Notes d'allocution de l'honorable Jane Philpott, ministre de la Santé, à la conférence Duncan G. Sinclair sur la politique de la santé : « Ce que j'ai appris comme médecin et ministre de la Santé »

Discours

Le 26 septembre 2016
Kingston (Ontario)

La version prononcée fait foi. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles et révisé aux fins d'affichage et de distribution conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada.

Introduction

Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée ici aujourd'hui. J'aimerais commencer par reconnaître que l'Université Queen's est située en territoire Anishinaabe et Haudenosaunee.

C'est pour moi un honneur de vous adresser la parole à un événement qui porte le nom du Dr Duncan Sinclair, que vous connaissez tous, que ce soit à titre d'ancien doyen de la Faculté de médecine de l'Université Queen's, à titre de président de la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario ou pour l'une de ses nombreuses autres contributions.

Comme vous le savez sans doute, le Dr Sinclair n'a pas pu se joindre à nous ce soir pour des raisons de santé, mais son fils Gord est avec nous.

Comme vous le savez sans doute, le Dr Sinclair est un leader de la réforme des soins de santé en Ontario et au Canada, et je soupçonne que c'est là la cause de bien de ses cheveux blancs.

Il est un trésor de Kingston et de l'Université Queen's, et je demanderais à Gord de lui transmettre mes félicitations personnelles pour son intronisation au Temple de la renommée médicale canadienne.

J'aimerais aussi remercier l'Université Queen's de tenir cet événement annuel. Même si j'ai suivi des études en médecine à cette autre école plus loin sur l'autoroute 401, à la Western University, je suis bien consciente du respect que l'on voue à l'Université Queen's, à cette Faculté et à ses diplômés.

Aujourd'hui, je veux vous parler des soins de santé au Canada, un sujet cher pour le Dr Sinclair.

Le Dr Sinclair aime bien dire que nous n'avons pas un système de soins de santé au Canada, mais plutôt au moins 14 systèmes, un pour chaque province et territoire, et un pour le gouvernement fédéral. Et cela ne s'accorde avec aucune définition du dictionnaire pour le mot « système », car les pièces mobiles ne sont pas coordonnées.

Le Dr Sinclair a aussi signalé qu'une bonne part de ce que nous faisons ne concerne pas la santé, mais plutôt des soins pour les maladies et les blessures. Son point de vue sur les systèmes de santé au Canada est fondé sur des années à étudier nos réussites et nos échecs, et il est important de travailler à l'amélioration de ces systèmes, au profit des Canadiens.

Aujourd'hui, je vais vous faire part de mes propres réflexions.

Elles sont fondées sur plus de 30 années de pratique comme médecin, en grande partie ici, en Ontario, mais aussi au Niger.

Je me trouve maintenant dans un poste qui est probablement l'emploi rêvé d'un responsable des politiques en santé. Être ministre fédérale de la Santé est un privilège extraordinaire, mais aussi une responsabilité colossale.

J'aimerais parler de certaines des choses que je crois avoir apprises au sujet des soins de santé au Canada, et puis de ce que nous pourrions faire à l'avenir.

Je suis devenue médecin, car je voulais aider les gens à vivre une vie agréable, saine et remplie.

Cependant, j'ai vite fait de réaliser que cela prend plus qu'une bonne médecine pour atteindre ces buts, et c'est pourquoi j'ai brigué les suffrages à un poste électif. Il faut de l'éducation, un bon emploi, une habitation de qualité, un environnement propre et des services sociaux accessibles à tous, y compris les soins de santé.

Une classe moyenne forte, la plate-forme sur laquelle notre gouvernement a fait campagne, cela n'arrive pas par accident. Cela requiert de bonnes politiques publiques, des politiques sociales et économiques robustes, mais aussi, une politique en santé qui soit intelligente : ce sur quoi nous centrons nos efforts aujourd'hui.

La Loi canadienne sur la santé est toujours aussi pertinente

Commençons par revenir à une époque dans l'histoire de ce pays où il n'était pas rare pour les familles de s'endetter pour payer les soins médicaux.

Il y a quelques années, la Société des organisations des citoyens aînés de l'Ontario a publié un livre, Life before medicare (la vie avant le régime d'assurance-maladie).

