Remarques officiaux au Comité permanent de la défense nationale (NDDN)

Remarques officiaux

Le 6 avril 2021

Monsieur Gregory A. Lick
L'Ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes


Bonjour,

Ceci est mon premier témoignage devant le comité au sujet de l’inconduite sexuelle dans les forces armées, et il suit mon témoignage du 25 mars qui portait sur le statut des femmes. Je suis accompagné de Robyn Hynes, directrice générale des Opérations au Bureau de l’ombudsman.

En tant qu’ombudsman, j’ai notamment pour rôle de prendre le pouls de la communauté et d’agir comme médiateur, enquêteur et rapporteur pour les questions qui touchent le MDN et les FAC, et ce, en toute neutralité et objectivité. Dans le respect de ce rôle, je ferai l’observation que nous surveillons la façon dont la question de l’inconduite sexuelle dans les forces armées est traitée dans les médias et devant les comités, avec le constat qu’il y a une plus grande préoccupation envers la posture politique et institutionnelle qu’envers la résolution du problème. Pourtant, le problème continue de se manifester dans la vraie vie des survivantes, survivants et témoins qui passent entre les mailles du filet d’un système défaillant, et qui n’osent parler par crainte de possibles représailles ou répercussions fatales pour leur carrière.

Jusqu’à maintenant, cet enjeu s’accompagne d’informations contradictoires, voire erronées. Les témoignages ont changé au sujet des personnes qui étaient au courant, du moment où elles ont été mises au courant, des personnes qui avaient le pouvoir d’agir, de ce qui aurait dû être fait et des personnes devant être tenues responsables. Je dis assez. Assez de l’autoprotection et de l’évitement. Assez du traînage de pieds politique. Il est temps de mettre nos énergies collectives sur le changement de la culture et l’établissement de processus qui seront réellement au service des personnes qui sont victimes d’inconduite de nature sexuelle ou de tout autre type d’abus de pouvoir au sein du système militaire.

J’ai énoncé plus tôt le rôle de mon bureau, mais laissez-moi le préciser davantage.

J’ai entendu de diverses sources qu’il y a des discussions en cours dans les Forces armées canadiennes et le ministère au sujet d’une reconfiguration des systèmes de traitement qui abordent cet enjeu. Je ne participe pas à ces discussions, et je ne peux pas y participer. Il y aurait un conflit d'intérêt si je contribuais à la conception de processus que je serais plus tard appelé à examiner. J’applaudis tout effort pour résoudre cet enjeu, particulièrement les efforts pour relever le défi énorme qu’est le changement de culture. Le changement de culture doit comprendre des garanties comme quoi les dénonciations d’inconduite ou d’abus de pouvoir à caractère sexuel, raciste, discriminatoire, etc., n’entraîneront pas de représailles ou de répercussions sur la carrière pour les personnes qui osent parler.

Attention cependant : la refonte des processus internes des Forces armées et du ministère de la Défense ne sera pas suffisante. Il doit y avoir une entité en dehors de la chaîne de commandement et du ministère, responsable de surveiller les mécanismes de redressement des FAC et du MDN. Cette organisation ne peut relever d’une autorité ayant un intérêt direct dans l’issue de toute affaire individuelle ou systémique.

J’ai précisé ce que mon bureau ne peut pas faire. Laissez-moi vous expliquer ce qu’il continuera à faire.

Au cours des dernières années, des mécanismes internes ont été établis au ministère et dans la chaîne de commandement qui ont dédoublé les fonctions remplies par le Bureau de l’ombudsman. Comme notre mandat nous oblige à orienter les commettants vers les mécanismes existants, cela a eu pour effet de graduellement remplacer des fonctions indépendantes par des fonctions internes. Malgré tout le mérite qu’ont ces initiatives, elles ne sont pas indépendantes.

Un organisme externe avec le pouvoir de garantir l'équité, la confidentialité et la protection contre les représailles est nécessaire.

S’il y a une réelle volonté politique de créer une entité en dehors de la chaîne de commandement et du ministère, alors ne cherchez pas plus loin. Il faudrait relativement peu d’intervention pour que mon bureau étende ses services de soutien à la communauté de la Défense pour:

Les Forces canadiennes ne ressemblent à aucun ministère ou agence fédéral. Les questions touchant les forces armées ont une incidence sur la sécurité nationale et touchent tous les députés, circonscriptions et citoyens de ce pays. Il est essentiel que le Parlement reçoive les informations nécessaires pour que le Cabinet prenne les mesures appropriées pour traiter des questions qui pourraient jeter le discrédit sur l'institution militaire et même affecter le recrutement et le maintien du personnel.

Le Bureau de l’ombudsman a été créé il y a plus de 23 ans pour enquêter de façon indépendante et neutre sur des enjeux soulevés par les membres de la communauté militaire, lorsque toutes les avenues de redressement possibles du système ont été épuisées. Le Bureau agit comme un filet de sécurité lorsque le système interne défaille. Nous faisons partie de la solution - mais pas de toute la solution.

Ce dont le Bureau de l’ombudsman a besoin pour continuer de faire partie de la solution est un mandat défini en loi et une existence permanente. Pour le moment, l’existence du Bureau est seulement inscrite dans une directive ministérielle et une DOAD (Directives et ordonnances administratives de la Défense) signées par le CEMD et le SM. Notre existence pourrait cesser avec le retrait ou la modification d’un de ces instruments. D’autres pays, comme le Royaume-Uni, l’Australie et l’Allemagne ont établi des organismes de surveillance de l’armée pleinement indépendants, ayant un mandat légal, et pouvant se rapporter au Parlement. Le Canada pourrait faire de même s’il y avait une volonté politique. Cela n’a pas été le cas jusqu’à maintenant.

Nous sommes à la croisée des chemins, et je crois que l’avenir commence par un changement de culture comprenant de solides mécanismes de redressement à l’intérieur du MDN et des FAC, avec une entité externe pleinement indépendante qui s’assure que les victimes de tout type d’inconduite ou d’injustice ne passent pas entre les mailles du filet.

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