Budget de 2022 : allocution de la vice-première ministre et ministre des Finances

Discours

Le 7 avril 2022

La version prononcée fait foi

Monsieur le Président, nous nous souvenons tous et toutes de ce jeudi – il y a deux ans – lorsque nos projets de voyage ont été soudainement annulés, que les écoles ont dû fermer et que nous nous sommes précipités à l’épicerie pour acheter du papier de toilette et du désinfectant pour les mains. Nous savions que ce virus perturberait notre quotidien, mais peu d’entre nous avaient réalisé l’ampleur et la durée de cette épreuve.

Pourtant, nous voici. Nous avons encaissé les coups, mais nous nous sommes relevés.

Les Canadiens ont fait tout ce qui leur a été demandé, et même plus monsieur le Président.

Je tiens donc tout d’abord à vous dire, à tous et à toutes, merci!

J’ai maintenant l’honneur de présenter mon deuxième budget fédéral.

J’ai déposé mon premier en avril 2021. Dans l’année qui a précédé ce budget, l’économie canadienne était sur le point de s’effondrer.

Notre économie s’était contractée de dix-sept pour cent. Cela a donné lieu à la plus grave récession depuis les années trente. Trois millions de Canadiens et de Canadiennes avaient perdu leur emploi.

Ce fut un choc épouvantable. La Grande Dépression a marqué le pays pendant une génération, sinon plus. Il était tout à fait raisonnable de craindre que la récession causée par la COVID-19 nous paralyse également pendant des années. Que des millions de Canadiens et de Canadiennes soient encore aujourd’hui sans emploi. Et qu’il faille des années pour rebâtir notre pays.

Nous savions que nous ne pouvions pas laisser cela arriver. Nous avons donc mis en place des mesures de soutien d’urgence sans précédent pour les familles et les entreprises canadiennes.

Nous avons constamment mis l’accent sur les emplois pour nous assurer que les Canadiens et les Canadiennes conservent leur emploi et que leurs employeurs gardent la tête hors de l’eau.

C’était un plan audacieux. Et il a fonctionné. Notre économie a récupéré 112 % des emplois perdus lors de ces terribles premiers mois contre seulement 90 % aux États-Unis. Notre taux de chômage est tombé à seulement 5,5 %, près du niveau record de 5,4 % atteint en 2019, le plus bas au Canada en cinq décennies.

Notre PIB réel dépasse de plus d’un point de pourcentage son niveau d’avant la pandémie. Pensez à ça : après une récession dévastatrice — pendant laquelle les vagues ont déferlé les unes après les autres et les confinements se sont succédé — notre économie ne s’est pas simplement rétablie. Elle est en pleine effervescence.

Aujourd’hui, le Canada est de retour en force.

Toutefois, les Canadiens savent que le prix à payer pour lutter contre la COVID-19 et la récession causée par la COVID-19 est élevé.

L’inflation, un phénomène mondial, fait grimper les prix au Canada aussi. Le ralentissement des chaînes d’approvisionnement s’est traduit par la hausse des prix à la caisse. L’achat d’une maison est hors de portée pour beaucoup trop de Canadiens. Et maintenant, la guerre barbare menée par le président Poutine fait monter encore plus le prix des aliments et de l’essence.

L’argent qui a sauvé les Canadiens et l’économie canadienne – huit dollars sur dix investis – a été déployé principalement et à juste titre par le gouvernement fédéral.

Notre capacité de dépenser n’est pas illimitée. Le temps est maintenant venu de mettre fin aux mesures de soutien extraordinaires liées à la pandémie.

Nous allons donc examiner et réduire les dépenses gouvernementales, parce que c’est la chose responsable à faire.

Au sujet du prochain point, permettez-moi d’être très claire monsieur le Président : nous sommes absolument déterminés à faire en sorte que notre ratio de la dette au PIB continue de diminuer. Nos déficits doivent continuer de diminuer. Les dettes contractées pour assurer la sécurité et la solvabilité des Canadiens doivent être – et seront – remboursées.

C’est notre cible budgétaire. Nous ne la manquerons pas. Nous nous assurerons que nos finances continuent d’être fiables.

Le Canada a une fière tradition de responsabilité budgétaire. C’est mon devoir de la perpétuer, et je le ferai.

Le moment est venu de s’employer à faire croître notre économie et à rendre le coût de la vie plus abordable pour les Canadiens en effectuant des investissements intelligents et se fixant des objectifs clairs.

C’est ce que notre gouvernement propose de faire. Et voici comment nous proposons de le faire.

Le premier pilier de notre plan consiste à investir dans la pierre angulaire d’un pays fort et en pleine croissance : notre population.

Commençons par le logement.

