Rapport annuel 2021-2022 du Directeur Service d'avocats de la défense

Aperçu

1. Ce rapport couvre la période du 1er avril 2021 au 31 mars 2022. Il est préparé conformément au paragraphe 101.11(4) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces armées canadiennes (les Ordonnances et règlements royaux) qui énoncent les services juridiques dont l’exécution est confiée au directeur du service d’avocats de la défense (le Directeur) et exige qu’il fasse rapport annuellement au Juge-avocat général (la JAG) sur la prestation des services juridiques et l’exécution des autres tâches entreprises dans le cadre du mandat du Service d’avocats de la défense (le SAD).

Rôle des Services d’avocats de la défense

2. Conformément à l’article 249.17 de la Loi sur la défense nationale (LDN), tout justiciable qui est « susceptible d’être accusé, instruit et jugé en vertu du Code de discipline militaire » a le « droit d’être représenté dans les cas et de la manière prévus règlement du gouverneur en conseil ». Le SAD est l’organisation chargée d’aider les personnes à exercer leurs droits. 

3. Conformément à l’article 249.18 de la Loi sur la défense nationale, le Directeur est nommé par le ministre de la Défense nationale. L’article 249.2 prévoit que le directeur « exerce ses fonctions sous la direction générale du juge-avocat général » et prévoit que le JAG exerce ce rôle par le biais « d’instructions générales ou de directives écrites concernant le Service d’avocats de la défense ». Le paragraphe 249.2(3) prévoit qu’il incombe au Directeur de veiller à ce que les instructions générales ou les directives émises en vertu de cet article soient mises à la disposition du public. Aucune directive de ce type n’a été émise cette année.

4. Le directeur est mandaté par la loi à l’article 249.19 pour « fournir, superviser et diriger » la prestation des services d’avocats de la défense. Ces services peuvent être divisés en deux catégories : les « avis juridiques », où des conseils de nature plus sommaire sont fournis, souvent à la suite d’appels à la ligne d’avocats de garde, et les « conseils juridiques », qui impliquent généralement une relation avocat client plus soutenue avec un avocat désigné et la représentation d’un accusé devant un juge militaire, une cour martiale, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada (CACM) ou la Cour suprême du Canada (CSC). Historiquement et occasionnellement, les avocats ont également comparu devant les commissions provinciales d’examen de la santé mentale et la Cour fédérale.

5. Un conseil juridique est offert lorsque :

  1. des militaires font l’objet d’une enquête en vertu du Code de discipline militaire, d’une enquête sommaire ou d’une commission d’enquête, souvent lorsqu’on leur demande de faire une déclaration ou qu’ils sont mobilisés contre eux-mêmes;
  2. des militaires sont arrêtés ou détenus, en particulier au cours de la période de 48 heures pendant laquelle l’officier réviseur doit rendre une décision quant à leur remise en liberté;
  3. des militaires doivent choisir un procès sommaire ou renoncer à leur droit d’être jugé par une cour martiale;
  4. des militaires demandent des conseils de nature générale en prévision d’une audience par procès sommaire;
  5. des militaires songent à présenter une demande au commandant pour modifier une peine discontinue ou les conditions imposées au procès sommaire;
  6. des militaires préparent une demande de révision de la conclusion ou de la peine qui a été imposée au procès sommaire, ou ils songent à présenter une telle demande.

6. Les services de représentation juridique sont fournis par un avocat dans les cas suivants :

  1. un officier réviseur refuse de libérer les personnes arrêtées, de sorte qu’il est nécessaire de tenir une audience sur la détention avant le procès devant un juge militaire;
  2. des militaires exigent ou demandent un examen judiciaire des conditions de libération imposées par un officier réviseur;
  3. il y a des motifs raisonnables de croire que l’accusé est inapte à subir un procès;
  4. des demandes ont été faites pour renvoyer des accusations à une cour martiale;
  5. des militaires demandent à un juge militaire de modifier une peine discontinue ou les conditions imposées par une cour martiale ou à un juge de la Cour d’appel de la cour martiale lorsque les conditions sont imposées par cette cour;
  6. des militaires ont interjeté appel devant la Cour d’appel de la cour martiale (CACM) ou la Cour suprême du Canada (CSC) ou ils ont demandé l’autorisation d’interjeter appel et le comité d’appel, qui a été créé dans les Ordonnances et règlements royaux, a approuvé la représentation aux frais de l’État;
  7. le ministre de la Défense nationale interjette appel auprès de la Cour d’appel de la cour martiale ou de la Cour suprême du Canada lorsque les militaires souhaitent être représentés par le Service d’avocats de la défense.

