Meilleures pratiques - Troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie

2002
ISBN : 0-662-86532-4
No de catalogue : H39-599/2001-2F

Table des matières

Remerciements

Cette opportunité de synthétiser les lignes directrices des meilleures pratiques à partir de la documentation de recherche en évolution rapide et de l'avis des experts concernant le traitement et le soutien des personnes atteintes de troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie a été stimulante et gratifiante pour les membres de l'équipe du projet. Il s'agit d'un aspect de notre travail pour lequel nous savons que les besoins des personnes vivant ces difficultés sont indéniablement importants. La nécessité d'une information et de conseils à jour est essentielle pour les décideurs, les planificateurs, les cliniciens et les intervenants.

Nous désirons exprimer notre appréciation sincère aux membres de notre groupe d'experts de tout le Canada qui ont fourni leur temps et leur expertise pour examiner notre travail et nous offrir des conseils à mesure que nous traversions les diverses étapes du projet. La liste des membres du groupe d'experts figure ci-après. Nous avons considérablement bénéficié des conseils du Dre Kim Mueser, du New Hampshire - Dartmouth Psychiatric Research Centre, une experte de renommée internationale dans le domaine, qui a contribué au projet. Nous remercions également la Dre Christine Curbasson qui a contribué à l'examen et au sommaire de la documentation sur les troubles concomitants d'alimentation et de l'alcoolisme et de la toxicomanie, Mme Karine Bertrand pour son soutien quant aux examens de la documentation et à la synthèse de la recherche, et Mme Naimh Harraher qui a donné un coup de pouce en révisant la méthodologie de la meilleure pratique. Nous remercions également les personnes suivantes de leur soutien pour la planification et la mise en oeuvre de nos groupes de discussion des consommateurs : Dre Carol Strike, Mme Beth Powell, M. Larry Lalonde, M. Mike Petrenko en Ontario, Mme Sophie Alarie au Québec, et M. Robert Haubrich et Dr Philip Perry en Colombie-Britannique. Notre travail a également énormément bénéficié de la participation de personnes ayant souffert de troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie et qui ont offert leur temps, leurs intuitions et leur expérience vécue en participant à nos groupes de discussion. Nous espérons que notre travail fera justice à votre volonté de partager votre histoire et qu'il permettra d'améliorer les services et le soutien dont vous, et d'autres personnes dans des circonstances semblables, avez besoin.

Garry Roberts, Jill Austin et Susan Rosidi, du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, ont dressé un inventaire national des programmes visant les troubles concomitants comme élément parallèle du projet. Nous les remercions également de leur contribution à l'ensemble du projet. Nous voulons aussi exprimer notre appréciation au groupe de travail de Santé Canada pour le cadre de responsabilisation et d'évaluation et pour le plan de recherche, non seulement pour avoir stimulé l'intérêt envers l'élaboration de ces lignes directrices des meilleures pratiques à l'échelle nationale au Canada, mais également pour leur examen de ce rapport final et leurs commentaires. Au nom de Santé Canada, Christian Dutil et Harlie Outhwaite ont joué un rôle important quant à la surveillance et à l'administration du projet.

Plusieurs décideurs, administrateurs de programmes, cliniciens, thérapeutes et personnes de soutien par tout le Canada ont également offert aimablement leurs points de vue et commentaires sur les recommandations que nous avons formulées. Leurs intuitions et leur expertise ont amélioré considérablement le produit final.

Enfin et surtout, nous remercions Stephanie Ali de son soutien à la gestion et à l'administration du projet, et Maria Ablao et Shelley Cahill pour leur contribution à la production de ce rapport final.

Brian Rush (responsable du projet) au nom de l'équipe du projet et du groupe d'experts

Équipe de projet

  • Brian Rush (chef de projet)
    Chercheur princ. et dir. associé, unité de recherche et de consultation sur les systèmes de santé
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Raquel Shaw Moxam ( coordonnatrice de projet)
    Attachée de recherche, unité de recherche et de consultation sur les systèmes de santé
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Louise Nadeau
    Psychologue, département de Psychologie
    Université de Montréal
    Montréal (Québec)
  • Shelley McMain
    Psychologue, programme de troubles concomitants
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Alan Ogborne
    Chercheur principal, département de la recherche sur la prévention sociale et la politique sanitaire
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    London (Ontario)
  • Paula Goering
    Directrice, unité de recherche et de consultation sur les systèmes de santé
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Gary Roberts
    Associé principal, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies
    Ottawa (Ontario)
  • Susan Rosidi
    Chargée de projet, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies
    Ottawa (Ontario)
  • Kim Mueser (conseiller en projet)
    Professeur de psychiatrie
    Dartmouth Medical School
    New Hampshire
    (États-Unis)
    Darmouth

Groupes d'experts

  • Wayne Skinner
    Chef, programme de troubles concomitants
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Tony Toneatto
    Chercheur scientifique, programme de troubles concomitants
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Patrick Smith
    Vice-président, services de toxicomanie
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Richard Christie
    Directeur régional et chef de projet, projet sur le modèle des troubles concomitants
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Kim Calderwood
    Coordonnatrice du projet sur le modèle des troubles concomitants
    Centre de toxicomanie et de santé mentale
    Toronto (Ontario)
  • Bonnie Pape
    Directrice des programmes et de la recherche, Association canadienne pour la santé mentale
    Bureau national
    Toronto (Ontario)
  • Dennis Kimberley
    Professeur
    Memorial University School of Social Work
    St. John's (Terre-Neuve)
  • Jane Lashes
    Chargée de projet principale
    Services de santé mentale
    Service correctionnel du Canada
    Ottawa (Ontario)
  • Thomas G. Brown
    Codirecteur, programme de recherche sur la toxicomanie
    Centre de recherche de l'Hôpital Douglas
    Verdun (Québec)
  • John Fox
    Directeur, expansion économique
    Hôpital Riverview
    Port Coquitlam
  • Michel Landry
    Directeur, services professionnels
    Centre Dollard-Cormier
    Montréal (Québec)

Résumé

Contexte, définitions et approche

Au cours des deux dernières décennies, la question des troubles concomitants liés à l'alcoolisme et à la toxicomanie et à la santé mentale chez les personnes cherchant de l'aide en traitement s'est posée comme question importante pour les responsables de la planification et du financement des programmes de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie, de même que pour les intervenants. Les préoccupations soulevées par rapport aux troubles concomitants ont été attisées par la recherche effectuée faisant état du fort taux de prévalence d'une telle comorbidité et de ses répercussions sur le traitement et les autres services de soutien de même que sur le coût et les résultats qui y sont associés.

Le présent projet offre une synthèse à jour des données de recherche et des recommandations spécifiques pour le dépistage, l'évaluation et le traitement/soutien de cette population dont les besoins sont importants, basée sur les résultats de recherche les plus concluants. Cette synthèse des travaux de recherche a été combinée aux conseils et à la contribution d'experts et autres spécialistes dans le domaine, y compris les clients ayant vécu les graves conséquences de ces troubles concomitants. Cette synthèse vise à compléter le travail considérable entrepris dans le cadre du projet et le lecteur est encouragé à consulter l'importante documentation de référence (annexe A). Un inventaire national spécialisé des programmes de troubles concomitants intitulé Inventaire national des programmes - Troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie est publié séparément et accompagne ce document.

Public visé

Ce rapport se veut une ressource pour les gestionnaires et le personnel des services de santé mentale, d'alcoolisme et de toxicomanie et pour les services intégrés de troubles concomitants ainsi que pour les intervenants du domaine qui ont à relever les défis de la prestation d'un service de bonne qualité aux personnes présentant des troubles concomitants d'alcoolisme et de toxicomanie et de santé mentale. De plus, le rapport vise les planificateurs, les responsables du développement communautaire et les autres décideurs qui travaillent davantage au niveau de systèmes. Les chercheurs et les évaluateurs de programmes bénéficieront aussi de cette synthèse.

Définition de « troubles concomitants »

De façon générale, l'ensemble des « troubles concomitants » se rapporte aux personnes qui vivent une association de troubles mentaux, émotionnels et psychiatriques avec une consommation excessive d'alcool ou d'autres drogues psychoactives. Sur un plan plus technique et en termes diagnostiques, elle se rapporte à une association de troubles mentaux et de troubles liés aux substances, définie par exemple selon l'axe I et l'axe II du DSM-IV.

Les troubles liés aux substances constituent l'expression diagnostique se rapportant à une habitude de consommation d'alcool ou de drogues illicites entraînant des problèmes importants relatifs à des aspects de la vie comme le travail, les relations, la santé physique, le bien-être financier, etc. Il y a deux sous-catégories s'excluant l'une l'autre - l'abus de substances et la dépendance à une substance (voir annexe B). Dans certains cas, la consommation de substances elle-même, à l'exclusion de l'abus ou de la dépendance, influe négativement sur les troubles mentaux.

Pour ceux qui travaille dans le domaine de l'alcoolisme et de la toxicomanie, l'utilisation du DSM-IV comme base de la définition des troubles concomitants peut sembler une approche trop médicale et psychiatrique. Toutefois, cette approche est la plus utilisée dans la documentation scientifique sur les troubles concomitants ainsi que dans les tentatives antérieures de définir les meilleures pratiques dans ce domaine. Cette pratique existe encore car :

  • un traitement et un soutien appropriés dans le domaine de la santé mentale, y compris la pharmacothérapie, viennent après l'évaluation et le diagnostic. Il s'ensuit que la même chose s'applique aux personnes ayant des troubles mentaux et de toxicomanie concomitants;
  • un diagnostic de troubles mentaux fondé sur le DSM peut être établi par certains professionnels « non médicaux », notamment les psychologues agréés;
  • une approche de réadaptation psychosociale générale est maintenant considérée essentielle pour le traitement efficace et le soutien des personnes souffrant de troubles mentaux. Dans la même veine, le traitement et le soutien des personnes présentant des troubles concomitants vont bien au-delà des interventions strictement médicales et psychiatriques.

L'acceptation du cadre « médical/psychiatrique » sous-tendant le DSM ou d'autres systèmes de classification des troubles mentaux peut parfois être un des défis à affronter pour réunir les univers de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Par ailleurs, il est reconnu que le choix de cette classification puisse nécessiter une adaptation dans les collectivités n'ayant pas facilement accès à des professionnels qualifiés pour établir des diagnostics de troubles mentaux.

Approche recommandée à la classification

Au cours des deux dernières décennies, l'expression « double diagnostic » a été la plus employée pour l'association des troubles mentaux et des troubles liés aux substances. Toutefois, cette expression s'applique également aux troubles psychiatriques et aux déficiences du développement concomitants. D'autres expressions et acronymes qu'on peut retrouver sont ACMM (abus chimique et maladie mentale) ou MMAC (maladie mentale et abus chimique) ou ASMM (abus de substances et maladie mentale). L'expression « troubles concomitants » est préférable parce qu'elle met l'accent sur le diagnostic approprié comme guide pour planifier le traitement et le soutien, et distingue ce domaine des autres travaux significatifs dans le domaine des déficiences du développement et des troubles mentaux. L'idée de troubles mentaux et d'alcoolisme et de toxicomanie porte une connotation de pluralité, plutôt que de dualité, ce qui apparaît davantage compatible avec le tableau clinique typique de la consommation abusive de multiples drogues, dont l'alcool, et souvent la manifestation de plusieurs diagnostics psychiatriques.

Les cliniciens et les intervenants ont besoin de lignes directrices pour traiter des types spécifiques de troubles concomitants. Étant donné le stade peu avancé de la recherche portant spécifiquement sur les troubles liés aux substances et sur leur diagnostic, des sous-catégories peuvent être établies en fonction de l'expérience clinique et des associations les plus fréquentes de troubles mentaux et de troubles liés aux substances qui sont présentés par les personnes demandant un traitement et du soutien. Ce sont les troubles concomitants suivants :

  • Groupe 1 : Troubles liés aux substances et troubles d'humeur et d'anxiété
  • Groupe 2 : Troubles liés aux substances et troubles mentaux sévères et persistants
  • Groupe 3 : Troubles liés aux substances et troubles de la personnalité
  • Groupe 4 : Troubles liés aux substances et troubles de l'alimentation
  • Groupe 5 : Autres troubles liés aux substances et troubles mentaux Le présent rapport porte principalement sur les quatre premiers groupes.

Définition du traitement intégré

Une distinction entre « intégration des programmes » et « intégration des systèmes » est proposée afin de refléter les améliorations en cours visant le traitement et le soutien offerts par l'entremise des unités de traitement ou des organismes communautaires. « Intégration des programmes », veut dire :

« Traitement des troubles mentaux et traitement des troubles liés aux substances offerts simultanément par les mêmes cliniciens et intervenants, ou par une même équipe de cliniciens et d'intervenants, à l'intérieur d'un même programme, de façon à assurer à l'individu une explication cohérente des problèmes et des objectifs de traitement compatibles plutôt qu'un ensemble de messages contradictoires de professionnels différents. »

« Intégration des systèmes », veut dire :

« L'établissement de liens durables entre les dispensateurs de services ou les unités de traitement au sein d'un système de soins ou entre de multiples systèmes afin de faciliter la prestation des services aux clients au niveau local. Le traitement des troubles mentaux et le traitement des troubles liés aux substances sont ainsi offerts par au moins deux cliniciens et intervenants travaillant pour des unités de traitement ou des dispensateurs de services différents. Divers arrangements de coordination et de collaboration sont utilisés pour développer et implanter un plan de traitement intégré. »

Comme pour l'intégration au niveau des programmes, les plans de traitement qui recoupent les dispensateurs de services peuvent nécessiter le traitement des troubles liés aux substances et des troubles mentaux en même temps ou l'un après l'autre, mais toujours dans le contexte d'une approche cohérente et coordonnée adaptée aux besoins et capacités uniques de la personne.

Nécessité d'une perspective psychosociale élargie

Enfin, en ce qui concerne l'expression « traitement intégré », des commentaires sont offerts sur l'application du mot « traitement » dans ce contexte. Dans le domaine de la santé mentale, l'accent sur l'intégration communautaire pour les personnes atteintes de troubles mentaux sévères a été une force dominante au cours des deux dernières décennies. Simultanément, une transition vers une approche de réadaptation psychosociale générale s'est opérée. Cette perspective élargie valorise le rôle critique du traitement en phase aiguë, de la gestion de la médication et de la réduction des symptômes afin d'obtenir des résultats positifs à long terme. Elle préconise également le soutien de la personne dans plusieurs domaines, notamment le logement, l'emploi, les loisirs et les réseaux sociaux, pour n'en nommer que quelques-uns. En raison de la nouvelle conception de l'intégration communautaire et en raison des initiatives stratégiques spécifiques qui ont soutenu ce changement de paradigme, une gamme de programmes de soutien communautaire, notamment des services dirigés par la clientèle apportant une perspective expérientielle à la prestation de services et au soutien. Les objectifs de ces services de soutien sont énoncés de façon générale comme visant à aider les personnes souffrant de troubles mentaux sévères à se réintégrer dans la collectivité et à améliorer leur qualité de vie et celle de leur famille.

Ces services de soutien psychosociaux sont recommandés dans le cadre de l'ensemble des soins prodigués aux personnes souffrant de troubles mentaux sévères, et du soutien qui leur est apporté (p. ex., lignes directrices des pratiques pour la schizophrénie). Ainsi, il est important de signaler que, s'ils sont requis par la personne en fonction de ses besoins et de ses capacités fonctionnelles, ils ont alors un rôle déterminant à jouer dans un programme ou un système intégré pour les personnes présentant des troubles concomitants. Bien qu'une telle pratique soit compatible avec l'avis de plusieurs experts dans le domaine, ce n'est peut-être pas évident à première vue, étant donné l'utilisation de l'expression « traitement » intégré. Ainsi, l'expression « traitement et soutien intégrés » est préférée, car elle s'avère plus compatible avec cette perspective de réadaptation psychosociale élargie.

Justification des lignes directrices des meilleures pratiques

La justification de l'élaboration de lignes directrices des meilleures pratiques pour le traitement des troubles concomitants est enracinée principalement dans trois domaines de recherche et d'expérience clinique :

  • la prévalence de la comordibité est élevée dans la population générale faisant appel aux services de traitement et a été grandement passée sous silence dans la planification, l'implantation et l'évaluation des services de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie;
  • la comorbidité des troubles liés aux substances et des troubles mentaux modifie le cours, le coût et le résultat du traitement et présente des défis importants pour le dépistage, l'évaluation, le traitement et le soutien ainsi que la surveillance de l'issue du traitement;
  • les services d'alcoolisme et de toxicomanie et de santé mentale dans la collectivité opèrent généralement de façon isolée et, souvent, à partir d'idéologies thérapeutiques incompatibles.

Meilleures pratiques pour les troubles concomitants au niveau de la prestation des services

Il y a plusieurs points d'entrée dans les « systèmes » de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie d'une collectivité. Bien que les personnes souffrant de troubles concomitants puissent être plus susceptibles de se présenter à certains points d'entrée qu'à d'autres (p. ex., services d'urgence et de crise, refuges pour sans-abri), les données de recherche indiquent que la prévalence des troubles concomitants serait élevée pour tous les points d'entrée. Il importe également de noter que dans le système de santé mentale, la durée du traitement et du soutien d'une personne présentant un trouble concomitant lié aux substances par un programme particulier est très variable, allant d'un très bref contact dans un service en situation de crise à quelques semaines ou quelques mois dans un établissement de traitement aigu, et à plusieurs années de contact et de soutien réguliers par une équipe de la communauté, un programme de logement subventionné, ou un pavillon d'accueil. De même, les possibilités d'identification et de diagnostic d'une personne souffrant de troubles mentaux sont très variables entre les différents services d'alcoolisme et de toxicomanie offerts dans la collectivité (p. ex., bref contact dans un centre de gestion du sevrage comparativement à plusieurs semaines ou mois de soutien d'un programme de traitement ambulatoire ou en établissement). Ainsi, les possibilités d'identifier une personne souffrant de troubles liés aux substances et de troubles mentaux concomitants sont très variables selon les différentes situations. De plus, les types de formation professionnelle, de connaissances et de perspectives expérientielles diffèrent grandement selon les établissements. Ces facteurs auront une l'influence sur les gestionnaires, le personnel et les clients à l'égard de l'application de diverses stratégies qui pourraient être recommandées pour le dépistage, l'évaluation, le traitement et le soutien. Le rôle de la famille et des autres personnes importantes sera également très variable, par exemple, pour fournir des rapports collatéraux sur la dépendance aux substances ou participer aux interventions des systèmes familiaux. Nonobstant ces facteurs contextuels importants, il est nécessaire d'obtenir des conseils basés sur des données de recherche fiables dans trois domaines :

  1. déterminer si quelqu'un présente un trouble lié aux substances ou un trouble mental éventuel (selon l'établissement);
  2. pour un dépistage positif, entreprendre une évaluation complète qui permettra d'établir de façon plus concluante la nature et la sévérité du problème de dépendance aux substances ou du problème de santé mentale et la relation entre les deux. Dans les secteurs où les ressources sont limitées, cette étape peut obliger à faire appel à un autre service pour évaluer le problème de consommation de substances ou de santé mentale, mais cet aiguillage doit se faire dans le contexte d'un système coordonné comportant un suivi de façon à assurer la mise en place d'un plan de traitement intégré;
  3. pour les personnes ayant un diagnostic de trouble lié aux substances et de trouble mental concomitants, offrir le traitement et le soutien permettant la résolution immédiate des problèmes et assurer un suivi, le soutien et la réadaptation à plus long terme. Dans certaines collectivités, cette étape peut exiger un aiguillage vers un autre service spécialisé dans la prise en charge des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie ou de santé mentale. Cela doit se faire dans le contexte d'un plan de traitement intégré et d'un système coordonné des services.

Dépistage

Il est recommandé que :

  • toutes les personnes cherchant de l'aide dans un service d'alcoolisme et de toxicomanie fassent l'objet d'un dépistage de troubles mentaux concomitants. Cette recommandation s'articule sur les approches des niveaux I et II adaptées au type d'établissement ainsi qu'au temps et aux ressources disponibles.

Il est recommandé également que :

  • toutes les personnes adressant une demande d'aide aux services de santé mentale fassent l'objet d'un dépistage de troubles liés aux substances concomitants. Cette recommandation s'articule sur les approches des niveaux I et II adaptées au type d'établissement ainsi qu'au temps et aux ressources disponibles.

Évaluation

Lors d'un dépistage positif d'un trouble lié aux substances ou d'un trouble mental, il est recommandé qu'une évaluation complète a) établisse un diagnostic, b) évalue le niveau de fonctionnement psychosocial et les autres facteurs associés au trouble, et c) établisse un plan de traitement et de soutien qui permette de déterminer l'intéraction entre les troubles mentaux et d'alcoolisme et de toxicomanie et augmente la probabilité d'une amélioration des deux conditions.

Traitement et soutien

Troubles concomitants de l'humeur, de l'anxiété et de l'alcoolisme et de la toxicomanie :

  • une approche intégrée au traitement/soutien est recommandée;
  • à l'exception d'un trouble relié au stress post-traumatique et dans le contexte d'une approche intégrée, une séquence d'intervention spécifique est recommandée (en commençant par l'alcoolisme et la toxicomanie), accompagnée d'une évaluation continue et d'une adaptation du plan de traitement et de soutien si le trouble de l'humeur et de l'anxiété ne s'améliore pas suite à une amélioration du trouble lié aux substances;
  • pour un trouble relié au stress post-traumatique, une approche de traitement intégré portant en même temps sur le stress post-traumatique et l'alcoolisme et la toxicomanie est recommandée;
  • présentement, le traitement le plus efficace pour les troubles de l'humeur et de l'anxiété concomitants, y compris le trouble relié au stress post-traumatique, est le traitement cognitivo-comportmental;

Troubles concomitants mentaux sévères et persistants :

  • une approche intégrée au traitement/soutien est recommandée;
  • dans cette approche intégrée, il est recommandé que les interventions pour l'alcoolisme et la toxicomanie et pour les troubles mentaux sévères soient planifiés et mis en oeuvre de façon simultanée;
  • présentement, le traitement le plus efficace à pour objet un ensemble de services qui prend en compte la motivation du client et qui propose un traitement ambulatoire, un traitement cognitivo-comportmental, la réduction des méfaits et un soutien de réadaptation psychosociale complète, pour ne nommer que quelques éléments des programmes et des systèmes.

Troubles concomitants liés à l'alcoolisme et à la toxicomanie et aux troubles de la personnalité :

  • une approche intégrée au traitement/soutien est recommandée;
  • dans cette approche intégrée, il est recommandé que soient planifiées et mises en oeuvre simultanément les interventions pour l'alcoolisme et la toxicomanie et pour les troubles de la personnalité limite;
  • les données de recherche sur le traitement du trouble de la personnalité antisociale et des troubles liés aux substances suggèrent de traiter d'abord le problème de dépendance;
  • d'après les données probantes, le meilleur traitement pour les troubles concomitants de la personnalité limite et de l'alcoolisme et de la toxicomanie, est la thérapie comportementale dialectique (TCD), qui comporte une formation pour le développement des habiletés interpersonnelles.

Troubles concomitants liés à l'alcoolisme et a la toxicomanie et aux troubles de l'alimentation :

  • une approche intégrée est recommandée;
  • dans cette approche intégrée, il est recommandé que les interventions relatives à l'alcoolisme et à la toxicomanie et aux troubles de l'alimentation soient planifiées et mises en oeuvre simultanément, à moins qu'il y ait présence de motifs cliniques impératifs comme des facteurs menaçant la vie de la personne. Dans ce cas, on mettra d'abord l'accent sur l'un des troubles;
  • l'intervention la plus prometteuse est une combinaison de la gestion médicale des stratégies comportementales pour modifier les habitudes alimentaires et le comportement de dépendance, et de la psychothérapie pour traiter les problèmes psychologiques.

Conséquences des lignes directrices des meilleures pratiques au niveau des systèmes

Ryglewicz et PepperNote de bas de page 34 offrent une perspective historique utile sur l'augmentation du nombre de personnes souffrant de troubles concomitants. Ils notent la séparation historique de trois groupes cliniques très distincts : les « malades mentaux », les « alcooliques » et les « toxicomanes ». Les premiers se retrouvaient dans des établissements psychiatriques. L'alcoolisme n'était pas considéré comme un problème tant qu'il n'était pas très avancé et, s'il était traité, c'était dans des centres de traitement très spécialisés. La toxicomanie était confinée à un petit segment de la société et était considérée en grande partie dans un contexte criminel. Cette époque est révolue. Le changement s'est opéré principalement suite à la désinstitutionnalisation des services de santé mentale, du mouvement correspondant vers le soutien communautaire des personnes souffrant de troubles mentaux sévèresNote de bas de page 73 et de l'augmentation de la disponibilité des drogues dans la collectivité depuis les années 1960. Ainsi, les trois groupes cliniques autrefois distincts ont maintenant fait place à des groupes élargis de personnes dans la collectivité ayant des troubles mentaux et une dépendance aux substances se chevauchant et en intéraction. La difficulté du point de vue de la prestation des services est que les organismes communautaires, les planificateurs et les décideurs ont conservé une conception de la situation comme problème unique à cause des obstacles établis depuis longtemps entre les systèmes de traitement des troubles mentaux et des troubles liés aux substances. Ces obstacles sont apparus suite à une formation et un perfectionnement distincts dans les deux domaines, qui sont devenus enchâssés dans des structures de financement, d'administration et d'élaboration de politiques séparées. Un autre obstacle est la complexité perçue, l'incertitude et le degré de difficulté associés à une approche plus intégrée. En prenant un recul historique sur l'émergence des deux systèmes on peut mieux comprendre à la fois les problèmes des clients qui doivent actuellement s'adresser à deux systèmes.

Une approche moins normative au niveau des systèmes

Le Canada est au point de développer et d'essayer diverses stratégies pour mieux intégrer les services au niveau des systèmes. Il existe très peu d'information publiée allant de l'évaluation de nombreux défis et obstacles à l'intégration des systèmes jusqu'à l'implantation et l'évaluation des différentes stratégies concrètes. En général, l'état actuel des connaissances et la sagesse de la pratique ne sont pas suffisamment développés pour formuler des recommandations sur les « meilleures pratiques » au niveau des systèmes, donc la discussion est plus descriptive que normative.

Liste de solutions de rechange pour soutenir l'intégration des systèmes

En synthétisant l'information et les thèmes, la liste suivante de stratégies possibles peut soutenir l'intégration des systèmes :

  • il est essentiel que les personnes souffrant de troubles concomitants et les membres de leur famille participent significativement aux activités de planification et d'élaboration des systèmes;
  • étant donné le rythme du développement des connaissances et le degré auquel les solutions novatrices sont explorées, un mécanisme de partage d'information et des leçons apprises est nécessaire. Une possibilité serait d'établir un site Web canadien et, éventuellement un centre national de ressources sur les troubles concomitants qui soutiendrait la diffusion de la recherche et le transfert des connaissances;
  • la formation et l'éducation doivent être l'élément central du développement des programmes et des systèmes visant les troubles concomitants, notamment la formation croisée, l'éducation permanente et le développement de programmes d'enseignement officiels et accrédités;
  • un engagement de tous les paliers décisionnels des bailleurs de fonds, des administrateurs et des directeurs généraux ainsi que l'exploration pratique des liens par le personnel de première ligne d'après chaque cas, est suggéré;
  • l'établissement d'un comité de planification mixte interinstitutions est une option viable pour démarrer le processus local d'intégration des systèmes. Ce processus devrait être assorti d'objectifs et de délais raisonnables afin d'optimiser les chances de succès et de développer une motivation désireuse de poursuivre le processus de changement. Une approche par étapes peut être d'une grande valeur, par exemple avec des activités informelles de coordination et de partage de l'information, éventuellement un programme de formation croisée, et ensuite des ententes de services pour l'évaluation, le traitement et le soutien. Il importe d'avoir une personne-ressource spécialisée pour soutenir le processus de planification et de développement. Il importe également de reconnaître qu'en raison de la complexité de chaque système, le processus de changement doit être considéré comme étant évolutionniste, non-linéaire et nécessitant du temps et de la patience;
  • une consultation clinique est nécessaire pour chaque cas, y compris un rôle éventuel de la télé-psychiatrie pour l'intégration des programmes et des systèmes dans les régions rurales et éloignées;
  • les systèmes de données partagées pour la santé mentale et l'alcoolisme et la toxicomanie devraient être explorés et mis à l'essai;
  • l'adoption générale d'équipes mixtes de prestation comprenant un conseiller en l'alcoolisme et toxicomanie devraient être mises de l'avant;
  • des partenariats officiels interinstitutions peuvent être établis, allant au-delà des exercices de planification conjointe pour adopter des accords de services ou, éventuellement, procéder à la fusion des organisations;
  • les modèles d'accès central sont souvent recommandés dans les processus de réforme de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Il est probablement valable de développer des modèles d'accès améliorés et de partager l'information de base sur les services et le soutien offerts face à l'alcoolisme et la toxicomanie et aux troubles mentaux;
  • des initiatives stratégiques peuvent être supportés au niveau du financement pour soutenir les services et systèmes intégrés et offrir un mécanisme de démonstration des projets.

Conséquences pour la recherche

  • Il existe une grande variation quant au niveau et au contenu d'un traitement intégré au niveau des programmes. Il faut approfondir la recherche sur l'efficacité et la rentabilité des diverses interventions pour plusieurs des sous-groupes de l'ensemble des troubles concomitants ainsi que des mesures de fidélité pour évaluer la nature et le niveau de l'intégration.
  • Il existe une grande variation quant au niveau et au contenu d'un traitement intégré au niveau des systèmes. Il faut approfondir la recherche sur l'impact des interventions au niveau des systèmes sur l'accès au traitement et au soutien, l'engagement et la continuité dans le système de soins et l'efficacité et la rentabilité des diverses interventions pour chacun des sous-groupes de l'ensemble des troubles concomitants. La recherche devrait également étudier la valeur des mesures de fidélité afin d'évaluer la nature et le niveau de l'intégration des systèmes de même que les différences urbaines et rurales.
  • Deux groupes de troubles concomitants ont été omis de ces lignes directrices des meilleures pratiques à cause du manque de données de recherche - la dépendance concomitante à plus d'une substances et les troubles sexuels ainsi que la dépendance concomitante aux substances, et les troubles mentaux et le jeu pathologique. Il faut approfondir la recherche dans ces domaines.
  • Il faut approfondir la recherche sur le traitement et le soutien de combinaisons spécifiques de troubles liés à des substances psychoactives (p. ex., cocaïne) et de troubles mentaux spécifiques (p. ex., dépression).
  • Il faut approfondir la recherche sur le lien entre les troubles liés aux substances et les troubles liés à la colère qui sont indépendants des troubles de la personnalité antisociale.
  • Il faut approfondir la recherche sur le lien entre le dysfonctionnement parental, la maltraitance des enfants et les troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie.
  • Bref, des mesures validées sont nécessaires pour dépister les troubles mentaux chez les personnes demandant un traitement pour des troubles liés aux substances.

Introduction

Le but de ce projet est d'identifier les meilleures pratiques reliées aux troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie. Le projet a été lancé par Santé Canada et fait partie intégrante du plan de recherche développée par le Comité fédéral/provincial/ territorial sur les questions liées à l'alcool et aux autres drogues.

Le projet a été dirigé par le Groupe de travail pour le cadre de responsabilisation et d'évaluation et pour le plan de recherche. Le Groupe de travail est nommé par le Comité fédéral/provincial/territorial sur les questions liées à l'alcool et aux autres drogues. Le mandat du Groupe de travail est de superviser le développement et la mise en oeuvre de projets de recherche qui contribuent à des programmes innovateurs de traitement et de réadaptation en matière d'alcoolisme et de toxicomanie en déterminant les meilleures pratiques, en menant une évaluation des modèles de traitement et de réadaptation, et en identifiant de nouvelles questions, pour ensuite diffuser ces nouvelles connaissances à travers le pays.

Ce projet se fonde sur une série de publications sur les meilleures pratiques comprenant :

Meilleures pratiques - Alcoolisme et toxicomanie - Traitement et réadaptation (Santé Canada, 1999a); Meilleures pratiques - Syndrome d'alcoolisme foetal/effets de l'alcool sur le foetus et les effets des autres drogues pendant la grossesse (Santé Canada, 2001); Meilleures pratiques -Traitement et réadaptation des jeunes ayant des problèmes attribuables à la consommation d'alcool et d'autres drogues (Santé Canada, 2001); Meilleures pratiques - Traitement et réadaptation des femmes ayant des problèmes attribuables à la consommation d'alcool et d'autres drogues (Santé Canada, 2001).

Le présent rapport renferme quatre sections principales, en plus de la brève introduction ci-dessous. La prochaine section (2) fait mention de la quantité de travail qui s'est avérée nécessaire en vue de la rédaction du rapport, ainsi que des principales références qui ont été mises à contribution. Les « troubles concomitants » et le « traitement intégré » sont définis et les étapes suivies par rapport à l'élaboration des recommandations sont décrites.

La section 3 comprend les recommandations de meilleures pratiques sur le plan de la prestation de services. Elles s'adressent aux médecins cliniciens, aux thérapeutes et aux intervenants travaillant directement avec les individus atteints de troubles concomitants. Les recommandations touchent les trois grands secteurs suivants :

  • le dépistage;
  • l'évaluation;
  • le traitement et le soutien.

De plus, la section 3.0 englobe les recommandations suivantes qui s'appliquent à quatre sous-groupes de la grande catégorie des « troubles concomitants » :

  • troubles liés aux substances et troubles d'humeur et d'anxiété;
  • troubles liés aux substances et troubles mentaux sévères et persistants;
  • troubles liés aux substances et troubles de la personnalité;
  • troubles liés aux substances et troubles de l'alimentation.

En outre, chaque section traite de la question de prévalence et des questions étiologiques ainsi que des conséquences du traitement et des questions relatives à la pratique clinique, en plus de renfermer un examen des données empiriques et une opinion d'experts relativement à la séquence et aux types de mesures. Les recommandations quant aux meilleures pratiques sont tirées des données empiriques et de l'opinion des experts.

La section 4.0 fait état des conséquences des lignes directrices sur les meilleures pratiques au niveau du système. Les données proviennent de groupes de discussion qui se sont réunis au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, et d'une grande enquête ayant permis de recueillir des renseignements en rapport avec l'intégration des systèmes et des programmes. Des mécanismes sont identifiés pour un système d'intégration et des méthodes d'amélioration du travail à cette échelle sont discutées. La section 5.0 comprend d'autres recommandations relativement à la recherche. Chacune des sous-sections portant sur le traitement et le soutien se termine par les recommandations quant aux meilleures pratiques se rattachant aux troubles dont il est question.

Portée du projet

Ce projet porte principalement sur les personnes souffrant de troubles concomitants d'alcoolisme et de toxicomanie et de santé mentale. La documentation disponible est peu abondante sur les divers problèmes associés à des sous-populations particulières comme les jeunes, les personnes âgées, les femmes, les sans-abri, les groupes culturels, dont les Autochtones, et les personnes ayant en même temps des déficiences physiques et liées au développement. Bien que la portée des efforts n'inclut pas des recommandations spécifiques pour ces populations spéciales, des recommandations générales visant une approche plus intégrée devraient s'appliquer partout. D'autres recommandations plus spécifiques (p. ex., interventions spécifiques pour des sous-populations spécifiques) peuvent émerger d'autres projets lancés par Santé Canada pour le développement de conseils sur les meilleures pratiques de traitement des dépendances aux substances visant certaines populations (p. ex., les jeunes, les personnes âgées).

Il est également au-delà de la portée du projet d'étudier et de recommander une meilleure pratique pour la détermination précoce ou la prévention des troubles concomitants de toxicomanie et de santé mentale dans la population en général. Il est recommandé que cette tâche soit envisagée ultérieurement.

De plus, la documentation est insuffisante pour baser des lignes directrices sur les meilleures pratiques pour la concomitance des troubles d'alcoolisme et de toxicomanie et des troubles sexuels, l'abus de substances psychoactives et le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (THADA) ainsi que pour les troubles liés aux substances, les troubles de santé mentale et le jeu pathologique. Ces troubles concomitants sont dans la catégorie « autres »; non pas pour en minimiser l'importance, mais plutôt pour refléter la situation actuelle des connaissances et la sagesse de la pratique dans ces domaines reliés aux troubles concomitants. Il est reconnu qu'il existe une documentation naissante qui relie les problèmes de dépendance aux substances aux problèmes d'intimité et d'expression sexuelle, y compris l'expression sexuelle dévianteNote de bas de page 158. Ces modèles comprennent un lien entre les dépendances (p. ex., cocaïne et désir sexuel élevé et expression sexuelle; dépendances et problèmes des victimesNote de bas de page 159, et dépendances et problèmes d'agression sexuelleNote de bas de page 160). Le traitement intégré des troubles mentaux et des dépendances aux substances est possible pour ces groupes. Des recommandations visant des interventions spécifiques nécessitent une recherche plus approfondie.

La portée du travail s'est également limitée à formuler des recommandations pour une meilleure pratique dans ou entre les programmes spécialisés d'alcoolisme et de toxicomanie et de santé mentale, tout en reconnaissant que les personnes souffrant de troubles concomitants se présentent également couramment à plus de services communautaires génériques comme les soins primaires, les centres de santé communautaire, les services aux sans-abri, les services correctionnels et l'aide sociale. Les questions et les stratégies pertinentes aux meilleures pratiques pour le dépistage, l'évaluation, le traitement et le soutien des personnes souffrant de troubles concomitants dans ces établissements peuvent être extrapolées de nos recommandations concernant des services spécialisés d'alcoolisme et de toxicomanie et de santé mentale.

Enfin, l'accent principal du travail se situe au niveau de la prestation des services, y compris l'étude des types d'intervention spécifiques. Il est au-delà de la portée de ce projet d'évaluer l'application des centaines de thérapies comportementales, de travail social et de médication très spécifiques qui ont leur place dans le traitement des troubles de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie individuels (p. ex., traitements médicamenteux psychothérapeutiques de la schizophrénie). De même, les interactions spécifiques des nombreux médicaments psychothérapeutiques pour le traitement des troubles de santé mentale et les médicaments pour l'alcoolisme et les autres drogues psychoactives n'ont pas été examinées en profondeur. Ce degré de détail est mieux défini dans les lignes directrices des meilleures pratiques pour des troubles de santé mentale et de toxicomanie individuels. Toutefois, l'existence de pharmacothérapies prometteuses pour des troubles concomitants spécifiques est notée.

Contexte, définitions et approche

Contexte du rapport

Facteurs clés

  • Le présent rapport intègre des renseignements sur les travaux importants de recherche et développement qui ont été exécutés en rapport avec les troubles concomitants, et il complète cette information.
  • Les connaissances à l'égard de ce secteur augmentent rapidement.
  • Le rapport est conçu d'abord et avant tout pour les directeurs et le personnel des programmes de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie, et pour les médecins qui travaillent auprès de personnes atteintes de troubles concomitants.
  • Il peut également s'avérer utile pour les décideurs, les planificateurs, les chercheurs et les évaluateurs de programmes.

Au cours des deux dernières décennies, la question des problèmes de dépendance aux substances et de troubles mentaux concomitants chez les personnes faisant une demande d'aide et de traitement s'est posée comme question importante pour les responsables de la planification et du financement des programmes de santé mentale et de toxicomanie, de même que pour les intervenants. Les préoccupations soulevées par rapport aux troubles concomitants ont été attisées par la recherche effectuée faisant état du taux élevé de prévalence d'une telle comorbidité et de ses répercussions sur le traitement et les autres services de soutien ainsi que sur le coût et les résultats qui y sont associés.

En réponse à cette préoccupation de plus en plus grande et au besoin impérieux d'avoir recours à une plus grande utilisation des stratégies de traitement et de soutien communautaire reposant sur la recherche, Santé Canada a lancé une demande de propositions pour la mise en oeuvre des lignes directrices sur les « meilleures pratiques » en vue du traitement et de la réadaptation des individus souffrant de troubles liés aux substances et de troubles mentaux concomitants. Le plan de mesures correctives a également nécessité l'élaboration d'un répertoire national des programmes de troubles concomitants spécialisés. Ce répertoire intitulé Inventaire national des programmes - Troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie est publié séparément et accompagnera ce document.

Les troubles concomitants : une priorité reconnue

Des efforts considérables ont été déployés au Canada et ailleurs et ont ainsi ouvert la voie à l'élaboration de lignes directrices sur les meilleures pratiques par rapport aux troubles concomitants. Le cadre global de l'intégration communautaire pour les personnes atteintes de troubles mentaux sévères a reçu un appui à l'échelle nationaleNote de bas de page 1,Note de bas de page 2 ainsi que de la part des responsables de plusieurs initiatives provinciales. La plupart des provinces et des territoires ont appuyé ce cadre global, qui touche le traitement et le soutien communautaires, en parrainant un projet menant à la formulation de recommandations particulières relativement aux programmes et aux politiques. Par exemple :

  • le Comité permanent de lutte à la toxicomanie du gouvernement du Québec a fait de la comorbidité une de ses priorités dans les recommandations qu'il a émise au gouvernement provincial en 1996 et en 1997Note de bas de page 3,Note de bas de page 4. Lors des séances de consultation qui se sont tenues sur tout l'ensemble du Québec en 1995 et en 2000, des préoccupations ont été soulevées quant aux troubles concomitants dans tous les groupes d'âgeNote de bas de page 5,Note de bas de page 6;
  • en Ontario, les individus ayant des troubles concomitants ont été considérés par les réseaux de prestation de services de santé mentale et de toxicomanieNote de bas de page 7 comme des populations dont les comportements les mettraient à risque;
  • en Colombie-Britannique, un groupe de travail interministériel a été mis sur pied pour étudier la façon dont il serait possible d'améliorer les services aux individus atteints de troubles mentaux sévères et de troubles liés aux substances. Dans le rapportNote de bas de page 10 qu'il a déposé par la suite, le groupe de travail a recommandé l'adoption de plusieurs approches additionnelles en vue de la mise en place de services améliorés à l'intention des personnes ayant des troubles concomitants.