Le logement est un besoin humain fondamental, mais aussi un impératif économique. Notre économie est bâtie par des gens, et ces gens ont besoin de logements où vivre.

Le problème est tout simplement le suivant :  le Canada n’a pas suffisamment de logements. Il nous en faut plus, et ce, rapidement.

Le budget constitue le plan le plus ambitieux de l’histoire du Canada à mettre en œuvre pour régler ce défi important.

Au cours des dix prochaines années, nous doublerons le nombre de logements que nous construirons.

Cette mission doit devenir un grand effort national. Il demandera un nouvel esprit de collaboration. Les provinces et les territoires, les villes et les municipalités, le secteur privé et les organismes à but non lucratif: tous devront travailler avec nous pour construire les logements dont les Canadiens et les Canadiennes ont besoin.

Nous investirons pour construire plus de logements et éliminer les obstacles qui empêchent leur construction. Nous investirons dans les logements locatifs sur lesquels tant de personnes comptent. Nous aiderons nos jeunes à obtenir plus facilement les clés de leur première maison.

Nous ferons aussi tout ce qui est en notre pouvoir pour rendre le marché plus équitable pour les Canadiens et les Canadiennes. Nous empêcherons les acheteurs étrangers d’entasser leur argent au Canada en achetant des logements. Nous veillerons à ce que les maisons servent de résidences pour les familles canadiennes et non d’actifs financiers spéculatifs.

Cependant, sur la question du logement, permettez-moi de faire une mise en garde : il n’y a pas de solution miracle qui, une fois pour toutes, fera immédiatement de chaque Canadien un propriétaire dans le quartier de son choix.

Au fur et à mesure que le Canada grandit et qu’il devient de plus en plus prospère, nous devrons continuer d’investir, année après année, dans la construction de plus de maisons, car notre pays est en croissance.

Et monsieur le Président, un pays en croissance et une économie en croissance exigent également une main-d’œuvre en croissance.

La pénurie de travailleurs – et de travailleurs qualifiés – restreint les économies industrialisées partout dans le monde.

Mais il y a de bonnes nouvelles, monsieur le Président.

En 2020, le Canada a connu la croissance démographique la plus rapide du G7. À l’heure où le monde cherche désespérément des travailleurs et des gens de talent, l’enthousiasme inégalé de notre pays à l’idée d’accueillir de nouveaux Canadiens est un puissant moteur de prospérité économique.

Ce budget facilitera l’accueil des immigrants qualifiés – dont notre économie a besoin – pour qu’ils soient ici, chez eux.  Et nous ferons en sorte qu’ils puissent travailler dans le domaine pour lequel ils ont été formés.

Nous investirons également dans les talentueux travailleurs déterminés qui sont déjà ici.

Nous nous assurerons qu’ils soient plus abordables pour les personnes travaillant dans les métiers spécialisés de se déplacer là où sont les emplois. Des programmes comme l’Allocation canadienne pour les travailleurs bonifiée feront en sorte qu’il soit intéressant pour les gens de travailler. Ces programmes rendront la vie plus abordable pour les travailleurs les moins bien payés – qui sont très souvent parmi les plus essentiels.

Nous investirons dans les compétences dont les travailleurs canadiens auront besoin pour occuper les emplois bien rémunérés d’aujourd’hui et de demain, nous éliminerons les obstacles et veillerons à ce que tous puissent retrousser leurs manches et se mettre au travail.

Et, en effet, l’accès à des garderies abordables est l’un de ces obstacles.

Lorsque nous avons fait la promesse, il y a moins d’un an, de faire des services de garde d’enfants de grande qualité et abordables une réalité pour les Canadiens, notre plan a certes été accueilli avec enthousiasme. Mais les applaudissements étaient accompagnés d’un scepticisme justifiable. Après tout, des promesses semblables avaient été faites et rompues pendant des décennies — cinq décennies pour être plus précise!

C’est pourquoi aujourd’hui, alors que je me trouve devant vous, je suis si fière de le dire : nous avons tenu notre promesse. Nous avons maintenant signé des ententes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants avec chaque province et territoire.

C’est la libération des femmes. Plus de femmes n’auront plus à choisir entre les enfants ou la carrière.

Il s’agit là d’une politique économique féministe à l’œuvre. Et la mesure rendra le coût de la vie plus abordable pour les familles canadiennes de la classe moyenne.

Les frais sont déjà réduits dans tout le pays. D’ici la fin de l’année, ils seront réduits en moyenne de 50 %.

Dans trois ans, les services d’apprentissage et de garde d’enfants ne coûteront en moyenne que 10 $ par jour, d’un océan à l’autre.

