Protéger l'accès des Canadiens aux immunoglobulines

Rapport final du Comité d’experts sur l’approvisionnement en produits d’immunoglobuline et ses répercussions au Canada

Résumé

Un approvisionnement continu et sécuritaire en sang et en ses produits dérivés est un des piliers du système de soins de santé. Les patients au Canada dépendent de la disponibilité quotidienne de composants sanguins frais et congelés ainsi que d’autres produits fabriqués à partir de plasma sanguin pour le traitement de diverses maladies.

Au fil des ans, l’utilisation des immunoglobulines (IG), le produit dérivé du plasma humain le plus utilisé, s’est élargie et ne concerne plus uniquement le traitement des patients qui ne produisent pas d’anticorps pour se protéger des infections (immunodéficiences), mais aussi le traitement d’un large spectre de maladies (hématologiques, neurologiques, rhumatologiques, dermatologiques) où elles sont utilisées comme modificateur de réponse immunitaire. Compte tenu de l’utilisation importante d’IG à des fins toujours plus nombreuses dans la médecine moderne et du grand nombre de patients dans le monde qui n’ont toujours pas accès à ces médicaments, des inquiétudes ont été soulevées concernant la capacité du Canada à assurer un approvisionnement continu en IG aux Canadiennes et Canadiens à long terme.

En 2016-2017, le volume combiné de plasma recueilli par la Société canadienne du sang (SCS) et Héma-Québec ne représentait que 16,7 % du plasma nécessaire pour répondre aux besoins des Canadiennes et Canadiens en IG et autres produits dérivés du plasma (PDP). Le reste du plasma nécessaire à la fabrication de ces produits utilisés par les Canadiennes et Canadiens provient de donneurs rémunérés aux États-Unis. Le Canada n’est pas le seul dans cette situation et la dépendance mondiale envers un pays pour répondre aux besoins mondiaux en IG pour les patients a conduit divers organismes consultatifs internationaux ainsi que l’industrie du fractionnement à publier des recommandations, dans le but d’encourager les autorités à mettre au point des stratégies afin de protéger et d’encourager la collecte locale de plasma en vue de répondre à la demande croissante de PDP.

Pour donner suite aux inquiétudes soulevées au sujet de l’état du marché concernant l’IG et la durabilité de l’approvisionnement en IG au Canada, Santé Canada a mis sur pied le Comité d’experts sur l’approvisionnement en immunoglobulines et ses répercussions au Canada (le Comité) en juillet 2017. Le mandat du Comité était d’évaluer la sécurité et la durabilité à long terme de l’approvisionnement en produits d’immunoglobuline du Canada et d’examiner les répercussions potentielles sur l’approvisionnement en sang canadien s’il était autorisé d’étendre considérablement la collecte de plasma au Canada.

Pendant huit mois, d’août 2017 à mars 2018, le Comité a engagé de nombreux experts et intervenants aux profils diversifiés, notamment des associations de patients et des groupes de professionnels de la santé, les deux fournisseurs de sang canadiens (FSC), plusieurs experts internationaux en réglementation et politiques publiques liées au domaine du sang et aux activités d’approvisionnement en sang ainsi que des représentants de l’industrie de fractionnement canadienne et internationale. Le Comité s’est réuni six fois et a assisté à des conférences internationales, a entrepris une vaste revue de la littérature et a consulté les provinces et les territoires (PT), le Comité consultatif national sur le sang et les produits sanguins ainsi que des fonctionnaires fédéraux responsables de la supervision de la réglementation en matière d’approvisionnement en sang et produits dérivés.

Le mandat du Comité n’était pas d’effectuer des recommandations précises, mais de fournir une base de renseignements qui éclairera les décisions prises par les gouvernements PT et fédéral afin d’assurer  un approvisionnement durable et sécuritaire en IG pour les patients canadiens ainsi que d’un approvisionnement en sang durable au Canada.

