéralisme et la prérogative de la Couronne

Maintenant que la portée de la prérogative de la Couronne est bien cernée, il sera question de l'importance de l'identification de l'utilisateur de cette prérogative. Il est avant tout impératif de bien définir le concept de la prérogative de la Couronne dans le cadre du système fédéral canadien.

Le représentant fédéral de la Reine est le gouverneur général. Dans chacune des provinces, c'est le lieutenant-gouverneur qui assure ce rôle. Selon l'article 58 de la Loi constitutionnelle de 1867,52 chaque lieutenant-gouverneur est nommé par le gouverneur général en conseil, c-à-d que le pouvoir exécutif fédéral de la Reine détermine les représentants provinciaux de la Reine. Malgré cette procédure, un lieutenant-gouverneur n'est pas subordonné au pouvoir exécutif fédéral; il possède donc le droit d'exercer les prérogatives propres à sa province. Par conséquent, la Couronne du Canada peut être considérée comme deux entités pouvant exercer des prérogatives dans leurs propres champs de compétence.

Quant à la division des domaines pour lesquels chaque Ordre de la Couronne peut exercer des prérogatives particulières, un système de répartition des prérogatives de la Couronne entre les gouvernements provinciaux et fédéral a été mis sur pied en référence aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.53 Il en résulte que toute matière assignée exclusivement aux législatures provinciales par la Loi constitutionnelle est une matière en laquelle la Couronne provinciale pourra exercer son droit de prérogative, il en va de même pour la Couronne fédérale par rapport aux domaines de compétence du Parlement. Par exemple, l'article 91(7) de la Loi constitutionnelle de 186754, article de haute importance pour les FC, stipule que le Parlement du Canada détient l'autorité législative en matière de la milice, du service militaire et du service naval ainsi que de la défense. Tous les pouvoirs et privilèges en ces matières appartiennent donc uniquement à la Couronne du chef du Canada.

2.6 L'exercice de la prérogative de la Couronne fédérale au Canada

La Couronne, tant pour ses capacités fédérales que provinciales, exerce son droit de prérogative. L'analyse de cet exercice complexe peut être divisé en deux parties, soit l'identification de l'entité pouvant exercer une prérogative donnée, et le processus visant à décider de l'exercice d'une prérogative.55 Toujours dans l'optique de ce document qui concerne principalement le gouvernement fédéral, ce problème sera traité du point de vue de la Couronne fédérale.

2.6.1 C'est le Cabinet qui détient en fait le pouvoir exécutif

Au Canada, la prérogative de la Couronne appartient au pouvoir exécutif.56 Par la loi et par convention, le chef d'État ne siège pas au sein du pouvoir exécutif.57 Tel qu'il le sera expliqué au cours de cette section, c'est l'exécutif politique qui exerce en fait l'autorité exécutive incluant la prérogative de la Couronne.58

D'un point de vue constitutionnel, c'est la Reine qui détient le pouvoir exécutif au Canada59 et qui a, par l'entremise de lettres patentes,60 autorisé le gouverneur général à exercer cette autorité au fédéral.61 Le Conseil privé de la Reine existe pour [Traduction] « aider et conseiller le gouvernement du Canada »,62 et selon les lettres patentes, le gouverneur général doit exercer son pouvoir exécutif en tenant compte des recommandations du Conseil privé de la Reine.63

En considérant le texte écrit de la loi constitutionnelle hors contexte, il semble être suggéré que le gouverneur général, en tant que représentant fédéral de la Reine, devrait lui seul faire usage de la prérogative de la Couronne en consultant, au besoin, le Conseil privé de la Reine. Ce n'est pas de cette façon que fonctionne le gouvernement canadien : c'est en fait le système de gouvernement responsable qui établit le fonctionnement de prise de décisions exécutives. Une fois la constitution écrite placée dans un contexte de gouvernement responsable, les décisions exécutives sont prises par le Cabinet du gouvernement. Le cabinet durera aussi longtemps qu'il sera soutenu par les membres de la Chambre des communes élus. La Reine et le gouverneur général ne font partie de ce processus que par exigence de la loi et ne sont qu'une image d'autorité.64

Voici comment la loi, jumelée à la convention, en est arrivée à ce système de fonctionnement : le Cabinet, une entité non reconnu par la Loi constitutionnelle de 1867,65 est par convention la seule portion active du Conseil privé de la Reine créée par la constitution.66 Même si la constitution stipule que le Conseil privé de la Reine (donc sa partie active, le Cabinet) doit conseiller le chef d'État, il est en réalité entendu que le Cabinet a le pouvoir de prendre des décisions par lui-même.67

Le pouvoir exécutif appartient donc au Cabinet : [Traduction] « le Cabinet formule et établit les politiques exécutives et administre tous les ministères du gouvernement ».68 Ce pouvoir exécutif du Cabinet comprend l'autorité en vertu de la prérogative de la Couronne.

L'exercice du pouvoir de la Couronne par le Cabinet, dans un contexte de prérogative, a été étudié dans l'arrêt Black69. En concluant qu'une prérogative de la Couronne pouvait être exercée par le Cabinet (et, comme il en sera question, infra, par des ministres individuels), le Tribunal a fait remarquer que :

…nothing in the Letters Patent or the case law requires that all prerogative powers be exercised exclusively by the Governor General. 70

Le Tribunal a par ailleurs souligné l'utilisation contestée d'une prérogative de la Couronne dans Operation Dismantle71 par le Cabinet, donc, l'allégation voulant que les prérogatives de la Couronne ne soient exercées que par le Gouverneur général n'avait plus de raison d'être.72

En conclusion, la prérogative de la Couronne, selon la jurisprudence et par convention, est exercée au niveau fédéral par le Cabinet.

Bien que le Cabinet détienne l'ultime pouvoir exécutif, incluant l'utilisation de la prérogative de la Couronne, il n'est pas nécessaire que tout le Cabinet soit impliqué pour le faire. Des comités du Cabinet peuvent prendre des décisions en association, et des membres individuels du Cabinet peuvent exercer le pouvoir de la prérogative de la Couronne. Ce dernier point sera développé dans les deux sections suivantes.

2.6.2 Les principes Delegatus non potest delegare et Carltona

L'exercice de la prérogative de la Couronne par des niveaux exécutifs inférieurs à l'ensemble du Cabinet peut effectivement être considéré comme une délégation de l'autorité prérogative. En d'autres mots, lorsqu'un ministre du Cabinet utilise la prérogative de la Couronne, il le fait en référence au pouvoir accordé au Cabinet. À ce stade, il sera utile de définir le concept de délégation de la prérogative de la Couronne dans le contexte de deux autres normes légales relatives à la délégation : la règle delegatus non potest delegare et le principe de Carltona. En analysant l'interaction de ces normes avec l'idée de délégation de la prérogative de la Couronne, il est possible de conclure que même si aucune de ces normes n'est applicable directement ou légalement à l'idée de délégation de la prérogative, le fondement du principe de Carltona aide à en délimiter la portée.

