Chapitre 2 : Exercer autorité sur l’administration de la justice militaire : surveillance proactive, développement réfléchi et changements positifs

Dans le rapport annuel de 2010-2011 au ministre de la Défense nationale, le juge-avocat général (JAG) et son équipe de haute direction présentaient un document d’orientation stratégique à tous les membres civils et militaires du Cabinet du JAG : La mission et la vision du JAG. L’intention du JAG de réaliser cette mission et de concrétiser cette vision en se concentrant sur quatre objectifs stratégiques et treize objectifs stratégiques secondaires y était exprimée. Cette orientation a efficacement guidée tout le Cabinet du JAG dans une même direction.

L’objectif stratégique 2 du JAG consiste à assurer une surveillance proactive de la justice militaire, un développement réfléchi et des changements positifs. Cet objectif est clairement lié au mandat conféré par la loi au JAG, qui consiste à exercer son autorité sur tout ce qui touche à l’administration de la justice militaire. Pendant la période visée par ce rapport, cet objectif a été avancé de différentes manières, dont certaines sont décrites ci-dessous.

Droits des victimes

Au chapitre du développement réfléchi et des changements positifs, le Cabinet du JAG a déployé au cours de la période visée des efforts considérables dans la détermination de la façon d’intégrer les droits des victimes au système de justice militaire. L’analyse initiale des politiques sur les droits des victimes a commencé avant le début de la période visée, mais le dépôt, par le gouvernement, du projet de loi C-32 (la Loi sur la déclaration des droits des victimes), le 3 avril 2014, a réitéré l’importance et la nécessité de continuer à faire ressortir le rôle des victimes dans les systèmes judiciaires canadiens. Le ministre de la Justice a souligné, pendant les débats sur le projet de loi C-32 à la Chambre des communes, que la Loi sur la déclaration des droits des victimes ne s’appliquerait pas aux infractions militaires faisant l’objet d’enquêtes ou de procédures en vertu du Code de discipline militaire, car il serait très épineux d’élargir la déclaration des droits à la culture militaire et au système de justice militaire, et particulièrement aux procès sommaires (des tribunaux disciplinaires administrés par la chaîne de commandement). Toutefois, le ministre de la Justice a fait savoir que le gouvernement s’efforçait de faire en sorte que les droits des victimes soient intégrés, autant que possible, dans le régime militaire. Le ministre de la Défense nationale a confirmé, dans une allocution prononcée lors de la cérémonie d’assermentation du nouveau juge en chef de la Cour d’appel de la cour martiale, l’honorable B. Richard Bell, l’intention du gouvernement de renforcer les droits des victimes dans le régime de justice militaire.

Le Cabinet du JAG continue d’offrir au ministre de la Défense nationale le soutien juridique et relié aux politiques nécessaire pour favoriser la concrétisation de l’intention du gouvernement à l’égard des victimes. En sa qualité d’autorité en matière d’administration de la justice militaire, le JAG appuie sans réserve la mise en œuvre de droits supplémentaires pour les victimes dans le système de justice militaire. Une telle modification ferait clairement progresser son objectif stratégique consistant à assurer une surveillance proactive de la justice militaire, un développement réfléchi et des changements positifs.

Décharges accidentelles ou négligentes

Tel que raporté dans le dernier rapport annuel, une décision importante de la cour martiale (R. c. Brideau, 2014 CM 1005) a précisé le droit sur les décharges accidentelles ou résultant de la négligence, par des individus assujettis au Code de discipline militaire. La décision Brideau souligne, plus précisément, qu’un élément de faute morale (état mental) de la notion de négligence criminelle (qui englobe un écart marqué par rapport à la norme de dilligence attendue) constitue l’élément minimal de faute morale qu’il faut établir avant qu’une personne puisse être déclarée coupable d’une infraction en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN). Ainsi que l’a noté la cour martiale, les infractions à l’article 129 ne sont pas des infractions à responsabilité absolue et les tirs purement accidentels d’armes (c’est-à-dire les tirs non teintés de négligence criminelle) ne peuvent constituer une infraction en vertu de cet article.

En matière de supervision proactive de la justice militaire et pour garantir que l’état du droit relatif aux décharges accidentelles ou résultant de la négligence est appliquées correctement, les conseillers juridiques de l’unité ont assisté à une séance d’information sur les conséquences de la décision Brideau donnée par des experts en la matière de la division de la justice militaire du Cabinet du JAG, dans le cadre de la conférence annuelle de formation juridique permanente du JAG, en octobre 2014.