Le Comité était très au fait que la Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada (l’enquête Krever) déposait son rapport final vingt ans auparavant. L’enquête Krever s’était fortement concentrée sur le taux élevé d’infection de Canadiens hémophiles par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et l’hépatite C (VHC) engendrée par leur utilisation de concentrés de facteur de coagulation, lesquels sont des produits dérivés du plasma. Les changements effectués en vingt ans, à la suite de la publication des conclusions de l’enquête Krever, sont nombreux. Au cours de nombreuses discussions avec les intervenants au Canada et à l’international, il est apparu que le souvenir de la crise historique concernant la sécurité de l’approvisionnement en sang au Canada et dans d’autres pays dans le monde ne s’est pas estompé. Dans ce contexte, le Comité a fourni des efforts considérables afin de documenter les changements majeurs effectués au cours des vingt dernières années en réaction à cette tragédie.

Les patients recevant des IG peuvent être divisés en deux groupes principaux : ceux dont la vie dépend de ce médicament et pour qui il n’existe pas d’autres solutions et ceux dont la maladie peut bénéficier de l’utilisation des IG, mais pour qui il existe d’autres solutions thérapeutiques aussi disponibles. Il y a assez peu de maladies et de groupes de patients pour lesquels il a été démontré sans aucun doute que les IG sont efficaces, et ils représentent la majorité de l’utilisation d’IG.

Les patients atteints d’un déficit immunitaire primaire dépendent entièrement des IG pour survivre, celles-ci remplaçant les anticorps que ces patients ne peuvent produire par eux-mêmes. Les patients atteints d’un déficit immunitaire secondaire causé par d’autres maladies comme la leucémie lymphocytaire chronique et le myélome multiple peuvent aussi bénéficier d’IG comme thérapie de remplacement dans certains cas. Voici des exemples d’autres maladies pour lesquelles il a été démontré qu’elles peuvent réagir aux IG comme modificateur biologique : maladies neurologiques (polyneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique, myasthénie, syndrome de Guillain-Barré, neuropathie multifocale motrice) et purpura thrombocytopénique immunologique (PTI). Il existe de nombreuses autres situations où les IG sont utilisées par les cliniciens, mais la plupart d’entre elles ne sont pas soutenues par assez d’éléments de preuve.

La demande pour les IG continue de croître de façon stable au Canada (6 à 10 % par année) et à l’échelle mondiale. Le Canada est actuellement le deuxième plus grand consommateur mondial d’IG par habitant. En 2015-2016, les IG représentaient environ les deux tiers des dépenses totales en PDP au Canada et la valeur des IG utilisées pour les patients canadiens en 2015-2016 était d’environ 286 millions de dollars américains. Au Canada, la consommation d’IG par habitant varie selon les provinces, mais son utilisation s’est accrue dans toutes au cours des quinze dernières années. Québec est le plus grand utilisateur d’IG, par habitant, au cours des cinq dernières années, tandis que l’Ontario est le moins grand consommateur.

Malgré la demande croissante pour les IG au Canada et à l’échelle mondiale, le plasma et le secteur de fractionnement demeurent disponibles à l’échelle mondiale et le Comité ne craint pas un état d’urgence ni une crise liés à l’approvisionnement en IG pour les Canadiennes et Canadiens.

Le Comité a demandé à l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) s’il y avait un élément qui se profilait et qui risquait de modifier fortement la demande d’IG : une réduction subite de la demande en raison d’un produit de remplacement non dérivé du plasma ou une augmentation de la demande causée par des éléments de preuve démontrant que les IG peuvent avoir un effet bénéfique pour des maladies à prévalence élevée comme la grippe ou la maladie d’Alzheimer. À l’heure actuelle, aucun signe n’indique que le modèle de croissance de la demande d’IG soit amené à subir de grands changements à moyen terme.