La première norme, signifiant que [Traduction] « un pouvoir délégué ne peut être redélégué par le mandataire »73, a été citée par la Cour suprême du Canada en tant que règle générale d'interprétation de la loi.74 [C'est nous qui soulignons] Lordon décrit la maxime comme ceci :

It is a general principle of administrative law that a statutory power should be exercised by the authority on whom it is conferred and not delegated to another person or body.75 [Emphasis added]

Cette norme et son fondement ne s'appliquent pas en contexte de prérogative de la Couronne.76 La règle est donc limitée à la portée des pouvoirs conférés par la loi, limite hautement justifiée par l'objet de la règle qui est d'aider à interpréter les mots définissant la délégation. Essentiellement, la règle veut que si le texte décrivant la délégation précise une personne ou une entité particulière comme étant le détenteur du pouvoir, ce dernier ne peut pas redéléguer le pouvoir, en assumant que les mots du texte ont été écrit avec l'intention d'être spécifique. La prérogative de la Couronne n'est pas, par définition, accordée par une loi. En outre, il n'existe aucun écrit à son propos pouvant être interprété à l'aide de règles de construction légales. Finalement, l'exercice d'une prérogative de la Couronne, en tant que fonction exécutive essentielle, est par son essence nécessairement déléguée. Tel que décrit précédemment, la prérogative de la Couronne est très rarement utilisée par la Reine en personne, mais est plutôt utilisée par l'entité publique qui la représente, soit presque entièrement par des délégués.

Le principe de Carltona a été décrit comme ceci par la Cour suprême du Canada :

Lorsque l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire est confié à un ministre du gouvernement, on peut alors supposer que les mesures nécessaires seront prises par les fonctionnaires responsables du ministère et non par le ministre lui-même.77

Il est important de noter que la règle s'applique à « l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire…confié à un ministre du gouvernement ». Nonobstant la large portée de cette règle suggérée dans ces mots, ce principe provident d'un cas où le pouvoir discrétionnaire est considéré comme étant issu d'une loi.78 Dans l'éventualité qu'un texte suggère une possible application du principe dans l'exercice d'une prérogative de la Couronne, il sera assurément considéré comme obiter. Dans l'arrêt Carltona79 même, il était question d'un pouvoir conféré par la loi. La législation qui définit le principe comme un texte législatif en fait un principe d'interprétation.80 De plus, ce principe est souvent cité en opposition à la règle delegatus non potest delegare, une règle qui, tel que mentionné, est en fait une règle d'interprétation des lois.81 Finalement, le principe est souvent limité par l'explication des pouvoirs conférés par la loi.82 Tout ceci pour dire que la common law n'a pas encore adapté le principe de Carltona en fonction des prérogatives de la Couronne.83

Le fondement du principe de Carltona peut contribuer à cette analyse et est pertinent dans ce document en matière de délégation de la prérogative de la Couronne, par la Couronne à ses subalternes. Voici une description souvent citée de ce principe :

The duties imposed upon ministers and the powers given to ministers are normally exercised under the authority of the ministers by responsible officials of the department. Public business could not be carried on if that were not the case. Constitutionally, the decision of such an official is, of course, the decision of the minister. The minister is responsible.84

Il est possible de supposer que le fondement de ce principe consiste en deux parties inter reliées. D'abord, il est inconcevable d'imaginer une situation dans laquelle toutes les décisions exécutives ne seraient prises que par ceux à la tête du pouvoir exécutif : il y a simplement trop d'activités publiques. En second lieu, avec le système de gouvernement responsable, toutes les décisions exécutives, sans égard à celui qui les prend, sont soumises à un vote des représentants élus. Une décision prise par le gouvernement est donc sujette à l'accord des représentants élus qui peuvent, dans le cas d'un désaccord, renverser le gouvernement. Une décision prise par les représentants d'un ministère en particulier, est aussi soumise à un vote similaire par le chef de ce ministère : le ministre de tutelle. En résumé, bien que le principe de Carltona ne s'applique pas à la délégation de la prérogative de la Couronne en matière de common law, il apparaît possible que son fondement le soit, et ce fondement en fait un principe de base permettant d'étudier le concept de délégation de la prérogative de la Couronne pour chaque cas donné.

2.6.3 Exercice de la prérogative de la Couronne par des niveaux de l'autorité exécutive inférieurs à l'ensemble du Cabinet

Même si le fondement du principe de Carltona et le caractère inapplicable du delegatus non potest delegare portent à croire que le Cabinet peut déléguer son pouvoir d'exercer la prérogative de la Couronne aux ministres, les universitaires et les tribunaux ont une opinion claire à ce propos. Voici un extrait de Lordon à ce sujet :

In Canada, prerogatives are exercised by the Governor General at the federal level and by the Lieutenant-Governor in each province. As members of the Privy Council, the Prime Minister and other Ministers also have some powers of the nature of prerogatives. 85

La délégation de la prérogative de la Couronne par le Cabinet a été discutée dans le procès Black.86 Dans cette affaire, la Reine a nommé Conrad Black pair de royaume et le premier ministre du Canada s'est opposé à cette nomination. Black a poursuivi le premier ministre pour abus de pouvoir, action fautive en fonctions publiques et négligence. En réponse à l'argument du premier ministre stipulant que ses actions constituaient un exercice de la prérogative de la Couronne, donc que les accusations contre lui étaient non justifiées, Black a déclaré que le premier ministre du Canada ne pouvait pas exercer la prérogative de la Couronne, car ce pouvoir était exclusivement réservé au gouverneur général. La Cour a rejeté cette demande en disant ceci :

I find no support for this proposition in theory or in practice (…). By convention, the Governor General exercises her powers on the advice of the Prime Minister or Cabinet. Although the Governor General retains discretion to refuse to follow this advice, in Canada that discretion has been exercised only in the most exceptional circumstances. See [Lordon at 70] (…). Still, nothing in the Letters Patent or the case law requires that all prerogative powers be exercised exclusively by the Governor General. As members of the Privy Council, the Prime Minister and other Ministers of the Crown may also exercise the Crown prerogative: see [Lordon at 71]. 87

À la lumière de cette déclaration, il est non seulement clair que le Cabinet peut exercer un pouvoir de prérogative, mais aussi que ses membres individuels peuvent le faire dans certaines circonstances. Le présent document traitera brièvement du fondement juridique de l'exercice de la prérogative de la Couronne par les différents niveaux du pouvoir exécutif suivants : le comité du Cabinet, le premier ministre et les ministres individuels.

Il est important de préciser que ce document a cerné les autorités ayant le pouvoir d'exercer la prérogative de la Couronne en définissant à qui ce pouvoir n'est pas limité, c-à-d que le Cabinet n'est pas la seule entité ou personne pouvant utiliser les prérogatives. Le problème peut toutefois être vu d'un autre angle : l'interprétation selon laquelle le droit d'exercer la prérogative de la Couronne est limité à certains niveaux du pouvoir exécutif. Il n'est pas nécessaire d'étudier ce point de vue dans l'optique du présent document, puisque ce dernier se contente de démontrer le pouvoir des ministres d'exercer des prérogatives et ne concerne que des questions reliées à l'exercice des prérogatives à ce niveau. Il faut toutefois ajouter que les limites de l'exercice des prérogatives de la Couronne n'ont pas encore été totalement explorées par les tribunaux. Bien que l'idée que les ministres puissent bénéficier des prérogatives soit soutenue, il ne semble pas exister de cas de jurisprudence ou d'analyse d'universitaire suggérant l'exercice de prérogatives par des niveaux inférieurs du pouvoir exécutif.

