Amélioration des compétences culinaires : Synthèse des données probantes et des leçons pouvant orienter l'élaboration de programmes et de politiques

Le présent document a été rédigé par Cathy Chenhall M.H.Sc., Dtp pour le Groupe des modes de vie sains (GMVS) du  Réseau pancanadien de santé publique. Le Groupe de travail sur la collaboration stratégique du GMVS facilite chaque année des collaborations multisectorielles et multilatérales favorisant l'atteinte des objectifs de la  Stratégie pancanadienne intégrée en matière de modes de vie sains. Dans son plan de travail 2009-2010, le GMVS annonçait son appui à un projet de collaboration en matière de saine alimentation portant spécialement sur les compétences culinaires des enfants et des familles. Ce projet résulte d'une collaboration entre  l'Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, le Groupe fédéral-provincial-territorial en nutrition et le Groupe des modes de vie sains.

Table des matières

1.0 Sommaire

Les choix et les comportements alimentaires, et par conséquent la santé nutritionnelle, sont influencés par un certain nombre de déterminants individuels, collectifs et politiques complexes et inter reliés. De plus en plus de recherches confirment l'existence d'une relation entre les compétences culinaires et les choix alimentaires des enfants et des adolescents dans le contexte familial.

Au cours des dernières décennies, on a d'abord supposé, puis observé une transition ou évolution des compétences culinaires qui pourrait avoir un impact important sur la saine alimentation et la santé de la population canadienne à l'heure actuelle et à l'avenir. Ainsi, on observe une consommation accrue d'aliments prépréparés, emballés et prêts-à-servir. La préparation de tels aliments nécessite moins de compétences culinaires, ou des compétences différentes, par rapport à ce qu'on appelle souvent la cuisine traditionnelle ou « à partir d'ingrédients de base ». Parmi les facteurs ayant un impact sur la culture de la préparation des aliments au foyer, mentionnons certaines transformations technologiques au niveau du système alimentaire et des transformations plus globales de l'environnement social, économique, physique et culturel, notamment :

  • Une plus grande disponibilité des produits alimentaires (de base/crus et transformés).
  • Une amélioration des technologies d'entreposage, de préparation et de cuisson des aliments qui réduit le niveau de connaissances et de compétences culinaires requis.
  • Les exigences ou réalités de la participation au marché du travail en termes de temps et de moyens financiers.
  • Une transformation des priorités et valeurs familiales.
  • Une diminution des occasions d'acquérir des compétences culinaires, tant au foyer que dans le système public d'éducation.

Ce rapport vise à présenter une synthèse des connaissances actuelles entourant les compétences culinaires chez les enfants et les familles et à souligner les lacunes à combler en matière de recherche. Après avoir présenté un aperçu de l'état actuel de ces compétences à l'échelon national et international, nous insistons sur les conséquences de leur évolution, puis nous présentons les obstacles à surmonter et les occasions à saisir pour les améliorer dans le contexte familial.

Notre stratégie de recherche documentaire nous a permis d'identifier une quarantaine de publications directement pertinentes. Environ les deux tiers de celles-ci peuvent être considérées comme descriptives ou contextuelles, tandis que le dernier tiers présente les résultats d'interventions visant à améliorer les compétences culinaires chez divers sous-groupes de la population.

Pour ce qui est de la « transition » déjà mentionnée, il est impossible de confirmer l'état actuel des compétences culinaires chez les populations, les enfants et les familles ou d'identifier les modifications apportées à celles-ci compte tenu du peu de données nationales ou internationales quantifiables ou généralisables existantes. Malgré les limites entourant la comparaison de données recueillies au sein de populations différentes, à divers moments et à partir de méthodologies différentes, nous avons pu dégager les thèmes communs suivants suite à l'examen et à la synthèse des données de recherche pertinentes dont nous disposions :

  • Les mères ou les femmes (incluant aussi les adolescentes et les jeunes adultes) sont les principales responsables de la préparation des aliments au foyer; elles considèrent généralement avoir une plus grande confiance en soi et une meilleure efficacité dans l'exercice de ces fonctions.
  • Les mères sont les principales dispensatrices du savoir culinaire, soit par l'exemple ou l'enseignement, chez tous les groupes d'âge et groupes socioéconomiques; le système d'éducation vient en second lieu.
  • Les principales responsables des activités entourant l'alimentation au foyer accordent beaucoup de valeur à ces activités malgré la difficulté de tenir compte des besoins nutritionnels, des préférences alimentaires et des horaires de chacun des membres de la famille.
  • Chez les adolescents et les jeunes adultes, la fréquence des repas pris en famille et la fréquence de participation aux activités de préparation des aliments sont associées à la qualité de l'alimentation.
  • L'efficacité auto-perçue quant à l'application des compétences culinaires de base s'accroît généralement avec l'âge chez les deux sexes. Les données entourant l'efficacité auto-perçue chez les divers groupes socioéconomiques sont plutôt divergentes.
  • Le goût, la valeur nutritive, le coût et le temps sont les principaux facteurs qui influencent les décisions entourant le choix et la préparation des aliments chez tous les groupes socioéconomiques. Ces facteurs sont souvent conflictuels.
  • Les aliments prépréparés et prêts-à-servir font maintenant partie des habitudes alimentaires des enfants de tous âges et des familles.
  • Bien que les adolescents affirment qu'ils participent aux activités d'achat et de préparation des aliments, cette participation se limite à une ou deux fois par semaine. Les adolescentes en général et l'ensemble des adolescents appartenant à des groupes moins favorisés affirment qu'ils participent plus souvent à ces tâches que ceux provenant des groupes socioéconomiques intermédiaires ou supérieurs.
  • Les jeunes adultes affirment qu'ils participent très peu aux activités d'achat et de préparation des aliments, bien qu'ils considèrent avoir suffisamment de compétences et de ressources à cet égard.
  • Les répondants provenant de groupes socioéconomiques défavorisés affirment qu'ils cuisinent davantage à partir d'ingrédients de base et qu'ils utilisent moins d'aliments prêts-à-servir par rapport aux autres groupes socioéconomiques.

En ce qui a trait aux conséquences de la transition ou de l'évolution des compétences culinaires, le peu de données existantes ne permet pas de confirmer l'existence d'une relation directe entre les compétences culinaires et la santé.

La recherche et les données nationales et internationales entourant l'achat et la consommation des aliments confirment une évolution des choix et comportements alimentaires. Ainsi, les divers sous-groupes de la population achètent, « assemblent » et consomment davantage d'aliments prépréparés et prêts-à-servir au quotidien. Les résultats de plusieurs études révèlent que les aliments transformés, prépréparés et prêts-à-servir font maintenant partie des moeurs alimentaires des personnes et des familles chez tous les sous-groupes de la population. Cet état de fait entraîne probablement un manque de transmission des compétences culinaires de base ou des compétences en matière de cuisine traditionnelle « à partir d'ingrédients de base » entre les parents (surtout les mères), les enfants et les adolescents bien que cela ait constitué le principal mode de transmission du savoir culinaire jusqu'à maintenant. De nombreuses personnes sont d'avis que les enfants et les adolescents qui n'ont pas eu l'occasion d'observer et de mettre en pratique la préparation d'aliments à partir d'ingrédients de base dans leur milieu familial ne disposeront pas des compétences culinaires nécessaires pour faire des choix éclairés dans un environnement alimentaire de plus en plus complexe. Dans le même ordre d'idées, plusieurs projets de recherche récents ont révélé qu'une faible efficacité en matière de préparation des aliments et l'insuffisance auto-perçue de compétences culinaires sont des obstacles à surmonter lors du choix des aliments. Il en résulte probablement une plus grande dépendance envers les aliments préparés ou prêts-à-servir, la consommation d'une variété plus restreinte d'aliments et une détérioration des compétences culinaires.

Parmi les obstacles potentiels les plus fréquemment identifiés quant à l'élaboration de stratégies ou interventions visant à améliorer les compétences culinaires des enfants dans le contexte familial, mentionnons le temps, le choix d'aliments pouvant satisfaire à la fois la famille et les individus et la moindre valeur accordée aux compétences culinaires nécessaires à la préparation d'aliments à partir d'ingrédients de base ou à la cuisine traditionnelle. Le manque de données probantes sur les caractéristiques des stratégies ou interventions efficaces chez les divers groupes d'âge et sous-groupes de la population représente probablement un obstacle encore plus important à surmonter. Bien que les interventions publiées aient généralement eu des résultats plutôt moyens, certaines études ont révélé que les interventions visant à améliorer les compétences culinaires représentent un point de départ vers l'amélioration des habitudes alimentaires. Selon plusieurs chercheurs, il est toutefois peu probable qu'en s'attaquant à seul obstacle à la fois, on puisse changer radicalement les comportements alimentaires, surtout chez les adultes. Malgré l'absence d'orientations définitives, les données probantes actuelles et l'expérience acquise indiquent que les programmes ou interventions qui visent expressément les enfants tout en prévoyant un certain niveau de participation des adultes ou des parents devraient présenter les caractéristiques suivantes (pas nécessairement dans l'ordre) :

  • S'appuyer sur des fondements théoriques explicites ou, à tout le moins, sur un ensemble d'hypothèses réalistes qui présentent un intérêt pour la collectivité.
  • Fournir surtout des occasions d'apprentissage pratique favorisant l'acquisition de compétences culinaires et l'amélioration de la confiance en soi et de l'efficacité auto-perçue tout en encourageant les enfants et les adolescents à participer aux activités de préparation des aliments au foyer.
  • Prévoir une auto-évaluation du changement des habitudes et comportements alimentaires chez les élèves des écoles intermédiaires et secondaires et aussi chez les parents et les adultes.
  • Faire participer les parents à la mise en oeuvre et à l'évaluation, soit directement ou en tant qu'intermédiaires, selon l'âge des enfants.
  • Être axés sur la communauté et cibler des groupes spécifiques de la population en tenant compte du contexte social des choix alimentaires et des pratiques culinaires.
  • Offrir un contenu permettant aux apprenants de surmonter les obstacles à l'amélioration des choix alimentaires et des pratiques culinaires dans un environnement physique et social plus global.
  • Fournir des conditions propices à l'apprentissage, notamment un soutien social et un renforcement positif sur une base régulière.
  • Viser des objectifs spécifiques mesurables fixés par les participants.
  • Démontrer qu'on peut planifier, préparer et servir en peu de temps des repas sains et économiques en misant sur le « goût d'apprendre ».
  • Être offerts pendant une période suffisante.

Malgré les limites constatées au niveau des données de surveillance et d'intervention, les renseignements présentés dans cette synthèse indiquent que les préoccupations entourant la transition des compétences culinaires et l'impact potentiel de celle-ci sur les choix alimentaires, la santé et les disparités en matière de santé ne sont pas sans fondement. Ils confirment en outre la nécessité de procéder à de nouvelles recherches et d'améliorer la surveillance pour mieux comprendre les déterminants, la prévalence et les caractéristiques des compétences culinaires chez les enfants et les familles du Canada et agir en conséquence. Il faudra en outre explorer plus avant l'impact des compétences culinaires sur les choix alimentaires, la qualité de l'alimentation et la santé nutritionnelle chez tous les sous-groupes de la population retenus.

2.0 Introduction et but

Les choix et les comportements alimentaires, et par conséquent la santé nutritionnelle, sont influencés par un certain nombre de déterminants individuels, collectifs et politiques complexes et inter reliésNote de bas de page 1. De plus en plus de recherches confirment l'existence d'une relation entre les compétences culinaires et les choix alimentaires des enfants et des adolescents dans le contexte familial.

Parallèlement à l'évolution de la nutrition observée dans le monde industrialisé au cours des dernières décennies et plus récemment dans le monde en développement, une transition ou évolution des compétences culinaires a été supposée, puis observée. Celle-ci pourrait avoir un impact important sur la saine alimentation et la santé de la population canadienne, à l'heure actuelle et dans le futur. Cette évolution de la nutrition se caractérise par des modèles de consommation alimentaire où on observe une densité énergétique plus élevée (par rapport à la densité nutritionnelle) ainsi qu'une teneur plus élevée en lipides totaux et saturés, en sodium, en sucres ajoutés et en glucides simples et une teneur inférieure ou variable en fruits, légumes, produits céréaliers à grains entiers et légumineusesNote de bas de page 2-Note de bas de page 5. Cette évolution de la nutrition a été accompagnée d'une évolution des compétences culinaires puisque la consommation accrue à d'aliments prépréparés, emballés et prêts-à-servir exige moins de compétences culinaires ou des compétences différentes par rapport à la cuisine traditionnelle « à partir d'ingrédients de base »Note de bas de page 6.