Le Comité estimait qu’il était important de reconnaître que des pénuries ponctuelles peuvent arriver pour l’approvisionnement en IG et PDP et que certaines se sont produites au cours des dernières décennies. La crise de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) au Royaume-Uni a causé une crise aiguë dans l’approvisionnement en plasma local, ce qui a restreint l’approvisionnement en IG pour les patients du Royaume-Uni pendant une longue période. Néanmoins, les interruptions de production d’installations individuelles de fractionnement causent plus généralement les pénuries ponctuelles, ce qui a pour conséquence une pénurie à court terme du produit provenant de ce fournisseur. Habituellement, les clients sont en mesure d’avoir accès à des produits de remplacement grâce à d’autres fournisseurs. Il est probable que les risques de pénuries ponctuelles à l’avenir découlent de situations semblables à celles vécues actuellement. Une inquiétude a été soulevée concernant le faible risque lié à un ordre exécutif américain (pour la préparation des ressources liées à la défense nationale) ou à la rupture d’un accord commercial entre les États-Unis et le Canada qui compromettraient l’approvisionnement en IG ou en autres PDP; le Comité a conclu que c’est un aspect très difficile à prévoir.

Il est essentiel que des stratégies de gestion des risques en cas de pénurie ponctuelle ou prolongée soient mises en place au Canada. Au cours des quinze dernières années, tant la SCS que Héma-Québec ont mis en place des pratiques exemplaires en matière de processus d’approvisionnement afin de se prémunir d’une dépendance envers un fournisseur d’IG et d’atténuer le risque de problèmes de production locaux pouvant engendrer une pénurie ponctuelle. Un travail doit être effectué au Canada en vue de créer une liste nationale de priorité de groupes de patients dépendants des IG ainsi qu’un processus qui permettra un octroi approprié du produit en cas de pénurie ponctuelle ou prolongée.

Compte tenu de l’utilisation importante d’IG au Canada, plusieurs vérifications ont été menées dans différentes provinces afin de comprendre les habitudes d’utilisation de ce produit onéreux. Ces vérifications ont démontré qu’une proportion importante de l’utilisation d’IG ne correspond pas aux critères et lignes directrices établis. D’autres pays, notamment le Royaume-Uni, ont mieux optimisé l’utilisation appropriée d’IG pour les patients pour lesquels elle est indiquée, son taux d’utilisation par habitant est donc bien plus bas que celui du Canada. De façon générale, le Comité estime que le Canada doit fournir des efforts afin d’améliorer la gestion de l’utilisation des IG. Le Comité estime que le système de gestion de la demande d’IG au Royaume-Uni semble être prometteur. Il a renforcé le contrôle et la gestion des IG de façon continue (activités quotidiennes) et a déterminé un ordre de priorité pour les patients en cas d’interruption de l’approvisionnement (comme des problèmes de production qui engendrent des rappels et donc des pénuries temporaires).

Concernant l’approvisionnement en plasma, la préoccupation internationale au sujet de la dépendance mondiale importante envers les États-Unis pour la collecte de plasma par aphérèse, la matière brute utilisée pour fabriquer les IG et les PDP, ne cesse de croître. Dans l’ensemble, les États-Unis fournissent 74 % du plasma mondial destiné au fractionnement en IG et PDP. La majorité (plus de 90 %) de l’approvisionnement mondial en plasma par aphérèse est recueillie par le secteur commercial et provient de donneurs rémunérés dans des centres de collecte de plasma, la plupart d’entre eux étant situés aux États-Unis. La capacité de collecte commerciale de plasma par aphérèse a augmenté de manière constante aux États-Unis au cours des dix dernières années (elle a augmenté de 168 % entre 2004 et 2015). Cette augmentation se retrouve tant dans les centres existants de collecte commerciale de plasma par aphérèse que dans le nombre de nouveaux centres (augmentation de 55 %).

Ces expansions sont liées à la croissance de la demande mondiale pour les IG. Le Comité n’a trouvé aucun élément de preuve suggérant que le marché du plasma par aphérèse atteint son point de saturation. Les tarifs des IG sont restés très concurrentiels durant cette période de croissance importante de la demande pour les IG et les PDP, fait qu’on peut attribuer à la concurrence croissante de l’industrie du fractionnement et à la réduction des coûts continue, en partie liée aux économies d’échelle.

Comme mentionné précédemment, le Canada ne peut actuellement fournir que 17 % du plasma nécessaire à la fabrication d’IG et de PDP utilisés par sa population. Une dynamique semblable existe à l’échelle internationale pour de nombreux pays. Compte tenu de cette dépendance mondiale à l’égard des États-Unis pour ce qui est de la collecte de plasma, les gouvernements, les fournisseurs de sang et les organismes de politiques publiques du monde entier encouragent une collecte de plasma nationale davantage autosuffisante et préconisent l’utilisation de donneurs non rémunérés.