Comité du Cabinet

Les travaux du Cabinet sont fréquemment dirigés par un comité.88 Un pouvoir du comité du Cabinet d'exercer une prérogative de la Couronne accordée au Cabinet peut avoir deux sources. En premier lieu, un comité peut être considéré comme étant le Cabinet au moment où il se réunit, même si tous les membres du Cabinet ne sont pas présents. En second lieu, un comité du Cabinet détient un pouvoir, qui lui est implicitement délégué, de décision en matière de son expertise. Par exemple, comme il en sera question à la section 3.6.3, le comité des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale est un comité du Cabinet dont l'expertise s'étend aux activités du Cabinet incluant le déploiement des FC à l'échelle internationale. Les comités du Cabinet ont exercé et continuent d'exercer la prérogative de la Couronne passablement de la même façon que le Cabinet même.

Premier ministre

Le premier ministre est le chef du gouvernement et est, de par ses fonctions, autorisé à exercer la prérogative de la Couronne.89 De plus, le premier ministre joue un rôle central au sein du Cabinet en ce qu'il détient le pouvoir, par convention, sur ce dernier. Dans les mots du professeur Hogg :

The Prime Minister calls the meetings of cabinet, settles the agenda, presides over the meetings, and "defines the consensus" on each topic. 90

Donc, le premier ministre peut bénéficier des prérogatives de la Couronne en vertu d'un double fondement juridique. D'abord, son pouvoir juridique découlant de sa position à la tête du gouvernement, et ensuite, son pouvoir découlant de son droit de définir le consensus du Cabinet. Comme il en a été question précédemment, c'est le premier ministre qui a pris la décision de la prérogative de la Couronne dans Black.

Il demeure important de noter que tous les gouvernements ne fonctionnent pas de la même façon. Ainsi, le fait qu'un premier ministre administre le gouvernement de façon à bénéficier personnellement des prérogatives de la Couronne dépend beaucoup des personnalités impliquées et de la scène politique du moment. Le professeur Hogg ajoute à ce sujet :

In some governments a Prime Minister, who chooses to take on his own initiative, or on the advice of a few ministers, decisions which would traditionally be the preserve of the cabinet, is politically able to do so; and the extent to which the full cabinet plays a role in important decision-making may depend in large measure upon the discretion of the Prime Minister. 91

En résumé, le premier ministre est légalement autorisé à exercer les prérogatives de la Couronne dans certains cas, et peut choisir de le faire ou non, selon différents facteurs.

Ministres individuels

Tel que précisé plus haut, les ministres sont membres du Conseil privé et du Cabinet. Ils ont donc certains pouvoirs relatifs aux prérogatives.92 Dans l'arrêt Black, la Cour a cité Lordon en obiter : [Traduction] « d'autres ministres du gouvernement peuvent aussi exercer la prérogative de la Couronne. »93 Il y a donc un appui de la position juridique selon laquelle les ministres individuels ont le pouvoir d'exercer les prérogatives dans certains contextes, et qu'en fait, ceux-ci l'ont déjà fait et le font encore. Comme il en sera question à la section 3.6, le pouvoir ministériel d'exercer les prérogatives de la Couronne inclut le droit, pour le ministre de la Défense nationale conjointement avec le ministre des Affaires étrangères, ainsi que pour le ministre de la Défense nationale agissant seul, dans certains cas, d'utiliser la prérogative pour déployer les FC à l'échelle internationale.

Toutefois, tout comme pour l'exercice de la prérogative de la Couronne par le premier ministre, le fait que les ministres individuels ait légalement le droit de bénéficier de la prérogative de la Couronne ne veut pas nécessairement dire qu'au sein du gouvernement de l'heure, ce sera politiquement acceptable de le faire.

2.6.4 Comment la prérogative de la Couronne est-elle exercée?

Au début de la section 2.6, l'exercice de la prérogative de la Couronne a été décrit comme un processus en deux étapes : déterminer de quelle autorité exécutive relève la prérogative et déterminer la façon d'exercer de cette prérogative. C'est de cette deuxième étape qu'il sera question dans les prochaines pages. La façon exacte d'exercer une prérogative diffère selon les deux niveaux du pouvoir exécutif : le Cabinet ou le comité du Cabinet; le premier ministre ou les ministres individuels.

Cabinet ou comité du Cabinet

Lorsque le Cabinet ou un de ses comités prend une décision basée sur la prérogative de la Couronne, cette décision doit être formalisée. Les marches à suivre ont pris forme selon la façon de présenter les demandes au Cabinet ou à un de ses comités, et selon la méthode de prise de décision. Un ministère peut, seul ou en collaboration avec une autre entité ou un autre ministère, soumettre un projet de décret au Cabinet ou à un de ses comités,94 accompagné de la documentation d'appui incluant une note explicative.95 Le Cabinet ou le comité peut accepter la recommandation de signer ce projet s'il l'approuve. Un compte rendu du mémoire au Cabinet (MC) signé est souvent remis au Gouverneur général afin d'obtenir son accord final.96 Le Cabinet ou un de ses comités peut également traiter des demandes qui lui parviennent sous forme d'un MC, [Traduction] « l'outil par excellence pour faire parvenir des conseils politiques écrits au Cabinet ».97 Si un MC est d'abord adressé à un comité du Cabinet, la décision du comité sera rendue dans un rapport du comité soumis au Cabinet pour ratification.98 À l'égard de toutes les demandes de décision précédentes, le Cabinet remettra un rapport de décision au ministère concerné qui assurera l'implantation de la décision.99 C'est ce rapport qui constitue l'exercice formel de la prérogative de la Couronne en cause.100 Pour terminer, le Cabinet et les comités peuvent aussi considérer les demandes de décision présentées de façon moins formelle, comme par exemple, une présentation audio-visuelle. Les décisions qui en découleront seront prises en suivant le même processus que si la demande avait été présentée sous forme d'un MC.101

Premier ministre ou ministres individuels

Le premier ministre et les ministres individuels exercent la prérogative de la Couronne, la plupart du temps, par des lettres adressées aux personnes responsables d'implanter la décision.102 Ces lettres sont souvent une réponse à des lettres demandant qu'autorité soit faite, mais peuvent être émises sans demande. Lorsqu'une lettre de décision en vertu de la prérogative de la Couronne est émise pour répondre à une autre lettre demandant une telle décision, elle fait normalement référence à cette dernière et à son contenu, et les deux lettres sont requises pour que la décision soit complètement entendue. Les ministres individuels exercent la prérogative de la Couronne par des lettres rédigées en réponse à des lettres de demande provenant de leurs sous-ministres. Un ministre qui fait une demande de décision en vertu de la prérogative de la Couronne peut, en théorie, choisir l'un des trois processus suivants : le ministre peut écrire au premier ministre pour obtenir son accord avec la décision proposée; le ministre peut informer le premier ministre de la décision qui a été prise; le ministre peut prendre la décision sans correspondre avec le premier ministre.

Même s'il existe divers processus pour les différents niveaux de pouvoir exécutif ayant un certain droit décisionnel en vertu de la prérogative de la Couronne, une seule façon formelle d'exercer la prérogative devrait être utilisée dans toutes circonstances de ce genre. La raison est la suivante : l'autorité exécutive appropriée prend rarement une décision en vertu de la prérogative en soi, mais plutôt de façon à guider stratégiquement la mise en œuvre de la décision. Dans l'éventualité où deux processus sont utilisés pour une même décision, l'orientation stratégique sera confuse, et peut même être incohérente.103 Deux processus concurrents ne sèmeront pas la confusion, à moins qu'ils ne traitent des mêmes sujets et que les décisions émanent de différents secteurs. Un exemple de ces propos pourrait être une lettre à objectif stratégique contenant les directives d'exécution d'une opération internationale, combinée à un MC demandant un financement supplémentaire pour la même opération.

