Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien

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Organisation : L’agence de la santé publique du Canada

Date publiée : 2017-09-05

Résumé

Les infections résistantes aux antimicrobiens deviennent de plus en plus fréquentes et difficiles à traiter. L’utilisation généralisée des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire et dans le secteur agricole est un déterminant important de l’émergence de bactéries résistantes.

Les antimicrobiens sont un outil essentiel contre les infections tant chez les humains que chez les animaux, mais sont en train de perdre de leur efficacité plus rapidement que notre capacité à mettre au point de nouveaux médicaments ou d’autres traitements, ce qui a des conséquences importantes sur la santé des humains, la santé des animaux, la salubrité des aliments, l’environnement et l’économie. Le Canada doit prendre des mesures coordonnées à l’échelle du pays et mondialement pour ralentir cette tendance à la hausse de la résistance aux antimicrobiens (RAM), réduire au minimum ses répercussions et préserver l’efficacité des antimicrobiens actuels et futurs.

Le Canada participe activement aux efforts mondiaux visant à combattre la RAM et s’est engagé à apporter un soutien multisectoriel à la mise en œuvre du Plan d’action mondial sur la RAM de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et à l’élaboration de son propre plan pour faire face à cet enjeu. Le présent document, Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d'action pancanadien, décrit le contexte et les bases qui serviront à orienter une approche pancanadienne.

Ce cadre est ancré dans une approche Une seule santé qui reconnaît les liens entre les humains, les animaux et l’environnement. Étant donné la complexité de la RAM, des mesures coordonnées sont nécessaires entre les nombreux acteurs du Canada ayant une responsabilité à ce sujet : les gouvernements, les partenaires publics et privés et le grand public dans les secteurs humains, animaux et de l’environnement. Pour garantir une collaboration et une responsabilisation transsectorielles, ce cadre a été élaboré avec la participation des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (FPT), du milieu universitaire, des organismes non gouvernementaux (ONG), de l’industrie et des experts en la matière dans les secteurs de la santé humaine, de la santé animale et de l’agriculture à tous les niveaux. Son élaboration a été facilitée par une structure de gouvernance dédiée, composée d’un comité de sous-ministres champions, d’un comité directeur FPT de hauts représentants gouvernementaux et de groupes de travail formés d’experts dans ce domaine.

L’objectif général du cadre est de renforcer la capacité du Canada à lutter contre les risques de la RAM de manière coordonnée, multisectorielle et efficace.

Bien que tous les types d’antimicrobiens (p. ex., les antifongiques, antivirus, antiparasites) soient essentiels pour traiter les infections, le cadre se centre sur la résistance des bactéries aux antibiotiques. Cette question est des plus préoccupantes et justifie de prendre des mesures urgentes, étant donné la menace importante qu’elle représente pour la santé des humains et des animaux. Les aspects liés à la santé humaine et à la santé animale de l’approche Une seule santé sont l’axe initial du cadre. Au fur et à mesure que les travaux progresseront dans ces secteurs, l’aspect environnemental sera pris en considération.

Le cadre comporte quatre éléments :

  • la surveillance;
  • la prévention et le contrôle des infections;
  • l’intendance;
  • la recherche et l’innovation.

Le cadre repose sur des travaux qui se déroulent déjà concernant la RAM dans les secteurs de la santé humaine et animale et il s’efforce d’assembler toutes ces pièces. Sa mise en œuvre exigera une mobilisation continue et des mesures engagées par les gouvernements, l’industrie et les intervenants dans ces quatre éléments pour permettre au Canada de réaliser une intervention efficace et durable à l’égard de la RAM. Ce cadre sert de base pour stimuler les actions et la collaboration parmi les partenaires dans les secteurs de la santé humaine et animale, réduire au minimum l’incidence de la RAM et veiller à ce que les antimicrobiens continuent d’être un outil efficace dans la protection de la santé des Canadiens. Ces mesures seront déterminées lors de l’élaboration ultérieure du Plan d’action pancanadien, qui établira de manière concrète l’ensemble des livrables attendus, des résultats quantifiables et des délais.

Table des matières

1. Introduction

1.1 Définition du problème

Les infections résistantes aux antimicrobiens deviennent plus fréquentes et sont de plus en plus difficiles à traiter et, par conséquent, la résistance aux antimicrobiens (RAM) est maintenant considérée comme une menace croissante pour la santé au Canada et dans le monde entierNote de bas de page 1. Sans intervention, la RAM pourrait causer un retour à l’époque d’avant les antibiotiques où les infections courantes deviendraient de nouveau incurables avec des conséquences graves sur la santé mondiale, y compris celle des Canadiens.

Les antimicrobiens sont des substances naturelles ou synthétiques capables de tuer des microorganismes ou d'empêcher leur croissance.

Les antibiotiques sont un type d’antimicrobien utilisés pour traiter les infections causées par des bactéries.

La RAM a lieu lorsque des microbes (p. ex., des bactéries, virus, parasites et champignons) évoluent de sorte à réduire ou à éliminer l’efficacité des médicaments antimicrobiens (p. ex., les antibiotiques, antiviraux, antifongiques et antiparasites) dans le traitement des infections en stoppant ou en ralentissant la croissance des antimicrobiens. Lorsque des microbes sont exposés à des antimicrobiens, ils s’adaptent et deviennent plus résistants, augmentant ainsi la RAM chez les humains, les animaux, les cultures et dans l’environnement (p. ex., l’eau, les sols)Note de bas de page 2 par une exposition aux eaux usées, aux produits de consommation et au fumier. Il existe également de nombreux facteurs sociaux et environnementaux qui contribuent à l’augmentation des taux de RAM : la mauvaise hygiène, les pratiques de prévention et de contrôle des infections inappropriées, le manque de sensibilisation et de connaissances sur la RAM et sur une bonne utilisation des antimicrobiens (UAM), l’accès insuffisant aux services de santé, le surpeuplement et le manque d’eau potable.

Depuis leur introduction dans les années 1940, les antimicrobiens ont révolutionné la médecine moderne en ce qui concerne le traitement des maladies infectieuses chez les humains, les animaux et les plantes. En outre, l’application d’antimicrobiens a permis une production plus intensive d’animaux destinés à l’alimentation afin de satisfaire à une demande mondiale croissante en protéines animales. Cependant, au cours des dernières décennies, les antimicrobiens sont devenus moins efficaces dans le traitement des infections à l’échelle mondiale, en particulier les antibiotiques utilisés pour traiter les infections bactériennes. En raison de leur utilisation généralisée en médecine humaine et vétérinaire et dans les milieux agricoles, les antimicrobiens sont devenus l’une des principales causes de l’accélération du développement et de la propagation de la RAM. Les infections résistantes aux antimicrobiens progressent plus rapidement que la mise au point de nouveaux médicaments et de thérapies ou d’outils parallèles, ce qui pose un grave défi. Le Canada et la communauté internationale doivent prendre des mesures urgentes pour contrer les effets potentiellement dévastateurs de l’émergence et de la propagation de la RAM.

Entre 1935 et 1968, quatorze nouvelles classes d’antibiotiques ont été créées pour usage humain; mais depuis, seulement cinq d’entre elles ont été introduites. La nécessité de limiter l’UAM pour conserver l’efficacité des antimicrobiens rend leur développement moins souhaitable sur le plan commercial, et ce facteur – combiné au processus long et coûteux de commercialisation, de développement et de recherche – signifie que peu de nouveaux produits sont entrés sur le marché.

Figure 1 : Comment la RAM se développe
Figure 1
Figure 1 - Description textuel

La figure 1 représente la façon dont : 1) les bactéries causent une infection 2) des antibiotiques sont administrés pour tuer les bactéries 3) certaines bactéries responsables de la maladie résistent au traitement antibiotique 4) les bactéries résistantes continuent à se multiplier et causent une infection nécessitant l'administration d'antibiotiques pour traiter l'infection et l'empêcher de se propager.

Sans antimicrobiens efficaces, notre capacité à lutter contre les maladies infectieuses pourrait diminuer considérablement. Les infections graves pourraient devenir impossibles à traiter; les maladies, plus longues et plus graves; les traitements, plus chers et toxiques; et le risque de décès pourrait augmenter. Si les infections ne pouvaient pas être prévenues ou traitées, des traitements comme les greffes d’organes, la chimiothérapie contre le cancer et les chirurgies majeures (p. ex., accouchements par césarienne ou arthroplastie de la hanche et du genou) pourraient devenir si risqués qu’ils ne seraient pas facilement accessibles.Note de bas de page 1

L’Organisation de coopération et de développement économiques estime que jusqu’à 50 % des infections humaines dans les pays du G7 peuvent être résistantes aux antibiotiques courants et souligne que les patients souffrant d’infections résistantes ont un taux de mortalité et un niveau de risques de complications deux à trois fois plus élevésNote de bas de page 3. Selon les prévisions de la Banque mondiale, d’ici 2050, de graves répercussions de la RAM pourraient réduire le produit intérieur brut mondial de l’ordre de 3,8 % et 24 millions de personnes supplémentaires pourraient sombrer dans la pauvretéNote de bas de page 4 si rien n’est fait.

Les infections résistantes aux antimicrobiens ont des répercussions importantes sur la santé humaine et animale et potentiellement sur l’économie. Le fardeau économique de la RAM comprend les effets sur les systèmes de soins de santé et sur la productivité de la main-d’œuvre en raison de l’augmentation des coûts de traitement des patients, de la plus longue durée des maladies et des cas de décès accrusNote de bas de page 5. Les personnes malades souffrant d’infections pharmacorésistantes ne sont souvent pas en mesure de travailler et, par conséquent, elles subissent des pertes de revenus et contribuent à une diminution générale de la productivité.

L’analyse économique de l’étude sur la résistance aux antimicrobiens réalisée au Royaume-Uni estime que 700 000 personnes décèdent à l’échelle mondiale des suites d’infections liées à la RAM chaque année. D’ici 2050, ces infections devraient augmenter pour atteindre 10 millions de pertes humaines chaque année. Des retombées économiques mondiales cumulatives de cent mille milliards de dollars US sont à risque en raison de l’augmentation des infections pharmacorésistantesNote de bas de page 6.

L’utilisation appropriée des antimicrobiens dans le secteur agricole (p. ex., dans les productions animales et dans les cultures) joue un rôle clé pour garantir la santé des animaux destinés à l’alimentation et promouvoir la santé de la population canadienne en améliorant l’accès à des aliments sains et sûrs à des prix concurrentiels. Puisque le commerce international de produits d’origine animale et de sous-produits alimentaires constitue une composante essentielle du secteur agricole au Canada, le respect continu des normes internationales et des mesures réglementaires relatives à la RAM et à l’UAM est essentiel pour l’industrie et les gouvernements. Certaines données probantes suggèrent aussi que plusieurs microorganismes animaux qui provoquent des infections développent une résistance croissante aux antimicrobiens fréquemment utilisés, ce qui pose un risque à la santé et au bien-être des animauxNote de bas de page 7.

