L’avenir de CBC/Radio-Canada
Sur cette page
- Message de la ministre
- Avant-propos
- État des lieux pour les radiodiffuseurs publics nationaux dans le monde
- Défis actuels pour la Société Radio-Canada
- Initiatives et priorités du gouvernement du Canada
- Trois grands chantiers
- Conclusion
Format substitut
L’avenir de CBC/Radio-Canada [Version PDF - 520 ko]
Message de la ministre
Les grandes institutions de nos sociétés ne se construisent pas en quelques jours. Elles sont plutôt le fruit du travail acharné de plusieurs générations qui, malgré leurs différences, ont su reconnaître des valeurs fondamentales quant à l’identité et le devenir de notre peuple.
Chez nous, CBC/Radio-Canada est l’une de ces grandes institutions, presque centenaire, qui représente une assise très concrète et réelle de notre culture. Cette longue histoire et son impact positif se font encore ressentir aujourd’hui.
Partout au pays, la population demeure très proche de son diffuseur public, alors que le soutien à CBC/Radio-Canada se situe à 78% selon une récente étudeNote de bas de page 1. Ces chiffres sont constants depuis de nombreuses années et cela doit nous donner l’élan pour poursuivre le travail.
Bien sûr, les temps changent, les technologies évoluent, les besoins et les habitudes de consommation se modifient avec le temps et nos institutions doivent savoir s’adapter.
C’est pourquoi je vous présente ici un ensemble de propositions qui nous permettent de regarder vers l’avenir de façon positive et en honorant tous ceux et toutes celles qui ont fait grandir CBC/Radio-Canada depuis sa création.
Ces propositions, je souhaite qu’elles soient appliquées avec célérité, parce que nous traversons un contexte particulièrement difficile et l’inaction n’est pas une option.
Comme nation, nous devons faire preuve d’audace et de détermination en reconnaissant que nous devons protéger les institutions qui nous ont permis de devenir ce que nous sommes aujourd’hui : soit un peuple fier, digne et capable de dialoguer ensemble en partageant nos réalités, nos débats, nos différences et, surtout, notre attachement à notre nation.
Ce rôle, CBC/Radio-Canada l’a joué tout au long de sa longue existence. Il faut que cela puisse continuer encore pour les générations futures.
Toutefois, au moment d’écrire ces lignes, notre souveraineté est mise à mal, notre intégrité culturelle est sous pression par l’avènement de plateformes numériques étrangères, et ce, même si nous avons adopté des lois qui n’exigent qu’une chose pourtant simple : soit de respecter nos voix et d’accorder à notre identité la place qui lui revient dans les grands changements technologiques que nous traversons.
CBC/Radio-Canada est un pilier sur lequel bâtir notre futur et, étant donné la situation politique actuelle, c’est aussi l’un de nos outils collectifs pour articuler notre résistance à tout ce qui essaie de nous dénaturer.
Ce n’est pas le moment de manquer de vision et d’ambition, au contraire. Il faut se méfier des discours simplistes et réducteurs qui cherchent à miner la crédibilité d’une institution qui fait partie de notre fière et longue histoire.
Soutenir notre diffuseur public n’est pas une question de gauche ou de droite, ce n’est pas un enjeu Libéral ou Conservateur, c’est avant tout un engagement envers nous-mêmes, notre culture et notre indépendance.
Ensemble, ayons l’ambition à la hauteur des défis que nous affrontons, assurons-nous d’effectuer le travail pour que CBC/Radio-Canada continue d’exister pour nous et par nous.
Avant-propos
Au tournant des années 1930, alors que le Canada réfléchissait à la pertinence d’un radiodiffuseur public national similaire à la BBC au Royaume-Uni, la perspective d'une domination continue des ondes par les États-Unis – et la menace présumée qu'elle représentait pour le droit du Canada à l'autodéfinition nationale et culturelle – était une préoccupation centrale. La mise en place d’un radiodiffuseur public national, qui allait éventuellement devenir la Société Radio-CanadaNote de bas de page 2, était considérée comme un outil essentiel de service public, un instrument d’éducation pouvant jouer un rôle important dans la promotion d’un esprit national, l’interprétation de la citoyenneté canadienne et l’information du public sur les questions d’intérêt national.
En tant que radiodiffuseur national de service public, CBC/Radio-Canada occupe une place unique dans la radiodiffusion canadienne – et dans la vie sociale, culturelle et démocratique du Canada. C'est à la fois une source importante de nouvelles, d'information et d'analyse qui nourrit le discours public dans les communautés à travers le pays ; une force motrice dans la production et la présentation d'un large éventail d'histoires typiquement canadiennes ; et un pilier de l'économie des médias qui permet aux créateurs canadiens de cultiver et d'exprimer leur talent. La Société contribue de manière importante aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion qui déclare que le système canadien de radiodiffusion offre un service public essentiel au maintien et à la valorisation de l'identité nationale et de la souveraineté culturelle.