Les responsables d'autres initiatives nationales ont élaboré des lignes directrices sur les meilleures pratiques en relation avec les services de santé mentale et le soutien sur ce planNote de bas de page 11 et avec le traitement de la dépendance aux substancesNote de bas de page 12. Des lignes directrices pratiques ont également paru dans des revues scientifiques et portaient sur des troubles précis tels que la dépressionNote de bas de page 13, la schizophrénieNote de bas de page 14, les troubles liés à la consommation d'alcool, de cocaïne et d'opiacésNote de bas de page 17 et la dépendance à la nicotineNote de bas de page 18,Note de bas de page 19. On a également mis en place des lignes directrices en rapport avec l'évaluation psychiatriqueNote de bas de page 20.

Certaines des lignes directrices pratiques, comme les lignes directrices canadiennes pour la schizophrénie16 et les lignes directrices pour l'évaluation psychiatriqueNote de bas de page 20, renferment des recommandations relativement au traitement et au soutien des personnes aux prises avec des troubles concomitants liés aux substances. De plus, la meilleure documentation pratique traitant des troubles mentaux fait état de nombreuses recommandations en ce qui a trait aux méthodes de traitement optimal, dont les mesures pharmacologiques, qui s'appliqueront aux personnes ayant des problèmes psychiatriques, qu'elles souffrent ou non de troubles concomitants liés aux substances. Walker et coll.Note de bas de page 21 donnent un excellent aperçu des améliorations et des changements apportés dans le domaine de l'alcoolisme et de la toxicomanie quant aux lignes directrices sur les meilleures pratiques et qui comprennent, entre autres, ce qui suit :

  • les efforts déployés par l'American Psychiatric Association;
  • le travail exécuté par l'American Nurses Association;
  • la contribution du National Association of Social Workers aux États-Unis;
  • les critères bien connus en matière de placement de l'American Society of Addiction MedicineNote de bas de page 22;
  • les protocoles d'amélioration de traitement publiés par le Center for Substance Abuse TreatmentNote de bas de page 23;
  • les divers efforts déployés à l'échelle internationale.

Tout comme le travail semblable qui est effectué dans le domaine de la santé mentale, bon nombre de ces recommandations peuvent s'appliquer aux personnes qui suivent un traitement pour dépendance aux substances, qu'elles souffrent ou non de troubles concomitants.

Il est également important de mentionner que les organismes de planification, d'élaboration des politiques et de financement des autres compétences ont demandé eux aussi à ce qu'il y ait une synthèse de recherche et une opinion clinique en relation avec l'implantation de recommandations se rattachant aux meilleures pratiques pour les individus atteints de troubles concomitants. Par exemple, en 1994, le Center for Substance Abuse Treatment (CSAT) aux États-Unis a institué un protocole d'amélioration de traitement relativement à l'évaluation et au traitement des personnes souffrant de troubles concomitants mentaux et de troubles liés a l'alcool et aux autres droguesNote de bas de page 24. Les objectifs liés aux protocoles d'amélioration du traitement sont similaires à ceux poursuivis par le projet actuel, de sorte que les résultats provenant du travail déjà effectué se sont avérés utiles pour ce projet.

L'un des aspects importants du travail exécuté jusqu'à ce jour consiste en la reconnaissance de l'importance des facteurs de « niveau du système » dans la satisfaction des besoins des individus souffrant de troubles concomitantsNote de bas de page 27. Cet aspect comprend la nécessité d'une meilleure coordination des services dans l'ensemble des réseaux d'intervenants dans le traitement des personnes atteintes de troubles mentaux et de troubles liés aux substances. L'importance que revêt une meilleure intégration des services de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie sur le plan des systèmes a été soulignée dans plusieurs rapportsNote de bas de page 28. Les questions des systèmes figurent quelque peu en détail à la section 4.

« Niveau du système » tel que défini par LongestNote de bas de page 25 et utilisée par Aday et collNote de bas de page 26, fait référence « aux ressources (argent, personnes, infrastructure physique et technologie) et aux structures organisationnelles qui servent à transformer ces ressources en des services de santé dans un emplacement géographique donné ».

La documentation en croissance rapide

En résumé, on n'est pas à court d'idées ou de sujets de discussion en ce qui concerne les besoins des individus atteints de troubles concomitants mentaux et de troubles liés aux substances, et la façon dont on pourrait y répondre de la manière la plus efficace qui soit. Également, on effectue toujours de la recherche sur le sujet et les résultats sont connus rapidement. En plus d'avoir amélioré la qualité des projets de recherche au cours de la dernière décennie, on a publié ces dernières années plusieurs recensions de la documentation et livres qui se sont avérés excellents et très pertinentsNote de bas de page 34. Il y a, entre autres, un manuel de programmes dont l'auteure est Kathleen Sciacca et portant sur les personnes atteintes de troubles mentaux et ayant des antécédents de dépendance aux substancesNote de bas de page 42, et une liste de références disponibles sur le Web traitant du sujet est aussi disponible. Récemment, le Clinical Psychology ReviewNote de bas de page 43 consacrait un numéro aux troubles concomitants; il renfermait plusieurs articles fournissant une étude des troubles liés aux substances et de troubles mentaux précis concomitants (p. ex., troubles de la personnalité; troubles de l'humeur et troubles anxieux). Mueser et ses collaborateursNote de bas de page 44publieront prochainement un volume dans lequel un sommaire des travaux les plus récents dans le domaine des troubles liés aux substances et des troubles mentaux graves concomitants (p. ex., schizophrénie, trouble bipolaire) sera présenté. De plus, le travail effectué récemment par Mueser et ses collaborateursNote de bas de page 45 constitue une excellente source de référence sur les théories étiologiques sur l'intéraction des troubles liés aux substances et des troubles mentaux sévères.

Le présent projet fournit une synthèse à jour de la recherche et présente des recommandations précises en vue du dépistage et de l'évaluation de ces troubles ainsi que du traitement et du soutien des personnes qui en sont atteintes. Les données qui en découlent sont fondées sur la meilleure recherche qui soit menée à ce jour. Cette synthèse de la recherche a été ajoutée aux conseils et aux commentaires émis par des experts et par d'autres intervenants clés dans le domaine, y compris des clients qui ont subi les effets délétères des troubles concomitants. La synthèse de recherche est surtout considérée comme un complément par rapport au volume de travail considérable qui a été exécuté dans le cadre du projet, et le lecteur est incité à consulter les principaux ouvrages qui ont contribué à son exécution. Afin de compléter la liste de références figurant à la fin du rapport, une liste d'ouvrages qui s'avère particulièrement importante a été dressée (annexe A).

Public-cible

Le présent rapport constitue un document de référence s'adressant aux directeurs et au personnel des programmes de santé mentale, aux responsables des services d'alcoolisme et de toxicomanie et des services intégrés de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie et aux médecins qui font face aux défis liés à la prestation de services de bonne qualité aux individus souffrant de troubles concomitants mentaux et liés aux substances. Le rapport est conçu aussi pour les planificateurs, les responsables de projets communautaires et les autres décideurs qui travaillent davantage au niveau des systèmes.

Définition de « troubles concomitants »

Facteurs clés

  • Un grand nombre de personnes dans la communauté sont aux prises avec des troubles mentaux et liés à l'utilisation d'une substance qui se chevauchent et qui interagissent entre eux.
  • Sur le plan diagnostique, le terme « troubles concomitants » fait référence à toute combinaison de troubles mentaux et de troubles liés à l'utilisation d'une substance.
  • Les troubles liés à l'utilisation d'une substance comprennent l'abus de substances psycho-actives et la dépendance à des substances psychoactives, et ils peuvent également faire référence de manière séparée à de nombreuses substances psychoactives, y compris l'alcool.
  • Les individus atteints de troubles concomitants représentent un groupe très varié au sein duquel il existe de nombreuses combinaisons différentes de troubles mentaux et de troubles liés à l'utilisation d'une substance.
  • Les cliniciens et les intervenants ont besoin de lignes directrices sur les meilleures pratiques pour les différentes sous-catégories qui constituent ce groupe diversifié d'individus.
  • On recommande cinq sous-groupes.
  • Ces catégories sont susceptibles de changer puisque les connaissances issues de la recherche s'élargiront de plus en plus quant aux différentes combinaisons possibles de troubles mentaux et de troubles liés à l'utilisation d'une substance (p. ex., la cocaïne et la dépression; l'alcool et la schizophrénie).

Le système de classification du DSM

En général, les individus ayant des « troubles concomitants » représentent les personnes aux prises avec une combinaison de troubles mentaux, émotionnels et psychiatriques et des problèmes d'abus d'alcool et/ou de drogues psychoactives. Sur le plan technique, on fait référence ici à toute combinaison de troubles mentaux et de troubles liés aux substances, comme le définit, par exemple, le système de classification du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentauxNote de bas de page 46.

Le DSM IV est constitué de cinq catégories diagnostiques appelées « axes ». L'axe I inclut les diagnostics et troubles psychiatriques majeurs, comme, entre autres, les psychoses et les troubles de l'humeur. L'axe I est officiellement celui des troubles cliniques et des autres affections qui peuvent faire l'objet d'une intervention clinique (p. ex., problèmes familiaux et professionnels). L'axe II sert à signaler exclusivement les troubles de la personnalité et le retard mental. L'axe III, quant à lui, sert au codage des affections médicales en général.

L'axe IV décrit les facteurs de stress psychosociaux et les problèmes environnementaux (soit les facteurs stressants liés aux axes I et II), et l'axe V permet d'établir une appréciation générale de la capacité de fonctionnement psychosocial du patient.

Les « troubles liés aux substances » font partie des troubles de l'axe I et désignent la consommation régulière d'alcool ou de drogues illicites donnant lieu à des problèmes importants relativement à divers aspects de la vie tel que le travail, les relations interpersonnelles, la santé physique et le bien-être économique. Deux sous-catégories mutuellement exclusives sont identifiées, soit l'abus et la dépendance aux substances psychoactives. Dans certains cas, la consommation de substances (contrairement à l'abus ou à la dépendance) a des répercussions négatives sur les individus ayant des troubles mentaux. Ce sujet fera l'objet d'une section ultérieure du document.

Selon la classification du DSM-IV, les « troubles concomitants » désignent des troubles liés aux substances et accompagnés d'un trouble mental de l'axe I ou de l'axe II. Le fait de se référer à un système comme le DSM-IV pour définir les troubles concomitants, pourrait s'avérer une approche exagérément médicale et psychiatrique. Cependant, il faut tenir compte du fait que cette façon d'aborder la classification des troubles concomitants constitue l'un des outils les plus utilisés dans le domaine de la recherche et qu'il y a déjà eu des tentatives de définition des meilleures pratiques à cet égard. Cette pratique se poursuit car :

  • le traitement et le soutien adéquats en santé mentale, dont les pharmacothérapies, dépendent d'une évaluation et d'un diagnostic exacts. Il en est de même pour les personnes ayant des troubles mentaux et des problèmes d'abus de substances concomitants;
  • des professionnels « non médicaux » peuvent poser un diagnostic en santé mentale, tel que les psychologues agréés;
  • des approches de réadaptation psychosociale à grande échelle sont maintenant considérées comme essentielles en vue de l'apport de services de soutien et de traitement efficaces pour les personnes atteintes de troubles mentaux sévères. De la même façon, le traitement des individus ayant des troubles concomitants et leur soutien vont bien au-delà des interventions strictement médicales et psychiatriques.

L'acceptation du cadre de travail « médical et psychiatrique » sous-jacent par rapport au DSM ou à tout autre système de classification du domaine de la santé mentale pourrait constituer l'un des défis auxquels les principaux intervenants pourraient être confrontés dans leurs tentatives d'établir des liens avec les domaines de la santé mentale et de la dépendance aux substances. Il est également reconnu qu'il faudrait quelque peu adapter cette option de classification dans les collectivités qui n'ont pas accès à des professionnels qualifiés pour poser des diagnostics.

Termes différents

Au cours des deux dernières décennies, le terme « double diagnostic » a surtout été utilisé pour désigner la combinaison de troubles mentaux et de troubles liés aux substances. Voici d'autres termes qui sont également utilisés :

  • abus de substances chimiques et maladie mentale;
  • maladie mentale et abus de substances chimiques;
  • alcoolisme et toxicomanie et troubles mentaux.

Une préférence est accordée au terme « troubles concomitants » puisqu'il met l'accent sur l'importance du diagnostic adéquat qui facilite la planification nécessaire au traitement et au soutien, et qu'il distingue cette caractéristique des autres initiatives importantes mises en place dans le domaine des troubles du développement et de la santé mentale. Également le fait de considérer les troubles mentaux et de dépendance aux substances comme une pluralité plutôt que comme une dualité correspond davantage à la situation typique que vivent les gens qui présentent, notamment, des problèmes d'abus de drogues multiples, dont l'alcool, et qui sont souvent aussi diagnostiqués pour plus d'un trouble mental.

Le protocole d'amélioration de traitement du CSAT renferme une excellente section sur les concepts et les définitions propres à de nombreuses catégories diagnostiques précises quant à la santé mentale qui relèvent de la rubrique générale des troubles concomitantsNote de bas de page 24.

L'hétérogénéité de la population ciblée par la rubrique générale des « troubles concomitants » fait en sorte que plusieurs auteursNote de bas de page 24Note de bas de page 34Note de bas de page 47 ont plaidé en faveur de la définition de sous-groupes plus homogènes en vue de la prestation de conseils concrets sur le plan clinique et de l'élaboration de critères d'évaluation pour le traitement. La sous-catégorisation de cette population n'est pas une tâche facile; en fait, les chercheurs et les cliniciens ont souvent regroupé plusieurs catégories diagnostiques distinctes en un seul groupe considéré comme ayant des « troubles concomitants »Note de bas de page 35.

Les problèmes liés aux substances psychoactives sont multidimensionnelsNote de bas de page 48, et les points suivants doivent être considérés :

  • fréquence et habitude de consommation;
  • sévérité de la dépendance;
  • conséquences de la consommation problématiqueNote de bas de page 48.

De plus, le fait pour une personne d'obtenir un taux élevé pour un aspect (p. ex., consommation) ne signifie pas toujours qu'il en est de même pour les autres aspects (p. ex., dépendance). La complexité des habitudes de consommation de drogues multiplesNote de bas de page 44Note de bas de page 49Note de bas de page 50 parmi les milliers de combinaisons possibles de troubles mentaux et de troubles liés aux substances, dans les cas où une personne consomme des substances précises en plus d'avoir des troubles mentaux particuliers. Aussi, il n'y a aucun consensus dans le domaine de l'abus de substances psychoactives quant à la façon dont il faudrait classifier les sous-groupes importants de personnes ayant des problèmes de consommation de substances psychoactives. Les chercheurs continuent alors d'étudier le lien entre les autres modes de classification et la comorbidité de l'axe I et de l'axe IINote de bas de page 51. Malgré cette complexité et le manque de consensus, plusieurs travaux peuvent servir de référence dans certaines catégories diagnostiques précises (p. ex., schizophrénie, troubles de la personnalité et troubles bipolaires) et ont permis de mettre l'accent sur certaines habitudes de consommation (p. ex., cocaïne et dépression).

Modèles d'intéraction

Le DSM- IVNote de bas de page 46 établit une distinction entre l'abus de substances psychoactives et la dépendance à des substances psychoactives (voir l'annexe B pour les critères concernant l'abus par rapport à la dépendance). Cette distinction est importante puisque les objectifs et le type de traitement nécessaires diffèrent pour chacune des catégories diagnostiques. Le DSM-IV fournit également une structure permettant de distinguer les troubles psychiatriques liés à l'utilisation de substances toxiques et les autres. Rosenthal et WestreichNote de bas de page 39, LehmanNote de bas de page 52 et d'autres experts en la matière vont encore plus loin et établissent des distinctions entre plusieurs modèles d'interaction des troubles mentaux et la consommation de substances psychoactives (p. ex., les symptômes psychiatriques faisant leur apparition à la suite de la consommation de substances psychoactives, mais qui persistent malgré l'arrêt de la consommation; l'abus de substances psychoactives et les symptômes psychiatriques présentant des symptômes communs). Cette approche, adaptée d'après Weiss et CollinsNote de bas de page 53, prend surtout appui sur la tradition du DSM-IV qui consiste à déterminer la contribution de la consommation de substances toxiques dans l'apparition des symptômes psychiatriques. Mueser et ses collèguesNote de bas de page 45 ont fait le point sur quatre théories étiologiques de l'interaction de troubles mentaux sévères et de troubles liés aux substances. Ils distinguent les modèles suivants :

  • modèle de variance commune;
  • modèle axé sur les troubles secondaires liés à la dépendance aux substances;
  • modèle axé sur les troubles mentaux secondaires;
  • modèle bidirectionnel.

Les données confirmant et infirmant ces divers modèles ont des répercussions importantes sur le dépistage et l'évaluation des troubles ainsi que sur le traitement et le soutien des personnes qui en sont atteintes, mais elles ne fournissent pas de typologie quant aux groupes de consommateurs aux fins de l'élaboration de lignes directrices sur les meilleures pratiques.

De nombreux autres chercheurs dans le domaine ont tenté de faire le portrait quant aux divers types d'intéraction des troubles mentaux et des troubles liés aux substances concomitantsNote de bas de page 45Note de bas de page 54Note de bas de page 55. On distingue souvent les troubles « primaires et secondaires ». Cette distinction vise à établir (dans la mesure du possible) quels problèmes sont considérés comme « primaires » (c'est-à-dire les problèmes sous-jacents ou les problèmes préexistants) et lesquels font partie de la tranche des problèmes « secondaires » (soit les troubles qui se sont développés plus tard de manière temporaire ou les troubles qui se sont peut-être développés à la suite de l'apparition des premiers troubles)Note de bas de page 56. Dans le cas des personnes atteintes de troubles mentaux sévères et persistants, cette approche n'est plus recommandée, en raison de la très grande variabilité du développement des symptômesNote de bas de page 44. Cependant, l'approche pourrait s'avérer d'une certaine utilité pour les autres types de troubles concomitants comme les troubles de l'humeur et les troubles anxieux concomitants (voir la section 3.3.1 ci-dessous).

Programmes de traitement et niveau de motivation

Les approches servant à comprendre et à déterminer le stade de changement ou la motivation au changement de l'individuNote de bas de page 59 permettent l'évaluation et la planification d'un programme de traitement et de soutien. Ainsi, ces étapes peuvent servir de référence à des fins de classification plus large. Cependant, les catégories s'appliquent à presque tous les troubles concomitants et ne servent donc pas de base adéquate à la mise en place de lignes directrices sur les meilleures pratiques. Le modèle de Prochaska et DiClemente s'applique aux cas de dépendance aux substances, mais il pose un problème en ce qui a trait à certains troubles concomitants puisque le niveau de motivation varie selon le type de trouble. Par exemple, une personne en phase maniaque peut se montrer très enthousiaste quant au traitement et faire preuve d'une grande motivation à l'égard de changements. Toutefois, la même personne dans une phase moins maniaque peut présenter des symptômes rendant l'intervention plus difficile en dépit de la motivation au changement exprimée.

Les cliniciens et les intervenants doivent pouvoir s'appuyer sur des lignes directrices qui les aideront à traiter des types précis de troubles concomitants. La recherche propre aux substances psychoactives et aux diagnostics n'en est qu'à ses débuts, ce qui fait en sorte qu'il est possible d'établir des sous-catégories à partir de l'expérience clinique et des combinaisons de troubles mentaux et de troubles liés aux substances les plus répandues chez les individus en traitement. Dans le même esprit, deux approches ont été utilisées pour créer des sous-groupes.

Classification selon la sévérité

Ryglewicz et PepperNote de bas de page 34 ont souligné une autre approche qui consiste à tenir compte de la combinaison de troubles liés à l'abus de substances et de troubles mentaux dans le schéma de catégorisation, en se servant de catégories qui reflètent la sévérité de chaque série de problèmes ainsi que le fonctionnement psychosocial, le niveau de motivation et la vulnérabilité face à la consommation d'une certaine quantité d'alcool et d'autres drogues, aussi petite soit-elle. Par exemple, le premier des quatre sous-groupes créés par les chercheurs est constitué des personnes « atteintes d'une maladie mentale grave et ayant des problèmes graves liés à l'abus ou à la dépendance à l'alcool et/ou à d'autres drogues». Le deuxième sous-groupe comprend les individus souffrant de troubles mentaux sévères et qui sont particulièrement vulnérables aux effets de l'alcool et d'autres drogues. Cette approche ressemble beaucoup au schéma présenté par Rosenthal et WestreichNote de bas de page 39 et adapté de Weiss et coll.Note de bas de page 47, et qui englobe lui aussi quatre catégories correspondant aux cellules d'un carré latin (profil psychiatrique lourd et léger, degré élevé et faible de sévérité des troubles liés aux substances). Rosenthal et WestreichNote de bas de page 39 citent un formulaire de classement de gestionnaire de cas qu'ils considèrent comme un outil efficace pour le classement des individus dans la catégorie adéquate et qui évalue la sévérité des symptômes psychiatriques, la sévérité de l'abus de substances, la capacité fonctionnelle et la non-observance thérapeutiqueNote de bas de page 63 de l'individu.

Approche fondée sur le DSM

La deuxième approche consiste à former des sous-catégories en se fondant sur une classification générale des troubles mentaux du DSM-IV et en faisant en sorte que celle-ci reflète les troubles liés aux substances les plus fréquents chez les personnes faisant une demande d'aide et de traitement (p. ex., troubles de l'humeur et troubles anxieux; troubles de la personnalité; troubles mentaux sévères et persistants). Cette approche ne vise pas à sous-représenter davantage le type de problèmes d'abus de substances concomitants ou la sévérité de ceux-ci.

L'« approche relative à la sévérité » et l'« approche diagnostique du DSM » ont du mérite et il n'y a pas de consensus parmi les experts quant à la méthode préférée, quoiqu'ils aient tous convenu qu'une certaine sous-catégorisation s'avére nécessaire. Pour ce projet, l'approche diagnostique comparé aux méthodes de classification adoptées par Ryglewicz et PepperNote de bas de page 34 (voir annexe C) et par Rosenthal et WestreichNote de bas de page 39 est préférée pour les raisons suivantes :

  • elle est liée de manière plus directe à un programme de traitement et à une méthode de soutien plus populaires, y compris la gestion des symptômes, qui s'applique concrètement aux divers troubles;
  • elle reconnaît que les méthodes d'évaluation exhaustive et continue doivent tenir compte du niveau d'intéraction entre des troubles liés aux substances et des symptômes propres à chacune des catégories généralesNote de bas de page 52;
  • elle permet de conserver une souplesse considérable au sein des catégories pour qu'on puisse tenir compte des principaux types de présentation clinique, par exemple, se pencher sur le pourcentage élevé de consommateurs se présentant à un traitement de maintien à la méthadone ayant une dépendance aux opiacés et souffrant de troubles de la personnalité, ainsi que sur le taux élevé de prévalence de la schizophrénie et de l'abus d'alcool chez les clients des unités psychiatriques, des centres communautaires de santé mentale et des programmes pour les sans-abri.

Il est reconnu que la méthode préférée d'un intervenant pour la sous-catégorisation des personnes souffrant de troubles concomitants peut dépendre de l'endroit où il se trouve dans le réseau de services communautaires, du point d'entrée dans un traitement pour troubles mentaux ou de troubles liés aux substances et de l'accès aux services d'un médecin ou d'un psychiatre au sein du programme ou du réseau. Toutefois, dans le présent rapport, on s'attarde à la recommandation d'une approche plus homogène et plus holistique de façon à ce que les personnes atteintes de troubles concomitants puissent s'attendre à ce que l'approche favorisée et la qualité du service soient comparables, peu importe leur point d'entrée dans le réseau.

Les catégories ci-dessous réfèrent aux combinaisons de troubles mentaux concomitants les plus fréquentes. Il est important de reconnaître les écarts importants qui prévaudront au sein de chacune des catégories quant à la consommation et l'abus de substances, de même que la dépendance potentielle à une ou à plusieurs substances. L'utilisation de ces cinq sous-catégories, qui constituent le groupe général des « troubles concomitants », est recommandée à titre de schéma de référence en vue de l'élaboration puis de la mise au point, de l'implantation et de l'évaluation des lignes directrices sur les meilleures pratiques.

Les cinq combinaisons sont les suivantes :

  • Groupe 1 : Troubles liés aux substances, troubles de l'humeur et troubles anxieux concomitants;
  • Groupe 2 : Troubles liés aux substances et troubles mentaux sévères et persistants concomitants;
  • Groupe 3 : Troubles liés aux substances et troubles de la personnalité concomitants;
  • Groupe 4 : Troubles liés aux substances et troubles de l'alimentation concomitants;
  • Groupe 5 : Autres troubles liés aux substances et troubles mentaux concomitants.

Dans le présent rapport, on se penche principalement sur les quatre premiers groupes. Il est également important d'être conscient de l'importance de conserver une perspective développementale qui aurait les particularités suivantes :

  • elle reconnaîtrait les nombreuses associations liées à l'âge dont les enjeux ne se limitent pas nécessairement aux troubles mentaux et aux troubles liés aux substances;
  • elle insisterait sur le fait qu'un des aspects de la compréhension du phénomène des troubles concomitants vise à comprendre ce qui a amené le client à en arriver là;
  • elle soulignerait l'importance du dépistage et de l'intervention précoces. L'objet du projet n'est pas d'analyser en profondeur ces questions en matière de développement.

Sur le plan technique, les troubles bipolaires font partie de la catégorie générale des troubles de l'humeur et des troubles anxieux du DSM-IV, et ils sont typiquement considérés comme un trouble mental sévère et persistant. Ils font également partie du deuxième groupe.

Les auteurs ont constaté que la grande majorité des personnes atteintes de troubles liés aux substances concomitants et ayant des problèmes en relation avec la colère, l'impulsivité et/ou l'agression faisaient partie de cette catégorie.

Cette catégorie comprend, sans toutefois s'y limiter, les troubles sexuels et les troubles du jeu pathologique.

Restrictions actuelles quant aux données relatives à la consommation d'alcool ou d'autres drogues

Les cinq catégories proviennent d'abord et avant tout du regroupement des différents types de troubles mentaux au sein de la catégorie générale des troubles liés à la toxicomanie. Ce schéma de catégorisation va à l'encontre de l'immense complexité et hétérogénéité qui caractérisent l'ensemble des troubles liés à la toxicomanie. Dans le domaine de l'alcoolisme et de la toxicomanie, on peut tenir compte du niveau de risque associé à la quantité et au type d'utilisation du produit consommé. La consommation pourrait ou non entraîner des conséquences particulières qui soutiendraient un diagnostic officiel de troubles liés aux substances. De plus, la présence de ces répercussions négatives est importante, mais elle ne constitue pas un critère nécessaire ou suffisant pour poser un diagnostic de toxicomanie. Cette conceptualisation en trois parties - consommation, abus et dépendance - est encore plus complexe en raison de la présence d'au moins dix catégories différentes de substances (p. ex., alcool, opiacés, stimulants et substances inhalées) et des nombreux types précis de drogues qui en font partie (p. ex., cannabis, cocaïne, héroïne, colle). Les schémas de catégorisation complexes qui pourraient favoriser plus adéquatement l'hétérogénéité parmi les troubles liés aux substances eux-mêmes ont éé considérés. Toutefois, après avoir étudié soigneusement la question, les données de recherche et la tradition clinique n'étaient pas suffisantes à cet égard pour servir de fondement pour les lignes directrices sur les meilleures pratiques. Il est recommandé que les cinq catégories en question soient considérées comme un modèle de classification. Il devrait être possible d'y apporter des changements à partir d'une recherche sur les troubles concomitants plus approfondie et davantage axée sur les méthodes diagnostiques et sur des substances psychoactives spécifiques.

Par exemple, un modèle en quatre dimensions fondé sur a) les troubles mentaux; b) les troubles liés aux substances; c) la dépendance, l'abus et la consommation à risque; et d) le niveau de fonctionnement.

Définition de « traitement intégré »

Facteurs clés

  • Les termes « traitement intégré », « traitement séquentiel » et « traitement parallèle » ont été utilisés lors des tentatives précédentes de définition des meilleures pratiques dans le domaine.
  • Il est important de faire la distinction entre l'intégration au niveau du programme et celle au niveau du système.
  • On se doit d'encourager l'intégration au niveau du programme et du système de soins en se fondant sur la recherche.
  • Les caractéristiques essentielles de l'intégration au niveau du programme ou du système de soins comprennent l'importance de disposer d'un plan de traitement négocié et bien communiqué, ainsi que d'une méthode cohérente et bien coordonnée pour en assurer l'implantation.
  • Les cliniciens et les intervenants oeuvrant dans un programme ou un système de soins intégré doivent fournir des services spécifiques de façon simultanée ou séquentielle, selon la combinaison de troubles concomitants et d'autres facteurs individuels.
  • La grande variété de l'expression, des risques et des besoins associés aux troubles concomitants entraîne habituellement des problèmes importants sur le plan du fonctionnement social.
  • Il existe divers degrés d'intégration au niveau du programme ou du système, et il est important d'en assurer le suivi pour l'application et l'implantation des principes essentiels.
  • Le traitement et le soutien intégrés à l'intention des personnes atteintes de troubles concomitants, particulièrement celles ayant des troubles mentaux sévères et persistants, englobent la prestation d'un large éventail de stratégies thérapeutiques et de réadaptation psychosociale.

Le « traitement intégré » à l'intention des personnes ayant des troubles concomitants a fait son apparition au début des années 80 et il visait alors à solutionner les difficultés et les résultats médiocres associés au traitement offert aux clients dans le contexte des deux systèmes distincts de services de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie. Le terme « traitement intégré » joue un rôle pivot dans les données de recherche ainsi que dans la formulation subséquente de recommandations quant aux meilleures pratiques, et c'est pourquoi il est important de le définir au début du présent rapport.

Dans une étude récente, Drake et coll.Note de bas de page 64 ont fait une brève description de l'historique du développement du traitement intégré. La plupart des autres études importantes portant sur les modèles de traitement pour les troubles concomitants renferment également une définition et une description du traitement intégré, d'une manière généralement opposée au traitement « séquentiel »ou « parallèle »Note de bas de page 24Note de bas de page 34Note de bas de page 37Note de bas de page 39Note de bas de page 65Note de bas de page 66.

Le terme « traitement en série » est souvent utilisé à titre de synonyme de « traitement séquentiel ».

Traitement intégré, traitement séquentiel et traitement parallèle

Des études réalisées sur demande aux États-Unis au milieu des années 80 par le National Institute of Mental Health (NIMH), le National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA) et le National Institute on Drug Abuse (NIDA) ont permis de cerner les problèmes auxquels faisaient face les individus atteints de troubles concomitants, alors que le traitement était prodigué dans les deux systèmes de soinsNote de bas de page 67Note de bas de page 68. Dans les diverses recommandations émises, on a demandé à ce qu'il y ait une meilleure intégration des traitements de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie. Un programme destiné à l'élaboration et à l'évaluation de diverses méthodes d'intervention dans le contexte des modèles intégrés a été mis en oeuvre. Bien qu'il existe plusieurs méthodes pour l'intégration des programmes de traitement, la définition suivante est utilisée :

« Les traitements de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie sont administrés conjointement par les mêmes cliniciens et les mêmes intervenants ou par une même équipe de cliniciens et d'intervenants, de façon à ce que les clients aient une explication uniforme quant à leurs troubles et à leurs problèmes, ainsi qu'une ordonnance médicale cohérente plutôt qu'une série de messages contradictoires provenant de différents intervenants. » (Adapté de Drake et MueserNote de bas de page 64)

Les modèles de programme intégrés les plus exhaustifs comprennent les mesures d'intervention courantes en santé mentale, comme les services de gestion des médicaments et de soutien, ainsi qu'un service d'approche dynamique, la gestion intensive des cas, les rencontres de counseling individuelles et de groupe et le counseling familial et, à l'occasion, des programmes intensifs de jour et des services en établissement. Certaines de ces caractéristiques, telles qu'un service d'approche dynamique et la gestion intensive des cas, constituent des éléments critiques pour les équipes de « traitement communautaire par affirmation de soi (TCA) », qui peuvent être composées de conseillers en alcoolisme et en toxicomanie. Les modèles de traitement intégré ont évolué et comprennent maintenant des mesures d'intervention axées sur la réadaptation des clientsNote de bas de page 61, sur les entrevues motivationnelles et sur une série d'autres activités thérapeutiques (voir Drake et MueserNote de bas de page 64 pour un aperçu et Mueser et coll.Note de bas de page 44 pour des détails sur les mesures d'intervention précises utilisées par les chercheurs dans leur modèle de traitement intégré).

Contrairement au traitement intégré, le traitement « séquentiel » est un terme désignant un traitement (le traitement de santé mentale ou le traitement de toxicomanie) suivi par l'autre traitement, mais suite à une référence à un autre organisme ou à une unité spécialisée au sein du même organisme de traitementNote de bas de page 65. Un exemple pourrait être le suivant : une personne reçoit des séances de counseling pour des crises de panique dans un centre communautaire de santé mentale et on la réfère à un service local de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie afin de la traiter pour des problèmes fréquents de consommation excessive d'alcool. Ainsi, le traitement « séquentiel » ou « en série » fait en sorte que le premier intervenant prend des mesures à l'égard d'une série de problèmes et que le deuxième fait de même pour d'autres problèmes, mais que les traitements se font dans deux organismes ou unités de traitement oeuvrant de façon bien indépendante l'un par rapport à l'autre.

Si un modèle de traitement « parallèle » est mis en application, un traitement psychiatrique et un traitement d'alcoolisme et de toxicomanie sont alors administrés en même temps par deux organismes différents ou par deux unités spécialisées dans le même établissement de traitementNote de bas de page 65. Tout comme dans le cas du traitement « séquentiel », le traitement « parallèle » fait en sorte que les cliniciens des deux organismes ou unités de traitement travaillent de manière bien indépendante l'un par rapport à l'autre.

Ainsi, la principale distinction entre les traitements séquentiel, parallèle et intégré consiste en ce que ce dernier constitue un traitement concomitant en ce qui a trait au concept, au personnel, aux programmes offerts et à l'établissementNote de bas de page 24.

Nécessité d'une nouvelle terminologie pour désigner les « systèmes »

Lorsqu'ils ont été présentés pour la première fois, les trois termes reflétaient des approches très différentes l'une de l'autre, mais leurs définitions sont devenues en quelque sorte dépassées et vagues avec la mise en place d'une approche davantage axée sur les systèmesNote de bas de page 69 et l'étude de diverses stratégies visant à améliorer la coordination des services a pris la forme d'un continuum de soins incluant les organismes ou les unités de traitement dans la communautéNote de bas de page 31Note de bas de page 45Note de bas de page 70. À la section 4.4.2, on aborde de façon plus détaillée des exemples précis de stratégies de coordination des systèmes. Brièvement, il existe de nombreuses façons de mieux intégrer le traitement et le soutien d'un individu dans l'ensemble des unités d'un même établissement ou des organismes communautaires. Cette collaboration de plus en plus grande contribue à atténuer la distinction entre les termes « traitement intégré », « traitement séquentiel » et « traitement parallèle ».

Dans le présent rapport, on propose une distinction entre « intégration des programmes » (comme dans le cas du modèle intégré original) et « intégration des systèmes » de manière à refléter les méthodes novatrices en cours, afin d'améliorer les soins et le soutien dans l'ensemble des unités de traitement ou des organismes communautaires. On se sert de la définition de traitement intégré qui figure ci-dessus pour définir l'intégration au niveau des programmes. Toutefois, même dans un contexte de programme intégré (c'est-à-dire un plan de traitement et de soutien avec les mêmes cliniciens et les mêmes intervenants dans le cadre d'un même programme), il est possible que certaines mesures d'intervention précises relativement à la consommation de substances et aux troubles mentaux doivent être fournies de manière simultanée ou séquentielle, selon la combinaison particulière des troubles et l'urgence qui pourrait surgir dans les circonstances sur le plan individuel (p. ex., les questions où la vie de quelqu'un est en danger sont prioritaires). Les mesures d'intervention simultanées ou séquentielles propres à un modèle de programme intégré seront mises en pratique si l'on convient d'un plan de traitement et de soutien, ainsi que d'un travail en équipe cohérent et coordonné qui soit adapté aux capacités et aux besoins propres à chaque client.

Voici ce qu'on entend par « intégration des systèmes » :

« Établissement de liens durables entre les dispensateurs de services ou les unités de traitement dans un système de soins ou dans l'ensemble des systèmes s'il y en a plus d'un, et visant à faciliter la prestation de services aux individus à l'échelle locale. Les traitements de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie sont toutefois combinés par au moins deux cliniciens et membres du personnel clinique travaillant pour des unités de traitement ou dispensateurs de services différents. On se sert de diverses dispositions de coordination et de collaboration pour procéder à l'élaboration et à l'implantation d'un plan de traitement intégré. »

Comme c'est le cas pour l'intégration au niveau des programmes, le plan de traitement lié à l'intégration des systèmes peut comprendre la prise de mesures à l'égard de l'alcoolisme et de la toxicomanie et des troubles mentaux de façon simultanée ou séquentielle, pourvu qu'elle se fasse en tout temps dans le cadre d'une approche cohérente et coordonnée qui soit adaptée aux capacités et aux besoins propres à chaque client.

L'intégration au niveau des programmes a fait l'objet d'un nombre considérable de recherchesNote de bas de page 35Note de bas de page 44Note de bas de page 64. Cependant, les modèles d'intégration des systèmes ont été beaucoup moins souvent soumis à une évaluation quant à l'efficacité et aux coûts impliqués. Cette situation est susceptible de changer au cours des prochaines années puisque l'imputabilité liée aux services dispensés incite à pouvoir démontrer que l'amélioration de la coordination des services se traduise par une amélioration sur le plan de la rentabilité et des résultats liés aux soins prodigués aux usagers. Malgré cette variation quant aux résultats, il n'existe en ce moment aucune preuve évidente selon laquelle il faudrait recommander l'intégration au niveau des programmes plutôt qu'au niveau des systèmes et vice versa. On a ensuite formulé des recommandations relativement à l'importance du traitement intégré et selon lesquelles l'intégration du point de vue tant des programmes que des systèmes s'avérait adéquate. Dans une autre section, on a abordé la question des défis importants qui se rattachent à l'intégration des systèmes.

Cette définition a été adaptée à partir de celle qui a servi à désigner l'intégration des systèmes dans le cadre du projet ACCESS destiné aux sans-abri aux États-Unis71.

Nécessité de surveiller les activités d'intégration

Il est évident que des changements systémiques organisationnels et d'une plus grande ampleur nécessitent souvent des changements culturels et qu'ils mettent plus de temps à prendre forme. Par exemple, la mise en place d'une initiative coopérative visant à fournir au personnel une formation polyvalente peut entraîner des composantes de programme additionnelles (p. ex., un organisme de santé mentale peut mettre sur pied un groupe de soutien en alcoolisme et toxicomanie). Il peut alors s'ensuivre que l'initiative devienne un service encore plus intégré (p. ex., on tente de dépister un trouble lié à la toxicomanie chez tous les usagers faisant leur entrée dans un centre de santé mentale, et, s'il le faut, leur plan personnalisé de traitement et de soutien couvre à la fois les troubles mentaux et les troubles liés aux substances).

Les efforts déployés en vue de l'intégration des systèmes peuvent changer au fil du temps et il peut y avoir, entre autres, un certain écart par rapport aux intentions premières, d'où la recommandation d'élaborer et d'étendre des mesures de surveillance pour l'évaluation de la nature et du niveau d'intégration des systèmes propres à un organisme couvrant l'alcoolisme et la toxicomanie et la santé mentale ou à un réseau de programmes de plus grande ampleur dans la communauté. L'intégration ne devrait pas être permise pour favoriser un traitement qui ne confit la responsabilité de l'intégration qu'aux thérapeutes. Ceux-ci pourraient, par exemple, être plus à l'aise avec le traitement des troubles mentaux à l'exclusion des problèmes de dépendance aux substances ou vice versa.

Nécessité d'apporter un soutien psychosocial

Dans le domaine de la santé mentale, les efforts axés sur l'intégration dans la communauté des individus atteints de troubles mentaux sévères se sont avérés une force dominante au cours des deux dernières décenniesNote de bas de page 73. Cette tendance s'est accompagnée d'un changement en faveur d'une perspective de réadaptation psychosociale. Cette dernière met en valeur le rôle primordial que jouent l'administration d'un bon traitement, la gestion des médicaments et la réduction des symptômes dans l'atteinte de résultats positifs à plus long terme. Toutefois, cette perspective préconise le soutien aux clients dans bon nombre de secteurs, dont le logement, le travail, les loisirs et les réseaux sociaux. La nouvelle philosophie entourant l'intégration communautaire et les initiatives touchant les politiques en faveur du changement de paradigme ont entraîné la création d'un large éventail de programmes de soutien communautaires. Ceux-ci comprennent des services gérés par les usagers, fournissant ainsi une perspective expérientielle à la prestation de services et de soutienNote de bas de page 74. De façon générale, les objectifs de services de soutien psychosocial sont d'aider les personnes atteintes de troubles mentaux sévères à réintégrer la communauté et de contribuer à améliorer leur qualité de vie ainsi que celle de leurs familles.

Il est recommandé que les services de soutien psychosocial soient fournis dans le cadre du programme de soins et de soutien destiné aux individus souffrant de troubles mentaux sévères (par exemple, consulter les lignes directrices des pratiques relatives à la schizophrénieNote de bas de page 15). Il est toutefois important d'insister sur le fait que ces services jouent un rôle précis dans la mise en place d'un programme ou système intégré pour les personnes atteintes de troubles concomitants, si les besoins et les capacités fonctionnelles de celles-ci font en sorte qu'ils s'avèrent nécessaires. Le terme « traitement intégré » est conforme à l'avis de plusieurs experts dans le domaineNote de bas de page 44, mais à prime abord, il peut ne pas être évident en raison de l'usage répandu qu'on en fait. Le terme « traitement intégré et soutien » est donc préféré puisqu'il correspond davantage au point de vue plus général de la réadaptation psychosociale.