Tout comme l'évolution de la nutrition observée partout dans le monde, l'évolution des compétences culinaires est due à l'interaction d'un certain nombre de facteurs dans un environnement social, économique et physique complexe qui est en constante transformation à l'échelon national et international. Ainsi, certains changements ont été observés dans les systèmes alimentaires mondiaux, comme la participation des femmes au marché du travail et une diminution des occasions d'acquérir des compétences culinaires aussi bien au foyer que dans le milieu scolaireNote de bas de page 6. Ces tendances et problématiques soulèvent de plus en plus d'intérêt quant à l'état des compétences culinaires au sein de la population en général et de certains sous-groupes de la population. On s'interroge sur l'impact de l'évolution des compétences culinaires sur les choix alimentaires et aussi sur la santé nutritionnelle et la santé globale.

Ce rapport vise à présenter une synthèse des connaissances actuelles entourant les compétences culinaires chez les enfants et les familles et à souligner les lacunes à combler en matière de recherche. Après avoir présenté un aperçu de l'état actuel de ces compétences à l'échelon national et international en nous appuyant en grande partie sur des données contextuelles peu quantifiables, nous insistons sur les conséquences de leur évolution, puis nous présentons les obstacles à surmonter et les occasions à saisir pour les améliorer dans le contexte familial.

Cette recherche documentaire représente le premier volet du projet intitulé « Amélioration des compétences culinaires : synthèse des données probantes et des leçons pouvant orienter l'élaboration de programmes et de politiques ». Le second volet de ce projet renferme une description d'activités et de programmes visant à améliorer les compétences culinaires qui ont été sélectionnés à l'échelon national et international dans le but d'en tirer des leçons.

3.0 Méthodologie et stratégie de recherche

Notre recherche documentaire visait à identifier des publications décrivant l'état actuel des connaissances entourant les compétences culinaires, surtout chez les enfants et les familles et les lacunes à combler en matière de recherche.

Nous avons effectué des recherches dans les bases de données électroniques indexées suivantes : MEDLINE/Pubmed/NLM Gateway, EMBASE, CINAHL, Cochrane Library et ERIC à partir des mots et expressions suivants : determinants of cooking skills, determinants of food preparation skills, cooking skills and transition, food preparation skills and transition, cooking skills and children, food preparation skills and children, cooking skills and families, food preparation skills and families, food deskilling and children, food deskilling and families, cooking skills and food security, food preparation skills and food security, cooking skills and health, food preparation skills and health (déterminants des compétences culinaires, déterminants des compétences en préparation des aliments, compétences en cuisine et transition, compétences en préparation des aliments et transition, compétences culinaires et enfants, compétences en préparation des aliments et enfants, compétences culinaires et familles, compétences en préparation des aliments et familles, perte de compétences culinaires et enfants, perte de compétences culinaires et familles, compétences culinaires et sécurité alimentaire, compétences en préparation des aliments et sécurité alimentaire, compétences culinaires et santé, compétences en préparation des aliments et santé). Nous aussi effectué une recherche globale dans Internet à l'aide des moteurs de recherche Google, Google-Scholar et Bing en utilisant des sous-ensembles des mots et expressions ci-dessus.

Nous avons également recueilli des informations non scientifiques par divers mécanismes : communications avec des chargés de projet ou des membres du Groupe de travail sur la collaboration stratégique (GTCS) du Groupe des modes de vie sains et recherche dans Internet en général. Nous avons aussi consulté d'autres sources documentaires à partir des hyperliens contenus dans des bases de données électroniques indexées qui menaient à des « articles connexes » ou à des listes de références.

Notre recherche s'est limitée à la documentation en langue anglaise, notamment aux articles publiés depuis 2002, sauf dans le cas des articles sentinelles. Afin d'orienter nos travaux de recherche et de synthèse, nous avons élaboré et appliqué les critères suivants, en consultation avec le GTCS :

  • La priorité a été accordée aux publications ou documents traitant des enfants et des familles en santé, autonomes et exempts de maladies et d'affections (p. ex. autisme, troubles alimentaires, déficits d'apprentissage, lésions cérébrales, etc.) dans le contexte canadien et nord-américain.
  • Nous avons inclus des publications examinant la relation entre les compétences culinaires et l'obésité juvénile, bien que cette problématique ne fasse pas directement l'objet de la présente synthèse.
  • Étant donné que les enfants vivent dans l'environnement familial, nous n'avons pas fixé d'intervalle d'âge afin d'inclure autant que possible l'ensemble des enfants. La stratégie globale de recherche et les termes utilisés incluaient les minorités ethniques et tous les groupes socioéconomiques.

4.0 Constations

La recherche effectuée dans les bases de données indexées nous a permis de relever un grand nombre de références respectant les critères mentionnés ci-dessus. Après avoir examiné la pertinence des titres et des sommaires, nous avons retenu plus de cinquante-cinq (55) publications renfermant les termes ou expressions de recherche utilisés dont une quarantaine étaient directement pertinentes dans le cadre du présent rapport. Les deux tiers environ de ces quarante (40) publications pouvaient être décrites comme descriptives ou contextuelles, tandis que les autres présentaient les résultats d'interventions entourant les compétences culinaires chez divers sous-groupes de la population.

Tel que mentionné lors de la description de notre stratégie de recherche, les publications traitant de la relation entre les compétences culinaires et l'excès de poids et l'obésité chez les enfants n'étaient pas directement visées. Nous les avons quand même considérées, compte tenu de leur pertinence en matière de santé publique dans l'optique de la Stratégie pancanadienne intégrée en matière de modes de vie sains. Cela étant dit, notre examen a révélé que toutes ces publications insistaient sur le rôle important des parents à l'égard de l'adoption et du maintien de saines habitudes en matière d'alimentation et d'activité physique chez les enfants, de la naissance à l'âge adulte. Ce sujet sera traité plus en détail à la section 4.1.3 : « Points saillants des recherches décrivant les compétences culinaires », plus particulièrement sous le titre « adultes ».

Nous avons aussi tenté d'identifier des recherches portant sur la relation entre la sécurité alimentaire et les compétences culinaires, compte tenu de l'intérêt grandissant envers l'interrelation potentielle entre les compétences culinaires et les disparités en matière de santé. Bien que souvent considérée comme un comportement individuel, comme nous l'expliquerons plus loin dans cette synthèse, l'acquisition de compétences culinaires dépend aussi de certains facteurs structurels, comme les normes culturelles et les politiques en matière d'éducationNote de bas de page 7. Nous présentons les points saillants de quelques publications pertinentes à cet égard dans la section 4.1.3 déjà mentionnée, plus particulièrement sous les titres « enfants d'âge préscolaire », « jeunes enfants » et « adultes ». La majorité des articles identifiés à partir de l'expression « sécurité alimentaire » présentent les résultats de projets de recherche menés auprès de personnes et de familles appartenant à des groupes socioéconomiques défavorisés; le niveau de sécurité alimentaire n'était pas toujours quantifié.

4.1 État des competences culinaires chez les populations, les enfants et les familles

4.1.1 Transition ou perte des compétences culinaires chez les consommateurs ?

Relativement peu de données nationales et internationales, à la fois quantifiables et généralisables, permettent de décrire l'état actuel et la transition des compétences culinaires chez les populations, les enfants et les familles. Malgré ce manque de données, on observe de plus en plus de débats et de préoccupations à cet égard depuis une décennie, aussi bien chez le grand public que chez les universitaires. Cet état de fait a même stimulé la recherche en de nombreux endroits. Ainsi, au Royaume-Uni, les changements apportés au National Curriculum (programme pédagogique national) des écoles publiques vers la fin des années 1990 pour tenir compte de l'évolution des compétences culinaires ont considérablement stimulé la recherche et les discussionsNote de bas de page 6-Note de bas de page 8. Les éléments importants de cette réforme sont expliqués dans la présente synthèse.

Tel que mentionné, plusieurs changements technologiques au niveau des systèmes alimentaires ainsi que des changements plus globaux observés dans l'environnement social, économique, physique et culturel sont les principaux facteurs qui influencent la culture de la préparation des aliments dans le milieu familial :

  • Une plus grande disponibilité des produits alimentaires (de base/crus et transformés).
  • Une amélioration des technologies d'entreposage, de préparation et de cuisson des aliments qui réduit le niveau de connaissances et de compétences culinaires requis.
  • Les exigences ou réalités de la participation au marché du travail en termes de temps et de moyens financiers.
  • Une transformation des priorités et valeurs familiales.
  • Une diminution des occasions d'acquérir des compétences culinaires, tant au foyer que dans le système public d'éducationNote de bas de page 6,Note de bas de page 9-Note de bas de page 11.

Outre ces facteurs, la « transition nutritionnelle » observée partout au monde au cours des dernières décennies a eu un impact important sur les compétences culinaires, surtout en raison de la disponibilité accrue d'aliments transformés, prépréparés et prêts-à-servir dans les secteurs de l'alimentation au détail et des services alimentaires. Cette évolution a entraîné un changement important des modèles de consommation alimentaire chez des cultures entières (tant dans les pays développés qu'en développement), ce qui a eu un impact négatif sur la santé nutritionnelle et la santé globale. Ainsi, on a observé une augmentation considérable de certaines maladies chroniques et affections d'origine nutritionnelle, comme l'excès de poids et l'obésitéNote de bas de page 2-Note de bas de page 5. En plus de l'impact mentionné sur les compétences culinaires, Lang et CaraherNote de bas de page 6 soutiennent qu'une « transition culinaire » s'est produite. Ils décrivent celle-ci comme « ... le processus par lequel des cultures entières changent essentiellement la nature et le type de compétences nécessaires au choix, à la préparation et à la consommation des aliments ». Les préoccupations soulevées par cette transition culinaire et ses effets appréhendés sur les consommateurs au niveau des choix alimentaires, des saines habitudes alimentaires, et par conséquent sur la santé nutritionnelle et l'autonomie alimentaire, ont entraîné la formulation de recommandations visant à améliorer le soutien offert par des professionnels ou l'État quant à l'acquisition généralisée de compétences culinaires de base, au moins dans un pays. Dans une optique un peu différente, ShortNote de bas de page 12-Note de bas de page 14 et LyonNote de bas de page 9 reconnaissent une transition ou évolution continuelle de la culture des compétences culinaires. Ils affirment que cette transition est inévitable, compte tenu de l'évolution observée continuellement sur le plan social, écologique et technologique, et qu'elle ne devrait pas nécessairement entraver les efforts visant à favoriser des choix alimentaires sains ou de saines habitudes alimentaires et à augmenter le plaisir entourant la préparation des aliments.

Par contre, plusieurs autres chercheursNote de bas de page 10, Note de bas de page 11 considèrent la modification des compétences culinaires comme un processus largement négatif qui entraîne une perte de compétences. Selon eux, la restructuration importante et planifiée de l'industrie agroalimentaire et des systèmes alimentaires a entraîné une perte de compétences à la fois chez les travailleurs de la transformation alimentaire et chez les consommateurs. Cette restructuration a eu et continuera d'avoir des retombées importantes sur les choix et habitudes alimentaires et l'état de santé des consommateurs. Dans le même ordre d'idées, Jaffe et GertlerNote de bas de page 10 et KornelsonNote de bas de page 11 soutiennent que cette tendance continuera à creuser un fossé entre les consommateurs, les établissements de production des aliments et les procédés utilisés, notamment en ce qui a trait aux produits alimentaires de base, ce qui est dans l'intérêt de l'industrie. Compte tenu de cette perte de compétences en alimentation et de la disponibilité de produits alimentaires emballés, transformés et « industriellement transformés » de plus en plus complexes, de nombreux consommateurs n'ont plus les connaissances requises pour prendre des décisions éclairées en matière d'alimentation dans une optique de qualité, de santé, d'environnement durable et de développement économique localNote de bas de page 10, Note de bas de page 11.

Un rapport produit pour Agriculture et Agroalimentaire Canada en 2005, intitulé « Tendances alimentaires au Canada d'ici à 2020 : perspectives de la consommation à long terme », reprend certains éléments des deux points de vue mentionnés ci-dessus. Ce rapport présente les principales tendances alimentaires d'ici 2020 :

  • Perte d'intérêt des consommateurs envers la préparation des aliments caractérisée par des habitudes d'achat et de consommation alimentaire irrégulières, une diminution du temps consacré à la préparation des aliments et à la planification du cycle de menus, une multiplication des collations et une plus grande utilisation d'aliments à emporter, ce dernier facteur ayant un impact sur les quantités de déchets en termes d'aliments et d'emballages.
  • Transformation des modèles de dépenses alimentaires due à la consommation d'une plus grande proportion de mets prépréparés ou à emporter.
  • Plus grande différenciation des produits pour répondre aux attentes des consommateurs en matière de qualité, fraîcheur, saveur et valeur nutritive dans une optique de santé tout en tenant compte des spécificités ethniques. La valeur des produits est associée à la plus grande facilité de préparation possibleNote de bas de page 9-Note de bas de page 15.

