Remarques officiaux au Comité permanent de la condition féminine

Remarques officiaux

Le 25 mars 2021

Monsieur Gregory A. Lick
L'Ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes


Bonjour, madame la présidente et membres du comité,

C’est la première fois que je prends la parole devant le Comité permanent de la condition féminine. La question de l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes n’est pas nouvelle. Toutefois, elle est nouvelle dans l’œil du public et fait l’objet d’une étude à la fois au sein du présent comité et au sein du Comité permanent de la défense nationale. Je crois que nous sommes tous d’accord qu’il faut trouver collectivement une façon de régler ce problème et faire en sorte que les membres aient l’assurance que leurs plaintes et leurs préoccupations seront traitées avec sérieux.

Des déclarations contradictoires ont été entendues dans les médias concernant le rôle de mon bureau dans le traitement des plaintes d’inconduite sexuelle au sein des Forces armées. J’aimerais aujourd’hui apporter des précisions sur ce sujet.

Premièrement, mon bureau n’a pas le pouvoir d’enquêter sur les infractions criminelles que sont les agressions sexuelles. Il n’a pas non plus le pouvoir d’enquêter sur les cas d’inconduite sexuelle qui donneraient lieu à des accusations en vertu du Code de discipline militaire.

Deuxièmement, je me dois de souligner que, quelle que soit la nature de la plainte, mon bureau ne peut pas mener une enquête sans le consentement de la personne qui a déposé une plainte. Lors du témoignage de mon prédécesseur devant le Comité permanent de la défense nationale, nous avons appris que la personne qui avait déposé une plainte ne souhaitait pas être identifiée ni poursuivre l’enquête, mais souhaitait que l’on porte l’information à l’attention de quelqu’un pouvant amener un changement.

Troisièmement, la structure hiérarchique actuelle de l’ombudsman relève directement du ministre de la Défense nationale, et non du Bureau du Conseil privé ou de quelque autre organisme. Ce point représente un point essentiel qu’il faut faire valoir pour rectifier les faits. Si l’on m’avait fait part de ces mêmes faits, j’aurais agi exactement comme mon prédécesseur. J’aurais signalé les faits dans le cadre de ma structure hiérarchique. Étant donné ce que nous savons à propos des désirs du membre, il n’existait aucun autre organisme à qui transmettre la question.

Peu importe les solutions proposées pour faire face au changement de culture ou pour s’assurer que les survivants et survivantes se manifestent, j’espère qu’elles tiendront compte de plusieurs points importants :

Dans les cas précis d’inconduite sexuelle, il est essentiel que les victimes puissent contrôler la façon dont leur plainte est déposée et le moment où elle est déposée. Les victimes doivent être habilitées à faire leurs propres choix quant aux mesures à prendre. Comme la juge Marie Deschamp l’a affirmé dans son rapport rendu en 2015, « les victimes ne devraient pas avoir à supporter le fardeau du processus de plainte ».

Les victimes d’inconduite sexuelle ne devraient pas craindre les représailles ou les conséquences possibles sur leur carrière si elles portent plainte. Il ne s’agit pas d’un problème nouveau, se limitant uniquement à l’inconduite sexuelle. Il concerne toutes les formes d’inconduite et d’iniquité liées aux forces armées. Les victimes sont moins susceptibles de se sentir en sécurité pour s’exprimer si elles n’ont pas l’assurance que leurs plaintes seront traitées au moyen d’un mécanisme libre de toute ingérence ou de contrôle extérieur. C’est pourquoi il faut un mécanisme externe à la chaîne de commandement et à tout autre intérêt direct, politique ou administratif.

Mon bureau a été créé il y a plus de 20 ans et il ne fait pas partie de la chaîne de commandement. Toutefois, il existe toujours des liens administratifs avec le ministère et on fait rapport à un ministre appartenant au parti au pouvoir. Depuis notre création, nous faisons valoir l’argument d’une indépendance entière, mais il n’y a pas eu de volonté politique d’agir en ce sens. La question de l’inconduite sexuelle illustre tristement la façon dont les électeurs passent entre les mailles d’un système fermé sans mécanisme de recours entièrement indépendant.

Nous avons entendu des bribes d’information dans les médias et lors de témoignages devant des comités selon lesquels on envisage de créer un nouveau mécanisme indépendant pour régler ce genre de questions. Nous ne savons pas à quoi cela ressemblera. Je tiens à préciser que mon bureau n’a pas été consulté.

Peu importe l’approche adoptée, l’organisme qui s’occupe de cette question doit avoir une indépendance administrative complète, ne pas faire partie de la chaîne de commandement, et avoir un mandat législatif et un lien hiérarchique direct avec le Parlement. Autrement, les victimes n’auront pas l’assurance dont elles ont besoin pour s’exprimer et pour voir une résolution de ces questions.

Je peux maintenant répondre aux questions du comité, madame la présidente.

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