En 2012, le Québec a approuvé un plan d’Héma-Québec ciblant cette problématique par la mise en place d’installations dans différentes zones géographiques de la province où des donneurs bénévoles de Héma-Québec pourraient donner du plasma par aphérèse. Depuis 2013-2014, l’organisme a mis sur pied quatre centres Plasmavie et a presque doublé la quantité de plasma envoyé pour le fractionnement. Héma-Québec fournit maintenant environ 21 % du plasma nécessaire à la production d’IG et de PDP pour les patients dans la province. La SCS a aussi élaboré un plan d’affaires afin d’augmenter la collecte de plasma par aphérèse provenant de ses donneurs.

Le plasma par aphérèse est aussi recueilli par le secteur commercial au Canada. Prometic, un fabricant de PDP à Winnipeg, a exploité un centre de collecte de plasma par aphérèse rémunérant ses donneurs pendant de nombreuses années. Récemment, Canadian Plasma Resources (CPR) a obtenu un permis de collecte de plasma par aphérèse à Saskatoon, puis à Moncton au Nouveau-Brunswick. Les deux centres fonctionnent avec des donneurs rémunérés. Tant Prometic que CPR prévoient de s’agrandir au Canada.

L’une des dynamiques importantes qui affectent l’avenir de l’approvisionnement mondial en plasma est la position ferme des politiques publiques en faveur de l’utilisation de donneurs bénévoles non rémunérés pour la collecte de plasma par aphérèse et leur résistance face à l’idée de donneurs rémunérés. Cette position s’explique par des inquiétudes au sujet de la sécurité des produits fabriqués à partir de donneurs rémunérés, par des préoccupations éthiques concernant la marchandisation du plasma humain ainsi que par la crainte qu’une rémunération pour les dons de plasma par aphérèse diminue la mobilisation des donneurs bénévoles pour le sang total et le concentré de plaquettes d’aphérèse.

Concernant la sécurité, la tragédie mondiale des années 1980 (décrite au Canada par Krever) a conduit à un remaniement international majeur de la législation et de la réglementation, des systèmes et des processus impliqués dans le dépistage et les analyses des donneurs de sang et de plasma ainsi que de leurs dons, de la manipulation du plasma utilisé pour le fractionnement ainsi que du processus de fabrication impliqué dans la production de PDP. Les mesures actuelles permettant d’assurer la sécurité des IG et des PDP se fondent sur une approche à volets multiples. La plupart des mesures prises pour assurer la sécurité de ces produits sont inscrites dans les règlements et lois et s’appliquent à tous les donneurs de plasma, bénévoles ou rémunérés, ainsi qu’aux agences et installations recueillant et traitant le plasma pour fabriquer les PDP. En plus du cadre de réglementation, les associations de l’industrie de fractionnement disposent de programmes de qualité rigoureux (Quality Standards of Excellence, Assurance and Leadership [QSEAL], International Quality Plasma Program [IQPP], notamment) dont les exigences sont supérieures aux réglementations et qui augmentent par conséquent la sécurité des IG et des PDP. Le résultat de ces changements est considérable : aucun cas confirmé de maladie transmise par des PDP n’a été relevé depuis plus de vingt ans.

La question des donneurs rémunérés de plasma par aphérèse a souvent été abordée par les groupes de patients et les professionnels de la santé qui se sont adressés au Comité. Leurs réflexions correspondaient aux dynamiques internationales sur le sujet. Pour l’essentiel, les groupes de patients reconnaissaient les difficultés inhérentes à l’atteinte des cibles de collecte et du coût d’exploitation élevé lié à la collecte de plasma par aphérèse en quantité suffisante en cas d’utilisation exclusive de donneurs bénévoles non rémunérés. Compte tenu du remarquable dossier de sécurité des IG et des PDP au cours des vingt dernières années, la principale préoccupation des patients et des organismes qui les représentent n’est pas la question de l’utilisation de donneurs rémunérés, mais d’assurer un approvisionnement adéquat en plasma pour les besoins des patients, qui est pour eux le plus grand risque en matière de sécurité. Ils estiment que les donneurs rémunérés et non rémunérés sont nécessaires pour assurer un approvisionnement adéquat en IG et autres PDP pour les patients.

