Commentaire : Ne laissez personne derrière
Scénario : Ne laissez personne derrière
Dans le scénario tragique, la loyauté, le courage et la mission s’opposent à la triste réalité des limites humaines. Personne n’envie le Lcol Sam qui doit choisir entre des vies humaines.
Séparons d’abord la première situation de la deuxième. La première situation consiste à déterminer si l’équipe 313 doit tenter de sauver un marin tombé en mer, alors que dans le deuxième cas, il s’agit de déterminer s’il faut envoyer une autre équipe pour porter secours à l’ensemble de l’équipe 313 qui serait également tombée en mer dans cette même tempête tumultueuse.
Selon ce qu’on m’a dit, Sam et l’Adjuc « Jo » Jones ont appris comment gérer des urgences dans de telles situations difficiles pendant leurs séances d’instruction hebdomadaires. Bien que nous ne les ayons pas entendus pratiquer dans ces circonstances précises, on nous a dit – après qu’on ait donné l’ordre d’envoyer l’équipe 313, mais avant le silence radio – que « les chances de réussite de la mission » (à ce moment, il s’agissait de porter secours à une personne tombée en mer) étaient « très faibles ». De plus, Sam sait qu’il « dépasse les paramètres de vol sécuritaire ».
Seul un praticien expérimenté peut déterminer jusqu’où il peut dépasser les paramètres de sécurité avant d’arriver à une situation désastreuse, puisque ces paramètres comprennent habituellement une certaine marge de manœuvre. Toutefois, la gestion du risque n’est pas une science exacte, même pour des experts. Néanmoins, le commandant devrait avoir une bonne idée, dans des moments de détachement de la clinique, de la marge de sécurité réelle au-delà de laquelle une catastrophe est probable, voire certaine. En allant bien au-delà des paramètres de sécurité dès le début, Sam semble s’être soucié d’une seule personne au détriment de la situation dans son ensemble. Du moins, c’est ce que laisse entendre la formulation du scénario au moment du choix. Par conséquent, Sam a exposé la vie de l’ensemble de l’équipe 313 à un risque extrême en contrepartie d’une possibilité d’aide extérieure. Bien qu’il soit compréhensible que Sam se soucie intensément du marin tombé en mer, nous ne pouvons affirmer qu’il a pris la décision la plus judicieuse. La vie de chaque membre de l’équipe 313 est également irremplaçable. Aussi cruel que cela peut paraître, dans certaines situations, un commandant peut être forcé de choisir entre le sacrifice très probable d’une seule vie et le sacrifice très probable d’un plus grand nombre de vies.
Un article de La Feuille d’érable publié dans un numéro antérieur présentait l’exemple des éleveurs de chèvres. Il indiquait que les conditions extrêmes auxquelles doivent faire face les militaires peuvent nuire à leur capacité de réfléchir à la situation de manière claire et complète. C’est peut-être ce qui explique le premier choix de Sam. Les discussions préalables sur le scénario d’exercice de l’escadron SAR visaient à aider à effectuer le bon choix lorsque des dilemmes semblables se présentent. Le commandant semble ici avoir oublié cette discussion préparatoire.
Il y a également le deuxième dilemme. Sam croit que toute l’équipe 313 SAR est tombée en mer; cela n’a toutefois pas été confirmé. Ce que Sam aurait d’abord dû faire n’est plus nécessairement pertinent maintenant, puisque l’équipage est dorénavant dans une situation d’urgence, peu importe ce qui aurait dû se passer auparavant. Le deuxième dilemme est quelque peu différent : on présume qu’un plus grand nombre de personnes a besoin de secours. Cela pourrait modifier le résultat si le fait d’évaluer le risque pour l’équipe 315 et d’examiner les avantages possibles de sauver l’équipage de l’équipe 313 et de ramener tous ses membres à la maison donnait à Sam des résultats positifs prépondérants. Même si les avantages éventuels sont beaucoup plus élevés, nous devons tout de même présumer que le risque est inacceptable. Le sauvetage des eaux de plusieurs personnes pourrait être beaucoup plus long que pour une seule personne, et le risque lié à l’équipe 315 augmentera indubitablement pour ce qui est du temps que nécessitera la mission, compte tenu des conditions météorologiques. Une deuxième tentative de sauvetage à partir des airs devrait se faire uniquement après que les conditions météorologiques se seront améliorées, tout comme il aurait fallu le faire pour la première tentative, compte tenu des éléments de preuve présentés.
D’autres facteurs pour lesquels nous n’avons pas suffisamment de renseignements sont les suivants : la possibilité que le navire procède au sauvetage d’un homme en mer dès le début; la possibilité que l’équipage du Ann Harvey puisse sauver certains survivants de l’équipe 313 à partir du côté du navire dans les conditions énoncées; la possibilité que les membres de l’équipe SAR aient de meilleures chances de survie en mer que le premier homme tombé en mer, compte tenu de l’équipement dont ils disposaient. Nous ne savons même pas avec certitude si l’équipe 313 est tombée dans l’océan (une panne radio pourrait-elle expliquer le silence?). Toutes ces incertitudes pourraient donner des raisons d’espérer au reste des membres de l’escadron. Cependant, aucun d’entre eux ne nie la conclusion selon laquelle les tentatives de sauvetage par les airs ont été mal évaluées dès le départ.
Ce scénario est une autre illustration percutante qu’il arrive parfois que l’éthique ne peut empêcher le décideur de se retrouver dans des situations « sans issue ». Dans certains cas, on ne peut que tenter de limiter l’étendue des pertes. Fait inhabituel, aucun commentaire du lecteur n’a été soumis en réponse à ce cas; peut-être était-ce en raison de la période d’été ou parce qu’on avait le sentiment qu’il s’agissait d’une situation impossible qui ne pouvait être résolue dans le cadre d’une solution éthique.
Faites nous parvenir votre rétroaction ainsi que des suggestions pour les scénarios futurs.
Signaler un problème ou une erreur sur cette page
- Date de modification :