Système des cours martiales du Canada
La plupart des pays qui ont des forces armées efficaces disposent d’une forme quelconque de cours martiales ou d’un autre système de tribunaux militaires. Ces cours martiales ou ce système de tribunaux militaires variant considérablement d’un pays à l’autre. Toutefois, ils ont tous un point en commun : ils assurent la tenue de procès pour des accusations selon lesquelles le personnel militaire a commis des infractions.
Au Canada, le système de justice militaire repose sur une structure de tribunaux à deux paliers. Le procès sommaire est le tribunal militaire le plus communément employé, qui permet de juger les militaires accusés d’infractions mineures au niveau de l’unité. L’autre type de tribunal militaire, la cour martiale, est plus officiel.
Les cours martiales sont présidées par des juges militaires et visent à juger les infractions plus graves. Les procès en cour martiale se déroulent selon des règles et procédures similaires à celles des tribunaux civils de juridiction criminelle, et les cours martiales ont les mêmes droits, pouvoirs et privilèges qu’une cour supérieure de juridiction criminelle dans la plupart des cas.
La Loi sur la défense nationale (LDN) prévoit deux types de cour martiale : la cour martiale générale et la cour martiale permanente. Ces deux types de tribunaux peuvent être convoqués n’importe où, y compris dans des milieux rigoureux et hostiles, que ce soit au pays ou à l’étranger, en temps de paix ou dans le cadre d’un conflit armé.
Une cour martiale générale est constituée d’un juge militaire et d’un comité de cinq militaires des FAC, qui sont sélectionnés au hasard par l’administrateur de la cour martiale. Ce comité joue un rôle similaire à celui d’un jury lors d’un procès civil, c’est-à-dire celui de juger les faits, tandis que le juge militaire prend toutes les décisions d’ordre juridique et impose la peine. Le comité doit arriver à une décision unanime sur tout verdict de culpabilité.
Dans le cadre d’une cour martiale permanente, le juge militaire siège seul, décide de tous les verdicts, et impose la peine dans le cas d’un verdict de culpabilité.
Les décisions de la cour martiale peuvent être portées en appel devant la Cour d’appel de la cour martiale (CACM). Ce tribunal est constitué de juges civils désignés de la Cour fédérale du Canada, de la Cour d’appel fédérale, ou de cours supérieures de juridiction criminelle des provinces et territoires. Les décisions rendues par la CACM peuvent être portées en appel devant la Cour suprême du Canada dans certaines circonstances.
L’historique
Le système de justice militaire canadien était essentiellement identique au système de justice militaire britannique jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1950, une nouvelle loi canadienne connue sous le nom de Loi sur la Défense nationale (LDN) a été promulguée. La LDN prévoyait un seul Code de discipline militaire (CDM) et deux différents types de tribunaux militaires : les cours martiales et les procès sommaires.
Depuis la promulgation de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, le système des cours martiales a évolué, et offre maintenant une protection accrue des droits garantis par la Charte aux accusés qui comparaissent notamment devant une cour martiale. Ainsi, les juges militaires qui président les cours martiales ont acquis une plus grande indépendance judiciaire; de façon générale, les accusés ont le droit de choisir entre une cour martiale permanente (en présence d’un juge militaire qui préside seul) ou une cour martiale générale (en présence d’un juge militaire et d’un comité de militaires – l’équivalent d’un jury dans un procès civil – et d’un directeur des poursuites militaires (DPM) indépendant est responsable des poursuites. En plus de celles-ci, d’autres modifications ont été apportées au système de cours martiales de manière régulière et progressive au fil des ans, par voie de modifications législatives introduites par le Parlement comme le projet de loi C-25 adopté en 1998, le projet de loi C-60 adopté en 2008, le projet de loi C-16 adopté en 2011 et le projet de loi C-15 adopté en 2013.
De nos jours, les cours martiales, comme les tribunaux civils de juridiction criminelle, impliquent des juges et des poursuivants professionnels et indépendants et des avocats de la défense, à moins que l’accusé ne veuille pas d’avocat. Certes des règles de preuve en bonne et due forme s’appliquent à ces procès, mais les appels des décisions des cours martiales peuvent être interjetés devant des tribunaux supérieurs de juridiction civile.
Toutefois, les cours martiales sont manifestement militaires : le juge est un officier des Forces armées canadiennes (FAC) qui possède une formation en droit et qui est nommé par le gouverneur en conseil. Le poursuivant est un avocat militaire en uniforme qui agit au nom du DPM; de manière générale, l’avocat de la défense est aussi un avocat militaire en uniforme, et le procès comporte des formalités militaires d’usage, comme l’obligation de saluer le juge militaire lorsque celui-ci entre dans la salle d’audience de la cour martiale.