7. Les obligations et les fonctions que la loi impose au Service d’avocats de la défense doivent être exercées en conformité avec nos obligations professionnelles et constitutionnelles pour donner préséance aux intérêts de nos clients. Si les demandes de services juridiques débordent du mandat du Service d’avocats de la défense, les militaires sont invités à retenir les services d’un avocat civil à leurs frais.

8. Le Service d’avocats de la défense n’a pas le mandat de représenter un accusé à un procès sommaire. Le système de justice militaire s’appuie sur l’avocat militaire d’une unité, en général un juge-avocat adjoint, pour donner des conseils à la chaîne de commandement sur le bien-fondé d’accusations et sur la conduite et la légalité du procès sommaire, le tout dans l’optique de veiller à ce que l’accusé soit traité selon le principe de la primauté du droit.

Organisation, administration et personnel du Service d’avocats de la défense

9. Tout au long de la période visée par le rapport, l’organisation a été située au Centre Asticou, à Gatineau, au Québec.

Avocat militaire de la défense

10. Le bureau était composé du directeur, du directeur adjoint et de 6 avocats militaires de la Force régulière. En outre, 6 avocats militaires de la Force de réserve, répartis dans divers endroits au Canada, ont apporté leur contribution à temps partiel.

11. Pour la première fois dans l’histoire du SAD, le Directeur a demandé la création de 5 nouveaux postes au sein de la Force régulière.

12. Ces nouveaux postes sont nécessaires pour permettre au Directeur de s’acquitter adéquatement du mandat que lui confère l’article 249.19 de la LDN, à savoir « diriger et fournir » la prestation des services d’avocats de la défense. Ces nouveaux postes permettraient aux avocats militaires de la défense d’avoir une charge de travail et un encadrement comparables à ceux des procureurs militaires. En outre, ces nouveaux postes permettront de concilier vie professionnelle et vie privée et d’éviter un roulement de personnel préjudiciable au sein du SAD. Ils permettront de conserver l’expertise en matière de litiges et de planifier la relève de façon adéquate. Un meilleur encadrement pour les avocats militaires de la défense contribuera à réduire les retards dans le système de justice militaire. Enfin, un meilleur équilibre entre les ressources des services de la poursuite et de la défense favorisera une plus saine apparence de la justice.

Soutien administratif

13. Le soutien administratif était assuré par deux employés de bureau occupant des postes classés aux niveaux CR-04 et AS-01, ainsi que par une parajuriste au niveau EC-03.

Avocat civil

15. Aux termes de la LDN, le Directeur peut embaucher des avocats civils pour aider les accusés aux frais de l’État dans les cas où, après avoir reçu une demande de représentation par le SAD, aucun avocat militaire n’est en mesure de les représenter. Cela se produit principalement en raison d’un conflit d’intérêts réel ou potentiel, impliquant souvent la représentation d’un coaccusé par le SAD. Cela peut également se produire pour d’autres raisons. Au cours de la période visée par le présent rapport, des avocats civils ont été engagés par le Directeur pour représenter des militaires dans 7 dossiers.

Financement

16. Au cours de l’année financière, les fonds suivants ont été dépensés. 

Fonds Dépenses
C125 Passation de contrats  202 181,47 $
L101 Dépenses de fonctionnement 9 808,75 $
L111 Rémunération des civils et indemnités 195 666,64 $
L127 Solde, indemnités, fonctionnement et entretien de la Première réserve 430 300,27 $
  Total 837 957,13 $

17. Ce montant est inférieur à notre budget de fonctionnement initial de 859 350,00 $ et représente un financement stable au cours des dernières années.

