Notes d'allocution pour l'honorable Jane Philpott, Ministre de la Santé, dans le cadre de l'assemblée générale annuelle de l'Association médicale canadienne

Discours

Le 23 août 2016
Vancouver (C.-B.)

La version prononcée fait foi. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada.

Bonjour. Je vous remercie beaucoup de m’avoir invitée ici. Merci, Cindy, pour cette très gentille introduction.

Quel plaisir d’être avec vous! J’ai suivi de très près tout ce que vous avez fait ici au cours de ces derniers jours. J’aimerais commencer en reconnaissant les terres ancestrales, traditionnelles et non cédées de la nation Musqueam, de Squamish et de la nation Tsleil Waututh, de Vancouver. C’est un privilège de se trouver sur le territoire de ces Premières nations.

J’aimerais vous adresser à tous mes félicitations alors que vous vous réunissez pour la 149e Assemblée annuelle et Conseil général de l’AMC. Et bien sûr, j’aimerais dire un grand merci à Cindy, en particulier, pour l’excellente année qu’elle a passée à la barre. L’une des raisons de l’incroyable succès de l’AMC a été la qualité remarquable de sa direction et je ne commencerai pas à donner des noms, mais il y a eu plusieurs personnes vraiment incroyables qui ont occupé ce rôle. Cindy est parmi ces personnes. Elle a accompli ce rôle avec une telle distinction et j’ai apprécié de travailler avec vous, Cindy, et avec votre équipe sur de nombreuses questions intéressantes et difficiles dès les premiers mois de mon mandat.

Je souhaite également la bienvenue à Dr Granger Avery dans son nouveau rôle. Bien entendu, je suis impatiente de collaborer avec lui au cours de cette prochaine année, et je sais que nous devrons nous attaquer ensemble à de nombreuses autres tâches intéressantes.

Bravo pour l’excellent programme que les organisateurs ont concocté. ll a été particulièrement intéressant de constater qu’il y avait une journée préalable à la conférence consacrée à la santé des Autochtones. C’est un sujet qui me tient à cœur et je suis réellement ravie de voir que l’AMC joue un rôle de leadership sur cette question. L’accent que vous avez mis sur les changements climatiques en particulier était également fascinant. La question des changements climatiques ne reçoit que trop peu d’attention parmi les professionnels de la santé. Mme Margaret Chan, qui est la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, parle de catastrophes au ralenti dans le domaine de la santé. Et les trois catastrophes qu’elle souligne en particulier sont le diabète, la résistance antimicrobienne et les changements climatiques.

Je dirais que les changements climatiques sont en effet une catastrophe au ralenti et je suis ravie de voir que vous avez mis l’accent sur ce sujet, votre détermination pour mieux faire connaître ce sujet auprès des membres de l’Association et attirer l’attention sur les liens entre la santé et les changements climatiques – et pour encourager les médecins à se faire les champions d’une action réelle contre les changements climatiques.

Mes remarques aujourd’hui porteront sur la durabilité, mais pas sur la durabilité de la planète en soi, mais plutôt sur la durabilité des soins de santé.  Et je suis certaine que, si l’on examinait les ordres du jour des 149 dernières années du Conseil général de l’AMC, le sujet de la durabilité des systèmes de soins de santé en faisait partie à maintes reprises. De graves inquiétudes ont souvent été soulevées par les patients, les fournisseurs, les décideurs et les membres du grand public quant à la façon dont le Canada peut faire face aux demandes sans cesse croissantes pour les systèmes de soins de santé et maintenant en particulier, compte tenu des temps économiques toujours difficiles. Je sais que, en tant que médecins, vous avez des points de vue uniques sur cette question précise. Vous avez des idées concrètes sur la façon dont nous pourrions tous faire mieux : sur la façon d’améliorer la prestation des soins pour les Canadiens, sur la façon dont nous pourrions utiliser au mieux les fonds disponibles et sur la façon dont nous pourrions adapter les systèmes de santé pour l’avenir.