Il s'agit d'un recueil de récits de ceux qui ont vécu au Canada d'avant l'adoption de l'assurance hospitalisation et de l'assurance médicale, et quiconque a besoin d'un manuel d'introduction aux raisons pour lesquelles nous avons besoin de systèmes forts de santé et de soins de santé, je l'encourage à lire ce livre.

Je vais lire brièvement l'un des récits de ce livre. L'histoire se déroule dans une région de l'Ontario, où mes propres parents ont grandi. Elle est de John Hallman, au sujet de son grand-père.

[Traduction] « Il a été retiré du lieu de l'accident et amené à leur maison à Listowel. On a appelé le docteur, et la salle à manger a été finalement convertie en salle d'opération. Il fallait faire diminuer la pression dans le crâne due à l'excès de liquide. La tâche de la mère de mon père concernait les besoins en chiffons à faire bouillir. Mon père devait "tenir la lumière". Je me souviens que mon père disait que le docteur lui avait signalé : "ce ne sera pas plaisant. Crois-tu pouvoir le faire? Dès que je commence, je dois avoir de la lumière jusqu'à ce que j'aie terminé." Le médecin a ensuite commencé à percer manuellement le crâne dans le but de retirer l'excès de liquide et d'atténuer la pression.

L'opération n'a pas réussi, et son père est décédé quelques jours plus tard, n'ayant pas repris connaissance depuis le moment de l'accident.

Pourquoi ne l'a-t-on pas emmené à l'hôpital? Peut-être n'y en avait-il aucun très proche, peut-être que la famille ne pouvait pas se le permettre. Peut-être que le médecin croyait que le remède pouvait être administré avec autant d'efficacité à la maison qu'à l'hôpital, à un coût moindre. C'est difficile pour moi de le croire : avoir participé à une opération pratiquée dans ma propre maison sur un membre de la famille immédiate, et ce, à l'âge de 15 ou 16 ans, et puis de voir que tout ça s'est fait en vain, de toute façon. »

Il peut sembler que cette histoire s'est déroulée il y a longtemps, mais en fait, cela a eu lieu au Canada à l'époque où je suis née, où, à moins d'être aisé ou d'avoir une assurance privée, il fallait soit se fier à la charité, soit s'en passer.

Le Canada aujourd'hui est un pays où les Canadiens, lorsqu'ils visitent le cabinet d'un médecin ou l'hôpital, sont traités selon leurs besoins médicaux, et non pas selon leur capacité de payer.

Je ne m'excuserai jamais de soutenir notre engagement voulant que si les Canadiens paient pour des services de santé au moyen de leur impôt, ils ne doivent pas se faire demander de payer de nouveau pour ces services lorsqu'ils y accèdent, sous la forme d'un frais d'utilisation.

Il y a un consensus international ferme à ce sujet : les frais d'utilisation sont un obstacle à l'accessibilité aux soins de santé. Ils ne sont pas justes. C'est de la mauvaise médecine. Ce sont de mauvaises politiques.

Des soins, pas seulement des remèdes

Bien que nous parlions beaucoup des systèmes de soins de santé, nous avons tendance à nous centrer davantage sur les personnes qui fournissent les remèdes que celles qui fournissent les soins, notamment sur les soins spécialisés et dispendieux, en institution.

Il est vrai que nous avons des systèmes de santé qui fournissent d'excellents soins hospitaliers et médicaux de façon universelle, selon une couverture au premier dollar. Nous avons certains des professionnels de la santé les mieux formés dans le monde, et plusieurs de nos établissements de soins de santé sont des chefs de file reconnus en recherche, en formation et en soins spécialisés.

Cependant, il y a 50 ans, Emmett Hall et d'autres imaginaient quelque chose d'encore mieux. Ils voyaient l'adoption d'une assurance-maladie publique à l'échelle du pays. Or, ils sont allés plus loin, et ont recommandé la couverture pour les soins dentaires, les lunettes de prescription et l'assurance médicament. Le juge Emmett Hall a dit « la seule chose qui soit plus dispendieuse que de bons soins de santé, ce n'est aucun soin de santé ».

Il y a des raisons pour lesquelles nous ne nous sommes jamais rendus jusque-là. Au moment où la dernière province adoptait l'assurance de soins médicaux universelle en 1972, le Canada faisait face à une hyperinflation imminente, un taux élevé de chômage et une croissance lente. Cette situation donna lieu à un serrement de ceinture aux ordres fédéral et provinciaux.

