Rapport annuel du commissaire aux langues officielles 2019-2020 et rapport complémentaire sur la sécurité

Sur cette page

Contexte

Le 29 septembre 2020, M. Raymond Théberge, Commissaire aux langues officielles (commissaire), a rendu public son Rapport annuel sur les langues officielles pour 2019-2020. Celui-ci comporte quatre chapitres et trois recommandations adressées au premier ministre du Canada :

  1. examiner les enjeux de conformité qui empêchent les Canadiens d’exercer leurs droits dans la langue officielle de leur choix et encourager les provinces et territoires à déterminer les causes des manquements au droit à la sécurité;
  2. tenir son engagement et amorcer la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO); et
  3. concrétiser l’engagement de promouvoir continuellement auprès des deux groupes linguistiques majoritaires l’importance de la dualité linguistique.

Un mois plus tard, le 29 octobre 2020, le commissaire a rendu public un rapport complémentaire sur la sécurité et les langues officielles qui brosse un portrait de l’expérience en matière de langues officielles vécue par la population canadienne lors des situations d’urgence et qui contient aussi des recommandations afin que le gouvernement fédéral respecte davantage ses obligations en matière de langues officielles dans ses interactions avec les Canadiennes et les Canadiens.

Rapport annuel 2019-2020

Au premier chapitre, le commissaire défend l’idée que l’avenir de la dualité linguistique passe par une refonte en profondeur de la LLO. Il fait ressortir sept des 18 recommandations qu’il avait formulées au gouvernement du Canada lors de la publication de son document de positionnement sur la modernisation de la LLO au printemps 2019 : renforcement des pouvoirs du commissaire et ajouts de mécanismes de conformité; gouvernance plus intelligible, centralisée et mieux coordonnée; coordination de la mise en œuvre d’un plan d’action pangouvernemental sur les langues officielles; examen périodique obligatoire; modifications législatives à la partie IV; meilleure cohérence des parties IV et V (désignation des régions bilingues); adoption d’un Règlement partie VII.

Bien que le commissaire reconnaisse des avancées, le nouveau Règlement sur les langues officielles — communications et prestation des services – ne répond pas à toutes ses attentes notamment parce qu’il maintient l’usage du seuil de 5 % pour définir la demande au lieu d’un critère numérique absolu, et parce qu’il demeure complexe et ne comprend pas de clause de révision décennale.

Le deuxième chapitre présente les sujets d’actualité préoccupants pour les communautés de langue officielle, dont : la pénurie d’enseignants en français langue seconde; le projet de loi 40 qui pourrait mener à l’abolition des commissions scolaires au Québec; le fait que les cibles fixées pour les nouveaux arrivants d’expression française ne soient pas atteintes; et l’insuffisance des données relativement au dénombrement des ayants droit (N.B. le rapport a été rédigé avant l’annonce des modifications aux questionnaires du Recensement de 2021).

Quant au Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, le commissaire constate que la mise en œuvre des nouvelles initiatives progresse bien et salue les efforts des institutions fédérales qui ont mis de l’avant l’approche du « par et pour ». Le commissaire s’attend à ce que le gouvernement fasse preuve de transparence à l’égard des mesures de reddition de comptes. Le cadre redditionnel pour le Plan d’action a été rendu public par Patrimoine canadien (PCH) en novembre 2020.

Le commissaire indique qu’il se penchera sur les mesures de reddition de comptes et les consultations des communautés de langue officielle, notamment en ce qui a trait au renouvellement des ententes en éducation signées avec les provinces et territoires.

Bien que le commissaire souligne les mesures prises pour gérer l’enjeu du soutien financier aux médias communautaires, il invite PCH à continuer d'être un chef de file dans ce dossier et Services publics et approvisionnement Canada (SPAC) à réfléchir sur les façons dont il peut appuyer davantage les médias de langue officielle minoritaire. Dans le contexte de la pandémie, les médias de langue officielle minoritaire ont reçu un soutien financier par le biais du Fonds d’urgence dédiés aux arts et à la culture.