En plus des tendances du système alimentaire et des influences qui s'exercent sur les compétences culinaires, le changement social résultant de la participation croissante des femmes au marché du travail en tant que main-d'oeuvre salariée au cours des dernières décennies a été associé à une transformation des choix et habitudes alimentaires et des activités de préparation des aliments. Les femmes demeurent les principales responsables de la planification des menus, du choix et de la préparation des aliments dans l'environnement familial chez tous les groupes socioéconomiquesNote de bas de page 6, Note de bas de page 7, Note de bas de page 9, Note de bas de page 10, Note de bas de page 16, Note de bas de page 17. Les contraintes de temps résultant de la participation des femmes au marché du travail ont fait naître un marché pour les aliments prépréparés et prêts-à-servirNote de bas de page 6. Les fabricants et détaillants en alimentation se sont empressés de réagir à ce nouveau marché et aussi d'en profiter, aux dires de certainsNote de bas de page 6.

Les tendances observées au niveau de la société et des systèmes alimentaires laissent entrevoir une transition entre la préparation des aliments au foyer à partir de produits et d'ingrédients de base et la consommation d'aliments déjà préparés dans une société qui compte sur le labeur d'autruiNote de bas de page 10, Note de bas de page 11. Certains prétendent même que les compétences culinaires traditionnelles (transformation d'ingrédients crus en mets ou repas complets adaptés culturellement) sont maintenant inutiles et désuètes compte menu de la disponibilité d'aliments préparésNote de bas de page 6,Note de bas de page 9. Bien qu'on présente habituellement cet état de fait comme une innovation des systèmes alimentaires imposée injustement aux principales responsables de la préparation des aliments, plusieurs chercheurs soulignent que l'utilisation d'aliments de plus en plus prêts-à-servir est une solution de rechange compétitive, présentant des avantages comparables chez les consommateurs et les familles qui n'apprécient pas les aliments traditionnels, qui n'aiment pas préparer les repas, qui ne jugent pas avoir les compétences nécessaires à cet égard ou qui n'accordent aucune valeur ou priorité à la cuisine traditionnelleNote de bas de page 6, Note de bas de page 9, Note de bas de page 12, Note de bas de page 14. En ce qui a trait aux contraintes de temps souvent présentées comme un obstacle à la cuisine et à la saine alimentation, plusieurs sources ont souligné que le temps économisé par l'utilisation d'aliments prépréparés et prêts-à-servir est essentiellement consacré aux décisions alimentaires, aux achats dans des supermarchés de banlieue ou chez d'autres détaillants en alimentation ainsi qu'au réchauffement et à l'assemblage des alimentsNote de bas de page 6, Note de bas de page 9, Note de bas de page 18.

Les intervenants du système alimentaire, notamment les transformateurs, les détaillants et les restaurateurs, ont une influence indéniable sur les choix alimentaires et les habitudes de consommation. Selon Cash, Goddard et LerohlNote de bas de page 19, l'industrie alimentaire est la porte d'entrée des choix alimentaires puisque c'est elle qui décide des produits offerts; elle tente en outre de modifier les comportements des consommateurs par certaines stratégies de marketing. L'innovation s'appuyant sur des études de marché scientifiques est une activité essentielle de l'industrie alimentaire. Au cours des dernières années, l'industrie a collaboré avec des organisations non gouvernementales, des gouvernements nationaux et internationaux et des instituts de recherche paragouvernementaux. Elle a tenu compte de leurs recommandations et de leurs politiques lors de l'élaboration de produits plus sains à l'intention des consommateurs qui veulent respecter les lignes directrices, normes et politiques nationales et internationales en matière d'alimentation. Pour avoir du succès, ces nouveaux produits doivent cependant être savoureux, pratiques et offerts à un prix raisonnable puisque ces facteurs traditionnels demeurent importants aux yeux des consommateursNote de bas de page 19.

Par ailleurs, tel que mentionné, l'industrie alimentaire a réagi activement par l'innovation et le développement de produits et aussi en offrant des informations et de la formation sur les tendances sociétales. Cela lui a permis d'avoir un impact sur l'apprentissage des enfants et des familles en matière d'alimentation et sur le choix des alimentsNote de bas de page 20. Reconnaissant l'importance que les politiques publiques aient des retombées positives autant sur l'activité industrielle (c.-à-d. profits) que sur la santé publique (c.-à-d. amélioration de la santé), de nombreuses associations commerciales nationales et internationales d'un peu partout au monde ont profité de l'occasion qui leur était offerte de participer activement à des initiatives visant l'élaboration de politiques alimentaires ou nutritionnelles, dans une optique de santé, au cours des dernières décenniesNote de bas de page 19.

En plus du contexte restreint de la préparation quotidienne des aliments et des repas par les femmes en tenant compte des contraintes de temps, on observe actuellement un intérêt croissant pour la cuisine créative ou récréative, un peu plus chez les hommes et les jeunes adultesNote de bas de page 9. Tel que mentionné, Lyon et coll.Note de bas de page 9 affirment qu'il est sans doute essentiel de valoriser la dimension créatrice ou artisanale des compétences culinaires au foyer « ... puisque les gens n'ont plus besoin d'acquérir des compétences culinaires pour survivre, ils peuvent facilement se convaincre que leur santé ne sera pas affectée par le menu offert... ».

Le manque d'occasions offertes aux enfants et aux jeunes d'acquérir des compétences culinaires de base, « traditionnelles » ou « à partir d'ingrédients de base » auprès de leurs parents (surtout les mères) et des membres de la famille élargie, ce qui représentait historiquement la principale voie de transmission de ces compétences, a été cité comme un effet indésirable des changements observés dans l'environnement familialNote de bas de page 6, Note de bas de page 9. La recherche confirme que des populations (certains sous-groupes étant plus touchés que d'autres) doivent se satisfaire d'un choix limité d'aliments en raison de la méconnaissance de certaines techniques culinaires ou du manque de confiance en soi quant à la mise en pratique de ces techniques ou à la préparation de certains aliments, compte tenu des contraintes de temps, du manque d'occasions d'apprentissage ou d'exemples offerts à cet égard dans le milieu familialNote de bas de page 6, Note de bas de page 7, Note de bas de page 16, Note de bas de page 17. En s'appuyant sur la perte des compétences culinaires entraînée par la transition culinaire, certains auteurs soutiennent qu'il faut concevoir des processus permettant aux générations actuelles et futures d'acquérir des compétences culinaires « traditionnelles » et de les transmettre par la suite pour éviter une détérioration des choix alimentaires et de la santé nutritionnelle chez les consommateursNote de bas de page 6. D'autres auteurs sont plutôt d'avis que les aliments prêts-à-servir peuvent jouer un rôle dans la transmission des compétences culinaires d'une génération à l'autreNote de bas de page 12-Note de bas de page 14.

Les modifications apportées aux programmes scolaires dans plusieurs pays, dont le Canada, soulèvent des préoccupations additionnelles quant à l'acquisition de compétences culinaires chez les enfants et les jeunes puisque l'apprentissage offert par le système d'éducation a traditionnellement été identifié comme la seconde voie, en ordre d'importance, d'acquisition de connaissances et de compétences à cet égardNote de bas de page 6,Note de bas de page 7. StittNote de bas de page 8 précise que dans les cas où les cours de nutrition ou d'alimentation ont été maintenus dans les programmes scolaires, il s'agit de cours « optionnels » (non obligatoires). Ces cours ont été adaptés pour insister davantage sur la technologie, la production et la commercialisation des aliments dans une optique industrielle ou commerciale; ils ne visent pas l'acquisition des compétences essentielles à la vie quotidienne au foyer. On peut donc s'attendre à une dépendance accrue à l'égard des aliments prépréparés et prêts-à-servir en tant que conséquence d'un tel changement. En plus d'avoir une valeur nutritive inférieure à celle des aliments traditionnels préparés au foyer; ces aliments coûtent plus cher. Cet état de fait pourrait avoir un impact encore plus important chez les familles à faible revenuNote de bas de page 8. StittNote de bas de page 8 arrive à la conclusion que le manque de transmission des compétences culinaires dans le système d'éducation aura un impact généralisé sur la culture de l'alimentation et de la consommation alimentaire. On met ainsi de côté l'une des stratégies de promotion de la santé les plus efficaces, à savoir la capacité des personnes et des familles de faire des choix alimentaires éclairés.

4.1.2 Description de l'état actuel des compétences culinaires : obstacles à surmonter et consésequences

Tel que mentionné, peu importe la perspective, on traite depuis un certain temps de la perte des compétences culinaires dans des documents scientifiques ou destinés au grand public. On retrouve toutefois peu de données quantifiables à l'appui de cette tendance. Bien que plusieurs projets aient permis d'obtenir des données transversales, on manque toujours de données longitudinales ou de surveillance qui permettraient de surveiller et de comparer les tendances en matière de compétences culinaires chez divers sous-groupes de la population et de publier des rapports à cet égard.

Dans les cas où des données existent, l'absence de définition des compétences culinaires ou l'utilisation de définitions non uniformes ainsi que l'utilisation de méthodologies et d'indicateurs différents dans les divers projets de recherche limitent les comparaisonsNote de bas de page 6, Note de bas de page 7, Note de bas de page 9, Note de bas de page 12, Note de bas de page 13. Plusieurs auteursNote de bas de page 9,Note de bas de page 12,Note de bas de page 13 soutiennent que les définitions souvent prises pour acquis devraient évoluer. Il faut en effet s'éloigner de la perception de l'âge d'or de la cuisine (surtout après la Seconde Guerre mondiale où la technologie et les ingrédients de base étaient plutôt rares, ce qui exigeait plus de connaissances et de compétences culinaires) pour mieux tenir compte du contexte alimentaire, social et sociétal actuel. ShortNote de bas de page 12, Note de bas de page 13 fait valoir que la cuisine moderne nécessite une meilleure maîtrise de la gestion du temps et aussi davantage de planification, de jugement et d'organisation. En plus des compétences en cuisine traditionnelle, elle nécessite l'utilisation de techniques souvent décrites comme étant d'ordre mécanique et pratique.

Le service de santé publique de la région de Waterloo (Ontario) a récemment formulé une ébauche de définition des compétences alimentaires dans le cadre de sa planification fondée sur des données probantes et l'expérience pratique, suite à la publication des Normes de santé publique de l'Ontario 2008. Ces normes stipulent que les services de santé publique doivent offrir « des occasions d'acquérir des compétences en matière d'alimentation et de saine alimentation chez les populations jugées prioritaires »Note de bas de page 21. Cette définition s'inscrit en grande partie dans l'optique des recherches de ShortNote de bas de page 12; elle tient compte de tout l'éventail des définitions des « compétences alimentaires » utilisées lors de l'élaboration de programmes et de services; elle insiste sur le fait que ces compétences sont décrites dans le contexte domestique et qu'elles sont nécessaires à l'atteinte des objectifs du ménage en matière d'alimentation. Les compétences alimentaires sont définies comme suit :

« À l'échelon de la personne et du ménage, les compétences alimentaires sont un ensemble de compétences complexes, inter reliées et axées sur la personne qui sont nécessaires à la préparation et au service de repas sécuritaires, nutritifs et culturellement adaptés à tous les membres du ménageNote de bas de page 21. »

Les compétences alimentaires incluent les éléments suivants :

  • Connaissances (en alimentation, nutrition, lecture des étiquettes des aliments, salubrité des aliments et substitution des ingrédients).
  • Planification (organisation des repas, respect du budget alimentaire et enseignement des compétences alimentaires aux enfants).
  • Conceptualisation (utilisation créative des restes, adaptation des recettes).
  • Techniques mécaniques (techniques de préparation des aliments : hacher, couper, mélanger, faire cuire les aliments, tel qu'indiqué dans les recettes).
  • Perception des aliments (perception sensorielle de la texture et de la saveur lors de la préparation des aliments)Note de bas de page 21.

4.1.3 Points saillants des recherches décrivant les compétences culinaires

Notre stratégie de recherche nous a permis d'identifier plusieurs documents de référence pertinents dans le cadre de notre synthèse de la littérature. Dans de nombreux cas, ces références comportaient des données de recherche spécifiques à certains sous-groupes d'âge en s'appuyant sur une définition élargie des enfants. Nous avons aussi tenu compte des résultats de projets de recherche menés auprès de jeunes adultes et de parents dont les enfants souffraient d'insécurité alimentaire en raison de leur impact potentiel sur la recherche et les interventions futures ciblant les enfants ou les familles en général. Finalement, nous avons tenu compte d'une source inédite de données d'enquête décrivant les compétences culinaires auto-perçues dans le contexte canadien.

Pour faciliter la lecture, les données mentionnées ci-dessous, ainsi que les points saillants des recherches, sont présentés par groupe d'âge (enfants d'âge préscolaire, enfants d'âge scolaire, adolescents, jeunes adultes et adultes). Compte tenu que les différences observées au niveau de la méthodologie et du choix des indicateurs ne permettent pas vraiment de comparer ces données, celles-ci sont surtout présentées sous forme d'annotations.

Enfants d'âge préscolaire et jeunes enfants

Pour des raisons sans doute évidentes, nous n'avons identifié aucune publication renfermant des données de recherche entourant les compétences culinaires des très jeunes enfants. Dans la présente section, nous résumons plutôt les constatations de plusieurs documents de référence présentant des données de recherches sur les choix alimentaires menées auprès de mères de très jeunes enfants (en tant que principales sources d'influence et de contrôle en alimentation).

