ARCHIVÉE - Chapitre 4 : La justice militaire : L'année en rétrospective

R. c. Szczerbaniwicz
La décision rendue par la cour martiale dans la cause du lieutenant-colonel (Lcol) Szczerbaniwicz est notable parce que l’affaire a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada (CSC). En dernier ressort, la CSC a maintenu le verdict initial du juge militaire.
Le Lcol Szczerbaniwicz avait été reconnu coupable par une cour martiale permanente de voies de fait, à la suite d’une querelle domestique avec son ancienne conjointe. Il a interjeté appel de la condamnation, entre autres, pour les motifs que le juge militaire avait mal interprété la loi visant la défense de biens et l’usage de la force excessive. Le 5 mai 2009, la majorité des juges de la CACM a rejeté l’appel, et l’un des juges était dissident sur la question de la défense de biens. Le Lcol Szczerbaniwicz a interjeté appel de plein droit devant la CSC. Le 6 mai 2010, la CSC a rejeté l’appel. Dans une décision majoritaire, la cour a conclu que le juge militaire n’avait pas commis d’erreur et que le Lcol Szczerbaniwicz avait usé d’une force excessive pour se fonder sur la défense relativement à la protection de biens.
Initiatives législatives et réglementaires
Le projet de loi C-41 : Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada
Le projet de loi C-41 aurait représenté la révision la plus complète du système de justice militaire du Canada depuis le projet de loi C-25 en 1998. Inspiré du rapport de l’ancien juge en chef du Canada, feu le très honorable Antonio Lamer, et du rapport du Comité permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles (CPAJC) du Sénat, « Une justice égale : Réformer le système canadien des cours martiales », les changements proposés par le projet de loi auraient accordé une plus grande indépendance aux juges militaires et leur auraient offert une plus grande flexibilité en matière de détermination de la peine, notamment en incluant l’absolution inconditionnelle, les peines discontinues et le dédommagement pour assurer davantage l’équité de la justice militaire. Le projet de loi portait également sur les besoins concrets du système de justice militaire en permettant la formation d’un tableau de juges militaires de la force de réserve et en élargissant le bassin des membres des FAC admissibles à siéger à un comité de la cour martiale. Par ailleurs, le projet de loi expliquait les fonctions et délimitait les responsabilités du Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC), en plus de prévoir des processus de règlement plus efficaces pour les griefs et les plaintes concernant la police militaire. Le projet de loi C-41 a atteint l’étape du rapport après avoir été renvoyé à la Chambre des communes à la suite d’une étude par le Comité permanent de la défense nationale, mais ce projet de loi est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous le 26 mars 2011 lors du déclenchement d’une élection.
Le projet de loi S-2 : Loi protégeant les victimes des délinquants sexuels
Le projet de loi S-2 : Loi protégeant les victimes des délinquants sexuels (L.C. 2010, ch. 17) apporte un bon nombre de modifications au registre national des délinquants sexuels qui a été créé par la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Notamment, en vertu des dispositions du projet de loi, les personnes reconnues coupables d’infractions sexuelles conformément au CDM sont maintenant inscrites automatiquement dans le registre national et des échantillons de leur ADN sont prélevés pour une analyse judiciaire. Le Cabinet du JAG a collaboré avec Sécurité publique Canada et le ministère de la Justice pour apporter les modifications nécessaires à la LDN et aux Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC).
Initiatives stratégiques
Le règlement sur les casernes de détention
La réadaptation est un but essentiel de la justice militaire. Le système ne vise pas simplement à punir les contrevenants, mais à les réadapter en tant que membres utiles des FAC. Les prisons militaires et les casernes de détention des Forces canadiennes (PMCDFC) permettent aux FAC d’y parvenir. En collaboration avec le GPFC, le Cabinet du JAG a entrepris de revoir et de moderniser le Règlement des prisons militaires et des casernes de détention des FAC. Il s’agit du premier examen du règlement depuis son entrée en vigueur en 1967. Les changements proposés au règlement incluent des modifications pour assurer une meilleure conformité à la Charte canadienne des droits et libertés.
