Incidences des quarantaines obligatoires pour les voyageurs étrangers sur le secteur audiovisuel canadien.
B. Contexte et état actuel
La production audiovisuelle étrangère au Canada
L'industrie audiovisuelle canadienne est une source majeure d'activité économique et d'emplois dans tout le pays et joue un rôle important dans le développement social, culturel et économique du Canada.
Chaque année, la production étrangère et les services de production (PES) apportent des milliards de dollars à l'économie canadienne. Le besoin croissant de contenu audiovisuel original des plateformes de vidéo à la demande alimente la croissance des productions PES au Canada qui tirent parti de l'expertise des acteurs et des équipes du pays, ainsi que de la qualité des infrastructures locales. La Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec sont, respectivement, les plus importantes plaques tournantes des activités de production de PES au Canada.
En 2018-2019, la production cinématographique et télévisuelle au Canada a généré une activité économique de 9,3 milliards de dollars, créant 180 900 emplois ETP, et contribuant 12,8 milliards de dollars au PIB canadien.
Au Canada, les investissements des studios internationaux dans la production PES ont atteint un niveau record de 4,86 milliards de dollars en 2019 et ont permis de créer 94 900 emplois équivalents temps plein. Le printemps et l'été sont les périodes de pointe pour la production audiovisuelle au Canada. Entre 2017 et 2019, une moyenne de 79 % des dépenses des PES a eu lieu durant cette période. C’est pourquoi les conséquences négatives des restrictions de voyage sur l’emploi et l’économie pourraient être particulièrement graves durant ces mois.
Outre la création d'activités économiques directement dans le secteur audiovisuel, la production d'une œuvre audiovisuelle génère des revenus pour des industries connexes par l'acquisition ou la location d'équipements ou encore par l'utilisation d'autres formes de services (par exemple, la construction, l'hôtellerie, la location de voitures, la publicité, le design, la musique, les arts de la scène) en lien avec une production, générant ainsi des retombées économiques au-delà du secteur.
Bien que les Canadiens constituent la grande majorité des acteurs et de l'équipe de production des projets PES, un petit nombre de ressortissants étrangers jouent des rôles clés dans ces projets. Par exemple, une série télévisée typique de 12 épisodes peut faire appel à environ 20 personnes de l’extérieur du pays, mais chacune d'entre elles est essentielle au maintien de l'investissement. À moins d'avoir la certitude que les talents clés qui arrivent des États-Unis ou d'ailleurs seront disponibles en cas de besoin, les grandes productions peuvent hésiter à planifier des tournages au Canada. Elles pourraient même choisir de s'installer dans une autre juridiction, avec tout ce que cela peut impliquer en termes de pertes financières et économiques.
Incidences de la COVID-19 sur la production étrangère
Depuis la reprise des activités l'année dernière, l'industrie audiovisuelle a adhéré à des protocoles de santé et de sécurité rigoureux et continus sur les plateaux de tournage. Dès le début de la pandémie, les parties prenantes de l'industrie se sont réunies avec d'éminents experts en maladies infectieuses et en santé publique, d'épidémiologistes et d’autres professionnels du domaine médical et de la sécurité au travail pour élaborer des protocoles et des mesures de sécurité qui dépassent les directives actuelles des autorités publiques.
À notre connaissance, depuis le début de la pandémie, aucune éclosion de Covid-19 n'a été attribuée à la production audiovisuelle au Canada. Quelques productions ont dû suspendre temporairement leurs activités à la suite de résultats de tests positifs, mais jusqu'à présent, les protocoles de santé et de sécurité adoptés par l'industrie se sont avérés efficaces.
Le 22 février 2021, le gouvernement fédéral a décidé de renforcer les restrictions existantes afin de mieux contenir les nouvelles variantes du virus. Cette mesure stricte signifie que les personnes arrivant par avion doivent séjourner dans un hébergement approuvé par le gouvernement pendant trois nuits à leurs frais en attendant leurs résultats. De plus, ces hébergements doivent se trouver à moins de 10 km (17 km pour Vancouver) des ports d'entrée au pays, ce qui constitue un problème majeur pour les productions étrangères venant au Canada, en particulier pour des grands centres de production comme Toronto ou Montréal.