Mais en réalité, il s’avère que ces possibilités réelles de donner suite à ces idées concrètes sont parfois limitées. Et bien sûr, il s’agit de l’un des rôles importants que l’AMC joue; donner une voix et réunir ces importantes idées que vous formulez. J’espère que vous considérerez comme une bonne nouvelle le fait qu’un médecin remplisse le rôle de ministre fédéral de la Santé; une personne qui a une expérience pratique du genre de choses auxquelles vous avez affaire au quotidien. Je ne saurais trop souligner l’importance que le gouvernement et les fournisseurs de soins de santé travaillent en partenariat pour s’assurer que nous sommes en mesure de nous adapter au climat social, technologique et économique en constante évolution – afin que les Canadiens bénéficient des soins de santé dont ils ont besoin pour les générations futures.

Ainsi, comme nous abordons la question de l’avenir des systèmes de soins de santé canadiens, je pense qu’il serait peut-être bon de commencer à remettre en question quelques hypothèses courantes. Il peut s’agir d’hypothèses que vous envisagez vous-même ou encore d’hypothèses que vous entendrez du grand public. Je souhaiterais donc entamer notre conversation aujourd’hui en abordant quelques mythes, certaines choses que nous ne devrions pas tolérer, je pense, dans le dialogue actuel et qui se sont immiscées dans le débat sur la santé. Je vais suggérer quatre idées fausses en particulier au sujet de l’avenir des soins de santé dans ce pays.

Le premier mythe est le fait que le vieillissement de la population nous mènera à la faillite. On peut l’appeler la vague grise ou encore le tsunami gris, mais, quel que soit le titre accrocheur qu’on lui donne, le message est le même. C’est un message de pessimisme et de morosité : que notre population vieillit et que nous ne pouvons pas nous permettre de payer les soins; que pour le faire, il faudra une injection massive de liquidités de la part de tous les ordres de gouvernement, que les soins de santé canadiens financés publiquement sont voués à l’échec.

Il est vrai que les défis fiscaux potentiels associés au vieillissement de la population sont bien documentés et que ces défis sont liés à des données avec lesquelles vous êtes étroitement familiarisés. Par exemple, sept pour cent de tous les lits d’hôpitaux sont occupés par des personnes recevant des soins de longue durée et l’on reconnaît que quelque 14 % des lits d’hôpitaux de soins actifs font l’objet d’un mauvais usage au Canada, chaque jour. Dans ma province, l’Ontario, cela coûte au moins 840 $ par jour pour garder un patient à l’hôpital et les données de l’AMC indiquent même, je pense, un montant plus élevé qui dépasse, à l’échelle nationale, 1 000 $par jour comme référence. Et selon la disponibilité d’autres solutions pour les soins, ces patients peuvent occuper ces lits pendant plusieurs mois d’affilée.

Mais, dans ce problème réside l’une des clés de la solution. J’ai parlé des solutions de rechange – les approches alternatives en matière de soins. Dans ma province, l’Ontario, cela coûte 55 $ par jour pour la prestation de soins à domicile, soit un petit pourcentage du coût d’un lit d’hôpital. Mais malgré ce bon rapport coût-efficacité, les soins à domicile ne représentent qu’environ cinq pour cent des budgets provinciaux pour la santé. Mais, chose plus importante encore que l’aspect financier, nous savons que les soins à domicile et au sein de la communauté non seulement sont rentables, mais qu’il s’agit aussi d’une option bien meilleure et beaucoup plus privilégiée par les patients et leurs familles. Je sais que vous avez martelé ce message à maintes reprises : la plupart des personnes âgées préfèrent recevoir des soins quand elles sont entourées par les personnes qu’elles aiment, idéalement dans le confort de leur foyer et non dans un hôpital.

