Notes d'allocution pour l'honorable Jane Philpott, Ministre de la Santé - Deuxième conférence Tracer l'avenir des politiques antidrogues au Canada

Déclaration

Toronto (Ontario)
17 juin 2016

La version prononcée fait foi

Bonjour à tous et merci Richard pour ce très chaleureux accueil.

Il est agréable de voir autant de visages familiers dans la salle.

J'ai eu le plaisir de rencontrer certains d'entre vous, dont Richard et Don MacPherson, lors de l'Assemblée générale des Nations-Unis tenue à New York plus tôt cette année.

Je suis enchantée de me joindre à vous ici, à Toronto, pour discuter de l'avenir des politiques antidrogues au Canada.

Mais avant d'entamer la discussion, il convient de prendre quelques instants pour faire le point sur notre situation.

Je n'ai pas à vous rappeler les quatre piliers de l'approche en matière de politique sur les médicaments - bon nombre d'entre vous ici présents sont des experts en ce domaine. Je sais que Don, notamment, a écrit de nombreux rapports importants sur le sujet.

Il suffit de dire que les quatre piliers - la prévention, le traitement, l'application de la loi et la réduction du préjudice - ont été à la base des approches réussies d'une stratégie nationale du Canada sur les drogues pour la majeure partie des 30 dernières années.

Il y a dix ans environ, le pilier réduction du préjudice a été retiré de la stratégie canadienne ainsi que les éléments axés sur l'utilisation problématique des drogues licites ou illicites.

Nombreux parmi vous s'attendent à ce que je vous parle du plan du gouvernement du Canada sur la légalisation de la marijuana. Vous savez que nous nous comme engagés à légaliser et à contrôler sévèrement l'accès à la marijuana, entre autres.

Nous croyons que nous devons garder la marijuana hors de portée des enfants, et les profits à l'extérieur des poches des criminels.

Vous savez aussi qu'au lieu de lutter pour la fermeture des sites d'injection supervisés INSITE, nous avons renouvelé leur exemption pour quatre autres années. Nous avons également accordé une exemption au centre du Dr Peter, également à Vancouver, pour exploiter un site de consommation supervisé.

Nous avons reçu une autre demande d'exemption pour l'exploitation de sites semblables, et Santé Canada examinera attentivement toutes demandes dans les plus brefs délais.

Le gouvernement du Canada appuie également le projet de loi privé du député Ron McKinnon, la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose. Le projet de loi accorderait à toute personne composant le 9-1-1 afin de venir en aide à une victime de surdose l'immunité à des accusations mineures de possession de substances illicites.

Aujourd'hui toutefois, je souhaite vous parler au sujet de drogues qui elles, sont très licites.

Comme la plupart d'entre vous le savent déjà, nous avons connaissons au cours des dix dernières années une augmentation troublante de l'utilisation de nombreux médicaments sur ordonnance, notamment les opioïdes.

Il apparaît clairement que pendant que nous accordions toute notre attention aux trafiquants de drogue dans les rues, nous négligions de tenir compte du préjudice lié à l'utilisation de substances licites que l'on trouve dans les salles de bain de Canadiens à l'échelle du pays.

Nous sommes conscients que de nombreuses familles ont de la difficulté à gérer les ravages de la dépendance aux substances licites, et trop d'entre elles ont déjà perdu un proche ou un ami à la suite d'une surdose.

Aujourd'hui en Colombie-Britannique et en Alberta, plus de personnes meurent en raison de la consommation abusive d'opioïdes que d'accidents automobiles.

Ce n'est rien de moins qu'une crise de santé publique, et nous devons en faire davantage.

Le gouvernement du Canada actuel a déjà fait des pas importants dans cette direction. Nous adoptons une approche qui diffère de celle des gouvernements précédents. Notre approche est exhaustive, collaborative, empreinte de compassion et fondée sur des faits.

Nous avons déjà facilité l'accès à la naloxone en éliminant le besoin d'obtenir une ordonnance afin d'aider les Canadiens à survivre aux surdoses d'opioïdes.

Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'annoncer que j'ai également demandé à Santé Canada de procéder à un examen accéléré sur le vaporisateur nasal de naloxone, une version plus conviviale qui pourrait être disponible avant la fin de l'année.

Je prévois collaborer avec mes collègues à l'échelle du Canada pour aborder la crise actuelle relative aux opioïdes. La grande partie de ce qui doit être fait repose entre les mains des gouvernements locaux et provinciaux, des forces policières et des professionnels de la santé.