Le troisième chapitre se penche sur les institutions fédérales. Le rapport fait état d’une hausse de 25 % des plaintes recevables par rapport à 2018-2019, soit un total de 1 361 plaintes en 2019-2020. Le Commissaire constate notamment une augmentation considérable des plaintes relatives à la partie IV de la LLO et à l’article 91, un nombre significatif de plaintes concernant la période électorale de 2019, et des plaintes relatives aux communications fédérales durant la pandémie.

Au sujet des langues officielles en situation d’urgence, le Commissaire affirme qu’il est crucial que l’ensemble de la population ait accès en tout temps aux renseignements essentiels dans la langue officielle de son choix, peu importe où les personnes se trouvent au pays, et il se dit préoccupé par le bilan préliminaire qu’il dresse de la présente crise.

Le Commissaire qualifie d’enjeu systémique les exigences linguistiques des postes dans la fonction publique fédérale (article 91 de la LLO) et il fait état de la situation au président du Conseil du Trésor à tous les trimestres. Pour la partie V, l’analyse du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux démontre un point positif : la diminution de l’écart entre le taux de satisfaction des répondants de langue française et celui des répondants de langue anglaise en ce qui a trait aux questions sur l’utilisation des langues officielles en milieu de travail (de 26 % à 22 %).

Enfin, le quatrième chapitre recense quelques statistiques du Commissariat aux langues officielles depuis 50 ans.

Rapport complémentaire sur la sécurité

Ce rapport, publié le 29 octobre 2020, est le fruit d’une analyse approfondie des situations d’urgence survenues entre 2010 et 2020. Il s’appuie sur les résultats d’un questionnaire publié par le Commissariat aux langues officielles sur son site Web, du 8 au 26 juin 2020, afin de recueillir l’expérience du public en matière de langues officielles lors de situations d’urgence. Plus de 2 000 Canadiens et canadiennes ont participé. Ce rapport s’appuie également sur une revue d’études, de données et de documents pertinents de diverses sources, dont des experts en santé et en droit, sur une revue des médias, de publications d’organismes communautaires et sectoriels, de publications gouvernementales et d’observations.

D’un point de vue méthodologique, le rapport précise « que les résultats ne peuvent être considérés que comme reflétant les opinions et les expériences des répondantes et des répondants eux-mêmes » et ne peuvent être projetés à la population canadienne en général, et aucune marge d’erreur ne peut être calculée.

Ce rapport vise à faire en sorte qu’en temps de crise, les deux langues officielles soient systématiquement traitées sur un pied d’égalité et que la population soit informée et rassurée dans la langue officielle de son choix.

La chapitre deux fait état de la difficulté de recevoir les informations relatives aux urgences dans la langue officielle de son choix, quelle que soit la juridiction. Le commissaire rappelle qu’il incombe aux gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux et municipaux de travailler ensemble pour trouver des solutions viables qui respectent les droits et répondent aux besoins de la population.

Bien que la LLO ne s’applique qu’aux institutions fédérales, des enjeux sur la plan provincial et territorial ont été portés à l’attention du Commissaire. La dernière partie de ce chapitre résume les incidents et les tendances, hors des compétences fédérales, concernant les langues officielles durant les situations d’urgence.

Le Commissaire a reçu de nombreuses plaintes visant le Système national d’alertes au public en 2019 au motif que les messages étaient envoyées entièrement en anglais. Il indique cependant que la responsabilité incombe en grande partie aux organismes provinciaux et territoriaux de gestion des urgences, responsables du texte des alertes elles-mêmes. Par ailleurs, il a recommandé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes de modifier sa Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2014-444 afin de mettre un terme à la distribution de fin de ligne des messages dans une seule langue officielle, alors que l’alerte initiale est bilingue.