L’augmentation des pressions sociales et du marché pousse les producteurs de bétail canadiens à utiliser une quantité moindre d’antimicrobiens afin de répondre à l’évolution des exigences du marché international, de satisfaire à la demande des consommateurs et de soutenir la santé publique. À cet égard, l’industrie des produits d’origine animale s’engage déjà à adopter des pratiques liées à l’UAM socialement responsables. Pour s’attaquer aux défis de la RAM, des approches de gestion et de traitements efficaces doivent être mises en œuvre afin de démontrer une utilisation appropriée des antimicrobiens et d’assurer la santé et le bien-être des animaux, de préserver et de garantir un approvisionnement alimentaire salubre et de maintenir la compétitivité des producteurs de bétail.

Présentation de cas : Un antibiotique de dernier recours entraîne des complications

Une personne dans la quarantaine atteinte de leucémie a été traitée pendant cinq semaines avec des antibiotiques à large spectre, puisque son état la rendait plus vulnérable aux infections. Ce patient a pourtant développé des infections de la peau et des tissus mous pharmacorésistantes pour lesquelles il a reçu de la colistine, un antibiotique de dernier recours. La colistine peut être toxique pour les reins et le patient a développé une insuffisance rénale. Il s’est cependant rétabli et a pu rentrer chez lui après quatre semaines supplémentaires passées à l’hôpital.

(Les cas de RAM sont tirés d’histoires vraies de patients canadiens. Les renseignements des patients ont été modifiés pour préserver leur anonymat et la forme masculine est utilisée dans la rédaction de la présentation des cas.)

1.2 Réponse mondiale à la résistance aux antimicrobiens

Aucun pays n’est à l’abri des effets de la RAM. Les organismes pharmacorésistants qui apparaissent dans un pays donné peuvent rapidement se propager au-delà des frontières nationales au moyen de la migration, des voyages, du tourisme médical et du commerce mondial des animaux et des aliments. Ce fait a été démontré en 2008 lorsqu’un patient suédois, après un voyage en Inde, a contracté une infection polypharmacorésistante récemment détectée contenant l’enzyme NDM-1 (New Delhi métallo-bêta-lactamase-1) qui résiste à d’importants antibiotiques de dernier recours. Cette résistance s’est depuis propagée dans de multiples pays, y compris le Canada. Ce cas démontre comment une infection résistante contractée par une personne à l’étranger peut facilement être ramenée dans sa communauté et se propager à travers le monde.

Étant donné les énormes coûts sociaux et économiques en jeu, le fardeau que représente la RAM est trop lourd pour être porté par un seul pays. Par conséquent, il doit être soutenu par une approche mondiale. La RAM exige une approche Une seule santé coordonnée au sein des pays et entre eux qui se traduise par des solutions partagées pour une intervention efficace et globale. Une approche Une seule santé reconnaît les liens entre la santé des humains, la santé des animaux et l’environnement et le besoin d’efforts concertés entre les secteurs pour améliorer la santé de tous.

La communauté mondiale se mobilise présentement par l’entremise d’initiatives internationales pour protéger la santé humaine et animale, conserver l’efficacité des médicaments antimicrobiens et mettre au point des interventions novatrices permettant d’atténuer le risque de la RAM avant que la situation ne s’aggrave. Les nations travaillent ensemble pour trouver des façons de partager leur expérience, d’apprendre les uns des autres, de collaborer aux initiatives et de mettre en commun les ressources.

En 2015, le Plan d’action mondial de l’OMS sur la RAM a été approuvé par les États membres de l’Assemblée mondiale de la Santé et a été reconnu par les chefs d’État et de gouvernement à la réunion de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) sur la RAM en 2016 comme le plan d’action à suivre. Alors que les taux d’infections résistantes aux antimicrobiens à l’échelle internationale continuent d’augmenterNote de bas de page 1, la communauté mondiale prend des mesures sous la direction de l’OMS, de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). L’OIE et la FAO ont toutes deux adopté des résolutions encourageant les États membres à lutter contre la RAM et à promouvoir une utilisation prudente des antimicrobiens chez les animaux et dans le secteur agricole. Dans la droite ligne du Plan d’action mondial sur la RAM, le Codex Alimentarius vient de créer un Groupe intergouvernemental spécial sur la résistance aux antimicrobiens chargé de développer des lignes directrices sur la surveillance intégrée et d’examiner et de réviser le Code d’usages visant à réduire au minimum et à maîtriser la résistance aux antimicrobiens afin que celui-ci porte sur l’ensemble de la filière alimentaire. Une collaboration internationale et des engagements en matière de RAM ont également lieu au sein des organisations comme le G7, le G20 et le Programme de sécurité sanitaire mondiale pour renforcer les capacités internationales et des pays en particulier.

Le Canada s’engage et collabore activement avec les partenaires dans ces forums pour appuyer les mesures coordonnées mondiales visant à combattre la RAM et cerner les meilleures pratiques et les initiatives qui pourront être mises à profit pour soutenir les mesures prises au pays.

Figure 2 : Liens de la résistance aux antimicrobiens de l'approche Une seule santé
Figure 2
Figure 2 - Description textuel

La figure 2 : représente la façon dont la santé humaine, la santé animale et l'environnement sont tous liés à la question de la RAM. Dans un cercle continu, vous pouvez voir comment la RAM est propagée entre : 1) les humains 2) les animaux et les humains, y compris par les aliments 3) les animaux 4) l'environnement, y compris par de l'eau et des fertilisants contaminés.

1.3 État de la résistance aux antimicrobiens au Canada

Santé humaine

Au Canada, les taux de la plupart des infections liées à la RAM sont actuellement stables et dans certains cas, une baisse des taux d’infection de certains organismes pharmacorésistants a été enregistrée. Cela dit, même ces taux réduits continuent à dépasser ceux du début des années 2000. Par exemple, bien que les taux d’infection à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) dans les hôpitaux aient chuté de 25 % depuis 2008 et les taux d’infection aux entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) aient diminué depuis 2012, ces niveaux demeurent plus élevés que ceux précédant 2007 lorsque l’augmentation de la résistance a commencé. Les taux d’infection à Neisseria gonorrhoeae, une infection d’origine communautaire, ont augmenté de 43,1 % au cours de la dernière décennie, et un traitement antibiotique plus puissant et plus complexe est maintenant requisNote de bas de page 8. Plus de 50 % des cas d’infection gonococcique résistent à au moins un antibiotiqueNote de bas de page 8.

Les infections pharmacorésistantes dans les milieux hospitaliers engendrent des coûts importants pour le système de soins de santé du Canada. Environ 4,2 % des patients hospitalisés seront infectés par le SARMNote de bas de page 9. Soixante-dix pour cent des Canadiens craignent de contracter une infection dans les milieux de soins de santé, notamment parce qu’un patient sur 16 admis dans les hôpitaux canadiens présentera une infection provoquée par un organisme polypharmacorésistantNote de bas de page 11.

Santé animale et RAM d’origine alimentaire

Le Canada est un important producteur d’animaux destinés à l’alimentation sur les marchés intérieur et international; le pays compte environ 19 fois plus d’animaux destinés à l’alimentation que d’humainsNote de bas de page 8. Les antimicrobiens sont utilisés pour le bétail afin de traiter, de contrôler et de prévenir les maladies bactériennes, d’améliorer le rendement alimentaire, de stimuler la croissance, et de préserver la santé et le bien-être des animaux. Les taux d’UAM et de RAM peuvent fluctuer dans les milieux agricoles en raison de l’évolution des pratiques liées à l’UAM parmi les espèces animales et dans l’agriculture. Au Canada, les bactéries qui nuisent aux animaux ont rarement été étudiées pour la RAM. Les renseignements limités qui existent suggèrent que certaines bactéries sont résistantes, mais que ce n’est pas le cas de tous ces organismes bactériensNote de bas de page 12.

UAM chez les animaux

La majorité (73 %) des antimicrobiens distribués aux animaux appartiennent aux mêmes catégories que celles utilisées en médecine humaine.Note de bas de page 8

En outre, des infections bactériennes chez les animaux, comme Salmonella, qui peuvent causer des infections d’origine alimentaire chez les humains, se sont révélées polypharmacorésistantes et résistantes aux antibiotiques qui sont essentiels à la médecine humaineNote de bas de page 13.

Les antimicrobiens sont également utilisés chez les animaux de compagnie (p. ex., les chiens et les chats) pour traiter les maladies. Même s’ils représentent moins de 1 % de tous les antimicrobiens utilisés chez les animaux, de nombreux antimicrobiens utilisés pour traiter les animaux de compagnie sont d’une grande importance pour la santé humaineNote de bas de page 8. Étant donné le contact étroit entre les humains et leurs animaux de compagnie, les risques de RAM doivent être pris en considération afin d’assurer le bien-être des animaux, car les organismes résistants peuvent facilement se propager.

1.4 Lutte contre la résistance aux antimicrobiens au Canada

La complexité de la RAM est grande et lutter contre ce phénomène va au-delà des capacités et de la responsabilité d’un seul gouvernement, d’une seule agence ou d’une seule organisation. Le Canada doit être prêt à réagir à cette menace afin de diminuer les risques sanitaires qu’encourent les Canadiens face à l’augmentation des taux d‘infections pharmacorésistantes dans le monde. Comme leurs homologues internationaux, les gouvernements FPT au Canada adoptent une approche Une seule santé pour lutter contre la RAM. Les gouvernements FPT et les partenaires des secteurs public et privé, y compris les associations professionnelles, l’industrie, le milieu universitaire et le public (Annexe I), ayant un rôle à jouer concernant la RAM, doivent collaborer, coordonner et mettre à profit les mesures prises dans tous les secteurs pour réduire au minimum les dédoublements et avancer dans la même direction de façon efficace et durable.

De nombreuses mesures visant à lutter contre la RAM au Canada sont déjà prises par différents acteurs des secteurs de la santé publique, des soins de santé et de l’agriculture. Cependant, beaucoup d’entre elles sont isolées et non coordonnées, ce qui constitue une occasion importante de les rassembler par une coordination et une collaboration transsectorielles à tous les niveaux pour une réponse pancanadienne cohérente. Pour accomplir cette tâche, un leadership est requis à tous les niveaux de gouvernement et par les intervenants en santé humaine et animale agissant selon leur sphère de responsabilité.

À l’échelle fédérale, le gouvernement a élaboré deux documents, soit un cadre et un plan d’action sur la RAM, pour coordonner les initiatives des ministères et prendre des mesures, selon leurs mandats et secteurs respectifs, dans les domaines de la surveillance, de l’intendance et de l’innovation. Dans leur lutte contre la RAM, les provinces et les territoires (PT) entreprennent de multiples initiatives, qui comprennent la surveillance, la sensibilisation des professionnels de la santé et du public et les programmes en milieu hospitalier pour réduire l’utilisation des antibiotiques, ainsi que les programmes de vaccination pour prévenir et contrôler les infections et la propagation des maladies infectieuses. De même, les organisations partenaires comme le Conseil national sur la santé et le bien-être des animaux d’élevage, l’Association canadienne des médecins vétérinaires, l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada et les autres organismes non gouvernementaux du secteur de la santé ont établi des plans et des initiatives pour appuyer une utilisation appropriée des antibiotiques dans les milieux de la santé humaine et animale. Ces documents servent de point de départ à partir duquel une approche pancanadienne plus large pourra être établie.

Dans certains cas, les industries canadiennes du bétail ont pris l’initiative d’interdire ou de réduire l’utilisation des antibiotiques importants du point de vue médical en tant que stimulateurs de croissance ou traitement préventif pour la production d’animaux d’élevage. Par exemple, en 2014, l’industrie avicole a éliminé l’utilisation préventive d’antibiotiques de catégorie 1, considérés comme de haute importance pour la médecine humaine.