Justification des lignes directrices sur les meilleures pratiques

Facteurs clés

  • Le taux de prévalence de la comorbidité est élevé dans la population générale ainsi que dans la population clinique, mais de nombreux intervenants n'ont pas tenu compte de ce fait dans la planification, l'implantation et l'évaluation des services de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie.
  • La grande variabilité des taux de prévalence provenant de l'ensemble des études effectuées s'explique par le fait que divers sous-groupes de personnes provenant de différents établissements ont été étudiés sans avoir recours à une méthode uniforme.
  • La comorbidité influence le déroulement, le coût et l'issue du traitement, en plus de présenter des défis importants pour le dépistage, l'évaluation, le traitement et le soutien, ainsi que pour le suivi des résultats.
  • Les services offerts aux personnes présentant un trouble lié à l'alcoolisme et à la toxicomanie aux gens souffrant de troubles mentaux dans la communauté sont habituellement administrés dans un environnement isolé et à partir d'un point de vue concurrentiel.

Taux de prévalence

Le taux de prévalence des troubles mentaux et des troubles liés aux substances concomitants est très élevé parmi les individus dans les établissements de services d'alcoolisme et de toxicomanie et de santé mentale et parmi les gens de la population générale ayant besoin de traitement, mais n'ayant pas adressé une demande de services. Malgré ce taux élevé, on rapporte un manque de connaissances et de formation quant à la meilleure façon d'identifier et de traiter les besoins liés au traitement chez ces personnes.

a) Taux de prévalence dans la population générale

Une bonne partie de la documentation sur les taux de comorbidité dans la population générale provient des études effectuées aux États-Unis. Le rapport découlant de l'étude épidémiologique réputée, la Epidemiology Catchment Area (ECA)Note de bas de page 75, est souvent citée comme l'une des premières démonstrations des taux élevés de comorbidité dans la population générale. Les chercheurs ont conclu que le taux de prévalence des troubles liés aux substances chez les individus atteints de troubles mentaux sévères concomitants était de 29 p. 100 par comparaison à 16 p. 100 dans la population générale. Plus récemment, Kessler et coll.Note de bas de page 76 ont publié un rapport à partir des données provenant de l'étude nationale sur la comorbidité de 1990-1992, et ils ont constaté que 28,8 p. 100 des individus de la population générale âgés de 15 à 54 ans souffraient de troubles mentaux et de troubles liés à la consommation d'alcool ou de drogues concomitants (au cours de la dernière année). Une proportion de 42,7 p. 100 des personnes atteintes de troubles liés aux substances souffraient d'un trouble mental concomitant, alors que c'était le cas pour 14,7 p. 100 de celles atteintes d'un trouble psychiatrique. Cette augmentation de la probabilité de troubles mentaux chez les personnes atteintes de troubles liés aux substances et vice versa est aussi constatée dans les études effectuées dans de nombreux pays industrialisésNote de bas de page 77.

Au Canada, on se sert de méthodes et de définitions semblables à celles utilisées dans l'étude américaine nationale sur la comorbidité. Selon une étude effectuée en 1990 par l'Ontario Mental Health Supplement et menée auprès de personnes dont la tranche d'âge était supérieure de dix ans (15 à 64 ans) par rapport à celle de l'étude américaine, 18,6 p. 100 des répondants souffraient d'au moins un problème de santé mentale lié à la consommation d'alcool ou de droguesNote de bas de page 80. Un rapport plus récent sur la comorbidité de la consommation d'alcool et des troubles mentaux dans un échantillon ontarienNote de bas de page 81 a permis de conclure que 55 p. 100 des personnes atteintes d'un trouble lié à la consommation d'alcool à vie étaient susceptibles d'avoir également un trouble mental au cours de leur vie.

Les études épidémiologiques laissent supposer que seule une petite proportion des individus ayant des problèmes liés à l'alcool ou à d'autres substances dans la communauté sont traitésNote de bas de page 82, mais que les personnes atteintes de troubles mentaux concomitants multiples et dont les cas sont les plus graves sont les plus susceptibles d'être traitésNote de bas de page 78Note de bas de page 83Note de bas de page 84. Kessler et coll.Note de bas de page 76 ont également démontré que les individus dans la population générale atteints de troubles concomitants font partie de la catégorie de gens ayant davantage recours au traitement. Ce fait est corroboré par les données provenant du National Longitudinal Alcohol Epidemiologic Survey de 1992 qui ont démontré que la proportion de personnes ayant recours au traitement était deux fois plus grande chez les répondants ayant souffert de troubles liés à l'alcool l'année précédente et atteints en plus d'un trouble lié aux substances ou d'une dépression majeure, et que cette même proportion était cinq fois plus élevée chez les individus souffrant de troubles concomitantsNote de bas de page 85. Une analyse secondaire non publiée de l'enquête québécoise sur la santé de 1987 a permis de recueillir des données conformes aux conclusions des études américainesNote de bas de page 86. De telles conclusions sont en accord avec le fait que les personnes ayant recours au traitement représentent celles dont les cas sont les plus graves dans la population généraleNote de bas de page 83.

b) Taux de prévalence chez les individus ayant recours au traitement

De façon générale, les personnes ayant recours aux services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie et chez qui on a diagnostiqué un trouble psychiatrique utilisent également davantage les services de santéNote de bas de page 87 et sont plus souvent réadmises en traitementNote de bas de page 88,Note de bas de page 89. Le recours fréquent aux services hospitaliers et aux services d'urgence, qui sont coûteux, et la persistance dans le temps des troubles mentaux et des troubles liés aux substances contribuent grandement au coût économique extrêmement élevé associé au traitement et au soutien continu de ces individusNote de bas de page 90,Note de bas de page 91.

Dans le cadre de plusieurs études, on a évalué le taux de prévalence des troubles liés aux substances et des troubles mentaux concomitants chez les utilisateurs de services de traitement dans des établissements de santé mentale ou d'alcoolisme et de toxicomanie. Les recensions récentes de cette documentationNote de bas de page 40,Note de bas de page 66 démontrent clairement que les taux d'alcoolisme et de toxicomanie sont toujours plus élevés chez ceux et celles qui utilisent les services de santé mentale que dans la population générale. En comparaison avec la situation dans la population générale, le risque de développer un jour une dépendance à l'alcool est 21 fois plus élevé chez les personnes ayant une personnalité antisociale, six fois plus élevé chez celles souffrant d'une manie, quatre fois plus élevé chez celles atteintes de schizophrénie, et deux fois plus élevé chez celles souffrant d'un trouble panique, d'un trouble obsessionnel-compulsif, d'un trouble dysthymique, d'une dépression majeure ou d'un trouble de somatisationNote de bas de page 92. Weisner et SchmidtNote de bas de page 93 ont conclu que 38 p. 100 des prestataires de services de santé mentale dans un comté de la Californie avaient souffert d'au moins un symptôme de dépendance à l'alcool au cours de l'année précédente, alors que ce taux était de 27 p. 100 dans la population adulte générale et de 65 p. 100 dans la population incarcérée. Selon la même étude, 21 p. 100 des prestataires de services de santé mentale ont soutenu avoir utilisé au moins trois types de drogues illicites, alors que ce taux était de 1 p. 100 dans la population générale et de 12 p. 100 chez les personnes arrêtées pour une infraction criminelle.

De même, les individus en traitement pour l'alcoolisme et la toxicomanie sont parmi les groupes où l'on compte les taux les plus élevés de personnes souffrant de troubles mentaux. La proportion de personnes ayant recours au traitement est plus grande chez celles souffrant de troubles concomitants que dans la population généraleNote de bas de page 76, ce qui fait en sorte que la grande majorité des individus admis en traitement présentent au moins un symptôme cliniqueNote de bas de page 94. Les études ont démontré que près de 77 p. 100 des personnes traitées pour des troubles liés à l'alcool avaient déjà souffert d'un autre trouble psychiatrique au cours de leur vieNote de bas de page 97. La plupart des individus en traitement sont atteints d'au moins un trouble de l'humeur ou trouble anxieuxNote de bas de page 95,Note de bas de page 98 et le taux de prévalence des troubles de la personnalité varie de 53 p. 100 à 100 p. 100Note de bas de page 101. Ross et coll.Note de bas de page 105 ont constaté que 68 p. 100 des personnes en traitement externe dans un établissement de Toronto souffraient d'un trouble psychiatrique concomitant et que les symptômes les plus répandus qui s'y rattachaient consistaient en la personnalité antisociale, la phobie, l'anxiété et la dépression.

c) Sommaire
  • les critères et la méthode d'évaluation utilisés pour établir des diagnostics;
  • le contexte de traitement et de soutien;
  • les caractéristiques démographiques de la communauté ou des bénéficiaires de servicesNote de bas de page 44.

Lien entre les résultats du traitement et les autres questions cliniques

Il est très difficile de départager ce qui relève des troubles liés aux substances et des troubles mentaux. Il est donc difficile de tirer une conclusion valable quant au rôle causal joué par les troubles liés aux substances et les troubles mentaux dans le diagnostic, qu'ils soient uniques ou concomitants, et dans l'influence de divers facteurs sur le rétablissement à long terme.

La difficulté à établir les antécédents et les conséquences dans la recherche fait en sorte qu'il est plus sûr de parler d'association plutôt que de causalité. Comme l'ont soutenu récemment Drake et ses collègues dans une étudeNote de bas de page 35, il y a deux décennies, le taux de toxicomanie chez les jeunes atteints de schizophrénie était élevé, et c'est à partir de ce moment qu'on a commencé à considérer cette situation comme une entrave pour l'insertion communautaireNote de bas de page 107. Les recherches ont depuis démontré que les troubles concomitants étaient associés aux facteurs suivants :

Les résultats associés au traitement des troubles mentaux et au soutien communautaire continu semblent être influencés de façon négative par les troubles d'alcoolisme et de toxicomanie concomitantsNote de bas de page 126. Plus spécifiquement, on constate un lien, chez les patients schizophrènes, entre la conformité ou la non-conformité à la médication, l'abus de substances psychoactives et le manque de contact avec les patients en externeNote de bas de page 127. L'inverse semble également s'appliquer pour le traitement de la dépendance associée à des handicaps d'ordre psychiatrique (ou du moins à la détresse psychologique généralisée)Note de bas de page 128. Cette situation semble prévaloir surtout chez les individus souffrant de troubles liés à la consommation d'opiacés, d'alcool et de cocaïneNote de bas de page 129. Les troubles mentaux concomitants augmentent les probabilités d'abandon prématuré du traitementNote de bas de page 130,Note de bas de page 132, ce qui entraîne des répercussions négatives sur les résultats du traitementNote de bas de page 137,Note de bas de page 138. L'abandon prématuré du traitement peut s'expliquer par le fait que de nombreux patients qui quittent le traitement font face à des difficultés au moment d'entrer en traitement et d'établir une alliance thérapeutiqueNote de bas de page 139. Le début du traitement et l'alliance thérapeutique sont associés entre eux puisque l'efficacité du traitement est positivement associée à la poursuite du traitementNote de bas de page 146. Dans les cas où les patients poursuivent leur traitement, l'intensité et la durée du traitement qui leur sont nécessaires dépassent souvent les services faisant habituellement partie du programmeNote de bas de page 132. Les risques plus élevés de rechute, les fortes chances d'avoir recours à des services plus coûteux et les probabilités plus élevées d'abandon prématuré des services font en sorte que l'évaluation et le traitement des personnes souffrant de troubles concomitants pourraient contribuer à réduire les coûts liés à la santé et aux services sociaux et au soutien d'activités d'insertion sociale.

Intégration, coordination et planification des services

On s'entend généralement pour dire que les personnes qui présentent des troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie ont généralement dû rechercher un traitement et un soutien auprès de deux systèmes très distincts de prestation de services (voir par exemple Ridgely et coll.Note de bas de page 27 et le protocole sur les troubles concomitants TIPNote de bas de page 24). Cela est particulièrement vrai pour les personnes présentant de façon concomitante des problèmes de dépendance aux substances et un trouble mental sévère et persistant (groupe 2) et de nombreuses personnes souffrant de troubles de personnalité concomitants (groupe 3). Bien que les questions soient discutées d'un point de vue américain et qu'il faille tenir compte des particularités du système de soins de santé américain ou de l'accès plus universel aux soins de santé au Canada, le même thème fondamental se dégage concernant la séparation historique des deux systèmes de soins. De plus, la plupart des analystes conviennent que ces obstacles historiques sont au coeur d'un grand nombre des problèmes qu'éprouvent aujourd'hui les clients souffrant de troubles concomitants qui essaient d'obtenir de l'aide dans les deux systèmes.

Plusieurs facteurs expliquent la séparation historique des deux systèmes. Nonobstant cet historique, on convient généralement que l'existence de deux systèmes de soins pour les personnes pour lesquelles les besoins se chevauchent a eu plus d'effets négatifs que positifs quant à la continuité des soins et aux résultats pour ces clients.

Le fait d'avoir deux systèmes de soins distincts a habituellement signifié que des services « parallèles » ou « séquentiels » étaient offerts par les deux systèmes, avec peu ou pas de coordination et des résultats médiocres. On croit que les résultats médiocres découlent de divers facteurs systématiques, notamment:

  • des sentiments décuplés de stigmatisationNote de bas de page 155;
  • les points de vue conflictuels sur le problème « primaire »;
  • le fardeau de plus imposé au client qui doit redire son histoire, éprouver d'autres problèmes de transport et, en général, suivre deux traitements distincts qui peuvent offrir des conseils thérapeutiques conflictuelsNote de bas de page 156.

Parmi des exemples d'approches conflictuelles au traitement, mentionnons l'abstinence par rapport à la réduction des méfaits et les différences philosophiques quant à l'application des techniques de confrontation (les objectifs d'abstinence et la confrontation étant plus courant dans certains établissements de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie).

L'acceptabilité des médicaments psychotropes qui aident à gérer les symptômes des troubles mentaux demeure également controversée dans certaines situations de traitement pour troubles liés aux substances.

Dans le pire des scénarios, la prestation de services par les deux systèmes de soins et de soutien distincts a signifié que la personne, et souvent la personne éprouvant l'ensemble de problèmes le plus sévère, a simplement été référée « de l'autre côté ». Ces références font généralement en sorte qu'il y a peu ou pas de gestion de cas pour s'assurer que la personne a pris contact et qu'elle s'est engagée avec succès dans le système. Les taux de décrochage des programmes de traitement concomitant qui ne sont pas bien coordonnés peuvent être de l'ordre de 60 p. 100Note de bas de page 157. Ainsi, l'attrition élevée à l'intérieur des programmes peut être considérée du point de vue du peu d'accessibilité et d'acceptation des services offerts. Ces préoccupations concernant la faible coordination trouvent leur écho dans des études de recherche ayant examiné la coordination des services, au niveau des services pour la santé mentale et pour les dépendances aux substances et les solutions éventuelles155. Ces questions sont également très présentes dans les témoignages et les histoires personnelles des clients participant à des exercices de planification au niveau du système communautaire31, notamment les groupes de réflexion organisés pour le projet actuel (voir la section 4.2.1).

Sommaire

En résumé, il existe une très solide justification de l'élaboration de lignes directrices des meilleures pratiques :

  • de nombreuses personnes souffrent de troubles concomitants dans la population générale et sont déjà en contact avec le système de soins de santé;
  • les résultats sont moins bons et les coûts des soins sont très élevés du point de vue du client, de la famille et de la prestation des services;
  • il existe une longue histoire de coordination médiocre et souvent, des points de vue conflictuels entre les systèmes de traitement des troubles mentaux et d'alcoolisme et de toxicomanie.

Approche à préconiser pour définir les meilleures pratiques pour ce projet

Facteurs clés

  • L'intérêt qui se manifeste actuellement pour les lignes directrices des meilleures pratiques se rapporte aux grandes tendances des soins de santé visant à améliorer l'issue du traitement pour le client et à réduire les variations quant aux soins et aux coûts associés.
  • Les meilleures pratiques sont habituellement établies au niveau de la prestation des services (p. ex., directives cliniques) mais elles peuvent également être établies au niveau du système.
  • Étant donné l'état actuel des connaissances dans le domaine des troubles concomitants, ce rapport met l'accent sur la prestation des services; les implications et solutions de rechange sont indiquées pour l'implantation des meilleures pratiques dans les systèmes de prestation des services.
  • Les meilleures pratiques peuvent être définies en fonction de la preuve scientifique et du consensus des experts; une combinaison de ces méthodes est habituellement appliquée.
  • L'approche adoptée pour élaborer ce rapport a été un examen détaillé et une synthèse des données de recherche, de l'opinion des experts et des principaux intéressés, notamment les clients.
  • Il faut approfondir la recherche sur l'impact des lignes directrices des meilleures pratiques sur les attitudes et le comportement des décideurs, des planificateurs et des dispensateurs de soins de santé, et sur les résultats quant à la santé des clients.

La définition des lignes directrices sur les meilleures pratiques est un domaine naissant dans les soins de santé. Les « meilleures pratiques » ont été définies comme « des énoncés élaborés systématiquement pour aider le praticien et le patient à prendre les décisions sur les soins appropriés dans les circonstances spécifiques »Note de bas de page 161. Ces lignes directrices sont généralement axées sur la « prestation des services », c'est-à-dire qu'elles offrent une orientation aux cliniciens, thérapeutes, travailleurs sociaux, et autres intervenants sur les services les plus efficaces, ou rentables, qui peuvent être offerts directement aux clients des soins de santé. Toutefois, il y a des exemples de lignes directrices qui visent explicitement des recommandations de meilleures pratiques pour les organismes de services de santé (p. ex., mécanismes et processus de mesure du rendement) et les systèmes de soins) (p. ex., élaboration de politiques, planification et mécanismes et processus de financement)162.

Consensus fondé sur l'expérience clinique par opposition au consensus de spécialistes

Il y a deux modèles principaux pour élaborer des « meilleures pratiques »Note de bas de page 163,Note de bas de page 164 : le modèle fondé sur la preuve scientifique et le modèle fondé sur le consensus des spécialistes. Dans le premier cas, les lignes directrices des meilleures pratiques découlent d'un examen complet de la documentation.

Plusieurs préoccupations ont été soulevées concernant cette approche fondée strictement sur la rechercheNote de bas de page 165,Note de bas de page 166, notamment :

  • le fait de compter sur un corpus de documentation qui est publié;
  • le manque d'attention envers les questions multiculturelles;
  • les limites quant à la possibilité de généraliser;
  • le fait de trop compter sur la conception de la recherche selon « la règle d'or de l'expérimentation », soit la recherche avec échantillon aléatoire et contrôlé.

Le modèle fondé sur le consensus des spécialistes est généralement conçu comme un ajout au modèle fondé sur la preuve scientifique grâce auquel les avis des spécialistes servent à combler les lacunes de la documentation scientifique. Voici les quatre principales méthodes d'établissement du consensus :

Les critiques de cette approche portent souvent sur le fait que le processus de sélection des experts est un reflet de hiérarchies professionnelles qui peut être le reflet d'une « hypothèse du groupe »Note de bas de page 168.

Il est souvent nécessaire de formuler des recommandations sur les traitements en fonction d'une documentation scientifique peu concluante et de recourir à l'avis des spécialistes. Ainsi, une méthodologie mixte est souvent appliquée, qui s'appuie sur les meilleures informations dans les études scientifiques publiées et combine une forme d'examen et d'établissement du consensus par les spécialistesNote de bas de page 165. Les caractéristiques particulières de la méthodologie combinée sont souvent dictées par le budget disponible.

Approche

Les lignes directrices établies dans le présent projet se fondent sur les éléments suivants :

  • un examen approfondi de la documentation pertinente;
  • une synthèse de cette documentation selon le jugement professionnel et l'expérience de l'équipe de l'étude, y compris ce que la documentation ne nous dit pas, et un sommaire des autres questions qui doivent être prises en ligne de compte en extrapolant à partir des études publiées;
  • un examen et les conseils d'un groupe d'experts concernant notre approche générale et les résultats de notre synthèse des connaissances;
  • un examen des recommandations préliminaires par les principaux intéressés des systèmes de traitement des troubles mentaux et d'alcoolisme et de toxicomanie, tel qu'obtenu par un sondage auprès des principaux informateurs;
  • des groupes de discussion avec les clients qui ont souffert de troubles concomitants afin de valider notre synthèse de la recherche et l'avis des spécialistes par rapport à leurs besoins et à leur expérience vécue;
  • une synthèse plus approfondie de ce qui précède par l'équipe de recherche et un autre examen par le groupe d'experts;
  • en plus de la gestion continue du processus continue, l'ébauche du rapport a été revue par Santé Canada pour assurer la compatibilité avec les objectifs de l'étude et obtenir la contribution des divers représentants provinciaux et territoriaux membres du groupe de travail de Santé Canada;
  • la préparation des recommandations finales.

Il est important d'expliquer clairement que les lignes directrices émanant de ce projet ne sont pas basées sur :

  • une évaluation officielle de la force de la preuve scientifique (bien qu'une priorité de premier plan soit accordée à la recherche des études expérimentales ou quasi expérimentales). D'après cette preuve scientifique nous distinguons, si possible, entre les « meilleures » interventions et les interventions « les plus prometteuses »pour une combinaison donnée de troubles concomitants ou
  • un consensus parmi les membres du groupe d'experts (même si les aspects qui font l'objet d'un appui solide ainsi que les avis dissidents soient notés d'une façon anonyme).

Ces décisions méthodologiques sont fondées en grande partie sur des contraintes budgétaires ainsi que sur l'état actuel de la documentation dans le domaine des troubles concomitants. Les prochaines tentatives pour mettre à jour ces lignes directrices des meilleures pratiques puiseront probablement à une documentation plus abondante, et les lignes directrices conviendront ainsi mieux aux améliorations méthodologiques de notre travail.

Meilleures pratiques en relation avec les troubles concomitants sur le plan de la prestation des services

L'annexe D présente un aperçu des systèmes de prestation de services en santé mentale et en alcoolisme et en toxicomanie au Canada. Cette section résume les principaux points de cet aperçu et les conséquences pour les lignes directrices des meilleures pratiques sur le plan de la prestation des services.

Services de santé mentale

  • La réforme de la santé mentale a accordé une importante priorité dans l'élaboration des politiques et des programmes à une vaste gamme de services communautaires de santé mentale et à la mise sur pied de services de soutien social visant à garder les personnes souffrant de troubles mentaux sévères à l'extérieur des institutions ou des soins en milieu hospitalier.
  • On peut constater un progrès régulier de la participation des clients et des familles à la conception et à la prestation des services et du soutien.
  • Les généralistes et plusieurs autres spécialistes des soins de santé offrent la plus grande part des soins primaires en santé mentale au Canada.
  • La réforme de la santé mentale a également eu pour résultat des fermetures ou des réductions de la taille des grands hôpitaux psychiatriques provinciaux et une augmentation correspondante du rôle des unités psychiatriques des hôpitaux généraux pour dispenser les soins aigus et intervenir en cas de crise.
  • La prévalence des troubles de santé mentale et des troubles concomitants est très élevée dans les systèmes correctionnels de tout le pays et on constate une relation étroite et complexe entre le système de santé mentale et le système de justice pénale.
  • Il y a également plusieurs sous-groupes de la population ayant particulièrement besoin de services de santé mentale qui doivent être considérés avec attention au moment de planifier et de dispenser les services aux personnes souffrant de troubles concomitants (p. ex., les sans-abri, les autochtones, les agresseurs et les victimes de la violence dans la famille et d'abus à l'égard des enfants).

Services d'alcoolisme et de toxicomanie

  • Le « système » de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie au Canada a évolué en traversant plusieurs étapes, et il est actuellement enraciné dans une vaste perspective biopsychosociale.
  • Les médecins et les psychiatres jouent un rôle important, mais de moins en moins dominant; le rôle de l'évaluation et du traitement de la dépendance aux substances comparativement à d'autres troubles de santé mentale et de dépendance est confié à des professionnels du counseling comme les psychologues, les travailleurs sociaux et les conseillers accrédités en toxicologie.
  • La réforme des services d'alcoolisme et de toxicomanie a accordé la première priorité à la mise sur pied d'une vaste gamme de services communautaires, généralement définis selon un « continuum de soins » - gestion du sevrage, évaluation complète, intervention brève, traitement ambulatoire ou de jour plus intensif, traitement en établissement à court terme ou à long terme et soins prolongés.
  • Un modèle de soins par paliers est associé au continuum de soins, permettant d'abord aux clients de s'engager dans un niveau de soins moins perturbateur et de passer ensuite à un traitement par paliers accéléré ou décéléré selon les résultats de la supervision continue.
  • On met davantage l'accent sur la prévention et sur la détermination précoce que le secteur de la santé mentale. Plusieurs services adoptent une approche de réduction des méfaits; d'autres adoptent l'abstinence comme premier objectif du traitement. On constate un écart considérable à cet égard entre les provinces et les territoires.
  • Les groupes d'entraide (p. ex., Alcooliques anonymes) jouent un rôle important dans les systèmes de traitement locaux de tout le pays.
  • La prévalence des troubles liés aux substances est très élevée dans les systèmes correctionnels de tout le pays, et il y a une relation étroite mais complexe entre le système de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie et le système de justice pénale.
  • Comme pour la santé mentale, il y a également plusieurs sous-groupes de la population ayant particulièrement besoin de services de traitement de la dépendance aux substances et qui doivent être considérés attentivement dans la planification et la prestation de services aux personnes souffrant de troubles concomitants (p. ex., les jeunes, les sans-abri, les autochtones).

En résumé, il y a de nombreux points d'entrée dans les « systèmes » de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie de la collectivité. Bien que les personnes ayant des troubles concomitants puissent être plus susceptibles de se présenter à certains points d'entrée qu'à d'autres (p. ex., services d'urgence et de crise, refuges pour sans-abri), les données de recherche indiquent que la prévalence des troubles concomitants sera élevée pour tous les points d'entrée. Il est également important de retenir que, dans le système de santé mentale, la durée du traitement ou du soutien d'une personne présentant un trouble concomitant de dépendance aux substances par un programme particulier est très variable. Elle peut aller d'un bref contact au service de crise à quelques semaines ou quelques mois dans un éablissement de soins aigus ou à plusieurs années de contact et de soutien régulier par une équipe d'intervenants, un programme de logement subventionné, un pavillon ou une initiative pour les victimes. De même, dans l'ensemble des services de toxicomanie de la collectivité, les probabilités de dépister une personne présentant un trouble mental sont très variables (p. ex., bref contact au centre de gestion du sevrage comparativement à plusieurs semaines ou mois de soutien d'un programme de traitement ambulatoire ou en établissement). Ainsi, les possibilités de dépister quelqu'un présentant un trouble de santé mentale ou d'alcoolisme ou de toxicomanie concomitant sont très variables dans les différents établissements. De plus, le type de formation professionnelle, d'expérience clinique et de perspective diffère considérablement selon ces établissements. Ces facteurs influent sur la capacité et l'intérêt des gestionnaires, du personnel et des clients quant à l'adoption de diverses stratégies qui pourraient être recommandées pour l'identification, l'évaluation, le traitement et le soutien. Le rôle des membres de la famille et des autres personnes importantes sera également très variable, par exemple, pour fournir des rapports collatéraux sur la toxicomanie ou participer à des interventions familiales. Nonobstant ces facteurs contextuels importants, il y a un besoin de conseils scientifiques dans trois domaines :

  1. pour déterminer si quelqu'un présente un trouble de toxicomanie ou un trouble de santé mentale;
  2. pour ceux qui présentent un ou plusieurs troubles, entreprendre une évaluation complète qui donnera un diagnostic plus concluant de la nature et de la sévérité du problème d'alcoolisme et de toxicomanie ou de santé mentale et de la relation entre les deux. Dans les endroits où les ressources sont limitées, cette étape peut inclure de toute nécessité une référence vers un autre service de soutien pour évaluer le problème d'alcoolisme et de toxicomanie ou de santé mentale, mais cet aiguillage se fait dans le contexte d'un système coordonné de services locaux, avec un suivi pour s'assurer qu'un plan de traitement intégré est établi;
  3. pour les personnes qui présentent un diagnostic de troubles concomitants de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie, offrir un traitement et un soutien pour la résolution des problèmes immédiats et assurer une surveillance, un soutien et la réadaptation à long terme. Comme ci-dessus, dans certaines collectivités, cette étape peut comprendre un aiguillage vers un autre service de soutien du problème d'alcoolisme et de toxicomanie ou de santé mentale, mais il doit se faire dans le contexte d'un plan de traitement intégré et d'un système coordonné des services locaux.

Cette section est articulée en trois sous-sections correspondant au dépistage (section 3.1), à l'évaluation (section 3.2) et au traitement et au soutien constant (section 3.3) des personnes souffrant de troubles concomitants. Chaque sous-section reconnaît que la personne peut commencer par entrer dans un service de santé mentale, un service d'alcoolisme et de toxicomanie ou un programme intégré et que, quel que soit le point d'entrée, le client souffrant de troubles concomitants devrait s'attendre à la même approche générale et à la même qualité de soins.

Tel que mentionné plus tôt, le traitement et le soutien intégrés de grande qualité sont possibles dans les systèmes ainsi que par l'intégration des programmes.

Meilleures pratiques relativement au dépistage des troubles liés à la consommation de substances et aux troubles mentaux

Dépistage des troubles liés à la consommation de substances et aux troubles mentaux

Les tentatives de traitement de la toxicomanie chez les personnes atteintes de troubles mentaux, et vice versa, doivent commencer par la reconnaissance du problèmeNote de bas de page 169Note de bas de page 41. Le but du dépistage n'est pas de déterminer le profil complet du fonctionnement psychologique et des besoins, ou de porter un diagnostic, mais plutôt de déterminer si la personne peut souffrir d'un problème de santé mentale ou de toxicomanie qui justifie une évaluation plus complète.

En général, l'objectif est d'appliquer des moyens de dépistage qui sont brefs, de ne pas déterminer une proportion élevée de faux cas positifs, et de pouvoir compter sur une bonne fiabilité et validité (voir l'annexe E pour les définitions de ces termes et d'autres termes associés aux moyens de dépistage). Tel que susmentionné, les besoins et les possibilités d'identification varient considérablement selon les différents types d'établissements de traitement des troubles mentaux et de dépendance aux substances. Il est impossible de recommander une approche ou un moyen de dépistage. Donc, les recommandations sont organisées selon deux « niveaux d'effort », le deuxième niveau nécessitant plus de temps et d'expertise que le premier, mais donnant éventuellement des avantages supérieurs quant à la fiabilité et à la validité. De plus, il s'agit d'un champ de recherche qui s'élargit rapidement et plusieurs nouveaux moyens de dépistage sont disponibles ou s'annoncent, mais ils n'ont pas encore été validés dans la population quant à l'alcoolisme et la toxicomanie ou à la santé mentale. Le cas échéant, nous mentionnons de nouveaux moyens qui ont été mis au point ou vérifiés, et qui peuvent s'avérer appropriés pour des personnes souffrant de troubles concomitants de l'un ou l'autre ou des deux groupes ont été utilisé pour le dépistage.

Dans cet examen, les travaux du docteur Kate Carey et de ses collèguesNote de bas de page 41,Note de bas de page 170,Note de bas de page 178 ont été utilisés pour le dépistage. Le travail pionnier des docteurs Robert Drake, Kim Mueser et de leurs collègues a également été précieuxNote de bas de page 156. Le lecteur est encouragé à examiner les rapports et les analyses documentaires publiés par ces équipes de recherche. Plusieurs de leurs rapports figurent à l'annexe A et dans les références.

Les points concernant la terminologie et d'autres questions d'ordre général sont les suivants :

  • bien qu'il soit important de disposer de moyens de dépistage présentant d'excellentes propriétés psychométriques, on peut établir une distinction entre ce qui est nécessaire pour le processus décisionnel clinique comparativement à ce qui pourrait l'être pour une étude de recherche très contrôlée. Autrement dit, même si aucun moyen de dépistage n'est disponible actuellement, il est quand même valable de se poser quelques questions simples, ou autrement de remettre en question l'application de l'information facilement accessible. Nous incluons ces approches dans les stratégies de dépistage de niveau I;
  • dans un système intégré, il sera essentiel de connaître le lien entre les services de dépistage et d'évaluation bien établis et surveillés afin de réduire pour le client l'obligation de « redire son histoire ». Il s'agit d'un thème important relevé par la discussion des clients;
  • la recherche soutient généralement la valeur de l'information obtenue sur la consommation d'alcool et de drogues de différentes sources pour corroborer l'information obtenue uniquement de la déclaration du client. Bien que cette information du client sur sa consommation d'alcool et de drogues puisse être considérée fiable et valide dans certains contextes, ces déclarations de l'intéressé ne sont pas dignes de confiance dans d'autres contextes (voir CareyNote de bas de page 170 et Carey et CorreiaNote de bas de page 41. Par exemple, les préoccupations concernant les déclarations du client peuvent être particulièrement importantes lorsqu'on travaille auprès d'une personne devant être admise dans un service psychiatrique et pour laquelle le dévoilement de la toxicomanie peut avoir des conséquences négatives éventuelles en termes de traitement et de soutien (p. ex., la perte de son logement). On reconnaît généralement que les tests en laboratoire permettant de dépister des troubles de dépendance aux substances en fonction de marqueurs biochimiques sont beaucoup moins sensibles et utiles avec des personnes souffrant de troubles concomitants que les rapports collatéraux de la famille, des amis ou les dossiers antérieursNote de bas de page 41;
  • il y a une préférence pour les instruments de mesure et protocoles de dépistage du domaine public, car ils sont disponibles sans frais pour le dispensateur de services;
  • les services qui offrent un soutien au client pendant une période prolongée, par exemple un programme intensif de gestion de cas ou un pavillon pour personnes atteintes de troubles mentaux sévères, permettront de surveiller la situation sur une plus longue période. Ainsi, il n'est pas nécessaire que le dépistage se fasse à l'admission au service. Le jugement de l'agent chargé du cas peut avoir une grande valeur de prédiction à mesure qu'il connaît mieux le client et que la confiance s'établitNote de bas de page 171;
  • dans le domaine de la santé mentale, il y a une distinction importante entre les instruments de dépistage diagnostiques et ceux qui se fondent sur la détresse psychologique et le fonctionnement. De même, pour les troubles liés aux substances, il existe des instruments de dépistage diagnostiques et d'autres basés sur les conséquences de la toxicomanie ou son cycle. Les deux méthodes sont considérés dans nos approches de dépistage de niveau II;
  • la plupart des moyens de dépistage des troubles liés aux substances sont axés sur l'alcool ou d'autres drogues mais non sur les deux. Étant donné le modèle courant de polytoxicomanie, d'importants problèmes de dépendance aux substances peuvent passer inaperçus si on ne dépiste qu'un problème d'alcool ou qu'un problème de drogues. Peu d'instruments sont disponibles pour dépister à la fois les problèmes d'alcool et les autres problèmes de drogues. CAGE-AIDNote de bas de page 172 et le Dartmouth Assessment of Lifestyle Instrument (DALI: Rosenberg et coll.Note de bas de page 173) sont des exceptions remarquables;
  • il y a des questions relatives aux groupes d'âge qui sont à considérer lorsqu'on choisit un moyen ou un protocole de dépistage pour des clients de différents âges. Certains moyens sont conçus spécifiquement pour les adolescentsNote de bas de page 174,Note de bas de page 175;
  • enfin, il faut examiner les propriétés psychométriques et la pertinence des instruments avant de les utiliser pour différents sous-groupes culturels. D'autres questions pratiques et méthodologiques ont pour objet le niveau d'alphabétisation du client, si celui-ci a besoin d'aide pour répondre aux questions de dépistage et si cette aide affecte la fiabilité et la validité des réponses (p. ex., impact du fait de vouloir répondre d'une manière souhaitable socialementNote de bas de page 41).

Dépistage des troubles liés à la consommation de substances

a) Protocoles de dépistage de niveau I

À ce niveau, quatre solutions sont décrites. Ces solutions nécessitent très peu de temps et d'effort de la part des cliniciens et du personnel clinique lors du premier contact avec le client ou dans le contexte d'un processus d'admission officiel. Les valeurs de sensibilité et de spécificité provenant d'un groupe de personnes souffrant de troubles concomitants ne sont pas disponibles pour toutes les solutions proposées. Toutefois, ces mesures et ces approches peuvent quand même être valables dans le cadre d'un processus décisionnel clinique, particulièrement dans les établissements où des approches plus sophistiquées au plan psychométrique peuvent ne pas être appropriées au moment de la première période de contact ou de l'admission au programme (p. ex., dans le cas de crises aiguës). Il est préférable d'adopter une approche générale pour le processus de dépistage et d'établir ensuite l'existence d'un trouble de dépendance aux substances en fonction d'une évaluation plus approfondie.

Indice de suspicion : Si d'autres méthodes ne sont pas applicables ou appropriées, il est possible de recourir à une simple liste de vérifications des indicateurs comportementaux, cliniques et sociaux qui, ensemble, peuvent présenter un indice que la personne souffre d'un trouble de dépendance aux substances. Les éléments suivants ont été considérés comme les conséquences courantes de la toxicomanie chez les personnes atteintes de troubles mentaux sévères (groupe 2). Des exemples figurent à l'annexe F.

  • changement fréquent de logement;
  • rechutes symptomatiques apparemment non reliées au stress de la vie;
  • inobservation du traitement;
  • comportement violent ou menaces de violence;
  • changements d'humeur soudains inexpliqués;
  • idées suicidaires ou tentatives de suicide;
  • déficience intellectuelle;
  • difficulté à gérer les fonds;
  • prostitution, autre acte sexuel ou déviance sexuelle;
  • isolement social;
  • difficultés sociales intenses et répétitives;
  • difficultés à trouver un emploi;
  • problèmes d'hygiène et de santé;
  • problèmes juridiques.

En fonction de l'expérience clinique, les éléments suivants s'ajoutent à cette liste :

  • le fait d'éviter de dévoiler les troubles (probablement concomitants) par crainte d'être admis dans un établissement psychiatrique;
  • comportement autodestructeur en l'absence de facteurs de stress;
  • histoire de dépendances, de substitution, ou d'usage de produit de remplacement.

Poser quelques questions : La recherche a démontré que la réponse à une question directe sur les problèmes antérieurs associés à l'alcool est associée aux résultats de protocoles de dépistage plus détailléNote de bas de page 176. Par ailleurs, l'évidence de la valeur de cette approche avec des personnes souffrant de troubles concomitants est mitigée. L'hésitation des personnes à être complètement franches dans un tel auto-diagnostic a été observée, et cela peut s'avérer particulièrement vrai lors de la première présentation dans certains établissements de santé mentale où aucune relation de confiance n'a encore été établie entre le client et l'intervenant. En fait, il s'agit d'un thème qui a été souligné par les groupes de discussions de clients. Drake et coll.Note de bas de page 156 mentionnent la difficulté que des personnes atteintes d'un trouble mental sévère peuvent avoir à percevoir les relations entre la toxicomanie et les difficultés psychosociales et la tendance à présenter des réponses socialement acceptables. Par contre, Barry et coll.Note de bas de page 171 ont comparé les déclarations faites par les clients et les évaluations des gestionnaires de cas. Ils ont constaté que les déclarations du client à certaines des questions sont plus prédictives d'un trouble de dépendance aux substances que par les critères du DSM-III-R. Le meilleur élément de prédiction d'un problème lié aux substances par le client est sa perception de l'inquiétude des autres au sujet de sa toxicomanie (70 p. 100 de sensibilité, 88 p. 100 de spécificité, 76 p. 100 de valeur prédictive positive et 84 p. 100 de valeur prédictive négative). Il est suggéré que les trois questions suivantes soient utlisées avec prudence comme questions de dépistage de niveau I de trouble de dépendance aux substances dans les établissements de santé mentale lorsque d'autres approches sont considérées inadéquates. Une réponse positive à l'une ou l'autre de ces questions devrait indiquer la nécessité d'une investigation plus approfondie.

  • « Avez-vous déjà eu des problèmes associés à votre consommation d'alcool ou d'autres drogues ? » (oui/non)
  • « Un parent, un ami, un médecin ou un autre travailleur de la santé s'est-il inquiété de votre consommation d'alcool ou de drogues ou vous a-t-il suggéré de la réduire ? » (oui/non)
  • « Avez-vous déjà dit à une autre personne "Non, je n'ai aucun problème [d'alcool ou de drogues]", alors qu'en même temps vous vous questionniez et vous vous disiez "Peut-être ai-je un problème". » (oui/non)

Bref protocole de dépistage : La troisième approche du dépistage de niveau I est basée sur le questionnaire de CAGENote de bas de page 177 et sur une modification appelée CAGE-AID qui intègre l'alcool et les autres droguesNote de bas de page 172. Ce sont des mesures considérées de niveau I à cause de leur brièveté; elles sont composées de quatre éléments qui peuvent être intégrés régulièrement dans un processus d'admission officiel ou un échange avec un client demandant de l'aide. Le questionnaire CAGE a été validé auprès d'un échantillon de personnes souffrant d'un trouble mental sévère et sa sensibilité et sa spécificité sont raisonnablement élevéesNote de bas de page 156Note de bas de page 178. Toutefois, Wolford et coll.Note de bas de page 179 ont comparé plusieurs mesures de dépistage des troubles de dépendance aux substances chez des personnes atteintes d'un trouble mental sévère et, bien que le questionnaire CAGE ait mieux fonctionné que d'autres approches comme les variables cliniques, les tests en laboratoire et les rapports collatéraux, elles ont donné une sensibilité (60,9 p. 100) et une spécificité (69,5 p. 100) assez modestes. Le CAGE et le CADE-AID donnent de l'information sur toute la vie plutôt que sur un problème de toxicomanie actuel, et certains peuvent y trouver un facteur limitatif.