Engagement stratégique de nature juridique

L’engagement stratégique de nature juridique (ESJ) suppose l’établissement de liens, d’alliances et de partenariats avec des intervenants principaux dans le but de façonner et de faciliter l’élaboration et la connaissance du rôle du Cabinet du JAG dans l’offre de conseils et de services juridiques pour l’ensemble des questions liées au droit militaire afin de mieux atteindre les objectifs des FAC, du ministère de la Défense et du gouvernement du Canada. L’ESJ est l’une des meilleures manières de faire progresser l’objectif stratégique du JAG visant « un développement réfléchi et des changements positifs » dans le domaine de la justice militaire. Plusieurs initiatives importantes d’ESJ ont été entreprises pendant la période visée par ce rapport.

Premièrement, la division de la justice militaire du Cabinet du JAG a maintenu un dialogue productif et continu avec la Section des politiques en matière de droit pénal du ministère de la Justice pour garantir que, là où c’est indiqué, l’appareil de justice militaire progresse en harmonie avec le système civil de justice pénale du Canada. On constate que ce dialogue a porté des fruits dans différents projets de loi impliquant des amendements ou des propositions d’amendement au Code criminel et à la LDN, comme le projet de loi C-14 (la Loi sur la réforme de la non responsabilité criminelle, sanctionné le 11 avril 2014) et le projet de loi C-53 (la Loi sur les peines de prison à vie purgées en entier, déposé à la Chambre des communes le 11 mars 2015). Ces projets de loi illustrent la façon dont l’appareil de justice militaire évolue en parallèle avec l’appareil civil de justice pénale.

Deuxièmement, des avocats militaires du Cabinet du JAG ont été actifs dans différents forums internationaux et universitaires de débat, de discussion et d’étude portant sur la justice militaire. En novembre 2014, par exemple, le JAG adjoint de la justice militaire, a pris part à une consultation d’experts, tenue à Genève par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires. Également en novembre 2014, un autre avocat militaire a participé au séminaire sur la réforme de la justice militaire de l’école de droit de l’université Yale, où des commentateurs, des décideurs et des intervenants de premier plan en matière de justice militaire s’étaient rassemblés pour parler des tendances et progrès mondiaux du droit. La participation à ces forums a aidé à promouvoir, en général, une meilleure compréhension des fonctions essentielles des systèmes de justice militaire professionnels et sophistiqués, comme le système canadien, et a fourni au Cabinet du JAG de précieuses occasions d’apprendre et d’enseigner des pratiques exemplaires dans le domaine de la justice militaire.

Troisièmement, le Cabinet du JAG a appuyé la Stratégie d’engagement mondial de la Défense nationale grâce à sa participation à des engagements multilatéraux et bilatéraux avec des partenaires de défense clés, comme le Brésil, la Jordanie, Israël et le Pérou. La participation à ces engagements a permis d’acquérir des renseignements de qualité sur la justice militaire, de faire progresser des partenariats internationaux importants et de profiter d’occasions constructives de partager les politiques et principes enchâssés dans le système canadien de justice militaire.

Quatrièmement, le Cabinet du JAG a eu des discussions actives avec la haute direction des FAC au cours desquelles la division de la justice militaire a notamment fourni des renseignements sur les initiatives futures en matière de justice militaire. Ces interactions ont permis d’apporter des points de vue critiques sur l’appareil de justice militaire, comme ceux du groupe le plus important d’intervenants du domaine, ses utilisateurs, qui sont tributaires de son fonctionnement efficace et équitable pour maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral au sein des FAC.

Cinquièmement, le Cabinet du JAG a tenu, en octobre 2014, une conférence d’un jour très fructueuse sur la justice militaire internationale dans le cadre de la conférence annuelle de formation juridique permanente du Cabinet du JAG. Celui-ci a eu la chance de pouvoir compter sur la participation de plusieurs acteurs très estimés, comme les conseillers juridiques militaires principaux des armées américaine et britannique, les procureurs militaires principaux d’Australie et du Royaume-Uni et des professeurs de droit, des États-Unis et du Canada, reconnus pour leur connaissance approfondie de la justice militaire. Les liens noués et l’échange d’idées entre les participants ont été remarquables et très profitables pour le Cabinet du JAG, car ils ont permis aux avocats militaires chargés de l’étude comparative des régimes de justice militaire d’avoir accès à des experts clés du domaine.

Conclusion

La surveillance proactive de la justice militaire, le développement réfléchi et les changements positifs demeurent tous une priorité élevée pour le JAG. Cependant, cet objectif stratégique ne peut être atteint que par des efforts actifs et concertés, notamment par le genre d’initiatives entreprises au cours de la période visée par ce rapport. Le JAG continue, entre autres, de faire avancer ces initiatives pour faire progresser son objectif stratégique et, ultimement, s’acquitter de sa responsabilité légale d’autorité de l’administration de la justice militaire. Ceci assure que le système de justice militaire canadien en est un duquel tous les Canadiens peuvent être fier et réaffirme le rôle de chef de file du Canada en matière de justice militaire sur la scène internationale.

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