Dans le secteur de la santé, une équipe de médecins canadiens dirige « Choisir avec soin », une campagne qui vise à aider les médecins et les patients à engager un dialogue au sujet de la surutilisation des examens, des traitements et des interventions médicales inutiles et à les aider à faire des choix judicieux et efficaces en vue d’assurer des soins de qualité. Une des principales recommandations de la campagne est de réduire l’utilisation inutile des antibiotiques.

Figure 3 : Rôles et responsabilités
Figure 3
Figure 3 - Description textuel

La figure 3 montre les groupes qui jouent un rôle clé dans la lutte contre la RAM au Canada. Ces groupes comprennent : le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, le milieu universitaire, les intervenants en matière de santé humaine et animale, l'industrie, le public et les professionnels de la santé.

2. Approche Pancanadienne de lutte contre la résistance aux antimicrobiens et de l’utilisation des antimicrobiens

2.1 Vision

La santé des humains, des animaux et des écosystèmes est protégée au moyen de mesures exhaustives et coordonnées visant à préserver l’efficacité des antimicrobiens maintenant et à l’avenir.

2.2 Portée

Ce cadre permet de poser les fondements des mesures collaboratives à prendre par tous les secteurs pour combattre les effets des bactéries résistantes aux antibiotiques sur les humains, les animaux et l’environnement au Canada. Le cadre mettra d’abord l’accent sur les aspects de la RAM liés à la santé humaine et animale. En même temps que les mesures progresseront dans ces secteurs, l’aspect environnemental sera pris en considération afin de pleinement refléter l’approche Une seule santé.

2.3 Objectif général

Établir une approche cohérente pour orienter les efforts collectifs liés à la lutte contre la RAM et à l’UAM au Canada tout en mettant l’accent sur les quatre éléments clés suivants : la surveillance, la prévention et le contrôle des infections, l’intendance, et la recherche et l’innovation.

2.4 Résultat visé

Renforcer la capacité au Canada à réduire les risques de la RAM de manière coordonnée et efficace.

2.5 Objectifs spécifiques

Le cadre comporte quatre objectifs spécifiques visant à atteindre ce résultat :

  1. Renforcer les structures de gouvernance afin de générer des connaissances et de l’information sur la RAM et sur l’UAM dans les milieux humains, l’agriculture et les animaux par la surveillance, la détection et le suivi des organismes résistants pour élaborer et surveiller les interventions.
  2. Promouvoir, faciliter et mesurer l’UAM appropriée chez les humains et les animaux afin de préserver l’efficacité des antimicrobiens qui sont essentiels à la santé humaine et animale et de limiter le développement et la propagation d’organismes résistants au sein des populations et entre elles.
  3. Réduire le besoin de traitement antimicrobien en encourageant les pratiques de prévention et de contrôle des infections pour diminuer les taux d’infection dans les milieux de soins de la santé humaine et de la santé animale, et dans la collectivité.
  4. Soutenir l’avancement de la recherche et les approches novatrices en identification, en caractérisation et en détection (en temps réel) des microorganismes (notamment les bactéries résistantes), en traitement et prévention des infections, de même qu’en recherche fondamentale et comportementale.

2.6 Principes sous-jacents du cadre

  1. Collaboration. Travailler individuellement pourrait donner certains résultats, mais un véritable changement exige que l’ensemble des gouvernements, des partenaires des secteurs et du public coordonnent leurs efforts pour mieux faire face à la menace posée par la RAM.
  2. Approche intégrée. L’adoption d’une approche intégrée Une seule santé qui reconnaît les liens entre les humains, les animaux et l’environnement, et pour des mesures coordonnées par tous les acteurs concernés.
  3. Durabilité. La mise en œuvre du cadre exige un engagement et une collaboration durables dans l’ensemble des gouvernements et des secteurs pour réduire l’émergence et la propagation de la RAM.
  4. Échange de renseignements. Une intervention concertée exige que l’information et les meilleures pratiques soient partagées et mises à profit dans l’ensemble des provinces et territoires et des secteurs pour une approche pancanadienne cohérente en matière de lutte contre la RAM et l’UAM.
  5. Souplesse. Des progrès à faire pour la mise en œuvre du cadre exigent une approche progressive et flexible qui s’adapte et reconnait que les activités et les capacités concernant la RAM sont variables dans l’ensemble des gouvernements et des secteurs.
  6. Coopération mondiale. L’intervention du Canada à l’égard de la RAM est inextricablement liée aux solutions et aux efforts mondiaux. Il est nécessaire d’assurer une harmonisation avec les efforts internationaux pour mieux positionner et tirer parti des mesures nationales qui maximisent la participation et les avantages du Canada dans le contexte international.
  7. Mesure de la réussite. La collaboration entre les gouvernements FPT et entre les secteurs afin d’élaborer des indicateurs communs et de l’étalonnage pour mesurer l’efficacité des mesures prioritaires relevant du cadre.

3. Éléments essentiels

Élément 1 : Surveillance

Des systèmes de surveillance solides et intégrés sont nécessaires pour dresser un tableau de la RAM et de l’UAM au Canada.

Contexte

Les systèmes de surveillance jouent un rôle essentiel dans la détection, le suivi et la surveillance des organismes émergents et réémergents, des infections pharmacorésistantes et de l’UAM chez les humains et les animaux. Ces systèmes fournissent des renseignements et des données importants qui aident à déterminer les lacunes sur le plan des résultats ainsi qu’à avoir une idée plus précise de l’ampleur des infections pharmacorésistantes, de l’UAM et de leurs conséquences. Les spécialistes en médecine vétérinaire et humaine, les autorités de santé publique, les éleveurs d’animaux de ferme et les responsables des politiques de tous les ordres de gouvernement se basent sur des données de haute qualité provenant de ces systèmes pour orienter les décisions relatives aux politiques, mettre en œuvre et évaluer les activités d’intendance et de prévention et contrôle des infections, établir les priorités en matière de recherche et réaliser des analyses (notamment économiques) du fardeau de la RAM.

Les données sur la RAM et l’UAM produites par les systèmes de surveillance peuvent être améliorées grâce à la consolidation de la mise en œuvre d’une approche intégrée Une seule santé en matière de surveillance au Canada, qui est recommandée par l’OMS et l’OIE, décrite dans les lignes directrices du Comité consultatif sur la surveillance intégrée de la résistance aux antimicrobiens de l’OMS, et adoptée par les autres pays du G7. Cette approche donne une image de l’émergence et de la propagation de la RAM, permet de mieux comprendre où et comment les médicaments antimicrobiens sont utilisés, démontre comment l’utilisation influe sur la résistance et détermine des domaines qui nécessitent une intervention.

Pour réussir à améliorer la surveillance, il faudra favoriser la coordination et la coopération entre les gouvernements, les organismes non gouvernementaux, les intervenants de l’industrie, les médecins vétérinaires, les agriculteurs, les professionnels de la santé et le milieu universitaire afin de partager et d’analyser les données sur la RAM et l’UAM en temps opportun et d’orienter les mesures à prendre. Les systèmes de surveillance à tous les niveaux dépendent de ce type de partenariat et de collaboration pour être efficaces. Au Canada, il existe de multiples systèmes de surveillance à différents ordres du gouvernement recueillant des données sur la RAM et l’UAM dans les milieux humains et animaux comme les hôpitaux, les milieux communautaires et les exploitations agricoles – ces systèmes sont actuellement déconnectés et risquent de compromettre la surveillance de la RAM et de l’UAM.

Le Canada dispose de plusieurs systèmes de surveillance à l’échelle pancanadienne sous la gouverne de l’Agence de la santé publique du Canada et compte sur la participation des PT pour effectuer le suivi de la RAM et de l’UAM dans les milieux de soins de santé et communautaires, les cliniques vétérinaires et dans les fermes et milieux agricoles. Le Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (SCSRA) reflète une approche intégrée à l’égard de la surveillance de la RAM et de l’UAM. Il compile et résume les renseignements provenant de divers systèmes de surveillance pour fournir un tableau pancanadien et intégré de la RAM et de l’UAM dans l’ensemble des milieux. Ces systèmes pancanadiens de surveillance comprennent le Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA) et le Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales (PCSIN).

Le PICRA surveille les tendances relatives à la RAM et à l’UAM chez certains organismes bactériens provenant des humains, des animaux et de l’approvisionnement alimentaire afin de mieux comprendre comment les bactéries résistantes dans les produits alimentaires et les animaux destinés à l’alimentation peuvent contribuer aux maladies résistantes qui affectent les humains. Le PCSIN recueille des renseignements sur les organismes résistants et surveille l’UAM chez les patients hospitalisés. À ces systèmes, il faut ajouter les laboratoires publics et privés partout au Canada qui participent à la surveillance de la RAM. À titre d’exemple, le Laboratoire national de microbiologie (LNM) du Canada offre des services de tests de diagnostic et de référence pour l’identification et la caractérisation des organismes résistants émergents dans l’ensemble du continuum Une seule santé. La collaboration avec d’autres laboratoires gouvernementaux et privés fait partie intégrante du travail du LNM.

Les diagnostics et la surveillance vétérinaires sont soutenus par le Réseau canadien de surveillance zoosanitaire, un réseau de collaboration entre le fédéral, les provinces et le milieu universitaire qui relie les laboratoires vétérinaires de partout au pays pour recueillir des données de surveillance et servir de système de surveillance des menaces de maladies animales pour la santé humaine et animale, et de sécurité pour l’approvisionnement alimentaire.

Les systèmes de surveillance pancanadiens pourraient tirer profit d’une meilleure intégration et d’une coordination accrue pour saisir les divers facteurs contribuant à la RAM. Ce qui améliorera la coopération sur le partage et la collecte de données, particulièrement dans les régions du pays où il n’y a pas de laboratoires de santé publique, pour procéder à une évaluation adéquate des répercussions de la résistance et de l’UAM, pour produire des données qui soient comparables dans l’ensemble des secteurs, des provinces et territoires et des pays, et de manière à cadrer avec les normes et les systèmes de surveillance internationale comme le Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens.

Le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada est une association nationale de professionnels des laboratoires de santé publique qui agit en tant que voix unifiée pour les laboratoires fédéraux et provinciaux membres. Son groupe de travail sur la RAM met l’accent sur les exigences se rapportant au laboratoire et promeut une approche harmonisée dans l’ensemble des laboratoires canadiens aux fins de surveillance et d’analyse de la RAM.

Défis de la surveillance

Bien que les systèmes pancanadiens de surveillance produisent des données utiles et fiables sur la RAM et l’UAM, il y a encore d’importantes lacunes relatives à la mesure de l’ampleur de la RAM et de l’UAM chez les humains et les animaux. Ces lacunes comprennent des renseignements limités sur certains milieux (p. ex., dans la communauté), la nécessité d’une analyse comparative pour évaluer les tendances quant à la RAM et l’UAM, un besoin accru d’harmoniser les méthodes de laboratoire et de collecte de données, les définitions de cas, et une amélioration de la rapidité dans la communication de l’information.