2.6.5 Le Parlement ne joue pas de rôle officiel dans l'exercice de la prérogative de la Couronne

Il est clair que le Parlement ne joue aucun rôle conféré par la loi dans l'exercice de la prérogative de la Couronne. Elle est en effet dévolue au pouvoir exécutif et non à la législature.104 Dans le cadre du gouvernement exécutif, la responsabilité du Parlement est de superviser le gouvernement en général, par un système de gouvernement responsable. Tel que mentionné dans Phillips & Jackson :

The government does not have to consult, or even inform, Parliament before exercising prerogative powers. This is convenient, for many matters falling within the prerogative are not suitable for public discussion before the decision is made or the action performed. 105

Cela ne veut pas dire que l'exécutif ne consultera pas le Parlement relativement à un exercice particulier de la prérogative de la Couronne, mais simplement qu'il n'est pas tenu de le faire par la loi. Comme Phillips & Jackson l'ajoute :

on the other hand, the government must feel assured of parliamentary support [after a Crown prerogative decision is made], especially in a matter like war or where money will be required.106

Par conséquent, le pouvoir exécutif consulte normalement le Parlement, d'une certaine façon, avant de prendre certaines décisions en vertu de la prérogative de la Couronne afin de s'assurer que l'implantation de la décision, qui est fréquemment la question débattue devant la législature, aura lieu. Des processus ont vu le jour dans cette optique en matière des décisions prises en vertu de la prérogative de la Couronne. La section 3.6.2 du présent document survole les pratiques mises en place pour impliquer le Parlement dans la prise des décisions concernant les déploiements en grand nombre des FC à l'extérieur du Canada.

En conclusion, la question quant à l'exercice de la prérogative de la Couronne consiste à déterminer qui en fait l'exercice et comment il le fait. D'abord, la prérogative de la Couronne appartient au pouvoir exécutif et peut être exercée par le Cabinet et ses comités, ou, dans certaines mesures, par le premier ministre et les ministres individuels. Ensuite, la forme de son exercice dépend de la personne ou l'entité qui prend la décision. Le Cabinet et les comités du Cabinet exercent la prérogative par des rapports de décision, par exemple, un projet de décret ou des décisions en réponse à des MC. Le premier ministre et les ministres individuels prennent ce genre de décision par l'entremise de lettres, habituellement rédigées en réponse à une lettre demandant une prise de décision. Le Parlement ne détient pas de rôle mandaté par la loi dans l'exercice officiel de la prérogative de la Couronne, mais dans certaines circonstances, il peut être consulté par le pouvoir exécutif.

2.7 Révision par les tribunaux d'un exercice de la prérogative de la Couronne

Il est important d'examiner le rôle des tribunaux dans l'exercice de la prérogative de la Couronne. Il a été décrété qu'une décision d'une autorité, basée sur la prérogative de la Couronne, n'empêche pas la révision par les tribunaux. Dans Black, la Cour a affirmé : [Traduction] « Je suis d'accord avec M. Black sur le fait que la source du pouvoir (loi ou prérogative) ne devrait pas déterminer l'éligibilité d'une action à une révision. »107

Il est donc entendu que la Cour peut en théorie réviser une décision en vertu de la prérogative de la Couronne si elle est contestée. De façon générale, l'exercice de la prérogative de la Couronne au Canada a été contesté devant les tribunaux108 de deux manières : par révision judiciaire et par révision de conformité à la Charte.

2.7.1 Révision judiciaire

Pour déterminer si un exercice particulier de la prérogative de la Couronne doit être soumis à une révision judiciaire, il faut l'examiner en fonction de la doctrine de justiciabilité.109 Cette doctrine ne dépend pas de l'habileté de la Cour à rendre une décision, mais bien de la pertinence du for décisionnaire de la cour. Tel que cité dans Operation Dismantle110 en référence à une séries de cas britanniques, [Traduction] « le vrai problème qui se pose ici, et probablement dans le présent cas, n'est pas l'habileté des tribunaux judiciaires à prendre une décision, mais bien la pertinence des techniques judiciaires utilisées pour ce faire. »111

Si un enjeu soumis à une révision judiciaire est non justiciable, l'enquête de la Cour est interrompue. Dans l'arrêt Black, par exemple, la Cour a décidé : [Traduction] « toutefois, à mon avis, l'action contestée ici, soit donner un conseil à la Reine ou intervenir dans sa politique canadienne sur la nomination de titres honorifiques d'un citoyen canadien, n'est pas justiciable. Même si le conseil était erroné ou donné avec imprudence ou négligence, il ne serait pas révisable par la Cour. »112 La Cour a ajouté : [Traduction] « seuls les exercices de prérogative justiciables sont révisables. »113

Le cas de jurisprudence servant de fondement par rapport au problème de justiciabilité face à la révision judiciaire, au Royaume-Uni, est Council of Civil Service Unions v. Minister for the Civil Service114 (GCHQ). Le test de l'objet de la décision (subject matter test) élaboré dans cette affaire a été adopté par le Tribunal dans Black :

Under the test set out by the House of Lords, the exercise of the prerogative will be justiciable, or amenable to the judicial process, if its subject matter affects the rights or legitimate expectations of an individual. Where the rights or legitimate expectations of an individual are affected, the court is both competent and qualified to judicially review the exercise of the prerogative. 115

La question dans Black était de savoir si la décision en vertu de la prérogative de la Couronne en jeu passait le test de l'objet de la décision, devenant ainsi sujette à la révision judiciaire. Pour mettre cette question en contexte, la Cour a entamé une discussion sur l'ensemble de la jurisprudence en matière de révision judiciaire :

At one end of the spectrum lie executive decisions to sign a treaty or to declare war. These are matters of "high policy": R. v. Secretary of State for Foreign & Commonwealth Affairs, Ex p. Everett (… )Where matters of high policy are concerned, public policy and public interest considerations far outweigh the rights of individuals or their legitimate expectations. In my view, apart from Charter claims, these decisions are not judicially reviewable. At the other end of the spectrum lie decisions like the refusal of a passport or the exercise of mercy…common sense dictates that a refusal to issue a passport for improper reasons or without affording the applicant procedural fairness should be judicially reviewable.116

La Cour a jugé que les actions du premier ministre, à cause desquelles M. Black s'était vu refusé son titre honorifique, n'étaient pas révisables.

Il est à noter que la discussion portant sur l'ensemble des jugements en matière de justiciabilité, dans le cas Black, était certainement en obiter étant donné que certaines fonctions exécutives ont été déclarées matières de high policy. Le jugement cité à l'appui du concept de high policy est un jugement anglais : R. v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, ex parte Everett.117 Aussi, un seul juge de la Chambre des Lords dans ex parte Everett, le juge Taylor, a fait mention d'une fonction exécutive classée comme étant un sujet de high policy.118 Néanmoins, l'obiter dictum dans Black à ce sujet a été retenu par d'autres tribunaux. Dans l'arrêt Aleksic, en citant Black, la Cour a déclaré : [Traduction] « à mon avis, une décision exécutive de participer au bombardement de la Yougoslavie est sans aucun doute un sujet de high policy. Elle se rapproche de beaucoup à une déclaration de guerre (…) Il s'agissait définitivement d'une décision politique, découlant de facteurs purement politiques, prise par de hauts niveaux du gouvernement. »119 Dans l'affaire Blanco, la Cour a soutenu, en citant Black et Everett, que [Traduction] « la déclaration du demandeur fait part d'une prise en charge potentielle des armes par le Canada. Une telle décision se classerait assurément sous l'étiquette de high policy. »120 Dans Turp (Cour fédérale), faisant référence à Blanco, la Cour a décrété que [Traduction] « une décision de déployer les Forces armées canadiennes est une décision de high policy. »121