Jugement du gestionnaire de cas : Dans les établissements de santé mentale qui gardent contact avec le client pendant plusieurs semaines, plusieurs mois ou même des années, les gestionnaires de cas peuvent se poser quelques questions pour dépister un trouble de dépendance aux substancesNote de bas de page 171. Dans l'étude par Barry et al.Note de bas de page 171, le meilleur facteur de prédiction d'un trouble de dépendance aux substances du client correspondant aux critères du DSM-III-R est la question suivante : « Croyez-vous que le client a déjà eu un problème d'alcool ou de drogues ? Diriez-vous certainement, probablement ou pas du tout ? »

Un moyen de dépistage rapide relativement nouveau pour les troubles de dépendance aux substances peut s'avérer prometteur pour identifier les personnes souffrant de troubles concomitants dans les établissements de santé mentale en fonction d'une recherche à poursuivre. Cet instrument, qu'on appelle le RAPS4, a été mis au point comme moyen de dépistage de l'alcoolisme problématique dans les salles d'urgenceNote de bas de page 181. Il est composé de quatre questions relatives au remords, à l'amnésie, à la performance et au fait de boire le matin. Dans les établissements d'urgence, on a constaté qu'une réponse positive à l'un ou l'autre des éléments présente une sensibilité élevée (93 p. 100) et une spécificité élevée (87 p. 100). L'instrument a également bien fonctionné pour les sous-groupes sexuels et ethniques. Bien que prometteur, il doit être validé dans les établissements de santé mentale.

Pour certains critères, le protocole de dépistage TWEAK pour les problèmes d'alcool180 a fonctionné mieux que le CAGE. Toutefois, le CAGE a été mieux recherché auprès de personnes souffrant de troubles concomitants et il a été adapté pour traiter les problèmes d'alcool et les problèmes de drogue.

b) Protocoles de dépistage de niveau II

À ce niveau, il y a quatre moyens de dépistage. Il faut un peu plus de temps et d'effort que les solutions de niveau I pour l'intégrer dans une pratique régulière (p. ex., il y a trop d'éléments pour dégager un souvenir avec un simple système mnémonique comme dans le cas des quatre questions du CAGE). Toutefois, toutes les mesures sont assez brèves et faciles à administrer lors d'une entrevue ou en remplissant un questionnaire. De plus, tous les protocoles indiqués ci-après ont été validés auprès de personnes souffrant de troubles mentaux et ils sont tous dans le domaine public.

Dartmouth Assessment of Lifestyle Instrument (DALINote de bas de page 173) : Ce protocole est le seul moyen de dépistage des troubles de dépendance aux substances qui a été mis au point spécifiquement pour les personnes atteintes d'un trouble mental sévère. Il consiste en 18 éléments provenant de divers outils de dépistage existants. Il a été conçu pour être rempli avec l'aide d'un interviewer. Huit éléments visent à prédire les troubles liés aux drogues et neuf les troubles liés à l'alcool. Deux éléments chevauchent les deux types de troubles. Les résultats indiquent qu'il est fiable dans le temps et présente un bon degré d'accord inter-juges et qu'il est plus sensible et plus spécifique que plusieurs mesures, notamment le MAST, le TWEAK, le CAGE ou DASTNote de bas de page 173.

Michigan Alcoholism Screening Test (MAST182) : Teitelbaum et CareyNote de bas de page 178 offrent un examen complet des mesures de dépistage et d'évaluation de la toxicomanie applicables aux personnes atteintes de troubles mentaux sévères. Leur examen comprend plusieurs études, notamment le MASTNote de bas de page 182 et sa version abrégée (SMASTNote de bas de page 183) (voir égalementNote de bas de page 184). Le MAST a aussi été l'une des mesures de dépistage évaluées par Wolford et coll.Note de bas de page 179. Bien que le protocole ait été utilisé largement auprès de personnes atteintes de troubles mentaux sévères, il est limité comparativement au DALI puisqu'un outil de dépistage distinct devra être utilisé pour les drogues autres que l'alcool (p. ex., le Drug Abuse Screening Test (DAST)185. Il permet également d'obtenir de l'information sur toute la vie par rapport à l'information immédiate. Un résultat de cinq ou plus indique « l'alcoolisme »; un résultat de quatre est indicateur d'un trouble lié à l'alcool potentiel et un résultat de moins que quatre indique une consommation d'alcool non problématique. Le SMAST est recommandé par rapport au MAST complet en raison de sa brièveté (12 éléments). Dans l'étude récente de Wolford et coll.Note de bas de page 179, les échelles d'auto-déclaration beaucoup plus courtes que dans le cas du CAGE ou du TWEAK fonctionnent tout aussi bien que dans le cas du MAST, sinon mieux.

Mais tous les outils de dépistage par auto-déclaration manquent 25 p. 100 à 40 p. 100 des personnes présentant des troubles liés à l'alcool. Bien que les résultats obtenus dans d'autres études avec le MAST aient été meilleurs que ceux constatés dans cette étude récente (p. ex., 86,8 p. 100 de sensibilité observée par Drake et coll.Note de bas de page 156), le MAST et le SMAST sont loin de la perfection et doivent être complétés par d'autres renseignements comme les rapports collatéraux et l'observation du comportement.

Drug Abuse Screening Test (DAST185) : Le DAST est semblable au MAST en ce qu'il est basé sur l'auto-déclaration du client et n'est pas diagnostiqué, se fondant davantage sur les conséquences associées à la consommation que sur la dépendance en soi. Les éléments peuvent être administrés par l'intervieweur ou par le client lui-même. Contrairement au MAST, les éléments du DAST se rapportent aux douze derniers mois plutôt qu'à toute la vie. La recherche récente sur l'application du DAST auprès de groupes de patients d'établissements psychiatriques a confirmé les propriétés de l'échelle interne avec ce groupe et établi une fiabilité de test-retest acceptable, la validité associée aux critères, la sensibilité et la spécificitéNote de bas de page 186,Note de bas de page 187. Dans ces études, la version la plus brève du DAST (10 éléments) a également fonctionné adéquatement comme moyen de dépistage. Les auteurs de ces études récentes recommandent un point de césure de deux à quatre éléments positifs sur le DAST-10 comme justifiant une évaluation plus approfondie de la consommation abusive. Toutefois, ils soulignent également que différents points de césure peuvent être appliqués selon l'intérêt du clinicien à optimiser la sensibilité ou la spécificité. Le point de césure de deux éléments positifs semble donner un bon équilibre. Maisto et coll.Note de bas de page 187 soulignent également que la valeur prédictive positive du DAST-10 est faible comparativement à celle du DALI signalée par Rosenberg et ses collèguesNote de bas de page 173. Cela a été attribué au taux de base comparativement bas des troubles associés à la consommation de drogues actuels dans leur échantillon. Cela souligne l'importance de considérer la prévalence sous-jacente des troubles de dépendance aux substances dans l'établissement de santé mentale lorsqu'on évalue la pertinence d'un moyen de dépistage. Par exemple, des taux de prévalence inférieurs conduiront à une valeur prédictive inférieure. Un moyen présentant une valeur prédictive faible dans un établissement donné peut quand même être utile si l'objectif est de limiter le nombre de personnes pour lesquelles des évaluations plus intensives, et plus coûteuses, des problèmes de dépendance aux substances seraient entreprises. La pertinence de cette stratégie par rapport à celle de l'optimisation du nombre de personnes dépistées positivement, y compris les faux cas positifs, devra être déterminée dans chaque établissement et pour chaque système de traitement.

Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDITNote de bas de page 188) : Le test AUDIT est un protocole de dépistage par auto-déclaration de 10 éléments bien connus, conçu pour identifier les personnes pour lesquelles la consommation d'alcool les place à risque de conséquences négatives ou qui vivent de telles conséquences. Son rendement a été évalué récemment auprès de personnes atteintes de troubles mentaux sévèresNote de bas de page 187. La référence temporelle des éléments du test AUDIT est la dernière année, bien que quelques éléments ne se réfèrent pas spécifiquement au temps. Il peut être administré par l'intervieweur ou par le client lui-même. Maisto et ses collèguesNote de bas de page 187 ont confirmé la valeur du test AUDIT pour identifier les personnes présentant un trouble lié à l'alcool ou manifestant des symptômes de ce trouble au cours de la dernière année. Les estimations de la sensibilité vont de 0,95 à 0,85 selon le point de césure appliqué. La spécificité varie de 0,65 à 0,77. De façon compatible avec l'utilisation du test AUDIT dans d'autres établissementsNote de bas de page 189, un point de césure de 7 ou 8 s'est avéré un bon équilibre entre la sensibilité et la spécificité lorsqu'on utilise les critères de diagnostic du DSM-IV comme norme de comparaison.

Mesures de dépistage de niveau II pour l'alcoolisme et la toxicomanie

Tous les moyens de dépistage précédents sont basés principalement sur les conséquences associées à la consommation d'alcool ou de drogues et les réponses aux éléments ne correspondent pas aux critères du DSM-IV. Un outil de brève durée qui est disponible n'offre pas cette description et il couvre également l'alcool et les autres drogues avec la même série d'éléments. Toutefois, la mesure n'a pas encore été évaluée en profondeur, en particulier auprès des personnes présentant des troubles concomitants. Cette série de 16 éléments (Substance Abuse and Dependence Scale : SADS) est une échelle du Global Appraisal of Individual Needs (GAINNote de bas de page 190). Le SADS offre un dépistage utile de la dépendance (tolérance, sevrage, incapacité de contrôler la consommation) et de l'abus (conséquences de la consommation) basé sur les critères du DSM-IV. Il produit également un résultat des symptômes qui peut servir à suivre le changement dans le temps.

De plus, le moyen de dépistage psychiatrique décrit dans la section suivante pour dépister les troubles de santé mentale offre également une liste d'éléments qui correspondent aux critères du DSM-IV pour l'abus et la dépendance aux substances.

c) Sommaire

Il y a plusieurs moyens de dépistage de la toxicomanie chez les personnes se présentant aux services de santé mentale. La stratégie particulière choisie peut dépendre du temps et des ressources disponibles. Il est préférable de poser quelques questions simples ou d'utiliser un indice de suspicion de base que de ne pas porter attention du tout aux problèmes de dépendance aux substances. Il est également recommandé que les résultats d'un bref protocole de dépistage (p. ex., CAGE-AID) soient complétés par de l'information à l'appui provenant de différentes sources. Les évaluations du gestionnaire de cas peuvent être particulièrement utiles pour les services qui restent en contact avec le client. Le protocole DALI est le moyen de dépistage préféré pour la toxicomanie chez les personnes atteintes de troubles mentaux sévères.

L'équipe de projet est bien consciente du fait qu'on utilise couramment le Substance Abuse Subtle Screening Inventory (SASSI) à titre d'outil de dépistage et d'évaluation dans le cadre de nombreux programmes de toxicomanie au Canada. Les données de validation restreintes qui touchent de manière générale le SASSI et de façon précise l'application de ce dernier à l'égard des personnes atteintes de troubles concomitants empêchent les membres de l'équipe de le recommander dans le contexte actuel.

Comme pour le protocole CAGE, un SMAST-AID (dont les drogues) a été mis au point. Toutefois, il n'a pas été vérifié auprès d'un échantillon de personnes souffrant de troubles mentaux. Étant donné le potentiel de confusion quant à l'utilisation de l'expression « consommation de drogues », la mesure ne peut être recommandée pour cette population en ce moment.

Recommandation de meilleure pratique

  • Il est recommandé que toutes les personnes demandant de l'aide auprès d'un service de traitement des troubles mentaux soient dépistées quant à la concomitance d'un trouble de dépendance aux substances. Des approches organisées autour du niveau I et du niveau II qui peuvent être adaptées au type d'établissement, au temps et aux ressources disponibles sont à conseiller.
  • Approches de niveau I
    • appliquer un indice de suspicion
    • poser quelques questions
    • appliquer un bref protocole de dépistage
    • faire appel au jugement du gestionnaire de cas
  • Approches de niveau II
    • Dartmouth Assessment of Lifestyle Instrument (DALI)
    • Short Michigan Alcoholism Screening Test (SMAST)
    • Drug Abuse Screening Test (DAST)
    • Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT)

Dépistage des troubles mentaux

a) Protocoles de dépistage de niveau I

À ce niveau, deux solutions qui nécessitent très peu de temps et d'efforts de la part des cliniciens et thérapeutes lors du premier contact avec le client, ou dans le contexte d'un processus d'admission officiel sont recommandées. Comme pour les procédures de niveau I pour le dépistage de la toxicomanie dans les établissements de santé mentale, les valeurs de fiabilité, de validité, de sensibilité et de spécificité ne sont pas disponibles pour ces protocoles. Toutefois, les suggestions se fondent sur la sagesse de la pratique actuelle et peuvent être valables dans le cadre d'un processus décisionnel clinique, particulièrement dans les établissements où des approches plus sophistiquées au plan psychométrique peuvent ne pas être appropriées pour la prise de contact ou l'admission au programme (p. ex., établissements de gestion du sevrage).

Indice de suspicion: Si d'autres méthodes ne sont pas applicables ou appropriées, il est possible de recourir à une simple liste de vérification des indicateurs comportementaux, cliniques et sociaux qui, ensemble, peuvent établir l'indice que la personne souffre d'un trouble mental pour laquelle une évaluation subséquente de la santé mentale est nécessaire. De façon compatible avec le protocole de dépistage des troubles concomitants TIPNote de bas de page 24, la liste de vérification suivante pour l'examen de l'état de santé mentale est recommandée.

  • Apparence, vivacité d'esprit, affect et anxiété :

    Apparence : Apparence générale, hygiène et tenue vestimentaire.
    Vivacité d'esprit : Quel est le niveau de conscience?
    Affect : Exaltation ou dépression : gestes, expression faciale et discours.
    Anxiété : La personne est-elle nerveuse, phobique ou paniquée?
  • Comportement :

    Mouvement : Rythme (hyperactif, hypoactif, abrupt ou constant?)
    Organisation : Cohérent et axé sur les objectifs?
    Intention : Bizarre, stéréotypique, dangereux ou impulsif?
    Discours : Rythme, organisation, cohérence et contenu.
  • Cognition :

    Orientation : Personne, lieu, temps et condition.
    Calcul : Mémoire et tâches simples.
    Raisonnement : Intuition, jugement, solution de problèmes.
    Cohérence : Idées incohérentes, délires et hallucinations.
  • Poser quelques questions : il est suggéré avec prudence que les trois questions suivantes soient demandées si d'autres approches sont considérées inappropriées dans l'établissement :

    « Avez-vous déjà eu un diagnostic de troubles mentaux par un professionnel de la santé qualifié en santé mentale? » (oui/non)

    « Avez-vous déjà été hospitalisé pour un trouble mental? » (oui/non)

    « Vous êtes-vous déjà blessé ou avez-vous déjà pensé à la possibilité de vous blesser, mais non comme résultat direct de votre consommation d'alcool ou de drogues? » (oui/non)

    Si le client répond directement à ces trois questions, on peut quand même ne pas dépister des troubles concomitants chez de nombreuses personnes, particulièrement celles atteintes de troubles mentaux moins sévères. Toutefois, il est préférable de les poser que de ne rien demander dans les établissements où l'application d'un plus long protocole de dépistage validé au plan psychométrique peut ne pas être appropriée.
b) Protocoles de dépistage de niveau II

Nous constatons qu'il serait nécessaire d'utiliser un bref protocole de dépistage validé pour les troubles mentaux, qui conviendrait à un recoupement de services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Tel qu'indiqué plus haut, une importante distinction doit être faite entre les protocoles de dépistage basés sur des mesures et des indicateurs de détresse psychologique générale comparativement à ceux comprenant des questions visant à appliquer directement les critères diagnostiques du DSM. Chaque approche présente des avantages et des inconvénients. Il est également important de garder à l'esprit que l'objectif du dépistage est de déterminer les personnes qui devraient faire l'objet d'une évaluation complète de la santé mentale qui permettrait de confirmer le diagnostic.

Une des difficultés pour déterminer les protocoles de dépistage éventuels des troubles mentaux est que les protocoles les plus évolués tendent à ne pas se trouver dans le domaine public et leur utilisation est donc accompagnée de frais. Un bon exemple est le Brief Symptom Inventory, qui est une forme abrégée auto-rapportée en 53 points du SCL-90-RNote de bas de page 191. Il a beaucoup été appliqué à la recherche sur le traitement des dépendances aux substances comme dépistage général fiable et valide de la psychopathologie. Un autre exemple est le questionnaire sur l'état de santé général (General Health Questionnaire)Note de bas de page 192 et ses versions abrégées (GHQ-28Note de bas de page 193) qui sont également beaucoup utilisées dans le domaine de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Il existe également des protocoles de dépistage brefs spécifiques à certains troubles mentaux, par exemple la Centre for Epidemiologic Studies Depression Scale (CES-DNote de bas de page 194) et ceux-ci sont mentionnés dans les dernières sections sur des sous-groupes spécifiques de personnes présentant des troubles concomitants.

La sous-échelle état psychologique de l'Indice de gravité d'une toxicomanie (IGT), adaptation française du Psychiatric Sub-scale of the Addiction Severity Index (ASINote de bas de page 195) : La meilleure recommandation parmi les choix actuels dans le domaine public est ce protocole. L'échelle est composée de 11 éléments qui puisent dans le traitement antérieur de problèmes psychologiques et émotionnels, à la pension d'invalidité, à la consommation de médicaments et à l'expérience de divers symptômes (p. ex., dépression, anxiété sévère, hallucinations, difficultés cognitives, idées suicidaires) mais qui ne sont pas un résultat direct de la consommation de drogues ou d'alcool. En plus de ces 11 éléments, le client et le thérapeute présentent diverses évaluations de la sévérité du problème. Grâce à une communication avec les auteurs de l'IGT, les quatre questions suivantes peuvent compléter l'IGT dans sa forme publiée.

Avez-vous connu une période significative (n'étant pas un résultat direct de la consommation d'alcool ou de drogues) au cours de laquelle vous avez (0=non; 1=oui) :

  1. Éprouvé des difficultés importantes pour contrôler votre alimentation (alimentation excessive, purgation, incapacité de manger) les 30 derniers jours? pendant votre vie?
  2. Éprouvé des problèmes importants concernant votre sommeil (s'endormir et demeurer endormi, trop dormir) les 30 derniers jours? pendant votre vie?
  3. Éprouvé des attaques paniques ou une anxiété extrême les 30 derniers jours? pendant votre vie?
  4. Vécu un traumatisme pour lequel vous avez des « flash-backs » les 30 derniers jours? pendant votre vie?

Protocoles de dépistage de niveau II pour la santé mentale

Il y a trois moyens de dépistage prometteurs en voie d'élaboration:

  • Un protocole de dépistage de troubles mentaux qu'on appelle le Psychiatric ScreenerNote de bas de page 191 mis au point par le Centre for Addiction and Mental Health de Toronto. La vérification préliminaire de la fiabilité et de la validité du Psychiatric Screener est en cours d'étude et les résultats à ce jour sont très encourageants.

    Le Psychiatric Screener évalue 12 dimensions de la psychopathologie selon l'axe I du DSM. Chaque dimension correspond à un système de notation de 0 à 1 et n'est pas continue quant au degré de sévérité. Les personnes obtiennent une catégorisation brute de la présence ou de l'absence du trouble (protocole suivi d'une évaluation complète de la santé mentale). De plus, pour les personnes obtenant un résultat positif indiquant la présence du trouble, le protocole de dépistage note la personne en fonction de la présence actuelle ou passée du trouble (c.-à-d. présence du trouble avant le mois de l'application du test).

    Le Psychiatric Screener évalue également les symptômes associés à la dépendance ou à l'abus de chacune des catégories de substances, les éléments reflétant les critères du DSM-IV.
  • En plus du Psychiatric Sreener qui est basé sur un diagnostic, une autre option importante pour le dépistage des troubles mentaux basée sur la détresse psychologique et le fonctionnement est à l'horizon. Dans le système d'évaluation GAIN mentionné plus haut dans le contexte du dépistage des troubles liés aux substancesNote de bas de page 190, il y a un indice en 21 points (Général Mental Distress Index [GMDI]) qui permet de dépister la dépression, l'anxiété et les idées suicidaires. Il propose également des éléments de dépistage pour la détresse traumatique et la détresse externe (p. ex., THADA, trouble des conduites)Note de bas de page 198. Toutefois, la mesure n'a pas été validée suffisamment, en particulier auprès de personnes présentant des troubles concomitants.
  • Un autre outil de dépistage des troubles mentaux basé sur la détresse psychologique et le fonctionnement est également en voie de développement par Ron Kessler199.
c) Sommaire

D'autres moyens de dépistage sont disponibles pour les troubles mentaux chez les personnes se présentant aux services d'alcoolisme et de toxicomanie. La stratégie spécifique choisie peut dépendre du temps et des ressources disponibles. Il sera préférable de poser quelques questions ou d'appliquer une liste de vérifications de l'état de santé mentale que de ne porter aucune attention aux troubles mentaux. La sous-échelle état psychologique de l'Indice de gravité d'une toxicomanie (IGT) est recommandée et devrait être complétée par quelques éléments supplémentaires. De nouveaux protocoles de dépistage prometteurs des troubles mentaux sont en voie d'élaboration.

Recommandation de meilleure pratique

  • Il est recommandé que toutes les personnes demandant de l'aide aux services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie fassent l'objet d'un dépistage des troubles mentaux concomitants. La recommandation est organisée autour des approches de niveau I et de niveau II qui sont adaptées au type d'établissement, au temps et aux ressources disponibles.
  • Niveau I:
    • recours à un indice de suspicion
    • poser quelques questions
  • Niveau II:
    • sous-échelle état psychologique de l'Indice de gravité d'une toxicomanie (IGT)

On connaît le PRIME-MD comme une autre mesure qui permet de dépister les troubles psychiatriques, mais il a d'abord et avant tout été conçu pour les médecins196. Il pourrait avoir une valeur potentielle dans les établissements de traitement où se trouve un médecin membre du personnel, mais il faudrait lui apporter des modifications en vue de sa mise en application à plus grande échelle. De plus, l'outil n'a pas été éprouvé auprès des individus souffrant de troubles concomitants et n'a pas non plus été validé.

La personne-ressource pour obtenir de l'information sur ce moyen de dépistage est M. Wayne Skinner, au 1 (416) 525-8501, poste 6387.

Meilleures pratiques quant à l'évaluation des personnes atteintes de troubles concomitants

Principaux enjeux liés à l'évaluation

L'importance d'une évaluation complète du problème éventuel d'alcoolisme et de toxicomanie ou de santé mentale déterminée par le protocole de dépistage a été soulignée ces dernières années par plusieurs experts du domaine des troubles concomitantsNote de bas de page 40Note de bas de page 41Note de bas de page 52Note de bas de page 170Note de bas de page 178Note de bas de page 200. Tous conviennent de la nécessité critique d'une évaluation complète des clients de services de santé mentale dont on croit qu'ils présentent un trouble de dépendance aux substances, et vice versa pour ceux qui se présentent aux services d'alcoolisme et de toxicomanie. L'évaluation est considérée comme étant étroitement liée à la planification du traitement et à la prestation de services de qualitéNote de bas de page 52Note de bas de page 178. Les données de l'évaluation servent également une autre fonction importante comme information de base pour la détermination du résultatNote de bas de page 41. Toutefois, la tâche supplémentaire et souvent complexe consiste à étudier l'interrelation du trouble mental et du trouble lié aux substances quant à leur intéraction et à leur étiologie. Tel qu'indiqué dans une section antérieure, la consommation d'alcool et la consommation d'autres drogues peuvent interagir de nombreuses façons, posant de graves problèmes de troubles mentauxNote de bas de page 24Note de bas de page 41Note de bas de page 156Note de bas de page 178. Mueser et coll. (1998) offrent la présentation la plus complète à ce jour des théories étiologiques.

On peut se préoccuper de la fiabilité de l'information provenant des évaluations de la dépendance aux substances ou des troubles mentaux entreprises auprès de personnes atteintes de troubles concomitants (voir Del Boca et NollNote de bas de page 201 pour une analyse récente). Il y a une preuve de fiabilité inférieure des troubles psychiatriques passés ou actuels déclarés par les personnes toxicomanes par rapport aux personnes non toxicomanesNote de bas de page 202,Note de bas de page 203. On constate également une fiabilité inférieure pour l'auto-déclaration de la consommation d'alcool et de drogues et de leurs conséquences chez les personnes atteintes de troubles mentaux sévères, ceci étant exacerbé par les fluctuations de la symptomatologie aiguë, de la déficience intellectuelle et de l'état mentalNote de bas de page 178.

Voici des suggestions de CareyNote de bas de page 178Note de bas de page 213Note de bas de page 218 et de ses collègues pour améliorer l'exactitude et la fiabilité des problèmes de dépendance aux substances et autres problèmes connexes auto-déclarés par des personnes atteintes de troubles concomitants :

  • appliquer plusieurs méthodes d'évaluation;
  • entreprendre plusieurs évaluations successives (p. ex., après deux à trois semaines de diminution de la consommation);
  • être sensible aux préoccupations du client;
  • entreprendre l'évaluation lorsqu'il est sobre, sans drogue et raisonnablement stable au plan émotif;
  • garantir la confidentialité;
  • établir un bon rapport avant de demander beaucoup de détails;
  • poser des questions directes simples selon un cadre clairement défini;
  • ne pas viser des niveaux de spécificité au-delà des objectifs de l'évaluation;
  • poser des questions pour normaliser les différents modèles de toxicomanie (p. ex., de nombreuses personnes ont fait l'expérience des drogues. Avez-vous déjà eu une expérience avec...?);
  • vérifier l'information autant que possible auprès d'autres sources pour arriver à une série de conclusions compatibles.

Une des plus importantes recommandations des experts dans le domaine est que l'évaluation se déroule en plus d'une entrevue et comprenne de multiples sources d'information. L'évaluation devrait être considérée comme un processus constant qui s'étend sur une certaine période, notamment une période d'abstinence ou de réduction significative de la consommationNote de bas de page 41. Par exemple, cette approche longitudinale intégrative est décrite par Drake et coll.Note de bas de page 156 et par Kranzler et coll.Note de bas de page 204. Kranzler et coll. ont formalisé cette approche intégrative dans la Longitudinal Expert All Data Procedure (LEAD). Cette procédure intègre toute l'information et toutes les observations sur le client qui sont disponibles de la part de plusieurs cliniciens et intervenants, et pour des évaluations répétées. Carey et CorreiaNote de bas de page 41 indiquent que cette approche s'est avérée moins efficace pour les troubles d'humeur et d'anxiété concomitants comparativement aux autres comorbidités. Toutefois, l'approche longitudinale est essentielle pour résoudre le problème de « la poule et l'oeuf ». Tel que noté par Carey et CorreiaNote de bas de page 41, si les symptômes psychiatriques continuent pendant les périodes d'abstinence, cela aide à établir le critère du DSM-IV de « non attribuable à la toxicomanie ». La résolution des symptômes psychiatriques, tous ou en partie, pendant les périodes de faible consommation ou d'abstinence est aussi compatible avec un trouble induit par la consommation de substances.

Autres approches et mesures

Un objectif primaire d'une évaluation complète de la consommation de substances ou de troubles mentaux sévères est de confirmer le diagnosticNote de bas de page 41. Pour les troubles liés aux substances, il faut faire une distinction importante entre l'abus ou la dépendance à l'aide des critères du DSM-IV. Cela peut se faire avec le module de consommation de substances d'une entrevue diagnostique complète comme le Structured Clinical Interview for DSM-IV Axis I Disorders (SCID-IVNote de bas de page 205). Pour l'évaluation des troubles mentaux, une entrevue structurée ou semi-structurée par un professionnel de la santé mentale qualifié est nécessaire.

L'échelle de consommation d'alcool (AUS) et l'échelle de consommation de drogues (DUSNote de bas de page 206) sont deux échelles d'évaluation clinique en cinq points qui ont été élaborées pour classer les personnes atteintes de troubles mentaux sévères en catégories qui correspondent à la sévérité de leur consommation de substances. Les résultats se retrouvent également dans les critères du DSM-IV. Le clinicien établit les évaluations à l'aide de toute l'information disponible accumulée sur une période de six mois. Les résultats indiquent si les échelles peuvent être complétées de façon fiable et si elles correspondent aux autres méthodes de dépistage et d'évaluation.

DennisNote de bas de page 207 offre un aperçu récent de mesures à considérer pour une évaluation complète de la dépendance aux substances. Par exemple, il est recommandé d'inclure dans l'évaluation de la dépendance aux substances :

  • un élément comportemental détaillé qui examine la fréquence et le mode de consommation d'alcool et de droguesNote de bas de page 208;
  • des facteurs de prédiction de la rechute comme la confiance que la personne a en sa capacité d'éviter de boire ou de se droguer dans des situations très risquéesNote de bas de page 211,Note de bas de page 212.

Toutefois, peu de mesures d'évaluation ont été vérifiées quant à leur fiabilité et à leur validité auprès de personnes atteintes de troubles mentaux concomitants. CareyNote de bas de page 170 a évalué la fiabilité et la validité des entrevues de suivi linéaire (Time-Line Follow-Back) chez des patients psychiatriques en clinique externe et a conclu qu'elles peuvent être utilisées de façon appropriée avec ce sous-groupe. Teitelbaum et CareyNote de bas de page 178 et d'autresNote de bas de page 35Note de bas de page 44 notent que l'accent sur le mode de consommation et la quantité réelle de consommation d'alcool et de drogues est critique puisqu'une consommation modérée de ces substances qui ne seraient pas normalement considérées « abusives » peut quand même influencer le cours des troubles mentaux sévères et le résultat du traitement. En fait, la recherche de Drake avec des schizophrènes indique que la dépendance à l'alcool complète est l'exception plutôt que la règle.

L'indice IGT (Indice de gravité d'une toxicomanieNote de bas de page 195) est l'un des protocoles d'évaluation normalisés les plus utilisés dans le domaine des troubles liés aux substances et il y a de plus en plus de recherche sur son application aux personnes présentant des troubles mentaux concomitants. La conclusion générale tirée de la plupart des étudesNote de bas de page 213 et des sommaires de rechercheNote de bas de page 40 est que plusieurs des sous-échelles ne fonctionnent pas aussi bien qu'on l'espérait avec les personnes atteintes de troubles mentaux sévères. En plus de la piètre fiabilité constatée avec d'autres groupes, on a constaté que l'indice IGT est relativement insensible aux conséquences des faibles quantités de consommation de drogues, difficultés particulières pour les personnes atteintes de troubles mentaux sévèresNote de bas de page 44.

L'indice IGT est très accepté dans le domaine et a été employé avec succès pour la planification du traitement, la recherche et l'élaboration de programmes dans les centres de traitement de la toxicomanie qui ont des programmes spéciaux pour les troubles concomitants ou qui admettent des clients présentant des troubles concomitantsNote de bas de page 214. Il existe également une version du IGT pour adolescents, disponible en français et en anglaisNote de bas de page 215. Après beaucoup de discussions quant à la recherche disponible sur l'indice IGT, il est recommandé que l'IGT soit utilisé de façon prudente pour l'évaluation des personnes présentant des troubles concomitants et plus particulièrement avec des personnes atteintes de troubles mentaux sévères. Il est recommandé en outre que pour ce sous-groupe particulier (groupe 2) que l'indice IGT soit complété par d'autres renseignements, par exemple, l'entrevue de suivi linéaireNote de bas de page 216, des évaluations cliniquesNote de bas de page 206, ou d'autres méthodes.

Évaluation du stade de changement et de motivation au traitement

Une troisième recommandation compatible pour l'évaluation des personnes présentant des troubles concomitants est d'évaluer leur motivation à l'égard du changement, notamment « le stade de changement »Note de bas de page 61Note de bas de page 217Note de bas de page 218 ou le stade de la personne dans le processus du traitementNote de bas de page 62Note de bas de page 218. Le modèle des « stades de changement » est bien connu dans le domaine de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Il y a cinq stades dans le processus de changement et de récupération :

  • le stade de pré-contemplation est celui précédant l'intention de changer ou celui auquel il n'y a aucune intention de changer de comportement dans un avenir prévisible;
  • le stade de la contemplation est celui au cours duquel la personne prend conscience qu'il y a un problème et songe sérieusement à le surmonter mais n'a pas encore pris l'engagement à intervenir;
  • le stade de la préparation combine l'intention d'intervenir durant le prochain mois avec le manque de succès de l'intervention l'année précédente;
  • l'action est le stade au cours duquel la personne modifie son comportement, ses expériences ou l'environnement afin de surmonter ses problèmes;
  • au stade de maintien, la personne tente de prévenir la rechute et de consolider les gains acquis au stade de l'action.

La mesure du « stade de la motivation au traitement » est associée de façon conceptuelle au stade du modèle de changement, mais elle est établie spécifiquement pour les personnes présentant des troubles concomitants (groupe 2). La mesure est connue sous le nom de SATS (Substance Abuse Treatment Scale) et elle complète les évaluations cliniques de la consommation de substances. L'échelle place la personne sur le continuum des stades de l'engagement, de la persuasion, du traitement actif et de la prévention de la rechute.

À ces recommandations d'évaluer « le stade de changement » et « le stade de la motivation au traitement », est ajouté l'importance d'évaluer les facteurs de motivation intrinsèques et les pressions plus extrinsèques à chercher de l'aide (p. ex., coercition du système judiciaire)Note de bas de page 219,Note de bas de page 220. L'adaptation du plan de traitement à la personne présentant des troubles concomitants basé sur le stade et la motivation du client est l'un des principes clés d'un plan de traitement intégré, tel que défini par MueserNote de bas de page 45, et Drake et leurs collèguesNote de bas de page 64, et un bon exemple de la façon dont l'information de l'évaluation doit être reliée au plan de traitement.

De plus, il peut se produire des changements et des régressions dans la motivation au changement selon :

  • les dynamiques et l'expression des troubles mentaux particuliers (p. ex., une personne dans une phase maniaque peut avoir une grande confiance et une énergie concentrée);
  • la présence de facteurs de risque d'une rechute de l'alcoolisme et de la toxicomanie (p. ex., activité accrue pendant une phase maniaque);
  • l'intéraction entre les risques de l'alcoolisme et de toxicomanie et les risques pour troubles mentaux (p. ex., confiance excessive dans la phase maniaque dans la capacité de contrôler soi-même sa consommation d'alcool).

Le problème, c'est que l'évaluation de la motivation peut s'avérer très instable.

Évaluation du fonctionnement psychosocial

Enfin, l'évaluation des troubles mentaux et de la toxicomanie doit viser le fonctionnement psychosocial global de la personne, y compris des besoins fondamentaux comme le logement, l'alimentation, le soutien social, le travail, l'éducation et la formationNote de bas de page 64. Cela comprendrait également une évaluation du comportement à risque élevé concernant le VIH et l'hépatite C (p. ex., partage de seringues), la violence et la victimisation. Le protocole le plus complet pour l'évaluation et la classification du fonctionnement social est le Person-in-Environment System (PIE)Note de bas de page 221,Note de bas de page 222. Ce protocole d'évaluation a été mis au point par la profession du travail social et il est compatible avec la perspective biopsychosociale générale de la toxicomanie et de la santé mentale. Il complète le processus d'évaluation diagnostique du DSM-IV et ses prédécesseurs en mettant l'accent séparément sur les facteurs associés au fonctionnement social (p. ex., famille, amitiés, communauté) et les problèmes environnementaux (p. ex., alimentation, logement, emploi) et en intégrant par la suite le diagnostic de troubles mentaux et physiques. Le système comprend les évaluations cliniques de la sévérité, de la durée et de la capacité d'adaptation.

Bien qu'il y ait peu de comptes-rendus publiés de l'application du protocole d'évaluation PIE pour les personnes présentant des troubles concomitantsNote de bas de page 223, l'approche présente un haut degré de validité à première vue étant donné le rôle important du fonctionnement psychosocial dans la détermination du cours de la maladie et des résultats des troubles concomitants (voir les sous-sections suivantes). La durée du protocole d'évaluation PIE (en moyenne de 90 minutes) peut limiter son application dans certains établissements.

Toutefois, on attend une version informatisée qui devrait réduire considérablement la durée de l'administration et de la cotation. La version abrégée du PIE (mini-PIE) peut être évaluée par le conseiller en santé mentale ou en alcoolisme et en toxicomanie en moins de 15 minutes. Il existe des données sur la fiabilité et la validité de l'utilisation du PIE dans divers contextes de services humains.

Une autre solution pour l'évaluation du fonctionnement est le Global Assessment of Functioning Scale (GAFNote de bas de page 224). Avec le GAF, on demande à un clinicien connaissant bien la personne d'évaluer le fonctionnement psychologique, social et professionnel global de la personne sur une échelle de 1 à 100. Des indicateurs clairs et concis sont offerts pour chaque tranche de 10 points de l'échelle. Le GAF peut être administré en se référant à des périodes variables (p. ex., actuellement, le niveau le plus élevé de l'an dernier) et il constitue le résultat opérationnel de l'axe V de l'évaluation multiaxiale du DSM-IVNote de bas de page 46. Il s'agit d'une forme légèrement modifiée du Global Assessment Scale et il peut être utilisé avec beaucoup de fiabilitéNote de bas de page 224.

Bien que le DSM tienne compte des facteurs de stress psychosociaux et du fonctionnement sur des Axes distincts (IV et V), l'évaluation est limitée à deux évaluations sommaires de la sévérité et fournit peu d'information pour établir le traitement et le plan d'intervention d'une personne.

Recommandation de meilleures pratiques

En fonction d'un dépistage positif d'un trouble de dépendance aux substances ou d'un trouble mental, il est recommandé d'enterprendre une évaluation complète pour a) établir le diagnostic, b) évaluer le niveau de fonctionnement psychosocial et les autres facteurs spécifiques de trouble, et c) mettre au point un traitement et un plan de soutien qui recherchent l'intéraction entre les difficultés de santé mentale et de consommation de substances de la personne et à travailler en vue d'un résultat positif pour les deux troubles ainsi que pour les problèmes connexes.

Meilleures pratiques pour le traitement et le soutien des personnes atteintes de troubles concomitants

Cette section présente les lignes directrices des meilleures pratiques pour le traitement et le soutien de quatre sous-groupes de personnes atteintes de troubles concomitants :

  • troubles liés aux substances et troubles d'humeur et d'anxiété;
  • troubles liés aux substances et troubles mentaux sévères et persistants;
  • troubles liés aux substances et de la personnalité;
  • troubles liés aux substances et de l'alimentation.

Avant de traiter de chaque sous-groupe séparément, certains des éléments communs d'une approche efficace au traitement et au soutien sont présentés :

  • les problèmes de dépendance aux substances et de troubles mentaux peuvent être chroniques, soit des problèmes de santé récurrents qui nécessitent habituellement une intervention immédiate ainsi qu'une surveillance et un soutien constants. Les symptômes de troubles mentaux peuvent présenter une trajectoire indépendante qui peut néanmoins être exacerbée par la consommation de substances. Il s'agit parfois d'un effet« d'embrasement » par lequel la consommation des substances exacerbent le problème de santé mentale, lequel exacerbe en retour les difficultés de logement, les problèmes avec la loi, etc. Les symptômes de troubles mentaux peuvent aussi être une conséquence directe de la consommation chronique et sévère de substances psychoactives (p. ex., dépression chronique). Un but du suivi et du soutien est d'aider à déterminer l'intéraction entre la concommation et l'abus de substances et les problèmes et symptômes de troubles mentaux;
  • dans le sens de nos définitions antérieures de l'intégration des programmes et des systèmes, certaines interventions spécifiques pour certains sous-groupes peuvent être préférables l'une après l'autre, alors que d'autres sont préférables simultanément. L'intégration concerne la communication, la cohérence et la coordination des divers cliniciens et intervenants, et non le fait de savoir si un ensemble de problèmes (troubles mentaux ou toxicomanie) fait l'objet d'une intervention avant l'autre;
  • le traitement et le soutien de tous les sous-groupes de personnes présentant des troubles concomitants devraient également comprendre une attention aux besoins fondamentaux de la personne concernant le logement, l'alimentation, le soutien social et d'autres aspects des circonstances psychosociales et du fonctionnement en sociétéNote de bas de page 64Note de bas de page 225;
  • les données de recherche indiquent qu'il est très valable d'adapter l'intervention pour la personne présentant des troubles concomitants au niveau ou « stade » de motivation de cette personne à un moment particulier dans le tempsNote de bas de page 62Note de bas de page 218. Ainsi, pour tous les sous-groupes, il peut être approprié d'évaluer le stade de motivation et d'utiliser des techniques d'entrevue visant la motivationNote de bas de page 226, reconnaissant que, pour certains troubles, les cliniciens peuvent s'attendre à ce que la motivation exprimée ou ressentie soit instable;
  • il y a peu de preuves à l'appui du traitement en établissement quant aux soins intensifs en clinique externeNote de bas de page 35;
  • les groupes d'entraide comme les AA et d'autres programmes en 12 étapesNote de bas de page 227,Note de bas de page 228 et les initiatives visant les clients et les victimes de diverses agressions dans le domaine de la santé mentaleNote de bas de page 74 jouent un rôle essentiel dans les systèmes communautaires de services de santé mentale et de toxicomanie.

Troubles de l'humeur et troubles anxieux concomitants

a) Prévalence et questions étiologiques

Ces dernières années, plusieurs analyses ontNote de bas de page 75 démontré une comorbidité marquée entre la dépendance aux substances et les troubles d'humeur et d'anxiétéNote de bas de page 54Note de bas de page 229. Ces analyses résument un corpus de recherches substantiel soulignant la prévalence élevée des troubles d'humeur et d'anxiété chez les personnes en traitement pour des troubles liés aux substances ainsi que des taux élevés de dépendance aux substances chez des personnes en établissement de santé mentaleNote de bas de page 229Note de bas de page 232.