90 ans plus tard, CBC/Radio-Canada est une pierre angulaire de la société et de la culture canadiennes, elle est essentielle à la préservation et à la promotion des langues officielles et elle reflète la diversité du Canada. Au fil du temps, la Société est devenue un élément essentiel des foyers canadiens, en particulier dans les communautés rurales et les communautés linguistiques minoritaires qui ont moins facilement accès à d'autres sources d'information. En 2023-2024, 65% des Canadiens ont utilisé au moins un de ses services au cours d'un mois typiqueNote de bas de page 3. Le radiodiffuseur public national est à l'origine d'une grande partie du contenu canadien et des programmes de nouvelles, et emploie plus de 3 500 personnes dans ses services d’information, que les Canadiens considèrent comme une source d'information digne de confiance. CBC/Radio-Canada présente des histoires typiquement canadiennes en anglais, en français et en huit langues autochtones sur ses chaînes de télévision, ses stations de radio et ses divers services numériques. Elle offre également aux groupes traditionnellement sous-représentés la possibilité de produire et de partager leurs histoires avec les Canadiens, y compris les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
CBC/Radio-Canada est confrontée à des défis sans précédent. La publicité numérique a fait voler en éclats le modèle économique de l'information, plaçant la Société et ses fonctions de service public dans une position difficile. Les plateformes numériques mondiales et l'évolution du marché ont eu de graves répercussions sur la Société elle-même ainsi que sur l’offre de nouvelles locales au Canada - citons par exemple que les revenus publicitaires des journaux ont chuté de 73 % entre 2012 et 2022Note de bas de page 4. Entre 2008 et 2024, 526 médias de nouvelles (journaux, télé, radio) ont fermé leurs portes dans 347 communautés au CanadaNote de bas de page 5. Quant à la Société Radio-Canada, elle est confrontée à un déficit structurel annuel à long terme qui occasionne des impacts négatifs sur son offre de services et donc la livraison de son large mandat.
Face à ces défis, tel que requis dans sa lettre de mandat, l’honorable Pascale St-Onge a annoncé en mai 2024 la formation d’un comité consultatif d’experts pour lui donner des conseils stratégiques sur les mesures à prendre pour consolider et renouveler le radiodiffuseur public national afin de lui permettre de continuer d’exercer ses importantes fonctions sociales, culturelles et démocratiques.
Ce document énonce les propositions de la ministre du Patrimoine canadien en vue de moderniser CBC/Radio-Canada par le biais de changements à la Loi sur la radiodiffusion.
État des lieux pour les radiodiffuseurs publics nationaux dans le monde
Les radiodiffuseurs publics nationaux jouent un rôle fondamental dans la construction et la consolidation des démocraties modernes. Ces institutions remplissent des fonctions essentielles de service public qui seraient considérées comme non rentables par les radiodiffuseurs privés, telles que la promotion de l'expression culturelle, de la cohésion sociale et de l'identité nationale, et la diffusion d'informations fiables et indépendantes.
Cependant, dans de nombreux pays dans le monde, ces radiodiffuseurs se trouvent confrontés à de multiples défis, tant financiers que politiques, qui mettent en péril leur existence et leur efficacité. À cela s’ajoutent des enjeux de confiance avec le public, une baisse de leur influence, et un déclin de l’utilisation de leurs services.
Défis financiers
L’un des défis majeurs pour les radiodiffuseurs publics réside dans leur financement. Depuis plusieurs années, ces institutions font souvent face à une diminution progressive de leurs budgets, ce qui impacte directement leur capacité à produire du contenu de qualité et à renouveler leurs équipements. Le financement public est de plus en plus insuffisant et irrégulier. Cette situation résulte en partie de pressions économiques qui poussent les gouvernements à réduire les dépenses publiques, mais aussi du contexte de concurrence accrue des plateformes numériques, telles que les services de diffusion en continu (Netflix, Amazon Prime, etc.), qui captent une part de plus en plus importante du marché de la consommation médiatique et affectent négativement les revenus commerciaux, notamment publicitaires, des radiodiffuseurs publics.
Environnement politique
Les radiodiffuseurs publics sont également confrontés à des pressions politiques qui peuvent affecter leur indépendance éditoriale. Dans de nombreux pays occidentaux, la relation entre les gouvernements et les médias publics est de plus en plus tendue. Certains gouvernements utilisent leur pouvoir financier pour exercer des pressions sur les rédactions ou pour faire adopter des lois qui limitent la liberté de la presse. Ces attaques sont souvent motivées par des considérations idéologiques et visent à limiter l'influence des médias publics, perçus, soit comme trop critiques à l'égard de l’exécutif, soit comme porte-parole des messages gouvernementaux.
Les radiodiffuseurs qui bénéficient d’un financement public sont dans une position délicate. En raison de leur rôle particulier dans la diffusion d’une information neutre et de qualité, ils sont souvent pris pour cible par ceux qui souhaitent influencer l’opinion publique. Leur capacité à maintenir leur indépendance face à ces pressions est essentielle pour préserver leur crédibilité et leur légitimité.
Confiance des citoyens
La confiance des citoyens dans les médias publics a également diminué ces dernières années dans de nombreux pays. Dans un environnement médiatique de plus en plus fragmenté et polarisé, les citoyens ont tendance à se tourner vers des sources d’information qui correspondent à leurs opinions et à leurs valeurs personnelles. Ce phénomène, couplé à la prolifération de fausses informations et de théories du complot, fragilise la position des radiodiffuseurs publics qui sont perçus par certains comme des acteurs institutionnels, souvent biaisés ou inefficaces.
Restaurer la confiance du public nécessite de renforcer la transparence, d’améliorer la qualité du journalisme et de s’assurer que les contenus des radiodiffuseurs publics reflètent la diversité des points de vue et des réalités sociales.