Logement, immigration, compétences et garde d’enfants. Ce sont bien sûr des politiques sociales, mais tout aussi important, ce sont aussi des politiques économiques.

Notre stratégie est ce que Janet Yellen, la secrétaire au Trésor des États-Unis, a récemment appelé « L’économie de l’offre moderne ».

L’économie de l’offre moderne emprunte la principale notion de l’offre, à savoir que son augmentation est essentielle à la croissance, mais adopte une approche progressive et axée sur les gens.

À un moment où notre principal problème économique s’explique par la demande trop forte et l’offre est trop faible, cet ensemble de politiques est exactement ce dont le Canada a besoin maintenant.

Ce pilier créera une croissance tirée par l’offre qui aidera à répondre au problème de l’inflation aujourd’hui stimulée par la demande. Il favorisera la croissance durable de notre économie et rendra le coût de la vie plus abordable. 

Notre deuxième pilier pour la croissance est la transition verte.

Au Canada et dans le monde entier, l’action climatique n’est plus une question de débat politique ou de conviction personnelle. C’est un défi existentiel, donc aussi une nécessité économique.

Il s’agit de la plus importante transformation économique mondiale depuis la révolution industrielle. Le Canada peut devenir un chef de fil, ou traîner de la patte.

Ce n’est pas du tout une option. C’est pourquoi notre gouvernement investit de manière urgente dans cette transition.

Notre plan est dicté par notre prix national sur la pollution — la mesure incitative à l’action climatique la plus intelligente et la plus efficace. Ce budget propose également l’introduction du nouveau fonds de croissance du Canada. Celui-ci permettra d’attirer des milliards de dollars en capital privé dont nous avons besoin pour transformer notre économie à grande vitesse et à grande échelle.

Nous investirons dans les minéraux et les métaux critiques, en grande abondance au Canada. Ils sont essentiels au virage vert. Les démocraties du monde doivent être capables de les produire pour elles-mêmes et pour les autres.

Alors que les constructeurs automobiles modernisent de toute urgence leurs chaînes d’assemblage pour fabriquer des véhicules zéro émission, nous ferons en sorte que les Canadiens et les Canadiennes aient les moyens de les acheter. Nous fabriquerons les batteries qui alimentent les voitures et les camions zéro émission, et nous investirons dans l’installation de bornes de recharge d’un océan à l’autre.

Pour nos enfants, la transition verte se traduira par un air plus pur et une eau plus propre demain. Et elle se traduira par de bons emplois pour les Canadiens et les Canadiennes dès aujourd’hui.

Notre troisième pilier pour la croissance est un plan visant à s’attaquer au talon d’Achille de l’économie canadienne : la productivité et l’innovation.

Les Canadiens figurent au premier rang des populations les plus instruites parmi les pays membres de l’OCDE. Nos scientifiques remportent des prix Nobel et nos villes surpassent la Silicon Valley en ce qui concerne la création d’emplois hautement rémunérés dans le domaine des technologies.

Nous accusons toutefois du retard sur le plan de la productivité économique. La productivité est importante, parce que c’est ce qui garantit le rêve de tous les parents, à savoir que nos enfants vivront dans un monde plus prospère.

C’est un problème canadien bien connu, et insidieux. Il est temps que le Canada s’y attaque.

Nous proposons de le faire, en partie, par l’intermédiaire d’une nouvelle agence d’innovation et d’investissement. Elle s’appuiera sur les meilleures pratiques internationales de partout dans le monde. Elle donnera aux entreprises canadiennes de tous les secteurs de l’économie les outils et les incitatifs dont elles ont besoin pour créer et innover, et pour prendre des risques et de croître.

Nous encouragerons les petites entreprises à prendre de l’expansion.

Nous aiderons les Canadiens et les entreprises canadiennes à mettre au point de la nouvelle propriété intellectuelle. Nous les aiderons à transformer leurs nouvelles idées en nouvelles entreprises et en nouveaux emplois.

Monsieur le Président, ces trois piliers — investir dans les gens, investir dans la transition verte et investir dans l’innovation et la productivité — créeront des emplois et assureront la prospérité dès aujourd’hui, et bâtiront un avenir économique plus fort pour nos enfants.

Ils rendront le coût de la vie plus abordable et veilleront à ce que le Canada demeure le meilleur endroit au monde où vivre, travailler et élever une famille.

Dès le premier jour de nos travaux sur le présent budget, ce programme de croissance allait demeurer notre objectif.

Et puis Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine.

Ce terrible matin du 24 février, jour d'infamie, nous nous sommes réveillés dans un monde complètement transformé.

Lorsque Poutine a ouvert le feu sur le peuple ukrainien, il a aussi tourné son fusil sur cette ère de prospérité sans précédent que les démocraties du monde avaient si assidûment bâtie pendant plus de 76 ans.