La nécessité d’un plus grand accès aux soins à domicile, y compris les soins palliatifs, est un message que nous avons entendu de façon claire et répétée lors de notre débat parlementaire sur le projet de loi C-14. J’aimerais noter que plusieurs provinces ont fait de remarquables progrès dans ce domaine, mais beaucoup reste à faire pour améliorer l’accès aux soins à domicile. C’est pourquoi je suis très heureuse que notre gouvernement ait pris l’engagement ferme de répondre à ce besoin, en veillant à ce que nous investissions 3 milliards de dollars dans les soins à domicile au cours des quatre prochaines années. Au cours des prochains mois, nous allons avoir des conversations robustes entre nous, avec des experts (y compris vous) et avec mes collègues, les ministres de la Santé des provinces et territoires, sur la façon dont cet argent devrait être investi pour s’assurer qu’il atteint les familles canadiennes et s’assurer que les systèmes de prestation de soins sont véritablement transformés de façon systématique.

Passons donc au deuxième mythe – et cela pourrait sembler déshonorant qu’un ministre de la Couronne ose le dire – le mythe selon lequel le Canada a le meilleur système de soins de santé au monde. C’est quelque chose que nous avons entendu à maintes reprises; je pense que j’ai commencé à l’entendre quand j’ai commencé à pratiquer la médecine il y a plus de 30 ans. Des délégations du monde entier, je me rappelle, rendaient visite à notre pays et elles voulaient connaître quelle était la formule magique du Canada pour offrir des soins de si haute qualité à tant de personnes.

Mais, revenons à la réalité d’aujourd’hui. Nous dépensons plus par personne pour les soins de santé que beaucoup d’autres pays. Pire encore, alors que nous faisons cela, nous obtenons de moins bons résultats pour nos patients. Vous connaissez tous les rapports du Fonds du Commonwealth, y compris celui qui nous a classés à l’avant-dernier rang dans une étude qui a comparé le Canada avec d’autres pays comme l’Australie, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. L’OCDE nous a également accordé un mauvais classement dans plusieurs domaines qui seront essentiels pour notre santé future en tant que nation.

Cela ne devrait jamais être interprété comme une réflexion sur la qualité des soins qui sont offerts. Et je tiens à le souligner. Les Canadiens, je le sais bien, reçoivent d’excellents soins hospitaliers et médicaux. Nos institutions sont réputées dans le monde entier au chapitre de la recherche, de la formation et de la prestation de soins spécialisés. Toutefois, la raison d’examiner cela est le fait que nous avons besoin de réfléchir sur la façon dont les soins sont offerts;  et non sur la qualité des soins, mais plutôt sur la façon dont ils sont fournis et la mesure dans laquelle les systèmes tirent parti de toutes les options disponibles et de toutes les choses que nous connaissons.

Lorsque nous nous tournons vers nos homologues internationaux, qui ont de meilleurs résultats que nous, nous pouvons constater que les meilleurs soins sont des soins coordonnés et exhaustifs. Nous voyons à quel point les incitatifs financiers correspondent à ce qui convient le mieux aux patients. Voici le point de vue formulé par un patient sur le contexte dans lequel les médecins travaillent au Canada. Et voici ce que le patient a dit :

« J’ai un très bon médecin et nous sommes de bons amis. Nous rions tous les deux lorsque nous examinons le système. Il m’aiguille vers une personne pour des examens à l’autre bout de la ville. Je m’y rends et puis je reviens et les rapports sont ensuite envoyés à mon médecin. Il les examine et m’aiguille ailleurs pour d’autres examens quelconques et les rapports lui sont envoyés. Ensuite, il me dit que je devrais consulter un spécialiste et avant même d’arriver au bout du chemin, j’ai consacré, en un mois, six jours à me rendre à six endroits différents et six jours à subir six types d’examens différents, alors que j’aurais pu obtenir tous ces services en un jour dans une seule clinique ».

Ce patient s’appelait Tommy Douglas et ces propos remontent à plusieurs décennies. Et je crains qu’ils soient toujours d’actualité et que ce scénario puisse être aussi facilement décrit à l’heure actuelle. Cela donne à penser à la définition de la folie formulée par Einstein : « refaire la même chose en espérant des résultats différents ».