Influence et utilisation
L’un des principaux indicateurs de la crise des médias publics en Occident est la baisse continue de leur influence et de leur utilisation par le public. La montée en puissance des médias sociaux et des plateformes numériques a transformé la façon dont les gens consomment du contenu de divertissement, des contenus éducatifs et de l’information. Les générations plus jeunes préfèrent souvent se tourner vers des applications mobiles, des vidéos en ligne, ou des médias sociaux pour accéder à du contenu audio ou audiovisuel, y compris l’information, plutôt que de regarder la télévision ou d'écouter la radio traditionnelle. Cette évolution a conduit à une baisse de l’audience des radiodiffuseurs publics, qui doivent adapter leur offre de services pour attirer ces nouvelles générations de citoyens.
Opportunités à saisir
En tant que source clé de nouvelles, d'informations et d'analyses indépendantes des intérêts politiques et commerciaux, la radiodiffusion de service public peut également être un pilier de la sphère publique, ce réseau de lieux et de forums où les citoyens se rencontrent sur un pied d'égalité pour s'informer et délibérer, débattre et rechercher un consensus sur des questions d'intérêt commun. À une époque où de nombreux médias privés réduisent leurs dépenses, retiennent de nouveaux investissements ou se retirent des communautés qu'ils servaient autrefois, le rôle de la radiodiffusion de service public dans la société civile et le discours public n'a jamais été aussi essentiel à une participation active et éclairée à la vie civique.
Défis actuels pour la Société Radio-Canada
En tant que radiodiffuseur public national, CBC/Radio-Canada joue un rôle crucial dans l'écosystème médiatique du Canada. Le mandat général de la Société, tel qu'il est énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, est d’« informer, éclairer et divertir ». La Société Radio-Canada n’est pas exempte des enjeux globaux que nous venons d’aborder. Examinons les défis qui l’affectent plus précisément dans la livraison de son mandat.
Le cynisme et l'hostilité croissants à l'égard des institutions publiques et des médias traditionnels érodent le consensus sur la valeur de la radiodiffusion de service public en tant que bien social collectif.
Selon un rapport publié par le Reuters Institute for the Study of Journalism, la confiance globale du public dans les nouvelles continue de diminuer ici au pays : en 2023, 37 % des Canadiens dans le marché anglophone et 49 % des Canadiens dans le marché francophone ont indiqué qu'ils étaient d'accord pour dire que la plupart des nouvelles peuvent être fiables la plupart du temps, ce qui donne un « score de confiance » global de 40 % (en baisse par rapport à 55 % en 2016)Note de bas de page 6. Le rapport a également révélé que, bien que les médias de service public se classent souvent encore au sommet ou près du sommet des marques d'information les plus fiables dans de nombreux pays, le pourcentage de Canadiens qui ont évalué les services de la Société comme dignes de confiance est passé de 71% à 63% pour CBC et de 80% à 74% pour Radio-Canada entre 2020 et 2024Note de bas de page 7. L'érosion de la confiance du public à l'égard de CBC/Radio-Canada pourrait compromettre sa capacité de répondre aux besoins critiques en matière d'information d'un vaste auditoire de Canadiens, de contrer la propagation de la désinformation et d'aider à surmonter les inégalités en matière d'information entre les différentes régions et communautés.
La baisse des revenus et l'incidence de l'inflation mettent à rude épreuve la capacité de CBC/Radio-Canada de maintenir ses niveaux de service actuels, et encore moins de répondre aux défis et aux possibilités de l'environnement des nouveaux médias.
La plupart des sources de revenus de CBC/Radio-Canada ont stagné ou diminué au cours des dernières années. Les gains sur ses plateformes numériques n'ont pas été suffisants pour compenser les pertes sur ses services traditionnels : entre 2017-2018 et 2023-2024, ses revenus commerciaux ont chuté de 14 %, passant de 573 millions de dollars à 493 millions de dollarsNote de bas de page 8. Malgré un important réinvestissement gouvernemental de 150 millions de dollars par année à compter de 2016-2017 et par la suite, le financement public de la Société a diminué de plus de 98 millions de dollars en dollars réels, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, sur la période entre 2014-2015 et 2023-2024. La Société prévoit également un déficit structurel continu qui devrait augmenter au cours des prochaines années en raison des coûts inflationnistes annuels prévus et des pertes de revenus.
Combinés, ces enjeux rendent la situation financière de CBC/Radio-Canada instable et rendent difficile la planification financière à moyen et long terme. Au fil du temps, alors que les grands géants mondiaux des médias continuent d'augmenter les coûts en soumissionnant agressivement pour les droits et en investissant massivement dans leur propre contenu, les enjeux de financement de CBC/Radio-Canada pourraient créer un cercle vicieux de pertes d’emploi, de programmation réduite menant à de plus petits auditoires, moins d'impact et moins de pertinence.
À mesure que le financement public de CBC/Radio-Canada s'érode, sa dépendance à l'égard des revenus commerciaux pourrait augmenter, ce qui pourrait diluer son caractère distinctif.