Des règlements et des pratiques pour réduire les retards
La capacité de s’occuper d’une affaire à temps et de façon efficace est une des caractéristiques d’un bon système de justice militaire. Le Cabinet du JAG continue de voir à améliorer l’efficacité du système de justice militaire en étudiant diverses options soit de nouveaux règlements ou de nouvelles pratiques pour réduire les délais non nécessaires provenant de différents acteurs du système de justice militaire.
Les enjeux liés à la santé mentale et au TSPT
Ces dernières années, nous sommes devenus de plus en plus conscients des défis particuliers que représentent les problèmes de santé mentale au sein des FAC et du système de justice militaire, notamment les difficultés entourant les blessures de stress opérationnel, dont le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Le Cabinet du JAG s’efforce continuellement de mieux comprendre les enjeux et de concevoir des solutions qui répondent aux besoins tant de la chaîne de commandement que des membres des FAC.
L’autorité du second examen indépendant (ASEI)
En vertu du projet de loi C-25 (L.C. 1998, ch. 35), le ministre de la Défense nationale est tenu d’examiner de façon autonome, tous les cinq ans, les dispositions et l’application du projet de loi et de présenter un rapport au Parlement. Le 25 mars 2011, le MDN a chargé l’honorable Patrick J. LeSage, juge en chef à la retraite de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, de diriger le second examen indépendant du projet de loi C-25, et d’examiner le projet de loi C-60 (L.C. 2008, ch. 29). L’ASEI se rendra dans les bases des FAC, d’un bout à l’autre du Canada, pour rencontrer ceux et celles qui ont des commentaires à faire sur les questions à l’étude, et pour recevoir une rétroaction sur les résultats des changements apportés par les projets de loi C-25 et C-60. Le Cabinet du JAG n’a ménagé aucun effort pour que l’ASEI ait libre accès à l’information et aux personnes dont elle a besoin pour effectuer l’examen. Les résultats de l’examen poursuivi par l’ASEI seront passés en revue dans des rapports annuels ultérieurs.
La justice militaire évolue constamment pour répondre aux changements apportés aux normes militaires et sociétales et au droit pénal. Cependant, l’engagement du système en faveur de la primauté du droit et du maintien de la discipline dans les FAC demeure constant.
Ce chapitre porte sur les événements et les initiatives qui ont eu la plus grande incidence sur l’évolution du système de justice militaire au cours de la période de référence 2010-2011, y compris des affaires importantes débattues devant une cour martiale ou la cour d’appel, les initiatives relatives aux lois et aux règlements et les initiatives stratégiques entreprises par le Cabinet du Juge-avocat général.
Affaires judiciaires importantes
R. c. Semrau
La cour martiale du capitaine Semrau est remarquable en raison de son grand retentissement et de la gravité des chefs d’accusation. Ce procès a illustré de façon visible que le système de justice militaire pouvait être mobile. Il a démontré la portée du Code de discipline militaire. Il comprenait des allégations de gestes, qui, s’ils s’avéraient, auraient constitué un homicide criminel, qui tombe à l’intérieur des paramètres d’une infraction d’ordre militaire puisqu’on soupçonnait que les gestes avaient été commis à l’extérieur du Canada. Le procès a permis de montrer l’importance de pouvoir compter sur des tribunaux militaires en mesure d’être déployés, particulièrement des cours martiales qui sont en mesure d’être déplacées sur les théâtres d’opérations dans les cas de conflits armés afin d’entendre la preuve qui ne pourrait pas autrement être présentée devant un tribunal au Canada.
Le sous-lieutenant (Slt) Semrau (qui était capitaine à l’époque) était membre de l’Équipe de liaison et de mentorat opérationnel affectée au 2e Kandak (bataillon) de l’Armée nationale afghane (ANA). Le Slt Semrau était soupçonné d’avoir tiré sur un présumé insurgé taliban sévèrement blessé, le 19 octobre 2008, lors d’une patrouille dans la province de Helmand.