Le commissaire souhaite rencontrer les cadres supérieurs des provinces et des territoires responsables de la gestion des urgences afin de leur faire part des préoccupations des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Les enjeux de compétence fédérale font l’objet du chapitre trois. Depuis le début de la pandémie, le commissaire a reçu 72 plaintes recevables, portant à la fois sur l’absence de communications ou prestation des services dans les deux langues officielles de la part du gouvernement du Canada (partie IV de la LLO) et sur les droits liés à la langue de travail des fonctionnaires fédéraux dans les régions désignées bilingues (partie V de la LLO). Le commissaire reconnait que, après que les enjeux aient été soulevés, des améliorations ont été apportés par le gouvernement.

Santé Canada a été critiqué pour avoir autorisé de manière provisoire une dérogation à certaines exigences réglementaires en matière, entre autres, d’étiquetage bilingue sur les produits désinfectants et antiseptiques. Une solution à court terme a apaisé les critiques.

Le commissaire salue le fait que la ministre du Développement économique et des Langues officielles ait rappelé publiquement que « Le français en temps de crise est clé, car on a besoin que tout le monde ait accès à l’information et suive les consignes de santé publique. Les violations de la Loi sur les langues officielles seront toujours inacceptables pour moi".

Outre la gestion de la pandémie, des incidents tragiques ont mis au jour certains problèmes en langues officielles : fusillade sur la Colline du Parlement en 2014 suite à laquelle certaines communications unilingues anglaises ont constitué une violation à la partie V de la LLO; attaque au couteau et au camion-bélier à Edmonton en 2017; ouragan Dorian en 2019 dont les conférences de presses unilingues anglaises ont constitué une violation à la partie IV de la LLO.

Même si les institutions fédérales attribuent les violations de la LLO à la nature urgente de la situation, le commissaire enjoint le gouvernement à améliorer la mise en place de futures mesures de préparation afin d’assurer la santé et la sécurité publiques de tous.

Le chapitre quatre décrit le rôle et l’incidence des actions de l’État. Ainsi, au niveau du bilinguisme institutionnel, le commissaire rappelle que les gestionnaires doivent prendre en compte les exigences relatives aux langues officielles lors de l’embauche de personnel, lorsqu’applicable, afin de contribuer à assurer la capacité bilingue des institutions fédérales. Il indique aussi qu’il serait souhaitable de mener des évaluations périodiques de conformité à cet égard.

La prédominance de la langue anglaise au sein de la fonction publique semble mener à une nouvelle problématique préoccupante pour le commissaire, soit l’insécurité linguistique. Malgré l’ensemble de politiques et de directives et la bonne volonté des institutions fédérales, il demeure un manque de leadership ou d’engagement de la part des dirigeants.

Au chapitre cinq, le commissaire note qu’en dehors des politiques gouvernementales formulées par le Conseil du Trésor du Trésor, de nombreuses institutions fédérales ne disposent d’aucune directive officielle pour les communications avec le public ou avec les membres du personnel en cas d’urgence ou si elles en ont, celles-ci manquent de clarté ou ne comportent pas de mécanismes d’évaluation. Ces directives seraient d’autant plus utiles que les situations d’urgence exigent une rapidité d’action.

Au dernier chapitre, le commissaire réitère que le non-respect des langues officielles lors de situations d’urgence met à risque la santé et la sécurité de toute la société canadienne. Le Commissaire fait trois recommandations destinées aux institutions fédérales :

Il est à noter que PCH est en train d’entreprendre un exercice qui visera à dégager des constats, des pratiques efficaces et des améliorations potentielles relativement aux pratiques en langues officielles en situation d’urgence au sein de PCH. Les données récoltées pourront également être utilisée afin de répondre à cette recommandation. Les autres institutions fédérales seront encouragées par PCH à examiner leurs pratiques.

Recommandation 3 : Le Commissaire recommande que le Bureau du Conseil privé et Sécurité publique Canada, en consultation avec Patrimoine canadien, dans l’année suivant la date du présent rapport, élabore une stratégie pour encourager et appuyer les différents ordres de gouvernement ainsi que collaborer avec ces derniers en vue d’intégrer les deux langues officielles dans les communications lors de situations d’urgence ou de crise.

PCH est prêt à collaborer avec ces deux institutions, et à donner un soutien à l’élaboration de cette stratégie, le cas échéant.

Détails de la page

Date de modification :