Byrd-Bredbenner et AbbotNote de bas de page 17 ont recruté un échantillon de mères d'enfants d'un à douze ans (n=201), un peu partout dans l'état du New Jersey, en vue de mener une enquête en ligne visant à évaluer leurs caractéristiques démographiques, leurs conceptions en matière d'alimentation et leurs apports nutritionnels.

Les répondantes avaient un revenu moyen, elles étaient en état de sécurité alimentaire et vivaient des relations familiales stables; elles habitaient toutes dans la même région géographique. Parmi les autres caractéristiques évaluées, mentionnons le temps consacré chaque semaine à l'achat et à la préparation des aliments, le niveau de connaissances auto-perçu de la nutrition et des techniques de préparation des aliments, les compétences culinaires ainsi que la santé et l'état nutritionnel de la mère et de chacun des membres de la famille. Les conceptions suivantes ont été évaluées en raison de leur impact sur les décisions alimentaires : vision de la vie (c.-à-d. orientation des objectifs, gestion du stress et satisfaction dans la vie), caractéristiques de santé (c.-à-d. valeurs entourant la santé, points de contrôle, efficacité auto-perçue en matière de saine alimentation, comportements visant à protéger la santé), activités reliées aux aliments (c.-à-d. planification des repas et satisfaction éprouvée à cet égard, utilisation des renseignements sur les produits alimentaires, conscience du coût des aliments, valeurs et croyances liées à la préparation des aliments dans une optique de santé et participation de la famille), intérêt manifesté envers l'apprentissage des techniques culinaires ou de certaines caractéristiques des aliments (c.-à-d. valeurs entourant la qualité et la salubrité des aliments, croyances entourant les aliments sains et les aliments prêts-à-servir et utilisation d'aliments prêts-à-servir), relations entre l'alimentation et la consommation de repas en famille (c.-à-d. responsabilité de la participante de servir des repas sains à sa famille, valeur accordée aux repas en famille, importance accordée aux commentaires positifs sur les repas servis, gestion des préférences alimentaires et croyances entourant la qualité de l'alimentation familiale)Note de bas de page 17.

Voici les principales constatations entourant les compétences culinaires :

  • Les membres de la famille mangeaient le plus souvent ensemble, ils consommaient beaucoup plus fréquemment des repas préparés à la maison plutôt que de manger à l'extérieur. Les mères ont déclaré un niveau élevé de connaissances en matière de nutrition, de santé et de qualité de l'alimentation familiale. Toutefois, plus de la moitié des répondantes souffraient d'excès de poids ou d'obésité et un tiers des enfants de plus de deux ans avaient un indice de masse corporelle égal ou supérieur au 85e percentile.
  • Les répondantes ont affirmé qu'elles planifiaient les repas, qu'elles avaient du plaisir à les préparer et que ces activités valaient le temps et les efforts qui leur étaient consacrés. Le reste de la famille ne participait pas souvent aux activités entourant les repas.
  • Les participantes désiraient apprendre à préparer des repas plus nutritifs; elles étaient moins intéressées à apprendre à préparer des repas plus rapides.
  • Les répondantes étaient d'avis que les aliments nutritifs étaient appétissants, en valaient la peine et pouvaient être préparés rapidement. Elles croyaient que les aliments prêts-à-servir n'avaient pas les mêmes attributs positifs; elles les utilisaient plutôt rarement.
  • Les facteurs qui orientaient habituellement les choix alimentaires étaient le goût, la valeur, le temps disponible et les préoccupations en matière de santé et de contrôle du poids.
  • Les participantes croyaient avoir la responsabilité de servir des repas sains, elles valorisaient les repas pris en famille et jugeaient important de recevoir des commentaires positifs sur les repas qu'elles servaientNote de bas de page 17.

Pour que ces données soient plus faciles à utiliser dans la pratique, Byrd-Bredbenner et AbbotNote de bas de page 17 les ont transposées en objectifs à viser lors des interventions en éducation nutritionnelle auprès des mères de jeunes enfants. Les grandes lignes de ces interventions sont présentées à la section 4.3 « Amélioration des compétences culinaires dans le contexte familial : obstacles à surmonter et occasions à saisir ».

Broughton, Janssen, Hertzman, Innis et FrankishNote de bas de page 22 ont évalué l'association entre divers facteurs environnementaux prévisionnels et la sécurité alimentaire des ménages en utilisant un échantillon de commodité formé de familles de Vancouver (n=142) ayant des enfants de deux à cinq ans. Parmi les facteurs contextuels qui jouent un rôle sur la relation entre les compétences culinaires et la sécurité alimentaire, mentionnons le nombre d'appareils électroménagers, la compétence culinaire auto-évaluée et l'accès à des aliments de qualité. En ce qui a trait aux aliments, l'une des préoccupations les plus courantes chez les parents en situation d'insécurité alimentaire était la dépendance à l'égard de quelques aliments peu coûteux pour leurs enfants. Dans le même ordre d'idées, les ménages moins bien équipés en appareils électroménagers avaient trois fois plus tendance à être dans une situation d'insécurité alimentaire que ceux qui étaient les mieux équipés (après avoir fait les ajustements nécessaires en fonction du revenu du ménage).

Les parents qui considéraient avoir moins de compétences culinaires avaient huit fois plus tendance à déclarer une situation d'insécurité alimentaire que ceux ayant le plus de ressources, après avoir fait les ajustements en fonction du revenu du ménage. Par ailleurs, les ménages ayant le moins accès à des aliments de qualité raisonnable avaient dix fois plus tendance à déclarer une situation d'insécurité alimentaire que ceux qui avaient le plus accès à des aliments de qualité.

À partir de ces résultats, ces chercheurs ont conclu que les compétences culinaires et les appareils électroménagers jouent un rôle dans le choix des aliments et la maîtrise de l'alimentation puisque les parents en situation d'insécurité alimentaire doivent gérer des priorités conflictuelles, à savoir le goût, la valeur nutritive, le coût et la rapidité de préparation lorsqu'ils choisissent des aliments. Les publications gouvernementales visant à favoriser la consommation d'aliments non transformés ont été critiquées compte tenu de l'absence de programmes et de services nécessaires à l'amélioration des compétences et des capacités des parents en matière d'alimentation. Certaines problématiques ont également été mentionnées, surtout en ce qui a trait aux familles en situation d'insécurité alimentaire, comme la commercialisation d'aliments économiques et appétissants, mais plutôt malsains, à l'intention des enfants et le manque d'accès à des magasins d'alimentation offrant tous les services dans les quartiers à faible revenuNote de bas de page 22.

Enfants

L'Institute for Grocery Distribution (IGD) du Royaume-Uni a organisé de petits groupes de discussion avec un échantillon de commodité constitué d'enfants de sept à neuf ans (n= 400) afin de vérifier les opinions des enfants sur les aliments, la cuisine et la prise des repasNote de bas de page 20. Ces groupes de discussion ont été suivis d'une enquête quantitative menée sur le Web auprès de 400 enfants de sept à neuf ans. Celle-ci visait à explorer plus avant les thèmes ayant émergé des groupes de discussion. Voici les points saillants de cette recherche :

  • Les enfants choisissent leurs aliments favoris en fonction du goût et de la texture; ils aiment aussi les aliments qui les divertissent ou les amusent.
  • Les enfants ont affirmé que leurs parents avaient la plus grande influence sur l'apprentissage de l'alimentation, suivis de leurs enseignants.
  • Par contre, c'est l'offre d'un jouet ou d'un jeu gratuit qui incitait le plus les répondants à essayer un nouvel aliment sain.
  • Bien que les enfants aient démonté une compréhension globale des termes « sain » et « saine alimentation », la plupart d'entre eux ne comprenaient pas vraiment certains aspects des recommandations alimentaires destinées à la population (nombre de portions de chaque groupe alimentaire recommandé chaque jour).
  • 74 % des enfants ont affirmé que les membres de leur famille mangeaient ensemble la plupart du temps ou toujours, tandis que 71 % ont affirmé que leur famille consommait la plupart du temps ou toujours les mêmes aliments. Certaines différences ont été observées en fonction des régions géographiques.
  • 82 % des enfants aimaient cuisiner à la maison; 41 % souhaitaient cuisiner plus souvent en indiquant qu'ils préféraient préparer des aliments inhabituels ou nouveaux plutôt que de participer aux tâches quotidiennes de préparation des repas familiauxNote de bas de page 20.

En ce qui a trait à cette dernière constatation, l'auteur conclut qu'il est essentiel de stimuler la curiosité des enfants pour qu'ils s'intéressent à la cuisine et à la saine alimentation. Par ailleurs, les opinions des enfants vont dans le sens d'une tendance observée récemment chez les adultes, à savoir la distinction effectuée entre la cuisine considérée comme une tâche ou corvée quotidienne et celle considérée comme un divertissementNote de bas de page 20.

Caraher, Baker et BurnsNote de bas de page 18 ont mené une série de consultations auprès d'enfants de huit et neuf ans dans trois écoles de l'Angleterre et du pays de Galles pour vérifier les perceptions des enfants en matière de cuisine et d'alimentation. Ils ont utilisé une technique faisant appel au dessin et à l'écriture pour aider les enfants à décrire leurs expériences et leurs perceptions entourant la préparation des aliments. Pour atteindre le but de leur recherche, ils ont d'abord demandé aux participants de dessiner ou de décrire par écrit un aliment ou un repas qu'ils aimeraient partager avec un ami ou une créature de l'espace qui visiterait la terre dans l'intention d'apprendre à cuisiner. Ils leur ont ensuite demandé de dessiner une personne en train de cuisiner à la maison et de raconter ce qui se passe sur cette image. Les chercheurs ont utilisé une technique d'échantillonnage dirigé pour retenir les participants appartenant à des familles de divers niveaux socioéconomiques provenant d'un éventail de milieux urbains et ruraux. L'analyse qualitative des créations des enfants effectuée à partir de la description des dessins et de tous les mots accompagnant ceux-ci a permis d'identifier les catégories ou thèmes suivants : ethnicité, aliments traditionnels et repas appropriés, aliments frits, pizzas, burgers et aliments « McDo », thé et café, papas et mamans dans la cuisine, chefs célèbresNote de bas de page 18.

Voici quelques éléments qui ressortent de cette recherche auprès des enfants :

  • L'ethnicité avait un impact direct sur les choix alimentaires et la préparation des aliments (thème ayant émergé des résultats d'un échantillon d'élèves d'un quartier urbain présentant une grande diversité ethnique).
  • En ce qui a trait à la structure des repas, les enfants préféraient un type de repas que les chercheurs ont qualifié de « traditionnel » ou typiquement britannique, c'est-à-dire un « repas normal » composé d'un plat principal (p. ex. viande) et de deux plats d'accompagnement, le plus souvent deux légumes.
  • Les enfants tentaient de composer un « repas normal » en regroupant certains aliments, comme la pizza ou le spaghetti, avec d'autres aliments.
  • Les enfants avaient tendance à dessiner ou à raconter la préparation d'un repas comprenant un aliment frit comme plat principal, même lorsque d'autres aliments étaient illustrés dans l'assiette.
  • Les enfants préféraient se servir de la pizza et des burgers; ils en offraient aussi à leur invité de l'espace. Ils ont affirmé qu'ils consommaient des aliments-minute de diverses marques à la fois au foyer et à l'extérieur. Les enfants des trois écoles ont déclaré que les visites au McDonald faisaient partie de leurs habitudes alimentaires quotidiennes.
  • Les enfants ont affirmé qu'ils préparaient du thé et du café à la maison pour leurs parents avec un minimum de surveillance de leur part (et qu'ils en étaient fiers).
  • Les enfants représentaient leur mère comme le membre de la famille qui préparait le plus souvent les aliments et les repas, à part eux-mêmes, suivie de soeurs plus âgées qui les aidaient dans la cuisine. On retrouvait très peu de pères ou de beaux-pères dans les illustrations.
  • Les enfants ont mentionné et dessiné des chefs célèbres dont ils aimeraient faire découvrir la cuisine à leur invité de l'espaceNote de bas de page 18.

Les chercheurs ont conclu que les enfants participants étaient exposés à la préparation des aliments en milieu familial, qu'ils y participaient et qu'ils s'y intéressaientNote de bas de page 18. Ces résultats confirment la thèse que la préparation et le choix des aliments sont influencés par les conditions sociales, régionales, culturelles et familiales. Les auteurs expriment des préoccupations quant à l'influence et à la normalisation de la consommation d'aliments frits, d'aliments-minute et d'aliments prépréparés au foyer et à l'extérieur. Ils reconnaissent toutefois que les enfants s'efforcent de composer un repas traditionnel ou « approprié » en incluant des légumes ou d'autres aliments plus sains. Par ailleurs, ces résultats soulèvent des inquiétudes quant au développement précoce des préférences pour des aliments transformés et des aliments riches en matières grasses et aussi quant à l'influence des médias et des marques de commerce à cet égard. Bien que les mères et les soeurs plus âgées aient été identifiées en tant que principales responsables de la transmission des compétences culinaires, les récits des enfants révèlent que les hommes ou les pères participent de plus en plus à la préparation des aliments. Les « chefs célèbres » jouent également un rôle important dans les perceptions des enfants entourant la préparation des aliments. Ces résultats font ressortir le rôle de l'alimentation en tant que manifestation d'amour et du fait de « prendre soin des autres » au sein des familles ainsi que l'importance que les enfants découvrent de nouveaux aliments et acquièrent des compétences culinairesNote de bas de page 18.