Services, activités et formation

Services d’avocats de garde

18. Des conseils juridiques sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour les militaires qui font l’objet d’une enquête ou qui sont en détention. L’avocat de garde reçoit de 10 à 15 appels par jour et parfois plus. Les conseils juridiques sont généralement fournis par l’intermédiaire de notre ligne d’avocats de garde, un numéro sans frais qui est distribué au sein de l’ensemble des Forces armées canadiennes et qui est disponible sur notre site Web, ou par l’intermédiaire de la Police militaire et d’autres autorités susceptibles de participer aux enquêtes et aux détentions en vertu du Code de discipline militaire. 

Représentation en cour martiale

19. Lorsqu’ils comparaissent devant une cour martiale, les accusés ont le droit d’être représentés par un avocat du SAD aux frais de l’État, de retenir les services d’un avocat à leurs propres frais ou de décider de ne pas être représentés par un avocat.

20. Au cours de la période visée par le présent rapport, 66 membres ont sollicité les services d’un avocat militaire auprès du Directeur pour être représentés en cour martiale. Si l’on ajoute les 69 dossiers reportés de la période précédente, la charge de travail pour cette période de rapport était de 135 dossiers. 

21. Sur ces 135 dossiers, 78 ont été complétés. Et sur ces 78 dossiers, 36 militaires représentés par un avocat militaire de la défense ont vu leurs accusations retirées ou abandonnées avant même de comparaître devant une cour martiale.

22. Au cours de la période visée par le présent rapport, les avocats militaires de la défense ont assuré la représentation des personnes accusées dans 42 procès devant des cours martiales. Dans 10 dossiers, l’accusé a été déclaré non coupable de tous les chefs d’accusation. Dans 30 dossiers, l’accusé a été reconnu coupable ou a plaidé coupable à au moins une accusation. Dans un dossier, la procédure a été abandonnée; et dans un autre, l’accusé a été déclaré non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux (NRC).

 

Dossiers du SAD en cour martiale AF 2021-2022

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Répartition du graphique : Dossiers du SAD en cour martiale AF 2021-2022
Dossiers du SAD en cour martiale AF 2021-2022
  Dossiers
Nombre total de cas 135
Reportés 69
Assignés 66
Complétés 78
Dossiers actifs 57
 

Décisions dans les dossiers en cour martiale AF 2021-2022

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Répartition du graphique : Décisions dans les dossiers en cour martiale AF 2021-2022
Décisions dans les dossiers en cour martiale AF 2021-2022
  Résultats
Retirés 36
Coupable d'au moins une accusation 30
Non coupable 10
NCR 1
Terminé 1

Services d’appel

23. Lorsqu’un militaire est l’appelant et qu’il demande à être représenté aux frais de l’État par le SAD, il doit présenter une demande au Comité d’appel, établi en vertu des Ordonnances et règlements royaux, qui évalue le bien-fondé de l’appel. Les militaires sujets à un appel du ministre peuvent être représentés de plein droit par le SAD. 

24. Le SAD a travaillé sur 1 appel devant la CSC, pour lequel une autorisation a été accordée, et sur 17 appels devant la CACM. 12 appels ont été interjetés par le ministre et 6 ont été interjetés au nom de l’accusé. Le SAD a également déposé des demandes d’autorisation d’appel auprès de la CSC dans 8 dossiers.

Cour suprême du Canada

25. La CSC a accordé l’autorisation d’interjeter appel du jugement de la CACM dans l’affaire R. c. McGregor, 2020 CACM 8. La question porte sur l’application extraterritoriale de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). La tenue de l’audience de cette affaire est prévue le 15 mai 2022 et sera abordée dans le prochain rapport annuel.

26. Le Comité d’appel a accueilli la demande du Matc Edwards et de sept autres militaires (Edwards et al.) d’être représenté par un avocat aux frais de l’État afin de déposer une demande d’autorisation d’appel auprès de la CSC. La question porte sur l’indépendance des juges militaires en vertu de l’article 11d) de la Charte. Les jugements de la CSC relatifs aux demandes d’autorisation sont en délibérés.