À la suite d’une enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, le Slt Semrau a été arrêté le 30 décembre 2008, maintenu sous garde et rapatrié au Canada. Le 17 septembre 2009, le DPM a procédé à la mise en accusation du Slt Semrau. L’acte d’accusation contenait quatre chefs d’accusation, à savoir meurtre au deuxième degré, tentative de meurtre où il y a usage d’arme à feu, cruauté ou conduite déshonorante et exécution négligente d’une tâche militaire. Dans le cadre de la procédure, la cour martiale a siégé pendant deux semaines en Afghanistan pour entendre un bon nombre de témoins.
Le 19 juillet 2010, le Slt Semrau a été déclaré coupable de conduite déshonorante, mais il a été acquitté de l’accusation de meurtre au deuxième degré, de tentative de meurtre et d’exécution négligente d’une tâche militaire. Le 5 octobre 2010, le Capt Semrau a été destitué du service de Sa Majesté et rétrogradé au grade de Slt.
R. c. Wilcox
La cause de R. c. Wilcox impliquait aussi un membre des FAC qui faisait face à des chefs d’accusation graves à la suite d’un décès survenu en Afghanistan.
Le 6 mars 2007, le caporal (Cpl) Megeney et l’ex-Cpl Wilcox travaillaient à l’aérodrome de Kandahar, en Afghanistan, où ils partageaient une tente d’hébergement. Ce jour-là, un coup de feu a été entendu provenant de leur tente et, au moment où il a été trouvé, l’ex Cpl Wilcox tenait le corps du Cpl Megeney dans ses bras; le Cpl Megeney est mort à la suite d’une blessure à la poitrine causée par balle.
L’ex Cpl Wilcox a été accusé de trois infractions en vertu du CDM : le fait de causer la mort par négligence criminelle avec usage d’une arme à feu, l’homicide involontaire coupable avec usage d’une arme à feu et l’exécution négligente d’une tâche militaire. Le 30 juillet 2009, l’ex-Cpl Wilcox a été reconnu coupable par une cour martiale générale de négligence criminelle ayant causé la mort et de négligence dans l’exécution des fonctions militaires; il a été condamné à quatre ans d’emprisonnement et destitué du service de Sa Majesté. L’ex-Cpl Wilcox a interjeté appel du verdict et de la sentence imposée. Lors de l’appel, des questions ont été soulevées au sujet de la composition du comité de la cour martiale qui a reconnu la culpabilité et la CACM, le 7 décembre 2009, sur consentement, a annulé les déclarations de culpabilité et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Le 29 octobre 2010, le DPM a procédé à une nouvelle mise en accusation avec les mêmes chefs d’accusations et le 14 février 2011, l’administratrice de la cour martiale a convoqué une cour martiale permanente pour le 26 avril 2011. Le résultat de cette cause sera discuté dans un rapport annuel ultérieur.

L’adjudant-chef Gaudreau – Adjudant-chef du JAG – prononce un discours au public.
Les enjeux de la justice militaire dans les opérations
Le fait que le système de justice militaire puisse être mis en place n’importe où crée des défis particuliers à relever. Pour s’assurer que le système est en mesure de maintenir la discipline et de rendre justice dans les conditions souvent austères des déploiements outre-mer, le Cabinet du JAG essaie de clarifier les rôles et les compétences des participants du système. Le Cabinet du JAG conçoit notamment des politiques sur la délégation du pouvoir des commandants de présider les procès sommaires et de porter des accusations.
Les documents de formation relatifs à la justice militaire
Tout au long de la période visée par le rapport, le Cabinet du JAG a travaillé avec l’Académie canadienne de la Défense et le Centre de droit militaire à la mise à jour des documents de formation relatifs à la justice militaire pour suivre l’évolution du système de justice. Les documents ont été notamment revus pour tenir compte des changements qui ont fait suite au projet de loi C-60 (L.C. 2008, ch. 29).
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