Adolescents

Les résultats d'un sondage effectué en 1993 par le ministère de la Santé du Royaume-Uni auprès de sept (7) jeunes de 16 ans dans le cadre d'un projet intitulé Get Cooking! révèlent que les compétences culinaires des jeunes augmentent en même temps que les progrès technologiques en matière de préparation des aliments (c.-à-d. utilisation d'un four micro-ondes plutôt qu'utilisation d'ingrédients crus ou de base)Note de bas de page 6. Un autre sondage effectué en 1998 pour la Good Food Foundation a révélé que les jeunes identifiaient les compétences culinaires dans l'ordre de popularité suivant : préparer un sandwich, faire des rôties, ouvrir une boîte de céréales, préparer des pommes de terre frites, préparer un mélange à gâteau, faire cuire des oeufs et faire cuire une pizza au fourNote de bas de page 6. Les auteurs de cette étude signalent que la véritable cuisine ou la cuisine à partir d'ingrédients de base occupent une place minimale et que les compétences les plus souvent mentionnées se résument à l'assemblage d'ingrédients et à l'ouverture d'emballagesNote de bas de page 6.

Par ailleurs, on a effectué une analyse de la participation des adolescents (fréquentant les écoles intermédiaires et secondaires d'une ville américaine) aux activités d'achat et de préparation des aliments pour vérifier l'existence d'une relation entre cette participation et la qualité de l'alimentationNote de bas de page 23. On a alors demandé aux adolescents d'indiquer la fréquence de leur participation à l'achat et à la préparation des aliments au cours de la dernière semaine à l'aide du questionnaire EAT (Eating Among Teens). Leurs apports nutritionnels ont été évalués à l'aide du Youth/Adolescent Food Frequency Questionnaire (questionnaire de fréquence de consommation des aliments pour les jeunes et les adolescents). Il s'agit de deux instruments dont la validité et la fiabilité ont été démontrées. La fréquence des repas en famille a aussi été évaluée. Les résultats s'appuient sur les réponses de 4 746 adolescents (81,5 % des élèves admissibles) au questionnaire EAT et les réponses de 4 206 (89 % de l'échantillon) au Youth/Adolescent Food Frequency Questionnaire. On comptait un nombre égal de filles et de garçons; l'âge moyen des répondants se situait à 14,9 ans. Voici les principaux résultats de cette analyse :

  • 68,6 % et 49,8 % des élèves ont affirmé qu'ils avaient aidé à préparer le souper ou à faire l'épicerie, respectivement, au cours de la semaine précédente. Toutefois, la majorité des élèves ont indiqué avaient participé à ces tâches une ou deux fois par semaine au maximum.
  • La fréquence des repas en famille était associée à la qualité de l'alimentation. Les adolescents qui prenaient régulièrement leurs repas en famille déclaraient un niveau plus élevé de participation aux activités de préparation et d'acquisition des aliments.
  • Les adolescentes participaient plus fréquemment à l'achat et à la préparation des aliments que les adolescents.
  • Les élèves de niveau intermédiaire participaient plus souvent aux tâches reliées à l'alimentation que ceux de niveau secondaire.
  • Les Américains d'origine asiatique participaient davantage à l'achat et à la préparation des aliments.
  • Les élèves provenant de familles à faible revenu participaient plus souvent aux tâches reliées à l'alimentation que ceux provenant de familles ayant un statut socioéconomique moyen ou élevé.
  • La situation d'emploi des mères n'était pas reliée à la participation à ces tâches.
  • La participation à la préparation des aliments était généralement reliée à des choix alimentaires plus sains. Par contre, la participation à l'achat des aliments n'était pratiquement pas reliée à l'apport nutritionnel; dans certains cas, cette participation était même reliée à des choix alimentaires moins sains.
  • La participation à la préparation des aliments était reliée à un apport plus faible de lipides et à un apport plus élevé de nutriments essentielsNote de bas de page 23.

Les auteurs ont conclu que les résultats de cette recherche allaient de pair avec ceux d'autres recherches associant les responsabilités au sein du ménage à des résultats positifs sur le plan psychosocial, notamment en matière d'efficacité auto-perçue, chez les adolescents. L'efficacité auto-perçue s'accroît chaque fois qu'on a l'occasion de mettre un comportement en pratique. Une plus grande efficacité au niveau des tâches de préparation des aliments peut améliorer la qualité de l'alimentation. Le soutien apporté aux programmes communautaires ou scolaires visant à accroître les compétences pratiques entourant la préparation et l'achat des aliments chez les enfants et les jeunes, dans une optique de santé, favorise la participation des adolescents aux tâches reliées à l'alimentation dans le milieu familialNote de bas de page 23.

Jeunes adultes

En s'appuyant sur les recherches présentées dans la section précédente, Larson, Perry, Story et Neumark-SztainerNote de bas de page 24 ont analysé les associations entre les comportements entourant la préparation des aliments, les compétences culinaires, les ressources disponibles pour la préparation des aliments et la qualité de l'alimentation chez un échantillon d'hommes (n=764) et de femmes (n=946) de 18 à 23 ans (moyenne=20,4 ans) habitant dans une ville des États-Unis. Ils ont expédié le questionnaire EAT (Eating Among Teens) par la poste aux participants (celui-ci permet une auto-évaluation de la fréquence de participation aux activités d'achat et de préparation des aliments au cours de la dernière semaine) ainsi que le Youth/Adolescent Food Frequency Questionnaire qui permet d'évaluer l'apport nutritionnel. Ils ont spécifiquement demandé à ces jeunes adultes d'utiliser ces deux instruments d'enquête pour indiquer à quelle fréquence ils avaient mis en pratique cinq (5) comportements relatifs à la préparation et à l'achat des aliments au cours des douze (12) derniers mois. Ils leur ont aussi demandé de préciser les compétences et ressources dont ils disposaient, à leur avis, pour accomplir des tâches ménagères reliées à l'alimentation et de décrire leur consommation alimentaire en général et leur consommation d'aliments-minute. Les participants devaient aussi indiquer eux-mêmes certaines caractéristiques démographiques ainsi que leur poidsNote de bas de page 24.

Voici les principales constatations de cette analyse :

  • La majorité des jeunes adultes n'avaient pas mis en pratique la plupart des comportements visés quant à la préparation des aliments (c.-à-d. acheter des légumes frais, faire une liste d'épicerie, préparer une salade verte, préparer un souper pour soi-même ou pour deux personnes ou plus) pendant la semaine précédente.
  • Une exception est à noter : 55,8 % des jeunes femmes ont indiqué qu'elles préparaient un souper composé de poulet, de poisson ou de légumes au moins une fois par semaine.
  • La majorité des jeunes adultes jugeaient que leurs compétences et ressources en matière de préparation des aliments étaient adéquates ou très adéquates (62,8 % - 92,1 % respectivement dans le cas de certaines compétences discrètes évaluées différemment chez les hommes et les femmes).
  • On observait un niveau de participation plus élevé à l'achat et à la préparation des aliments en fonction de certaines caractéristiques, comme le sexe (deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes), la race ou l'ethnicité (asiatique, hispanique ou blanche), les conditions de logement (locataire, suivi de propriétaire et de cohabitation avec les parents) et la fréquentation d'établissements de restauration rapide (moins de trois fois par semaine).
  • La fréquence des activités de préparation et d'achat des aliments ne présentait pas de relation significative avec le statut socioéconomique, le poids ou le statut d'étudiant.
  • Les répondants qui rapportaient un niveau de compétences plus élevé en préparation des aliments consommaient moins souvent des aliments de restauration rapide; ils avaient aussi plus tendance à suivre les lignes directrices nationales en matière d'alimentation. Aucune différence n'a toutefois été observée au niveau de la qualité de l'alimentation selon le niveau perçu (adéquat ou inadéquat) de compétences ou de ressources en matière de préparation des aliments.
  • L'insuffisance perçue à l'égard des appareils électroménagers et du choix d'aliments offert dans les magasins locaux empêchait une minorité de jeunes adultes de cuisiner. Toutefois, jusqu'à un tiers des répondants ont déclaré qu'ils n'avaient pas suffisamment de compétences culinaires, d'argent ou de temps pour préparer des alimentsNote de bas de page 24.

Les auteurs ont conclu que même si les jeunes adultes des deux sexes semblaient posséder des compétences de base en matière d'achat et de préparation des aliments (tel qu'indiqué par l'efficacité auto-perçue), ils ne mettaient pas ces compétences en pratique sur une base régulièreNote de bas de page 24. Étant donné qu'une relation a été démontrée entre les compétences en préparation des aliments et la qualité de l'alimentation, il faudrait encourager les jeunes adultes à améliorer ces compétences et à les mettre en pratique au foyer. Compte tenu que les contraintes de temps et le coût des aliments sont perçus comme des obstacles aux activités de préparation des aliments, les auteurs proposent d'offrir des programmes visant à développer les compétences culinaires nécessaires à la préparation rapide d'aliments économiques. De nouvelles recherches s'imposent toutefois sur ce type d'interventions pour mieux définir le contenu de tels programmesNote de bas de page 24.

Adultes

Bien que le statut de parent n'ait pas nécessairement été spécifié dans les résultats de toutes les recherches mentionnées ci-dessous, nous avons décidé d'inclure ces données en raison de leur intérêt pour la population canadienne en général et les sous-populations vulnérables. Bien que plusieurs annotations ou sommaires ne précisent pas le niveau de compétences culinaires observé chez les adultes ou les parents, les résultats obtenus illustrent l'influence des connaissances, opinions et comportements des parents en matière d'alimentation et de nutrition sur les caractéristiques correspondantes chez leurs enfants.

En s'appuyant sur les données d'une enquête sur la santé et le mode de vie menée en 1993 en Angleterre, Caraher, Dixon, Lang et Carr-HillNote de bas de page 7 décrivent le « comment », le « pourquoi » et le « quand » de l'exercice des compétences culinaires; ils indiquent également « où » et « de qui » les gens apprennent à cuisiner. L'échantillon comprenait 5 553 répondants âgés de 16 à 74 ans sélectionnés aléatoirement (à partir de l'adresse) en Angleterre; ceux-ci ont ensuite été répartis par région desservie par le National Health Service. Les données ainsi obtenues ont été pondérées pour que les résultats soient plus représentatifs (après avoir constaté un certain nombre de biais d'enquête). Les auteurs soulignent toutefois que l'enquête a été menée avant que le cours d'art culinaire ait été retiré du programme pédagogique national destiné aux écoles publiques anglaisesNote de bas de page 7.