Afin de concentrer ses efforts de surveillance, le Canada a dressé une liste de microorganismes prioritaires qui posent un risque pour la santé humaine. Toutefois, on recueille trop peu d’information sur la résistance d’un certain nombre d’autres microorganismes prioritaires préoccupants pour la santé des Canadiens, comme E. coli, SARM et d’autres bactéries multirésistantes. Il y a aussi des lacunes sur le plan de la collecte de données sur la RAM dans les milieux communautaires et de soins de longue durée. En ce qui concerne l’UAM, une surveillance complète est nécessaire pour soutenir les interventions d’intendance des antimicrobiens et la recherche dans le milieu des soins de santé et dans la communauté pour s’occuper de la RAM. Il y a un manque de renseignements au sujet des habitudes de prescription d’antibiotiques dans les hôpitaux, les milieux communautaires ainsi que dans les milieux de soins de santé des zones rurales et nordiques.

Les données de surveillance de la RAM pour les animaux sont également limitées à certains organismes bactériens (p. ex., la Salmonella) chez certains animaux d’élevage (p. ex., bovin, volaille et porc), alors qu’aucune donnée n’est recueillie pour les autres groupes d’espèces animales (p. ex., moutons, animaux de compagnie). Il y a actuellement peu de surveillance systématique de la RAM des microorganismes jugés particulièrement préoccupants pour la santé du bétail et d’autres espèces d’animaux domestiques. Il y a également des lacunes qui doivent être corrigées sur le plan de la collecte de données partout au Canada pour s’assurer que l’échantillonnage est représentatif des espèces animales et des organismes bactériens visés.

En 2003, le Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens a détecté des niveaux élevés de résistance aux céphalosporines ‎dans des isolats de Salmonella Heidelberg chez des poulets et des humains. La corrélation entre l’utilisation de ce médicament essentiel chez la volaille et l’augmentation de la résistance dans des cas de Salmonella chez les humains a poussé l’industrie canadienne du poulet à interdire leur utilisation en 2014. Cette intervention réussie a entraîné une diminution des niveaux de résistance.

Il y a aussi des lacunes en ce qui concerne la surveillance de l’UAM dans les milieux de la santé des animaux et les milieux agricoles. Dans les milieux vétérinaires, il n’existe pas de collecte systématique de données pancanadienne sur les habitudes de prescription des médecins vétérinaires ni sur les quantités d’antimicrobiens délivrées comparativement aux quantités d’antimicrobiens prescrites. Les données sur l’UAM à la ferme sont pour l’instant limitées à certaines fermes (qui ne sont pas suffisamment nombreuses en quantité et en emplacement pour pouvoir servir de point de référence) afin de déterminer les tendances et scénarios d’usage des antimicrobiens. En outre, les systèmes de surveillance existants ne surveillent ni le type ni la quantité d’antimicrobiens importés pour usage personnel ou en tant qu’ingrédients pharmaceutiques actifs pour utilisation chez les animaux et dans l’alimentation animale.

Il y a peu de données sur la RAM dans l’environnement (p. ex., les voies d’eau, les sols et la faune), ou sur la RAM ou l’UAM dans le secteur de l’agriculture végétale.

La recherche, l’innovation et la surveillance sont interreliées. La recherche et l’innovation permettent de mieux comprendre l’évolution des organismes résistants et de définir des approches novatrices pour surveiller et détecter leur émergence. Elles nous permettent d’adapter continuellement nos programmes de surveillance et d’assurer le maintien de leur pertinence à travers les modifications dans la tendance des organismes résistants. Davantage d’activités de recherche et d’innovation sont nécessaires pour déterminer les mécanismes de développement et de propagation de la RAM. La surveillance de la RAM et de l’UAM soutient à son tour l’établissement des priorités de recherche en déterminant les tendances relatives à la RAM, à l’UAM et aux organismes résistants émergents, et fournit les données et plateformes nécessaires pour la recherche et l’évaluation de l’efficacité de la prévention et du contrôle des infections et des interventions d’intendance des antimicrobiens.

L’extrême complexité qui caractérise la collecte de données des milieux de soins de santé, agricoles, des cliniques vétérinaires et des collectivités constitue un défi majeur. La surveillance est une responsabilité partagée des provinces et des territoires au Canada, et il existe des variations dans la façon dont les données sont recueillies, gérées et déclarées par de multiples systèmes à l’échelle locale, provinciale, territoriale et pancanadienne. En outre, la capacité varie sur le plan des ressources et de l’infrastructure pour la collecte et l’analyse des données. Dans ce paysage fragmenté, l’analyse et la comparaison des données exhaustives de la RAM et de l’UAM deviennent extrêmement difficiles.

Cela dit, ces lacunes en matière de surveillance créent des occasions d’explorer des mesures pour mieux intégrer les efforts des systèmes actuels de surveillance, améliorer l’accès aux nouvelles données de surveillance de RAM et d’UAM et élaborer un système de surveillance de la RAM et de l’UAM robuste à l’échelle pancanadienne. Le Canada a jeté les bases d’une approche intégrée grâce à l’établissement du SCSRA. Cependant, pour améliorer véritablement l’intégration des données et des renseignements, la surveillance exigera un partenariat et une collaboration entre les gouvernements FPT et les intervenants concernés pour renforcer et rendre plus efficaces les systèmes de surveillance à tous les niveaux afin de mieux surveiller la RAM et l’UAM au Canada et en faire rapport.

Orientations en surveillance :

  1. Participer avec les intervenants pour assurer une coordination à tous les niveaux de systèmes de surveillance complets et robustes avec des objectifs définis et la capacité requise pour la collecte de données sur la RAM et l’UAM.
  2. Établir des plateformes et des mécanismes coordonnés afin notamment d’associer les données de RAM et de l’UAM provenant des secteurs de la santé humaine, de la santé animale et de l’agriculture.
  3. Améliorer la coordination des orientations techniques pour la collecte de données, leur compilation et leur comparaison, notamment par l’élaboration de définitions normalisées de la RAM et des microorganismes prioritaires chez les humains et les animaux.

Élément 2 : Prévention et contrôle des infections

Pour limiter la propagation des organismes résistants et réduire la RAM et l’UAM, des approches, des programmes et des politiques cohérentes de prévention et de contrôle des infections doivent être en place.

Contexte

La PCI est essentielle pour combattre les maladies infectieuses. La PCI met l’accent sur des stratégies non antimicrobiennes pour prévenir les infections dans les milieux de soins de santé humaine, les collectivités, les cliniques vétérinaires et les milieux agricoles. Cela comprend des éléments comme l’infrastructure, les politiques, les lignes directrices, les pratiques et les procédures.

La PCI doit occuper une place importante dans toute stratégie concernant la RAM. Des mesures et des pratiques de PCI bien établies et cohérentes dans tous les milieux pertinents peuvent réduire les infections et prévenir la propagation de bactéries nuisibles, réduisant ainsi le besoin d’UAM. En outre, les mesures de PCI atténuent le risque de propagation des infections chez les humains et les animaux et entre eux en aidant à réduire la propagation des microorganismes résistants entre les animaux destinés à l’alimentation et les transformateurs de produits alimentaires, le long de la chaîne alimentaire, entre les animaux de compagnie et leurs propriétaires, et entre les humains dans la collectivité et les lieux où des soins de santé sont prodigués.

Dans le but de réussir à limiter l’émergence et la propagation des infections, les activités de PCI dans les milieux humains et animaux doivent être menées parallèlement aux activités visant à renforcer l’intendance des antimicrobiens. En outre, des données de surveillance opportunes et utiles établissant un lien entre la RAM et l’UAM dans tous les milieux constituent un élément clé de la mise en œuvre et de la mesure de la réussite des interventions de PCI.

Le Canada a établi de nombreuses mesures importantes de PCI relatives aux maladies infectieuses, dont certaines sont appliquées couramment dans les milieux humains et animaux. Les mesures et les pratiques importantes de PCI dans les milieux de soins de santé, les milieux agricoles, les collectivités, et les cliniques vétérinaires comprennent les bonnes pratiques de biosécurité, d’hygiène des mains et d’hygiène respiratoire, d’hygiène et salubrité, la stérilisation et la désinfection de l’équipement, les bonnes pratiques de manipulation et de transformation des aliments, l’éducation, la formation, l’immunisation et la prise en charge des éclosions de maladies infectieuses. Toutes ces mesures sont importantes pour protéger l’effectif des milieux de soins de santé humaine et animale et de production alimentaire.

On ne peut sous-estimer le rôle de l’immunisation comme mesure de PCI efficace pour prévenir les maladies infectieuses. Comme première ligne de défense, la biosécurité et l’immunisation contribuent à la santé et au bien-être des humains et des animaux en prévenant les infections et en contrôlant la transmission des maladies. Les programmes et les stratégies d’immunisation doivent continuer de renforcer les efforts visant à contrôler la RAM et à réduire l’UAM.

Tous les ordres de gouvernement au Canada et tous les intervenants impliqués, y compris les groupes de l’industrie animale, les professionnels des milieux médicaux et vétérinaires et les associations, jouent un rôle fondamental sur le plan de la promotion des bonnes pratiques en matière de PCI. Dans la mesure du possible, on devrait envisager l’établissement de partenariats parmi ces acteurs, provinces, territoires et secteurs afin d’intégrer et d’harmoniser les approches en matière de PCI.

La PCI est essentielle pour prévenir la propagation des infections dans les milieux des soins de santé (p. ex., hôpitaux, établissements de soins de longue durée, cabinets de dentistes et de médecins). Les travailleurs de la santé et les patients comptent sur des mesures de PCI efficaces dans les hôpitaux pour protéger leur santé et leur sécurité. Les programmes de PCI sont particulièrement importants dans les hôpitaux en raison du risque de contracter des infections associées aux soins de santé comme SARM, les entérobactéries multirésistantes et entérocoques résistants à la vancomycine (ERV). Les personnes hospitalisées partagent souvent les chambres et les salles de bain et peuvent être exposées au matériel utilisé pour plus d’un patient. Ces pratiques facilitent la propagation des microorganismes et de gènes de résistance dans les milieux hospitaliers entre les travailleurs de la santé et les patients, si des mesures de PCI ne sont pas en place.

Le programme Qmentum d’Agrément Canada, axé sur la qualité et la sécurité, exige que tous les établissements de services de santé participants répondent à des normes exhaustives en matière de PCI et que les systèmes des soins de santé et établissements de soins actifs durée mettent en place un programme d’intendance des antimicrobiens. Ces normes peuvent être promues pour aider tous les secteurs des soins de santé à accroître la qualité de la PCI et de l'intendance des antimicrobiens.

La mise en œuvre de procédures et de pratiques exemplaires en matière de politiques de PCI dans tous les milieux de soins de santé pourrait réduire les coûts élevés liés aux infections RAM et réduire le risque d’infections lorsqu’elles sont suivies avec diligence par tous les professionnels de la santé. Voici des exemples de politiques et de procédures actuelles en matière de PCI utilisées dans les hôpitaux : programmes d’hygiène des mains, pratiques de base et précautions additionnelles, dépistage à l’admission, hygiène et salubrité, ainsi que désinfection et stérilisation du matériel réutilisable. Les programmes d’agrément de même que les vérifications et les systèmes de rétroaction aident les travailleurs de la santé à améliorer les pratiques en matière de PCI. La divulgation publique des taux d’infections associées aux hôpitaux permet également d’accroître la conformité aux pratiques de PCI des organisations des soins de santé.