Dans la mesure où les radiodiffuseurs de service public complètent leur financement public par certaines formes de revenus commerciaux, certains critiques soutiennent que des considérations commerciales telles que les cotes d'écoute et la part de marché peuvent de plus en plus empiéter sur leurs incitatifs à la programmation. En particulier, une pression accrue exercée sur les radiodiffuseurs publics de « monétiser » leurs activités peut créer des incitatifs pervers pour qu'ils reflètent les stratégies de programmation populaires et évitent de prendre des risques sur des projets plus ambitieux, stimulants ou non conventionnels. Par exemple, les programmes financés par la publicité peuvent être tentés d'éviter de s'aliéner les annonceurs, méfiants d'associer leurs marques à des sujets controversés. Ces considérations deviennent encore plus sensibles si des publicités sont diffusées pendant les programmes de nouvelles et d’actualité. De même, la présence de publicité tend à renforcer certaines normes génériques et conventions de narration puisque les programmes doivent être construits autour d'interruptions publicitaires périodiques. En plus d'imposer des coûts de nuisance aux auditoires, la présence de publicité peut également favoriser une atmosphère de commercialisation qui peut banaliser ou diminuer la valeur de la programmation environnante.
Dans le contexte canadien, une tendance accrue à la commercialisation pourrait aggraver les tensions concurrentielles avec les radiodiffuseurs privés, nuire à la crédibilité de CBC/Radio-Canada et diluer son caractère distinctif.
L'absence d'entente de financement pluriannuel limite la capacité de la Société Radio-Canada de planifier à moyen et long terme et mine son indépendance par rapport aux pressions politiques réelles ou perçues.
À travers le monde, il n'y a pas de consensus sur la façon la plus efficace de financer la radiodiffusion publique. Toutefois, il est largement reconnu que les ententes de financement pluriannuelles permettent aux radiodiffuseurs de planifier et de gérer leurs ressources plus efficacement en assurant une plus grande prévisibilité financière, d'autant plus que les coûts de production sont souvent répartis sur plusieurs années. De plus, étant donné que le financement pluriannuel est conçu pour traverser les cycles électoraux, il peut également protéger davantage les radiodiffuseurs de service public de toute influence politique réelle ou perçue en veillant à ce qu'ils dépendent moins de la bonne volonté continue du gouvernement en place. Ce concept de financement pluriannuel a été recommandé à de nombreuses reprises dans des rapports ou examens portant sur la Société ou la politique de radiodiffusion dans son ensemble, comme l’Examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunicationsNote de bas de page 9 effectué en 2020.
Le processus actuel de nomination de la présidente-directrice générale et des membres du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada aide à protéger l'indépendance de la Société mais n’est pas enchâssé dans la loi. De plus, le gouvernement y est plus étroitement associé que dans la plupart des autres démocraties occidentales.
CBC/Radio-Canada fonctionne sans lien direct de dépendance avec le gouvernement, mais elle est ultimement responsable devant le Parlement – par l'entremise de la ministre du Patrimoine canadien – de la conduite de ses affaires. L'une des principales responsabilités gouvernementales est de veiller à ce que des candidats appropriés aux postes de leadership soient recommandés au gouvernement (plus précisément au gouverneur en conseil) pour nomination.
Le gouvernement est responsable à lui seul de l’ensemble des nominations du leadership de la Société, que ce soit les 12 membres du Conseil d’administration ou la présidente-directrice générale. Ces nominations sont essentielles à la gérance globale de la Société, à titre de chef de la direction, la présidente-directrice générale supervise toutes les activités quotidiennes, tandis que le conseil d'administration surveille et approuve les plans et priorités stratégiques de l’organisation.
Cette association entre le gouvernement et les dirigeants d’un radiodiffuseur public national est l’exception plutôt que la norme si on compare avec le processus dans la plupart des pays d’Europe, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée du Sud, pour ne citer que ceux-là.
Au Canada, depuis 2017, les candidats à ces postes sont recommandés à la ministre du Patrimoine canadien par un comité consultatif indépendant qui a été mis sur pied dans le cadre d'un engagement plus large du gouvernement à assurer des processus de sélection ouverts, transparents et fondés sur le mérite pour toutes les personnes nommées par le gouverneur en conseil. Bien que ce processus contribue à renforcer l'indépendance et à assurer l'intégrité de la Société, il n'est pas enchâssé dans la Loi.
Le mandat et les objectifs de programmation de CBC/Radio-Canada reflètent des considérations historiques au sujet de son rôle en tant que radiodiffuseur de service public. Ces considérations sont toujours pertinentes mais elles ne reflètent plus nécessairement le paysage médiatique contemporain.
La Société Radio-Canada est devenue plus qu'un fournisseur de services de radiodiffusion : en plus de sa production audio et audiovisuelle, elle produit également une vaste gamme de contenu textuel – y compris des nouvelles, de l'information et de l'analyse – qui est maintenant essentielle à la façon dont elle s'acquitte de son mandat et à la valeur publique qu'elle crée. Elle offre de plus ses services sur des plateformes numériques comme CBC GEM ou ICI TOU.TV. Bien que Loi sur la radiodiffusion précise que la programmation de la Société devrait être offerte partout au Canada par les moyens les plus appropriés et les plus efficaces, il y aurait lieu que la Société ait un mandat plus explicite pour innover et adopter de nouveaux moyens et méthodes de communication afin de pouvoir rendre son contenu accessible au plus large public possible sur les plateformes et les appareils qu'il utilise.