En résumé, une demande de révision judiciaire d'une décision prise en vertu de la prérogative de la Couronne sera rejetée par les tribunaux si la décision contestée est jugée non justiciable. C'est après l'exécution du test de son objet qu'une décision sera jugée justiciable si elle contrevient aux droits ou aux attentes légitimes d'une personne. Le test de l'objet de la décision a été approfondi, au Canada, en ajoutant que les décisions de high policy ne peuvent jamais être assujetties à des révisions judiciaires (cet ajout étant fondé sur la jurisprudence en la matière). Les décisions de high policy comprennent les décisions relatives au déploiement des FC à l'échelle internationale.122

2.7.2 Révision de conformité à la Charte d'un exercice de la prérogative de la Couronne

Le jugement Operation Dismantle123 de 1985, rendu par la Cour suprême du Canada, constitue l'arrêt faisant autorité en matière de révision d'une décision basée sur la prérogative de la Couronne par rapport à la conformité à la Charte.124 Dans cette affaire, la décision du gouvernement canadien qui permettait de tester un missile de croisière à lanceur aérien dans l'espace aérien canadien était contestée. La contestation alléguait que la décision violait les droits garantis aux citoyens canadiens dans le chapitre 7 de la Charte.125

L'article 32(1)(a) de la Charte traite de son applicabilité :

La présente Charte s'applique :

  1. au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement (…)

L'argument voulant que la Charte ne s'applique pas à l'exercice d'un pouvoir exécutif, à cause des mots même de la Charte, a été rejeté par la juge Wilson dans Operation Dismantle dans les termes suivants : [Traduction] « ces termes de limitation [de l'article 32(1)(a)] (…) sont une pure référence à la division des pouvoirs des articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 (…) La prérogative royale est sous l'autorité du Parlement dans la mesure où le Parlement a l'autorité de législation en matières des compétences qui lui reviennent. »126 La Cour ne s'est pas objectée à ce point, et sans plus d'analyse, le juge Dickson a déclaré : « Je suis d'accord avec Madame la Juge Wilson sur le fait que les décisions du Cabinet sont assujetties à l'article 32(1)(a) de la Charte et sont donc révisables par les tribunaux et sujettes à la révision judiciaire de conformité à la Constitution. »127

Bien que la Cour suprême du Canada ait clairement affirmé qu'un exercice de la prérogative de la Couronne peut en théorie être révisé pour évaluer sa conformité à la Charte, elle met l'emphase sur le point que cette révision doit se limiter à l'analyse de l'argument de la Charte : [Traduction] « inline la question n'est pas de savoir si les politiques de défense du gouvernement sont fondées, mais bien de déterminer si elles violent les droits du demandeur en vertu du chapitre 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il s'agit de deux points complètement distincts. »128

En somme, les décisions prises en vertu de la prérogative de la Couronne peuvent être assujetties à une révision de conformité à la Charte, mais cette révision ne doit servir qu'à déterminer si un droit de la Charte est entravé ou non.

Une hypothèse sous-entendue dans le verdict de la juge Wilson dans Operation Dismantle veut que la doctrine de justiciabilité puisse s'appliquer non seulement à un cas de délit ou de révision judiciaire, mais aussi à une révision du Tribunal portant sur un problème de conformité à la Charte. Ce qui voudrait dire que les tribunaux n'accepteraient pas de recevoir une requête de révision de conformité à la Charte d'une décision basée sur une prérogative de la Couronne si cette dernière concernait un sujet de high policy. Cette question de droit semble toutefois irrésolue. De l'arrêt rendu majoritairement :

The approach I have taken is not based on the concept of justiciability. I agree in substance with Madame Justice Wilson's discussion of justiciability and her conclusion that the doctrine is founded upon a concern with the appropriate role of the courts as the forum for the resolution of different types of disputes. I have no doubt that disputes of a political or foreign policy nature may be properly cognizable by the courts. 129

La question de savoir si les tribunaux appliqueront la doctrine de justiciabilité lors d'un jugement concernant l'examen de conformité à la Charte d'un exercice de la prérogative de la Couronne demeure ambigüe. Si la révision visait à savoir si la décision a été prise correctement, la question de justiciabilité serait alors pertinente pour l'enquête (en ce qu'elle sert à déterminer si le tribunal est l'instance appropriée pour trancher le litige). Par contre, la pertinence de cette question pourrait être mise en doute à la demande d'une révision de conformité à la Charte : si le tribunal n'est pas l'endroit approprié pour faire le point sur une requête de conformité à la Charte, il ne semble pas y avoir d'autre endroit approprié pour le faire. Ce raisonnement a été appuyé dans la jurisprudence. Dans un autre contexte, celui de Black, la Cour a déclaré :

Where matters of high policy are concerned, public policy and public interest considerations far outweigh the rights of individuals or their legitimate expectations. In my view, apart from Charter claims, these decisions are not judicially reviewable.130 [Emphasis added]

La juge Wilson se reporte de toute évidence à la doctrine de justiciabilité dans l'affaire Operation Dismantle. L'argument voulant que la doctrine s'applique lors de prochaines révision de conformité à la Charte concernant des décisions en vertu de la prérogative de la Couronne a donc maintenant un fondement juridique.


Notes en bas de page

1 Même si les termes « prérogative de la Couronne » et « prérogative royale » sont synonymes, c'est le premier de ces termes qui est utilisé dans le titre et dans tout le texte de la présente publication. L'emploi du terme « Couronne » ne laisse aucun doute quant à l'entité à laquelle il fait référence, c'est-à-dire le monarque dans sa compétence publique, qui, dans un système monarchique, est un membre du pouvoir exécutif ou central d'un gouvernement : voir O. Hood Phillips & Paul Jackson, O. Hood Phillips' Constitutional and Administrative Law, 7e éd. (London: Sweet & Maxwell, 1987), p. 267.

2 (2001), 54 O.R. (3e) 215 (C.A.).

3 Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, Looseleaf ed. (Scarborough: Thomson Carswell, 1997), p. 1.9, cité dans Black, supra note 2, p. 224. Cette définition a aussi été acceptée en majorité par la C.S.C. dans l'arrêt Ross River Dena Council Band c. Canada (2002), 213 D.L.R. (4e) 193, p. 217, le juge LeBel dans les termes suivants : « Generally speaking, in my view, the Royal prerogative means [définition du professeur Hogg]. » La minorité était d'un autre avis et n'a pas offert de définition de « prérogative de la Couronne ».

4 Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, 10e éd. (London: Macmillan, 1959), p. 424.

5 Supra note 2.

6 Ibid., p. 224.

7 Hogg, supra note 3 p. 1.9 note 76, critique directement la définition du professeur Dicey : « as well as prerogative powers, there are a number of prerogative privileges or immunities, which give to the Crown immunities from some kinds of legal proceedings, priority in the payment of debts, etc. This miscellaneous class of prerogatives, which is ignored in Dicey's definition ("…") has also been reduced by statute, but some of it lingers on. » Voir aussi Phillips & Jackson, supra note 1 p. 267, qui affirme que les prérogatives peuvent être des pouvoirs, des droits, des privilèges et des immunités; et voir Paul Lordon, Crown Law (Toronto: Butterworths, 1991) p. 65, qui affirme que « the royal prerogatives are comprised of a collection of powers, rights, privileges, immunities, and duties derived from the common law. »

8 Hogg, supra note 3, p. 2.1.

9 77 E.R. 1342.