Cela m’amène au mythe numéro trois, le mythe selon lequel nous sommes pris avec le système actuel. Il s’agit là d’une vision réduite et nous devons voir grand pour que les choses changent. Nous devons voir grand, comme d’autres l’ont déjà fait, comme nous l’avons déjà fait en tant que nation. On a longtemps cru que l’assurance hospitalisation et l’assurance maladie universelles n’étaient qu’illusions, étant inabordables pour les contribuables et inacceptables pour les professionnels de la santé, comme vous. Et nous connaissons la fin de cette histoire. D’autres nations, comme je l’ai mentionné, nous inspirent et nous offrent des enseignements quant à la façon de connaître, d’étendre et de comprendre les possibilités.

J’ai examiné le British National Health Service, qui se classe maintenant au premier rang dans la plupart des enquêtes internationales sur les soins de santé. Pour ceux qui ont connu ce système, peut-être dans les années 70 et 80, il aurait été inconcevable d’imaginer ce à quoi il ressemble aujourd’hui. De même, l’Australie, connue pour son faible rendement dans le passé, est mieux classée aujourd’hui que la plupart des pays comparables en ce qui concerne les systèmes de santé. Ces nations, l’Australie et la Grande-Bretagne, dépensent moins que le Canada dans les soins de santé, tant par habitant qu’en pourcentage du PIB, et pourtant, elles obtiennent de meilleurs résultats que nous au chapitre des services fournis aux patients. Ces histoires ne concernent en rien l’injection de sommes d’argent. Elles font état de pays ayant décidé de faire les choses différemment.

Dans notre pays, nous avons de plus en plus tendance à parler du rôle fédéral au chapitre de la santé comme étant simplement une question de transferts en matière de santé. Cette année, comme vous le savez, le Transfert canadien en matière de santé a atteint le niveau historique de 36 milliards de dollars. Toutefois, j’ai la ferme conviction qu’en tant que gouvernement fédéral, nous avons une obligation de faire plus que d’ouvrir simplement le portefeuille fédéral. Depuis les tous débuts de notre système de soins de santé, les principales réformes se sont concrétisées par un partenariat inclusif entre les patients et les fournisseurs de soins, entre les provinces et le gouvernement du Canada, et il ne devrait pas en être autrement à l’avenir.

Je crois qu’un gouvernement fédéral engagé a un rôle à jouer pour faciliter les changements qui peuvent aider le Canada à passer du milieu à la tête du peloton. Cependant, pour ce faire, nous ne pouvons pas rater cette rare occasion qui se présente à nous au cours des prochains mois. Nous attendons impatiemment dans le courant des six prochains mois la négociation – qui a déjà commencé – et, nous l’espérons, l’achèvement de cette négociation d’un nouvel accord à long terme sur la santé entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Vous avez un gouvernement fédéral engagé. Vous avez une ministre de la Santé, au niveau fédéral, qui est déterminée à être un partenaire engagé au chapitre de la santé. C’est une opportunité que nous ne pouvons pas manquer. Comment pourrions-nous tirer parti de ces discussions sur l’accord en matière de santé pour déclencher la transformation du système que nous avons tous reconnue comme étant nécessaire?

Mais d’abord, avant que je ne parle de certaines solutions possibles, permettez-moi de mentionner le quatrième mythe; à savoir que plus d’argent est la seule solution. C’est en 2004 qu’ont eu lieu les dernières discussions importantes entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires au sujet du financement des soins de santé. Ces discussions ont donné lieu à un investissement de 41 milliards de dollars supplémentaires dans les soins de santé, des investissements qui étaient vraiment indispensables. Les provinces et les territoires ont également fait leur part et ont augmenté leurs propres dépenses à ce moment-là. Ce financement a débouché sur quelques améliorations comme la réduction des temps d’attente dans certains secteurs, mais je pense que la plupart des experts conviennent du fait que cela n’a favorisé aucun changement.