Des débats déchirants sur l'unité nationale allaient suivre peu après. Les autres réformes des systèmes de santé ont été mises en veilleuse.

La prestation des soins de santé a changé dans les décennies qui nous séparent de la Commission royale d'enquête sur les services de santé de M. Hall. Il y a 40 ans, près de 60 p. 100 des dépenses en santé au Canada allaient aux hôpitaux et aux médecins. Aujourd'hui, elles s'élèvent à 45 p. 100.

En même temps, la demande pour des médicaments sur ordonnance, les soins de longue durée, les soins à domicile et les besoins en matière de santé mentale continuent tous de s'accroître.

Ce n'est pas surprenant. Notre population vieillit, les personnes vivent plus longtemps, les maladies chroniques sont à la hausse. Le progrès technologique est en train de déplacer l'accent sur la prestation des soins de santé, des établissements vers les domiciles et les collectivités.

Mais la plus grande partie du financement public en soins de santé continue de soutenir les services hospitaliers et médicaux, alors que d'autres services se contentent de fragments de financement public limité, d'assurances privées et de paiements remboursables.

Un Accord sur la santé pour tous les Canadiens

La plupart des experts en politiques de la santé seraient d'accord. Une réforme des systèmes de santé dans ce pays se fait attendre depuis bien longtemps. Si c'est le cas, le gouvernement fédéral se doit d'en être un acteur. Aucun développement majeur dans l'histoire des soins de santé au Canada ne s'est effectué sans que le gouvernement fédéral ne joue un rôle essentiel.

Ce qui nous amène aux discussions au sujet d'un nouvel Accord sur la santé avec les provinces et les territoires.

Malheureusement, la conversation tourne souvent autour du montant que nous devrions dépenser sur les soins de santé plutôt que sur la façon dont nous devrions améliorer la santé et les soins de santé des Canadiens.

Je suis fière de faire partie d'un gouvernement fédéral prêt à faire preuve de leadership en matière de santé, et je crois qu'il y a aussi une forte volonté de le faire chez les ministres de la Santé des provinces et des territoires. En travaillant ensemble, nous serons en mesure de susciter un vrai changement dans les soins de santé.

Jusqu'à maintenant, nous nous sommes entendus sur les priorités communes en matière de santé. Ces dernières comprennent les soins à domicile, les produits pharmaceutiques, la santé mentale, l'innovation et de meilleurs soins de santé pour les Canadiens autochtones.

Nous nous rencontrerons de nouveau le mois prochain à Toronto, et tout me porte à croire que nous aurons des conversations productives qui contribueront à la réalisation du but ultime qu'est le nouvel Accord sur la santé.

Priorité : Soins à domicile et en milieu communautaire

Plutôt que des systèmes qui, par défaut, font qu'on garde les patients dans un lit d'hôpital, imaginez des systèmes grâce auxquels, selon une nouvelle norme, lorsque c'est ce qui convient le mieux pour le patient, on lui prodigue des soins à domicile.

Chaque jour, quelque 15 p. 100 des lits d'hôpitaux sont occupés par des patients qui en fait pourraient mieux s'en tirer à domicile ou avec des soins de longue durée. Cette situation a d'énormes répercussions financières. Par exemple, en Ontario, des soins à domicile de base coûtent 42 dollars par jour, comparativement à la somme minimale de 840 dollars par jour dans un hôpital.

Même si leur qualité de vie, et dans certains cas leur décès, serait infiniment améliorée s'ils se trouvaient dans un centre de soins palliatifs ou à la maison, entourés des amis et de la famille, la plupart des Canadiens continuent de vivre leurs derniers jours à l'hôpital. C'est là que six patients sur dix meurent.

Ce n'est pas par dessein. La réalité veut qu'un lit d'hôpital soit là où plusieurs patients aboutissent, parce que les soutiens et les services de soins à domicile sont inadéquats et mal coordonnés.

Au Canada, nous dépensons environ 10 milliards de dollars par année, ou environ 5 p. 100 du total des dépenses en santé, sur les soins à domicile et en milieu communautaire.

C'est beaucoup d'argent, mais ce n'est probablement pas assez, surtout puisque notre population vieillit et est touchée par l'augmentation des taux de maladies chroniques.