10 Hogg, supra note 3, p. 1.9. Une loi était requise pour l'imposition. Tel que discuté plus bas, dans le cas d'un territoire conquis ne possédant aucune assemblée législative, le Roi avait le droit d'exercer la prérogative de légiférer, et par le fait même, de taxer.

11 Hogg, supra note 3, p. 1.9.

12 Hogg, supra note 3 p. 1.9 citant Entick c. Carrington (1765), 95 E.R. 807 (K.B.). Ce jugement, plus récent que la première colonisation de ce qui est maintenant le Canada, et a été rendu après que la prérogative de la Couronne ait été utilisée sur ce même territoire.

13 Hogg, supra note 3, p. 2.3(a).

14 La victoire décisive des Anglais sur les Plaines d'Abraham a eu lieu en septembre 1759, et la France a officiellement cédé ce territoire à la Grande-Bretagne par le Traité de Paris signé le 10 février 1763.

15 (U.K.), L.R.C. 1985, Appendice II, no 1.

16 Hogg, supra note 3, p. 2.3(b). L'assemblée ne s'est jamais réunie et a été abolie par la loi impériale (c-à-d la loi du Parlement impérial) en 1774. Le Québec et l'Ontario allait avoir droit à des assemblées élues par la loi impériale en 1791.

17 Ibid. p. 1.9.

18 Loi constitutionnelle de 1867 (U.K.), 30 & 31 Vict., c. 3.

19 Les autres territoires et provinces ont été admis dans la Confédération avec le temps, ou ont été créés par d'autres entités qui se sont plus tard jointes à la Confédération.

20 Supra note 18, art. 9.

21 Ce processus a été complété après l'adoption du Statut de Westminster de 1931, (U.K.), 22 & 23 Geo. 5, c.4.

22 Les problèmes liés à la séparation des compétences du gouvernement canadien, c-à-d fédéral ou provincial, et la question visant à savoir quelle entité est en droit d'exercer les prérogatives de la Couronne sont traités plus bas.

23 Hogg, supra note 3, p. 10.8(a).

24 Lordon, supra note 7, p. 65-66; Black, supra note 2, p. 225 : « despite its broad reach, the Crown prerogative can be limited or displaced by statute. » Il est intéressant de noter que la Cour, dans Black, a cité l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, L.C.R. 1985, c. P-1, pour soutenir cette déclaration. L'article 4 confirme les pouvoirs et privilèges des chambres du Parlement canadien dont bénéficiait la Chambre de communes du Royaume-Uni en 1867. Évidemment, ce fondement de la règle ne s'applique qu'aux prérogatives de la Couronne fédérale.

25 Voir, par ex., Ross River, supra note 3.

26 Cette immunité est en fait une prérogative. Il existe une question concernant la légitimité de cette immunité aux mains du gouvernement législatif plutôt qu'aux mains de la Couronne même. Le poids de l'autorité moderne penche sans aucun doute du côté de la large opinion selon laquelle la Couronne dans toutes ses compétences bénéficie de cette prérogative immunitaire. Voir Hogg, supra note 3, p. 10.9(a).

27 L.R.C. 1985, c. I-21.

28 Tel que discuté dans Hogg, supra note 3, p. 10.8(b), toutes les provinces sauf deux possèdent des lois d'interprétation confirmant cette immunité. En Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard, les deux exceptions, les lois d'interprétation renversent la présomption et stipulent que la législation provinciale prévaut sur la Couronne à moins d'indications contraires dans les lois.

29 Supra note 27, art. 17. C'est de cet article dont il est question lorsque Lordon déclare : « a royal prerogative may be altered or abolished by legislation », Lordon, supra note 7, p. 66. Une loi peut surpasser la Couronne sans pour autant destituer les pouvoirs et privilèges d'une prérogative.

30 Voir par ex. Ross River, supra note 3, p. 199, juge Bastarache (avec la juge en chef McLachlin et la juge L'Heureux-Dubé); Hogg, supra note 7, p. 10.8(a); Canadian Encyclopedic Digest, vol. 8, 3e éd. (Carswell: Scarborough, looseleaf) « Crown », para 69.

31 Lordon, supra note 7, p. 66. Voir aussi le jugement minoritaire du juge Bastarache dans Ross River, supra note 3, p. 199 : « It is less certain whether in Canada the prerogative may be abolished or limited by necessary implication. » Cf. Hogg, supra note 3, p. 10.8(a); C.E.D., vol. 8, supra note 30 « Crown », para 69 : « expressly or by necessary intendment »; Ross River, ibid. p. 217, juge LeBel (qui, notamment, a cité entre autres autorités Lordon, supra note 7, p. 66, cité supra dans le texte).

32 Hogg, supra note 3, p. 10.9(b).

33 Voir une étude de ces questions, par ex., ibid., p. 10.9.

34 Voir ibid. p. 10.9(d).

35 Ross River, supra note 3, p. 217, juge LeBel.

36 [1920] All E.R. Rep. 80 (H.L.).

37 Ibid. p. 86, Lord Dunedin, cité avec approbation dans Ross River, supra note 3, p. 217, juge LeBel. Voici une autre façon de Lordon de décrire ce qui se produit lorsqu'une prérogative est limitée par une loi : « Parliament may by statute preserve the prerogative but regulate the manner in which it is to be exercised. » Voir Lordon, supra note 7 p. 67.

38 Ross River, supra note 3, juge LeBel.

39 Ross River, ibid., juge Bastarache.

40 (1993), 11 C.E.L.R (N.S.) 1 (Fed. T.D.); confirmé (1995), 16 C.E.L.R. (N.S.) 24 (C.F.C.); autorisation d'appel rejetée (1995), 17 C.E.L.R. (N.S.) 298 (C.S.C.).

41 La Loi canadienne sur le protection de l'environnement; la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique; la Loi sur la marine marchande du Canada.

42 Vancouver Island, supra note 40, p. 35.

43 Ibid.

44 De Keyser's Hotel, supra note 36, p. 86, lord Dunedin.

45 L.R.C. 1985, c. C-50.

46 Ibid., art. 3. Sans note, il est difficile de penser à une loi qui s'applique plus clairement à la Couronne que celle-ci. Les lois provinciales régissant les procédures contre la Couronne ont également modifié l'association entre la prérogative de la Couronne et la Couronne du chef des provinces : voir C.E.D., vol. 8, supra note 30 « Crown », para 29 et 82.

47 L.R.C. 1985, c. N-5.

48 Des parties de la LDN, ibid., donnent des directives de gestion et de contrôle des FC, mais n'entravent pas les prérogatives de la Couronne qui y sont associées. Plus particulièrement, l'article 15 classe la Force régulière et la réserve en tant que composants des FC (ce qui expressément implique que le gouverneur en conseil doit autoriser un maximum d'officiers et de sous-officiers pour chaque composant). L'article 31 donne le pouvoir au gouverneur en conseil de déplacer des membres ou des éléments des FC en service, et de juger nécessaire que certains membres demeurent en service actif. L'article 34 stipule que les personnes âgées de moins de 18 ans ne peuvent pas être déployées par les FC vers des lieux hostiles. L'article 60 détermine les classes de personnes sujettes au Code de discipline militaire, et prévoit que le gouverneur en conseil peut prescrire des règles relatives à l'application du Code de discipline militaire aux membres des Forces d'autres nations qui sont reliées aux ou secondées par les FC. L'article 273.6 prévoit que le « gouverneur en conseil ou le ministre peut autoriser les Forces canadiennes à accomplir des tâches de service public ». Jusqu'à maintenant, aucun tribunal ne semble avoir trouvé que l'un ou l'autre des articles de la LDN dont il est ici question a l'effet de surpasser une prérogative de la Couronne.

