Allocution de la vice-première ministre et ministre des Finances - Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise

Discours

Le 14 juin 2022

Je vous remercie, Madame la Présidente, et honorables sénateurs.

Le Comité accomplit un travail important et j’espère que ma comparution sera utile.

Je suis accompagnée aujourd’hui par les femmes du monde des finances :

  • Isabelle Jacques, sous-ministre adjointe
  • Jenifer Aitken, sous-ministre adjointe, direction juridique
  • Sarah Paquet, PDG, Centre d’analyse des opérations et déclarations financières

Mes collègues ministériels ont expliqué comment la Loi sur les mesures d’urgence a été invoquée et mise en œuvre.

Je suis ici pour parler des coûts économiques de l’occupation et des barrages, ainsi que des mesures prises en vertu du Décret sur les mesures économiques d’urgence

Il y a trois mois à peine, nous avons assisté à la fin des barrages de principaux postes frontaliers et de l’occupation de la capitale nationale, qui ont causé de lourds dommages à l’économie du Canada et à notre réputation de partenaire commercial fiable.

Des échanges commerciaux quotidiens d’une valeur de dizaines de millions de dollars ont été perturbés à cause des barrages aux postes frontaliers.

Selon Statistique Canada, à Coutts, en Alberta, ce sont des échanges commerciaux quotidiens d’une valeur d’environ 48 millions de dollars qui ont été touchés par les barrages.

À Emerson, au Manitoba, ce montant s’élève à environ 73 millions de dollars.

Le barrage du pont Ambassador a eu une incidence sur environ 390 millions de dollars d’échanges commerciaux chaque jour. Ce pont soutient 30 % de tout le commerce routier entre le Canada et les États-Unis.

La confiance du monde à l’égard du Canada en tant qu’endroit où investir était ébranlée. Nous nous sommes battus bec et ongles pour protéger les relations commerciales privilégiées du Canada avec les États-Unis pendant les négociations de l’Accord de libre-échange nord-américain et face aux tarifs 232 illégaux et injustifiés.

Nous ne pouvions pas laisser ce succès durement gagné être compromis. Nous ne pouvions pas non plus laisser les moyens de subsistance des travailleurs canadiens continuer d’être menacés, alors que nous travaillions tous si fort pour nous remettre des dommages économiques causés par la COVID-19.

Ainsi, le lundi 14 février, plus de deux semaines après le début des occupations et des barrages, le gouvernement du Canada a invoqué, en dernier recours, la Loi sur les mesures d’urgence pour rétablir l’ordre public.

Dans le cadre de cette mesure nécessaire, le Décret sur les mesures économiques d’urgence est entré en vigueur le 15 février, et mis en place plusieurs mesures financières temporaires.

En raison de la fin des barrages, le 23 février, le gouvernement a révoqué la déclaration d’état d’urgence en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence et toutes les mesures temporaires contenues dans le Règlement sur les mesures d’urgence et le Décret sur les mesures économiques d’urgence.

Madame la Présidente, j’aimerais expliquer les mesures temporaires du Décret et montrer pourquoi l’application des mesures était nécessaire et efficace.

Le Décret contient des mesures pour limiter le financement des activités illégales qui ont mené à l’état d’urgence, c’est-à-dire le financement provenant de diverses organisations et particuliers.

Ces mesures signifiaient que les fournisseurs de services financiers canadiens – et non le gouvernement du Canada – étaient tenus, sans ordonnance judiciaire, de geler ou de suspendre le compte d’une personne ou d’une entreprise participant aux barrages, et de refuser de fournir des services ou de faciliter toute opération relative à des fonds liés aux barrages illégaux et à l’occupation. Concrètement, elles l’ont fait en se fondant soit sur les renseignements reçus des organismes d’application de la loi, dont la divulgation était autorisée par le Décret sur les mesures économiques d’urgence, soit sur les renseignements recueillis dans le cadre de leurs propres processus internes.

Je tiens à insister sur le fait que les fournisseurs de services financiers ont pris ces décisions indépendamment. Il n’y avait aucune orientation politique.

En date du 21 février, pendant la durée du Décret, environ 280 produits financiers avaient été gelés (par exemple, des comptes d’épargne, des comptes-chèque, des cartes de crédit et des marges de crédit) par suite de l’application des mesures d’exécution en vertu du Décret sur les mesures économiques d’urgence. La valeur totale de ces produits financiers s’élève à environ huit millions de dollars, y compris 3 800 000 en services de traitement des paiements. De plus, les adresses de 170 bitcoins ont été cernées et partagées avec des échangeurs virtuels. 