Compte tenu de leur nature vaste et ambitieuse, le mandat et les objectifs de programmation de CBC/Radio-Canada se sont révélés très résilients face aux changements sociaux, culturels et technologiques radicaux. Toutefois, le contexte global offre des opportunités à saisir afin de mieux définir le rôle du radiodiffuseur public canadien, de renforcer sa gouvernance et d'assurer une base solide pour son avenir.
Initiatives et priorités du gouvernement du Canada
Le gouvernement du Canada, à travers diverses initiatives législatives et budgétaires, a reconnu la nécessité de soutenir la radiodiffusion publique dans cette période de transformation. Plusieurs mesures ont été mises en place pour appuyer la Société Radio-Canada, et plus largement l’écosystème médiatique public, dans un environnement de plus en plus concurrentiel et polarisé.
Deux nouvelles lois
La Loi sur la diffusion continue en ligne, adoptée en avril 2023, a pour objectif de réguler le secteur de la diffusion en ligne au Canada. Cette législation vise à garantir que les plateformes de diffusion en continu et autres acteurs numériques contribuent au système de radiodiffusion canadien par le biais d’obligations, notamment en matière de production canadienne en anglais, en français et dans les langues autochtones. Cette Loi a actualisé le mandat de CBC/Radio-Canada pour reconnaître que ses services vont au-delà de la radio et de la télévision conventionnelle.
La Loi sur les nouvelles en ligne, adoptée en juin 2023, est un levier important pour soutenir le journalisme de qualité et la presse traditionnelle. Elle vise à encadrer les pratiques des plateformes numériques, en particulier celles qui diffusent des nouvelles, pour garantir qu’elles contribuent de manière équitable à la production de contenu journalistique et qu’elles respectent des standards éthiques et professionnels. Cette Loi a inclus CBC/Radio-Canada parmi les organisations pouvant bénéficier de cette plus grande équité.
Investissements récents
Depuis 2015, le gouvernement intervient régulièrement pour renforcer le radiodiffuseur public national et lui permettre de continuer à servir la population canadienne. Cependant, la plupart de ces interventions étaient de nature temporaire.
Le budget de 2016 a fourni 675 millions de dollars sur cinq ansNote de bas de page 10 pour que la Société produise du contenu canadien de calibre mondial et offre aux Canadiens un meilleur accès à ses programmes et services à l'ère numérique.
Au cours des quatre dernières années, CBC/Radio-Canada a reçu des fonds supplémentaires pour répondre à ses pressions financières. Le budget de 2021 a donné 21 millions de dollars pour un an, montant que le budget de 2022 a prolongé pour deux années supplémentaires. Plus récemment, le budget de 2024 a prévu 42 millions de dollars en 2024-2025.
Une solution à long terme permettrait de mieux assurer la viabilité et l'indépendance de la Société.
Lettre de mandat de 2021
La lettre de mandat de 2021 de la ministre du Patrimoine canadien définit les priorités stratégiques du gouvernement par rapport à la Société Radio-Canada : elle comprend un engagement à moderniser CBC/Radio-Canada.
Comité consultatif sur l’avenir de CBC/Radio-Canada
En mai 2024, la ministre St-Onge a mis sur pied un comité consultatif chargé de fournir des conseils stratégiques sur la façon de renforcer et de renouveler CBC/Radio-Canada afin qu'elle puisse continuer à remplir ses importantes fonctions sociales, culturelles et démocratiques.
Les membres du comité consultatif ont été choisis de manière à assurer une gamme complémentaire d'expériences et d'expertises dans divers domaines liés aux fonctions sociales, culturelles, éducatives et démocratiques des médias de service public, ainsi qu'aux nouveaux médias et aux technologies de communication. Les sept experts et spécialistes nommés au comité consultatif étaient :
- Marie-Philippe Bouchard, présidente-directrice générale, TV5 Québec Canada;
- Jesse Wente, président du conseil d’administration du Conseil des arts du Canada, premier chef de la direction du Bureau de l’écran autochtone;
- Jennifer McGuire, directrice générale, Pink Triangle Press;
- David Skok, président-directeur général et rédacteur en chef, The Logic (jeune entreprise médiatique indépendante);
- Mike Ananny, professeur adjoint, École de communication et journalisme, Université de la Californie du Sud, Annenberg;
- Loc Dao, directeur général, DigiBC;
- Catalina Briceno, professeure, Université du Québec à Montréal.
De mai à juillet 2024, le comité consultatif a rencontré régulièrement la ministre pour discuter d'un éventail de questions portant sur le financement, la gouvernance et le mandat de CBC/Radio-Canada. Les discussions entre la ministre et ce comité consultatif se sont appuyées sur les recommandations formulées lors de consultations antérieures, y compris l’Examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications effectué en 2020.
Les contributions des membres du comité consultatif ont aidé la ministre à déterminer la meilleure façon de s'assurer que CBC/Radio-Canada soit en mesure de relever les défis et de saisir les occasions qu'offre l'environnement actuel des médias. Les changements que proposerait la ministre se répartissent en trois grands chantiers qui sont précisés ci-dessous.
Trois grands chantiers
La ministre du Patrimoine canadien proposerait des modifications à la Loi sur la radiodiffusion afin de moderniser les objectifs, la gouvernance et le financement de CBC/Radio-Canada. Les objectifs de ces différents changements seraient de renforcer la responsabilisation et la réactivité de la Société vis-à-vis des Canadiens, d'assurer son indépendance journalistique, créative et de programmation, de renforcer son rôle de radiodiffuseur public et de lui fournir un financement prévisible et stable pour qu’elle puisse faire face aux défis futurs.
