L’honorable Jonathan Wilkinson, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Événement : Allocution à l’Atlantic Council, à Washington D.C.
Discours
Date : Le 4 février 2025
Format de l’allocution : Sur tribune
Merci beaucoup, et surtout, merci à vous tous, ici, qui m’avez invité à me joindre à vous aujourd’hui. J’arrive de la côte Ouest du Canada. Les déplacements sont toujours périlleux en hiver, et le voyage a pris un peu plus de temps que prévu. Je vous suis reconnaissant d’avoir bien voulu adapter votre horaire en conséquence.
Comme je l’ai dit, je suis ravi d’être avec vous aujourd’hui. Ces derniers jours ont certainement été tumultueux et difficiles.
Je tiens toutefois aujourd’hui à mettre l’accent sur les énormes possibilités de coopération qui existent entre nos deux pays. Je crois fermement que la collaboration est ce qui fait la grandeur de ce continent et que c’est cette collaboration qui nous permettra de passer d’une conversation sur les droits de douane – qui, selon moi, seront dommageables pour tout le monde – à une conversation sur la prospérité et la sécurité, qui servent l’intérêt commun.
Nous avons, j’en suis sûr, entendu à maintes reprises l’adage selon lequel le Canada et les États‑Unis sont l’un pour l’autre le meilleur ami, l’allié le plus proche et le partenaire économique le plus important.
Au-delà de l’amitié et de notre partenariat économique, nous sommes depuis longtemps des partenaires loyaux sur la scène internationale. Ce partenariat est d’autant plus important aujourd’hui, compte tenu du comportement de plus en plus agressif d’acteurs étrangers tels que la Chine.
Même si ces mots peuvent sembler un peu clichés, ils sont indéniablement vrais, malgré la situation difficile des derniers jours.
L’Administration Trump a exprimé clairement ses préoccupations concernant les questions frontalières, en particulier la migration illégale et le fentanyl.
Il faut reconnaître que l’ampleur de ces problèmes à la frontière canado-américaine n’est pas particulièrement inquiétante :
- Le fentanyl en provenance du Canada représente 0,2 % des saisies de cette drogue à la frontière américaine. En fait, l’an dernier, les agents frontaliers américains n’ont saisi que 43 livres de fentanyl à la frontière canado-américaine. Ce n’est guère plus que les saisies dans l’autre sens.
- Et bien que la migration illégale soit très faible, nous convenons qu’un migrant illégal en est tout de même une personne de trop. C’est pourquoi nous avons déjà sévi, en augmentant de 600 % le nombre d’enquêtes en 2024.
Je veux être très clair à ce sujet : tout comme les États‑Unis, le Canada ne tire aucun bien des passages illégaux, qu’il s’agisse de personnes ou de substances. Un seul passage illégal, une seule livre de fentanyl à la frontière, c’est déjà trop. À cet égard, nous sommes tout à fait d’accord avec le président Trump.
Ainsi, pour donner suite aux conversations que nous avons eues avec l’Administration Trump, le Canada a récemment annoncé un plan frontalier plus musclé, qui prévoit notamment le déploiement d’un plus grand nombre d’hélicoptères, de drones, de tours de surveillance mobiles et d’agents accompagnés de nouvelles équipes canines, le tout pour renforcer la frontière.
Et hier, après les échanges avec le président américain, nous avons annoncé d’autres mesures :
- Le Canada nommera un « tsar du fentanyl » et inscrira les cartels sur la liste des organisations terroristes.
- Ensemble, nous lancerons une force de frappe conjointe Canada–États-Unis pour lutter contre le crime organisé, le fentanyl et le blanchiment d’argent – assurant ainsi une surveillance de la frontière en tout temps
- Et le premier ministre Trudeau a également signé une nouvelle directive en matière de renseignement sur le crime organisé et le fentanyl, qui sera appuyée par l’investissement de 200 millions de dollars supplémentaires.
Le Canada a agi à l’égard de ces questions et demeure très ouvert aux discussions sur la façon dont nous pouvons en faire plus ensemble. Des discussions productives comme celles-ci sont une bien meilleure solution que des mesures économiques dévastatrices qui font grimper les prix tant pour les Américains que pour les Canadiens.
En ce qui concerne notre partenariat économique, les relations entre le Canada et les États-Unis font depuis longtemps l’envie du monde entier, car elles assurent la sécurité de nos chaînes d’approvisionnement, créent de bons emplois et garantissent des prix raisonnables. Nos économies respectives sont si intégrées que je dirais que le partenariat est effectivement solidement établi.