Par conséquent, alors que nous entreprendrons de nouveaux investissements dans le cadre de l’accord sur la santé, nous devrions saisir cette occasion de déclencher la transformation innovante dans la prestation des soins de santé. Tant d’aspects de notre vie quotidienne ont connu des transformations spectaculaires au cours des 20 dernières années. Songez à la façon dont nous accédons à l’information, à la façon dont nous écrivons des lettres, à la façon dont nous effectuons nos transactions bancaires. Si nous souhaitons moderniser les soins de santé et améliorer le rendement, nous devons remodéliser l’infrastructure sous-jacente du système. Je n’ai pas besoin de vous dire que nous avons un réseau étourdissant de systèmes d’information sur la santé qui, pour la plupart, ne communiquent pas entre eux. À l’ère de Facebook et du commerce électronique, nous utilisons toujours des télécopieurs dans la plupart des bureaux de médecins et la plupart des Canadiens ne peuvent pas se rendre sur Internet pour obtenir leurs propres informations en matière de santé. Mais si vous êtes, par exemple, un patient du Kaiser Permanente aux États-Unis, la plupart du temps, votre aventure sur la route des soins de santé commence sur une application de votre téléphone.

Au Canada, nous avons besoin de systèmes numériques auxquels les fournisseurs et les patients ont facilement accès pour faciliter des soins sans interruption et aider les patients à participer de façon active à la gestion de leurs soins. Le mois dernier, de concert avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et Inforoute Santé du Canada, j’ai eu le plaisir d’annoncer le lancement dans toute la province d’un système qui permettra aux patients d’accéder à leurs résultats d’examen et à d’autres renseignements importants au moyen d’un portail pour les patients auquel on peut accéder depuis un téléphone. Des travaux comme ceux-là sont appuyés par un investissement continu du gouvernement du Canada dans Inforoute, y compris par un investissement de 50 millions de dollars prévu dans le budget de 2016.

Nous pourrions probablement parler d’autres mythes et idées fausses, mais passons maintenant aux solutions, et je pense qu’elles sont nombreuses. J’aimerais mentionner quelques-uns des ingrédients pas-si-secrets qui, selon moi, devraient être inclus dans nos réflexions sur la façon dont nos systèmes de santé pourraient être durables. Chacun de ces ingrédients mériterait une discussion approfondie, mais je vais simplement les aborder brièvement. Voici les choses qui, selon moi, sont les ingrédients essentiels.

Tout d’abord, nous devons faire des déterminants sociaux de la santé une priorité. Nous ne réussirons jamais à établir des systèmes de santé durables si nous ne plaçons pas les déterminants sociaux de la santé en premier sur la liste des mesures urgentes. Puisque ce point, à lui seul, nécessite la réalisation d’une étude exhaustive, je ne l’aborderai pas en détail. Toutefois, je tiens à préciser deux facteurs qui sont importants pour moi.

D’abord, le plus grand obstacle à la durabilité des systèmes de santé financés à même les fonds publics est l’inégalité sociale.

Vous le savez bien, vous le constatez tous les jours. Toutefois, les ministres de la Santé et les professionnels de la santé ne peuvent répondre à ce problème d’inégalité seuls. Il s’agit là du travail de tout un gouvernement. En réalité, c’est le travail de toute une société. Pour cette raison, notre gouvernement croit que, en favorisant la croissance économique, en créant des emplois, en renforçant la classe moyenne, en aidant ceux qui travaillent fort pour joindre la classe moyenne, nous réduirons l’injustice sociale et nous améliorerons la santé.

Le second facteur est l’exemple le plus tordu de l’inégalité au Canada, celle qui existe entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones. Il est plus que temps que nous fassions quelque chose à ce sujet. Nous croyons qu’il est temps que le Canada établisse une nouvelle relation avec les peuples autochtones, une relation fondée sur les droits, le respect, la collaboration et le partenariat. Il reste beaucoup à faire, et nous avons tous une part de responsabilité pour résoudre ce problème. Je suis ravie d’entendre que l’AMC reconnaît cela.