Mandat
Nouvelles fiables, locales, et impartiales
Selon la Loi sur la radiodiffusion, CBC/Radio-Canada « devrait offrir […] une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit ». Dans la Loi, aucune autre disposition concernant les objectifs de CBC/Radio-Canada ne fait état du rôle crucial joué par le radiodiffuseur dans la présentation de nouvelles, d’informations et d’émissions d’affaires publiques. La ministre souhaiterait ajouter un objectif spécifique en ce sens dans la Loi et mettre l'accent sur l’importance de ce type de programmes. Il serait en outre précisé que l’information doit être créée et diffusée de manière impartiale. Ces changements souligneraient le rôle essentiel de CBC/Radio-Canada dans la diffusion de nouvelles et d'informations dignes de confiance et fiables et dans la lutte contre les préjugés réels ou perçus dans les médias d'aujourd'hui.
Situations d’urgence
Les objectifs de CBC/Radio-Canada ne contiennent actuellement aucune disposition relative à la fourniture de ses services lors de situations d’urgence. Compte tenu de l'instabilité mondiale croissante et de la menace grandissante des changements climatiques, la ministre proposerait d’ajouter un objectif à la Loi qui soutiendrait la diffusion de communications publiques fiables dans les situations d'urgence. Cet ajout contribuerait à atténuer potentiellement les risques causés par la circulation d'informations fausses ou trompeuses.
Innovation
D’après la Loi sur la radiodiffusion, le système de radiodiffusion canadien en général devrait « promouvoir l’innovation et demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques ». La ministre souhaiterait renforcer cet objectif pour CBC/Radio-Canada spécifiquement en affirmant, par l’ajout d’un objectif dans la Loi, que la Société devrait innover au moyen d’investissements dans de nouvelles façons de produire et de présenter du contenu qui tiennent compte des technologies médiatiques de pointe. La ministre voudrait également exiger que CBC/Radio-Canada partage le fruit de ces investissements avec l’écosystème médiatique élargi, plus particulièrement d’autres médias de service public ainsi que des chercheurs dans le domaine, en vue d’appuyer les objectifs de radiodiffusion du Canada.
Gouvernance
Nominations
À l’heure actuelle, la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada est nommée par le gouvernement (plus précisément le gouverneur en conseil) qui nomme aussi les membres et le président du conseil d’administration. La nomination de la présidente-directrice générale par le gouvernement peut influencer négativement la perception des citoyens au sujet de l'indépendance de CBC/Radio-Canada vis-à-vis du gouvernement.
Dans la plupart des pays démocratiques, que ce soit en Europe, au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande, il y a davantage de distance entre le gouvernement et le radiodiffuseur national public. Bien souvent, les membres du conseil d’administration sont nommés par une autorité publique indépendante comme en France, ou par le Parlement ou son équivalent comme au Japon. Quant au président-directeur général, il est presque toujours nommé par le conseil d’administration, dans les pays scandinaves par exemple. Cette distance est jugée essentielle pour assurer l’indépendance réelle et perçue du radiodiffuseur public national, notamment parce qu’un de ses rôles primordiaux est d’informer le grand public, y compris sur des questions et actualités politiques et gouvernementales. La ministre souhaiterait s’aligner davantage avec cette pratique.
La ministre proposerait des modifications à la Loi pour que la présidente-directrice générale soit nommée pour cinq ans par le conseil d'administration de CBC/Radio-Canada. La présidente-directrice générale exercerait ses fonctions selon le bon vouloir du conseil d'administration, et ce dernier serait habilité à la reconduire dans ses fonctions avec une limite de 10 ans pour l'ensemble des mandats. Le conseil d'administration établirait également la rémunération de la présidente-directrice générale, en tenant compte des postes comparables dans le secteur public fédéral. La présidente-directrice générale serait membre d’office (ex officio) du conseil d'administration sans droit de vote.
Depuis 2017, la ministre du Patrimoine canadien demande l'avis d'un comité consultatif indépendant avant de faire des recommandations au gouverneur en conseil sur les nominations au conseil d'administration et à la présidence de CBC/Radio-Canada. Elle proposerait d’inscrire cette pratique dans la Loi sur la radiodiffusion. Pour renforcer encore ce processus, la Loi exigerait également que les administrateurs du conseil reflètent la diversité du Canada et ses langues officielles, et qu'au moins deux d’entre eux possèdent des compétences financières, ce qui serait assuré via une exigence de titres financiers professionnels.
La Loi sur la radiodiffusion stipule actuellement que le conseil d'administration de CBC/Radio-Canada est composé de douze membres. La ministre souhaiterait y ajouter deux sièges supplémentaires pour un total de quatorze, soit treize membres votants, plus le président-directeur général. Ce changement permettrait de tendre vers un idéal de représentation de chacun des provinces et territoires du Canada, reflétant ainsi une recommandation formulée par la Commission Aird en 1929, qui a abouti à la création de CBC/Radio-Canada, selon laquelle la direction de la Société devrait s'efforcer de correspondre à la diversité régionale du Canada.