Voici les principales constatations de ces recherches :

  1. La cuisine comme mode de vie 
    • La plupart des répondants avaient appris à cuisiner avec leur mère (76 % des femmes et 58 % des hommes), peu importe la classe sociale ou le niveau de scolarité.
    • Près de la moitié des hommes de 16 à 19 ans ont déclaré qu'ils avaient appris à cuisiner dans des cours de cuisine dispensés à l'école.
    • Les livres de recettes avaient plus d'importance chez les personnes ayant un statut socioéconomique plus élevé (association avec la scolarité, le coût et la culture); les cours de cuisine à l'école avaient plus d'importance chez les classes sociales inférieures.
  2. Fréquence de préparation des aliments
    • Moins de la moitié des répondants ont déclaré qu'ils cuisinaient un repas par jour. Ce résultat peut toutefois avoir été influencé par le fait qu'un seul membre du ménage ait répondu au sondage (le principal responsable de la préparation des aliments) et aussi par les diverses perceptions de ce qu'on entend par « cuisiner ».
    • 68 % des femmes affirmaient cuisiner tous les jours, comparativement à 18 % des hommes; les réponses étaient plutôt uniformes chez tous les groupes socioéconomiques.
    • La majorité des répondants ont déclaré qu'ils prenaient au moins sept (7) repas principaux à la maison par semaine. Un peu plus de 75 % des repas décrits ne comportaient pas d'aliments prépréparés ou d'aliments à emporter. Les personnes appartenant à des groupes socioéconomiques plus favorisés avaient plus tendance à avoir acheté un repas prépréparé au cours de la semaine précédente que celles appartenant à des groupes défavorisés.
  3. Mise en pratique des compétences culinaires
    • Les répondants affirmaient généralement qu'ils faisaient confiance à leurs compétences culinaires; 94 % des femmes et 80% des hommes indiquaient une très grande confiance en soi ou une confiance suffisante à cet égard.
    • 7 % des femmes, comparativement à presque 25 % des hommes, ne cuisinaient pas ou n'avaient pas suffisamment confiance en soi pour cuisiner à partir d'ingrédients de base.
  4. Confiance dans l'application de techniques 
    • Les femmes démontraient beaucoup plus de confiance en soi que les hommes quant à l'application de presque toutes les techniques culinaires examinées (préparation de ragoûts, d'aliments braisés et de mets en casserole surtout).
    • La confiance en soi à l'égard de l'application de la plupart des techniques s'accroissait avec l'âge chez les divers groupes d'hommes et de femmes et aussi avec le revenu et la classe sociale.
  5. Confiance en soi quant à la préparation de certains groupes d'aliments
    • Des différences ont été observées en général, et aussi en fonction de la classe sociale et du revenu, au niveau de la confiance en soi à l'égard de l'application de compétences culinaires globales ou propres à certains aliments ou mets particuliers.
    • La confiance en soi à l'égard de la préparation de la plupart des aliments s'accroît avec l'âge, surtout chez les femmes. À la fois chez les hommes et les femmes, la confiance en soi à l'égard de la préparation de tous les types d'aliments s'accroît avec le revenu.
  6. La préparation des aliments comme obstacle aux choix alimentaires
    • La plupart des répondants ont indiqué que leurs choix alimentaires n'étaient généralement pas limités.
    • 12,7 % des hommes et 5,4 % des femmes ont mentionné que l'ignorance du mode de préparation de certains aliments est un facteur qui limite le choix des aliments.
  7. Appareils électroménagers
    • 98,6 % des répondants qui faisaient la cuisine ont déclaré qu'ils avaient un accès facile ou suffisant à des appareils électroménagers.
    • Les répondants provenant de groupes ayant un revenu plus élevé avaient beaucoup plus tendance que ceux des groupes défavorisés à disposer de l'ensemble des appareils suivants, sauf un : four à micro-ondes, wok ou poêlon antiadhésif, cuiseur à vapeur, robot culinaire et mélangeur. Les groupes ayant un revenu inférieur disposaient fréquemment d'une friteuse.
  8. Perception des compétences culinaires
    • Presque tous les répondants jugeaient important d'enseigner aux enfants à cuisiner; 98,5 % des femmes et 95,3 % des hommes considéraient qu'il était modérément ou très important d'enseigner aux garçons à cuisiner, tandis que 99,2 % des femmes et 97,6 % des hommes jugeaient qu'il était important d'enseigner aux filles à cuisiner.
    • Les répondants plus âgés accordaient encore plus d'importance à la nécessité d'enseigner aux enfants à cuisiner, particulièrement aux fillesNote de bas de page 7.

Les auteurs ont conclu qu'il existait des différences considérables au niveau des connaissances en cuisine, de leur mise en pratique, de leur rôle et de leur intérêt pour la santé. Certains aspects de la cuisine ont été reliés au sexe, au revenu et à la classe sociale. Sans confirmer une relation directe entre les compétences culinaires et les disparités en matière de santé, ces données révèlent des différences entre les classes sociales au niveau de la préparation des aliments, des compétences culinaires et de la confiance en soi à cet égardNote de bas de page 7.

Par ailleurs, quatre (4) groupes de discussion ont été organisés chez des Indiens des Plaines vivant dans quatre (4) réserves différentes dans le but d'examiner l'accès aux aliments et les obstacles à l'obtention et à la préparation des aliments. Cette étude s'inscrivait dans un projet de recherche en nutrition plus global, axé sur la culture, visant à réagir au diabète au sein de cette populationNote de bas de page 25. Voici les principales constatations de cette étude :

  • La plupart des participants, y compris les jeunes enfants, ont déclaré qu'ils consommaient quotidiennement des aliments-minute, des aliments frits, des aliments prépréparés, des hamburgers et des boissons gazeuses (« diète » ou non). Certains autres ont affirmé qu'ils consommaient plus d'aliments traditionnels.
  • Les participants ont décrit certains modes de préparation qu'ils considéraient malsains, même s'ils les utilisaient très couramment pour préparer leurs aliments.
  • Ils ont déclaré que tous les aliments étaient sains pourvu qu'on les consomme avec modération et qu'on ne les prépare pas avec des matières grasses. Ils ont facilement décrit certains mets traditionnels et modes de préparation qu'ils considéraient sains sur le plan mental, spirituel et physique.
  • Tout en acceptant le fait que l'alimentation est un facteur de risque important du diabète, les participants ont fait part des difficultés entourant l'adoption d'une saine alimentation, notamment le manque de disponibilité des aliments et d'accessibilité à ceux-ci en raison de leur coût puisque nombre d'entre eux disposaient d'un revenu très limité.
  • Ils ont déclaré qu'ils avaient besoin d'une formation les motivant à changer leurs choix et habitudes alimentaires, surtout en matière de jardinage ou de culture des légumes, et aussi de cours pratiques leur permettant de préparer des aliments sainsNote de bas de page 25.

Les chercheurs ont conclu qu'il est essentiel d'offrir une formation pratique adaptée à la culture visant à améliorer l'accès aux aliments et à diminuer les obstacles à une saine alimentation si on veut freiner l'épidémie de diabète qui sévit chez les Indiens des PlainesNote de bas de page 25.

Engler-StringerNote de bas de page 16 a examiné les pratiques culinaires d'un groupe de jeunes femmes francophones de 18 à 33 ans, à faible revenu, vivant en milieu urbain, à partir d'une recherche qualitative participative, axée sur la communauté. Cette recherche visait à mieux comprendre l'impact des conditions sociales et matérielles sur l'alimentation et les pratiques culinaires quotidiennes. Elle a utilisé un échantillonnage à variation maximale permettant d'inclure des participantes pouvant exprimer diverses perceptions des expériences de préparation des aliments avec un budget restreint. Les questions posées aux groupes de discussion s'inscrivaient dans les cinq grands thèmes suivants : préférences en matière d'alimentation et de cuisine, apprentissage des compétences culinaires pendant les années de formation, pratiques actuelles d'achat et de préparation des aliments, compréhension des concepts d'« aliments prépréparés» et d'« ingrédients de base » et effets du faible revenu sur les pratiques culinaires. Les groupes de discussion ont été menés jusqu'à ce qu'aucun nouveau thème d'importance ne puisse être dégagé. L'échantillon final comprenait cinq (5) groupes. La plupart des femmes ainsi sélectionnées étaient dans la vingtaine; plus de la moitié d'entre elles avaient des enfants, les trois quarts étaient célibataires et plus du tiers étudiantes. Un peu moins du tiers des étudiantes avaient aussi un emploi. Chez la majorité des participantes, le revenu annuel du ménage était inférieur à 20 000 $ canadiensNote de bas de page 16.

L'analyse des données recueillies lors des groupes de discussion a permis d'identifier six catégories ou thèmes. Voici les principales constatations dans chacun de ces thèmes :

  1. Répartition des rôles entre les hommes et les femmes
    • Les femmes considéraient qu'elles avaient certains rôles en matière d'alimentation au sein du ménage, en fonction même de leur sexe. Ainsi elles devaient s'assurer qu'il y ait des aliments dans le réfrigérateur et les armoires et préparer les repas en tenant compte des goûts et des besoins nutritionnels de tous les membres du ménage et des invités.
    • La majorité des femmes se considéraient les principales responsables de la préparation des repas pour leur famille (et aussi des tâches connexes); elles décrivaient cette responsabilité comme stressante ou difficile.
  2. Planification et organisation de la préparation des repas
    • Les participantes ont décrit en détail la réflexion et les efforts entourant la planification, l'organisation et l'exécution de tâches complexes dans le cadre des pratiques culinaires quotidiennes.
    • Elles ont décrit différents types de repas exigeant différents types de planification et d'organisation, notamment les repas quotidiens, les repas servis à des invités, les repas destinés à des colocataires, les repas préparés en fin de semaine, les repas comportant des aliments qu'elles avaient vraiment le goût de manger et les repas préparés en fonction des rabais offerts dans les épiceries.
    • Elles ont déclaré que la planification des repas était essentielle et utile, mais plutôt complexe puisqu'il fallait trouver un équilibre entre les besoins nutritionnels, les préférences alimentaires, les horaires des membres de la famille et les contraintes de temps et de budget.
  3. Aliments, choix alimentaires et compétences culinaires 
    • Les participantes ont expliqué comment elles faisaient la cuisine traditionnelle à partir d'ingrédients de base. Elles ont aussi exprimé le désir d'essayer de nouveaux aliments ou mets même si leur choix à cet égard était limité par les préférences et les besoins des autres membres de la famille ou du ménage et aussi par leur manque de confiance en soi et d'efficacité auto-perçue quant à l'application de certaines techniques culinaires de base.
    • Elles s'inquiétaient également du gaspillage au cas où les nouveaux aliments ne seraient pas préparés correctement ou ne plairaient pas aux membres de leur famille.
    • Quelques participantes ont affirmé qu'elles ne voyaient pas l'intérêt de cuisiner à partir d'ingrédients de base lorsque cela n'était pas nécessaire et qu'elles préféraient suivre le mode d'emploi sur les emballages alimentaires.
  4. Apprentissage 
    • La plupart des participantes ont mentionné qu'elles avaient appris à cuisiner de leur mère, ou parfois de leur grand-mère, en les observant sur une base régulière.
    • Un certain nombre d'entre elles ont expliqué que leur propre cuisine se distinguait de celle de leur mère en ce sens qu'elles préparaient plus de fruits et de légumes et qu'elles essayaient des aliments provenant d'autres cultures.
    • Les participantes ont également expliqué qu'elles utilisaient Internet pour se renseigner sur les aliments et trouver des recettes. La télévision a été identifiée comme une autre source d'informations; de nombreuses participantes considéraient toutefois que les recettes présentées dans les émissions de cuisine étaient trop complexes.
  5. Cuisine et santé
    • Les participantes ont soulevé certaines problématiques de nutrition et de santé tout au long des groupes de discussion.
    • Parmi les problématiques importantes lors du choix des aliments et des décisions culinaires, elles ont mentionné la teneur en matières grasses et en sodium des aliments, la consommation d'une quantité suffisante de légumes et de céréales à grains entiers et la réduction de la consommation de sucre.
    • Les participantes ont affirmé qu'elles se sentaient coupables lorsqu'elles ne consommaient pas certains aliments sains. Elles ont insisté sur l'importance d'être sensibilisées à la nutrition pendant la grossesse et de s'assurer que leurs enfants consomment des aliments des quatre groupes alimentaires. Certaines ont toutefois déclaré que cette dernière recommandation ne s'adressait pas à elles.
    • Elles ont aussi discuté de certains obstacles à la saine alimentation, comme le prix, et aussi de la perception et du jugement d'autrui lorsqu'elles n'avaient pas une saine alimentation.
  6. Achat des aliments
    • La plupart des participantes consacraient beaucoup de temps et d'énergie à trouver des aliments à meilleur prix; elles avaient un plan précis quant au lieu d'achat. Elles étaient en mesure de classer les magasins « du meilleur au pire » à partir de certains facteurs, comme le prix, la qualité et finalement la disponibilité des aliments qu'elles recherchaient. Très peu d'entre elles achetaient tous leurs aliments dans le même magasin.
    • Le prix a été mentionné comme un facteur déterminant des choix alimentaires. Les participantes n'hésitaient pas à parcourir de plus grandes distances pour profiter des meilleures aubaines à leurs yeux, même si elles avouaient que le transport était un obstacle à surmonter à cet égard.
    • Les circulaires des épiceries jouaient un rôle important chez les responsables de la planification des achats et des repas. Cette planification était considérée importante pour la gestion du budget du ménage.
    • Parmi les autres stratégies décrites pour étirer leur faible revenu tout au long du mois, les participantes ont mentionné le fait de ne pas acheter d'aliments trop coûteux ou d'en acheter uniquement pour leurs enfants, de faire un budget détaillé et d'avoir recours aux banques alimentairesNote de bas de page 16.

L'auteur a conclu que ces résultats confirment la transition culinaire décrite par Lang et CaraherNote de bas de page 6 et aussi le fait que les jeunes femmes ont adapté les tâches entourant l'acquisition et la préparation des aliments à leurs conditions de vie. D'autres recherches vont dans le même sensNote de bas de page 12-Note de bas de page 14,Note de bas de page 16. Le choix difficile entre l'achat d'aliments économiques et savoureux facilement disponibles et l'achat d'ingrédients de base offerts à prix comparable, mais qui exigent des compétences culinaires a aussi été souligné. Engler-StringerNote de bas de page 16 insiste sur l'importance de comprendre le contexte des choix alimentaires et des pratiques culinaires (c.-à-d. la culture alimentaire) lors de la conception d'interventions et de stratégies visant à améliorer la santé nutritionnelle de certains sous-groupes de la population.