On a également constaté des taux significatifs de comorbidité entre les troubles liés aux substances et les problèmes d'humeur et d'anxiété dans des études communautaires portant sur plusieurs sitesde motivation de cette personne à un moment particulier dans le temps. Cela indique que l'association positive entre ces problèmes dans les groupes cliniques n'est pas un effet artificiel de l'auto-sélection pour le traitement. Par exemple, l'étude ECANote de bas de page 75 a permis de constater que les troubles d'anxiété représentent les diagnostics de non-toxicomanie les plus fréquents chez les personnes présentant des troubles liés à la consommation d'alcool. Les personnes souffrant d'un trouble d'anxiété présentaient une augmentation de 50 p. 100 des chances d'obtenir un diagnostic de trouble lié à l'alcool. Le National Comorbidity SurveyNote de bas de page 76 a permis de constater un risque tout aussi élevé.

Ces modèles se retrouvent également dans les études communautaires de troubles d'humeur et de la dépendance aux substances où la prévalence de la dépression majeure au cours de la vie des consommateurs de drogues est beaucoup plus élevée (24,3 p. 100) que le taux dans la population en général (5,8 p. 100);Note de bas de page 75. De plus, les taux de troubles liés aux substances chez les personnes souffrant de dépression (27,2 p. 100) et de troubles bipolaires (60,7 p. 100) sont également très élevés.

La force de l'association entre les diagnostics associés à une anxiété spécifique et les troubles liés aux substances varie considérablement. Les troubles d'anxiété phobique et, en particulier, le trouble panique d'agoraphobie et de phobie sociale, semblent associés de beaucoup plus près aux troubles liés à l'alcool. De plus, le chevauchement entre le syndrome de stress post-traumatique (SSPT)et les troubles liés aux substances est très élevé, les estimations de la concomitance du syndrome de stress post-traumatique est de l'ordre de 12 à 59 p. 100Note de bas de page 237. La prévalence du syndrome de stress post-traumatique chez les personnes souffrant de troubles liés aux substances est plus élevée chez les femmes que chez les hommes et elle est estimée de l'ordre de 30 à 59 p. 100Note de bas de page 236.

La sensibilisation croissante aux troubles d'humeur et d'anxiété induits par une substanceNote de bas de page 46 indique que, pour de nombreuses personnes, le traitement efficace de leur toxicomanie diminuerait les symptômes des troubles d'humeur et d'anxiété.

Le trouble du stress post-traumatique est un trouble d'anxiété qui concerne une série de symptômes caractérisée par une forte tendance à éviter l'émotion. Le syndrome de stress post-traumatique peut se manifester comme une conséquence de l'expérience d'une situation de vie grave et stressante. Le syndrome de stress post-traumatique simple peut découler d'un seul événement traumatisant alors que le syndrome complexe découle d'incidents traumatisants répétitifs et il est associé à une plus vaste gamme de symptômes.

b) Conséquences pour le dépistage et l'évaluation

Le dépistage d'un problème d'alcool ou de drogues chez les personnes présentant des troubles d'anxiété peut s'accomplir avec un ou plusieurs des protocoles de dépistage indiqués dans la section 3.1.2 (p. ex., Alcohol Use Disorder Identification TestNote de bas de page 188, Drug Abuse Screening TestNote de bas de page 185). La sévérité peut être déterminée rapidement à l'aide du Alcohol Dependance ScaleNote de bas de page 237 et on peut obtenir une image plus détaillée de la consommation d'alcool ou de drogues avec la méthode de suivi linéaireNote de bas de page 208Note de bas de page 216. Le Beck Anxiety InventoryNote de bas de page 239 ou la liste de vérification des symptômesNote de bas de page 191 sont des protocoles de dépistage utiles des troubles d'humeur et d'anxiété. Des protocoles spécialisés existent pour évaluer les symptômes de traumatisme et la dissociation. Un de ceux-ci est le Trauma Symptom Checklist-33 qui mesure les séquelles à long terme de l'abus sexuelNote de bas de page 239. Le diagnostic psychiatrique du trouble d'anxiété ou lié à la consommation de l'alcool devrait être établi par un psychiatre, un psychologue agréé (dans certaines juridictions, un travailleur social clinique autorisé) à l'aide d'une entrevue structurée et validée comme le SCID pour le DSM-IVNote de bas de page 205.

L'évaluation de la relation entre un trouble lié à l'alcool et un trouble d'humeur et d'anxiété pose un plus grand défi. Cette évaluation devrait comprendre plusieurs sources de données, notamment :

  • l'historique familial des deux troubles;
  • l'historique naturel des deux troubles (survenue, évolution, variations, rémissions);
  • l'effet des améliorations d'un trouble sur le cours du trouble associé;
  • les variables de l'enfance (p. ex., traumatisme, négligence, abus);
  • le mode et la sévérité de la consommation d'alcool (p. ex., épisodique ou quotidienne).

L'évaluation ne se fait pas à l'admission; une réévaluation en cours de traitement est essentielle pour déterminer si les problèmes d'humeur et d'anxiété sont induits par la consommation de substances. Dans le cas de l'humeur et de la dépendance aux substances, Brown et coll.235 et Schuckit et Monteiro96 ont suggéré plusieurs semaines d'attente avant d'établir un diagnostic définitif.

c) Questions cliniques et conséquences pour le traitement

Une des questions les plus importantes concernant le traitement des personnes souffrant de troubles d'anxiété ou d'humeur est la difficulté de diagnostiquer avec exactitude la nature de la relation entre ces troubles et la dépendance aux substances. L'observation que les substances psychoactives peuvent produire des signes ou des symptômes ressemblant grandement à des troubles d'anxiété ou d'humeur engendre le dilemme de ne pas savoir si ces troubles devraient être traités directement ou s'ils se résoudront après la réduction de la dépendance aux substances. De même, le sevrage de nombreuses substances peut produire des signes et des symptômes qui ressemblent aux troubles d'humeur ou d'anxiété, ce qui peut entraver le traitement. Cette confusion du diagnostic peut conduire à un traitement inapproprié ou retardé.

Parmi d'autres aspects concernant la dépendance aux substances et les troubles d'humeur ou d'anxiété concomitants, mentionnons le risque accru de suicide, particulièrement dans le cas des troubles d'humeur. Il peut aussi se manifester une ambivalence accrue quant à la motivation à régler les problèmes de dépendance aux substances puisque, dans de nombreux cas, la consommation abusive de substances peut être perçue comme améliorant temporairement les symptômes de troubles mentaux. Conséquemment, il est très important de suivre et de renforcer régulièrement la motivation. De plus, les troubles d'humeur et d'anxiété concomitants et la dépendance aux substances semblent être associés à une réponse plus faible aux traitements psychologiques et pharmacologiquesNote de bas de page 240,Note de bas de page 241, à un pronostic plus faible (taux de rechute plus élevés, dysfonctionnement résiduel), à des taux supérieurs de médicationNote de bas de page 242 et à une plus forte probabilité de nécessiter un traitement supplémentaireNote de bas de page 235.

La concomitance du syndrome de stress post-traumatique et de l'alcoolisme et de la toxicomanie est associée à de moins bons résultats de traitement243-246. Les personnes souffrant de troubles liés aux substances et présentant le syndrome de stress post-traumatique :

  • sont plus susceptibles d'abuser de drogues psychoactives plus dures comme l'héroïne ou la cocaïne;
  • présentent des taux de dépendance aux substances supérieurs;
  • sont plus vulnérables à de nouveaux traumatismesNote de bas de page 247.

Les études comparant des personnes présentant le syndrome de stress post-traumatique et des troubles liés aux substances et des personnes souffrant de troubles liés aux substances seulement ont permis de constater que les premières présentent un profil clinique plus sévère. Parmi les problèmes, mentionnons les taux de chômage supérieurs, un plus grand dysfonctionnement social et familial, un moins bon état de santé physique et psychologique, et plus de troubles comorbides de l'axe INote de bas de page 243,Note de bas de page 246.

d) Examen des données empiriques

Cette section résume les données empiriques de recherche pertinentes à deux questions :

  • y a-t-il des données pour ou contre une séquence particulière des interventions ?
  • y a-t-il des données indiquant une ou plusieurs approches ou interventions de traitement spécifique comme étant particulièrement efficaces ?
i) Séquence des interventions :

En ce qui concerne la première question, plusieurs raisons impératives expliquent pourquoi une approche en séquence, portant spécifiquement d'abord sur les problèmes de dépendance aux substances, peut être plus appropriée qu'une approche concomitante pour la plupart des clients présentant des troubles concomitants d'humeur, d'anxiété et de dépendance aux substances. Cette approche en séquence serait appropriée dans un système ou un programme intégré permettant aux divers cliniciens et travailleurs sociaux de s'entendre sur le fait de travailler ensemble sur ce plan de traitement général.

Voici certaines des raisons justifiant cette approche :

  • les syndromes d'humeur et d'anxiété qui sont observés chez les alcooliques sont souvent des conséquences organiques de la consommation chronique d'alcool et la réduction de la consommation peut les améliorer considérablementNote de bas de page 248;
  • les substances psychoactives ont un effet négatif sur de nombreux aspects de la vie de la personne comme le travail, la santé, les relations interpersonnelles, les finances et le fonctionnement cognitif. La réduction de la consommation soulagera la tension dans ces domaines. Par exemple, la plupart des suicides dans une étude de MurphyNote de bas de page 249 ont été commis dans des situations d'intoxication aiguëNote de bas de page 159Note de bas de page 250. Aussi longtemps que les substances psychoactives sont consommées, la personne peut éprouver plusieurs des conséquences qui sont généralement associées aux troubles d'humeur ou d'anxiété.

La recommandation de commencer par la dépendance aux substances pour la plupart des personnes présentant des troubles concomitants d'humeur, d'anxiété et de dépendance aux substances est appuyée fortement par une étude récente de Verheul et coll.Note de bas de page 145. Les résultats de leur étude montrent que les personnes qui se rétablissent d'un trouble lié à l'alcool sont 16,7 fois plus susceptibles de guérir leur trouble d'humeur ou d'anxiété que les personnes qui ne règlent pas leur problème de consommation d'alcool. Celles qui se rétablissent d'un trouble de consommation d'un opiacé, sont 4,3 fois plus susceptibles de guérir leur trouble d'humeur ou d'anxiété que les autres. Cette probabilité accrue n'a pas été observée chez les consommateurs de cocaïne comparativement aux autres.

Bien que la règle générale puisse être de commencer par le problème de dépendance aux substances, cela ne réussira probablement pas dans tous les cas, et une évaluation constante est nécessaire pour adapter le plan de traitement si les symptômes de troubles d'humeur et d'anxiété ne sont pas soulagés par une réduction des problèmes de consommation. Des symptômes d'anxiété et de dépression peuvent interférer non seulement avec le résultat optimal du traitement de la dépendance aux substances, mais ils sont fréquemment signalés comme déclencheurs d'une rechuteNote de bas de page 251. Si le client réussit à réduire significativement sa consommation d'alcool ou de drogues et continue d'éprouver des symptômes d'anxiété, il est alors très probable qu'il souffre également d'un trouble indépendant d'humeur ou d'anxiété et le traitement devrait viser spécifiquement ce trouble. Ainsi, une évaluation complète et répétée est essentielle lorsque l'on adopte une approche en séquence. Pour d'autres personnes, les troubles d'humeur et d'anxiété peuvent précéder et être associés fonctionnellement au problème de dépendance aux substancesNote de bas de page 54. Ces situations peuvent nécessiter un traitement explicite du trouble d'humeur et d'anxiété dès le départ, en gardant à l'esprit que les symptômes pouvant faire l'objet d'une automédication par les substances sont exacerbés par une mauvaise utilisation de ces substances.

Il y a une importante exception à la règle générale consistant à commencer d'abord par le trouble lié aux substances pour les troubles concomitants d'alcoolisme et de toxicomanie et d'anxiété. Cette exception concerne le syndrome de stress post-traumatique concomitant, pour lequel l'expérience clinique recommanderait des interventions concomitantes dans un modèle pleinement intégréNote de bas de page 159. Par exemple, Najavits et coll.Note de bas de page 257 soutiennent que les traitements spécifiques que l'on sait efficaces pour le syndrome de stress post-traumatique peuvent ne pas être utiles par eux-mêmes pour des personnes toxicomanes présentant un syndrome de stress post-traumatique en même temps. Un exemple serait les procédures d'exposition qui peuvent accroître l'intensité émotionnelle, laquelle peut à son tour déclencher une rechute. De même, les programmes en 12 étapes comprennent souvent un accent sur le présent plutôt que sur le passé (p. ex., dévoilement public et abandon à un pouvoir supérieur) et ils peuvent être vécus comme source d'un nouveau traumatisme pour le client souffrant du symptôme de stress post-traumatiqueNote de bas de page 257. Les clients favorisent également une approche intégréeNote de bas de page 258. Bien que les données empiriques soient limitées quant aux approches concurrentes par rapport aux approches en séquence pour la dépendance aux substances et les troubles d'humeur et d'anxiété, les données et la logique sont assez solides pour suggérer qu'une telle approche soit suivie pour le syndrome de stress post-traumatique

ii) Interventions :

Afin de déterminer si les interventions sont consécutives ou concurrentes, quelles sont les approches et les interventions de traitement relatives aux troubles d'humeur et d'anxiété et de dépendance aux substances concomitants qui sont les plus soutenues par la recherche? Des analyses récentes, résumant un grand nombre d'études sur des traitements bien contrôlés, ont permis de constater les données empiriques de l'efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour les troubles liés à l'alcoolNote de bas de page 12Note de bas de page 259.

Celle-ci comprend plusieurs éléments clés, soit :

  • s'assurer du choix du client;
  • traiter le contexte de la consommation abusive;
  • s'adapter au stade du changement et de la motivation de la personne;
  • résoudre les problèmes pratiques;
  • mettre l'accent sur l'action;
  • compter sur les soutiens sociaux;
  • résoudre l'ambivalence au sujet du changement;
  • déterminer et gérer les indices de consommation abusive.

Troubles de l'anxiété concomitants : La TCC est le traitement le plus efficace des troubles d'anxiétéNote de bas de page 260 et elle est compatible avec les approches de TCC qui se sont avérées efficaces pour les troubles liés à l'alcool. Une personne pour qui la consommation de substances est un moyen de contrôler ses symptômes d'anxiété nécessitera une intervention stratégique et efficace pour ses symptômes pendant la période au cours de laquelle s'inscrit une réduction de la consommation d'alcool ou de drogues. Autrement, le risque de rechute et de décrochage peut être élevéNote de bas de page 253. Ainsi, le clinicien devrait pouvoir administrer des traitements de la TCC pour les troubles phobiques qui sont caractérisés principalement par l'évitement comportemental (p. ex., phobie sociale, agoraphobie, phobie spécifique) et les états d'anxiété qui sont caractérisés principalement par une activation somatique et des symptômes cognitifs (p. ex., panique, anxiété généralisée, stress aigu). Pour chacun de ces troubles, il existe des protocoles de traitement bien établis et soutenus empiriquement qui guident le clinicien dans la conceptualisation et le traitement du cas, y compris des approches pharmacologiquesNote de bas de page 260. Le traitement psychologique insiste généralement sur les points suivants :

  • définition du problème;
  • analyse fonctionnelle des symptômes;
  • détermination des distorsions et des schémas cognitifs;
  • exposition au stimulus phobique;
  • gestion de l'activation;
  • autres stratégies.

Pour l'alcoolisme, la TCC peut devoir prendre en considération l'impact de l'anxiété concomitante en négociant les objectifs du traitement, en indiquant les types de situations à risque élevé, le rôle des distorsions cognitives, les sortes de soutien environnemental et social disponibles, le rythme du changement, etc.

Troubles d'humeur concomitants :

De même, en ce qui concerne les troubles d'humeur, une analyse des symptômes dépressifs permettra de déterminer les cognitions spécifiques, le modèle comportemental et les capacités d'adaptation qui peuvent maintenir l'humeur dépressive et les symptômes associés. Il existe des protocoles bien décrits et détaillés soulignant les techniques spécifiques qui peuvent modifier l'humeur et le comportement dépressif, y compris une pharmacothérapieNote de bas de page 263,Note de bas de page 264. Pour les troubles concomitants de dépression et d'alcoolisme, les données indiquent également que la TCC est une approche efficace. Par exemple, Brown et coll.Note de bas de page 265 ont traité la dépression et l'alcoolisme en huit séances de TCC ou de thérapie de relaxation et ont constaté des effets supérieurs pour la TCC sur les symptômes d'humeur et d'anxiété et le pourcentage de jours d'abstinence. Les résultats ont été encore plus prononcés au suivi après six mois.

Malgré le traitement des symptômes liés à l'alcool, à l'humeur et à l'anxiété, certaines personnes peuvent nécessiter une prévention de la rechute, la gestion de cas et des séances de motivation. Il s'agirait des clients qui ont de la difficulté à s'adapter au stress chronique ou aux événements négatifs de la vie; ils succombent occasionnellement aux invitations à boire, affichent un comportement interpersonnel moins efficace. Pour ce groupe, le traitement peut être souvent un processus permanent et nécessiter le recours à plusieurs modalités et services (p. ex., thérapie familiale, counseling professionnel, gestion du stress, rééducation quant au mode de vie) en plus du traitement direct des symptômes d'alcoolisme et liés à l'humeur et à l'angoisse. Les personnes présentant des troubles de personnalité concomitants entrent fréquemment dans cette catégorie.

Pour les personnes qui manifestent un handicap sérieux dans plusieurs domaines, par exemple au travail ou à l'école, dans les relations familiales, le jugement, la pensée ou l'humeur. Un suivi étroit et constant du fonctionnement est nécessaire car la guérison du trouble lié aux substances peut ne pas éliminer le dysfonctionnement. Ces personnes demeurent particulièrement vulnérables aux événements problématiques de la vie et leurs facultés d'adaptation peuvent être déficientes. Une stratégie préventive utile consistera probablement à leur suggérer de se présenter pour un soutien supplémentaire lorsqu'elles éprouvent un stress important. Avec les personnes présentant un dysfonctionnement important, une prudence considérable est recommandée pour celles dont la dépendance aux substances ne s'améliore pas. Pour elles, les divers risques associés aux troubles d'humeur et d'anxiété demeurent. Par exemple, tel que noté plus haut, le risque de suicide est élevé dans une situation d'intoxication aiguëNote de bas de page 249Note de bas de page 250. Il y a également un risque accru de violence familialeNote de bas de page 115, de négligenceNote de bas de page 113 et d'abus à l'égard des enfantsNote de bas de page 114, parmi d'autres risques.

Syndrome de stress post-traumatique concomitant :

La documentation scientifique limitée sur le traitement du syndrome de stress post-traumatique concomitant et de la dépendance aux substances ne permet pas de formuler une recommandation validée empiriquement sur la meilleure norme de traitement au-delà de la recommandation susmentionnée concernant un modèle intégré. Jusqu'à tout récemment, il n'existait aucun programme conçu pour traiter le syndrome de stress post-traumatique et la toxicomanie. Il y a eu récemment des développements dans le domaine des approches intégrées. Ces chercheurs conviennent de la nécessité d'une phase initiale qui aide la personne à se stabiliser et à améliorer son fonctionnementNote de bas de page 266. Il est également recommandé que le traitement aide la personne à connaître les deux troubles, notamment leurs interrelations et leurs symptômes.

Najavits et coll.Note de bas de page 246 et NajavitsNote de bas de page 267 ont été les premiers à mettre au point et à évaluer une approche cognitivo-comportementale dans un modèle intégré concomitant. La participation à leur programme, appelé « Seeking Safety », a été associé à des taux de rétention élevés et à une réduction des symptômes de la dépendance aux substances et du syndrome de stress post-traumatiqueNote de bas de page 236. Ce programme de traitement est probablement le plus étudié pour ce groupe et il fait actuellement l'objet d'une évaluation dans huit sous-groupes différents pour le syndrome de stress post-traumatique et les troubles liés aux substances concomitants. Le traitement du « Seeking Safety » vise les clients au premier stade du rétablissement dont l'objectif est de réduire la consommation et la symptomatologie du syndrome de stress post-traumatique. Le traitement vise à :

  • accroître la connaissance des deux troubles par le client;
  • améliorer la structure de vie et augmenter les facultés d'adaptation dans la gestion de l'affect pénible;
  • améliorer la capacité d'autonomie et les relations interpersonnelles.

Evans et SullivanNote de bas de page 159 offrent une autre approche dynamique pour les états de syndrome de stress post-traumatique et la dépendance aux substances

Pharmacothérapies :

Il existe peu de documentation sur la pharmacothérapie adaptée spécifiquement aux personnes présentant des troubles concomitants d'humeur, d'anxiété et de toxicomanie. Bien que certaines solutions commencent à se montrer prometteuses, les données sont encore insuffisantes pour formuler une recommandation de meilleure pratique. La fluoxétine semble présenter des effets relaxants chez les personnes souffrant de troubles liés aux substances qui ont fait l'objet d'un diagnostic de phobie sociale et de paniqueNote de bas de page 268Note de bas de page 269. Tollefson, Montague-Clouse et TollefsonNote de bas de page 270 ont constaté que le buspirone réduit la consommation d'alcool chez les personnes souffrant de troubles d'anxiété concomitants. L'utilisation des benzodiazépines n'est généralement pas recommandée à cause du risque de dépendance croiséeNote de bas de page 20 à moins que la personne ait été abstinente pendant une période stable. Même si les antidépresseurs tricycliques traditionnels traitent efficacement la dépression, ils n'ont aucun impact sur la consommation d'alcoolNote de bas de page 271,Note de bas de page 272. La fluoxétine (inhibiteur spécifique de recaptage de la sérotonine) a réduit les symptômes des troubles de l'humeur et la consommation d'alcool chez des alcooliques qui étaient cliniquement déprimésNote de bas de page 273. Kranzler et coll.Note de bas de page 274 ont obtenu des résultats semblables pour la fluoxétine et le naltrexone. Les données semblent suggérer qu naltrexone pourrait être utiliser pour la gestion de l'alcoolismeNote de bas de page 275 chez les personnes présentant des troubles concomitants d'humeur et d'anxiété.

Au cours de la dernière décennie, il s'est dégagé des données de recherche indiquant que les interventions pharmacothérapeutiques peuvent être efficaces pour réduire les symptômes associés au syndrome de stress post-traumatique et aux troubles liés aux substances. Trotter et coll.Note de bas de page 279 ont observé des résultats positifs de l'administration pendant 12 semaines de la sertraline dans un échantillon d'alcooliques (deux tiers de femmes) souffrant de façon concomitante du syndrome de stress post-traumatique. Les résultats ont indiqué une réduction significative de la symptomatologie du syndrome de stress post-traumatique, de la dépendance aux substances et des symptômes de la dépression.

Recommandations de meilleures pratiques

  • Une approche intégrée au traitement et au soutien (voir la section 2.3 pour de plus amples renseignements sur l'intégration des programmes et des systèmes) est recommandée.
  • À l'exception du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et dans le contexte de cette approche intégrée, une séquence de l'intervention spécifique (en commençant par la dépendance aux substances) et accompagnée d'une évaluation et d'une adaptation constantes du plan de traitement et de soutien si les troubles d'humeur et d'anxiété ne s'améliorent pas après une amélioration du trouble lié aux substances est recommandée.
  • Pour le syndrome de stress post-traumatique, une approche de traitement intégré portant sur ce syndrome et sur la toxicomanie en même temps est recommandée.
  • La meilleure preuve actuelle pour le traitement des troubles d'humeur et d'anxiété concomitants à la consommation de substances, y compris le syndrome de stress post- traumatique, est le traitement cognitivo-comportemental.

Les benzodiazépines pour les troubles d'anxiété peuvent être contre-indiqués pour les personnes toxicomanes parce que ces médicaments peuvent particulièrement faire l'objet d'un abus et il y a une interaction avec l'alcool.

Troubles concomitants d'alcoolisme et de toxicomanie et troubles mentaux sévères et persistants

a) Prévalence et questions étiologiques

Bien que plusieurs troubles psychiatriques entrent dans la catégorie générale des « troubles mentaux sévères et persistants », les catégories de diagnostic les plus courantes sont la schizophrénie et le trouble bipolaire. La documentation sur la prévalence des troubles liés aux substances et des troubles mentaux sévères concomitants a été résumée très récemment par Rosenthal et WestreichNote de bas de page 39, Drake et MueserNote de bas de page 64, et Mueser et collèguesNote de bas de page 44. La conclusion générale de ces analyses et d'autresNote de bas de page 4Note de bas de page 40 est qu'entre 40 et 60 p. 100 des personnes souffrant de troubles mentaux sévères développeront un trouble lié aux substances à un moment de leur vie, et qu'environ la moitié de ces personnes satisfont actuellement aux critères de l'abus ou de dépendance aux substancesNote de bas de page 75Note de bas de page 100. Ces taux sont nettement supérieurs à la prévalence des troubles liés aux substances dans la population en général sans troubles psychiatriques concomitants. Les sous-groupes de diagnostic dans la catégorie générale des « troubles mentaux sévères et persistants » ne manifestent pas une préférence plus élevée pour un type de substance que pour un autre. L'alcool est la substance la plus consommée, suivie du cannabis et de la cocaïneNote de bas de page 44. Les préférences quant à la consommation des drogues sont fondamentalement celles de la population générale.

Schizophrénie :

Pour la schizophrénie spécifiquement, les enquêtes démographiques ont indiqué régulièrement des taux élevés de troubles liés à l'alcool (environ trois fois le risque) et de troubles liés aux drogues (environ cinq fois le risque)Note de bas de page 75Note de bas de page 76. Plusieurs études analysées par Mueser et coll.Note de bas de page 44 ont également révélé les taux élevés de troubles liés aux substances chez les schizophrènes en traitement. CuffelNote de bas de page 101 indique qu'environ la moitié des jeunes ayant un premier épisode de schizophrénie présentent ou développeront un trouble lié aux substances. Chez les personnes traitées pour l'alcoolisme, la prévalence de la schizophrénie au cours de leur vie est de l'ordre de 4,5 à 6 p. 100, et chez les personnes traitées pour des troubles liés aux drogues, elle est de 28 p. 100.

Troubles bipolaires :

En ce qui concerne le trouble bipolaire, on reconnaît généralement qu'il est le trouble de l'axe I le plus courant à accompagner les troubles liés aux substances. Par exemple, dans l'étude classique de ECA par Regier et coll.Note de bas de page 75, la prévalence au cours de la vie de l'abus ou de la dépendance aux substances chez les personnes présentant un trouble bipolaire est de 56,1 p. 100. De plus, les taux d'alcoolisme et de toxicomanie chez les personnes présentant un trouble bipolaire sont plusieurs fois plus élevés que chez les personnes présentant une dépression unipolaire. Le taux élevé de comorbidité a également été démontré chez les personnes en traitement pour un trouble affectif bipolaire et chez les personnes demandant un traitement pour des troubles liés aux substances (voir par exemple Weiss et coll.Note de bas de page 280 et Rosenthal et WestreichNote de bas de page 39 pour un aperçu des principales études et analyses).

Comme pour tous les troubles concomitants, la dépendance aux substances et les troubles mentaux sévères concomitants peuvent interagir de plusieurs façons complexes qui ont des conséquences importantes pour le dépistage, l'évaluation et la planification du traitement et du soutien. Un propos détaillé sur les problèmes d'intéraction spécifiques aux troubles bipolaires et de dépendance aux substances est présenté par Strakowski et DebbelloNote de bas de page 281 et Blanchard et coll.Note de bas de page 282 respectivement. Pour les troubles mentaux sévères en général, Mueser et coll.Note de bas de page 45 examinent les divers modèles étiologiques et interactifs et constatent un soutien considérable d'un modèle d'hypersensibilité selon lequel les personnes souffrant d'un trouble mental sévère sont plus sensibles aux effets de l'alcool et des autres drogues en raison d'une vulnérabilité biologique accrue et, ainsi, elles éprouvent des conséquences plus négatives à partir de quantités relativement petites d'alcool ou d'autres drogues.

Quoiqu'il faille plus de recherche, les experts conviennent que de multiples facteurs peuvent être importants pour différents groupes de personnes, et même chez la même personne. Toutefois, on s'entend généralement pour dire que des troubles mentaux persistants comme la schizophrénie et le trouble bipolaire suivent leur cours avec ou sans amélioration significative ou guérison d'un trouble de dépendance aux substances.

b) Questions à examiner sur le dépistage et l'évaluation

Le dépistage d'un problème d'alcool ou de drogues chez les personnes souffrant de troubles mentaux sévères et persistants concomitants peut s'accomplir avec un ou plusieurs des protocoles de dépistage mentionnés dans la section 3.1.2. En fait, c'est avec ce sous-groupe que la majeure partie de la recherche sur les protocoles de dépistage et d'évaluation a été entreprise. Parmi des exemples spécifiques de protocoles de dépistage, mentionnons l'indice de suspicion fourni par Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44, le DALINote de bas de page 173 et l'indice AUDITNote de bas de page 187. Les évaluations des gestionnaires de cas peuvent être également d'une efficacité particulière étant donné la durée de la présence de nombreuses personnes souffrant d'un trouble mental sévère dans un programme de gestion de cas. Les protocoles d'évaluation suivants ont également été mis au point ou à l'essai spécifiquement pour ce sous-groupe :

Une conséquence importante du « modèle d'hypersensibilité » susmentionné45 est que seulement une minorité de personnes présentant de façon concomitante des troubles liés aux substances et des troubles mentaux sévères et persistants peut soutenir une consommation contrôlée, et ce, parce qu'une consommation modérée peut entraîner des conséquences négatives ou augmenter radicalement le risque d'une dépendance aux substances plus sévère. Il est essentiel d'éduquer les clients au sujet de leur sensibilité biologique aux effets de l'alcool et des drogues. Ce processus peut commencer pendant la phase d'évaluation.

L'évaluation de la motivation et du stade du traitement est particulièrement critique car les conclusions sont associées directement à la planification du traitementNote de bas de page 62Note de bas de page 218. Il en est de même en ce qui concerne l'évaluation des besoins médicaux et psychosociaux (p. ex., logement, alimentation, soins de santé). Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44 offrent un traitement à jour de ces questions et de plusieurs autres enjeux et défis liés à l'évaluation de personnes présentant de façon concomitante des troubles de dépendance aux substances et de troubles mentaux sévères et persistants. Pour ce nouveau sous-groupe, il est recommandé fortement au lecteur de consulter le nouveau livre de Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44. Voir l'annexe G pour consulter une liste des obstacles communs à l'évaluation de ce sous-groupe et des solutions éventuelles.

c) Questions cliniques et conséquences pour le traitement

Les clients souffrant de troubles mentaux sévères et de troubles liés aux substances concomitants éprouvent de graves problèmes cognitifs et affectifs en plus des difficultés interpersonnelles. Par exemple, les personnes en traitement pour la schizophrénie peuvent avoir des hallucinations, des réactions émotives réduites, et parfois manifester une pensée désorganisée ou exprimer un délire. Il y a peu d'harmonie entre la cognition, les expériences émotionnelles et leur expression. Puisqu'un grand nombre de ces personnes ont souvent de la difficulté à s'engager dans des relations avec les autres en général, cela peut également être le cas avec un thérapeute. Le processus décisionnel nécessaire pour surmonter les habitudes de consommation inappropriées est affecté par l'ambivalence qui caractérise ces clients. Les thérapeutes qui travaillent en vue d'une rémission des troubles de dépendance aux substances peuvent trouver difficile d'identifier un véritable sens de la motivation de changer chez leurs clients. De plus, l'alcoolisme et la toxicomanie affecteront le comportement pharmacocinétique et la pharmacodynamique de la médication prise pour le trouble primaire, exacerbant tous les symptômes. Enfin, le manque de soutien social, de logement adéquat, d'activité significative le jour et le dysfonctionnement nécessitent une approche polyvalente au traitement et au soutien.

d) Examen des données empiriques

Cette section résume les données de recherche pertinentes à deux questions :

  • Y a-t-il des données pour ou contre une séquence particulière des interventions ?
  • Y a-t-il des données indiquant qu'une ou plusieurs approches ou interventions spécifiques sont particulièrement efficaces ?
i) Séquence des interventions :

Il existe un vaste consensus, soutenu par la recherche et l'expérience clinique35,44, selon lesquelles les personnes souffrant de façon concomitante de troubles liés aux substances et de troubles mentaux sévères et persistants sont mieux traités dans un programme ou un système de services intégrés qui traite en même temps les troubles mentaux et les problèmes de dépendance aux substances.

ii) Interventions :

En plus des études qui ont examiné les résultats associés au degré ou au type d'intégration des programmesNote de bas de page 35, il y a eu quelques études sur les interventions spécifiques pour ce sous-groupe. Jerrell et RidgelyNote de bas de page 283 ont entrepris une étude quasi-expérimentale partielle (environ 50 p. 100 des personnes étaient choisies au hasard) pour les conditions de traitement comparativement à un programme en 12 étapes, à la formation comportementale et à la prise en charge dynamique de cas. Chacune des deux dernières interventions a été plus efficace que le programme en 12 étapes quant aux résultats pour la santé mentale et à la satisfaction globale dans la vie. Toutefois, les effets sur la toxicomanie ont été très modestes.

L'efficacité de la prise en charge dynamique de cas et de l'entraînement à l'affirmation de soi à l'aide d'un modèle de programme de traitement communautaire par affirmation de soi (PTCA) a été examinée dans plusieurs des études analysées par Drake et coll.Note de bas de page 35. Ce modèle ambulatoire fait appel à une équipe multidisciplinaire de professionnels spécialisés de l'alcoolisme et de la toxicomanie et de la santé mentale au service d'un petit nombre de clients comme ressource de base et équipe de soutien. Il conserve plusieurs caractéristiques du modèle TCA de baseNote de bas de page 284, notamment la présence 24 heures par jour 7 jours par semaine, l'entraînement à l'affirmation de soi, le counseling et le soutien psychosocial complétés par des interventions spécifiques en alcoolisme et en toxicomanie adaptés au stade de changement et à la motivation au traitement des personnes. Dans l'une des meilleures études contrôlées206, les clients du modèle PACT ont manifesté plus de progrès vers la rémission de la toxicomanie et une réduction de la sévérité de leur consommation de substances.

Actuellement, la meilleure compilation de données sur le traitement et la sagesse de la pratique, soutenues empiriquement, pour ce sous-groupe de personnes présentant des troubles concomitants est le nouveau livre de Mueser et ses collèguesNote de bas de page 64. Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44 recommandent en premier lieu les éléments critiques (essentiels) d'un fondement solide des services de santé mentale qui doivent ensuite être complétés par des services spécialisés pour les troubles concomitants.

Voici le fondement des services de santé mentale :

  • gestion des services médicaux (y compris la psychopharmacologie);
  • soutien familial et éducation;
  • emploi soutenu;
  • formation en autogestion psychiatrique;
  • services d'intervention en situation de crise;
  • logement;
  • et au besoin, service en hôpital psychiatrique.

Voici les principaux éléments des traitements et de l'appui spécialisés à l'égard des troubles concomitants :

  • évaluation des troubles concomitants;
  • gestion de cas clinique basée sur les stades du traitement;
  • entrevue de motivation;
  • approche de réduction des méfaits (objectifs souples);
  • counseling en toxicomanie cognitivo-comportementale;
  • intervention de groupes sur les troubles concomitants, y compris des groupes d'entraînement aux habiletés sociales;
  • liaison d'entraide (ex., Double Trouble, AA);
  • travail avec les familles, y compris la thérapie familiale comportementale et psycho-éducation;
  • options résidentielles, y compris le logement.

La plupart des clients présentant des troubles liés aux substances et des troubles mentaux sévères et persistants concomitants manifesteront une déficience sévère dans plusieurs domaines, par exemple le travail ou l'école, les relations familiales, le jugement, la pensée ou l'humeurNote de bas de page 225. Comme les cliniciens et les intervenants qui aident ce sous-groupe le savent, ces limitations fonctionnelles ne disparaîtront probablement pas. Les clients nécessitent une évaluation fonctionnelle détaillée, un soutien à long terme et une surveillance constante du fonctionnement dans le cadre d'un programme de traitementNote de bas de page 35. Contrairement à la consommation régulière et en grande quantité de substances par les clients présentant des troubles de l'humeur et de l'anxiété concomitants, les habitudes de consommation de plusieurs de ces clients peuvent présenter des caractéristiques plus compatibles avec l'alcoolisme ou la consommation de substances qu'une dépendance sévère en soi. Par exemple, cela se produit lorsque des périodes de consommation en grande quantité sont induites par des expériences de stress important.

Bien qu'un haut niveau de soutien social et émotionnel soit probablement nécessaire pour aider la personne souffrant de troubles mentaux sévères à demeurer dans la collectivité et à demeurer fonctionnelle au minimum, les problèmes, les risques et les besoins de la personne sont grandement exacerbés par les problèmes de dépendance aux substances concomitants. Les symptômes et les modèles de fonctionnement social seront normalement influencés plus négativement par l'intéraction des deux troubles. La peur vécue par plusieurs est très bouleversante, particulièrement le premier épisode psychotique parfois caractérisée par une expression comme « J'ai cru que j'avais perdu le contrôle de moi-même et que je ne reviendrais jamais .» Le soutien social procure souvent plus de stabilité et assure un fonctionnement social suffisamment adéquat pour demeurer dans la collectivité en prenant part à une entreprise de traitement actif et, espérons-le, intégré. Avec les schizophrènes, par exemple, le traitement et le soutien, et le langage du traitement et du soutien, doivent être concrets, engageant au plan social et stabilisateur. Bien que les groupes d'entraide offrent un soutien, les personnes souffrant de troubles mentaux sévères doivent souvent compter sur les services professionnels tant pour la thérapie que pour le soutien social. Une gestion de cas active et avancée capable d'intégrer le soutien et la thérapie est prometteuse.

Tel qu'indiqué ci-dessus, un vaste éventail de soutiens sociaux peut augmenter la probabilité de la stabilité psychosociale, avec une intégration et une stabilité suffisantes du soi pour permettre à la personne pour participer activement à l'entreprise de l'évaluation et du traitement. Ces engagements ne seront probablement pas constants au fil des ans, et les professionnels de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie doivent se préparer à l'instabilité des gains et à des régressions sans accuser le client d'être « résistant » au traitement ou de choisir « consciemment » la rechute.

Recommandation de meilleure pratique

  • Une approche intégrée au traitement et au soutien est recommandée. (Voir la section 2.3 pour de plus amples renseignements sur l'intégration des programmes et des systèmes.)
  • Dans cette approche intégrée, il est recommandé que les interventions pour la dépendance aux substances et les troubles mentaux sévères soient planifiées et administrées en même temps.
  • Les meilleurs résultats de recherche actuels concernent un ensemble de services, notamment une approche échelonnée à l'engagement et à la prestation des services, le traitement ambulatoire, l'entrevue visant la motivation et le traitement cognitivo-comportemental, la réduction des méfaits et le soutien de la réadaptation psychosociale complète.

Troubles concomitants de l'alcoolisme et de la toxicomanie et de la personnalité

a) Prévalence et questions étiologiques

Les résultats de plusieurs études montrent que le chevauchement des troubles de la personnalité et des troubles liés aux substances est très élevé chez les personnes demandant de l'aide pour traiter une dépendanceNote de bas de page 104. À l'aide des critères de diagnostic du DSM-III, la proportion des personnes suivant un traitement pour toxicomanie pour lesquelles on constate au moins un trouble de la personnalité varie de 53 à 100 p. 100Note de bas de page 102Note de bas de page 295. Le système de classification de l'OMS (ICD), qui est plus strict que les critères du DSM, donne une estimation moins conservatrice de la prévalence des troubles de la personnalitéNote de bas de page 287Note de bas de page 296. Les personnes admises dans les services de santé mentale pour le traitement des troubles de la personnalité présentent également des taux supérieurs de troubles liés aux substances concomitantsNote de bas de page 288.

Le comportement de consommation de substances peut conduire à l'activité criminelle, à l'agressivité, à la désinhibition, à un mode de vie chaotique et ressemble donc aux critères de diagnostic des troubles de la personnalité. Bien que le chevauchement des critères de diagnostic soit évident, les études qui ont examiné ce problème et pris en ligne compte le chevauchement des symptômes concluent toujours à une comorbidité importanteNote de bas de page 288Note de bas de page 289.

Trouble de la personnalité antisociale :

Bien que tous les types de troubles de la personnalité se retrouvent chez les personnes en traitement pour une dépendance aux substances, en majeure partie, la recherche sur les taux de concomitance se concentre sur les troubles du groupe B (p. ex., personnalité antisociale, limite, narcissique). Le trouble de la personnalité antisociale a beaucoup retenu l'attention parce qu'il présente l'association la plus élevée avec les troubles liés aux substances. Le trouble de la personnalité antisociale est également le seul trouble de la personnalité de l'axe II qui peut être évalué par des intervieweurs profanes à l'aide du Diagnostic Interview Schedule ou DISNote de bas de page 290Note de bas de page 301. Il est par conséquent le plus observé. Les taux de prévalence de la personnalité antisociale à l'aide des critères du DSM-III-R dans des échantillons de personnes traitées pour alcoolisme varient de 10 à 53 p. 100Note de bas de page 92Note de bas de page 97Note de bas de page 291Note de bas de page 292Note de bas de page 302. Dans l'Epidemiological Catchment Area Study, la probabilité de présenter un diagnostic de personnalité antisociale a été multipliée par quatre pour les hommes et par douze pour les femmes lorsqu'un trouble lié à la consommation d'alcool était présentNote de bas de page 92.

La personnalité antisociale est étroitement associée aux troubles de dépendance aux substances et de conduite précurseurs dans l'enfance du trouble de la personnalité antisociale, et il s'agit d'un problème antécédent commun chez les personnes qui développent par la suite un trouble mental. En outre, le trouble de la personnalité antisociale est plus courant chez les clients souffrant de troubles mentaux sévères que dans la population en généralNote de bas de page 45. Ainsi, les données appuient raisonnablement le fait que le trouble de la personnalité antisociale est un facteur étiologique commun qui peut représenter au moins une partie des taux supérieurs de dépendance aux substances concomitante chez les clients souffrant de troubles mentaux sévères.