Dans les cas où les patients reçoivent des soins à la maison, imaginez un système conçu de façon à ce que les familles et les soignants soient soutenus et ne s'épuisent pas.

Bien que nous devions étendre les services de soins à domicile de manière plus générale, les améliorations sont particulièrement pertinentes pour les soins palliatifs et de fin de vie.

Au moment où nous répondons à la nouvelle loi concernant l'aide médicale à mourir, nous devons aussi améliorer les options en matière de soins palliatifs et de fin de vie à l'extérieur des milieux de soins actifs.

Nous avons une occasion en or de mettre en place des systèmes robustes de services et de soutiens qui combleront ces lacunes.

Nous voulons collaborer avec les provinces et les territoires pendant qu'ils élaborent davantage les infrastructures nécessaires pour soutenir les soins à domicile et les intègrent harmonieusement avec le reste du cercle des soins.

Cela signifie de soutenir les plates-formes novatrices de prestation comme les soins à domicile à distance, où les fournisseurs surveillent l'état de santé de leurs patients à distance, et offrent une éducation et un encadrement en santé.

Cela signifie aussi de soutenir les modèles de financement novateurs qui regroupent les budgets pour les soins à domicile et les services de soins actifs, de sorte que les soins appropriés soient fournis selon la configuration la plus rentable.

Prises ensemble, ces mesures pourraient combler des lacunes importantes et mener à des soins à domicile plus solides qui reposeraient sur les soins primaires et seraient intégrés à d'autres services de santé et services sociaux, et mieux soutenus par la technologie.

Priorité : Améliorer l'abordabilité et l'accessibilité des produits pharmaceutiques

Ensuite, nous avons besoin de systèmes où les médicaments sont accessibles, abordables et prescrits adéquatement pour tous les Canadiens.

Santé Canada est responsable d'examiner les nouveaux médicaments pour s'assurer qu'ils sont sécuritaires et qu'ils fonctionnent comme prévu.

Or, le processus d'examen ne détermine pas si ces nouveaux médicaments sont meilleurs que ceux qui se trouvent déjà sur le marché.

Il en résulte que beaucoup des nouveaux traitements médicamenteux approuvés chaque année offrent très peu d'avantages par rapport à ce qui est déjà offert, mais se vendent à des coûts supplémentaires importants.

Afin d'évaluer la rentabilité de nouveaux médicaments, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont créé l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé ou l'ACMTS.

L'ACMTS effectue des examens de rentabilité des nouveaux traitements au moyen d'un mécanisme connu sous le nom de Programme commun d'évaluation des médicaments.

Ces recommandations se sont avérées cruciales pour les provinces et les territoires lorsque vient le temps de décider quels médicaments couvrir dans leur liste de médicaments assurés pour le public.

Malheureusement, il y a un décalage d'au moins six mois entre l'approbation d'un médicament par Santé Canada et les recommandations du Programme quant à la rentabilité de ce médicament.

Entre-temps, presque tous les régimes d'assurance-médicaments privés du pays ont ajouté ce nouveau médicament à leur liste de médicaments assurés et le remboursent, même lorsqu'il manque de données quant à sa rentabilité.

Nous devons examiner des façons de concentrer notre système de réglementation sur l'examen de médicaments qui offrent une meilleure norme de soins ou une meilleure optimisation des ressources.

Nous devons aussi examiner de nouveau le rôle de l'organisme de réglementation dont le travail est de protéger les Canadiens contre les prix excessifs de médicaments de marque.

En ce moment, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés doit utiliser comme étalon de mesure les prix demandés par les pays où les coûts des médicaments sont les plus élevés au monde et où l'accent est mis sur la recherche et le développement, ce qui comprend  les États-Unis.

Ce n'est donc pas surprenant que les prix pour les médicaments de marque au Canada soient parmi les plus élevés du monde, après seulement les États-Unis et l'Allemagne.

Nous devons aussi mettre un peu d'ordre dans notre marché fragmenté en matière de couverture des médicaments qui fait que non seulement des Canadiens passent entre les mailles du filet, mais qui, en plus, impose des coûts inutilement élevés aux entreprises.

J'espère examiner avec les provinces et les territoires des façons d'apporter les avantages des négociations de prix commun aux régimes d'assurance privés.