49 Cette liste a été tirée de celle de Lordon qu'il appelle « Crown prerogatives of contemporary importance » . Voir Lordon, supra note 7, p. 75.

50 Ibid. Cette liste démontre clairement l'importance de la prérogative de la Couronne en tant que source d'autorité pour le MDN et pour les FC.

51 Lordon, supra note 7, p. 75-105.

52 Supra note 18.

53 Ibid. Voir Hogg, supra note 3, p. 9.2, note 9. Voir aussi Lordon, supra note 7, p. 68.

54 Supra note 18.

55 Tel que discuté dans la section 2 de la présente publication, et il faut le répéter à ce point, la prérogative de la Couronne consiste non seulement en des pouvoirs, mais aussi en des privilèges (incluant les immunités). L'étude de l'exercice de la prérogative portera principalement sur les pouvoirs de cette dernière.

56 En théorie politique, le gouvernement exécutif du Canada, au niveau fédéral, est constitué du monarque, du gouverneur général, du premier ministre et du Cabinet.

57 Le fait que la prérogative de la Couronne n'est pas, en fait, exercée par le chef d'État formel, mais plutôt par d'autres entités, vient majoritairement d'une convention constitutionnelle. Voici l'explication de Hogg à ce sujet, supra note 3, à la page 1.9 : « an extraordinary feature of the system of responsible government is that its rules are not legal rules in the sense of being enforceable in the courts. They are conventions only. The exercise of the Crown's prerogative powers is thus regulated by conventions, not laws. »

58 Le terme « exécutif politique » est ici utilisé pour designer l'élément du pouvoir exécutif qui exerce en pratique l'autorité exécutive au Canada. Tel qu'il en sera question, le chef d'État canadien détient légalement l'autorité exécutive, mais en réalité, il ne l'utilise pas lui-même. Cette situation complexe trouve son origine dans des déclarations de tribunaux affirmant que le chef du Canada partage sa prérogative de la Couronne avec l'exécutif politique : en fait, comme il en sera question plus loin, la convention (qui n'est pas citée en référence par les tribunaux) veut que seul l'exécutif politique possède l'autorité exécutive.

59 Le pouvoir exécutif au Canada est étudié dans la partie III, articles 9 à 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 (U.K.), supra note 18. Comme nous l'avons vu dans la section 2.2 de la présente publication, l'article 9 de la Loi constitutionnelle de 1867 s'assure que les prérogatives de la Couronne, à l'égard du Canada, appartiennent à la Reine : « À la Reine continueront d'être et sont par la présente attribués le gouvernement et le pouvoir exécutifs du Canada. »

60 Le Cabinet du gouverneur général (le représentant de la Reine au Canada), a été créé par une loi de prérogative de la Reine : les Lettres patentes constituant la charge de gouverneur général du Canada, 1947, L.R.C. 1985, Appendice II, no 31. L'article I est le suivant : « We do hereby constitute, order, and declare that there shall be a Governor General and Commander-in-Chief in and over Canada… ». En réalité, aucune structure n'est en place dans la Loi constitutionnelle de 1867 (U.K.), supra note 18, pour la création du Cabinet du gouverneur général.

61 Voici l'article II des Lettres Patentes de 1947, ibid. : « And We do hereby authorize and empower Our Governor General, with the advice of Our Privy Council for Canada or of any members thereof or individually, as the case requires, to exercise all powers and authorities lawfully belonging to Us in respect of Canada… »

62 Ibid. Le Conseil privé du Canada est défini par l'article 11 de la Loi constitutionnelle de 1867 (U.K.), supra note 18, qui est le suivant : « inline Il y aura, pour aider et aviser, dans l'administration du gouvernement du Canada, un conseil dénommé le Conseil Privé de la Reine pour le Canada… »

63 Ibid., art. II.

64 Selon Gregory Tardi, The Legal Framework of Government, a Canadian Guide (Aurora: Canada Law Book, 1992), p. 83 : « in political reality, the focus of [executive] power is in the Cabinet, with the Governor General retaining a role as a legally-necessary figurehead. »

65 En fait, la Loi constitutionnelle de 1867 ne fait aucune mention du Cabinet, supra note 18.

66 Le Cabinet « constitutes the only active part of the Privy Council, and it exercises the powers of that body »: Hogg, supra note 3, p. 9.3(b). Le Cabinet a historiquement été, par convention, constitué de tous les ministres fédéraux. Le Cabinet fait partie du Conseil privé en plus de certaines personnes nommées : Hogg, ibid. p. 9.3(b). La nomination au Conseil privé est à vie; techniquement, tous les membres vivants d'anciens cabinets sont membres du Conseil privé.

67 Selon Hogg, supra note 3, p. 9.2 : « in a system of 'responsible government' (or cabinet or parliamentary government, as it may also be called) the formal head of state…must always act under the 'advice' (meaning direction) of ministers who are members of the legislative branch and who enjoy the confidence of a majority in the elected house of the legislative branch. »

68 Hogg, supra note 3, p. 9.3(b).

69 Supra note 2.

70 Ibid. p. 226.

71 Operation Dismantle c. La Reine (1985), 18 D.L.R. (4e) 481 (C.S.C.), ce cas est étudié plus en détails à la section 2.7.2, infra.

72 Ross River, supra note 3, peut aussi être utilisé pour appuyer ce point. Dans cette cause, la majorité a jugé que (221 D.L.R., juge LeBel) : « inline if the power to create reserves is derived from the royal prerogative, the Governor General, or Governor in Council, would normally exercise that power. » [C'est nous qui soulignons]

73 John Willis, « Delegatus Non Potest Delegare » (1943), 21 Can. Bar Rev. 257, p. 257.

74 R. c. Harrison (1976), 66 D.L.R. (3d) 660 (C.S.C.) p. 665.

75 Lordon, supra note 7 p. 39.

76 Il semble que ni la règle ni son fondement n'ont été cités en référence relativement à l'exercice d'une prérogative de la Couronne.

77 Harrison, supra note 74, p. 665.

78 Harrison, ibid., a examiné le pouvoir, dans le Code criminel du Canada, permettant au procureur général d'interjeter un appel au nom de la Couronne.

79 Carltona, Ltd. c. Commissioners of Works and Others, [1943] 2 All E.R. 560 (C.A.).

80 La Loi d'interprétation fédérale, supra note 27, art. 24 (2) légifère en quelque sorte le principe de Carltona : « La mention d'un ministre par son titre ou dans le cadre de ses attributions, que celles-ci soient d'ordre administratif, législatif ou judiciaire, vaut mention : (…) c) de son délégué ou de celui des personnes visées aux alinéas a) et b); d) indépendamment de l'alinéa c), de toute personne ayant, dans le ministère ou département d'État en cause, la compétence voulue. »

81 Voir, par ex., Lordon, supra note 7, p. 40 : « An exception to the delegatus principle which operates in favour of Ministers or government Departments finds its origin in Carltona »

82 Voir, par ex., ibid. : « The Carltona doctrine may not apply to every statutory power exercisable by a Minister or Department. » [C'est nous qui soulignons]

83 De plus, tel qu'il en sera question plus loin, infra, il ne semble y avoir aucun appui pour la thèse voulant que la prérogative de la Couronne puisse être exercée par des niveaux inférieurs aux ministres. Par ses termes, le principe de Carltona accorde le pouvoir aux niveaux sous-ministériels de l'exécutif.