En cas d’absence ou d’empêchement du président du conseil d’administration, sa charge est actuellement assumée par la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada. Cette disposition ne serait plus conforme à l’objectif d’accroître la reddition de compte interne entre la présidente-directrice générale et le conseil d’administration. Pour éviter ce cas de figure, la ministre proposerait de modifier la Loi pour permettre au conseil d’administration de désigner l’un de ses membres au poste de vice-président du conseil d’administration de CBC/Radio-Canada, qui agirait comme président au besoin.
Participation des citoyens
En tant que radiodiffuseur public, CBC/Radio-Canada devrait refléter les expériences vécues, les langues et les besoins des citoyens canadiens. Pour faciliter cette réactivité, la ministre proposerait de modifier la Loi sur la radiodiffusion pour exiger que la Société inclue une consultation auprès du public sur les questions relatives à ses priorités et stratégies dans le contexte de ses plans d'entreprise. La Loi modifiée exigerait que CBC/Radio-Canada indique dans ses plans d'entreprise comment elle satisfait à l'exigence de consultation du public, y compris les résultats et la manière dont ces résultats influencent la prise de décision et les opérations.
Stratégie autochtone
De plus, afin d'améliorer la réactivité et la responsabilité à l'égard des peuples autochtones, il serait exigé dans la Loi modifiée que CBC/Radio-Canada élabore une stratégie en collaboration avec les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, afin de tenir compte de leurs besoins dans le cadre de ses activités. Dans les trois années suivant la sanction royale des modifications législatives proposées, CBC/Radio-Canada serait tenue de rendre compte publiquement du processus d'élaboration conjointe, de ses résultats et de la façon dont elle prévoit intégrer les résultats dans ses activités. La stratégie autochtone que la Société Radio-Canada a mise en place en 2024 reflète son mandat et ses circonstances actuelles; cette nouvelle stratégie voudrait assurer que les besoins des Autochtones soient pris en considération alors que la Société s’ajuste aux changements inclus dans la Loi modifiée en ce qui a trait à son mandat, sa gouvernance et son niveau de financement.
Séparation des services français et anglais
La Loi sur la radiodiffusion précise qu’une seule entité, la Société Radio-Canada, opère les fonctions de radiodiffuseur public national, mais que les programmations anglaise et française se doivent d’être distinctes et de correspondre à la situation et aux besoins différents des anglophones et des francophones. Il est clair qu’une seule organisation permet d’avoir une vision d’ensemble pour tout le pays ainsi qu’une approche d’envergure nationale tout en assurant des efficiences administratives et opérationnelles. La loi modificative soulignerait l'importance de la séparation des décisions éditoriales de programmation entre CBC et Radio-Canada. Cela contribuerait à l’objectif de refléter les circonstances et les besoins variés de chacune des communautés de langue officielle, y compris les besoins et les intérêts précis des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Examen parlementaire
Pour veiller au succès et à la pertinence de ces changements à long terme, la ministre proposerait d’ajouter à la Loi sur la radiodiffusion que les dispositions s’appliquant à CBC/Radio-Canada feraient l’objet d’un examen parlementaire cinq ans après la sanction royale.
Financement
Modèle de financement
Face aux défis financiers que connaissent les radiodiffuseurs publics nationaux, quatre grands principes ont été élaborés par l’Union européenne de Radio-Télévision pour orienter les actions en matière de financement : le financement devrait être stable et approprié, libre d’ingérence politique. Il devrait aussi être équitable et justifiable, transparent et imputable auprès du publicNote de bas de page 11.
Il n’y a pas un modèle de financement en particulier qui prédomine à l’échelle internationale. Chaque modèle de financement a ses avantages et ses inconvénients et fait des compromis entre les quatre principes énoncés ci-dessus. Plusieurs pays utilisent un système similaire à celui qui prévaut au Canada : un modèle hybride combinant financement public et revenus commerciaux.
Dans certains pays, au Royaume-Uni par exemple, le financement public est assuré par une redevance payée par toute personne utilisant un téléviseur ou une radio. En Allemagne ou en Finlande, une taxe personnelle est perçue directement auprès de chaque citoyen ou chaque foyer. En France, le financement gouvernemental est alloué via une portion d’une taxe générale. Chacun des divers modèles de financement de la radiodiffusion publique s’inscrit dans les traditions juridiques et gouvernementales d’un pays donné en lien avec une certaine acceptabilité sociale. Après avoir examiné différents modèles de financement et soupesé leurs mérites, la ministre a identifié qu’un modèle basé sur des crédits législatifs parviendrait au meilleur équilibre entre les quatre grands principes mentionnés plus haut, les besoins de la Société Radio-Canada et la réalité juridique et parlementaire canadienne.
Crédits législatifs
Au Canada, le financement public que reçoit CBC/Radio-Canada se fait via des crédits parlementaires. Ceux-ci sont votés chaque année par le Parlement dans le cadre du processus budgétaire. Par le biais d’une disposition spécifique ajoutée dans la Loi sur la radiodiffusion, la ministre viserait fournir des ressources suffisantes à CBC/Radio-Canada à long terme en établissant un crédit législatif basé sur un montant par habitant et par an. Ce niveau de financement basé sur une formule par habitant, inscrit dans la Loi, offrirait une plus grande certitude de financement que les crédits parlementaires qui peuvent varier d'une année à l'autre sans préavis suffisant.