Je préconise une entente sur une liste commune des médicaments assurés pour les régimes financés par les fonds publics, ce qui permettra d'optimiser notre pouvoir d'achat auprès des sociétés pharmaceutiques, et ainsi il sera plus difficile de dresser une province contre une autre.

Priorité : Investir dans la santé mentale

Les fondateurs du régime d'assurance-maladie croyaient avec justesse que les soins de santé fonctionnent mieux lorsqu'ils répondent aux besoins de leurs citoyens. Alors, imaginez, si vous le voulez bien, des systèmes qui permettent plus facilement aux Canadiens d'obtenir de l'aide lorsqu'ils se trouvent en état de détresse mentale ou envisagent le suicide, et ce, peu importe leur lieu de résidence.

Chaque Canadien est touché directement ou indirectement par la maladie mentale. Les statistiques sont effarantes.

  • La dépression et l'anxiété coûtent presque 50 milliards de dollars à l'économie canadienne par année en perte de productivité.
  • Le suicide compte pour presque le quart de tous les décès chez les personnes âgées de 15 à 24 ans.
  • Presque la moitié de ceux qui vivent avec la dépression ou l'anxiété n'ont jamais consulté de médecin à ce sujet.

Ce ne sont pas seulement des nombres : il s'agit d'êtres humains. Il s'agit de membres de votre famille, de vos amis, de vos collègues, dont la vie a été bouleversée dans le chaos, la confusion et la douleur. Peut-être est-ce vous.

Pendant trop longtemps, la maladie mentale a été une chose à cacher, dont il fallait avoir honte.

Aujourd'hui, nous en parlons de façon un peu plus ouverte dans nos familles et nos collectivités, et c'est bien.

Or, alors que l'ampleur complète du fardeau de la maladie mentale au Canada devient claire, il est devenu évident que nos systèmes ne sont pas bien équipés pour guérir le traumatisme causé par la maladie mentale.

Bien que les services de santé mentale soient adaptés et bénéfiques dans certains endroits au Canada, ailleurs, ils sont non existants et fragmentés.

Nous nous contentons de ce que nous avons. Les médecins et autres travailleurs de première ligne font de leur mieux, mais souvent n'ont pas la formation adéquate.

Les patients atteints de graves maladies mentales doivent souvent attendre très longtemps avant d'obtenir l'accès à des spécialistes. D'autres qui requièrent des services de consultation ou une thérapie peuvent avoir une couverture d'assurance privée, mais la plupart doivent payer eux-mêmes, ou, plus souvent, essayer de s'en sortir sans cette aide.

Le problème est plus aigu dans les régions rurales et éloignées, y compris les collectivités autochtones, où les ressources du système de santé sont faibles.

Il n'est pas trop tard pour bâtir des systèmes dans lesquels les services de santé mentale sont largement offerts et bénéfiques, et ce, que l'on vive au centre-ville de Kingston ou dans le nord du Canada.

Priorité : Renouveler notre relation avec les peuples autochtones

Tous les défis que j'ai décrits sont grandement amplifiés pour les peuples autochtones au Canada.

Il y a un écart scandaleux dans les résultats en matière de santé entre les Canadiens autochtones et non autochtones.

Pour une personne autochtone, l'espérance de vie est jusqu'à une décennie plus courte que pour les autres Canadiens. Les taux de diabète sont trois fois plus élevés que la moyenne nationale. Chez les Premières Nations, les taux de tuberculose sont 33 fois plus élevés que pour les autres Canadiens. Pour les Inuits, les taux de tuberculose sont 375 plus élevés que ceux des Canadiens non autochtones.

Ces iniquités sont honteuses, mais ne sont pas inexplicables. Le manque d'éducation, le logement surpeuplé, les hauts taux de chômage et d'incarcération — tout cela contribue, d'une certaine façon, à la mauvaise santé.

Notre gouvernement s'est engagé à investir plus de 8 milliards de dollars pour commencer le travail de reconstruction de la relation du Canada avec les peuples autochtones.

Entre autres, nous investirons pour un meilleur logement, de l'eau propre et l'apprentissage pour la petite enfance.

Nous irons de l'avant avec un nouvel accord sur la santé dans le cadre duquel il y aura représentation autochtone. Plutôt que le statu quo, où l'on ne fait que réagir aux crises dans les collectivités autochtones au fur et à mesure qu'elles surgissent, je suis déterminée à travailler de concert avec les dirigeants autochtones et autres intervenants pour bâtir une approche pour ces lacunes en santé qui soit proactive, efficace et juste.