- En 2023, des biens et des services d’une valeur de près de 2,7 milliards de dollars américains ont franchi la frontière quotidiennement
- Trente-six États américains font du Canada leur premier marché d’exportation
- Les entreprises et les consommateurs canadiens achètent plus de biens des États‑Unis que la Chine, le Japon et l’Allemagne réunis.
Il en est ainsi dans de nombreux secteurs. Par exemple, dans le secteur automobile, les pièces d’un véhicule font six, sept ou huit allers-retours avant que l’assemblage ne soit terminé.
Mais il n’y a pas de secteur où la nature intégrée de nos économies est plus évidente que dans celui de l’énergie et des ressources importantes telles que les minéraux critiques. Par exemple :
- Le Canada achemine d’importantes quantités d’hydroélectricité à bas prix à plusieurs États américains par des lignes de transport fixes. L’électricité canadienne alimente l’équivalent de six millions de foyers américains, soit plus que le nombre de foyers de l’État de l’Ohio.
- Le Canada et les États-Unis disposent d’un réseau intégré d’oléoducs qui fournit aux Américains environ quatre millions de barils de pétrole par jour, favorisant ainsi la création d’emplois et la sécurité énergétique. Ce pétrole étant en grande partie du brut lourd, des entreprises américaines ont investi dans des raffineries complexes pour traiter ce type précis de pétrole canadien à faible coût. Il s’agit de loin de l’option la plus abordable pour les entreprises et les consommateurs américains, et elle permet d’exporter du pétrole brut léger des États-Unis vers des pays partout dans le monde, ce qui ajoute des profits pour les entreprises américaines, mais aussi des outils supplémentaires à utiliser dans le contexte géopolitique.
- Le Canada, en tant que plus grand fournisseur de potasse des États-Unis, répond à la demande des agriculteurs qui l’utilisent comme engrais, ce qui se traduit par des denrées alimentaires abordables. Grâce à la potasse du Canada, les États‑Unis n’ont pas à se procurer de la potasse et des engrais auprès de pays peu fiables, comme la Russie et le Bélarus
- Le Canada fournit également des quantités importantes d’uranium pour les centrales nucléaires. En fait, l’uranium canadien alimente actuellement l’équivalent de près de 20 millions de foyers aux États-Unis, qui peuvent ainsi réduire leur dépendance à l’égard de producteurs tels que la Russie
- Enfin, le Canada fournit d’importantes quantités de minéraux critiques, notamment du germanium, du zinc, du nickel, du cuivre et du graphite. Ce sont là les composantes de base d’un éventail de secteurs économiques américains, notamment la défense. Dans le secteur des minéraux critiques, la source d’approvisionnement alternative est généralement la Chine.
Permettez-moi également d’aborder les préoccupations concernant le soi-disant « déficit commercial » des États-Unis avec le Canada. Si l’on exclut le commerce non lié à l’énergie, les États-Unis ont un excédent commercial de plus de 50 milliards de dollars américains avec le Canada. Les États-Unis sont un exportateur net vers le Canada de produits manufacturés, en particulier de véhicules et de pièces automobiles.
L’imposition de droits de douane aux industries américaines présentant un excédent commercial perturbera surtout celles qui exportent déjà beaucoup vers le Canada. Comme je l’ai mentionné, dans le secteur automobile, les pièces font souvent sept ou huit allers‑retours des deux côtés de la frontière avant qu’une voiture ne soit assemblée. Il n’y a pas moyen d’y échapper. Les droits de douane ne feraient qu’augmenter énormément les coûts, sans rééquilibrer notre relation commerciale.
De plus, dans le cas de l’énergie, la balance commerciale actuelle est déjà avantageuse pour les États-Unis, qui tirent parti de l’abondance des ressources du Canada pour obtenir de l’énergie et des minéraux sûrs et à faible coût dont l’économie américaine a besoin – en particulier pour atteindre l’abordabilité et la dominance énergétiques.
Les États-Unis obtiennent déjà ces produits du Canada à faible coût, ce qui permet à des milliers de travailleurs américains de les raffiner, de les transformer et de les vendre à un prix plus élevé au reste du monde.
Au-delà des questions frontalières et de la réalité de la balance commerciale, il est important de reconnaître les conséquences réelles des droits de douane et les raisons pour lesquelles nous devrions continuer à les éviter après cette période de trente jours.
Certes, ils imposeraient un fardeau financier aux familles canadiennes. Mais ils feraient également augmenter considérablement le prix de l’énergie et des aliments pour les consommateurs américains.