En tant que ministre fédérale de la Santé, j'estime que je dois ouvrir la voie plutôt que de simplement suivre le pas.

En fait, je crois qu'il y a cinq secteurs clés pour lesquels le gouvernement du Canada peut offrir son leadership en cette période de crise relative aux opioïdes :

En premier lieu, nous ferons en sorte que les Canadiens aient accès à de meilleurs renseignements sur les risques liés aux opioïdes.

Il va de soi que les renseignements sur les médicaments doivent être aussi clairs et précis que possible, notamment lorsque le médicament en question présente de sérieux risques.

C'est pour cette raison que nous apporterons les changements réglementaires nécessaires pour exiger qu'une étiquette de mise en garde normalisée soit apposée sur tous les contenants d'opioïdes au Canada et qu'ils soient accompagnés d'une fiche signalétique décrivant clairement les risques de surdose.

De plus, nous devons faire un meilleur travail d'information auprès des familles canadiennes au sujet des opioïdes. Nous devons cesser de simplement agiter des épouvantails et nous devons examiner les pratiques exemplaires à l'échelle internationale en matière d'éducation pour enseigner à nos enfants à faire de meilleurs choix.

Lorsqu'on analyse les observations d'autres pays, éduquer les enfants à un très jeune âge et les aider à bâtir la résilience, leur capacité décisionnelle et l'adaptation peuvent aider à améliorer le bilan relatif à l'abus de drogue.

En deuxième lieu, nous devons en faire davantage pour mieux encadrer la prescription d'opioïdes.

Certes, il est tout à fait indiqué d'aider les patients en leur fournissant de l'information, mais il ne faut pas oublier que les médecins prescripteurs ont également besoin de soutien.

Dans le passé, nous avions tendance à considérer la prescription de médicaments uniquement en tant qu'« enjeu médical ».

Mais je crains, malgré les changements apportés par le gouvernement fédéral sur l'étiquetage, malgré l'intensification de l'éducation et des lignes directrices, que les taux de prescription demeurent beaucoup trop élevés.

Les personnes qui ont besoin de traitement de la douleur doivent certainement avoir accès aux médicaments appropriés. Mais nous devons également aider les médecins à surveiller l'utilisation problématique des opioïdes.

À cette fin, des programmes de surveillance des prescriptions (PSP) se sont avérés des outils pratiques pour aider les organismes de réglementation à comprendre les répercussions de la prescription excessive afin d'influer sur les comportements des médecins prescripteurs et de soutenir les pratiques exemplaires.

Aux États-Unis, les progrès réalisés dans la mise en œuvre de PSP ont été relativement rapides dans chaque État, à l'exception d'un seul. Selon un rapport publié récemment, les PSP ont un effet concret. Une réduction de 30 % a en effet été observée dans le taux de prescription d'opioïdes après la mise en œuvre des programmes.

Globalement selon IMS Health, la prescription d'opioïdes aux États-Unis a diminué de 12 % depuis la pointe observée en 2012.

Nous devrions être en mesure de faire de même pour la population canadienne.

C'est pour cette raison que 40 millions de dollars ont été attribués dans le budget fédéral de 2016 à l'Inforoute Santé du Canada pour collaborer avec les provinces et les territoires au développement d'un système de prescription électronique qui pourrait aider à la saisie des données électroniques sur les prescriptions. Cela donnerait l'avantage de saisir toutes les données sur les prescriptions rédigées par les médecins pour les administrations participantes, plutôt que simplement les données sur les quantités délivrées.

En l'absence de systèmes de surveillance, nous avons la possibilité de demander aux inspecteurs de Santé Canada d'obtenir des rapports sur les prescriptions auprès des pharmacies et de présenter cette information aux organismes de réglementation provinciaux et territoriaux.

Cette approche permettrait aux organismes de réglementation provinciaux et territoriaux de décider quand prendre les mesures appropriées.

Troisièmement, nous devons nous pencher sur la réduction de l'accès facile aux opioïdes non nécessaires.

Je sais pertinemment bien que les médecins subissent de fortes pressions des patients pour prescrire des opioïdes. En médecine familiale, c'était l'une des questions les plus difficiles à gérer par les résidents et à l'égard de laquelle bon nombreux se sentaient mal préparés.

Nous devons aider les médecins à y penser deux fois avant de prescrire.