Le service de santé publique de la région de Waterloo (Ontario) a évalué les compétences culinaires auto-déclarées chez 703 adultes de cette région (taux de réponse de 60 %) dans le cadre d'un projet du Survey Research Centre de l'Université de WaterlooNote de bas de page 26. Bien que l'échantillon aléatoire utilisé soit représentatif de la population adulte de la région (selon le recensement de 2006) relativement au sexe, les jeunes adultes et les locataires (ayant un plus faible revenu) étaient sous-représentés. Le volet « compétences culinaires » de cette enquête visait à obtenir des données de surveillance de base sur la prévalence de ces compétences dans la communauté, dans le but d'orienter l'élaboration des politiques, des programmes et des services. On a demandé aux répondants d'indiquer leur niveau de compétences relativement à treize (13) activités entourant l'alimentation sur une échelle de Likert à quatre (4) éléments. On leur a aussi demandé d'indiquer le temps nécessaire à la préparation du repas principal à la maison, s'ils étaient la principale personne responsable de la préparation des repas, combien de fois ils avaient préparé des repas à partir d'ingrédients de base au cours de la dernière semaine et si un membre du ménage avait consommé des produits cultivés dans un potager domestique ou communautaire au cours des douze (12) derniers moisNote de bas de page 26.

Voici les principales constatations de cette enquête :

  • La plupart des adultes ont affirmé qu'ils avaient de bonnes compétences culinaires, mais celles-ci se limitaient dans de nombreux cas à des techniques plutôt mécaniques.
  • Les femmes ont affirmé qu'elles avaient de meilleures compétences que les hommes en matière de préparation des aliments et d'autres activités reliées à l'alimentation. Les hommes ont affirmé qu'ils maîtrisaient à 80 % certaines techniques culinaires, comme peler, hacher ou trancher des légumes et des fruits, faire cuire de la viande ou préparer une soupe, un ragoût ou un mets en casserole à partir d'un mélange.
  • Moins d'hommes que de femmes ont affirmé qu'ils étaient les seuls responsables de la préparation du repas principal du ménage « toujours, presque toujours ou la plupart du temps » (27,4 % contre 77,4 %).
  • La plupart des ménages (82,6 %) consacrent toujours plus de 30 minutes à la préparation du repas principal bien que peu de repas soient préparés à partir d'ingrédients de base; 30 % des répondants ont indiqué qu'ils consacraient de 30 à 39 minutes à la préparation du repas principal, tandis que 26,5 % y consacraient 50 minutes ou plus.
  • La plupart des adultes ne savaient pas comment faire congeler des aliments ou les mettre en conserve. Ceux qui cultivaient un potager avaient plus tendance à avoir des compétences en conservation des aliments.
  • Les jeunes adultes de 20 à 34 ans ont déclaré de moins bonnes compétences culinaires que les adultes quant à l'utilisation d'ingrédients de base et à la mise en conserve. Ils ont toutefois déclaré le plus haut niveau de compétences quant à la préparation d'un mélange préemballé.
  • Moins d'adultes de 65 ans ou plus ont indiqué qu'ils avaient de bonnes compétences pour préparer adéquatement de la viande crue ou des soupes, ragoûts ou mets en casserole à l'aide d'un mélange, comparativement à tous les autres groupes d'âge. Les compétences relatives à ces tâches semblent augmenter avec l'âge jusqu'à 65 et diminuer par la suite.
  • Les répondants du groupe ayant le plus faible revenu ont affirmé plus de deux fois plus fréquemment qu'ils cuisinaient régulièrement (« toujours, presque toujours ou la plupart du temps ») que ceux du groupe ayant le revenu le plus élevé (71,2 % comparativement à 31,5 %).
  • Les répondants du groupe ayant le plus faible revenu ont également déclaré des compétences nettement supérieures à l'égard de plusieurs activités (p. ex. préparer des aliments à partir d'un mélange, cuisiner avec des ingrédients de base et mettre des aliments en conserve) que ceux du groupe ayant le revenu le plus élevé.
  • 43,6 % des répondants ont indiqué avoir préparé au moins une partie d'un repas avec des ingrédients de base cinq fois ou plus au cours des sept derniers jours. Ce pourcentage était plus élevé chez les groupes ayant un revenu plus faible (< 30 000 $) comparativement à ceux ayant un revenu plus élevé ( ≥ 70 000 $), soit 53,6 % comparativement à 30,2 %Note de bas de page 26.

Les auteurs de ce rapport ont proposé la mise en place d'une surveillance continuelle des compétences culinaires pour mieux observer l'évolution des compétences et comportements culinaires. Cela fournirait des renseignements utiles lors de la planification de projets communautaires visant à offrir des occasions d'acquérir des compétences en matière d'alimentationNote de bas de page 26.

Bien qu'elles ne renferment pas de données quantifiables précises décrivant l'état actuel des compétences culinaires ou les tendances en la matière, plusieurs publications insistent sur le rôle et l'influence des parents dans l'acquisition et le maintien de comportements de saine alimentation chez les enfants d'âge préscolaire et scolaire et aussi chez les adolescentsNote de bas de page 23, Note de bas de page 27-Note de bas de page 35. Tout en reconnaissant qu'on observe des comportements différents quant à certains rôles d'un groupe socioéconomique à l'autre et aussi en fonction du stade de développement des enfants, Hart et coll.Note de bas de page 27, Hildebrand et coll.Note de bas de page 28, Lindsay et coll.Note de bas de page 33 et RheeNote de bas de page 34 sont d'avis que les parents sont des éducateurs importants en matière de compétences en alimentation et en nutrition et aussi des intermédiaires à cet égard en raison de leur influence sur le développement des comportements alimentaires de leurs enfants.

Plus précisément, les recherches confirment les rôles discrets et interactifs des parents quant à l'acquisition d'habitudes et de comportements sains en matière d'alimentation. Ce sont en effet les parents qui assurent l'accessibilité à des aliments sains, donnent l'exemple, renforcent les attitudes positives à l'égard de tels aliments, favorisent l'acquisition de compétences culinaires et s'assurent que la structure des repas et les conditions qui les entourent favorisent la santé (c.-à-d. climat familial sain lors des repas)Note de bas de page 27, Note de bas de page 28, Note de bas de page 33, Note de bas de page 34. Les recherches recommandent en outre que les parents participent à des projets éducatifs détaillés visant l'acquisition de connaissances en nutrition et de compétences culinaires chez les enfants. Il faut s'assurer que les interventions axées sur les parents qui visent avant tout un changement de comportement prennent en compte les divers niveaux d'influence, de motivation, de connaissances, de compréhension, de compétences et d'efficacité auto-perçue existantsNote de bas de page 27, Note de bas de page 28, Note de bas de page 33, Note de bas de page 34.

Malgré les limites inhérentes à une comparaison de données recueillies auprès de populations différentes, en utilisant différentes méthodologies et à divers moments, les thèmes suivants ont été dégagés des résultats de recherche présentés dans cette section. Ces thèmes vont dans le même sens que ceux de la section 4.1.1 « Transition ou perte de compétences culinaires chez les consommateurs ? » :

  • Les femmes, incluant les adolescentes, les jeunes adultes et les mères, sont principalement responsables des fonctions entourant la préparation des aliments au foyer. Elles déclarent généralement plus d'assurance et d'efficacité que les hommes dans l'exercice des compétences culinaires.
  • Dans tous les groupes d'âge et groupes socioéconomiques, ce sont les mères qui transmettent surtout les compétences culinaires, soit par l'exemple ou l'enseignement, suivies de l'éducation en milieu scolaire.
  • Les principales responsables des activités entourant l'alimentation au foyer accordent beaucoup de valeur à ces activités, malgré la difficulté de tenir compte des besoins nutritionnels, des préférences alimentaires et des horaires de chacun des membres de la famille.
  • Chez les adolescents et les jeunes adultes, la fréquence des repas pris en famille et la fréquence de participation à la préparation des aliments sont associées à la qualité de l'alimentation.
  • L'efficacité auto-perçue dans l'exercice des compétences culinaires de base s'accroît généralement avec l'âge chez les deux sexes. Les données entourant l'efficacité auto-perçue chez les divers groupes socioéconomiques sont plutôt divergentes.
  • Le goût, la valeur nutritive, le coût et le temps sont les principaux facteurs qui influencent le choix des aliments et les décisions entourant leur préparation chez tous les groupes socioéconomiques. Ces facteurs sont souvent conflictuels.
  • L'utilisation d'aliments prépréparés et prêts-à-servir (soit au foyer ou à l'extérieur) fait désormais partie intégrante des habitudes alimentaires des enfants de tous les âges et de tous les types de familles.
  • Bien que les adolescents affirment qu'ils participent aux activités d'achat et de préparation des aliments, la plupart ne le font qu'une fois ou deux par semaine. Les adolescentes en général et l'ensemble des adolescents des groupes socioéconomiques défavorisés déclarent une plus grande participation aux tâches culinaires que ceux des groupes socioéconomiques intermédiaires ou supérieurs.
  • Les jeunes adultes affirment qu'ils participent très peu aux activités d'achat et de préparation des aliments, bien qu'ils considèrent avoir suffisamment de compétences et de ressources à cet égard.
  • Les répondants provenant de groupes socioéconomiques défavorisés affirment qu'ils cuisinent davantage à partir d'ingrédients de base et qu'ils utilisent moins d'aliments prêts-à-servir par rapport aux autres groupes socioéconomiques.

4.2 Conséquences de la transition en matière de compétences culinaires

Il est difficile d'évaluer les conséquences d'une transition en matière de compétences culinaires compte tenu du manque de données probantes concrètes permettant de confirmer une telle transition, en particulier en ce qui a trait à une perte de compétences. Les recherches présentées font généralement ressortir une satisfaction globale auto-perçue en matière de compétences culinaires chez les répondants. Cette constatation s'ajoute à certaines données probantes indiquant que les gens prennent la décision de ne pas mettre ces compétences à profit dans le cadre de ce qui est défini comme la cuisine traditionnelle ou à partir d'ingrédients de base, pour diverses raisons.

Autant les données de recherche que celles entourant l'achat et la consommation des aliments à l'échelon national et international révèlent toutefois clairement que les modèles de choix alimentaires et les habitudes de consommation ont subi une transformation chez tous les sous-groupes démographiques. De plus en plus de gens achètent, assemblent et consomment des aliments transformés, prépréparés et prêts-à-servir sur une base quotidienne. Les résultats de plusieurs projets de recherche mentionnés à la section précédente confirment que ces types d'aliments font désormais partie intégrante des habitudes alimentaires individuelles et familiales chez tous les sous-groupes de la populationNote de bas de page 7, Note de bas de page 16, Note de bas de page 18, Note de bas de page 23-Note de bas de page 25. La normalisation de la consommation de ces types d'aliments est accompagnée d'un manque potentiel de transmission des compétences de base en cuisine traditionnelle ou à partir d'ingrédients de base entre les parents (surtout les mères), les enfants et les adolescents. On sait qu'il s'agissait du principal mode d'acquisition des compétences culinaires dans le passé. De nombreuses personnes sont d'avis que les enfants et les adolescents qui n'ont pas l'occasion d'observer ou de mettre en pratique des compétences culinaires de base ou de cuisiner à partir d'ingrédients de base au foyer ne peuvent pas acquérir les compétences nécessaires pour faire des choix éclairés dans un environnement alimentaire de plus en plus complexeNote de bas de page 6, Note de bas de page 7. Dans le même ordre d'idées, plusieurs projets de recherche récentsNote de bas de page 16, Note de bas de page 22 révèlent que la faible efficacité culinaire et l'insuffisance auto-perçue de compétences culinaires sont des obstacles à surmonter lors des choix alimentaires. Il en résulte probablement une plus grande dépendance à l'égard des aliments prépréparés ou prêts-à-servir, une réduction de la variété d'aliments consommée et une atrophie des compétences culinairesNote de bas de page 9-Note de bas de page 11. Selon plusieurs auteurs, ces conséquences sur l'alimentation et la santé globale sont encore plus marquées chez les personnes ayant un revenu plus faible. Bien que l'écart de prix ait diminué entre les aliments prêts-à-servir, les ingrédients de base et les aliments crus, les aliments prépréparés ou prêts-à-servir plus sains ont encore tendance à coûter plus cher. Même si cela n'a pas encore été complètement démontré, plusieurs auteurs sont d'avis que les conséquences de la transition culinaire sur les choix alimentaires et potentiellement sur la qualité de l'alimentation ne seront pas les mêmes chez tous les groupes ou gradients socioéconomiques. Ainsi, les personnes des groupes de revenu plus élevé ne sentiront pas vraiment les conséquences de cette transition sur le plan social ou de la santé car ils ont les moyens de se procurer des aliments et repas prépréparés plus sainsNote de bas de page 6, Note de bas de page 7.