Les organismes d’application de la loi ont été autorisés à fournir des renseignements aux fournisseurs de services financiers canadiens. Cela comprend l’identité des personnes soupçonnées de participer aux barrages illégaux, s’ils étaient convaincus qu’une telle divulgation permettrait l’application du Décret. 

De leur côté, les fournisseurs de services financiers canadiens ont reçu la consigne d’examiner leurs relations avec toute personne qui participait aux barrages de façon continue et de signaler l’existence de biens et d’opérations connexes à la Gendarmerie royale du Canada ou au Service canadien du renseignement de sécurité.

Madame la Présidente, comme le gouvernement l’a dit à l’époque et comme cela s’est avéré le cas, cette série de mesures était temporaire.

Les fournisseurs de services financiers ont débloqué les comptes lorsque les titulaires de ces comptes ne prenaient plus part aux barrages illégaux.

L’autre grande catégorie de mesures prévue dans le Décret visait spécifiquement les plateformes de sociofinancement et les fournisseurs de services de paiement.

Nous savions que ces plateformes étaient utilisées pour soutenir des barrages illégaux et des activités illégales. Cela a nui à l’économie canadienne. Les barrages illégaux ont mis en évidence le fait que les plateformes de sociofinancement et certains de leurs fournisseurs de services de paiement ne sont pas entièrement assujettis aux obligations découlant de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Des services comme GoFundMe et GiveSendGo ont collecté des dons pour une manifestation qui était, au début, d’apparence pacifique. Ils se trouvaient dans une position difficile lorsqu’il était établi que les barrages étaient illégaux.

Par conséquent, le Décret a élargi certaines exigences relatives à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes pour y inclure les plateformes de sociofinancement et les fournisseurs de services de paiement. Cela a contribué à détecter et à dissuader les activités illégales.

Cette mesure visait à atténuer le risque que ces plateformes reçoivent des fonds illicites. Elle a permis d’accroître la qualité et la quantité des renseignements sur les opérations financières reçus par le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Cela a permis d’obtenir plus de renseignements pour appuyer les enquêtes menées par les organismes en charge de faire respecter la loi.

À l’époque, je m’étais également engagée à assujettir de façon permanente les plateformes de sociofinancement et les prestataires de services de paiement aux exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes. C’était une modernisation nécessaire pour mettre nos lois à jour.

En date du 5 avril, le gouvernement a pris des mesures réglementaires pour soumettre les services des plateformes de sociofinancement et les activités des fournisseurs de services de paiement aux exigences existantes de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes pour les « entreprises de services monétaires » sur une base permanente.

Ces changements s’appliquent à toutes les formes d’opérations, y compris les biens numériques comme les cryptomonnaies.

Madame la Présidente, les mesures contenues dans le Décret sur les mesures économiques d’urgence visaient généralement à empêcher que le système financier du Canada soit utilisé pour financer les barrages illégaux.

Et cela a donné des résultats.

Maintenant que la situation d’urgence est chose du passé, j’aimerais clarifier quelques idées fausses sur l’application des mesures prévues dans le Décret.

Premièrement, les mesures du Décret n’étaient pas rétroactives; elles n’ont été en vigueur qu’entre le 15 février et le 23 février.

Deuxièmement, comme la Gendarmerie royale du Canada l’a déclaré à l’époque, ceux qui ont fait de petits dons n’étaient pas la cible des mesures prises par les organismes d’application de la loi et les institutions financières n’ont pas gelé leurs comptes. Les organismes d’application de la loi se sont concentrés sur les organisateurs, les chefs et les véhicules qui ont occupé une place très importante dans les barrages et l’occupation illégaux.

Quand les activités illégales ont pris fin, les fournisseurs de services financiers ont commencé à dégeler les comptes, les cartes de crédit et les marges de crédit, le 21 février, en fonction des renseignements à jour fournis par la Gendarmerie royale du Canada. Le jeudi 24 février, tous les comptes avaient été débloqués.

Certains d’entre vous ont peut-être entendu dire que certains comptes avaient été gelés après le 23 février. Si un compte a été gelé après cette date, c’est en vertu d’ordonnances et de décisions de la cour qui n’ont rien à voir avec les mesures prises en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence, qui a pris fin le 23 février.

Madame la Présidente, la situation à laquelle nous devions faire face menaçait nos institutions démocratiques, notre économie, ainsi que la paix, l’ordre et le bon gouvernement au Canada.

Le gouvernement se devait d’agir, et il l’a fait.

Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer. Je peux maintenant répondre à vos questions.

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