Trouble de la personnalité limite :

À l'exception des personnes qualifiées d'antisociales, les personnes faisant l'objet d'un diagnostic de personnalité limite sont plus susceptibles que celles d'autres sous-groupes de recevoir des services psychiatriques qui satisfont aux critères pour un trouble lié aux substancesNote de bas de page 288Note de bas de page 293. Les études sur la comorbidité du trouble de personnalité limite et des troubles liés aux substances signalent un chevauchement de l'ordre de 15 à 66 p. 100Note de bas de page 296. Dans les études sur des personnes fréquentant un centre de traitement pour alcoolisme, les rapports sur la prévalence du trouble de personnalité limite sont de l'ordre de 13 à 65 p. 100Note de bas de page 297Note de bas de page 299Note de bas de page 300. Kosten et coll.Note de bas de page 134 ont observé un taux de 12 p. 100 de trouble de personnalité limite concomitant dans un échantillon de 150 personnes en traitement pour dépendance aux opiacées. Les études épidémiologiques de personnes dans le système de santé mentale indiquent des taux encore plus élevés de concomitance entre le trouble de personnalité limite et les troubles liés à la consommation de substances. Dans une étude sur 50 patients psychiatriques ambulatoires qui satisfaisaient aux critères du trouble de personnalité limite, 84 p. 100 satisfaisaient aux critères d'un trouble de dépendance aux substances à quelque moment de leur vieNote de bas de page 295. Dans une étude canadienne sur des personnes présentant un trouble de personnalité limite, 23 p. 100 satisfaisaient aux critères de trouble de dépendance aux substances à un moment de leur vieNote de bas de page 301. Dans une vaste étude avec un échantillon de 2 463 personnes, on a examiné le chevauchement entre le trouble de personnalité limite et les troubles liés aux substances chez les personnes admises à un hôpital psychiatrique et on a constaté un taux de prévalence de 21 p. 100Note de bas de page 293.

On doit garder à l'esprit un certain nombre de questions lorsque l'on interprète ces conclusions. Ces études ont été réalisées presqu'exclusivement auprès de personnes dans un établissement de traitement et, ainsi, les conclusions peuvent être biaisées quant au dépistage de personnes vivant un dysfonctionnement plus important.

b) Questions à examiner sur le dépistage et l'évaluation

La validité d'un diagnostic de trouble de la personnalité est un sujet controversé depuis longtempsNote de bas de page 302. Son apparition à l'adolescence et chez le jeune adulte est une condition nécessaire pour le diagnostic. Toutefois, l'évaluation fiable des troubles de la personnalité, particulièrement chez les toxicomanes, pose d'importants défis. Puisque l'évaluation d'un trouble de la personnalité peut être contaminée par les effets de la toxicomanie, il peut s'avérer difficile de séparer les effets de la consommation de drogues du comportement qui constitue une véritable caractéristique de la personnalité. Ce phénomène a été décrit comme le phénomène parasite. Les drogues peuvent accroître l'instabilité de l'humeur, l'impulsivité et les problèmes interpersonnels, qui sont des caractéristiques des troubles de la personnalité. Des protocoles de classification structurés et des entrevues cliniques sont recommandés pour améliorer la fiabilité des diagnostics. Plusieurs protocoles de dépistage simples peuvent être appliqués pour dépister les caractéristiques des troubles de la personnalité. Les auto-évaluations comme le Personality Interview Questionnaire IINote de bas de page 303 ou celui de Personality Diagnostic Questionnaire - 4e éditionNote de bas de page 304 offrent un dépistage de base des symptômes de l'Axe II. Le Borderline Personality Disorder ScaleNote de bas de page 305 est un protocole utile pour dépister les symptômes associés au trouble de la personnalité limite. Le point faible de ces questionnaires auto-administrés est qu'ils donnent lieu à des taux élevés de faux cas positifs. Ces protocoles devraient être utilisés comme première étape d'une évaluation plus complète.

Les diagnostics de troubles de la personnalité devraient être établis par une entrevue clinique avec un praticien qualifié de la santé mentale (p. ex., psychologue, psychiatre, travailleur social autorisé). Des entrevues structurées sont recommandées pour faciliter un diagnostic plus fiable. L'entrevue la mieux connue et la plus répandue est l'entrevue clinique structurée pour les troubles de la personnalité de l'axe II du DSM-IVNote de bas de page 306. Une autre entrevue bien établie est l'International Personality Disorder Exam (IPDENote de bas de page 307) utilisé par l'Organisation mondiale de la santé. Ce protocole peut ne pas être aussi utile pour les cliniciens parce qu'il est long et nécessite plus de formation que le SCID. Ces deux entrevues structurées pour le diagnostic des troubles de la personnalité nécessitent une expertise clinique pour observer les critères pertinents. En plus d'évaluer la présence d'un trouble de la personnalité, comme avec toutes les personnes présentant des troubles concomitants, une évaluation du fonctionnement est nécessaire. Les personnes présentant des niveaux de fonctionnement inférieurs ont un pronostic de traitement plus faible et nécessiteront plus de soutien constant.

Il est important d'évaluer la relation entre les difficultés de gestion de la colère et le trouble de la personnalité antisociale. Ce ne sont pas toutes les personnes présentant un trouble de la colère qui auront également un trouble de la personnalité antisociale. L'étude des questions de synchronisation est importante puisque la reprise de la consommation problématique est un facteur de prédiction d'une rechute dans un cycle colère-agression.

c) Questions cliniques et conséquences pour le traitement

Les conséquences cliniques de troubles de la personnalité et de dépendance aux substances concomitants ont été décrites dans plusieurs études. En général, les personnes présentant les deux troubles éprouvent un plus grand dysfonctionnement que leurs contreparties toxicomanes sans trouble de la personnalitéNote de bas de page 297. Les études indiquent que les personnes ayant un trouble de la personnalité présentent non seulement des taux supérieurs de toxicomanie en général, mais sont plus susceptibles d'être polytoxicomanesNote de bas de page 134. De plus, la comorbidité supérieure des troubles de la personnalité chez les consommateurs de drogues par rapport aux alcooliques est retrouvée fréquemmentNote de bas de page 308. Les personnes présentant un trouble lié aux substances et un trouble de la personnalité limite comparativement aux toxicomanes sans trouble de la personnalité limite sont plus susceptibles d'avoir un historique de comportement autodestructeur, notamment les tentatives de suicide, la comorbidité de troubles dépressifs et un faible contrôle des impulsionsNote de bas de page 134Note de bas de page 296Note de bas de page 297. Plusieurs personnes ayant des problèmes de personnalité et de concommation de substances concomitants présentent des taux supérieurs de chômage chronique et de manque de soutien social. Ces facteurs rendent l'efficacité du traitement plus difficile puisque les thérapeutes ne peuvent compter sur un environnement stable et constructif pour soutenir le changementNote de bas de page 309,Note de bas de page 310.

Le traitement des toxicomanes présentant un trouble de la personnalité concomitant pose plusieurs défis aux cliniciens. La documentation clinique sur les personnes présentant les deux troubles décrit le traitement comme particulièrement difficile. Dans les relations interpersonnelles, ces personnes sont plus rigides, ce qui contribue aux difficultés supérieures des relations interpersonnelles en milieu de travail, avec les parents et amis ainsi qu'avec les thérapeutes et les centres de traitement. Ces personnes ont souvent plus de difficulté concernant la confiance et l'intimité. Les personnes ayant une personnalité limite qui abusent d'alcool ou d'autres drogues ont été observées comme étant ambivalentes au sujet de la thérapie et s'y conformant modérémentNote de bas de page 311. De façon caractéristique, ces personnes sont plus fuyantes, particulièrement quant aux indices associés à un affect négatif, et cela est associé à un comportement impulsif vers des substances à action rapide modifiant l'humeurNote de bas de page 312. Pour les personnes présentant un trouble de la personnalité antisociale concomitant, les idées et les comportements qui sont au coeur du problème peuvent être considérés très « naturels ». De plus, ces personnes ont souvent de la difficulté à comprendre l'impact de leur comportement sur les autres. Ces caractéristiques du trouble accroissent le défi pour le thérapeute. Le travail avec ces personnes laisse souvent le thérapeute en état de stress. En conséquence, il peut être plus difficile pour les cliniciens d'établir une alliance avec le patient, et la rétention en traitement est inférieureNote de bas de page 313.

d) Examen des données empiriques

Cette section résume les données pertinentes à deux questions :

  • Y a-t-il des données pour ou contre une séquence particulière des interventions?
  • Y a-t-il des données indiquant qu'une ou plusieurs approches ou interventions de traitement spécifiques sont particulièrement efficaces?
i) Séquence des interventions :

On en sait très peu sur ce qui constitue la meilleure approche au traitement des personnes présentant un trouble de la personnalité et un trouble lié aux substances concomitants. Dans l'ensemble, la documentation pour guider les recommandations sur le traitement se fonde principalement sur les résultats de la recherche sur le traitement d'un trouble tout en suivant l'impact sur l'autre trouble. Les résultats de ces études ont des conséquences contradictoires quant à savoir s'il faut appliquer ou non une approche de traitement combiné pour ces deux troubles.

Une étude récente de Verheul et coll.Note de bas de page 145 indique que le meilleur facteur de prédiction d'une rémission des troubles de la personnalité est une rémission de la consommation problématique. Dans d'autres études, on a observé que les programmes en 12 étapes accompagnés de programmes de désintoxication ont un effet sur la structure de la personnalitéNote de bas de page 314. Une autre étude entreprise comme suivi après un an auprès de personnes fréquentant un programme de traitement de l'alcoolisme de 6 à 8 semaines a permis de constater que les personnes présentant un trouble de la personnalité limite concomitant présentaient d'importantes améliorations de la satisfaction dans leurs loisirs, moins d'hospitalisation et des relations familiales plus fortesNote de bas de page 315. Les conséquences de ces conclusions de recherche est que l'accent du traitement devrait porter sur la rémission de la toxicomanie, celle-ci étant la clé de la rémission ou de l'amélioration des troubles de l'axe II.

Contrairement aux études susmentionnées, plusieurs autres études ont permis de constater que la présence d'un trouble de la personnalité et d'un trouble lié aux substances concomitant a un effet négatif sur le trouble indexé. Kosten et coll.Note de bas de page 313 ont observé dans une étude sur 150 utilisateurs d'opiacés que 2 1/2 ans après le traitement, les personnes présentant des troubles de la personnalité avaient un résultat inférieur. Dans d'autres études, la présence du trouble de la personnalité antisociale a été associée à un moins bon fonctionnement social, des niveaux de consommation de substances supérieurs et une moins bonne réponse aux programmes traditionnels de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanieNote de bas de page 131. La présence des caractéristiques du trouble de la personnalité antisociale a été associée à des taux d'abandon de traitement supérieurs pour l'alcoolisme et la toxicomanieNote de bas de page 316. Ces conclusions indiquent que la présence des deux troubles est associée à un moins bon pronostic de traitement et que le traitement concomitant des deux troubles est essentiel. Plusieurs cliniciens conceptualisent le trouble de l'axe II comme étant indépendant du trouble de dépendance aux substances et concluent que les améliorations dans le domaine de la toxicomanie peuvent être difficiles à obtenir sans s'occuper simultanément des perturbations du caractère.

Les études portant sur des modèles intégrés de traitement des troubles simultanés de la personnalité et de la consommation de substances sont peu concluantes. Des données empiriques ont récemment suggéré que le traitement du trouble de personnalité limite en même temps que les troubles liés à la consommation de substances peut être efficaceNote de bas de page 317. De plus, l'expérience clinique qui prévaut veut que le traitement simultané puisse mieux répondre aux questions associées aux troubles de la personnalité et aux troubles liés aux substances. De préférence au traitement des clients qui présentent un trouble de la personnalité, la plupart des cliniciens recommandent généralement de diriger les clients qui se présentent avec les deux troubles vers un traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Cette tendance reflète probablement le manque de traitements susceptibles de traiter le trouble de la personnalité antisociale même

ii) Interventions :

Bien que l'on n'ait pu établir par la recherche la spécificité de traitements psychosociaux, les approches cognitivo-comportementales présentent de plus en plus d'intérêt et sont prometteuses. La thérapie comportementale dialectique (TCD), mise au point par LinehanNote de bas de page 318,Note de bas de page 319, a récemment retenu l'attention dans la documentation en raison de l'appui empirique qu'elle a recu. La TCD se fonde sur une théorie biosociale qui considère le comportement dysfonctionnel comme un comportement de résolution de problèmes apte à soulager les émotions péniblesNote de bas de page 318. De ce point de vue, même si le comportement toxicomane est considéré comme une réaction mal adaptée, il est difficile de le modifier parce qu'il aide à moduler à court terme les émotions bouleversantes, incontrôlables et intensément négativesNote de bas de page 312.

Linehan et DineffNote de bas de page 312 ont mis au point un guide de traitement qui modifie la TCD normale pour répondre aux besoins des personnes qui présentent des troubles concommitants de dépendance aux substances (TCD-S). Le traitement fait appel à des stratégies d'alliance thérapeutique pour assurer la continuité, à des stratégies en vue de contrôler les impulsions et les tendances à consommer des drogues, à la gestion de cas ad lib pour offrir un encadrement susceptible de répondre aux besoins concrets et à la pharmacothérapie, au besoin, pour des sous-groupes particuliers de toxicomanes (p. ex., la méthadone pour les consommateurs d'opiacés).

Lors d'une étude récente, Linehan et coll.Note de bas de page 317 ont affecté de façon aléatoire 28 femmes à une TCD ou à un traitement comme condition habituelle de soins communautaires. Ces femmes diagnostiquées comme présentant des troubles latents de personnalité étaient alcooliques ou toxicomanes et présentaient d'autres troubles psychiatriques. Elles ont été soumises à un traitement pendant un an, dont une thérapie individuelle et une formation aux habiletés sociales en groupe. Les résultats ont révélé que les femmes qui ont suivi la TCD comparativement à celles du groupe de contrôle ont réduit considérablement leur toxicomanie. Les femmes inscrites à la TCD ont poursuivi plus efficacement le traitement (64 % comparativement à 27 %). Elles présentaient de plus une meilleure adaptation sociale et globale après un an de traitement et lors du suivi après 16 mois. Une reprise de cette étude est en coursNote de bas de page 320 et d'autres études comportant des échantillons plus importants devraient être entreprises.

Quelle que soit l'approche particulière en matière de traitement, le degré de déficience globale devrait servir à guider les interventions. Certaines personnes qui présentent des troubles simultanés de personnalité et de consommation de substances peuvent ne pas éprouver d'importantes difficultés de fonctionnement. Ces personnes offrent le meilleur pronostic. D'autres peuvent souffrir de difficultés sociales et professionnelles modérées et manquer de capacité d'adaptation. Il est toujours possible d'espérer une amélioration marquée ou une rémission des troubles liés aux substances, mais le pronostic n'est pas aussi bon que pour les personnes qui offrent un fonctionnement supérieur. Un problème fréquemment rencontré chez les personnes qui présentent des troubles de personnalité et d'alcoolisme et de toxicomanie est leur graves difficultés dans de nombreux aspects du fonctionnement. Plusieurs manquent d'argent, n'ont pas de travail, et leur alimentation et leur logement sont inadéquats. Elles peuvent avoir été évincées de leur logement, se trouver sur des listes d'interdiction, vivre dans des relations abusives, être engagées dans des relations familiales très perturbées et éprouver des difficultés avec la loi. Il faut une aide et un soutien continus pour trouver solution à ces problèmes, ce qui peut se faire par la gestion dynamique de cas et une supervision constante du fonctionnement. Des interventions d'action directe peuvent se révéler nécessaires pour réduire la probabilité d'un abandon prématuré du traitementNote de bas de page 312.

Recommandations de meilleures pratiques

  • Une approche intégrée au traitement et au soutien est recommandée. (Voir la section 2.3 pour de plus amples renseignements sur l'intégration des programmes et des systèmes.)
  • Dans cette approche intégrée, il est recommandé que les interventions pour les troubles liés aux substances et les troubles de la personnalité limites soient planifiées et implantées en même temps.
  • Les données de recherche sur le traitement du trouble de la personnalité antisocial et des troubles liés aux substances suggèrent de traiter d'abord le problème de dépendance aux substances.
  • Le meilleur traitement soutenu empiriquement pour les troubles de la personnalité limite et les troubles de dépendance aux substances est une thérapie comportementale dialectique (TCD) qui comprend un entraînement aux habiletés comportementales.

Troubles concommitants d'alcoolisme et de toxicomanie et de l'alimentation

a) Prévalence et questions étiologiques

Devant la préoccupation croissante face aux troubles concomitants ces 20 dernières années, on a accordé plus d'attention à la combinaison du trouble lié à l'abus des substances et des troubles de l'alimentation. Les types communs les plus fréquents de troubles de l'alimentation sont l'anorexie, la boulimie et les épisodes d'alimentation excessive. La plupart des données sur l'apparition simultanée de l'alcoolisme et de la toxicomanie et des troubles de l'alimentation sont basées sur des échantillons de personnes présentant des troubles de l'alimentation. Bien que l'association entre les troubles de l'alimentation et les troubles liés aux substances soit plus fréquente que prévue, elle varie considérablement selon les études (3 à 49 %).

L'alcoolisme et la toxicomanie sont nettement plus élevées chez les personnes boulimiques que chez les anorexiques qui limitent leur alimentationNote de bas de page 321. Les taux signalés de concomitance avec l'anorexie seraient de l'ordre de 6,7 à 23 %Note de bas de page 324Note de bas de page 325. Par contre, les estimations de la prévalence des problèmes de boulimie et de toxicomanie comorbides sont de l'ordre de 9 à 55 %Note de bas de page 326. D'un autre point de vue, les études sur la prévalence des taux de troubles de l'alimentation chez la population qui suit un traitement pour une dépendance aux substances donnent également des estimations très variables, de l'ordre de 1 à 32 %Note de bas de page 248Note de bas de page 332. Dans le cadre d'une étude menée auprès de personnes alcooliques, 10 % présentaient des antécédents d'anorexie et 20 % des antécédents de boulimie dans leur vieNote de bas de page 335. Dans une autre étude effectuée auprès de personnes qui fréquentaient un centre de traitement de l'alcoolisme pour la première fois, 7 % répondaient aux critères actuels de l'anorexie et 7 % également à ceux de la boulimieNote de bas de page 336. Une étude auprès de cocaïnomanes révèle que 32 % répondent aux critères du DSM-III pour ce qui est de l'anorexie, de la boulimie ou des deux, et moins de 1 % d'hommes et 4 % de femmes répondaient aux critères de l'anorexie alors que 20 % d'hommes et 23 % de femmes répondaient à ceux de la boulimieNote de bas de page 348.

Des théories divergentes ont été avancées pour expliquer l'association entre les troubles de l'alimentation et les problèmes de dépendance. Ces théories mettent l'accent sur les mécanismes biologiques, psychologiques et comportementaux qui les relient. Un point de vue dominant est que les deux désordres traduisent des troubles de dépendanceNote de bas de page 339. On estime de plus en plus que les troubles de l'alimentation diffèrent des autres comportements de dépendance. Une théorie veut que les troubles de l'alimentation et de toxicomanie soient reliés par les difficultés sous-jacentes de régulation de l'affect. De ce point de vue, le comportement problématique fonctionne pour régir un affect pénibleNote de bas de page 340,Note de bas de page 341.

b) Questions à examiner sur le dépistage et l'évaluation

En raison de la prévalence plus élevée que prévu des troubles de l'alimentation chez les personnes aux prises avec des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, il est important d'entreprendre un dépistage régulier de la présence d'un trouble de l'alimentation lorsque des personnes se présentent aux services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. L'importance de ce premier dépistage doit être connue des cliniciens qui oeuvrent dans le système de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie et qui peuvent être plus enclins à considérer exagérément l'amaigrissement et la mauvaise mine comme un effet secondaire de l'usage de substances. L'investigation ne devrait pas se limiter aux personnes qui semblent trop maigres puisque les toxicomanes présentent des taux supérieurs de boulimie. Les personnes boulimiques peuvent souvent afficher un poids normal et leurs symptômes risquent de ne pas être apparents.

Il arrive souvent que les personnes qui ont des problèmes d'alimentation ne mentionnent pas volontairement leur boulimie et leur alimentation compulsive si elles ne sont pas soumises à une interrogation directe portant sur leurs symptômes, et les problèmes peuvent demeurer inaperçus. Il existe diverses mesures d'évaluation, mais elles sont longues à administrer ou incomplètes. Le Psychiatric Screener, dont il a été question dans la section précédente sur le dépistage des troubles mentaux génériques, est un protocole qui peut être utilisé pour dépister un trouble de l'alimentation.

Il importe de porter plus d'attention au dépistage des troubles de l'alimentation chez les hommes. Un nombre croissant d'étudesNote de bas de page 342,Note de bas de page 343 ont permis d'observer des taux plus élevés de troubles de l'alimentation chez les hommes qui présentent des problèmes de consommation de substances. Les troubles de l'alimentation étant généralement considérés comme des troubles propres aux femmes, il y a plus de probabilité qu'on les néglige chez les hommes. On a, par exemple, observé que les cliniciens attachent plus d'importance à l'investigation des symptômes des troubles de l'alimentation chez les femmes minces que chez les hommes minces.

Pour ce qui est des personnes que l'on soupçonne d'avoir un problème d'alimentation en fonction du premier dépistage, il importe par la suite de les évaluer à l'aide des critères diagnostiques normalisés (p. ex., le DSM-IV) pour obtenir une mesure fiable. L'évaluation devrait porter davantage sur les symptômes actuels et passés puisque les cliniciens nous avertissent que les symptômes des troubles de l'alimentation refont souvent surface à mesure que le problème d'alcoolisme et de toxicomanie s'améliore. L'évaluation du trouble de l'alimentation devrait également être répétée en vue de déterminer son cours par rapport à une amélioration ou à une aggravation possible du trouble de dépendance aux substances.

c) Questions cliniques et conséquences pour le traitement

De nombreuses conséquences psychologiques, physiques, physiologiques et sociales sont associées à la concomitance des troubles de l'alimentation et des problèmes de l'alcoolisme et de toxicomanie. Selon la sévérité et la chronicité de ces troubles, leurs conséquences peuvent varier d'un faible danger à une menace pour la vie. Les problèmes qui découlent d'une perte de poids sont la fatigue, l'anxiété, l'atonie, l'aménorrhée et la dépressionNote de bas de page 344. Certaines personnes indiquent qu'elles prennent de la cocaïne ou des méthamphétamines, des agents anorexiques, pour perdre du poids. D'autres ont recours à des substances pour interrompre les épisodes d'alimentation excessive ou lutter contre l'engourdissement. Certaines données indiquent que les troubles de l'alimentation et ceux liés à la consommation de substances sont associés à un dysfonctionnement supérieur, en particulier à des problèmes d'impulsivité et d'instabilité affective et physique. Une étude a révélé que les personnes à la fois anorexiques et alcooliques présentent plus de cas de vol, d'alimentation excessive et de purgationNote de bas de page 321. Les personnes qui présentent les deux troubles ont souvent plus de difficulté à parvenir à l'abstinence et sont plus susceptibles de rechuterNote de bas de page 342. D'autres recherches indiquent que les toxicomanes qui présentent du même coup un trouble de l'alimentation, comparativement aux personnes qui n'ont qu'un problème de dépendance :

  • ont des problèmes plus graves de dépendance aux substances (à l'exception de l'héroïne et du tabac);
  • sont davantage en mauvaise santé et ont un fonctionnement cognitif plus troublé (p. ex., problèmes de mémoire, confusion);
  • sont plus instables au plan affectif;
  • vivent des problèmes interpersonnels;
  • ont un moins bon fonctionnement global343.

Le traitement des personnes aux prises avec les deux troubles peut être particulièrement difficile pour les professionnels de la santé parce qu'ils sont peu nombreux à avoir la connaissance ou l'expertise voulues pour leur traitement. Il en résulte que les cliniciens ont souvent tendance à mettre l'accent sur le traitement du trouble qu'ils connaissent le mieux. Bien qu'il soit recommandé de posséder l'expertise dans les deux problèmes, il importe, dans le cas contraire, de consulter d'autres professionnels qui possèdent les connaissances requises.

d) Examen des données empiriques :

Cette section résume les données de recherche pertinentes à deux questions :

  • Existe-t-il des données en faveur ou non d'une séquence particulière des interventions?
  • Existe-t-il des données indiquant qu'une ou plusieurs approches ou interventions précises de traitement sont particulièrement efficaces?
i) Séquence des interventions :

La portée de la documentation de recherche sur le traitement de ces deux troubles limite les conclusions que l'on peut tirer à propos du traitement le plus efficace. Il ne semble pas exister aucun essai contrôlé d'évaluation de l'efficacité du traitement des personnes qui présentent des troubles simultanés de l'alimentation et de consommation de substances. Cette situation est attribuable en grande partie au fait que, jusqu'à tout récemment, il n'existait aucun programme de traitement intégré pour les personnes présentant ces deux troubles. En fait, la présence des troubles d'alimentation chez les toxicomanes a généralement été ignorée

Il existe des données contradictoires sur les effets du traitement d'un trouble et le suivi de l'autre. Quelques études ont permis d'observer que le traitement des personnes boulimiques n'est pas influencé par un antécédent préalable de consommation de drogues psychoactivesNote de bas de page 345Note de bas de page 346. Par contre, d'autres études indiquent que le traitement d'un trouble, sans attention à l'autre, risque de réduire l'efficacité globale du traitementNote de bas de page 336Note de bas de page 347Note de bas de page 348. Certains cliniciens estiment qu'à mesure que les problèmes d'alcoolisme et de toximanie s'améliorent, le trouble de l'alimentation peut s'aggraver en raison de la substitution des symptômes. Il peut être difficile de briser des habitudes d'alimentation problématiques et de consommation de substances sans éducation et sans l'application de stratégies efficaces d'adaptation.

La sagesse clinique qui prévaut sur le traitement des personnes aux prises avec les deux troubles préconise que les interventions soient planifiées et appliquées en même tempsNote de bas de page 349. Nonobstant ce point de vue, des raisons cliniques sérieuses indiquent que si l'un ou l'autre des troubles est si grave qu'il compromet la vie de la personne ou des aspects critiques de son fonctionnement, le traitement devrait d'abord viser ce trouble. Une fois que le trouble le plus grave est stabilisé, on peut traiter simultanément les deux. Si ni l'un ni l'autre des troubles n'est considéré comme grave ou si les deux présentent la même sévérité, ils devraient être traités simultanément.

ii) Interventions :

Quelle que soit l'orientation théorique, la plupart des auteurs sur ce sujet recommandent une combinaison des éléments suivants :

  • la gestion des services médicaux pour stabiliser la personne;
  • une stratégie comportementale pour apporter un changement aux habitudes d'alimentation et de consommation de substances;
  • la psychothérapie pour régler les problèmes psychologiques.

La documentation propose quelques approches intégrées au traitement de ces troubles, mais elles manquent d'évaluation empirique. On y décrit une approche en 12 étapes qui intègre les principes des Alcooliques anonymes et des Outremangeurs anonymesNote de bas de page 361. Selon ce modèle, les deux troubles sont considérés comme reliés par un processus de dépendance sous-jacent. On y retrouve également des descriptions de programmes en milieu hospitalier pour les femmes présentant des troubles concomitants de l'alimentation et de dépendance aux substancesNote de bas de page 350,Note de bas de page 351. Ces programmes intègrent diverses stratégies de traitement qui offrent des éléments communs, notamment :

  • une évaluation psychosociale et médicale approfondie;
  • la surveillance du poids et de l'alimentation;
  • l'évaluation nutritionnelle;
  • les régimes alimentaires et leur supervision;
  • la modification du comportement pour élever la sensibilisation aux habitudes d'alimentation et stabiliser un comportement aberrant;
  • l'éducation concernant la dénégation associée aux deux troubles;
  • la psychopharmacologie pour une symptomatologie grave;
  • la thérapie individuelle et collective;
  • le suivi.

Le Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto a récemment établi un programme intégré pour les personnes qui présentent en même temps des troubles de l'alimentation et des problèmes de dépendance. Ce programme offre un traitement ambulatoire basé sur une version modifiée de la thérapie comportementale dialectique de LinehanNote de bas de page 329, version mise au point pour des personnes offrant un trouble de la personnalitéNote de bas de page 318. Il insiste sur la réduction du nombre de rechutes dans les comportements alimentaires et toxicomanes. Les participants suivent une thérapie individuelle hebdomadaire et participent à des séances de groupe de formation aux habiletés. L'évaluation de ce programme est en cours.

Il faudra pousser davantage la recherche pour déterminer quel est le traitement le plus efficace pour ce groupe.

Recommandations de meilleure pratique

  • Une approche intégrée au traitement et au soutien est recommandée. (Voir la section 2.3 pour de plus amples renseignements sur l'intégration des programmes et des systèmes.)
  • Dans cette approche intégrée, il est recommandé que les interventions pour la dépendance aux substances et les troubles mentaux sévères soient planifiées et administrées en même temps.
  • Les meilleurs résultats de recherche actuels concernent un ensemble de services, notamment une approche échelonnée à l'engagement et à la prestation des services, le traitement ambulatoire, l'entrevue visant la motivation et le traitement cognitivo-comportemental, la réduction des méfaits et le soutien de la réadaptation psychosociale complète, pour ne nommer que quelques éléments des programmes et des systèmes.

Conséquences des lignes directrices sur les meilleures pratiques au niveau des systèmes

Perspective historique et situation actuelle

Ryglewicz et PepperNote de bas de page 34 offrent une perspective historique sur l'augmentation rapide du nombre de personnes qui présentent des troubles concomitants au cours des 20 à 30 dernières années. Ils indiquent la séparation historique de trois groupes cliniques très distincts - « les malades mentaux », « les alcooliques » et « les toxicomanes ». Les premiers se trouvaient dans des établissements psychiatriques. L'alcoolisme n'était pas considéré comme un problème jusqu'à ce qu'il nécessite un traitement, le cas échéant, dans des établissements très spécialisés. La toxicomanie était considérée comme limitée à un faible segment de la société et faisait généralement partie d'un contexte criminel. Cette époque a pris fin avec le changement apporté principalement par la désinstitutionnalisation des services de santé mentale, le mouvement correspondant vers le soutien communautaire des personnes atteintes de troubles mentaux sévèresNote de bas de page 73 et la disponibilité croissante des drogues dans la collectivité depuis les années 1960. Ainsi, plutôt que les trois anciens groupes cliniques séparés, nous avons maintenant dans la collectivité des groupes élargis de personnes atteintes de troubles mentaux et des troubles de l'alcoolisme et de la toxicomanie qui se chevauchent et interagissent. La difficulté, pour ce qui est de la prestation des services, est que les organismes communautaires, les planificateurs et les décideurs ont été bloqués dans le mode de pensée rattaché à un seul problème en raison des obstacles posés depuis longtemps entre les systèmes de traitement de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Ces obstacles résultaient d'une formation distincte dans les deux domaines, possédant des structures distinctes de financement, d'administration et d'orientation. Un autre obstacle est la complexité perçue, l'incertitude et le degré de difficulté associés à une approche plus intégrée.

Une perspective historique sur l'émergence des deux systèmes de soins et de soutien des personnes souffrant de troubles mentaux et de consommation de substances nous aide à mieux comprendre les problèmes qu'affrontent les consommateurs qui ont actuellement besoin des deux systèmes. Le recul historique nous permet également de comprendre les efforts qui se font actuellement pour améliorer la situation en matière de prestation des services et pour ce qui est des systèmes. À ces deux niveaux, les obstacles qui existent entre les deux systèmes s'érodent lentement. Certaines provinces/territoires sont en train de fusionner les services de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie.

Similitudes entre les deux systèmes

Les planificateurs, les décideurs et les dispensateurs de services dans le domaine de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie au Canada se retrouvent sur un terrain commun. En voici quelques exemples :

  • l'acceptation d'un modèle biopsychosocial général sur les troubles mentaux et de la consommation de substances, et du besoin d'un continuum de soins qui reconnaît la valeur des différents types de services;
  • le rôle légitime des organismes d'entraide dans les deux secteurs et, en particulier, l'émergence de mouvements d'entraide dans la prestation des services de santé mentale. Ce changement contrebalance les perspectives professionnelles et la formation avec des expériences vécues qui accordent la priorité aux besoins plus fondamentaux comme l'alimentation, le logement, le vêtement, le travail, les amitiés, etc.;
  • le rôle croissant de la pharmacothérapie dans le traitement de la dépendance aux substances et les progrès de la recherche génétique dans les deux domaines;
  • la reconnaissance croissante des membres de la famille et des autres personnes qui comptent comme groupe ayant lui-même besoin de services, et comme aide critique pour mettre au point et mettre en application un plan de traitement et de soutien de la personne;
  • le degré auquel les deux services de traitement des troubles mentaux et de la toxicomanie sont reliés au système correctionnel et à d'autres aspects relatifs au contrôle social formel et informel;
  • le rôle important de la stigmatisation dans les deux domaines, non seulement comme facteur influençant la demande d'aide et le résultat, mais également comme élément du contexte communautaire favorable à la défense des intérêts et à l'éducation publique;
  • le potentiel d'indicateurs communs, ou du moins convergents, quant aux résultats et d'autres mesures du rendement;
  • la reconnaissance croissante du chevauchement chez la population qui a besoin d'aide et les besoins exprimés par les consommateurs en faveur d'une meilleure continuité des soins dans et entre les systèmes respectifs.

Malgré les nombreux éléments communs qui ont fait leur apparition ces dernières années entre les systèmes de l'alcoolisme et de la toxicomanie et de la santé mentale, il demeure des défis importants à relever en vue d'établir un système de traitement et de soutien intégré pour les personnes qui présentent des troubles concomitants.

Une approche moins normative au niveau des systèmes

Au Canada comme ailleurs, nous commençons à peine à établir et à mettre à l'essai diverses stratégies pour mieux intégrer les services au niveau des systèmes. Il existe très peu d'information publiée au-delà d'une évaluation des nombreux défis et obstacles à l'intégration des systèmes qui décrit l'implantation et l'évaluation de diverses stratégies concrètes. En général, l'état actuel des connaissances et de la pratique n'est toutefois pas suffisamment développé pour permettre au niveau des systèmes des recommandations de « meilleures pratiques ».

Pour ce faire, il y avait deux éléments complémentaires à ce projet : les groupes de discussion avec les consommateurs et un sondage auprès des principaux informateurs. Pour chaque élément, le point central était les implications, au niveau des systèmes, sur nos lignes directrices des meilleures pratiques et leur diffusion.

L'expérience et le point de vue des clients

Afin de garder les conseils sur les meilleures pratiques enracinés dans l'expérience et les besoins exprimés des personnes atteintes de troubles concomitants, cinq groupes de discussion ont été organisés avec des clients actuels et anciens de services de santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie, pour déterminer les aspects de leur expérience vécue susceptible d'orienter la planification de programmes et de systèmes mieux intégrés de dépistage, d'évaluation, de traitement et de soutien. Nous avons tenu deux rencontres au Québec, deux en Ontario et une en Colombie-Britannique. Les participants ont été recrutés dans le cadre de programmes locaux de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie ou de programmes visant les troubles concomitants. Chaque groupe comptait de cinq à huit participants rémunérés en fonction du temps consacré à l'étude. Nous avons aussi assumé leurs frais de transport. Les participants ont consenti à ce que leurs commentaires soient utilisés aux fins du présent projet. Chacun était animé par un professionnel de la santé mentale ou de l'alcoolisme et de la toxicomanie et la discussion était guidée par une liste de sujets pré-déterminés (voir à l'annexe H). La discussion a été résumée et analysée compte tenu des thèmes pertinents aux objectifs du projet. Nous insistons ici sur les principaux thèmes qui se sont dégagés et leurs conséquences pour les systèmes.

Résultats des groupes de discussion

Nous constatons un niveau élevé de cohérence chez les divers groupes. Le thème le plus important qui s'est dégagé est celui de la stigmatisation supplémentaire et sévère associée aux personnes qui ont des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie et de troubles mentaux. La stigmatisation s'exprime sous diverses formes, notamment des expériences d'autodestruction répétées et chroniques, l'auto-dévaluation, la crainte d'être jugé et l'expérience douloureuse des jugements catégoriques.

« J'aimerais vraiment parler de la menace d'être puni parce que l'on est toxicomane et parce que l'on a une sorte de maladie mentale; il semble toujours exister cette menace laissant croire que nous en sommes d'une certaine façon responsables, que nous désirons étre dans cette situation et si nous ne faisons pas A, B ou C, nos enfants nous seront enlevés et notre aide sociale coupée, nous perdrons notre logement ... c'est comme une menace extraordinaire qui ne fait qu'ajouter à une pression déjà extraordinaire, et je veux dire que c'est très démoralisant. »

« Je ressens comme s'il y avait beaucoup de pression pour ne pas obtenir de l'aide, c'est comme... vivez votre vie, retournez au travail, que faites-vous, vous ne travaillez pas, pourquoi ne travaillez-vous pas... »

Un thème connexe est celui du grand besoin de soutien et de continuité pour faire face aux difficultés des problèmes de santé et aux difficultés psychosociales, par exemple, le logement, les soins prénataux, le soin des enfants, le revenu, l'emploi et l'argent pour le transport. Le soutien de la famille, des amis, de l'employeur et du représentant de l'agence est considéré comme essentiel.

« Une travailleuse de la santé mentale m'accompagnait, elle était toujours, toujours là pour moi et je pense que c'est ce qui m'a vraiment améliorée, ce soutien constant, constant et continu. »

L'existence de deux systèmes de soins est un autre thème qui a été mentionné. Certaines personnes éprouvaient des sentiments d'immense frustration et de colère d'être traitées tantôt par les agences de santé mentale, tantôt par les agences de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, et devant le manque d'ouverture d'esprit des deux types de services pour parler de leur double problème. Certaines personnes croient que lorsqu'elles se trouvent dans le système de traitment de l'alcoolisme et de la toxicomanie, pour traiter d'abord leur consommation de substances on les décourage ouvertement de parler de leur problème de santé mentale. D'autres enfin ont exprimé leur frustration face au système de santé mentale. 

« Les travailleurs (de la santé mentale) me regardent et me disent que je suis dans une véritable phase de toxicomanie, ils me disent d'oublier mon problème de santé mentale, tu as un véritable problème de toxicomanie et tu dois demander de l'aide pour ça, ou bien ils mettent de côté ma consommation ou le fait que j'aie une dépendance, ou bien ils ne s'occupent même pas de l'aspect de la santé mentale de ce problème parce que j'ai consommé. »

Chez certains participants, on peut constater une acceptation des deux systèmes de soins, la reconnaissance que « c'est maintenant comme cela que les choses se passent », et même une expression de surprise qu'on puisse traiter l'alcoolisme et la toxicomanie dans un programme de santé mentale et vice versa. Par exemple, les intervenants qui soutiennent ce point de vue acceptaient le fait qu'ils ne régleraient un problème lié à l'alcoolisme et la toxicomanie que dans un programme de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Non seulement les dispensateurs de services ne posent pas de questions sur l'autre problème, mais ils ne s'en préoccupent pas toujours parce que les clients croient qu'il leur incombe de dévoiler l'information. Ce n'est qu'après avoir établi une relation de confiance avec l'intervenant qu'ils se sentent à l'aise de discuter des deux problèmes. On a également noté la nécessité d'une relation cordiale et suivie avec un médecin de famille car il/elle peut « détenir la clé » pour naviguer efficacement dans le système.

Un quatrième thème apparu est que la reconnaissance du problème constitue une première étape importante et qu'il s'écoule souvent des années entre la reconnaissance et le traitement du double problème de l'alcoolisme et de la toxicomanie et de la santé mentale. Le traitement des deux ensembles de problèmes commence ainsi à des moments différents et très distincts. Ce défaut de reconnaître les troubles concomitants est lié à plusieurs questions connexes, notamment l'expérience fréquente d'un diagnostic erroné attribuable à l'intéraction et masquant souvent les effets de l'usage de l'alcool et des drogues, et le manque d'éducation et de formation des professionnels que les clients rencontrent en cours de route. Cette situation est compliquée par la crainte que si « vous en révélez trop », cela peut vous empêcher d'obtenir un traitement ou vous faire perdre le soutien, les enfants et les liens familiaux.

« Un des plus gros problèmes que j'ai eus, c'est la question du diagnostic erroné parce que vous savez qu'une toxicomanie active ou la consommation d'alcool ou quoi que ce soit d'autre ressemblera à des troubles mentaux particuliers. »

D'autres thèmes majeurs sont ceux de la difficulté d'entrer dans le système, et une fois entré, de la frustration de se retrouver face à des services mal coordonnés. Les soucis exprimés sur l'accès au système vont des définitions inconsistantes de qui on va traiter au refus simple et net de vous accepter si vous présentez des troubles concomitants. D'autres expriment leur frustration devant le manque d'information de base sur la nature des services et du soutien.

« Quand on demande de l'aide, c'est là qu'on en a besoin. »

« Lorsque vous décidez que vous voulez obtenir de l'aide, vous devez attendre si longtemps; il devrait y avoir assez de gens; et on vous retourne et on vous envoie en différents endroits pour essayer d'obtenir de l'aide. Pour certains, vous n'allez pas assez mal et pour d'autres, vous allez trop mal. »

« Il devrait y avoir un seul centre d'information, de sorte qu'il n'y ait aucune confusion quant à savoir où chercher, même s'il est assez petit et seulement capable d'envoyer les gens dans la bonne direction. »

« Il n'y a pas qu'un seul endroit - c'est presque comme si la gauche ne savait pas ce que fait la droite. »

Les préoccupations exprimées à propos du manque de coopération et de coordination entre les dispensateurs de services sont encore plus révélatrices des difficultés rencontrées en navigant dans le système. Il semble particulièrement difficile d'établir une relation de confiance avec un intervenant si on ne le voit pas régulièrement.