Certaines données démontrent une relation entre une moindre utilisation des compétences culinaires de base ou traditionnelles, une consommation accrue d'aliments prépréparés, emballés ou prêts-à-servir et la qualité de l'alimentation. Cela étant dit, plusieurs auteurs soulignent le manque de données permettant de confirmer une relation directe entre les compétences culinaires et la santéNote de bas de page 6, Note de bas de page 7, Note de bas de page 23, Note de bas de page 24, Note de bas de page 35. Bien que les résultats des interventions aient été plutôt moyens jusqu'à maintenant, WriedenNote de bas de page 39 et d'autresNote de bas de page 7, Note de bas de page 23, Note de bas de page 24 sont d'avis que certaines études indiquent que des interventions visant à améliorer les compétences culinaires pourraient servir de point de départ à une amélioration des habitudes alimentaires. Ces auteurs reconnaissent toutefois qu'en s'attaquant à un seul obstacle au changement (c.-à-d. considéré isolément sans tenir compte du contexte élargi), il est peu probable qu'on puisse modifier radicalement des comportements alimentaires enracinés, surtout chez les adultes.

4.3 Amélioration des compétences culinaires dans le contexte familial : obstacles à surmonter et occasions à saisir

Parmi les obstacles les plus souvent identifiés quant à l'élaboration de stratégies ou d'interventions efficaces visant à améliorer les compétences culinaires chez les enfants dans le contexte familial, mentionnons le facteur temps et les préférences alimentaires individuelles et familiales (planification de repas qui tiennent compte des préférences alimentaires de chacun des membres de la famille) ainsi que la moindre valeur (réelle ou perçue) accordée à la cuisine traditionnelle ou à partir d'ingrédients de base. Le manque de données probantes sur les caractéristiques des stratégies et interventions réussies auprès de divers groupes d'âge ou sous-groupes de la population représente un obstacle encore plus important.

Plusieurs auteurs rapportent que de tels programmes sont généralement bien accueillis à la fois par les enfants et les parents. On observe toutefois peu de changements à court terme sur le plan des connaissances et des comportements (p. ex. accepter d'essayer de nouveaux aliments, ajouter une portion de fruits ou légumes, se renseigner davantage sur la salubrité alimentaire ou améliorer son « auto-efficacité »). La nécessité se fait sentir de vérifier comment les enfants comprennent les messages qui leur sont communiqués, le rôle des compétences pratiques et l'influence parentale sur ces deux éléments dans une optique de saine alimentation. Il faut aussi vérifier le « dosage » nécessaire entre les interventions éducatives en nutrition visant l'acquisition de compétences culinaires et le passage à des stades supérieurs visant à maintenir les nouveaux comportements adoptésNote de bas de page 23, Note de bas de page 24, Note de bas de page 27-Note de bas de page 30. La stratégie la plus efficiente et efficace pouvant entraîner l'amélioration souhaitable ou désirée des comportements alimentaires globaux à long terme, surtout chez la population d'âge scolaire, reste encore à définir. On retrouve toutefois des recommandations de recherches ultérieures à cet égard dans les articles rapportant les résultats limités ou moyens d'interventions visant à améliorer les compétences culinaires que nous avons examinés dans le cadre de la présente  recension. Par ailleurs, dans le cadre de nombreuses études descriptives, les participants adultes ont manifesté un intérêt envers l'apprentissage de nouvelles compétences culinaires ou le perfectionnement des compétences existantes. Compte tenu du contexte social actuel dans lequel il n'est pas nécessaire d'acquérir ou de mettre en pratique des compétences culinaires pour « survivre », certains chercheurs proposent de miser sur l'intérêt des gens envers l'aspect créatif (plutôt que routinier) de la préparation des aliments lors de l'élaboration et de la promotion des interventions à cet égardNote de bas de page 9.

La documentation examinée pour rédiger la présente section de notre synthèse traitait surtout d'interventions visant à améliorer les compétences culinaires des enfantsNote de bas de page 17, Note de bas de page 29-Note de bas de page 31, à augmenter la consommation de certains aliments ou groupes alimentairesNote de bas de page 28 et aussi à améliorer les perceptions et opinions des parents en matière d'acquisition de compétences culinaires et de consommation alimentaireNote de bas de page 27-Note de bas de page 29, Note de bas de page 32. À l'exception d'un programme d'intervention utilisant une approche multimédia par ordinateurNote de bas de page 31, il s'agissait essentiellement de programmes « traditionnels » d'éducation en nutrition et d'acquisition de compétences culinaires s'échelonnant sur plusieurs semaines. Ceux-ci comportaient des expériences pratiques de préparation des aliments à l'intention des enfants ainsi qu'un volet de formation ou d'évaluation à l'intention des parents. Un certain nombre de programmes comportaient des activités d'acquisition de connaissances en nutrition, de prise de décision et de résolution de problèmes. On offrait un nombre pratiquement égal de programmes en milieu scolaire (surtout dans le cadre d'activités parascolaires) et en milieu communautaire; tous ces programmes étaient offerts gratuitement. Certains d'entre eux fournissaient des ustensiles de cuisine de base aux participants; la plupart distribuaient les recettes préparées lors des activités. Dans certains cas, on permettait aux participants d'apporter les aliments qu'ils avaient préparés à la maison pour les faire essayer aux membres de leur famille. Un seul de ces programmes prévoyait la participation de l'ensemble de la famille.

Bien qu'on ne dispose pas de données probantes décrivant des stratégies efficaces d'intervention visant divers groupes d'âge ou sous-groupes de la population, on peut constater, à la lumière des données disponibles et de l'expérience acquise, que les interventions ou programmes expressément conçus pour les enfants prévoyant une certaine participation des adultes ou parents présentent souvent les caractéristiques communes suivantes :

  • Ils s'appuient sur des fondements théoriques explicites ou, à tout le moins, sur un ensemble d'hypothèses réalistes qui présentent un intérêt pour la collectivité.
  • Ils fournissent surtout des occasions d'apprentissage pratique (p. ex. dégustations d'aliments, démonstrations de techniques culinaires ou applications de celles-ci) favorisant l'acquisition de compétences culinaires ainsi que l'amélioration de la confiance en soi et de l'efficacité auto-perçue tout en encourageant les enfants et les adolescents à participer aux activités de préparation des aliments au foyer.
  • Ils prévoient une auto-évaluation du changement des habitudes et comportements alimentaires chez les élèves des écoles intermédiaires et secondaires et aussi chez les parents et les adultes.
  • Ils font participer les parents à la mise en oeuvre et à l'évaluation, soit directement ou en tant qu'intermédiaires, selon l'âge des enfants (ils valorisent l'influence des parents sur les choix alimentaires et les compétences culinaires des enfants et des adolescents).
  • Ils sont axés sur la communauté et ciblent des groupes spécifiques de la population (axés sur l'apprenant) en tenant compte du contexte social des choix alimentaires et des pratiques culinaires.
  • Ils offrent un contenu permettant aux apprenants de surmonter les obstacles à l'amélioration des choix alimentaires et des pratiques culinaires dans un environnement physique et social plus global.
  • Ils fournissent des conditions propices à l'apprentissage, notamment un soutien social et un renforcement positif sur une base régulière.
  • Ils visent des objectifs spécifiques mesurables fixés par les participants (présentant un intérêt pour les participants adultes ou les parents et aussi idéalement pour leurs familles).
  • Ils démontrent qu'on peut planifier, préparer et servir en peu de temps des repas sains et économiques (en utilisant des modes de préparation et de l'équipement appropriés) en misant sur le goût d'apprendre.
  • Ils sont offerts pendant une période suffisante.

La documentation examinée insiste sur l'importance que les participants fixent eux-mêmes les objectifs de la formation en tenant compte des éléments suivants : identification des obstacles ou difficultés à surmonter pour en arriver une transformation souhaitable des comportements, amélioration de la disponibilité de certains aliments sains et de l'accessibilité à ceux-ci, acquisition de nouvelles préférences alimentaires envers certains aliments sains et renforcement des compétences culinairesNote de bas de page 27, Note de bas de page 28. En ce a trait à ce dernier élément, ParrisNote de bas de page 30 cite une recherche menée par Contento et coll.Note de bas de page 36 ayant révélé que les programmes d'éducation en nutrition intensifs de plus longue durée sont plus efficaces que les programmes de plus courte duréeNote de bas de page 36. Suite à un examen de divers programmes d'éducation en nutrition, Contento et coll.Note de bas de page 36 ont constaté qu'un programme de formation de quinze (15) heures pouvait permettre l'acquisition de nouvelles connaissances, mais qu'il fallait compter au moins cinquante (50) heures pour changer les attitudes et comportements. Les travaux de Contento et coll.Note de bas de page 36 et de Lytle et AchterbergNote de bas de page 37 sont cités dans plusieurs documents de référence consultés qui traitaient de diverses interventions.

Tel que mentionné dans cette synthèse, les changements apportés à la fin des années 1990 au programme pédagogique national de nutrition et d'alimentation dans les écoles publiques du Royaume-Uni ont stimulé beaucoup de discussions au niveau du gouvernement, des universitaires et des organisations non gouvernementales; ils ont aussi stimulé la recherche et diverses actions. L'émergence d'un concept particulièrement important dans le cadre de l'élaboration des programmes et initiatives visant l'acquisition ou le renforcement des compétences culinaires chez les enfants et les adolescents, soit celui des « compétences alimentaires chez les jeunes enfants » est l'un des résultats des discussions, recherches et actions entreprisesNote de bas de page 38. Dans le site Web consacré à ce concept, on situe les compétences alimentaires des enfants de 5 à 16 ans dans un cadre conceptuel incluant les compétences et connaissances de base que les jeunes doivent acquérir pour être en mesure de choisir, préparer et consommer des aliments sains et sécuritaires. Bien que ce cadre conceptuel vise avant tout à permettre aux écoles et organismes communautaires d'aider les jeunes à acquérir un ensemble cohérent de compétences et connaissances en alimentation, il s'inscrit dans la lignée de projets gouvernementaux plus globaux en matière de santé; il peut aussi être utilisé au foyer ou lors d'autres activités. Les compétences visées ont été regroupées sous les principaux thèmes suivants : alimentation et santé, sensibilisation des consommateurs, techniques culinaires (préparation et manipulation des aliments) et salubrité des aliments. Les principaux utilisateurs de ces compétences sont énumérés dans le site WebNote de bas de page 38.

5.0 Conclusion et lacunes au niveau des connaissances

Malgré le manque de données en matière de surveillance et d'interventions mentionné dans la présente synthèse, il serait faux d'affirmer que les préoccupations entourant l'impact potentiel d'une transition en matière de compétences culinaires sur les choix alimentaires, la santé et les disparités en matière de santé ne sont pas fondées.

Les informations présentées dans cette synthèse confirment la nécessité d'améliorer la recherche et la surveillance pour mieux comprendre les déterminants, la fréquence et les caractéristiques des compétences culinaires chez les enfants et les familles au Canada et être en mesure d'intervenir à cet égard. Il faut aussi explorer davantage l'impact des compétences culinaires sur la qualité de l'alimentation et la santé nutritionnelle chez certains sous-groupes de la population pour pouvoir faire des comparaisons. Ce rapport énumère les caractéristiques favorisant la réussite des interventions éducatives visant l'acquisition de connaissances et de compétences en alimentation et nutrition, cette réussite étant définie par un changement notoire et durable des comportements alimentaires chez les enfants et les familles.

Les questions suivantes pourraient orienter les recherches ultérieures visant à combler les lacunes identifiées au niveau des connaissances :

  • Comment les familles canadiennes ayant des enfants définissent-elles ou décrivent-elles les compétences culinaires ?
  • Les familles canadiennes ayant des enfants valorisent-elles les compétences culinaires nécessaires à la cuisine de base ou à partir d'ingrédients de base ?
  • Comment les familles canadiennes ayant des enfants évaluent-elles la valeur nutritive des aliments prépréparés et prêts-à-servir comparativement à celle des aliments ou repas préparés à partir d'ingrédients de base ?
  • Comment les compétences culinaires et leur application ont-elles évolué au Canada, surtout chez les familles ayant des enfants ?
  • Quelles caractéristiques fondées sur des données probantes peuvent favoriser la réussite des interventions visant l'acquisition ou le renforcement des compétences culinaires chez les enfants dans le contexte familial ?
  • Comment les connaissances, les compétences et l'efficacité auto-déclarées quant à la préparation et l'achat des aliments varient-elles selon les groupes socioéconomiques au Canada ? Comment cette situation se compare-t-elle à celle des peuples autochtones ?
  • Existe-t-il une relation entre l'excès de poids et l'obésité pendant l'enfance et les compétences culinaires des enfants et des familles ?
  • Observe-t-on des différences au niveau des apports de macro et micronutriments entre les Canadiens qui se nourrissent principalement d'aliments préparés à partir d'ingrédients de base et ceux qui consomment régulièrement des aliments prépréparés, préemballés ou prêts-à-servir ?

6.0 Références

Certains hyperliens donnent accès à des sites d'organismes qui ne sont pas assujettis à la  
. L'information qui s'y trouve est donc dans la langue du site.

Ressources supplémentaires

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