Cour d’appel de la cour martiale du Canada

27. Dans les 8 cas pour lesquels des autorisations d’interjeter appel auprès de la CSC ont été demandées (R c. Edwards et al.), la CACM a conclu que les juges militaires sont indépendants conformément à l’art. 11d) de la Charte.

28. Dans R c. Lévesque, le CACM a conclu que le juge militaire avait commis une erreur de droit en ordonnant au militaire d’être incarcéré dans une prison militaire plutôt qu’une prison civile. 

29. Dans R c. Pépin, 2 022 CACM 4, la CACM a rejeté l’appel en concluant que le juge militaire avait correctement conclu que le droit au silence et le droit à un avocat de l’accusé en vertu de la Charte n’avaient pas été violés. La CACM a également conclu que l’instruction sur la mise en garde WD au jury n’était pas nécessaire dans les circonstances.

30. Dans R c. Thibault, 2022 CACM 3, le CACM a rejeté l’appel. Le juge militaire a correctement appliqué le fardeau de la preuve et a commis une erreur de peu d’importance en omettant de considérer la preuve de trois témoins selon laquelle le plaignant et l’appelant rigolaient ensemble au lit immédiatement après le rapport sexuel, bien que le plaignant ait nié cette preuve.

31. Dans R c. Euler, le ministre a interjeté appel et a soutenu que la juge militaire avait acquitté l’accusé parce qu’elle avait exigé la corroboration du témoignage de la plaignante. Le caporal Euler a soutenu que la juge militaire n’a pas exigé de corroboration. À la fin de la période visée par le présent rapport, la CACM a rejeté l’appel.

32. Dans R. c. MacPherson, le ministre a fait appel et a soutenu que le juge militaire avait commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur une agression sexuelle qui aurait été commise en 1998. L’appel a été entendu et le jugement est en délibéré.

33. Dans R. c. Vu, le ministre interjette appel au motif que le juge militaire a commis une erreur en concluant qu’il ne pouvait y avoir de doute raisonnable sur le fait que le plaignant était incapable de consentir. L’appel n’a pas encore été entendu.

34. Dans R c. Stewart, le militaire a interjeté appel pour deux raisons. Premièrement, le juge militaire a rejeté à tort la demande de l’appelant, en vertu de l’article 278.93, de présenter une preuve de « l’autre activité sexuelle » du plaignant. Deuxièmement, le juge militaire a rejeté à tort la demande de preuve manquante de l’appelant en statuant que la déclaration manquante du plaignant n’existait tout simplement pas. L’appel n’a pas encore été entendu.

35. Dans R. c. Turner, le militaire interjette appel pour un certain nombre de motifs, y compris la question de l’indépendance judiciaire dont la CSC est actuellement saisie dans la demande d’autorisation d’appel dans l’affaire Edwards et al.. Les mémoires n’ont pas été produits à ce jour.

36. Dans R c. Bruyère, le ministre interjette appel de la sentence. Les mémoires n’ont pas été produits à ce jour.

Perfectionnement professionnel

37. En raison de la pandémie de COVID-19, les possibilités de perfectionnement professionnel ont été limitées à des formations juridiques individuelles ad hoc en ligne et à l’Atelier de formation juridique permanente du JAG.

Conclusion

38. Cette année encore, les avocats militaires du SAD ont fourni des services juridiques exceptionnels aux membres admissibles de la communauté militaire qui ont demandé notre aide. Je suis particulièrement fier de nos avocats militaires qui ont courageusement voyagé partout au Canada pour protéger les droits de nos militaires dans le contexte de la pandémie. Nous leur devons notre plus grand respect.

39. Ma priorité demeure de promouvoir un environnement où les clients peuvent avoir confiance que leur avocat est non seulement professionnellement compétent, mais aussi indépendant du gouvernement.

J-B. Cloutier
Colonel 
Directeur du service d’avocats de la défense

29 juin 2022

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