La différence entre un crédit parlementaire et un crédit législatif est que ce dernier est inscrit dans une Loi et n’est pas voté annuellement par le Parlement dans le cadre du processus budgétaire. Le financement est calculé selon une formule et versé à une organisation par le Trésor selon les modalités prévues dans la Loi adoptée par le Parlement. Ce système est utilisé pour des paiements de transfert aux provinces ou des programmes universels comme les pensions de vieillesse. Le Parlement conserve son droit de regard et ses prérogatives usuelles de reddition de compte, mais tout changement au mécanisme ou au niveau de financement devrait être effectué par un processus législatif et non seulement budgétaire.
Le financement par habitant reflète l'idée que l'accès aux médias de service public est un bien public. Il devient intrinsèquement lié au concept selon lequel tous les citoyens ont un intérêt égal dans le maintien d'un secteur des médias robuste et indépendant. Les citoyens, en tant que contribuables, sont essentiellement les parties prenantes et les propriétaires du radiodiffuseur public national. Une formule par habitant permettrait également de faire évoluer le financement de CBC/Radio-Canada en fonction de l'évolution de la population du Canada, garantissant ainsi que ses ressources soient proportionnelles à la taille de la population qu'elle dessert.
La ministre proposerait une transition graduelle où le montant par habitant serait augmenté d’une année à l’autre sur une période de quelques années jusqu’à un montant par habitant déterminé. Ceci ferait en sorte que la Société Radio-Canada aurait le temps nécessaire pour planifier ses activités et initiatives en sachant à l’avance le montant qu’elle obtiendrait dans un avenir à moyen terme.
Dans le contexte canadien, des crédits législatifs pourraient fournir à CBC/Radio-Canada une source de financement stable et prévisible.
Publicités
La dépendance de CBC/Radio-Canada à l'égard de la publicité et des revenus d’abonnement risque de compromettre ses objectifs de service public, en favorisant les contenus générateurs de revenus au détriment des avantages sociaux, culturels et démocratiques voulus dans son mandat. Pour réduire cette influence commerciale tout en ajoutant de la valeur pour les Canadiens, la ministre proposerait d’interdire à la Société Radio-Canada de présenter de la publicité pendant ses émissions de nouvelles, d'information et d'affaires publiques sur tous ses services et de lui interdire d'imposer des frais d'abonnement sur ses services numériques.
Niveau de financement
Le financement de CBC/Radio-Canada par le gouvernement fédéral est bien inférieur au financement moyen des pays du Groupe des sept (G7) qui s’élève à 62,20$ par habitant. Actuellement, le gouvernement accorde environ 1,38 milliard de dollars à CBC/Radio-Canada, ce qui représente environ 33,66 $ par habitant, plaçant ainsi le Canada au sixième rang du G7 sur le plan du financement public par habitant de son radiodiffuseur public national. Le financement par habitant que reçoit CBC/Radio-Canada équivaut donc à environ la moitié de la moyenne du G7. La ministre vise réduire cet écart et faire en sorte que le Canada s’harmonise davantage avec ses partenaires du G7.
Il y a un lien direct entre le niveau de financement d’un radiodiffuseur public et sa performance, que l’on peut évaluer en termes d’auditoires, de parts de marché, ou du pourcentage de citoyens qui évaluent que les informations et nouvelles présentées sont dignes de confianceNote de bas de page 12. Autrement dit, en général, plus un radiodiffuseur bénéficie d’un niveau de financement élevé, plus ses parts de marché et ses auditoires sont importants et plus le niveau de confiance des citoyens envers ses services est élevé.
Avec une augmentation du financement, il est raisonnable d’envisager une hausse générale des indicateurs de performance. De plus, un financement accru et prévisible permettrait à CBC/Radio-Canada de combler son déficit financier structurel, d'atteindre ses objectifs nouveaux et existants, d'élaborer des stratégies à long terme et de mettre en œuvre des initiatives nouvelles et innovantes.
Conclusion
La plupart des radiodiffuseurs nationaux publics dans le monde partagent un certain nombre de caractéristiques distinctives, y compris le mandat d'offrir une gamme et une variété d'émissions ; une indépendance contre l'influence politique et commerciale ; le souci de l'identité et de la culture nationales ; un accent mis sur la représentation régionale ; une attention particulière pour les populations minoritaires ; une disponibilité géographique générale ; et un mécanisme de financement universel par lequel tous les citoyens contribuent. Toutes ces caractéristiques s’appliquent ici au Canada et demeurent pertinentes aujourd’hui.
Bien des choses ont changé depuis 1936, année de la création du radiodiffuseur public national, mais plusieurs idéaux envisagés à l’époque demeurent d’actualité. Dans ce présent document, la ministre du Patrimoine canadien propose une série de changements législatifs qui moderniserait les objectifs, la gouvernance, le modèle ainsi que le niveau de financement de CBC/Radio-Canada. Pris dans leur ensemble, ces changements ont pour objectif d’améliorer le caractère distinctif de la Société par rapport aux médias privés; renforcer l’indépendance du radiodiffuseur public national vis-à-vis le gouvernement afin de susciter les conditions gagnantes pour accroître la confiance des citoyens envers ses services, surtout en termes de nouvelles et d’actualité; renforcer la transparence et l’imputabilité, principalement envers les citoyens; et finalement, clarifier le rôle de CBC/Radio-Canada dans l’écosystème médiatique canadien.
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