Tant d’établissements d’enseignement médical reconnaissent cela. Notre gouvernement a commencé à faire sa part en réalisant des investissements historiques dans le budget de 2016 : 8,4 milliards de dollars pour améliorer les conditions socioéconomiques des peuples autochtones et de leurs collectivités. Et chacun de ces dollars agira en tant que moteur en amont de la santé des collectivités autochtones.

Le second ingrédient essentiel pour établir un système de santé durable est le fait que nous devons faire respecter la Loi canadienne sur la santé. J’aimerais que vous sachiez que notre gouvernement s’engage fermement à faire respecter la Loi canadienne sur la santé. Ses principes qui incluent l’accessibilité et l’universalité sont essentiels à la prestation des soins si notre objectif est d’avoir une société juste et axée sur l’égalité. Et, au sein de notre gouvernement, nous avons pris des engagements clairs à l’égard de la croissance, de la prospérité et du bien-être de la classe moyenne; mais je tiens à dire, comme je le fais à la table du Cabinet, que nous n’aurons pas une classe moyenne forte et en santé sans une solide infrastructure de santé financée publiquement. C’est la Loi canadienne sur la santé qui appuie cette infrastructure.

Le troisième ingrédient essentiel consiste à renforcer les soins primaires exhaustifs. Vous m’accuserez sans doute d’avoir un parti pris, lorsqu’un médecin de famille se met à tenir un discours démagogique, cependant, je pense que ce parti pris est bien appuyé par des preuves. Depuis des décennies, en fait, nous avons recueilli de solides données probantes qui révèlent que les systèmes de santé reposant sur les soins primaires fournissent les meilleurs résultats en matière de santé, aux coûts les plus faibles et qu’ils le font de manière équitable et accessible. Le Canada n’a jamais suffisamment fondé son système de soins de santé sur les soins primaires. Certaines provinces empruntent cette voie et dans la mesure de leur capacité, je suis convaincue qu’elles seront récompensées par des résultats améliorés et par des coûts plus gérables. Cependant, dans le pays, certains éléments des soins primaires sont manquants, et pour les rendre exhaustifs, ces soins primaires devraient inclure des choses telles que les soins à domicile et les soins en santé mentale. Il n’est pas nécessaire d’être un économiste du domaine de la santé pour comprendre qu’un investissement dans les soins à domicile et les soins en santé mentale permettrait d’optimiser les ressources dépensées.

J’aimerais noter quelques autres éléments lorsque nous parlons des soins, et ces éléments se fondent sur mes propres expériences personnelles. Tout d’abord le fait que je ne pense pas qu’il soit possible d’offrir convenablement des soins primaires complets – incluant à la fois les soins à domicile et les soins de santé mentale – sans un engagement ferme à l’égard des équipes interprofessionnelles. Et j’espère que l’AMC en conviendra. Nous devons travailler de façon interprofessionnelle et nous devons travailler dans des environnements au sein desquels tous les fournisseurs travaillent pour collaborer en temps réel.

Et le second point des soins primaires sur lequel je souhaite mettre l’accent est le fait qu’aucune de ces améliorations ne sera fructueuse sans la participation significative des professionnels de la santé, y compris les médecins. J’ai vu, comme vous sans doute, trop de bonnes idées mises de l’avant par des décideurs qui sont tombées à l’eau. Elles sont tombées à l’eau parce que les professionnels de la santé n’avaient pas été consultés au début et les fournisseurs n’en ont eu connaissance que lors de la présentation des grandes annonces. Cette approche n’a jamais fonctionné.