Priorité : Innover dans la prestation de services

Jusqu'à présent, j'ai parlé de secteurs précis qui requièrent l'attention dans les soins de santé. Cependant, en réalité, la dysfonction et l'inefficacité sont ancrées dans nos systèmes.

Réparer cela requiert de l'innovation. Or, l'innovation, ce n'est pas seulement les nouveaux jouets. Il s'agit d'adopter des modèles opérationnels ayant fait leurs preuves, capables d'offrir de meilleurs soins et de meilleurs résultats à coût moindre.

Les grandes entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, ne peuvent prospérer sans innovation. Les soins de santé ne font pas exception. Des personnes comme le Dr Sinclair le savent très bien. Il a été le président fondateur ainsi que président et premier dirigeant intérimaire d'Inforoute Santé du Canada, qui s'emploie à mettre en œuvre des innovations digitales pour contribuer à la santé des Canadiens.

Il est temps de récupérer le bon vouloir politique, le temps et les ressources pour élaborer et mettre en œuvre des réformes audacieuses en matière de financement et d'organisation de la prestation de première ligne.

Ce n'est pas facile, mais d'autres pays sont en train de le réaliser.

Aux États-Unis, on a donné le coup d'envoi pour l'élaboration d'un nouvel ensemble de modèles pour changer la façon dont les services de santé sont financés et offerts — des organismes de soins responsables, des centres de soins médicaux et des paiements regroupés.

Il ne s'agit pas de privatiser les soins de santé canadiens. Il ne s'agit pas de la façon dont les soins sont payés : il s'agit de mettre en place des modèles plus efficients et efficaces de prestation de soins.

Il s'agit de réorganiser les soins de santé de manières plus efficientes qui mettent le patient à l'avant-plan, tout en conservant notre modèle public à payeur unique.

En effet, certaines des réformes les plus audacieuses aux États-Unis ont lieu dans le cadre des programmes Medicare et Medicaid, des programmes publics.

Si nous voulons moderniser les systèmes de soins de santé et améliorer le rendement, nous devons renforcer les infrastructures sous-jacentes, y compris la santé numérique.

Malgré les milliards de dollars investis à l'échelle fédérale et provinciale dans la cybersanté au cours des 15 dernières années, on continue de constater de grandes lacunes.

Nous avons adopté un assortiment étourdissant de systèmes d'information dans tout le secteur de la santé, mais ils communiquent rarement les uns avec les autres.

Il est effarant qu'à l'ère de Facebook et du commerce électronique, nous utilisions toujours des télécopieurs dans les cabinets de médecin et que la plupart de Canadiens ne puissent pas encore aller voir leur dossier de santé en ligne.

Nous devons concentrer nos efforts sur la construction de systèmes numériques qui sont axés sur les patients et harmonieusement intégrés partout dans la prestation de soins.

Cela signifie que l'investissement fédéral à venir doit donner la priorité à la connexion des patients, des fournisseurs de service et des institutions. Cela veut dire de s'assurer que les patients peuvent avoir accès à leurs données de santé de manière électronique, prendre rendez-vous et consulter leur médecin sans visiter un cabinet.

Notre lente progression en matière de cybersanté signifie aussi que nous n'avons pas développé le type de système de données requis pour la surveillance de la santé publique ni pour mesurer l'amélioration, apporter les changements de parcours et combler les lacunes.

Dans le domaine des soins de santé, la technologie fait augmenter les coûts. De nouveaux tests et outils de diagnostic sont adoptés dans les pratiques, même en l'absence d'une évaluation solide de leur rentabilité.

Et lorsque la productivité s'améliore, nos systèmes de rémunération de fournisseurs de soins de santé ne maintiennent pas le rythme. Ce n'est pas une façon durable de gérer la technologie dans les soins de santé. Nous devons récompenser les fournisseurs qui font ce qui convient le mieux pour les patients.

La bonne nouvelle est que l'innovation des soins de santé est un secteur où il y a un fort consensus sur les mesures à prendre et où l'investissement fédéral peut contribuer à encourager l'adoption de meilleurs modèles opérationnels et accélérer le changement.