Jusqu'au 22 février, les productions étrangères ont pu gérer et respecter la quarantaine obligatoire de 14 jours. Elles ont pu planifier leur calendrier et leur budget en conséquence. Les nouvelles restrictions, cependant, sont problématiques pour l'industrie. La situation a conduit la Motion Picture Association (MPA), qui représente les principaux studios américains, à contacter le ministère pour explorer les solutions possibles à cet enjeu. Selon la MPA, si rien n'est fait pour corriger la situation, il est fort probable que de nombreux projets seront annulés. Les répercussions de ces annulations coûteraient à l’économie canadienne plusieurs centaines millions de dollars ainsi que des milliers d'emplois.
L'industrie est plus que disposée à se conformer aux mesures de sécurité en matière de santé publique. Les coûts supplémentaires liés à ces mesures ne sont pas un problème, car les productions planifient leur budget en conséquence. Le problème réside dans l'imprévisibilité induite par le séjour obligatoire de trois jours dans un hôtel approuvé par le gouvernement imposé le 22 février. Plus précisément :
Disponibilité des chambres : l’hébergement des équipes de production dans des établissements approuvés par le gouvernement est une préoccupation majeure pour les producteurs étrangers qui viennent au Canada. La complexité à trouver les chambres dont ils ont besoin pour des dates spécifiques peut les obliger à reporter ou à annuler des tournages.
Préoccupations de sécurité : dans de nombreux cas, les lieux d'hébergement approuvés par le gouvernement ne disposent pas des infrastructures nécessaires ou ne sont pas en mesure de répondre aux besoins des VIP et des talents de premier plan qui voyagent en compagnie de leurs équipes de sécurité.
Retards relatifs aux tests : il a été porté à notre attention que, dans certains cas, le processus de dépistage du gouvernement entraîne des retards imprévus (liés par exemple au traitement lent des tests, à des tests perdus, à un transporteur ne récupérant pas les tests à temps).
L'incapacité de fournir de l’hébergements à l'équipe de production lorsque cela est nécessaire et les retards dans l'obtention des résultats des tests COVID peuvent obliger un producteur à reporter les tournages, ce qui pourrait avoir des répercussions financières importantes. De plus, tout reprogrammer peut être complexe à gérer étant donné la disponibilité limitée des studios et le calendrier souvent chargé des acteurs principaux.
Parallèlement aux interventions de la MPA, des organismes provinciaux tels que Creative BC, Ontario Creates et le Ministère de la culture et des communications du Québec, demandent au gouvernement du Canada d'agir rapidement pour soutenir la reprise qui est déjà en cours dans le secteur audiovisuel. Au cours des dernières semaines, des discussions ont eu lieu entre ces instances pour explorer les solutions possibles.
L'une des solutions proposées par l’industrie consiste à élargir la liste des hôtels approuvés par le gouvernement afin de garantir une capacité d'accueil adéquate, tout en veillant à ce que certains de ces hôtels soient capables de répondre aux besoins des VIP et des vedettes de premier plan, notamment en ce qui concerne leur sécurité.
Discussions avec ASPC
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C. Considérations stratégiques
La santé publique ne fait pas partie du mandat de PCH. L'ASPC est l'autorité chargée d’émettre des décrets et des règles concernant l'entrée des travailleurs étrangers afin de protéger la santé publique contre une nouvelle vague de COVID-19. PCH agit à titre d'intermédiaire entre l'industrie et les autres parties prenantes du secteur pour relayer leurs préoccupations et leurs demandes.
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Il convient de noter que l'ASPC subit d'énormes pressions pour des demandes similaires provenant de nombreux autres secteurs de l'économie. Elle doit, avec le peu de moyens dont elle dispose, évaluer des priorités et des pressions concurrentes.
Les producteurs étrangers se sont montrés très vocaux et critiques depuis l'entrée en vigueur des nouvelles exigences, le 22 février. Certains ont menacé de ne pas revenir au Canada pour de futurs projets tant que ces mesures ne seront pas levées.
Une lente reprise des productions étrangères pourrait avoir des conséquences négatives importantes pour les producteurs canadiens, les désavantageant par rapport à leurs homologues internationaux qui sont peut-être mieux placés pour attirer de telles productions. De plus, les restrictions de voyage pourraient avoir une incidence sur la position du Canada en tant que destination de choix pour les productions cinématographiques et télévisuelles.