Le Comité a passé un temps considérable et a fourni de nombreux efforts afin d’examiner les activités de collecte de plasma chez les donneurs bénévoles et rémunérés. Les données sont intéressantes et reflètent les changements majeurs survenus dans le domaine du plasma et des PDP au cours des vingt dernières années. En Europe, en Australie et en Amérique du Nord, les seules administrations qui ont atteint l’autosuffisance à 100 % pour la collecte du plasma sont celles qui ont autorisé la rémunération des donneurs de plasma. Les administrations qui ont autorisé la rémunération des donneurs de plasma par aphérèse ont une capacité de collecte par habitant beaucoup plus élevée que celles qui l’ont interdite. De plus, le coût de collecte pour de grands volumes de plasma par aphérèse provenant de donneurs bénévoles est deux à quatre fois plus élevé que celui du modèle de collecte commerciale de plasma. Il reste donc plus économique pour les administrations d’acheter les IG et les PDP sur les marchés, issus du plasma de donneurs rémunérés. Finalement, les éléments de preuve indiquent que malgré le financement des fournisseurs de sang pour les aider à atteindre les cibles de collecte, afin de devenir autosuffisants, bien souvent, les programmes de plasma par aphérèse reposant sur les donneurs bénévoles n’arrivent tout simplement pas à atteindre leur cible.

Le Comité reconnaît que les termes « bénévolement/bénévole » et « rémunéré »
sont imparfaits pour faire la différence entre les donneurs et le don en lui-même,
mais qu’ils sont utilisés dans ce rapport pour différencier les donneurs/dons non
payés/non rémunérés et ceux qui sont payés/rémunérés. En aucun cas, le Comité
ne suggère qu’un quelconque don ne soit « involontaire » dans le sens d’obligatoire
ou de forcé. 

D’autres données mettent en lumière la nature changeante d’un donneur bénévole : des données provenant de l’Union européenne révèlent qu’en Europe, les mesures incitatives pour les donneurs bénévoles varient et que dans de nombreux cas, elles sont de valeur égale, voire supérieure à ce qui serait considéré comme une rémunération au Canada et dans d’autres administrations. Par conséquent, la définition d’un donneur bénévole est variable. De plus, les fournisseurs de sang sans but lucratif de longue date estiment que des mesures incitatives plus importantes seront nécessaires afin de maintenir la mobilisation et l’implication des donneurs bénévoles de sang et de plasma par aphérèse. Les plans récents annoncés par Sanquin, le service de transfusion national aux Pays-Bas, sont un bon exemple de cette tendance.

Le Comité a accordé une attention toute particulière à la question de savoir si le Canada devrait augmenter son autosuffisance en matière de collecte de plasma et dans quelle mesure, le cas échéant. Le Comité était fortement d’accord que le Canada contribue de manière beaucoup plus importante à la collecte de plasma par aphérèse. Le programme Plasmavie et le désir de la SCS d’augmenter la collecte de plasma par aphérèse provenant de ses donneurs sont des réactions adaptées à la dépendance majeure envers les États-Unis comme source de plasma. Au sujet de la mesure dans laquelle le Canada devrait être autosuffisant, il serait approprié que celui-ci soit en mesure de fournir, au minimum, assez de plasma pour répondre aux besoins du groupe dont la vie dépend réellement des IG, soit les patients atteints d’un déficit immunitaire primaire. Cela permettrait d’assurer la protection de ces patients dans le cas improbable d’une pénurie grave. Les cibles de volume supérieures à cette attente minimale devraient être liées aux besoins cliniques prioritaires.