Les investissements fédéraux ciblés dans les organismes pancanadiens portent déjà fruits par la diffusion de l'innovation, le soutien de la santé numérique, l'établissement de rapports sur le rendement et l'évaluation de technologies de santé.

Nous devons saisir l'occasion que présentent un nouvel accord sur la santé et un engagement de nouveau financement pour bâtir sur cette assise solide.

Obtenir des résultats

Aucune discussion sur les soins de santé au Canada ne saurait être complète sans couvrir ce dernier sujet : les fonds.

Certains soutiennent que le problème auquel se heurte le régime de l'assurance-maladie au Canada est le manque d'argent et déplorent le fait que le taux de croissance à venir du Transfert canadien en matière de santé sera davantage ajusté au taux de croissance de l'économie.

Cependant, les faits ne soutiennent tout simplement pas cette idée voulant que ce dont nos systèmes de santé ont le plus besoin soit encore plus d'argent.

Le Canada est l'un des plus grands dépensiers en santé au monde, et pourtant nous ne réalisons pas le genre de résultats dont les Canadiens ont besoin et qu'ils méritent. Les accords passés sur la santé, malgré toutes leurs bonnes intentions, n'ont pas abordé les problèmes structuraux fondamentaux auxquels sont confrontés les soins de santé canadiens. Nous avons pris le statu quo et l'avons gonflé.

Comme je l'ai dit à l'Association médicale canadienne récemment, je suis convaincue que nous avons l'obligation, en tant que gouvernement du Canada, de faire plus que de simplement ouvrir le portefeuille fédéral.

Les soins de santé canadiens n'ont jamais été la responsabilité strictement d'un seul ordre de gouvernement.

Chaque province, par elle-même, a fait avancer des réformes importantes au cours des dix dernières années. Je salue leur détermination et leur créativité dans l'adaptation de leurs systèmes de soins de santé aux nouvelles réalités d'une population vieillissante.

Cependant, le gouvernement du Canada a aussi des intérêts en jeu dans le débat sur l'avenir des soins de santé. Unique parmi les autorités dans ce pays, nous avons le devoir solennel de veiller à ce que notre investissement dans les soins de santé contribue au traitement équitable de tous les Canadiens.

Veiller à ce que des services comparables soient offerts partout au Canada, à ce que la couverture universelle d'assurance-maladie soit transférable et complète et à ce que nous puissions échanger des renseignements dans l'intérêt de tous, en toute sécurité, tout cela relève de l'intérêt national.

Si nous n'avions pas notre mot à dire sur la façon dont les fonds sont dépensés, s'accorder pour une augmentation des dépenses reviendrait à assumer une responsabilité financière illimitée.

Notre gouvernement arrive à la table prêt à investir du nouvel argent fédéral pour faire avancer la transformation des soins de santé.

Nous devons veiller à ce que de nouvelles somme ne fassent pas simplement gonfler les systèmes de santé, mais aide à orienter les soins de santé sur la voie de la stabilité à long terme.

Notre engagement de verser de nouveaux fonds est à toute épreuve. Or, je vais chercher à conclure un accord sur les façons de mieux utiliser l'argent neuf pour obtenir de vrais résultats.  

Conclusion

Les Canadiens sont fiers de nos systèmes de soins de santé, mais nous avons tenu ces systèmes pour acquis et n'en avons pas reconnu l'érosion et la fragmentation graduelles.

Nous devons récupérer la vision des fondateurs du régime de l'assurance-maladie, prévu pour nos soins de santé dans ce pays.

Nous avons une occasion unique d'apporter un vrai changement aux soins de santé, et il s'agit d'une occasion que nous ne devons pas manquer.

Si le Canada maintient les précieux systèmes de soins de santé financés par les fonds publics et accessibles pour tous auxquels nous nous fions depuis longtemps, nous devons nous adapter à de nouvelles idées et renouveler notre approche en matière de politiques de santé.

Ça peut être l'occasion de façonner l'avenir des soins de santé financé par les fonds publics au Canada de façon à mieux l'adapter aux besoins et aux attentes des Canadiens.

Le rôle du gouvernement fédéral est essentiel dans cette discussion afin que nous refassions du Canada un chef de file mondial dans le soutien de la santé de son peuple.

Je vous remercie une fois de plus de m'avoir invitée aujourd'hui.


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