Les cours martiales exercent seulement leur compétence sur les personnes qui sont essentiellement liées aux FAC. Ces personnes sont, entre autres, les membres à temps plein de la Force régulière, les membres à temps partiel de la Force de réserve (c’est-à-dire lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans les forces armées) et à l’occasion des civils, par exemple lorsque ceux-ci accompagnent les FAC lors d’une opération.
Les cours martiales ont compétence pour juger le personnel militaire pour des infractions aux termes du Code de discipline militaire, y compris les infractions de nature strictement militaire comme la désertion et l’insubordination, et diverses infractions sous-jacentes à une loi fédérale telles que le vol en vertu du Code criminel et la possession de drogue en application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
But et principes
Un système de cours martiales vise principalement à aider le gouvernement à employer efficacement ses forces armées en temps et lieu, le cas échéant.
Pour permettre au gouvernement de réaliser cet objectif, un système de cours martiales doit incorporer les trois principes suivants dans sa conception et son fonctionnement.
1. Contribuer à l’efficacité opérationnelle.
Un système de cours martiales doit promouvoir l’efficacité opérationnelle au sein des forces armées pour que le gouvernement ait la certitude indispensable de pouvoir faire appel aux forces armées chaque fois que cela est nécessaire. Le système de cours martiales devrait aider les forces armées à effectuer des opérations et contribuer à maintenir la discipline, l’efficacité et le moral. Ce principe est très important pour les membres des forces armées dont la sécurité et le succès des missions dépendent de l’efficacité opérationnelle collective.
2. Légitimité.
Un gouvernement tiendra aussi à veiller à ce que son système de cours martiales soit légitime. Pour être légitime, un système doit être légal et respecter l’ensemble du droit constitutionnel, du droit législatif et de la common law qui s’appliquent. Le système doit être adéquat et approprié aux fins auxquelles il est destiné, vu à la fois de l’intérieur et de l’extérieur des forces armées auxquelles il s’applique et le système doit être largement accepté.
3. Efficience.
Un système efficient engendre des résultats positifs sans gaspiller les ressources. Il ne suffit pas qu’un système de cours martiales renforce l’efficacité opérationnelle ou qu’il soit légitime, si le système encourt des coûts énormes. Au contraire, un gouvernement cherchera l’efficience au sein de son système de cours martiales, de sorte que les résultats, en fonction du renforcement de l’efficacité opérationnelle ou de la légitimité, seront produits à un coût raisonnable et proportionnel.
Chacun des principes ci-dessus contribue au succès global d’un système de cours martiales.
Analyse des principes
Un changement qui touche l’un des principes aura souvent un effet différent sur les autres principes.
Par exemple, nous pouvons imaginer un système de cours martiales très efficient – parce qu’il traite les infractions rapidement à un faible coût – tout en étant extrêmement illégitime parce que ce système dispense la justice sans égard à la procédure régulière et parce qu’il est perçu comme étant inéquitable tant par les militaires que le grand public.
Nous pourrions aussi imaginer un système qui renforce grandement l’efficacité opérationnelle et qui est très légitime parce qu’il permet la tenue de procès complets et équitables en quelques jours, mais qui est très inefficace parce qu’il nécessite les services de beaucoup de juges, de poursuivants et d’avocats de la défense pour garantir que tout se passe rapidement.
Terminologie
Système de cours martiales : désigne tout système de justice qui s’applique au personnel militaire et qui peut juger les infractions militaires.
Infractions militaires : désigne les infractions qui concernent les inconduites disciplinaires plus graves, et toutes les inconduites criminelles, du personnel militaire. L’expression « infraction militaire » ne vise pas les fautes disciplinaires mineures, que de nombreux systèmes de justice militaire traitent par l’entremise d’un système de procès sommaire.
Personnel militaire : désigne les personnes qui sont assujetties au droit militaire. Dans la plupart des pays ayant un système de justice militaire semblable à celui au système canadien, le « personnel militaire » inclut des membres à temps plein de l’élément régulier des forces armées, et peut également inclure :
- des militaires à temps partiel de l’élément de la réserve des forces armées;
- du personnel civil qui est intégré étroitement aux forces armées en activité ou en service actif;
- des militaires de forces armées étrangères qui sont intégrés étroitement aux forces armées dans le cadre d'un échange ou d'un détachement;
- toute personne engagée dans les forces armées qui accepte d’être assujettie au droit militaire.
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