Dans la collectivité, les taux élevés d’infections des voies respiratoires (p. ex., rhume, grippe, pneumonie, otite moyenne) causent des maladies chez les enfants et les adultes. Ces infections sont plus susceptibles de se propager dans les milieux où les personnes se rassemblent et où la mise en œuvre de bonnes mesures de PCI est difficile, comme les écoles et les garderies. Par conséquent, les bactéries peuvent se propager dans les milieux communautaires en raison de la mauvaise hygiène, du surpeuplement et du nettoyage inadéquat de l’environnement. Les bonnes pratiques d’hygiène des mains et d’hygiène respiratoire, ainsi que l’immunisation sont des mesures principales de PCI qui doivent être encouragées de manière plus vaste dans la collectivité.

La PCI dans l’agriculture animale et les cliniques vétérinaires vise maints objectifs : prévenir et contrôler les maladies chez les animaux (p. ex., animaux de compagnie et animaux destinés à l’alimentation), produire des aliments de haute qualité et salubres pour les humains, protéger la sécurité des ouvriers agricoles et du public et assurer la durabilité économique de l’industrie de l’agriculture.  

Le Canada a établi des normes pancanadiennes de PCI pour les soins aux animaux en collaboration avec les associations des médecins vétérinaires et l’industrie des productions animales. Ces normes comprennent les directives en matière de biosécurité, les pratiques de gestion à la ferme pour les différentes étapes de production, les techniques de nettoyage et de désinfection, les programmes de certification de la salubrité des aliments à la ferme, les codes de pratique du bien-être des animaux et les systèmes de traçabilité applicables permettant de recenser et de suivre le déplacement des animaux aux fins d’assurance de la qualité et de contrôle efficace des maladies. Des programmes d’immunisation sont également offerts pour prévenir les maladies infectieuses chez les animaux.

Défis en matière de PCI

Malgré plusieurs mesures et pratiques de PCI au Canada, il existe des difficultés de mise en œuvre dans et entre les milieux humains et animaux.

Dans les milieux des soins de santé, les programmes de PCI sont bien établis dans les établissements canadiens de soins actifs; toutefois, ils sont moins courants dans les établissements de soins de longue durée et dans les autres installations où sont dispensés des soins de santé. Même dans les établissements de soins actifs, les programmes de PCI ne profitent peut-être pas du soutien recommandé en personnel, comme un praticien formé en PCI, et un nombre suffisant de professionnels en PCI. Bien qu'il y ait de nombreuses pratiques exemplaires disponibles de PCI, les établissements de soins de santé peuvent parfois avoir une faible et incohérente conformité en raison des lignes directrices complexes et rapidement obsolètes. Des ressources et infrastructures limitées, en particulier dans certains petits hôpitaux et les régions rurales et éloignées, peuvent également avoir une incidence sur leur capacité de participer à des programmes de surveillance.

Les interventions communautaires en matière de PCI sont compliquées davantage par des facteurs sociaux et économiques qui ont une incidence sur la santé et le bien-être des personnes et par le risque de contracter des infections résistantes, en particulier dans les milieux à faible revenu, ruraux et éloignés ayant un manque d’hygiène, un accès limité à de l’eau potable et des logements surpeuplés.

Différentes initiatives provinciales et territoriales sont en place pour appuyer des approches normalisées et personnalisées relatives aux pratiques de PCI. Le manuel sur la biosécurité en pratique et sa trousse de l’Association des médecins vétérinaires de l’Alberta s’avère un exemple de meilleures pratiques qui pourrait être partagé à l’échelle nationale. Le Comité consultatif provincial des maladies infectieuses de Santé publique Ontario a publié des documents de pratiques exemplaires fondées sur des données probantes servant de référence aux organisations de soins de santé pour l’élaboration de leurs politiques et procédures de PCI.

Dans les milieux agricoles et les cliniques vétérinaires, les programmes de biosécurité et les programmes de certification de la salubrité des aliments à la ferme diffèrent. Certains sont volontaires, alors que d’autres sont obligatoires. La plupart des principaux groupes d’éleveurs ont des programmes de biosécurité qui comprennent des mesures de PCI. La mise en œuvre de ces programmes est adaptée à la réalité des opérations agricoles, mais elle présente des disparités. Dans certains cas, ces programmes varient à l’échelle des secteurs puisqu’il appartient aux producteurs de bétail, de concert avec les médecins vétérinaires, de concevoir leurs propres protocoles. En outre, des vaccins efficaces ne sont pas disponibles pour certaines maladies animales, et lorsqu’ils existent, la mise en œuvre des programmes de vaccination et des autres pratiques de gestion est parfois incomplète et ne procure peut-être pas toujours des bénéfices économiques. Des améliorations aux systèmes de suivi et de traçabilité sont requises pour combler les lacunes liées au mouvement et à l’identification des animaux.

La variation de gouvernance à l’échelle du pays a une incidence sur les programmes de PCI dans le secteur de l’agriculture. Les gouvernements et l’industrie ont différentes responsabilités comme l’application des règlements liés à la sécurité, l’établissement d’orientations stratégiques et la participation à l’élaboration des politiques à l’échelle de l’industrie. Tous les territoires de compétence (provinces, territoire et industries) n’ont pas la même capacité d’offrir des services de santé animale. En outre, il existe des disparités dans le degré d’intégration des mesures de PCI parmi les éleveurs de bétail, les propriétaires d’animaux de compagnie, les professionnels médicaux et vétérinaires et le public.

Les interventions en matière de PCI doivent être ciblées et évaluées pour veiller à ce qu’elles produisent les résultats escomptés. La recherche et l’innovation peuvent favoriser le recensement d’approches plus novatrices et efficaces pour renforcer la compréhension des sources d’infection, ainsi que des comportements et des attitudes à l’égard de la PCI. Dans les milieux de soins de santé et communautaires, il faut déterminer les meilleures interventions pour faciliter les bonnes pratiques d’hygiène et les pratiques en matière de PCI et répondre aux besoins de conformité en matière de vaccination et, aux hésitations à cet égard. Dans les milieux agricoles et les cliniques vétérinaires, il faudrait examiner les pratiques de gestion afin d’éviter l’utilisation préventive des antibiotiques et en promouvoir une utilisation judicieuse; examiner également les nouvelles technologies afin de mettre en œuvre des stratégies efficaces en matière de vaccins et de surveillance des maladies.

Si nous voulons réaliser des progrès importants quant à la préservation de l’efficacité des antimicrobiens, la PCI doit être à l’avant-garde de la prévention et du contrôle de la propagation de toutes les infections, principalement celles causées par les organismes pharmacorésistants. Ceci est nécessaire dans l’ensemble des milieux, et les gouvernements doivent favoriser une culture au sein de laquelle tous comprennent l’importance de la PCI et peuvent assumer leurs responsabilités dans le cadre de leurs rôles respectifs visant à appuyer une PCI efficace.

Présentation de cas : Une infection cutanée chez les porcelets réglée grâce à la PCI et à des mesures de gestion

Un problème endémique de grave infection de la peau au Staphylococcus hyicus résistant à la méthicilline (« épidermite exsudative du porcelet »), causant des décès dans une pouponnière de porcelets, a finalement été réglé par un rigoureux programme d’hygiène reposant sur une gestion des lots de porcelets en système « tout plein/tout vide ».

Orientations en prévention et contrôle des infections :

  1. Mobiliser tous les ordres de gouvernement et les intervenants pour agir dans leurs domaines de responsabilité :
    1. Proposer des programmes et des outils de communication, d’éducation et de formation sur les stratégies et les pratiques de PCI basées sur les données probantes à l’intention de tous les intervenants et professionnels en santé humaine et animale.
    2. Faciliter et promouvoir l’application et le suivi des pratiques exemplaires en matière de PCI, y compris l’immunisation, au moyen de l’élaboration de politiques et lignes directrices, de la détermination de normes par milieu et du transfert des connaissances.
  2. Collaborer avec les collectivités et les intervenants pour renforcer la capacité et réduire les inégalités en matière de prestation de programmes de PCI complets et efficaces dans les secteurs de la santé humaine et animale.
  3. Investir dans la recherche sur la PCI afin d’accroître les connaissances et d’améliorer l’efficacité et la viabilité des pratiques de PCI dans l’ensemble des secteurs de la santé humaine et animale.

Élément 3 : Intendance

Les programmes et les politiques qui mettent en évidence l’éducation, la sensibilisation et la supervision réglementaire et professionnelle seront nécessaires pour réduire la prescription, la distribution et l’utilisation inappropriées d’antimicrobiens chez les humains et les animaux et pour conserver l’efficacité des traitements antimicrobiens nouveaux et existants.

Contexte

L’utilisation généralisée des antimicrobiens dans les secteurs de la médecine humaine et vétérinaire et dans les secteurs agricoles constitue un facteur important de l’émergence et de la propagation des bactéries résistantes. L’UAM appropriée est reconnue comme un élément de base de la gestion des risques de RAM pour préserver l’efficacité des antimicrobiens et ralentir le développement des organismes pharmacorésistants. Pour réduire le risque de RAM découlant de l’utilisation généralisée des antimicrobiens, nous devons modifier la manière dont nous encourageons l’intendance des antimicrobiens dans les secteurs de la santé humaine et animale.

L’intendance des antimicrobiens est reconnue comme un élément clé de l’approche multidisciplinaire à plusieurs volets visant à réduire la propagation et le développement de la RAM. L’intendance des antimicrobiens fait référence à des interventions coordonnées visant à promouvoir, à améliorer, à suivre et à évaluer l’utilisation judicieuse des antimicrobiens afin de préserver leur efficacité future, et de protéger et promouvoir la santé humaine et animale. L’intendance des antimicrobiens réussie doit être fondée sur cette compréhension commune, ainsi que sur le leadership, la collaboration, les interventions et les ressources adéquates qui favorisent une UAM appropriée. Les quatre composantes clés des initiatives et des programmes prometteurs d’intendance des antimicrobiens sont : la gouvernance, la mesure, les données probantes et les interventions.Note de bas de page 14

L’intendance des antimicrobiens est une responsabilité partagée; elle demande une perspective intégrée qui coordonne et harmonise les mesures à tous les ordres de gouvernement et parmi les groupes d’éleveurs de bétail, les associations de santé humaine et animale et les organismes d’attribution de permis, les patients, les professionnels de la santé, les organismes de réglementation, les médecins vétérinaires, les chercheurs et le public. Tous les intéressés devraient être conscients de l’importance de leur rôle en adoptant des pratiques qui encouragent une intendance efficace des antimicrobiens, et être appuyés par suffisamment de ressources et une expertise multidisciplinaire.

L’intendance des antimicrobiens est plus efficace lorsqu’elle est appuyée par la surveillance, la recherche et l’évaluation, et par des mécanismes de vérification et de rétroaction mis en place. Ces renseignements peuvent être utilisés pour suivre et évaluer les programmes d’intendance, pour établir des objectifs de rendement et des étalonnages, et pour déterminer de nouveaux outils et des approches novatrices. Sont à envisager les recherches sur les indicateurs normalisés, sur les substituts aux antimicrobiens (p.ex.,  les vaccins, les méthodes de régie des élevages), sur les outils de diagnostic, et sur les aspects comportementaux ou sociaux des pratiques de prescription et d’utilisation d’antibiotiques dans les milieux de la santé humaine et animale.