- Des droits de douane sur le pétrole et le gaz canadiens signifient pour les Américains une hausse du prix à la pompe et du coût de chauffage
- La facture d’épicerie serait plus salée, car la potasse canadienne qui approvisionne les agriculteurs américains leur coûterait plus cher
- Et pour ceux qui prévoient d’acheter une nouvelle voiture, Wells Fargo a estimé qu’un droit de douane de 25 % imposé au Canada ajouterait plus de deux mille dollars au prix d’une voiture.
Globalement, les droits de douane imposés au Canada – un pays qui partage vos objectifs et vos valeurs plus que tout autre pays au monde – pourraient coûter environ 1 300 dollars par an à une famille américaine moyenne.
En tant que nation souveraine et démocratique qui doit protéger ses propres intérêts nationaux, le Canada devra répondre à l’imposition injustifiée de droits de douane.
Ce genre de dommages à nos deux économies est tout simplement inutile, et en fin de compte, ce sont les citoyens de nos deux pays qui en feraient les frais. C’est pourquoi nous souhaitons rediriger la conversation vers la collaboration – sur la frontière, sur le fléau des drogues illicites, sur notre économie, et sur l’énergie et les minéraux critiques.
Ce qui m’amène à ma présentation d’aujourd’hui. Plutôt que de s’engager dans une voie où, inévitablement, tous seront perdants, je propose quelque chose de complètement différent. À mon avis, nous devrions plutôt miser sur le succès actuel en établissant une alliance États-Unis–Canada dans les secteurs de l’énergie et des minéraux.
Une telle alliance permettrait aux États-Unis et au Canada de réaliser notre vision commune, soit des factures d’énergie abordables pour les familles, des économies fortes et stables, et une Amérique du Nord qui est le principal fournisseur d’énergie du monde.
Voici quelques exemples concrets de la manière dont nous pouvons agir à court terme pour créer de nouveaux avantages mutuels :
- Dans le secteur des minéraux critiques nécessaires aux applications énergétiques, aérospatiales et de défense :
o Il est possible d’investir conjointement dans un projet qui permettra d’accroître l’approvisionnement en germanium. Les États-Unis ne dépendraient plus de la Chine, qui a par ailleurs récemment cessé de fournir ce minéral.
o Nous pouvons aussi travailler ensemble à l’augmentation de l’approvisionnement en terres rares et à la transformation de ces celles‑ci – un autre moyen de réduire l’exposition à la Chine et la dépendance à l’égard de ce pays. Nombreux sont ceux qui ignorent que la seule grande mine de terres rares des États-Unis envoie actuellement 100 % de son produit en Chine parce que la technologie de transformation n’existe tout simplement pas ici.
o En ce qui concerne l’uranium, nous avons la possibilité d’unir nos efforts pour créer un cycle du combustible nucléaire complet en Amérique du Nord. Nous réduirions ainsi la dépendance à l’égard de la Russie et, ce faisant, améliorerions la sécurité continentale. Cette collaboration serait d’une importance cruciale pour le déploiement final des petits réacteurs modulaires.
- Sur le plan énergétique, nous pouvons améliorer le flux de pétrole brut canadien en provenance de l’Alberta pour contribuer à l’atteinte de l’objectif de domination énergétique à l’échelle mondiale de l’Administration Trump, en collaborant à des projets tels que l’amélioration de la capacité du réseau principal d’Enbridge, qui permettrait l’exportation d’énergie supplémentaire des États-Unis vers le reste du monde.
Nombre de possibilités peuvent profiter à nos deux pays. Mais rien de tout cela ne sera réalisable si nous nous engageons dans un conflit destructeur.
Nos deux pays visent les mêmes objectifs et résultats, et le potentiel est en effet immense si nous travaillons ensemble à renforcer la production et la fabrication sur nos territoires respectifs, et à veiller à ce que l’énergie et les matériaux critiques soient accessibles à l’intérieur de nos frontières respectives. Nous ne serons donc pas pris en otage par des pays et des acteurs qui ne partagent pas nos valeurs, en particulier la Chine.
Plutôt que de chercher à ériger des barrières qui entraveront les flux commerciaux, augmenteront les coûts pour les citoyens des deux côtés de la frontière et rendront les deux pays moins sécuritaires, engageons‑nous dans une conversation constructive, axée sur la nécessité de saisir les grandes occasions économiques et de créer une nouvelle valeur commune, tout en renforçant notre sécurité collective. En d’autres mots, formons une véritable alliance dans le domaine de l’énergie et des minéraux.
Mon gouvernement et moi-même souhaitons participer à ces conversations positives et productives afin de bâtir ensemble un continent qui sera plus prospère et plus sécuritaire dans le futur.
Encore une fois, je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui, et je me réjouis de participer aux discussions à venir.