« Je ne trouve pas qu'il y a une bonne communication entre eux, même quand vous signez un formulaire de sortie, je ne trouve pas qu'il obtient l'information ou peut la transmettre. Ainsi, il y a un véritable vide, et vous finissez par obtenir la même information, ou disons les mêmes tests dans un tas d'endroits différents - ils pourraient être faits une seule fois. »

« J'ai obtenu de l'aide pour chaque problème mais si on en veut pour tous ces problèmes en même temps, vous tombez entre deux chaises. Et si un de vos troubles est pire qu'un autre, un docteur pense que vous devez voir quelqu'un d'autre, et fondamentalement, personne ne vous aide, personne ne fait de suivi, c'est comme si vous disparaissiez. »

« Fondamentalement, une coordination des services à un endroit central par une personne, c'est ce qui manque. »

« Une hospitalisation par ci, une hospitalisation par là, un spécialiste par ci, un spécialiste par là... mais personne ne fait vraiment quelque chose, rien ne se fait vraiment, ce n'est qu'un tas de rendez-vous qui ne mènent nulle part. »

Enfin, les participants ont exprimé leurs craintes quant au manque de ressources. Ils ont commenté en particulier le mauvais accès aux conseillers, surtout en milieu rural, ainsi que la nécessité d'un plus grand nombre de programmes de traitement et de groupes pour les personnes souffrant de troubles concomitants. Les participants à un programme spécialisé visant les troubles concomitants se sont dits très satisfaits de leur programme et ont parlé positivement de leur expérience.

Conséquences pour les systèmes

Les expériences partagées pendant les groupes de discussion permettent de tirer les conclusions suivantes :

  • le dépistage des troubles concomitants et une évaluation diagnostique complète devraient être considérés comme des éléments critiques des systèmes locaux de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie;
  • il doit exister une plus grande ouverture d'esprit pour traiter les troubles mentaux et les problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, quelle que soit la porte du système à laquelle la personne frappe. Il importe d'insister fortement sur l'engagement de la personne dans un milieu non stigmatisant et digne de confiance et son acceptation « où elle se trouve » quant au degré d'intégration au programme ou au système avec lequel la personne se trouve alors à l'aise;
  • il faut réduire le temps d'attente et réclamer un meilleur accès à l'information sur les services et le soutien offerts dans la collectivité, ce qui pourrait comprendre un meilleur partage de l'information entre les intervenants communautaires ainsi que des services d'information plus centralisés (p. ex., lignes 1-800; sites Web);
  • il faut des liens étroits entre les services et, en général, une meilleure coordination. La continuité de l'intervenant est essentielle à la prestation du soutien requis. La continuité aide également à établir la relation de confiance qui peut s'avérer nécessaire au dévoilement complet de la nature et de la gravité des problèmes de consommation de substances et de troubles mentaux. L'évaluation doit donc être considérée comme un processus continu plutôt qu'un aspect ponctuel de la prestation des services;
  • les besoins psychosociaux des personnes souffrant de troubles concommitants, particulièrement les troubles mentaux concurrents graves et persistants, sont très importants. Des questions comme le logement, les services de garderie et l'argent pour le transport peuvent perturber sérieusement les intentions de régler le problème de dépendance ou d'autres aspects de la comorbidité. L'aide offerte quand ces besoins se présentent, particulièrement par l'approche communautaire, doit également devenir un élément essentiel des systèmes locaux de prestation des services;
  • il faut à tout prix en arriver à une meilleure formation des professionnels de la santé mentale en alcoolisme et en toxicomanie et des professionnels de l'alcoolisme et de la toxicomanie en santé mentale. Le médecin de famille peut également jouer un rôle important en aidant la personne à naviguer dans le réseau local des services et il doit être bien informé et formé pour le faire;
  • la planification des services et des programmes d'aide, de même que des systèmes de services et de soutien pour les personnes souffrant de troubles concomitants, doit se faire avec la participation de personnes qui ont vécu ces problèmes directement ainsi que des membres de leur famille.

Points de vue des dispensateurs de services et des planificateurs

Nous avons demandé à un certain nombre d'administrateurs, de gestionnaires de programmes, d'employés, de planificateurs et de décideurs de partout au pays, qu'elles étaient les conséquences, pour les 2 systèmes, des recommandations de meilleures pratiques pour ce qui est de la prestation de services. Trente-neuf répondants ont été identifiés. Ce sondage ne se veut pas représentatif sur le plan scientifique. Un équilibre entre les régions ainsi qu' entre les programmes de santé mentale et les programmes d'alcoolisme et de toxicomanie au Canada a été recherché. Un petit nombre de participants travaillaient dans des programmes intégrés de traitement des troubles concomitants tels qui identifiés dans L'inventaire national des programmes de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie (publié séparément).

Le questionnaire a été envoyé par courriel ou télécopieur, l'option offerte étant de le remplir et de le retourner par courriel, par télécopieur ou encore de répondre aux questions lors d'une entrevue téléphonique. Au total, 19 personnes ont répondu. Comme certaines personnes ont choisi de répondre de façon anonyme, il n'y a pas de répartition régionale précise des répondants. La répartition entre la santé mentale et l'alcoolisme et la toxicomanie est la suivante : sept représentants d'un service de santé mentale, huit d'un service d'alcoolisme et de toxicomanie, deux d'un programme intégré visant les troubles concomitants, et deux de la catégorie « autres » (conseiller d'un programme communautaire, bailleur de fonds/planificateur).

On peut se procurer un exemplaire du questionnaire. Les questions générales visaient à savoir a) si la recommandation était raisonnable (p. ex., dépistage universel des troubles mentaux dans les services de toxicomanie), b) jusqu'à quel point la recommandation se situait loin de la pratique actuelle, c) ce qu'il faudrait pour atteindre l'objectif visé par la recommandation. Ces questions ont été posées d'abord en ce qui touche à l'agence, à savoir s'il s'agit d'un dispensateur de services directs, et ensuite en ce qui a trait au réseau ou au système de services. Les questions portaient sur l'ébauche des recommandations en vue du dépistage, de l'évaluation complète et de l'intégration au niveau des programmes et des systèmes. D'autres questions demandaient que l'on se prononce sur le système de classification en sous-groupes dans la catégorie générale des troubles concomitants. Une dernière question nécessitait d'autres réactions considérées comme appropriées et utiles aux objectifs du projet.

Dans la présente section du rapport, un bref sommaire des réactions aux recommandations portant sur la prestation des services et leurs conséquences au niveau des systèmes est présenté. Il existait un appui au système de classification proposé dans la section 2.2.6. Seize répondants se sont dits favorables à ce système. Deux autres y sont allés d'un soutien réservé, par exemple sur le besoin éventuel d'une classification différente pour le sous-groupe des adolescents. Le dernier répondant estime que les groupes ne coïncident pas bien avec la structure actuelle des programmes de son agence et qu'il faudrait des regroupements différents pour des sous-groupes différents (p. ex., jeunes, personnes âgées, références des services correctionnels).

Dépistage

Parmi les 19 répondants, 12 croient que la recommandation pour un dépistage universel des troubles de consommation de substances et de santé mentale est raisonnable, 5 l'appuie mais mentionnent des mises en garde comme le besoin de ressources, d'une formation et de protocoles sur lesquels on s'est entendu. Deux répondants croient que l'objectif n'est pas raisonnable. À la question de savoir jusqu'à quel point cette recommandation s'éloigne de la pratique actuelle, les répondants y vont de toute la gamme de « rien du genre ne se fait d'une manière officielle » (n=4), à une intégration préliminaire qui conduirait éventuellement à des protocoles de dépistage convenus (n=6), et à certaines activités de dépistage déjà en cours (n=5). Dans un seul cas, on dit que le système de santé mentale va plus loin que le système d'alcoolisme et de toxicomanie en matière de dépistage; dans un autre cas, on dit le contraire. Un répondant formule un commentaire sur la variation entre les régions de sa province pour ce qui est de l'activité de dépistage qui reflète le degré de coordination locale et régionale.

Pour ce qui est des éléments qu'il faudrait mettre en oeuvre pour le dépistage des troubles de toxicomanie et de santé mentale dans l'ensemble des systèmes, la réponse la plus courante est la formation, y compris la formation dans les deux secteurs et l'engagement de ressources en formation (n=8). Cinq répondants mentionnent le besoin d'un appui et d'un engagement venant des instances supérieures, y compris la volonté politique d'atteindre l'objectif et de vérifier la conformité. Le besoin d'une meilleure coordination et d'une communication plus efficace entre le système de santé mentale et celui de l'alcoolisme et de la toxicomanie est mentionné par trois répondants, notamment le besoin d'incitatifs à former des partenariats. Celui d'une augmentation des ressources pour mettre en application les recommandations est mentionné deux fois, et une personne ajoute celui d'une augmentation des services en général.

Évaluation

Parmi les 19 répondants, 12 estiment que la recommandation visant une évaluation complète de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie selon les résultats positifs du processus de dépistage est raisonnable pour leur réseau de services. Quatre répondants lui donnent leur appui, mais sous réserve. Ils mentionnent par exemple la difficulté d'avoir accès aux psychiatres; si en effet on considérerait que seul un diagnostic en santé mentale fait par un psychiatre, est acceptable. Une personne croit que l'objectif peut être raisonnable localement, mais pas au niveau systémique général. Deux répondants croient que leurs services locaux d'alcoolisme et de toxicomanie et de santé mentale ne sont pas suffisamment coordonnés pour en faire un objectif raisonnable. Un répondant se dit simplement « incertain » de la recommandation.

Une vaste gamme de réponses à été constatée lorsque l'on a demandé des commentaires au sujet de l'évaluation approfondie de l'alcoolisme et de la toxicomanie ainsi que de la santé mentale. Huit répondants croient que cette recommandation est loin de l'activité de leur réseau, citant des défis comme des besoins considérables de formation et d'éducation en évaluation clinique et la pénurie de psychiatres si on devait recourir à leurs services pour établir les diagnostics de troubles mentaux. De plus, 8 répondants indiquent qu'ils sont partiellement rendus à cette étape et présentent divers exemples. Certains croient qu'ils s'en rapprochent davantage en milieu rural qu'en milieu urbain où les systèmes sont plus complexes. Le contraire est perçu comme la réalité dans d'autres secteurs. Un répondant indique le développement en cours de son programme intégré sur les troubles concomitants et note qu'une formation dans les deux systèmes a commencé dans un secteur. Deux répondants mentionnent que des activités de planification et de coordination ont été entamées.

Quant aux éléments requis pour mettre en oeuvre une recommandation systémique en vue de l'évaluation complète de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie des personnes chez qui le dépistage a conclu à des troubles concommitants, diverses réponses étroitement reliées sont offertes. La réponse la plus courante mentionne le besoin d'une augmentation des ressources en personnel (n=7) et du financement en général (n=4). Deux répondants précisent le besoin d'une augmentation de la participation et de l'orientation de la part des psychiatres. La nécessité d'un solide engagement envers le processus est également mentionné (n=5), liée à une meilleure orientation de haut en bas de la part des autorités chargées du financement (n=2), ce qui inclut la recommandation que la santé mentale et l'alcoolisme et la toxicomanie soient financées par la même enveloppe et le même mécanisme de régie régionale. Cinq répondants mentionnent le besoin d'un système mieux intégré, par exemple, un meilleur lien en première ligne, des équipes multidisciplinaires, des incitations à former des partenariats. Les liens sont considérés comme essentiels au processus d'évaluation. Quatre répondants mentionnent un besoin de formation et d'éducation ainsi que de protocoles établis d'évaluation.

Intégration au niveau des systèmes

Il y avait un solide appui pour la distinction que nous faisons entre l'intégration au niveau des programmes et au niveau des systèmes (14 répondants sur 19). Un répondant croit qu'une véritable intégration des systèmes nécessite la fusion des systèmes de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie au niveau de la politique, du financement et du gouvernement.

À la question de savoir si l'objectif est raisonnable concernant l'intégration au niveau du système dans leur réseau particulier (local, régional ou provincial), on se montre nettement plus optimiste que pessimiste quant à l'avenir. Treize des 19 répondants croient que l'objectif est raisonnable, mais généralement avec une réserve ou un ajout. Certains parlent des efforts en cours quant aux mécanismes de coordination officiels ou informels. Deux répondants croient que l'objectif est réalisable mais en ajoutant qu'il faut commencer par un petit objectif et miser sur les succès. Un répondant croit que l'intégration au niveau des systèmes est un objectif raisonnable mais qu'il n'est pas préférable au niveau des programmes. Un autre répondant dit qu'il est raisonnable pour certains clients mais pas pour tous, et un répondant mentionne la nécessité d'une bonne formation. Seulement trois des 19 répondants croient que ce n'est pas un objectif raisonnable; un répondant mentionne que la différence entre les deux systèmes est trop grande pour être comblée à l'heure actuelle.

Quand on leur a demandé jusqu'à quel point leur réseau de services était loin d'un objectif d'intégration au niveau du système, à peine quatre des 19 répondants estiment qu'ils en sont « très loin ». Les commentaires recueillis indiquent une volonté d'intégration mais on se préoccupe du manque de structure pour le faire ou de la distance qui existe dans la région entre la ressource requise pour procéder à l'évaluation complète et celle qui assurera le traitement. La réponse la plus caractéristique reflète leurs tentatives d'intégration en cours, mais les intervenants ne se considèrent qu'à « mi-chemin ». Certains répondants soulignent des activités locales mixtes de planification, les efforts du personnel de première ligne, la variation de l'intégration entre les différents emplacements et le manque de ressources supplémentaires, par exemple, un psychiatre. D'autres répondants disent simplement qu'ils s'en « rapprochent » ou que l'intégration est réalisable dans un délai donné (p. ex., deux ans).

Les réponses les plus fréquentes (n=5) sont associées à la présence d'un personnel mieux informé par le biais de la formation et de l'éducation quand les répondants sont invités à mentionner les éléments qu'il faudrait pour réaliser l'intégration au niveau des systèmes pour les personnes souffrant de troubles concomitants. Ils formulent des commentaires sur les progrès réalisés vers l'adoption de philosophies plus partagées et le genre d'apprentissage expérientiel qui peut découler d'une formation croisée ou d'un regroupement des services. Quatre répondants mentionnent le besoin d'augmenter les ressources, notamment un psychiatre et du personnel spécialisé dans les questions d'alcoolisme et de toxicomanie. Un autre répondant mentionne le besoin d'un comité directeur mixte chargé de la planification, de trouver des moyens d'agir différemment et d'un solide engagement de la direction. Deux répondants mentionnent la nécessité de règlements ou d'autres incitatifs de conformité. Enfin, deux répondants indiquent la valeur de ces lignes directrices sur les meilleures pratiques elles-mêmes comme moyen efficace pour organiser des ateliers de formation et des activités de planification.

Autres commentaires et suggestions :

Les principaux informateurs ont formulé plusieurs autres commentaires pertinents à cette section sur l'intégration des services, notamment :

  • la base de formation différente des intervenants en alcoolisme et toxicomanie et en santé mentale constitue un important obstacle systémique;
  • du point de vue du client, un programme intégré avec la santé mentale peut ne pas être perçu positivement, étant donné la stigmatisation généralement associée à la santé mentale;
  • les lignes directrices doivent articuler les meilleures pratiques sans nécessairement les relier à une structure. Sans de nouvelles ressources financières ou de multiples fusions dans la province, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que le personnel se retrouve dans une structure organisationnelle unique même s'il s'agissait du meilleur modèle;
  • le transport des clients pose un problème, particulièrement en milieu rural;
  • la disponibilité de groupes de soutien et d'entraide représente un défi. Le groupe « Dual Recovery Anonymous » applique un programme en 12 étapes grâce à un site Web. La formation sur le Web et l'accès à ce site constituent une option dans les milieux ruraux;
  • ce groupe de clients a besoin de possibilités multiples pour s'engager dans des systèmes qui correspondent à leurs besoins. Les programmes traditionnels en 12 étapes sont trop vastes, trop longs et souvent trop retranchés dans leurs traditions pour tenir compte des personnes qui ont besoin de médicaments;
  • la télépsychiatrie est un modèle d'éducation et de formation qui peut s'étendre au milieu rural.

Dr Brian Rush au (416) 535-8501, poste 6625 ou brian_rush@camh.net.

Le mot « système » est défini par lui-même au niveau le plus approprié pour le répondant (local, régional, provincial ou territorial).

Mécanismes et modèles d'intégration des systèmes pour les troubles concomitants

Dans une section antérieure, l'intégration au niveau des systèmes a été définie :

« Établissement de liens durables entre les dispensateurs de services ou les unités de traitement dans un système ou dans l'ensemble des systèmes s'il y en a plus d'un, et visant à faciliter la prestation de services aux personnes à l'échelle locale. Les traitements de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie sont toutefois combinés par au moins deux cliniciens et membres du personnel clinique travaillant pour des unités de traitement ou des dispensateurs de services différents. On se sert de diverses dispositions de coordination et de collaboration pour procéder à l'élaboration et à l'implantation d'un plan de traitement intégré. » (adapté de71).

Comme pour l'intégration au niveau des programmes, ce plan de traitement peut viser en même temps la consommation de substances et la santé mentale, ou l'une après l'autre, mais toujours dans le contexte d'une approche uniforme et coordonnée adaptée aux besoins et aux capacités propres à la personne.

Comme nous l'avons indiqué plus haut, les modèles d'intégration des systèmes ont été évalués beaucoup moins souvent en ce qui concerne les résultats pour les clients et les coûts de prestation des services que dans le cas de l'intégration au niveau des programmes. En fait, il n'existe pratiquement aucune recherche du genre consacrée spécialement aux troubles concomitants. De plus, il existe peu d'expérience documentée à laquelle puiser pour en tirer une « sagesse pratique ». La présente section, comprend d'autres mécanismes et modèles qui cherchent à mieux intégrer les services et l'aide apportés aux personnes souffrant de troubles concomitants tels que :

  • une importante étude d'évaluation de l'efficacité de différentes stratégies pour établir des systèmes de traitement des personnes souffrant de troubles mentaux sévèresNote de bas de page 353,Note de bas de page 354 et la recherche récente s'intéressant à l'efficacité des diverses stratégies d'intégration des systèmes pour améliorer les résultats pour les sans-abriNote de bas de page 71,Note de bas de page 355;
  • des études fondamentales menées aux États-Unis qui déterminent des obstacles systémiques à la prestation efficace de services aux personnes souffrant de troubles concomitantsNote de bas de page 27,Note de bas de page 356;
  • les sommaires des obstacles au niveau des systèmes et des solutions éventuellesNote de bas de page 24,Note de bas de page 357, y compris d'autres travaux publiés récemment qui décrivent divers mécanismes d'intégration au niveau local aux États-UnisNote de bas de page 70Note de bas de page 155 et soulignent une stratégie de collaboration pour améliorer les liens entre les ÉtatsNote de bas de page 72;
  • le travail récent de Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44 qui établit aussi la distinction entre l'intégration au niveau des programmes et des systèmes et qui mentionne des stratégies organisationnelles pour renforcer la capacité des services intégrés. Plusieurs de ces stratégies sont également pertinentes au niveau des systèmes;
  • les rapports d'études canadiennes qui soulignent les principaux éléments des meilleures pratiques au niveau des systèmes pour la réforme de la santé mentaleNote de bas de page 11 ou mentionnent d'autres stratégies pour mieux coordonner les services d'alcoolisme et de toxicomanieNote de bas de page 12;
  • la pratique recommandée et les leçons apprises dans diverses initiatives visant des processus d'organisation ou de changement au niveau des systèmes;
  • les résultats des divers éléments de ce projet visant à déterminer les défis au niveau des systèmes et les solutions possibles, c'est-à-dire les groupes de discussion des clients, l'Inventaire national de programmes de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie (publié séparément), et le sondage auprès des principaux informateurs.

Ce que la documentation nous révèle sur l'efficacité de la coordination

Dans le Robert Woods Johnson Program on Chronic Mental IllnessNote de bas de page 353, neufNote de bas de page 354 villes des États-Unis ont obtenu des fonds en vue d'établir des systèmes communautaires de soins aux personnes souffrant de troubles mentaux chroniques. Chaque ville devait mettre en place une administration publique de la santé mentale qui améliorerait la continuité des soins, déplacerait les fonds là où ils sont nécessaires, proposerait une série d'options de logement et améliorerait la gamme des services de réadaptation offerts. L'évaluation a permis de constater que les administrations pouvaient être établies avec succès, ce qui augmentait la centralisation, la coordination et la continuité des soins. Toutefois, les résultats pour les clients ne s'amélioraient pas. Cette conclusion peut refléter les limitations méthodologiques reliant les changements au niveau des systèmes aux résultats pour les clients. Ou elle pourrait signifier que les changements structurels n'éliminent pas le besoin de financer des programmes et services de grande qualité.

Un autre projet à grande échelle aux États-Unis a cherché à démontrer l'efficacité de différents services offerts aux sans-abri ainsi que les résultats associés à diverses stratégies d'intégration des systèmes. Ces stratégies comprenaient par exemple un organisme de coordination interagences, le regroupement des services, un coordonnateur de l'intégration de systèmes, des ententes interagences et des équipes de prestation des services, de même que des systèmes de suivi interagences. Dans les endroits étudiés qui ont reçu des fonds précisément pour implanter l'intégration des systèmes, l'évaluation visait à savoir si la mise en oeuvre de ces stratégies conduit à des améliorations dans l'intégration des systèmes, et si l'intégration des systèmes conduit à de meilleurs résultats pour la population étudiée. Les chercheurs ont constaté que plusieurs stratégies d'intégration des systèmes étaient mises en oeuvre et que l'intégration des systèmes se faisait au niveau des projets. Toutefois, ils ont observé peu de différences au niveau des clients, une exception remarquable étant donné les résultats en matière de logement dont le nombre augmentait au même rythme que le niveau d'intégration. L'étude revêt également de l'importance pour illustrer la façon dont l'implantation de stratégies d'intégration au niveau des systèmes peut être définie et suivie avec le tempsNote de bas de page 355.

Il faudra faire d'autres recherches sur l'efficacité de l'intégration des systèmes quant aux résultats pour les clients. Ces études sont difficiles à organiser et les résultats peuvent donner lieu à de nombreuses interprétations. Des études d'évaluation sont nécessaires pour examiner la variation de l'intégration des systèmes dans plusieurs endroits. De plus, il faudra aussi des études d'évaluation de moindre envergure sur les problèmes de processus dans la planification et l'implantation des stratégies d'intégration des systèmes examinés par ces plus grandes études.

Enfin, il est à noter que la documentation peu abondante sur les stratégies d'intégration des systèmes pour les troubles concomitants n'est pas particulièrement pertinente pour les milieux ruraux et éloignés qui présentent d'importants problèmes associés à la distance, au déplacement et à la pénurie chronique de psychiatres, de psychologues et de travailleurs sociaux autorisés pour établir les diagnostics. Dans de nombreuses régions, on manque également de médecins de famille. Une recherche sur les systèmes dans ces régions est particulièrement nécessaire.

 Ce sommaire est extrait du rapport sur les meilleures pratiques pour la réforme de la santé mentale11.

Obstacles à l'intégration et solutions éventuelles

En ce qui concerne particulièrement les personnes souffrant de troubles concomitants, on insiste ici davantage sur la détermination de solutions éventuelles que sur la définition des obstacles systémiques bien connus dont parle la documentationNote de bas de page 27. Toutefois, il vaut la peine de noter que malgré les domaines de rapprochement considérables entre les deux systèmes de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie, plusieurs défis à une meilleure intégration sont repris par nos groupes de discussion et le sondage auprès des principaux informateurs. En voici des exemples :

  • les différences historiques dans l'alliance avec le modèle médical et les divergences des exigences de formation et d'expérience pour oeuvrer dans les deux domaines;
  • la faible tolérance qui existe encore dans certains programmes d'alcoolisme et de toxicomanie à propos de toute médication psychoactive;
  • le manque d'acceptation des approches de réduction des méfaits dans certains services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, approches qui peuvent être nécessaires pour l'engagement efficace de ce groupe dans le système de traitement et de soutien;
  • l'application de techniques de confrontation trop stressantes ou autrement inappropriées pour ces personnes qui présentent une combinaison de troubles concomitants (p. ex., consommation de substances et troubles mentaux sévères et persistants);
  • les courants différents d'orientation, de planification, de financement et de régie.

Un rapport d'aide technique produit aux États-Unis sur la coordination des services visant l'alcoolisme et la toxicomanie et la santé mentaleNote de bas de page 357 a été la première tentative complète pour proposer des solutions éventuelles aux obstacles de longue durée à l'intégration systémique en traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie et en santé mentale. Le rapport résume plusieurs principes pratiques pour les intervenants qui tentent de coordonner les services entre ces deux systèmes. En voici des exemples :

  • la coordination des services est habituellement un processus évolutif lent;
  • la coordination fructueuse dépend du leadership et des talents de personnes responsables;
  • les dispensateurs de services doivent percevoir que les avantages de la coordination des services sont essentiels;
  • la coordination efficace des services exige des systèmes de partage de l'information;
  • une stratégie gouvernementale commune facilite la coordination des services;
  • les accords officiels entre les organismes facilitent le processus de coordination;
  • la responsabilité d'une autorité prioritaire commune facilite la coordination;
  • les efforts pour établir le partage de l'idéologie qui soutient la coordination semblent valables;
  • la formation et l'éducation permanente sont nécessaires pour le personnel et les superviseurs.

Ce rapport présente également une description de mécanismes et de modèles précis de coordination, notamment le regroupement, l'information et les services de renvoi, l'admission et les renvois centralisés, les réseaux interagences comme les équipes multidisciplinaires, la gestion de cas, le partage du personnel, les modèles de financement ainsi que la formation et l'éducation. Cette liste a par la suite été élargie dans le protocole d'amélioration du traitement (PAT) des troubles concomitantsNote de bas de page 24, pour inclure par exemple, les systèmes de données partagées et les liens avec l'ensemble du système de services de santé, de services sociaux et de services correctionnels.

Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44 résument deux stratégies générales pour l'intégration des programmes, soit l'ajout de spécialistes en alcoolisme et toxicomanie aux services de santé mentale (ou vice versa), et l'établissement d'équipes mixtes. Toutefois, ces stratégies peuvent également fonctionner au niveau de systèmes par l'établissement d'équipes de services interagences. De plus, les facteurs organisationnels qui faciliteraient ou entraveraient l'intégration au niveau des programmes sont également pertinents au niveau des systèmes. Voici une liste de ces facteurs :

  • le leadership, y compris un maître d'oeuvre interne et un mécanisme de supervision;
  • la définition de la population visée (p. ex., les sans-abri);
  • l'infrastructure, y compris le personnel spécialisé, les outils cliniques, les processus de développement de compétences particulières et d'amélioration de la qualité;
  • la formation et la supervision qui devraient être considérées comme l'élément central d'un système de services aux personnes souffrant de troubles concomitants. La formation double est une option viable;
  • des protocoles de dépistage et d'évaluation offrant des liens appropriés interagences et vérifiés par une forme de bilan de l'utilisation;
  • une gamme de services comprenant un fond de services de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie et de services spécialisés pour les troubles concomitants;
  • la liaison de l'entraide, par exemple des groupes de type « Double Trouble »;
  • les niveaux de soins comptant les liens appropriés, par exemple, entre les services d'hospitalisation pour la stabilisation et les services ambulatoires pour les soins et le soutien à plus long terme;
  • la surveillance des programmes, y compris les procédures d'examen de la qualité, l'évaluation des processus et le suivi des résultats. Ce facteur comprend également l'utilisation régulière d'une échelle de fidélité pour évaluer le degré d'intégration;
  • la participation étroite des clients et des membres de la famille à la conception et à la mise en oeuvre des programmes.

Certains des facteurs mentionnés par Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44 reflètent des stratégies plus globales dans la documentation sur les processus de changement organisationnel et systémique. On en trouve des exemples dans le besoin d'un maître d'oeuvre solide ou d'un guide d'opinionNote de bas de page 358, la motivation au changement dans toute l'organisation ou le systèmeNote de bas de page 360 et la participation significative des principaux intéressés, y compris les bénéficiaires des services et leur familleNote de bas de page 360. D'autres facteurs reflètent des commentaires formulés par les groupes de discussion et les principaux informateurs (p. ex., un besoin de leadership et d'engagement).

Certains des facteurs organisationnels et systémiques mentionnés par Mueser et ses collèguesNote de bas de page 44 reflètent également les recommandations de meilleures pratiques pour la mise en application de la réforme de la santé mentale au CanadaNote de bas de page 11 et du traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanieNote de bas de page 12 (p. ex., la nécessité d'un continuum des services). Ainsi, il est probable que plusieurs des recommandations préconisant une meilleure coordination des services dans le système de santé mentale et le système de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie mériteront d'être explorées pour améliorer la coordination entre les deux systèmes. En voici des exemples :

  • une politique de soutien largement appuyée, soit une politique qui appuie les activités de développement et d'intégration des services;
  • une responsabilité claire pour l'intégration et le financement des activités;
  • un programme de formation qui s'inscrit dans une stratégie élargie des ressources humaines;
  • le besoin d'évaluation et de surveillance des activités d'intégration et des résultats escomptés. Les mesures de l'amélioration de la coordination peuvent comprendre, par exemple, la sensibilisation mutuelle, la fréquence de l'intéraction, la fréquence et l'orientation des aiguillages et de l'échange de l'information; l'officialisation des ententes.

Ils indiquent que puisque la plupart des personnes souffrant de troubles concomitants reçoivent leur traitement primaire dans les services de santé mentale, la stratégie la plus courante a été d'ajouter des spécialistes en alcoolisme et toxicomanie à ces services. Cela est moins vrai pour des sous-groupes autres que ceux des personnes atteintes de troubles mentaux sévères (groupe 2).

Une échelle de fidélité de l'intégration qui peut être adaptée à des situations différentes figure à l'annexe I.

Liste des solutions proposées pour appuyer l'intégration des systèmes

La liste suivante de stratégies nouvelles provenant de la synthèse de l'information et des thèmes, serait susceptible d'aider à l'intégration au niveau du système :

  • il est essentiel que les personnes souffrant de troubles concomitants et les membres de leur famille participent activement aux activités de planification et de développement des systèmes;
  • en raison du rythme de développement des connaissances et du degré auquel les solutions novatrices sont explorées, il faut un mécanisme de partage de l'information et des leçons apprises. Un moyen possible pour ce faire serait un site Web canadien et, éventuellement un centre national de ressources sur les troubles concomitants qui appuieraient la diffusion de la recherche et le transfert des connaissances;
  • la formation et l'éducation doivent être les éléments central du développement des programmes et des systèmes de traitement des troubles concomitants, notamment la formation croisée, l'éducation permanente et l'élaboration de programmes d'enseignement officiels et qui donnent lieu à des crédits;
  • un mélange sain d'engagement de tous les paliers décisionnels des bailleurs de fonds, des administrateurs et des directeurs généraux ainsi que l'exploration pratique des liens par le personnel de première ligne d'après chaque cas;
  • l'établissement d'un comité de planification mixte interagences représente une option viable pour démarrer le processus local d'intégration des systèmes assorti d'objectifs et de délais raisonnables afin d'optimiser les chances de réussir et de développer la motivation à poursuivre le processus de changement. Une approche échelonnée peut être d'une grande valeur, comprenant par exemple, des activités de coordination et de partage informel de l'information, éventuellement un programme de formation couvrant les deux secteurs, et par la suite des ententes de services pour l'évaluation, le traitement et le soutien. Il est important d'avoir une personne-ressource spécialisée pour appuyer le processus de planification et de développement. Il est également important de reconnaître qu'en raison de la complexité de l'intégration des systèmes, le processus de changement doit être considéré comme étant, non-linéaire et exigeant du temps et de la patience;
  • il faut une consultation clinique pour chaque cas, y compris le rôle éventuel de la télé-psychiatrie, pour l'intégration des programmes et des systèmes dans les régions rurales et éloignées;
  • on devrait explorer et mettre à l'essai des systèmes de données partagées pour la santé mentale et pour l'alcoolisme et la toxicomanie;
  • l'adoption générale d'équipes mixtes pour la prestation des services tels les équipes pour l'intervention communautaire comprenant un conseiller en toxicomanie;
  • des partenariats officiels interagences peuvent être établis, allant au-delà des exercices mixtes de planification pour adopter des accords de niveau de services ou, éventuellement, fusionner les organisations;
  • les modèles d'accès central sont souvent recommandés dans les processus de réforme de la santé mentale et de l'alcoolisme et la toxicomanie. Il est probablement valable de développer des modèles d'accès amélioré et de partager l'information de base sur les services et le soutien offerts qui recoupent l'alcoolisme et la toxicomanie et la santé mentale;
  • des initiatives stratégiques au niveau des politiques de financement qui soutiendraient les services et systèmes intégrés et offriraient un mécanisme de démonstration des projets, pourraient être entérinées.

Conséquences pour la recherche

Recommandations :

  • Il existe une grande variation quant au niveau et au contenu du traitement intégré des programmes. Il faut développer la recherche sur l'efficacité et la rentabilité des diverses interventions pour plusieurs des sous-groupes de la population atteints de troubles concomitants ainsi que des mesures de fidélité pour évaluer la nature et le niveau de l'intégration.
  • Il existe une grande variation quant au niveau et au contenu du traitement intégré des systèmes. Il faut développer la recherche sur les effets des interventions au niveau des systèmes sur l'accès au traitement et au soutien, l'engagement et la continuité dans le système et l'efficacité et la rentabilité des diverses interventions pour chacun des sous-groupes de la population souffrant de troubles concomitants. La recherche devrait également se pencher sur la valeur des mesures de fidélité afin d'évaluer la nature et le niveau de l'intégration des systèmes et les différences urbaines et rurales.
  • Deux groupes de troubles concomitants ont été omis de ces lignes directrices des meilleures pratiques à cause du manque de données de recherche : les troubles concomitants d'ordre sexuel et d'alcoolisme et de toxicomanie ainsi que les troubles d'alcoolisme et de toxicomanie, les troubles mentaux et le jeu pathologique. Il faut développer la recherche dans ces domaines.
  • Il faut développer la recherche sur le traitement et le soutien de combinaisons spécifiques de troubles liés aux substances (p. ex., la cocaïne) et de troubles mentaux particuliers(p. ex., la dépression).
  • Il faut développer la recherche sur le lien entre les troubles liés aux substances et les troubles liés à la colère qui sont indépendants des troubles de la personnalité antisociale.
  • Il faut développer la recherche sur le lien entre le dysfonctionnement parental, l'abus à l'égard des enfants et les troubles de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie concomitants.
  • Des mesures précises et validées sont nécessaires pour dépister les troubles de santé mentale chez les personnes en quête d'un traitement pour des troubles liés aux substances.

Annexes

Annexe A

Principaux documents de référence

  • Addiction Research Foundation. Concurrent Disorders Annotated Bibliography. Disponible à la bibliothèque du Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto (Ontario).
  • Blanchard, J.J. (2000). The co-occurence of substance use in other mental health disorders: Editor's introduction. Clinical Psychology Review, 20(2), 145-148.
  • Carey, K.B., et Correia, C.J. (1998). Severe mental illness and addictions: assessment considerations. Addictive Behaviors, 23(6), 735-748.
  • Daley, D.C., Moss, H.B., et Campbell, F. (1993). Dual Disorders Counselling Clients with Chemical Dependency and Mental Illness (deuxième édition). Center City, Minnesota : 55012-0176, Hazelton Foundation.
  • Drake, R.E., Mercer-McFadden, C., McHugo, G.J., Mueser, K.T., Rosenberg, S.D., Clark, R.E., et Brunette, M.F. (éd.) (1998). Readings in Dual Diagnosis. Columbia, MD : International Association of Psychosocial Rehabilitation Services.
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  • Mueser, K.T., Drake, R.E., et Wallach, M.A. (1998). Dual diagnosis: A review of etiological theories. Addictive Behaviors, 24(6), 717-734.
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  • Ryglewicz, H., & Pepper, B. (1996). Lives at Risk Understanding and Treating Young People with Dual Disorders. New York : The Fress Press, 72-96.
  • Santé Canada (1999). Meilleures pratiques - Alcoolisme et toxicomanie - Traitement et réadaptation, Ottawa : Ministère de Travaux publics et services gouvernementaux Canada, No de cat. H39-438/1998F.
  • Unité de recherche sur les systèmes de santé de l'Institut psychiatrique Clarke (1997). Review of Best Practices in Mental Health Reform, Toronto.

Annexe B Critères du DSM-IV relativement aux troubles liés à l'utilisation d'une substance et aux troubles induits par une substance

Reproduit avec permission du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Editions Masson, 1996.

Troubles liés aux substances

Critères de dépendance à une substance

Mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance, cliniquement significative, caractérisé par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d'une période continue de 12 mois :

  1. tolérance, définie par l'un des symptômes suivants :
    1. besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l'effet désiré
    2. effet notablement diminué en cas d'utilisation continue d'une même quantité de la substance
  2. sevrage caractérisé par l'une ou l'autre des manifestations suivantes :
    1. syndrome de sevrage caractéristique de la substance (voir les critères A et B des critères de Sevrage à une substance spécifique)
    2. la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage
  3. la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu
  4. il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l'utilisation de la substance
  5. beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance (p. ex., consultation de nombreux médecins ou déplacement sur de longues distances), à utiliser le produit (p. ex., fumer sans discontinuer), ou à récupérer de ses effets
  6. des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l'utilisation de la substance
  7. l'utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d'avoir été causé ou exacerbé par la substance (par exemple, poursuite de la prise de cocaïne bien que la personne admette une dépression liée à la cocaïne, ou poursuite de la prise de boissons alcoolisées bien que le sujet reconnaisse l'aggravation d'un ulcère du fait de la consommation d'alcool)
Spécifier si :

Avec dépendance physique : présence d'une tolérance ou d'un sevrage (c.-à-d. des items 1 ou 2)
Sans dépendance physique : absence de tolérance ou de sevrage (c.-à-d. tant de l'item 1 que de l'item 2)

Critères de l'abus d'une substance
  1. Mode d'utilisation inadéquat d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative, caractérisé par la présence d'au moins une des manifestations suivantes au cours d'une période de 12 mois :
    1. utilisation répétée d'une substance conduisant à l'incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l'école, ou à la maison (par exemple, absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l'utilisation de la substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l'école, négligence des enfants ou des tâches ménagères)
    2. utilisation répétée d'une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par exemple, lors de la conduite d'une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu'on est sous l'influence d'une substance)
    3. problèmes judiciaires répétés liés à l'utilisation d'une substance (p. ex., arrestations pour comportement anormal en rapport avec l'utilisation de la substance)
    4. utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple disputes avec le conjoint à propos des conséquences de l'intoxication, bagarres)
  2. Les symptômes n'ont jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de la Dépendance à une substance.
Critères de l'intoxication à une substance
  1. Développement d'un syndrome réversible, spécifique d'une substance, dû à l'ingestion récente de (ou à l'exposition à) cette substance. N.B : Des substances différentes peuvent produire des syndromes similaires ou identiques.
  2. Changements comportementaux ou psychologiques, inadaptés, cliniquement significatifs, dus aux effets de la substance sur le système nerveux central (par exemple : agressivité, labilité de l'humeur, altérations cognitives, altération du jugement, altération du fonctionnement social ou professionnel) qui se développent pendant ou peu après l'utilisation de la substance.
  3. Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental.
Critères du sevrage à une substance
  1. Développement d'un syndrome spécifique d'une substance dû à l'arrêt (ou à la réduction) de l'utilisation prolongée et massive de cette substance
  2. Le syndrome spécifique de la substance cause une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d'autres domaines importants.
  3. Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental.

Annexe C Système de classification de Ryglewicz et Pepper34

Groupe 1 :

Une maladie mentale grave et un problème majeur d'alcoolisme et/ou de toxicomanie. Un exemple est celui d'une femme ayant un diagnostic de trouble bipolaire et de dépendance à l'alcool.

Groupe 2 :

Une maladie mentale grave et une vulnérabilité particulière aux effets de l'alcool et d'autres drogues. Un exemple est celui d'un jeune homme schizophrène qui abuse de l'alcool et d'autres drogues mais n'en est pas dépendant.

Groupe 3 :

Trouble de la personnalité et/ou troubles mentaux/problèmes émotionnelles qui sont compliqués et aggravés par l'alcool et/ou la consommation ou l'abus de drogue illicite, mais sans maladie mentale grave qui produirait elle-même des épisodes psychotiques ou nécessiterait une hospitalisation. Un exemple est celui d'une femme ayant un trouble de l'Axe I de stress post-traumatique, de boulimie et de dépendance sur le cannabis et la cocaïne mais en rémission partielle.

Groupe 4 :

Alcoolisme/toxicomanie identifié ou diagnostiqué, dépendance, et trouble de la personnalité ou autres problèmes mentaux, émotionnels ou cognitifs qui sont masqués par la consommation d'une substance et qui peuvent augmenter pendant le sevrage. Un exemple est celui d'un homme en traitement pour alcoolisme et toxicomanie mais qui trouve difficile de participer à cause d'un trouble de la personnalité qui se reflète dans son intolérance aux activités collectives, le manque d'acceptation des autres et le fait qu'il se sent menacé facilement par toute confrontation.

Annexe D Brève description des systèmes de traitement de la santé mentale et de l'alcoolisme et de la toxicomanie au Canada

Système de prestation de services en santé mentale

À peu d'exceptions près, le financement, la planification, la prestation et l'évaluation des services de santé mentale au Canada sont de compétence provinciale et tombent sous les services de santé en général. Les programmes communautaires de santé mentale, les services des hôpitaux psychiatriques provinciaux, les services des unités psychiatriques des hôpitaux généraux et les services des médecins pour les troubles mentaux sont tous financés par les fonds publics au Canada. Le modèle préféré de prestation des services de santé mentale préconise une gamme de services communautaires fonctionnant de concert avec les unités psychiatriques des hôpitaux généraux et un centre régional de soins tertiaires. Les approches pour établir ce modèle diffèrent en milieu rural et nordique où la rareté des ressources et les petites populations imposent des rôles professionnels et des programmes multiples.