Le renforcement des connaissances sur la RAM et l’UAM parmi les professionnels de la santé médicale et vétérinaire, les éleveurs de bétail et le public est essentiel pour l’efficacité de l’intendance des antimicrobiens. Le transfert des connaissances et la formation des professionnels médicaux et vétérinaires demeurent essentiellement importants pour s’assurer que les antimicrobiens sont prescrits, distribués et administrés de façon appropriée. Les professionnels médicaux et vétérinaires ont besoin de formation et de soutien continus pour communiquer efficacement avec leurs patients et clients au sujet des risques et des avantages de l’UAM. Pour s’assurer d’une gestion durable des antimicrobiens, ces deux éléments doivent être complétés par une sensibilisation accrue du public à l’utilisation appropriée des antimicrobiens. Des efforts en matière de sensibilisation, en collaboration, ainsi que des messages ciblés dans les secteurs de la santé humaine et animale doivent être établis et adressés à un large public.

Au Canada, il existe une multitude d’initiatives d’intendance des antimicrobiens dans les milieux hospitaliers, communautaires et les cliniques vétérinaires qui font la promotion d’une UAM appropriée parmi ceux qui prescrivent et délivrent des antimicrobiens (p. ex., médecins, infirmières, pharmaciens, dentistes et vétérinaires) et ceux qui les utilisent (p. ex., patients, consommateurs, parents, éleveurs de bétail, agriculteurs et propriétaires d’animaux). Les principales initiatives comprennent les programmes de certification des hôpitaux, les initiatives d’éducation axées sur les patients et la collectivité, les campagnes de sensibilisation du public, les lignes directrices sur les pratiques exemplaires, les mécanismes de réglementation, les programmes d’assurance de la qualité et les programmes de certification et de salubrité alimentaire à la ferme. Ensemble, ces interventions engendrent des répercussions positives; cependant, elles ne sont pas effectuées de manière harmonisée et coordonnée pour répondre pleinement au défi de la RAM.

« Des pilules contre tous les microbes? » est un programme d’éducation fructueux en Alberta et en Colombie-Britannique qui cible la RAM et l’UAM dans la collectivité au moyen d’éducation sur la prévention des infections et de promotion de la prescription et de l’utilisation responsables des antibiotiques.

Dans les milieux hospitaliers, l’UAM peut augmenter les infections associées aux hôpitaux causées par des organismes résistants. En 2014, l’UAM dans les hôpitaux représentait au moins 30 % de l’ensemble de l’UAM en santé humaineNote de bas de page 15. D’insuffisantes ressources et formation pour les professionnels hospitaliers de la santé concernant la RAM, ainsi que des programmes d’intendance des antimicrobiens limités dans plusieurs hôpitaux contribuent à une UAM inappropriée.

Dans les milieux communautaires, les antibiotiques sont souvent prescrits sur une base clinique sans confirmation par des analyses de laboratoire. Dans ce contexte, il est souvent difficile de distinguer les symptômes d’une atteinte virale ou bactérienne. Ceci est important car les antibiotiques ne sont pas efficaces pour traiter des infections virales (p. ex., rhumes, grippes, sinusites aiguës) et leur utilisation dans ce contexte peut favoriser la sélection de bactéries résistantes chez la personne qui les prend. De nombreux patients s’attendent à une ordonnance d’antibiotiques comme solution immédiate pour le traitement des infections mineures, et certains médecins peuvent prescrire des antibiotiques pour répondre aux attentes des patients, même si ces traitements peuvent être inutiles. En 2014, il a été estimé que plus de 23 millions d’ordonnances d’antimicrobiens ont été rédigées aux fins de consommation humaine au Canada, et que 93 % d’entre elles ont été délivrées par des pharmaciens communautairesNote de bas de page 8. Parmi ces ordonnances, il a été estimé que de 30 à 50 % étaient inutilesNote de bas de page 15. Ce fait souligne la nécessité de mieux connaître les questions de la RAM, de disposer d’outils de diagnostic améliorés et d’effectuer de plus amples recherches sur les comportements pour mieux comprendre les facteurs de prescription et d’utilisation.

Les antimicrobiens sont essentiels pour la gestion de la santé et du bien-être des animaux. Ils ont communément été utilisés dans le traitement, le contrôle et la prévention des maladies bactériennes chez les animaux individuels et dans les troupeaux. Certains sont également utilisés pour promouvoir la croissance des animaux destinés à l’alimentation, une pratique qui a été reconnue comme inappropriée pour les médicaments antimicrobiens importants en médecine humaine. Une utilisation appropriée des antibiotiques protège la santé et le bien-être des animaux, assure la salubrité des produits alimentaires, maintient la productivité et assure la viabilité économique des industries de production animale. En 2014, environ 82 % des antimicrobiens considérés comme importants pour la médecine humaine étaient utilisés pour les animaux destinés à l’alimentation, 27 % pour les humains, et moins de 1 % pour les animaux de compagnie et culturesNote de bas de page 13. En tenant compte des populations sous-jacentes et des poids moyens, en 2014, on comptait 1,7 fois plus d’antimicrobiens distribués pour utilisation chez les animaux que chez les humainsNote de bas de page 8.

Les médecins vétérinaires jouent un rôle essentiel dans la prescription d’antibiotiques à utiliser pour les animaux destinés à l’alimentation et les animaux de compagnie. Ils s’assurent que les bons antibiotiques et les dosages appropriés sont prescrits et administrés pour traiter les maladies des animaux grâce à une relation vétérinaire-client-patient conforme. Au Canada, les médecins vétérinaires peuvent utiliser les médicaments en dérogation des directives de l’étiquette dans certaines situations pour s’adapter à l’étendue limitée des produits et des doses approuvés pour le traitement des maladies de différents animaux. Dans certaines provinces et certains territoires au Canada, les vétérinaires peuvent prescrire et délivrer des antibiotiques simultanément. Dans ces cas, il est particulièrement important d’assurer que les antibiotiques soient prescrits, délivrés et administrés prudemmentNote de bas de page 15.

Défis en matière d’intendance

Il existe de nombreuses lacunes communes entre les secteurs de la santé humaine et animale. Ces lacunes limitent une approche intégrée de l’intendance de l’UAM au Canada, tandis que d’autres lacunes sont propres à chaque secteur.

Le leadership coordonné pancanadien pour l’intendance des antimicrobiens a été modeste et variable jusqu’à maintenant, ce qui fait obstacle à l’adoption réussie d’interventions au-delà des limites régionales. Certaines provinces et certains territoires disposent de programmes d’intendance actifs, mais avec une collaboration variable entre eux. Par conséquent, les approches systématiques visant à favoriser les interventions et les efforts cohérents et efficaces pour établir des définitions et des points de repère communs pour une UAM appropriée dans les différents secteurs posent des défis. La supervision de la prescription et de la délivrance des antimicrobiens dans les différents territoires varie, ce qui nécessite également plus de constance dans les secteurs vétérinaires et des soins de santé.

L’insuffisance des investissements en matière de surveillance, de recherche comportementale, de suivi des ordonnances et des programmes de vérification et de rétroaction empêche la possibilité de recueillir des preuves des interventions efficaces susceptibles de changer les habitudes en matière d’UAM. Il est donc difficile d’évaluer l’efficacité des programmes d’intendance et de cerner des domaines d’amélioration, et d’établir des points de repère dont nous avons besoin pour mesurer entièrement les progrès de l’UAM appropriée chez les humains et les animaux. À ce titre, nous manquons de données pour tenir pleinement compte des pratiques de prescription médicales et vétérinaires et de l’UAM par les éleveurs de bétail.

L’échange et le transfert des connaissances limités dans et entre les secteurs de la santé humaine et animale empêchent le partage d’information qui pourrait favoriser une intendance mieux informée et améliorer la compréhension des pratiques et des comportements d’UAM dans le continuum de la médecine humaine et animale.

Dans les milieux agricoles et vétérinaires, les rôles et responsabilités de réglementation pour les médicaments antimicrobiens sont partagés entre les gouvernements FPT.

Le rôle du gouvernement fédéral en matière d’intendance des antimicrobiens se limite à la régulation de l’importation, de l’approbation et de la vente de médicaments. Les PT gèrent leur utilisation et contrôlent la manière dont les antimicrobiens sont distribués et délivrés, en plus de réglementer les pratiques en médecine. Si quelques PT ont depuis longtemps des réglementations obligeant une ordonnance pour accéder à tous les antimicrobiens vétérinaires, dans la plupart des administrations certains de ces médicaments peuvent toujours être utilisés pour le bétail sans ordonnance vétérinaire. Une harmonisation des réglementations liées à la délivrance de tous les antimicrobiens vétérinaires est nécessaire dans toutes les administrations.

Le secteur de la santé animale s’est mobilisé au niveau national et a produit des orientations stratégiques d’intendance, entre autres, le rapport L’intendance des antimicrobiens chez les animaux destinés à l’alimentation au Canada du Conseil national sur la santé et le bien-être des animaux d’élevage etlerapport Surveillance vétérinaire de l’utilisation des antimicrobiens — Un cadre de travail pancanadien pour les normes professionnelles régissant les médecins vétérinaires de l’Association canadienne des médecins vétérinaires.

Pour pallier les lacunes dans les réglementations fédérales, le gouvernement du Canada est à renforcer l’utilisation responsable des antimicrobiens en médecine vétérinaire par des modifications du Règlement sur les aliments et drogues; et également par la mise de l’avant des mesures politiques complémentaires visant à retirer les allégations de stimulation de la croissance et à rehausser la supervision vétérinaire de l’utilisation des antimicrobiens importants chez les animauxNote de bas de page 16. Ces efforts constituent une base fédérale pour des actions ultérieures et la mise en œuvre par tous les secteurs, notamment, les autorités des provinces et des territoires, les producteurs d’animaux destinés à l’alimentation, les médecins vétérinaires, l’industrie et les autres intervenants en santé animale. Même si ces efforts favoriseront considérablement l’intendance des antimicrobiens, une meilleure coordination des efforts provinciaux et territoriaux est nécessaire pour améliorer l’intendance dans les secteurs de la médecine vétérinaire et agricole.

Les contraintes réglementaires et le manque de recherches disponibles limitent également la commercialisation et l’utilisation d’additifs alimentaires, ainsi que de produits et d’outils de gestion de santé à faible risque (comme les vaccins, les probiotiques et les diagnostics), dans le secteur de l’agriculture animale du Canada.

Dans le milieu des soins de santé, il existe des programmes de vérification et de rétroaction dans les hôpitaux qui favorisent les changements dans les pratiques de prescription, mais ils ne sont pas appliqués partout. Dans la collectivité, il n’existe pas de processus cohérent ou complet pour évaluer les habitudes de prescription des professionnels de la santé; bien que certains organismes de réglementation professionnels et certaines provinces envisagent des indicateurs pour les habitudes de prescriptionNote de bas de page 17.

Bien que certaines administrations du Canada aient développé des lignes directrices pour la prescription des antimicrobiens, l’élaboration de lignes directrices pancanadiennes pourrait contribuer à améliorer et harmoniser les pratiques de prescription des antimicrobiens dans le pays et chez les professionnels de la santé. Ceci pourrait mieux favoriser la modification des comportements pour réduire considérablement l’UAM inappropriéeNote de bas de page 17.