Il est aussi important que la transformation visant à recueillir davantage de plasma par aphérèse par la SCS et Héma-Québec se fonde sur des principes d’affaires rigoureux, des enseignements tirés ainsi que sur des partenariats avec le secteur privé qui possède une expertise majeure dans ce domaine. Une collecte accrue de plasma par aphérèse par la SCS et Héma-Québec ne doit pas être entreprise à n’importe quel prix. Le surcoût associé à la collecte de volumes élevés de plasma par aphérèse provenant de donneurs bénévoles est important (entre deux et quatre fois plus élevé). D’ailleurs, la SCS le reconnaît et cela a été confirmé par les discussions tenues avec les autres administrations. Les administrations s’accordent de plus en plus sur le fait que les stratégies en matière d’autosuffisance devraient éliminer toute dépendance totale à un seul pays pour les donneurs de plasma par aphérèse et que celles-ci devraient atteindre un équilibre entre la dépendance au marché commercial et le surcoût lié à la collecte de plasma par aphérèse provenant de donneurs bénévoles locaux. En Australie, les questions de coûts et de faisabilité en matière de collecte de plasma par aphérèse provenant de donneurs non rémunérés ont été comparées aux avantages d’une autosuffisance plus importante : les cibles de collecte du plasma et les budgets associés sont régulièrement déterminés par la National Blood Authority (NBA) tandis qu’un approvisionnement en PDP à partir du marché commercial permet de combler les autres besoins de la population australienne.

Comme plusieurs provinces autorisent actuellement les activités commerciales liées au plasma, le Comité est d’avis que les solutions devraient être étudiées en profondeur afin que tout le plasma par aphérèse recueilli au Canada et provenant de donneurs canadiens (rémunérés ou bénévoles) soit accessible pour répondre aux besoins des patients canadiens. Il existe plusieurs mécanismes permettant d’atteindre cet objectif.

Finalement, le Comité reconnaît qu’au cours des deux dernières décennies, les FSC ont mis en œuvre plusieurs stratégies afin de protéger l’approvisionnement en IG et PDP pour les patients canadiens, notamment des stratégies d’approvisionnement, de collecte de plasma local destiné au fractionnement et récupéré, des garanties d’approvisionnement, l’utilisation du fractionnement sous contrat et le concept d’autosuffisance régionale. Ces stratégies devraient se poursuivre et être encouragées par la collecte de plasma par aphérèse par les FSC ainsi que par l’assurance que tout le plasma recueilli au Canada bénéficie  les patients canadiens.

L’une des principales questions sur lesquelles devait se pencher le Comité concernait l’incidence, le cas échéant, des collectes étendues de plasma par aphérèse sur l’approvisionnement en sang total. Le Comité a examiné le sujet sous divers points de vue et reconnaît que les recherches sur cette question sont limitées. La préoccupation se confond partiellement avec la baisse générale de la demande pour les globules rouges au cours des dix dernières années, très prononcée aux États-Unis, mais qui est clairement causée par des changements de pratiques de transfusion, lesquels ont engendré une baisse de la demande en sang. Toutefois, les données recueillies ne démontrent pas que l’intensification de la collecte de plasma par aphérèse, provenant de donneurs rémunérés ou non, a une incidence négative sur l’approvisionnement en sang total. Toutefois, il convient de signaler que c’est un sujet sur lequel d’autres recherches doivent être menées et qui nécessite une surveillance et une vigilance continues. L’un des éléments qu’il sera nécessaire de surveiller est de savoir si les activités liées au plasma par aphérèse peuvent affecter le recrutement de donneurs bénévoles en concentré de plaquettes d’aphérèse à l’avenir.