Ce qui m’amène ainsi à l’ingrédient final, et cet ingrédient est le fait que nous devons trouver le moyen d’établir des systèmes sans interruption centrés sur le patient. Aucune entreprise axée sur le client n’a de succès si elle ne donne pas la priorité à la perspective des personnes qu’elle souhaite servir. Ainsi, si vous vous demandez à quoi cela devrait ressembler, je suis convaincue que la façon la plus rapide de déterminer à quoi devrait ressembler l’avenir des soins de santé et du Canada est de comprendre ce que les patients veulent et ce dont ils ont besoin.

Lorsque nous examinons le point de vue du patient, l’une des frictions les plus manifestes que vous vivez au quotidien est la fragmentation. La fragmentation entraîne le gaspillage, la frustration et des délais dangereux au niveau des soins. Rappelez-vous de l’évocation que j’ai faite plus tôt au sujet d’un patient nommé Tommy. L’intégration est complexe, mais il n’est pas nécessaire d’être un génie pour la comprendre. Nous savons à quoi elle devrait ressembler. Nous avons besoin d’une approche permettant aux patients de jouir d’un lien personnel et électronique constant et en temps réel avec leur fournisseur de soins primaires, l’hôpital, au besoin, les fournisseurs de soins de santé à domicile, le pharmacien et le laboratoire.

Vous pouvez imaginer cela aussi bien que moi. Qu’est-ce qui va nous y amener? Je pense que nous devons suivre trois étapes simples : le pragmatisme, la persévérance et le partenariat.

Tout d’abord, le pragmatisme. Comme la plupart des médecins, je suis quelqu’un de pragmatique. En tant que ministre de la Santé, je dois produire des résultats mesurables. Je dis souvent aux personnes qui viennent me voir que je ne fais aucune place aux plans stratégiques qui ne sont pas tout à fait réalisables.  Les changements que nous devons apporter nous obligent à faire preuve de courage et de sens pratique.

Deuxièmement, nous devons faire preuve de persévérance. Ce système sans interruption que vous pouvez imaginer et dont rêve chaque patient nécessitera des changements. Et tous les systèmes de santé du monde qui font face à cela, qui essaient de changer, font face à une remarquable résistance. Mais les solutions ne sont pas mystérieuses. Nous savons ce qui doit être fait. Il faudra une détermination inébranlable pour améliorer notre système afin que nous puissions répondre de façon équitable et efficace aux besoins en matière de santé.

En dernier lieu, le partenariat. J’ai consacré pas mal de temps à étudier les changements dans les systèmes de santé et j’en ai fait l’expérience et l’un des éléments qui revient constamment dans tout changement efficace est la nécessité absolue d’établir un partenariat. Je vous l’ai dit, je suis déterminée à faire en sorte que notre gouvernement fédéral soit un bon partenaire afin d’aider à établir de meilleurs systèmes de soins de santé. Et n’oubliez pas qu’il n’y a aucun développement majeur de l’histoire du Canada en matière de soins de santé dans lequel le gouvernement fédéral n’a pas été présent ou n’a pas été un acteur collaborateur. Toutefois, les gouvernements – provinciaux, territoriaux et fédéral – ne peuvent pas améliorer le système de santé à eux seuls. Nous devons mobiliser tout le monde. Cela inclut les fournisseurs, les patients, les administrateurs et les activistes, les enseignants et les inventeurs, les chercheurs, les organismes de réglementation et bien d’autres encore.

J’aimerais terminer sur une note d’optimisme. J’espère que, comme moi, vous croyez qu’il est toujours possible de faire mieux – comme j’ai entendu le premier ministre le dire – et que vous êtes ici en raison de votre engagement à améliorer la vie des Canadiens. Et si c’est le cas, nos objectifs sont les mêmes.

L’importance de cette tâche est incalculable, et elle n’est pas facile, mais je suis convaincue que, si vous et moi persévérons, si nous prenons ces mesures réfléchies et pratiques en plaçant au premier rang les besoins des Canadiens et si nous travaillons d’une façon collaborative et inclusive, nous pouvons établir des systèmes de santé qui sont durables, et nous pouvons réaliser notre objectif suprême, à savoir la santé pour tous.

Je vous remercie.


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