L’ampleur des défis concernant l’UAM dans les milieux humains et animaux nécessite des mesures urgentes. Pour parvenir à une culture durable d’intendance des antimicrobiens, il est nécessaire d’améliorer la sensibilisation au transfert des connaissances, la communication, la formation et les directives en matière de RAM et d’UAM des professionnels de la santé et des médecins vétérinaires, des éleveurs de bétail et du public, en combinaison avec une meilleure coordination des efforts des gouvernements FPT.

Orientations en intendance :

  1. Appuyer la création d’un réseau pancanadien d’intendance des antimicrobiens pour mener et coordonner les efforts de façon continue dans les secteurs de la santé humaine et animale, tout en respectant les rôles et responsabilités propres à chaque ordre de gouvernement.
  2. Mettre en place un système solide de collecte de données sur l’utilisation des antimicrobiens afin de favoriser l’amélioration continue d’intendance des antimicrobiens dans les secteurs de la santé humaine et animale.
  3. Élaborer des outils de gouvernance tels que des règlements et des exigences en matière de certification organisationnelle, ainsi que des normes conformes de prescription, délivrance et distribution des antimicrobiens importants pour utilisation médicale ou vétérinaire, tout en respectant les rôles et responsabilités propres à chaque ordre de gouvernement.
  4. Accroître la connaissance en intendance des antimicrobiens grâce à des programmes éducatifs renforcés et coordonnés à l’intention des prescripteurs (notamment des occasions de formation continue), des distributeurs et des utilisateurs d’antimicrobiens, de même qu’à des programmes et activités de sensibilisation qui mettent en évidence les implications de la RAM et l’UAM.

Élément 4 : Recherche et innovation

Les interventions à l’égard de la RAM doivent se fonder sur des données probantes et nécessiteront plus de connaissances, des outils novateurs et des approches collaboratives pour mieux comprendre la résistance et élaborer de nouveaux traitements et stratégies.

Contexte

La recherche et l’innovation constituent des facteurs clés dans une approche à facettes multiples afin de surmonter les défis posés par la RAM. Elles offrent un éventail de possibilités : mieux comprendre l’apparition et la propagation de la RAM, encourager l’UAM de façon à maintenir l’efficacité des antimicrobiens, stimuler l’élaboration de nouveaux antimicrobiens et découvrir de meilleurs outils de diagnostic. Comme mentionné dans les sections précédentes, la recherche et l’innovation sont également importantes pour soutenir le renforcement des systèmes de surveillance, des programmes d’intendance des antimicrobiens et de prévention et contrôle des infections.

L’efficacité des médicaments antimicrobiens diminue alors qu’il y a de plus en plus de microorganismes résistants. Il est urgent d’élaborer de nouveaux antimicrobiens et des thérapies et outils parallèles afin de remplir les exigences médicales actuelles et futures. Les sociétés pharmaceutiques ont ralenti leurs investissements dans la recherche et le développement dans ce domaine parce que les antibiotiques sont dispendieux, prennent de nombreuses années à élaborer et rapportent un faible rendement en raison de leur courte durée d’utilisation et leur bas prix. Il y a un taux d’échec élevé au cours du processus d’élaboration des antimicrobiens et la réglementation actuelle pourrait être ajustée pour accélérer la mise en marché.

L’Initiative de programmation conjointe sur la résistance aux antimicrobiens est une collaboration internationale entre 26 pays, y compris le Canada, qui vise à coordonner la recherche et les efforts des différents pays afin d’arriver à une baisse à long terme des niveaux de résistance et à de meilleurs résultats en matière de santé. Les efforts actuels se concentrent sur la transmission de la RAM et sur la mise au point d’antibiotiques ou la découverte de nouvelles utilisations pour ceux-ci.

Partout autour du monde, les pays sont confrontés à un manque de nouveaux médicaments capables de traiter les infections résistantes aux antimicrobiens. La communauté mondiale (p.ex.,  le G7 et le G20) a pris des engagements envers la recherche et l’innovation. Elle cherche des solutions efficaces comme la mise au point d’antibiotiques, les médicaments de substitution, les vaccins, les diagnostics, des incitatifs économiques à la recherche et au développement, et la collaboration entre les pays et secteurs. D’importants investissements sont prévus afin d’établir des partenariats de collaboration permettant de maximiser les efforts actuels et futurs en matière de RAM et de mettre en commun les ressources financières. Le Canada et les autres pays doivent envisager de nouvelles approches pour le traitement des infections résistantes et étudier de nouvelles façons d’encourager les grandes sociétés pharmaceutiques à réinvestir le domaine de la recherche et du développement concernant la RAM.

Le Canada possède une culture forte et collaborative de recherche et d’innovation, avec une expertise en matière (notamment) de découverte de médicaments, de microbiologie, d’adjuvants et de solutions de rechange aux antimicrobiens, de gestion et de logement du bétail, et de recherche de vaccins. Les institutions universitaires, les gouvernements, les organismes non gouvernementaux et les chercheurs de l’industrie contribuent fortement à la protection de la santé des humains et des animaux contre la RAM.

La recherche et l’innovation dans le milieu universitaire sont solides et concurrentielles à l’échelle internationale. Des chercheurs travaillent dans les hôpitaux universitaires et écoles de médecine vétérinaire. Des carrefours d’innovation se concentrant sur la santé humaine et animale et la recherche agricole ont été établis, dont beaucoup qui collaborent fortement avec l’industrie. Ces carrefours utilisent la recherche fondamentale pour faire progresser le développement et la commercialisation des produits liés à la RAM. Les chercheurs canadiens sollicitent aussi les éleveurs commerciaux pour élaborer des solutions appropriées aux régions et qui conviennent à l’industrie. Des travaux de recherche complémentaires sont menés par les chercheurs des gouvernements fédéral et provinciaux pour soutenir la recherche et l’innovation en matière de RAM.

La plupart des fonds consacrés à la recherche universitaire proviennent de conseils subventionnaires fédéraux, et sont appuyés par des bailleurs de fonds de la recherche provinciaux et des organismes non gouvernementaux. Les fonds pour soutenir les efforts de découverte en matière de RAM et d’UAM sont fournis à l’échelle fédérale par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches Canada (CNRC), et Agriculture et Agroalimentaire Canada. Les IRSC représentent les principaux bailleurs de fonds fédéraux en matière de recherche sur la santé humaine. Entre 2011-2012 et 2015-2016, ils ont investi plus de 96 millions de dollars dans la recherche liée à la RAM, dont 20 millions en 2015-2016. À l’échelle provinciale, du financement a entre autres été fourni par l’Agriculture Development Fund de Saskatchewan, l’Alberta Livestock and Meat Agency et le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario.

Les principaux organismes de financement sans but lucratif de l’industrie, tels que Swine Innovation Porc, le Beef Cattle Research Council, le Conseil de recherches avicoles du Canada et leurs équivalents provinciaux, financent aussi directement la recherche concernant la RAM.

Défis liés à la recherche et à l’innovation

Nonobstant les efforts considérables du Canada en matière de recherche, nous manquons toujours de nouveaux antimicrobiens, de nouveaux outils diagnostiques et de traitements de substitution des antimicrobiens (p. ex., vaccins, anticorps, probiotiques, phagothérapies et thérapies à la lysine). Les entreprises canadiennes impliquées dans la recherche et le développement liés à la RAM occupent un très petit créneau concurrentiel et elles représentent moins de 1 % du secteur des sciences de la vie au Canada. Seules quelques entreprises se concentrent particulièrement sur la RAM. Les grandes sociétés pharmaceutiques ne considèrent pas le marché canadien comme lucratif en raison de la taille relativement petite du marché et de l’absence d’incitatifs ou de politiques réglementaires visant spécifiquement à lutter contre la RAM. Des initiatives stratégiques visant à aider les sociétés à mettre au point de nouveaux médicaments et technologies ainsi que des thérapies parallèles et à les mettre en marché devraient être explorées. Cela pourrait garantir aux Canadiens un accès égal à des médicaments, à des thérapies parallèles et à des outils nouveaux et efficaces.

Des centres de recherche et d’innovation à l’échelle du Canada contribuent à des recherches de pointe pour l’élaboration de vaccins, y compris la production d’un vaccin conjugué contre le méningocoque (CNRC, Ottawa), la production de plusieurs vaccins pour le bétail et la volaille [Vaccine and Infectious Disease Organization (VIDO), Saskatoon et Guelph] et le renforcement des capacités pour la mise au point de vaccins génomiques [VIDO et l’Université de la Colombie-Britannique (UCB)]. Des recherches de pointe sont également en cours d’élaboration sur les microbiomes et les probiotiques (Bio-K, Québec; Microbiome Insights, Colombie-Britannique; UCB) et les perspectives des anticorps monoclonaux thérapeutiques qui pourraient être utilisés pour le traitement des infections (Centre for Drug Research and Development).

Il faudrait plus de recherche axée sur la découverte d’outils et de thérapies pour une utilisation en médecine humaine et vétérinaire, particulièrement de ceux utilisables à la ferme, pour pouvoir dépister les nombreuses maladies animales pour lesquelles il n’existe aucun vaccin efficace. Les nouveaux outils de diagnostic pour la médecine humaine et les animaux destinés à l’alimentation doivent tenir compte des coûts et des répercussions économiques pour la pratique médicale et la production d’aliments d’origine animale. Il existe un besoin urgent de technologies de diagnostic capables de découvrir rapidement les bactéries et infections virales résistantes tant en médecine humaine que vétérinaire pour faciliter un traitement plus rapide et approprié.

Si l’une de ces nouvelles interventions ou technologies était mise au point, il serait crucial d’en comprendre les implications pour la production animale et le système de santé. Les coûts pour les secteurs humain et animal pourraient connaître une hausse, en raison du peu de connaissances quant aux répercussions économiques des modifications à cet égard aux politiques. Il faudrait envisager de faire de la recherche concernant les coûts économiques de la RAM et d’élaborer des politiques fondées sur des données probantes.

La recherche qui permettrait de parfaire les connaissances sur la transmission de la RAM et les risques sur la santé humaine et animale et l’environnement faciliterait la mise au point d’outils et de médicaments et améliorerait l’évaluation des interventions d’intendance et de prévention et contrôle des infections. Il n’y a pas suffisamment de connaissance sur la RAM dans l’environnement et au sujet des facteurs sociaux qui contribuent à son développement. Cela comprend l’influence de la RAM dans l’environnement sur le développement d’une résistance chez les humains et les animaux, ainsi qu’une meilleure compréhension de la relation entre la RAM en milieu agricole et ses effets sur la santé humaine et animale. De même, il faut recueillir d’autres données pour comprendre les pratiques de prescription des médecins et des vétérinaires et le comportement du public et des producteurs de bétail envers les antimicrobiens, et également pour trouver des approches novatrices qui amélioreront les pratiques de gestion du bétail dans les milieux agricoles et les pratiques de PCI dans les milieux de soins de santé et les milieux communautaires.

Bien que les chercheurs canadiens aient une forte tradition de collaboration, les secteurs de la recherche sur les humains et les animaux travaillent souvent de façon isolée, et il existe différentes approches de recherche d’un bout à l’autre du pays. De plus, le Canada manque de chercheurs travaillant à des solutions novatrices contre la RAM. La situation s’explique par un manque d’investissements stratégiques dans la recherche et l’innovation en RAM; le Canada risque donc de voir ses meilleurs innovateurs faire la transition vers d’autres pays. Ceux qui sont aujourd’hui actifs ont souvent une carrière bien établie, et du financement est nécessaire afin d’attirer la prochaine génération.