Lorsque le Comité a examiné l’ensemble du domaine lié à l’IG et au plasma, il a recueilli des renseignements qui lui ont permis de comprendre les tenants et les aboutissants des systèmes de réglementation mis en œuvre dans le but de protéger le public, au Canada et dans d’autres administrations. Dans l’ensemble, le Comité a conclu que la sécurité constante des IG et des PDP au cours des vingt dernières années reflétait une réglementation et une supervision efficaces des secteurs du sang, du plasma et des PDP. Sur plusieurs points, le Comité a trouvé que des améliorations pouvaient être envisagées afin de renforcer encore la supervision et de se conformer aux pratiques exemplaires internationales en évolution. Le Canada pourrait tirer avantage d’une approche plus structurée et constante en surveillance et sonnette d’alarme en cas de menaces concernant l’approvisionnement en sang. Actuellement, la plupart des activités de surveillance dépendent de divers jeux de données et de la diffusion volontaire de données par les PT, ce qui crée un retard dans les rapports et un manque de cohérence et de représentativité. Dans l’idéal, un comité devrait avoir pour mandat exclusif d’obtenir des données complètes de façon régulière et dans des délais raisonnables ainsi que de fournir régulièrement les analyses et conseils appropriés à Santé Canada ou aux PT concernant les menaces en évolution. Santé Canada devrait aussi envisager d’intégrer dans les réglementations sur le sang certaines normes volontaires mises au point par le secteur des PDP comme l’obligation de rapporter les données du donneur de plasma destiné au fractionnement (tant les taux de séroprévalence que les problématiques en matière de sécurité du donneur pour les donneurs de plasma par aphérèse compte tenu de leurs dons fréquents).

Bien que le thème de ce rapport soit d’assurer un accès continu à l’IG pour les Canadiennes et Canadiens, les groupes de patients ont aussi exprimé leurs inquiétudes au sujet des limites actuelles du système concernant l’accès aux autres PDP dont ils ont besoin. Le Comité trouve ces questions préoccupantes et suggère comme première mesure que l’ACMTS examine tout nouveau PDP envisagé pour les soins au Canada afin de clarifier son efficacité et ses indications appropriées. Une préoccupation majeure des groupes de patients et de certains cliniciens concernait la volonté d’inscrire les PDP dans les régimes d’assurance-médicaments provinciaux. Cette mesure augmenterait le coût des PDP pour de nombreux patients compte tenu des quotes-parts (un sujet que le Comité a considéré comme étant hors de son mandat). Toutefois, le Comité a remarqué que le traditionnel principe canadien voulant que les produits dérivés du plasma soient fournis gratuitement aux patients de même que les autres produits sanguins ou dérivés du sang doit être réaffirmé ou au moins réétudié par les PT et le gouvernement fédéral, de façon conjointe. Comme le plasma des donneurs de tout le pays est utilisé pour ces produits, et qu’il le sera potentiellement encore plus à l’avenir, une clarification de ce principe de longue date et l’élaboration d’une approche transparente dans tout le pays concernant l’accès équitable à ces produits seraient utiles.

En résumé, de nombreux changements ont eu lieu depuis la publication du rapport de l’enquête Krever en 1997. Les PDP sont sécuritaires et le secteur du plasma a été en mesure de réagir aux changements continuels de la demande au cours des vingt dernières années afin d’assurer les soins aux patients au Canada. De nouveaux produits sont mis au point afin de traiter de graves problèmes de santé. Nos FSC utilisent des stratégies sophistiquées soutenues par les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral afin d’assurer un approvisionnement stable de produits sécuritaires et abordables pour les patients au Canada. Toutefois, comme la plupart des autres pays, nous dépendons trop d’un seul pays (les États-Unis) pour l’approvisionnement en matière brute utilisée pour fabriquer ces produits. Le Canada doit recueillir davantage de plasma et prendre d’autres mesures afin d’améliorer son autosuffisance pour répondre aux besoins de ses citoyens en PDP. Comme cela a déjà été mentionné, plusieurs décisions doivent être prises et il est nécessaire de réfléchir à des stratégies. Lors de la mise en œuvre des stratégies, il faudra faire preuve de transparence envers le public et les partenaires, respecter les principes de saine gestion des affaires, avec souplesse lorsque cela est approprié, tenir compte des contribuables, porter une attention constante aux résultats et ajuster la capacité lorsque cela est nécessaire. Le Comité a rassemblé dans le présent rapport la plupart des éléments de preuve disponibles sur ces questions et le soumet respectueusement au sous-ministre de Santé Canada avec l’espoir qu’il conduira à des discussions de fond dans tout le pays sur ce sujet crucial en matière de soins de santé publics au Canada.

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