84 Carltona, supra note 79, p. 563; cité par la C.S.C. dans Harrison, supra note 74, p. 285.

85 Lordon, supra note 7, p. 71.

86 L'affaire Black, supra note 2, traitait en fait de la délégation de la prérogative de la Couronne du chef d'État à un subordonné : voir la section 2.6.1, supra.

87 Black, supra note 2, p. 226. Le tribunal a mis l'emphase sur le point à la page 227, déclarant : « I conclude that the Prime Minister and the Government of Canada can exercise the Crown prerogative as well. »

88 « The number and jurisdiction of Cabinet Committees varies from time to time, but there are usually four policy Committees of Cabinet dealing with economic, social, government operations and management, and foreign and defence policy » : voir le Bureau du Conseil privé, « Mémoire au Cabinet : Guide du rédacteur », mis à jour en juin 2000. Même si ce guide est daté et qu'il n'est pas régulièrement mis à jour, il demeure une bonne source de renseignements de base concernant les mémoires au Cabinet et les mécanismes gouvernementaux associés. Le 15 janvier 07, on comptait 7 comités du Cabinet : http://www.parl.gc.ca/information/about/people/key/CabCom.asp?Language=F.

89 Voir par ex. Black, supra note 2 p. 227 : « as members of the Privy Council, the Prime Minister and other Ministers of the Crown may also exercise the Crown prerogative. »

90 Hogg, supra note 3 p. 9.3(d).

91 Ibid.

92 Lordon, supra note 7 p. 71.

93 Black, supra note 2 p. 226.

94 Généralement, il n'y a que le Bureau du contrôleur général qui examine les décrets en conseil.

95 Voir la Division des affaires réglementaires du Bureau du Conseil privé, « Guide du processus du gouverneur en conseil : élaboration et approbation d'une soumission pour la prise d'un décret par le gouverneur en conseil », juillet 2004, ISBN 0-662-36451-1. Même si ce document n'est pas régulièrement mis à jour et qu'il ne reflète pas les pratiques de décret en conseil souvent modifiées, il demeure une bonne source de renseignements de base sur les processus relatifs aux décrets en conseil.

96 Ibid.

97 « Mémoire au Cabinet : Guide du rédacteur », supra note 88.

98 Ibid.

99 Ibid.

100 Ce ne sont pas toutes les affaires présentées au Cabinet ou au comité du Cabinet par l'entremise d'un MC qui concernent l'exercice d'une prérogative de la Couronne. Fréquemment, les MC seront informatifs seulement, ou pourront demander l'exercice d'une autorité basée sur un autre fondement qu'une prérogative.

101 « Mémoire au Cabinet : Guide du rédacteur », supra note 88.

102 De telles lettres utilisées dans un contexte de déploiement des FC sont souvent dites « à objectif stratégiques ». Il sera question de ces lettres plus en détails dans la section 3 de la présente publication.

103 Un exemple théorique serait la décision de déployer les FC en vertu d'une prérogative de la Couronne. Un des processus de la décision de déploiement en vertu de la prérogative de la Couronne pourrait traiter de l'objectif stratégique du déploiement étant de stabiliser une région, et un autre processus consisterait à donner les directives à la force afin d'assister le gouvernement local. Bien que les deux décisions formelles en vertu de la prérogative autorisent le déploiement des FC, il y aura de la confusion au niveau opérationnel à cause des directives stratégiques qui risquent d'être incohérentes et même contradictoires.

104 Lordon, supra note 7 p. 72.

105 Phillips & Jackson, supra note 1 p. 269ff.

106 Ibid.

107 Black, supra note 2 p. 229ff.

108 Le mot « contesté » fait référence à la tentative de faire réviser par le tribunal une décision prise en vertu d'une prérogative de la Couronne. Une telle décision peut aussi être assujettie à une réclamation en responsabilité civile délictuelle ou à une requête de jugement interprétatif. En fait, un grand nombre des cas dont il est question dans la présente publication se classent dans ces catégories.

109 La portée de la doctrine de justiciabilité s'étend au-delà du concept de révision judiciaire. Par exemple, l'affaire Black, supra note 2, était fondé sur la responsabilité civile délictuelle et la requête a été rejetée parce que non justiciable.

110 Supra note 71.

111 Ibid., p. 500, juge Wilson, le commentaire pourrait être considéré obiter. Les cas cités en référence traitaient des lois commerciales restrictives britanniques passées dans les années 1950 et 1960.

112 Black, supra note 2 p. 229ff.

113 Ibid. p. 231.

114 [1984] 3 All E.R. 935 (H.L.). Avant cet arrêt, il était généralement entendu, au Royaume-Uni, que les décisions prises en vertu d'une prérogative de la Couronne ne pouvaient faire l'objet de procédures judiciaires.

115 Black, supra note 2 p. 232.

116 Ibid.

117 [1989] 1 All E.R. 655 (C.A.).

118 L'idée derrière le concept de « high policy » utilisée dans d'autres cas anglais est discutable et est sans précédent. Dans GCHQ, supra note 114, qui précédait ex Parte Everett, ibid., lord Roskill a dit que certaines décisions découlant de prérogatives de la Couronne pourraient être considérées comme étant des « catégories exclues » ou comme des catégories de décisions ne pouvant être soumises à des révisions judiciaires. Cet obiter a été cité en référence dans Abbasi v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, [2002] E.W.J. No. 4947 (C.A.), où le tribunal a développé le concept de « forbidden areas » concernant l'utilisation des prérogative de la Couronne ne pouvant pas être soumises à une révision judiciaire (voir para 106). Ce point a été soutenu dans Campaign for Nuclear Disarmament v. Prime Minister, [2002] E.W.J. No. 6344 (Q.B.) para 50.

119 Aleksic c. Canada (Procureur général) (2002), 215 D.L.R. (4e) 720 (Cour divisionnaire de l'Ontario) p. 732.

120 Blanco c. Canada (2003), 231 F.T.R. 3 p. 6.

121 Turp c. Chrétien (2003), 111 C.R.R. (2d) 184 (F.C.) p. 188.

122 Ce point sera expliqué plus en détails à la section 3.4 de la présente publication.

123 Supra note 71.

124 Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexée en B à la Loi de 1982 sur le Canada (U.K.), 1982, ch. 11.

125 Dans Operation Dismantle, supra note 71, sept juges ont suivi les procédures, mais seulement six ont pris part au jugement. Bien que tous les juges participants s'entendent sur le résultat, 11 des 36 pages rendant la décision expliquent la décision du juge Dickson, soutenue par quatre autres juges, et les 25 autres pages ont été signées par le juge Wilson seulement. C'est ce dernier jugement qui est le plus souvent cité comme guide à propos de la question d'applicabilité de la Charte face aux décisions fondées sur des prérogatives de la Couronne. En tenant compte de cela, le jugement du cas Operation Dismantle fait autorité en matière de droit relatif aux prérogatives de la Couronne.

126 Ibid. p. 497ff.

127 Ibid. p. 491, juge Dickson.

128 Ibid. p. 504, juge Wilson.

129 Ibid. p. 494, juge Dickson.

130 Black, supra note 2 p. 232

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