Le financement public de la recherche concernant la RAM va principalement à la recherche fondamentale, ce qui peut affaiblir notre capacité à traduire les découvertes en produits concrets. L’investissement public n’est pas toujours facile à obtenir en raison de périodes de financement limitées et du manque de souplesse dans l’utilisation, le transfert et l’accès possibles aux fonds.

Malgré ces restrictions, le Canada a cultivé une expertise considérable en matière de RAM qui nous permettra de déterminer des créneaux de recherche et d’innovation vers lesquels diriger les ressources financières afin de renforcer la capacité au pays et de contribuer aux initiatives mondiales de recherche et d’innovation en matière de RAM.

Présentation de cas : Une infection impossible à traiter résultant d’une bataille de chiens

Après avoir été attaqué par un autre chien, un Jack Russell Terrier a été infecté par deux types de bactéries multirésistantes (Staphylococcus pseudintermedius et Enterococcus faecium). L’infection combinée était résistante à la méthicilline ainsi qu’à tous les autres antibiotiques. Le chien est décédé trois jours après sa mésaventure.

Orientations en recherche et innovation :

  1. Appuyer un réseau de recherche multidisciplinaire et intersectoriel qui favorise la découverte d’antimicrobiens, l’adoption de pratiques exemplaires, la recherche comportementale et les retombées économiques et de production dans l’ensemble des secteurs et des provinces et territoires.
  2. Explorer des mécanismes à même de créer la capacité et l’infrastructure nécessaires pour mieux appuyer l’élaboration de médicaments et de nouveaux outils destinés aux humains et aux animaux.
  3. Établir un processus accéléré et rentable pour l’homologation des médicaments et autres outils antimicrobiens et de nouvelles technologies diagnostiques au Canada afin d’encourager les investissements pharmaceutiques sans compromettre l’innocuité, l’efficacité et la qualité.

4. Mise en oeuvre

Le cadre pancanadien relatif à la RAM constitue la première phase de l’intervention du Canada à l’égard de la RAM; il s’avère une base pour établir et mettre au point les étapes pour s’attaquer aux défis liés à la RAM et à l’UAM. La deuxième phase sera axée sur l’élaboration d’un plan d’action pancanadien correspondant. Ce plan d’action définira davantage les rôles et responsabilités des gouvernements FPT et établira de manière concrète l’ensemble des livrables attendus, délais, résultats quantifiables et priorités, et permettra le suivi des progrès réalisés quant aux mesures prises. Son élaboration et sa mise en place réuniront les gouvernements FPT, en collaboration avec les intervenants en matière de santé humaine et animale, qui détermineront les mesures à prendre dans leurs sphères de responsabilité afin de soutenir la coordination et l’optimisation dans et entre les secteurs concernés.

5. Conclusion

Le Canada prend actuellement des mesures considérables pour réagir à la RAM et à l’UAM tant à l’échelle du pays qu’au niveau international. Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d’action pancanadien confirme l’engagement des gouvernements FPT à prendre des mesures coordonnées et exhaustives pour réduire les risques posés par la RAM et protéger la santé des Canadiens.

Annexe I. Rôles et responsabilités liés à la résistance aux antimicrobiens au Canada

Au Canada, la responsabilité à l’égard des soins de santé et de l’agriculture est partagée entre les gouvernements FPT. Les rôles et responsabilités de ces gouvernements dans ces domaines sont à la fois distincts et complémentaires.

Le rôle fédéral en matière de RAM comprend : la promotion de la santé animale; la surveillance des maladies infectieuses; la liaison avec les organismes internationaux; la promotion de la santé et la prestation de services de soins de santé aux populations fédérales (p.ex., les collectivités des Premières Nations vivant sur les réserves); le soutien de la sensibilisation à la RAM et la formation des prestataires de soins de santé employés à l’échelon fédéral, la facilitation de la recherche et de l’innovation permettant de comprendre la RAM et de trouver de nouvelles solutions et outils de traitement; la réglementation de l’innocuité et de l’efficacité des produits antimicrobiens par l’homologation des médicaments et des autres outils ou produits de santé; l’instauration de politiques et de normes pancanadiennes de santé animale; et l’assurance de la sécurité de l’approvisionnement alimentaire canadien par l’inspection et l’application de normes de biosécurité.

Les provinces et les territoires sont responsables de la prestation des services de soins de santé, ainsi que de l’établissement de politiques et de normes pour les milieux de soins de santé; de promouvoir la santé animale, l’éducation et la sensibilisation au bon usage des antimicrobiens en santé humaine et animale; les programmes d’immunisation; le soutien aux initiatives universitaires et de recherche; la gestion des systèmes de surveillance pour assurer le suivi, la prévention et le contrôle des maladies en vue de recueillir des renseignements sur la RAM et l’UAM. Ils s’occupent aussi de l’approbation des antimicrobiens pouvant figurer dans les listes des médicaments admissibles, d’établir et de mettre en œuvre la réglementation sur la délivrance, la distribution ainsi que l’utilisation des antimicrobiens dans l’agriculture et la médecine vétérinaire. Les provinces et les territoires établissent également les programmes de certification et de salubrité des aliments à la ferme, les programmes d’inspection, les normes de biosécurité pour le secteur de l’agriculture, les mesures de PCI et sont responsables de la surveillance dans les milieux des soins de santé.

Les intervenants externes ont une gamme de rôles et responsabilités liés à la RAM :

Les associations professionnelles et organismes de certification (p. ex., les associations de médecins vétérinaires et de médecins et les organismes de réglementation) établissent notamment des normes et des certifications pour leur profession et prescrivent des lignes directrices, en plus de jouer des rôles de sensibilisation et de formation, etc.

Les professionnels de la santé effectuent un diagnostic exact des infections, la prescription et la distribution appropriée des médicaments, contribuent à la surveillance, à l’éducation des patients et des propriétaires des animaux et établissent des programmes de prévention et de contrôle des infections, incluant la biosécurité.

Les milieux de soins de santé(p. ex., hôpitaux, communautés de pratique, et établissements de soins de longue durée) appliquent des mesures de prévention et de contrôle des infections et assurent une surveillance.

Les organisations non gouvernementales agissent dans les secteurs de la santé humaine, animale et dans le secteur de l’agriculture afin de faire progresser les questions liées à la RAM (p. ex., en recueillant de l’information sur la RAM et l’UAM, en offrant des programmes d’éducation et de sensibilisation et en luttant contre des problèmes propres à certains secteurs [p. ex., l’élevage ou la microbiologie]).

Le milieu universitaire mène des recherches afin de mieux comprendre la RAM et de découvrir des solutions pour la neutraliser et la traiter.

Les entreprises spécialisées en sciences de la vie soutiennent la mise au point de technologies liées à la RAM, ou s’associent avec les universités pour faciliter la commercialisation des innovations permises par la recherche.

L’industrie agricole promeut notamment l’utilisation appropriée des antimicrobiens et instaure certains programmes de contrôle dans la production d’animaux d’élevage afin de protéger la santé des animaux et de maintenir la qualité de l’approvisionnement alimentaire.

Le public se protège et protège autrui contre les infections et a la responsabilité d’utiliser les antibiotiques de façon appropriée.

Annexe II. Glossaire

Adjuvant
Une substance ajoutée à un vaccin ou un antimicrobien pour augmenter leur efficacité.
Animaux destinés à l’alimentation
Animaux élevés pour la production de viande ou d’autres produits alimentaires.
Antibiotiques
Sont produits par les microorganismes ou sont des substances synthétiques dérivées des microorganismes. Ils servent à traiter des infections causées par des bactéries.
Antibiotiques à large spectre
Antibiotiques qui travaillent contre un large éventail de bactéries.
Antimicrobiens
Substances naturelles ou synthétiques capables de tuer des microorganismes ou d’en bloquer la reproduction.
Antimicrobien important sur le plan médical
Antimicrobiens essentiels au traitement d’infections bactériennes graves pour lesquels il n’existe que peu d’antimicrobiens de rechange, voire aucun, pour un traitement efficace en cas d’émergence d’une résistance à ces agents.
Enterobacteriaceae
Bactéries de la famille Gram-négative comprenant Escherichia coli (E. coli) and Klebsiella. Certaines de ces bactéries (E. coli) font partie de la flore intestinale normale alors que d’autres sont causées par une infection.
Entérocoquesrésistants à la vancomycine (ERV)
Bactéries qui causent des infections des voies urinaires, du sang et des plaies chirurgicales des patients d'hôpital et sont résistantes à l’antibiotique vancomycine.
Infection associée aux soins de santé
Infection qu’un patient contracte (ou attrape) dans un milieu où il reçoit des soins (p. ex., un hôpital, un établissement de soins de longue durée).
Infection associée aux hôpitaux
Infections acquises dans un établissement hospitalier.
Infection d’origine communautaire
Infections acquise à l’extérieur d’un milieu hospitalier.
Multirésistance
Microorganismes ayant acquis une résistance à au moins une classe d’agents antimicrobiens.
Relation vétérinaire-client-patient (RVCP)
Condition préalable à la détermination des besoins médicaux, et par conséquent, à la prescription ou distribution d’antimicrobiens, une RVCP est une relation de travail en continue entre le médecin vétérinaire, le client et le patient animalier basée sur la confiance.
Résistance aux antimicrobiens (RAM)
Capacité des microorganismes à évoluer de façon à survivre et à acquérir des moyens de résister aux agents antimicrobiens (p. ex., les antibiotiques, les antiviraux).
Salmonella
Une bactérie qui s’attaque à l’appareil digestif.  C'est l'une des causes les plus courantes de maladies d'origine alimentaire.
Staphylococcus aureusrésistant à la méthicilline (SARM)
Infection associée aux soins de santé résistante à la méthicilline, un des antibiotiques de première ligne utilisé pour traiter les infections bactériennes du type Staphylococcus aureus.
Stimulation de la croissance
Utilisation d’antimicrobiens pour augmenter le taux du gain de poids ou l’efficacité alimentaire des animaux.
Utilisation des antimicrobiens
Comment les antimicrobiens sont utilisés, y compris le but du traitement, la durée d'utilisation, la voie d'administration et les espèces (p.ex., humaines, animales ou végétales).
Utilisation de médicaments en dérogation aux directives de l’étiquette
Utilisation ou intention d’utilisation hors étiquette ou hors notice d’un médicament homologué par Santé Canada pour un animal.
Utilisation préventive
L'administration d'un antimicrobien pour offrir une protection à l'avance du développement de la maladie.
Une seule santé
Approche concertée, collaborative et multidisciplinaire pour contrer les risques de santé survenant au confluent des écosystèmes-humains-animaux.

Références

Remarque: Le cadre sur la RAM a été élaboré à l’aide des rapports sur les éléments produits par les quatre Groupes de travail fédéral, provinciaux, territoriaux.

  • Groupe de travail RAM sur la surveillance. Rapport 2016
  • Groupe de travail RAM sur la prévention et le contrôle des infections. Rapport 2016
  • Groupe de travail RAM sur l’intendance. Rapport 2016
  • Groupe de travail RAM sur la recherche et l’innovation. Rapport 2016

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