C'est pour cette raison que j'ai demandé à Santé Canada d'examiner la possibilité d'ajouter des contre-indications supplémentaires dans la monographie de produits d'opioïdes approuvés. La monographie pourrait inclure, par exemple, une indication selon laquelle les opioïdes ne représentent pas le meilleur choix pour le traitement de la douleur chronique.

Alors que la plupart des opioïdes nécessitent une ordonnance pour les obtenir, les médicaments comportant moins de 8 mg de codéine sont encore disponibles en vente libre. Bien qu'une prescription ne soit pas nécessaire aujourd'hui, la codéine peut produire une dépendance et mener à l'utilisation abusive. Il fait mettre fin à cette pratique. C'est pourquoi je vais également proposer des modifications législatives pour inclure une exigence selon laquelle une ordonnance est nécessaire pour obtenir des médicaments à faible teneur en codéine.

J'entends également proposer des modifications pour rendre les plans de gestion des risques obligatoires pour certains opioïdes. À l'heure actuelle, ces types de plans, bien qu'utiles pour protéger la population canadienne contre les produits à haut risque, sont négociés sur une base volontaire par la compagnie pharmaceutique et Santé Canada.

En vertu des modifications, un plan de gestion des risques devra être élaboré par les compagnies pharmaceutiques pour certains opioïdes. Les plans pourraient inclure, par exemple, une exigence selon laquelle tous les médecins prescripteurs doivent satisfaire à des exigences obligatoires en matière de formation avant de pouvoir prescrire le médicament.

J'invite les organismes de réglementation provinciaux et les collèges de médecins à poursuivre leurs discussions avec l'objectif de mettre en place des exigences de formation obligatoire sur la prescription d'opioïdes. C'est la façon la plus concrète pour assurer aux Canadiens que leurs médecins comprennent les risques propres à une classe de médicaments.

En quatrième lieu, nous devons appuyer les options pour un meilleur traitement pour les patients souffrant de dépendance.

Tous conviennent que le traitement de personnes souffrant de dépendance est un enjeu extrêmement important.

En prenant appui sur nos efforts à ce jour, je crois que nous devons fournir un accès accru et plus rapide à la naloxone, notamment dans un format plus pratique qui peut être utilisé sur le terrain par les forces policières et les premiers répondants.

C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui que Santé Canada a accepté d'examiner la possibilité d'éliminer les entraves réglementaires pour permettre aux provinces et aux territoires, s'ils le demandent, d'importer des États-Unis des stocks en gros du vaporisateur nasal de naloxone comme mesure temporaire jusqu'à l'achèvement de l'examen accéléré du produit.

J'ai également demandé à Santé Canada de s'engager à examiner plus rapidement les produits antidouleur non opioïdes. Bien que l'innocuité et l'efficacité soient toujours d'importance primordiale, nous devons également accroître l'accès à d'autres formes de traitement de la douleur et utiliser d'autres options que les opioïdes comme traitement de premier recours.

J'ai également demandé à l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé de procéder à une comparaison de l'innocuité et de l'efficacité de la méthadone et de la buprénorphine (ou suboxone) pour que toute les provinces aient de multiples options au moment de choisir un traitement.

J’ai demandé à des agents du gouvernement de voir si l’exigence réglementaire selon laquelle un médecin doit avoir une exemption spéciale pour prescrire de la méthadone était encore pertinente. Nous devons savoir si une exemption est vraiment nécessaire pour assurer la sécurité du patient ou s’il s’agit d’une entrave inutile au traitement.

Enfin, en cinquième lieu, je recherche des façons d'améliorer les données factuelles, parce que les décisions en matière de politique doivent reposer sur des bases solides.

J'ai demandé à l'Institut de recherche en santé du Canada (IRSC) de réunir des experts pour m'aider à déterminer quelles données pouvaient être recueillies maintenant, et comment améliorer les données canadiennes dans ce domaine.

Je vais également tenir un sommet sur l'utilisation abusive des opioïdes cet automne à l'occasion duquel j'inviterai un petit groupes de chargés de la réglementation et d'autres intervenants dont la participation est nécessaire pour lutter contre ce problème à touchant à un large public. L'objectif du sommet est de déterminer une liste de mesures de suivi prioritaires et de fixer des échéanciers clairs pour que nous puissions commencer à aller de l'avant.

Nous sommes en situation de crise.

Mais durant cette crise, nous n'agirons pas qu'en simples spectateurs.

Nous avons fait la promesse d'être d'excellents partenaires.

Nous avons déjà fait des progrès importants, mais nous devons poursuivre.

Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée aujourd'hui, et je vous souhaite une conférence fructueuse.


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