L’ordre international fondé sur des règles, né des cendres de la Deuxième Guerre mondiale, fait maintenant face à la plus grande menace qu’il ait connue depuis sa création.

C’est pourquoi notre réponse a été rapide et forte. Le Canada et ses alliés ont imposé les sanctions les plus sévères jamais infligées à une grande économie. La Russie est devenue un paria économique.

Mais après avoir vu les gens mutilés de Boutcha, abattus alors qu’ils avaient les mains attachées derrière le dos, nous avons compris que ces mesures ne seraient pas suffisantes.

Poutine et ses hommes de main sont des criminels de guerre. Les démocraties du monde entier, y compris la nôtre, pourront être en sécurité seulement lorsque le tyran russe et ses armées seront vaincus.

Et nous comptons sur le courageux peuple de l’Ukraine pour y arriver.

Comme le combat des Ukrainiens est le nôtre — une lutte pour la démocratie — il est dans notre intérêt national de nous assurer de toute urgence qu’ils ont les missiles et l’argent dont ils ont besoin pour gagner cette guerre.

Et c’est ce que le budget prévoit.

L’invasion de l’Ukraine par Poutine nous a aussi rappelé que notre propre démocratie pacifique, comme toutes les démocraties du monde, dépend en fin de compte de notre capacité à nous défendre. Les dictateurs du monde ne devraient jamais confondre notre civilité avec le pacifisme. Nous savons que la liberté n’est pas gratuite et que la paix n’est garantie que par notre volonté de la défendre.

C’est pourquoi nous investissons immédiatement des fonds supplémentaires dans nos forces armées et nous proposons un examen rapide de la politique de défense, pour que le Canada soit prêt à faire face à un monde désormais plus dangereux.

Ce budget fournira les moyens financiers et la puissance physique dont nous avons besoin pour face faire à toute menace qui pourrait se présenter.

Et la sécurité comprend la sécurité de l’énergie, que le Canada doit s’employer à préserver pour nous-mêmes et pour nos partenaires démocratiques.

Les convois de chars russes traversant l’Ukraine n’ont pas changé l’objectif fondamental de ce budget, monsieur le Président.

Cependant, l’attaque de Poutine contre l’Ukraine et la résistance remarquable et courageuse de ce pays ont renforcé la conviction la plus profonde de notre gouvernement — une phrase qui est reflétée dans le budget de cette année et dans tous les budgets qui l’ont précédé : que la force d’un pays ne vient pas seulement de l’ampleur des réserves de sa banque centrale, ni de la taille de la force de son armée.

Ces aspects sont importants, certes. Mais ils comptent moins que la démocratie elle-même.

Ils peuvent être vaincus, et le sont, par un peuple uni et libre.

Parce que c’est les gens qui sont la réelle force de chaque pays.

Cela est vrai en Ukraine, et c’est également vrai au Canada.

Permettez-moi d’expliquer à quoi ressemble un pays plus fort, ici, chez nous :

Cela signifie que nous avons besoin de logements abordables pour tout le monde, et des investissements qui évitent à une génération entière de ne pas pouvoir accéder à la propriété en raison des prix.

Cela signifie que nous avons un rôle à jouer dans la lutte contre les changements climatiques afin de pouvoir laisser à nos enfants une planète où il fait bon vivre.

Cela signifie que nous devons faire face à nos erreurs historiques et veiller à ce que les peuples autochtones de ce pays puissent vivre dans la dignité et la prospérité.

Cela signifie que nous avons besoin d’un système de soins de santé qui permet aux gens de consulter un médecin ou un dentiste, et d’avoir des soins de santé mentale.

Cela signifie que nous devons bâtir une société qui est vraiment équitable pour tous, car la couleur de votre peau, ceux que vous aimez ou votre lieu de naissance ne devraient pas dicter l’accès ou non aux possibilités offertes par le Canada.

Cela signifie que nous avons besoin d'un système fiscal solide qui garantit que chacun paie sa juste part.

Et cela signifie que nous avons besoin d’une économie qui favorise la croissance des entreprises et la création de bons emplois pour la classe moyenne, et où tout le monde peut gagner décemment sa vie, de façon honnête.

Le courageux peuple ukrainien a fait sortir les plus vieilles démocraties du monde du malaise du 21e siècle. Il nous a rappelé que la force d’un pays vient de la force de son peuple.

Et il nous a rappelé que la priorité absolue de tout le monde dans cette chambre devrait être de construire un pays pour lequel nous serions tous prêts à nous battre.

C’est sur quoi nous avons travaillé lors des sept dernières années. Et c’est ce que nous continuons à faire aujourd’hui.

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