Pratiquement toutes les provinces et les territoires ont consenti des efforts récents pour réformer leur système de santé mentale. De façon compatible avec la meilleure pratique au niveau des systèmesNote de bas de page 11, il se dégage un vaste consensus sur la perspective du « continuum des soins ». Cette perspective fait appel à une gamme de services communautaires qui correspondent aux besoins divers des personnes ayant des troubles mentaux. Les provinces et les territoires sont également semblables en ce qui concerne la population visée à qui on accorde la première priorité, soit les personnes souffrant d'une maladie mentale grave par opposition aux personnes éprouvant des troubles mentaux plus « modérés ». Cette priorité reflète les besoins d'une population handicapée plus gravement, la grande majorité vivant dans la collectivité avec des ressources marginales.

Dans la plupart des régions du pays, le « système » des services de santé mentale est composé de divers types de services communautaires de santé mentale pour les clients et les membres de la famille, d'organisations dirigées par les clients et de groupes de soutien familial, de praticiens individuels (psychiatres, médecins, psychologues, travailleurs sociaux) et d'autres types de cliniciens et de thérapeutes, ainsi que d'établissements de soins aigus.

La disponibilité des nombreux types différents de services communautaires de santé mentale varie selon les régions dans les provinces et territoires. Les principaux éléments sont la gestion de cas, l'intervention en cas de crise, le logement, les pavillons d'accueil ainsi que le soutien professionnel, à l'éducation et à l'emploiNote de bas de page 11. Les programmes de gestion de cas sont considérés essentiels et, au Canada, sont intensifs, tendant d'offrir un programme de traitement et de réadaptation continu et complet, ou génériques, donc moins intensifs, moins spécialisés et moins complets. Plusieurs provinces ont récemment financé un type de gestion de cas intensive, les équipes de traitement communautaire par affirmation de soi (TCA), comme élément clé de la réforme des services de santé mentale. Ces programmes visent principalement le groupe de personnes souffrant d'une maladie mentale grave qui sortent des établissements psychiatriques pour vivre dans la collectivitéNote de bas de page 291. Les systèmes d'intervention en situation de crise peuvent comprendre plusieurs types d'interventions allant des lignes téléphoniques, des cliniques sans rendez-vous, des équipes mobiles, des centres de crise autonomes, des salles d'urgence des hôpitaux ayant des lits tampons aux services psychiatriques hospitalisés.

Pour compléter la croissance du secteur de la santé mentale communautaire en général, on a également vu au cours des deux dernières décennies un changement radical des perceptions sur les capacités des clients eux-mêmes et sur les éléments du soutien communautaire. Ce changement découle en partie de l'émergence du mouvement des survivants psychiatriques au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde faisant suite à l'ère de la désinstitutionnalisationNote de bas de page 362. L'Association canadienne de santé mentale (ACSM), une organisation non gouvernementale à but non lucratif, a été une force motrice de la modification des points de vue partout au Canada sur les capacités des clients et les éléments nécessaires d'un système de soins. Son principal document d'orientation, Un nouveau cadre de soutien des personnes déficientes mentalesNote de bas de page 2 insiste sur l'inclusion de tous les intéressés et de tous les secteurs pour la planification et la prestation des services de santé mentale et du soutien. Le cadre remplace l'accent antérieur sur les services professionnels et accorde plus d'attention aux soutiens naturels, à l'entraide et à l'accès aux besoins fondamentaux (logement, revenu, travail). Il reconnaît aussi explicitement la valeur des connaissances expérientielles. Le cadre a stimulé un développement considérable des politiques et des programmes dans tout le pays. Bien que les réalisations des provinces soient variables, on a constaté un progrès régulier quant à l'établissement de liens entre la santé mentale et le soutien communautaire général, une participation accrue des clients et des familles à la conception et à la prestation des services, et un meilleur soutien des organisations de clients et de familles. En fait certaines provinces sont maintenant dans le processus de fusioner leur programmes de santé mentale et d'alcoolisme et de toxicomanie.

La plus grande proportion des services de santé mentale primaires au Canada revient aux praticiens généralistes travaillant seuls, en groupe ou de concert avec des spécialistes, notamment les psychiatres, les psychologues, les travailleurs sociaux et les ergothérapeutes. Tous les services des praticiens généralistes et des psychiatres, y compris les services de santé mentale, sont pleinement assurés et financés par les fonds publics, à même les régimes provinciaux d'assurance-maladie. Ces régimes ne couvrent habituellement pas les services offerts par les autres professionnels de la santé mentale. Une étude ontarienne récente sur le recours aux praticiens généralistes et aux services psychiatriques en santé mentaleNote de bas de page 363 donne probablement une indication de la pratique dans tout le pays. En 1992-1993, les trois quarts des clients des services de santé mentale en Ontario on reçu les soins de médecins généralistes comparativement à environ 9 p. 100 qui les ont reçus de médecins généralistes et de psychiatres ensemble, et à 10 p. 100 qui ont reçu les services de psychiatres seulement. On constate au Canada un intérêt croissant pour l'établissement de modèles de soins partagés entre les généralistes et les psychiatres afin de rehausser la capacité du secteurs des soins primaires en santé mentaleNote de bas de page 364. Des relations de travail plus fortes et plus directes entre ces professionnels auront pour résultat un service mieux coordonné et plus économique.

Les hôpitaux psychiatriques provinciaux sont parmi les services qui sont financés directement par les divisions de la santé mentale des ministères de la santé provinciaux. Récemment, à mesure que de nouveaux modèles administratifs, par exemple la régionalisation, évoluaient, les hôpitaux psychiatriques provinciaux ont été retirés de l'administration gouvernementale directe et confiés à des sociétés autonomes ou placés sous l'égide des régies régionales de la santé. Les hôpitaux psychiatriques provinciaux ont été les principaux fournisseurs de lits de longue durée en santé mentale pour les personnes souffrant d'une maladie mentale grave et durable. Toutefois, un aspect uniforme de la réforme de la santé mentale dans toutes les provinces a été une réduction des lits dans ces grands établissements. Il y a eu une augmentation correspondante du rôle des unités psychiatriques des hôpitaux généraux pour offrir les soins aigus et l'intervention en situation de crise. Ces unités sont financées par les budgets généraux des hôpitaux. Les services de ces unités dans la plupart des provinces comprennent les soins hospitalisés, les soins ambulatoires, les soins de jour, les soins d'urgence et la consultationNote de bas de page 365,Note de bas de page 371. Le rôle des hôpitaux psychiatriques provinciaux concernant les soins hospitalisés se manifeste de plus en plus dans le domaine des soins tertiaires, c'est-à-dire qu'ils offrent des services de traitement et de réadaptation spécialisés pour les personnes dont les besoins sont trop complexes pour qu'on y réponde dans la collectivité.

Il existe une relation étroite et complexe entre le système de santé mentale et le système de justice pénale au Canada. D'après un important sondage auprès de 2 000 détenus, la prévalence des troubles mentaux et des troubles concomitants est élevée dans les prisons fédérales canadiennesNote de bas de page 366. Par exemple, le risque d'avoir eu au moins un épisode de maladie psychotique était de 10,4 p. 100 et l'incidence des troubles dépressifs était de 29,8 p. 100. Le taux de prévalence de toute une vie de la personnalité anti-sociale était de 74,9 p. 100, en appliquant des critères diagnostiques stricts. Jusqu'à 89 p. 100 de la population totale des détenus présentaient un profil de prévalence de la personnalité anti-sociale ou de toxicomanie ou dépendance. Il est reconnu dans le système correctionnel que les approches actuelles ne répondent généralement pas aux besoins spéciaux des détenus présentant des troubles concomitants. Les capacités et la volonté d'établir des modèles de traitement pour cette population sont variables. Certains obstacles sont les ressources. D'autres entraves sont le résultat de la masse critique des programmes étant donné que la population des détenus ayant besoin d'une intervention pour troubles concomitants n'est pas homogène. Néanmoins, il est nettement nécessaire dans le système correctionnel de former davantage les professionnels de la santé pour l'évaluation de l'alcoolisme et de la toxicomanie et intégrer les troubles mentaux à son traitement. Dans le système correctionnel fédéral canadien, une approche est d'avoir un élément ou un module de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie dans un programme de traitement en santé mentale. Toutefois, il n'existe aucune approche intégrée. Par contre, il n'y a aucun élément qui vise spécifiquement la maladie mentale dans les programmes de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie offerts dans les établissements ou aux contrevenants dans la collectivité.

En grande partie, cette section est tirée de Goering et coll.361

Plus notamment les services de santé mentale pour les autochtones, ceux du système correctionnel fédéral et de l'armée.

Le système de traitement de la toxicomanie

L'émergence du système officiel de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie au Canada et presque partout dans le monde industrialisé a été associée à une transition d'une perspective moraliste à une perspective axée sur la santéNote de bas de page 368Note de bas de page 373. Bien que les médecins, et dans une moindre mesure les psychiatres, aient joué un rôle important dans les programmes de traitement formel, ce sont les personnes recouvrant d'un trouble lié à la consommation de substances qui ont joué un rôle dominant dans la prestation des services dans la collectivité et par des programmes d'entraide comme les Alcooliques anonymes. Depuis les années 1960 et 1970, il y a eu un processus de professionnalisation du domaine et une adoption répandue d'un vaste modèle biopsychosocial de la dépendance. Au cours de cette même période, la domination de la profession médicale, et encore plus de la profession psychiatrique, a diminué dans la plupart des provinces. Par contre, le domaine de la santé mentale a été dominé encore plus par le modèle médical, et bien qu'il y ait eu une acceptation générale d'une approche de réadaptation psychosociale élargie et de services communautaires de santé mentale, la profession psychiatrique demeure plus étroitement reliée aux soins quotidiens par la nécessité d'une évaluation psychiatrique formelle pour établir le diagnostic et la prescription de la médication pour la gestion des symptômes.

Comme en santé mentale, la plupart des traitements des troubles liés à la consommation de substances sont maintenant financés directement par les gouvernements provinciaux et territoriaux, et indirectement par le gouvernement fédéral par les paiements de transfert. Le gouvernement fédéral offre un financement direct pour le traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie et les services de réadaptation à certains groupes spécifiques, notamment les autochtones des réserves, les membres de la GRC et des forces armées, et les détenus du système correctionnel fédéral. Le gouvernement fédéral parraine également deux programmes nationaux qui offrent des fonds aux provinces pour le traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie des femmes, des jeunes et des personnes handicapées. Ces programmes nécessitent une contribution égale des gouvernements provinciaux et territoriaux. À l'exception du Québec, il y a peu de programmes privés spécialisés qui demandent au client de payer le traitement.

Tout comme en santé mentale, les services d'alcoolisme et de toxicomanie ne sont pas offerts exclusivement par des programmes spécialisés. Par exemple, la gestion du sevrage peut avoir lieu dans un hôpital général, un centre spécialisé médical ou non médical, ou un service ambulatoire ou à domicile. Le counseling est offert par des fournisseurs de services humains aux compétences diverses qui se trouvent dans les écoles, en milieu de travail, dans les services sociaux communautaires, les hôpitaux, les services correctionnels ainsi que des services spécialisés de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Plusieurs généralistes offrent également des services de counseling et prescrivent des médicaments comme le naltrexone ou le disulfiram pour traiter les troubles liés à l'alcool. De plus en plus, les praticiens assument également la responsabilité de la prescription de la méthadone aux opiomanes. Les généralistes sont une importante ressource pour le counseling des troubles liés aux substances en milieu rural et éloigné où il y a peu de solutions de rechange.

En plus des services offerts par les systèmes de santé générale, sociaux et correctionnels, le counseling et le traitement des troubles liés aux substances sont offerts par des programmes spécialisés, ambulatoires, le jour, le soir ou en établissement. Bien que ces programmes soient parfois autonomes (relevant de leur conseil d'administration), plusieurs sont parrainés par des organismes communautaires ou des hôpitaux. Dans certaines provinces, ils sont exploités directement par le gouvernement, bien que ce soit maintenant l'exception plutôt que la règle. Les services correctionnels, fédéraux et provinciaux, offrent également des services de counseling et de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie aux contrevenants en probation, aux détenus et à ceux qui sont libérés. Dans tout le pays, on constate un écart considérable quant à la disponibilité et à l'accessibilité des différents types de programmes et quant aux types de traitements offerts. Dans certains cas, ces écarts reflètent des besoins locaux différents. Toutefois, les relations entre les besoins et les arrangements des services locaux sont souvent moins qu'optimales à cause de la limitation des ressources, du manque d'information pour planifier ou de l'enthousiasme relativement sans réserve de types particuliers de programmes et de services.

En général, le traitement offert par les services spécialisés est d'ordre non médical, sauf pour les programmes qui offrent au besoin l'évaluation médicale et psychiatrique générale et le soutien. Il est plus courant que les programmes se réfèrent à des services médicaux et psychiatriques extérieurs d'après l'information obtenue lors de la première évaluation. Certains programmes ont des médecins qui prescrivent de la méthadone aux opiomanes et des médicaments spéciaux aux alcooliques. On s'intéresse de plus en plus à l'utilisation du naltrexone pour le traitement des troubles liés à l'alcool.

Sauf pour les programmes tel que le programme d'entretien à la méthadone, certains programmes de traitement encouragent l'abstinence complète de la consommation d'alcool et d'autres drogues psychoactives. C'est particulièrement le cas des programmes qui considèrent l'alcoolisme et la toxicomanie comme une maladie. Toutefois, d'autres programmes sont basés sur des modèles d'apprentissage social de la consommation d'alcool et de drogues et ont des objectifs de réduction des méfaits qui n'exigent pas l'abstinence complète. Généralement, les objectifs de réduction des méfaits mettent l'accent sur la réduction de la consommation d'alcool et d'autres drogues pour réduire le risque de conséquences graves (p. ex., risque d'infection par le VIH et d'hépatite C à cause du partage des seringues) et à établir des améliorations pour d'autres aspects de la vie. Il est également reconnu généralement qu'un pourcentage important de personnes en traitement ont été invitées instamment à s'abstenir par des sources comme la famille ou l'employeur ou par les exigences plus formelles des tribunaux ou du système d'aide socialeNote de bas de page 220. Dans un système de traitement qui fonctionne avec un haut degré de contrôle social formel et informel, ce ne sont pas toutes les personnes dans le système qui sont très motivées à apporter des changements. Ainsi, on constate une utilisation croissante de l'entrevue de motivation, de la thérapie cognitivo-comportementale et de l'adaptation des services au « stade de changement » du client. Ces méthodes sont bien soutenues par la documentation de la recherche pour les troubles liés aux substancesNote de bas de page 12, et pour le traitement de nombreuses personnes présentant des troubles concomitantsNote de bas de page 35.

De nombreux programmes de traitement spécialisés et de nombreux conseillers en alcoolisme et en toxicomanie d'autres établissements encouragent les clients à participer à des groupes d'entraide comme les Alcooliques anonymes, Narcotiques anonymes et Cocaïne Anonyme. Ces programmes ont une perspective commune de « modèle de maladie » sur l'alcoolisme et la toxicomanie et préconisent une abstinence complète de l'alcool et d'autres drogues. Les groupes d'entraide sont entièrement autosuffisants et organisés par des personnes qui sont en guérison d'un problème de toxicomanie. Ils encouragent les membres à apprendre grâce à l'expérience des autres et à suivre un programme de rétablissement en 12 étapes. Les groupes tiennent des réunions dans toutes les grandes villes et dans de nombreuses collectivités rurales. Étant donné la façon de fonctionner de ces groupes (p. ex., respect absolu du principe d'anonymat), leur efficacité n'a pas été évaluée autant que pour les autres types de soutien. Bien que l'approche d'entraide ne soit pas appropiée à toutes les personnes qui demandent de l'aide (et ne prétend pas l'être), la recherche indique qu'elle a un rôle précis en conjonction avec des services et des modes de soutien plus formels dans le système de traitementNote de bas de page 226Note de bas de page 370Note de bas de page 371.

Les groupes d'entraide sont une importante ressource pour les personnes ayant des problèmes de dépendance aux substances et beaucoup plus de personnes participent à ces groupes plutôt que de demander de l'aide de programmes de traitement spécialisésNote de bas de page 82. Toutefois, la plupart des personnes ayant un problème d'alcool ou de drogues ne recherchent aucune sorte d'aide pour ce problèmeNote de bas de page 372Note de bas de page 373. Celles qui font appel aux services spécialisés tendent à éprouver des problèmes plus sérieux, bien que les personnes qui demandent un traitement soient un groupe très hétérogène. Certaines des personnes qui recherchent un traitement sont lourdement dépendantes de l'alcool ou d'autres drogues, mais d'autres le sont beaucoup moins. Certaines estimations indiquent qu'environ 50 p. 100 des clients de certains établissements satisfont aux critères du DSM-IV pour l'alcoolisme et la toxicomanie mais non pour la dépendanceNote de bas de page 374. Ainsi, on soutient de plus en plus les approches de réduction des méfaits et les objectifs de traitement sans abstinence adaptés à la sévérité de la concommation de substances et aux autres circonstances de la personneNote de bas de page 375. Bien que les niveaux et les habitudes de consommation d'alcool ou de drogues soient très variables dans les populations demandant un traitement, la polytoxicomanie (incluant l'alcool) est très courante. Les variations locales quant à la disponibilité de types de drogues spécifiques et les facteurs ethnoculturels locaux influencent les types de problèmes qui se présentent aux services de traitement.

Plusieurs organismes de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie adoptent une politique de porte ouverte, ils peuvent proposer des éléments de leur programme axés sur les besoins de sous-groupes particuliers (p. ex., femmes, jeunes, personnes séropositives et sidatiques, ou troubles concomitants). Dans d'autres cas, l'ensemble de l'organisme peut viser une population particulière (p. ex., centre de gestion du sevrage pour femmes, agence de traitement ambulatoire des jeunes). Cette spécialisation est courante mais également très variable dans et entre les régions.

Un accent majeur des efforts pour améliorer les services de traitement de la toxicomanie a porté sur un continuum de services - gestion du sevrage, intervention brève, évaluation complète, traitement ambulatoire ou de jour plus intensif, traitement en établissement à court terme ou à plus long terme, traitement continu. Il se manifeste également un intérêt considérable pour le diagnostic et l'intervention précoces. L'établissement d'arrangements efficaces de gestion de temps est également une importante préoccupation. On s'intéresse beaucoup à la mise au point et à la mise en oeuvre de protocoles d'évaluation plus standardisés et de critères de placement qui viseraient une utilisation plus optimale des ressources disponibles, par exemple, en aiguillant les personnes ayant des problèmes plus graves vers les établissements de traitement plus intensifNote de bas de page 376. Cependant, contrairement au système de traitement géré aux États-Unis qui contrôle l'accès au traitement avec des critères de placement recommandés par l'American Society of Addiction MedicineNote de bas de page 122, ces critères de placement sont appliqués actuellement au Canada de façon plus volontaire.

Cela ne veut pas dire que la profession médicale et psychiatrique ne continue pas de jouer un rôle très important. Toutefois, ces professionnels ne dominent pas les initiatives de planification ou d'orientation en matière d'alcoolisme et de toxicomanie ou la prestation directe des services dans la plupart des provinces et territoires.

Annexe E Termes pour le dépistage de l'alcoolisme et de la toxicomanie et de la santé mentale

  1. La sensibilité d'un protocole de dépistage a trait à sa capacité de dépister l'affection ou le problème de santé qu'il vise à dépisterNote de bas de page 377. Un protocole très sensible pour la santé mentale ou l'alcoolisme et la toxicomanie ne manquera donc pas trop de personnes présentant un trouble de santé mentale ou de toxicomanie, tel que déterminé par une évaluation diagnostique subséquente.
  2. La spécificité d'un protocole de dépistage a trait à sa capacité d'éviter de dire que quelqu'un peut avoir le problème de santé alors qu'en fait, il ne l'a pasNote de bas de page 377. Un protocole très spécifique pour la santé mentale ou l'alcoolisme et la toxicomanie n'identifiera donc pas trop de personnes comme ayant un trouble de santé mentale ou lié à la consommation de substances seulement pour que cette assertion soit renversée par l'évaluation diagnostique subséquente.
  3. Bien que l'objectif soit habituellement de mettre au point des protocoles de dépistage qui sont à la fois très sensibles et très spécifiques, on peut réduire la sensibilité élevée et appliquer plus tard l'évaluation pour détecter les « faux positifs ». Toutefois, si l'évaluation subséquente de nombreux faux positifs est considérée inappropriée (p. ex., trop coûteuse), on choisirait une spécificité supérieure. Normalement, on essaie d'établir un équilibre.
  4. La sensibilité et la spécificité ne disent toutefois qu'une partie de l'histoire au sujet des caractéristiques opérationnelles d'un protocole de dépistage. Il est également important de déterminer la « valeur prédictive » d'un protocole de dépistageNote de bas de page 377. La valeur prédictive positive se rapporte à la probabilité d'être positif quant à la mesure du critère si on est identifié à risque par le protocole de dépistage; la valeur prédictive négative se rapporte à la probabilité d'être négatif quant à la mesure du critère si on est identifié comme n'étant pas à risque par le protocole de dépistage. Cela signifie qu'un protocole présentant un certain degré de sensibilité et de spécificité fonctionnera en réalité mieux ou moins bien lorsqu'il est appliqué dans des établissements qui diffèrent considérablement quant à la prévalence du problème de santé dépisté. Ainsi, un protocole de dépistage de l'alcoolisme et de la toxicomanie peut avoir une valeur prédictive supérieure s'il est appliqué, par exemple, dans un établissement offrant des services aux sans-abri où un pourcentage très élevé des personnes consommant des substances, comparativement à un programme d'intervention pour la schizophrénie où le pourcentage n'est pas aussi élevé. Donc, un protocole de dépistage qui « fonctionne »pour un établissement ou un sous-groupe peut ne pas être le meilleur choix pour un autre.
  5. Il y a une distinction importante entre « dépistage démographique », où tout le monde dans le service auraient les questions ou les procédures de dépistage et le « dépistage stratégique », selon lequel les questions ou procédures ne s'appliquent qu'à certains sous-groupes dont on croit déjà qu'ils sont à risque supérieur. Cela nous ramène à la question de la valeur prédictive susmentionnée - le rendement sera supérieur si on utilise le protocole de dépistage avec les sous-groupes présentant la plus grande prévalence du problème. Le choix entre le dépistage démographique et le dépistage stratégique est souvent une question de ressources disponibles, et les conséquences de ne pas dépister des personnes qui devraient en réalité être dépistées positivement pour une évaluation diagnostique ultérieure. Les conséquences de ne pas dépister un trouble lié à l'alcoolisme et à la toxicomanie peuvent être très importantes pour certains troubles mentaux comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires.

Annexe F Liste des conséquences fréquentes liées à l'usage de l'alcool et des autres drogues

Consequence
Exemples
 
 
Difficultés à se loger
Expulsion de l'appartement, du foyer de groupe ou du noyau familial
 
 
Réapparition de symptômes manifestement non liée aux agents de stress de la vie
Hausse des symptômes psychotiques, aggravation de la dépression, manie
 
 
Traitements non suivis
Ne pas se présenter aux rendez-vous (de médication ou cliniques)
 
 
Comportements violents ou menaces de violence
Être impliqué dans des bagarres, lancer des objets, blasphémer contre les autres
 
 
Sautes d'humeur
Dépression et désespoir, colère, euphorie, angoisse/inquiétude/anxiété, humeur expansive
 
 
Idées suicidaires ou
tentatives de suicide
Songer à s'infliger des blessures ou à se donner la mort ou en parler, envisager la mort, élaborer des plans visant à se blesser
 
 
Déficiences intellectuelles
Confusion accrue, troubles de la mémoire, difficulté de planification à long terme non liée à une réapparition de symptômes causés par le stress
 
 
Difficultés à établir un
budget
Tentatives répétées d'emprunts, vol d'argent, mise en gage de ses effets personnels ou de ceux des autres
 
 
Prostitution
Offrir des faveurs sexuelles pour obtenir de l'argent, de la nourriture, des vêtements ou de l'alcool/des drogues
 
 
Isolement social
Éviter les gens de plus en plus fréquemment
 
 
Troubles sociaux
Disputes fréquentes avec les membres de sa famille et ses amis
 
 
Difficultés liées à l'emploi
Retards fréquents ou taux d'absentéisme élevé, disputes avec l'employeur ou les collègues de travail, diminution de salaire, perte d'emploi
 
 
Problèmes d'hygiène et
de santé
Dégradation de l'hygiène personnelle et de l'apparence, troubles médicaux, perte de poids
 
 
Problèmes judiciaires
Arrestations pour inconduite, conduite avec facultés affaiblies, possession de drogues illicites, vol à l'étalage

Annexe G Outils et interventions pour travailler avec les personnes éprouvant des troubles concomitants d'alcoolisme et de toxicamanie et des troubles mentaux graves et persistants (de Muuser et al., à l'impressionNote de bas de page 44)

Obstacles communs à l'évaluation et aux solutions pour la maladie mentale grave et l'alcoolisme et la toxicomanie concomitantes

Obstacles
Solution
 
 
Difficulté d'obtenir l'histoire appropriée
Demander au client directement s'il consomme et quelles en sont les conséquences, en commençant par la consommation antérieure.
 
 
Négation et minimisation
S'attendre à la négation et à la minimisation et puiser à d'autres sources d'information sur la toxicomanie du client.
 
 
Confusion sur les effets de la consommation de substances
Explorer les associations entre l'alcoolisme et la toxicomanie et le cours de la maladie psychiatrique; si le client consomme des substances, assumer que les problèmes de fonctionnement sont associés à l'alcoolisme et la toxicomanie, du moins partiellement
 
 
Distinction du trouble mental-toxicomanie primaire et secondaire
Considérer l'alcoolisme et la toxicomanie et la maladie mentale comme des troubles
« primaires »
 
 
Distorsions cognitives, psychotiques et associées à l'humeur
Être conscient des distorsions possibles sans écarter toutes les déclarations du client; rechercher d'autres sources d'information sur l'alcoolisme et la toxicomanie du client
 
 
Historique de sanctions
Discuter ouvertement des responsabilités légales du clinicien, des préoccupations du client concernant les aspects juridiques et du contrôle sur les finances du client.
 
 
Stade précédant la motivation
Reconnaître qu'une faible motivation est courante au début du traitement pour un double diagnostic et chercher à engager le client activement.
 
 
Normes différentes pour le trouble de consommation de substances
Se rappeler que le client peut faire l'expérience de conséquences néfastes attribuables aux quantités d'alcool et de drogues inférieures aux personnes ne souffrant pas d'une maladie psychiatrique; la qualité de la consommation de substances est moins importante que ses conséquences
 
 

Interventions possibles aux différents stades du traitement

Stade du traitement

Gestion de cas

Engagement: X

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Stade du traitement

Travail familial

Engagement: X

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Stade du traitement

Traitement pharmacologique

Engagement: X

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Stade du traitement

Affirmation de soi

Engagement: X

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute

Stade du traitement

Interventions coercitives ou involontaires

Engagement: X

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute

Stade du traitement

Programmes en établissement

Engagement

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute

Stade du traitement

Entrevue de motivation

Engagement

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Stade du traitement

Groupes de persuasion

Engagement

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute

Stade du traitement

Counseling cognitivo-comportemental

Engagement

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Stade du traitement

Formation sur les aptitudes sociales

Engagement

Persuasion: X

Traitement actif: X

Réadaptation professionnelle

Stade du traitement

Réadaptation professionnelle

Engagement

Persuasion: X

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Stade du traitement

Groupes de traitement actif

Engagement

Persuasion

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Stade du traitement

Groupes d'entraide

Engagement

Persuasion

Traitement actif: X

Prévention de la rechute: X

Annexe H Liste de sujets à l'intention des groupes de discussion

Liste de sujets à l'intention des groupes de discussion

  1. J'aimerais qu'on commence, chacun notre tour, par dire notre nom et ce qui nous a amené ici aujourd'hui ?
  2. En vous référant à votre expérience, que ce soit dans les systèmes de santé mentale ou de toxicomanie, quand une personne reconnaît qu'elle a besoin d'aide pour la consommation de drogues, d'alcool ou pour ses troubles mentaux, quels sont les problèmes auxquels on doit faire face quand on cherche l'aide dont on a besoin ?
    Explorer :
    liste d'attente;
    pas de programmes pour les doubles problématiques;
    être renvoyé d'un système à l'autre;
    problèmes de transport;
    dédoublement des évaluations;
    qu'est-ce que vous en pensez ?
  3. Comment se sentent les gens à propos ....
    liste d'attente;
    pas de programmes pour les doubles problématiques;
    être renvoyé d'un système à l'autre;
    problèmes de transport;
    dédoublement des évaluations.
    Explorer :
    contrariété;
    peur;
    colère;
    déception.
  4. Lorsque vous étiez en traitement pour des problèmes de santé mentale, comment les intervenants traitaient-ils vos problèmes de consommation ?
    Explorer :
    Y avait-il des questions sur vos habitudes de consommation de drogues ou d'alcool ?
    Pourquoi croyez-vous que les questions sur ces problèmes n'ont pas été posées ?
    Comment ces questions ont-elles été posées ?
    Comment réagissent les gens au sujet de la consommation d'alcool et de drogues ?
    Qu'est-ce qui amènerait quelqu'un à ne pas révéler ces informations ?
    Qu'est-ce qui aiderait les gens à les révéler ?
  5. Lorsque vous êtes en traitement pour des problèmes de consommation d'alcool ou de drogues, comment les intervenants traitent-ils vos problèmes de santé mentale comme la dépression, l'anxiété, ou le stress.
    Explorer :
    Y a-t-il des questions qui portent sur vos problèmes de santé mentale et votre diagnostic ?
    Pour quelles raisons, selon vous, ces questions ne sont pas posées ?
    Comment ces questions sont-elles posées ?
    Comment réagissent les gens au sujet de vos problèmes de santé mentale ?
    Qu'est-ce qui vous inciterait à ne pas révéler ces problèmes ?
    Qu'est-ce qui aiderait les gens à les révéler ?
  6. Pensez aux gens aux prises avec des problèmes de santé mentale et de consommation de drogues ou d'alcool. Croyez-vous que leur entourage, les gens qui leur donnent du soutien, connaissent leurs deux problématiques ? Les gens qui offrent du soutien peuvent être la famille, les amis, les intervenants ou toute autre personne importante.
    Explorer :
    Croyez-vous que les gens qui vous soutiennent comprennent les deux problématiques ? Si non, pourquoi pas ?
    Est-ce que les gens obtiennent le soutien dont ils ont besoin pour les deux problématiques ? Si non, pourquoi pas ?
    Qu'est-ce qui inciterait les gens à ne pas révéler les deux problèmes ?
    Qu'est-ce qui faciliterait la révélation des deux problématiques ?
  7. Pensez à votre expérience en traitement ou à votre suivi, qu'est-ce qui a été le plus efficace ou utile ? Qu'est-ce qui vous a nuit le plus et comment les choses auraient pu être mieux ?
  8. Nous essayons d'améliorer le traitement et le soutien pour les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale et des problèmes de consommation d'alcool ou de drogues, quels conseils auriez-vous pour nous ?

Annexe I Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes (de Mueser et al., à l'impressionNote de bas de page 44)

Échelle de fidélité de traitements intégré des troubles concomitants

Directives

La présente échelle porte sur 16 éléments essentiels à l'intégration du traitement pour les personnes atteintes de troubles concomitants. Elle servira à la détermination des forces et des lacunes des programmes ou des systèmes de soins de santé actuels. On peut la remplir en se fondant sur les données d'un seul centre ou programme de traitement ou en s'inspirant de la panoplie de programmes et de services qui composent l'ensemble d'un système. Pour remplir l'échelle, on utilise les données recueillies au cours d'entrevues avec les cliniciens ou les gestionnaires de programmes ainsi qu'à la suite de l'examen des dossiers cliniques.

Les formulaires se divisent en trois parties qui comprennent : 1) des échelles sur cinq points qui servent à l'attribution d'une cote à chacune des 16 composantes de traitement; 2) les définitions, les sources d'information et les questions exploratoires pour chacune des composantes; 3) une fiche de pointage qui réunit l'ensemble des cotes.

Un pointage élevé correspond à un niveau de fidélité supérieur aux principes d'intégration des traitements. Ainsi, une cote finale de 73 indique un niveau de fidélité élevé; entre 56 et 72, un niveau raisonnable; égal ou inférieur à 55, un niveau faible.

 La traduction du texte de cette échelle n'est pas la traduction officielle de l'auteur.

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

1. Intégration des services de traitement des troubles concomitants (TC)

  1. Prestation de services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie et de la maladie mentale par divers cliniciens recontrés une foir par mois ou moins
  2. Prestation de services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie et de la maladie mentale par divers cliniciens recontrés une foir par mois ou moins
  3. Au sein de l'organisme ou de l'équipe, certains cliniciens traitent les problèmes de santé mentale alors que d'autres traitent les problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie
  4. Au sein de l'organisme ou de l'équipe, les cliniciens qui traitent une ou deux affections fournissent chacun une partie des services de traitment des TC
  5. Prestation de services de traitement des TC par un clinicien ou une équipe qui traite les deux affections

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

2. Exhaustivité des services de traitement des TC au domicile; dans la famile; formation axés sur les compétences; professionnel; TCA.

  1. Absence de prestation de service ou prestation d'un seule des services inscrit
  2. Prestation de deux des services inscrit
  3. Prestation de trois des services inscrit
  4. Prestation de quatre des services inscrit
  5. Prestation de cinq des services inscrit

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

3. Services de traitement des TC sane contrainte de temps

  1. Contrainte maximale d'un an pour la prestation de services de traitement des TC.
  2. Contrainte d'un à deux ans pour la prestation de services de traitement des TC.
  3. Contrainte de plus de deux ans pour la prestation de services de traitement des TC.
  4. Aucune contrainte de temp pour la prestation de services de traitement des TC, mais on incite les personnes à cesser d'utiliser ces services
  5. Aucune contrainte de temp pour la prestation de services de traitement des TC; aucune attend exigée des personnes pour aller de l'avant

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

4. Capacité d'extension des services pour les clients atteints de TC.

  1. Extensions des services occassionelle ou inexistante
  2. Extensions des services en cas de situations d'urgence
  3. Extensions des services pour des fin de contrôle des medicaments et des symptômes
  4. Extensions des services de façon régulière afin de répondre aux besoins fondamentaux alimentaires, vestimentaires et de logement la moitié du temps s'il y a lieu
  5. Extensions des services de façon régulière afin de répondre aux besoins fondamentaux ainsi que pour développer et maintenir une alliance thérapeutique 75 % du temps s'il y a lieu

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

5. Ratio client-clinicien

  1. Plus de 50 clients
  2. Entre 40 et 50 clients
  3. Entre 30 et 40 clients
  4. Entre 20 et 30 clients
  5. 20 clients ou moins

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

6. Evaluation complete des clients atteints de TC.

  1. Aucune des troubles évalués avec spécificitié
  2. Specificitie partielle dans évaluation d'une seule des affections; absence d'évaluation de la seconde affection.
  3. Évaluation des deux affections; bonne spécificitié dans l'examen d'une des affections.
  4. Évaluation des deux affections avec bonne spécificitié mais pas d'intégration
  5. Évaluation des deux affections et un peu d'intégration

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

7. Un plan de traitement unique pour les deux affections

  1. Les plans de traitement ont tenu compte des deux affections dans une proportion inférieure à 25 %
  2. Les plans de traitement ont tenu compte des deux affections dans une proportion qui varie entre 25 % et 75 %
  3. Les plans de traitement ont tenu compte des deux affections dans une proportion de plus de 75 % même si leur spécificitié et leur intégration sont insuffisantes.
  4. Les plans de traitement ont tenu compte des deux affections dans une proportion supérieure à 75 %; bonne spécificitié
  5. Les plans de traitement ont tenu compte des deux affections dans une proportion supérieure à 75 %; bonne spécificitié et intégration.

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

8. Plans d'urgence pour les clients atteints de TC.

  1. Absence de plan d'urgence pour les deux affections.
  2. Plans d'urgence pour une mais pas l'autre des affections
  3. Plans d'urgence pour chacune des affections
  4. Le plan d'urgence visent le traitement de l'alcoolisme et la toxicomanie et de la maladie mentale dans une proportion qui varie entre 25 et 75 %
  5. Le plan d'urgence visent le traitement de l'alcoolisme et la toxicomanie et de la maladie mentale plus de 75 % du temps

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

9. Traitement par étapes pour les clients attients de TC.

  1. Les interventions ne se font pas selon les étapes
  2. Certaines interventions correspondent au niveau de motivation du client, mais ne démontrent pas une compréhension des niveaux
  3. De nombreuses interventions correspondent au niveau de motivation du client, mais ne démontrent pas une compréhension des niveaux
  4. Le plan d'urgence visent le traitement de l'alcoolisme et la toxicomanie et de la maladie mentale dans une proportion qui varie entre 25 et 75 %
  5. Le plan d'urgence visent le traitement de l'alcoolisme et la toxicomanie et de la maladie mentale plus de 75 % du temps

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

10. Traitement intégré de groupe pour les clients atteints de TC.

  1. Absence de groupes auxquels peuvents participer les clients atteints de TC.
  2. Il existe des groupes pour une seule des deux affections
  3. Il existe des groupes distincts pour chacune des affections, mais mais il n'y a aucune intégration des affections dans les groupes
  4. Il existe des groupes distincts pour chacune des affections mais l'autre affection est discutée dans le groupe
  5. Il existe des groupes intégrés pour lesquels les deux affections font l'objet du traitement.

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

11. Types de groupes intégrés :

  • sensibilisation
  • persuasion
  • traitement actif
  • formation en aptitudes sociales
  • prévention des rechutes
  1. Aucun groupe
  2. Un type de groupe
  3. Deux types de groupe
  4. Trois type de groupe
  5. Quatre type de groupe ou plus

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

12. Séances individuelles de counseling pour le client atteint de TC :

  • entrevue motivationelle
  • counseling cognitivo-comportemental
  1. Pas de séances individuelles de counseling pour les alcooliques et les toxicomanes
  2. Tenue de séances individuelles de counseling pour les alcooliques et les toxicomanes dans une proportion de 25 %
  3. Tenue de séances individuelles de counseling pour les alcooliques et les toxicomanes dans une proportion de 75 %
  4. Tenue d'une type de séances individuelles de counseling pour les alcooliques et les toxicomanes dans une proportion de 75 % et d'un autre type de séances dans 25 % des cas.
  5. Tenue des deux types séances individuelles de counseling pour les alcooliques et les toxicomanes dans une proportion de 75 %

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

13. Interventions familiale auprés des clients atteints de TC et de leurs familles

  1. Moins de 20 % des familles qui on gardé contact avec les clients reçoivent des services.
  2. Les familles des clients qui on gardé contact avec ces derniers reçoivent des services dans une proportion qui varie entre 20 et 40 %
  3. Les familles des clients qui on gardé contact avec ces derniers reçoivent des services dans une proportion qui varie entre 40 et 60 %
  4. Les familles des clients qui on gardé contact avec ces derniers reçoivent des services dans une proportion égale ou supérieure à 60 %; on n'utilise cependant aucun programme ou manuel normalisé
  5. Les familles des clients qui on gardé contact avec ces derniers reçoivent des services selon un programme ou manuel normalisé dans une proportion égale ou supérieure à 60 %

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

14. Traitements pharmacologiques pour les clients atteints de TC.

  1. Les traitements pharmacologiques pour la maladie mentale ne sont pas disponible (ou pas souvent disponibles) pour les clients qui consomment une/des substances de façon active
  2. Les traitements pharmacologiques pour la maladie mentale ne sont souvent pas prodigués aux clients qui consomment une/des substances de façon active
  3. Les traitements pharmacologiques pour la maladie mentale ne sont de temps en temps prodigués aux clients qui consomment une/des substances de façon active
  4. Les traitements pharmacologiques pour la maladie mentale sont habituellement prodigués aux clients qui consomment une/des substances de façon active
  5. Les traitements pharmacologiques pour la maladie mentale sont régulièrement prodigués aux clients qui consomment une/des substances de façon active

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

15. Interventions involontaires auprés des clients atteints de TC.

  1. Aucun recours à des interventions involuntaires
  2. Recours à au moins une intervention involuntaire
  3. Recours de façon régulière à au moins deux interventions involuntaires.
  4. Recours de façon régulière à au moins trois interventions involuntaires.
  5. Les quatres types d'interventions involuntaires sont utilisés régulièrement

Échelle de fidélité aux principes d'intégration des programmes
Échelle de pointage sur cinq

16. Coordination des services d'aide

  1. On ne dirige aucun client atteint de TC vers des services d'aide dans la collectivité
  2. On dirige occassionellement les clients atteints de TC vers des services d'aide
  3. On dirige souvent les clients atteints de TC vers des groupes d'aide
  4. On dirige couramments des clients atteints de TC vers des groupes d'aide; des cliniciens peuvent les y accompagner.
  5. Un organisme charge de la coordination des services d'aide dirige les clients atteints de TC vers des groupes d'aide.

Échelle de fidélité de traitement intégré des troubles concomitants

Feuille de pointage

Centre :

Personne interrogée — Nom : Poste :

Dates :

Nombre de dossiers examinés :

Évaluateur :

Pointage

I. Facteurs organisationnels

1. Intégration des services 1 2 3 4 5

2. Exhaustivité des services 1 2 3 4 5

3. Services sans contrainte de temps 1 2 3 4 5

4. Extension des services 1 2 3 4 5

5. Ratio client-clinicien 1 2 3 4 5

II. Évaluation et planification du traitement

6. Évaluation complète 1 2 3 4 5

7. Plan de traitement 1 2 3 4 5

8. Plan d'urgence 1 2 3 4 5

9. Interventions par étapes 1 2 3 4 5

III. Modalités du traitement thérapeutique

10. Traitement intégré en groupe 1 2 3 4 5

11. Type de traitement intégré en groupe 1 2 3 4 5

12. Séances individuelles de counseling 1 2 3 4 5

13. Intervention auprès de la famille 1 2 3 4 5

14. Interventions pharmacologiques 1 2 3 4 5

IV. Autres interventions

15. Interventions involontaires 1 2 3 4 5

16. Groupes d'aide 1 2 3 4 5

Total Score

Références

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