Page 5 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le chlorure de vinyle

Partie II. Science et considérations techniques

4.0 Description, utilisation et sources dans l'environnement

4.1 Description

Le chlorure de vinyle (CH2CHCl; numéro de registre du Chemical Abstracts Service 75-01-4) est un gaz incolore, inflammable et explosif dont le point d'ébullition est de -13,4 °C; sa constante de la loi d'Henry, soit 2,8 kPa·m3/mol à 25 °C, et sa pression de vapeur, soit 362,6 kPa à 20 °C, traduisent la volatilité élevée du produit (U.S. EPA, 2000a). Le chlorure de vinyle, qu'on appelle également monomère de chlorure de vinyle, chloroéthène, monochloroéthène, chloroéthylène et monochloroéthylène, a une masse moléculaire relative de 62,5 (OEHHA, 2000; ATSDR, 2006). Il est légèrement soluble dans l'eau (1,1 g/L à 28 °C), mais très soluble dans les graisses et les solvants organiques. Il se polymérise sous l'effet de la lumière et en présence d'un catalyseur. À la combustion, il se décompose en chlorure d'hydrogène et en dioxyde de carbone, avec des traces de phosgène. Le chlorure de vinyle a une odeur sucrée et agréable lorsqu'il est présent en concentrations élevées (ATSDR, 2006; CIRC, 2008). Dans l'air, 1 partie par million (ppm) de chlorure de vinyle correspond à 2,6 mg/m3 à 25 °C et sous une pression de 1 atm.

4.2 Principales sources et utilisations

Le chlorure de vinyle se retrouve principalement dans l'environnement de sources anthropogéniques, et peut aussi être formé naturellement dans le sol (Keepler et coll., 2002). Il est maintenant fabriqué et employé en appliquant des procédés très stricts de retenue et de récupération de ce produit. Le relargage du chlorure de vinyle monomérique contenu dans les tuyaux de polychlorure de vinyle (PVC) peut contaminer l'eau potable. Les déversements en milieu aquatique sont principalement associés aux rejets industriels des usines de fabrication de produits chimiques et de latex (CIRC, 1979). Du chlorure de vinyle peut aussi être formé dans les eaux souterraines et dans l'environnement par la biodégradation de solvants synthétiques comme le trichloroéthène, le trichloroéthane et le tétrachloroéthène (Parsons et coll., 1984; OEHHA, 2000; ATSDR, 2006).

Entre 1986 et 1999, la capacité de fabrication de l'industrie au Canada se situait entre 373 et 550 kilotonnes de chlorure de vinyle par année, et la production se situait entre 270 et 439 kilotonnes par année (CIS, 1999). La fermeture d'usines de fabrication de chlorure de vinyle a entraîné une baisse de la production de chlorure de vinyle au Canada depuis 2000 : la société The Dow Chemical Company a fermé ses installations de production de chlorure de vinyle à Sarnia, en Ontario, au début des années 1990, et ses installations à Fort Saskatchewan, en Alberta, en 2006; BF Goodrich a fermé son usine à Shawinigan, au Québec, en 1993, et Royal Polymer a fermé son usine à Sarnia, en Ontario, en 2009. Il ne reste maintenant qu'une seule installation de production de PVC au Canada; elle se trouve à Niagara Falls, en Ontario (Environnement Canada, 2008).

En 1982, 86 % de la production canadienne de chlorure de vinyle a été utilisée pour fabriquer du polychlorure de vinyle, 4 %, pour fabriquer du 1,1,1-trichloroéthane, et 10 % a été exportée (Environnement Canada, 1985). Cependant, entre 1986 et 1999, la production de PVC s'est accrue, tandis que l'utilisation de chlorure de vinyle pour la fabrication de 1,1,1-trichloroéthane est devenue négligeable et que la quantité exportée a diminué. Les importations de PVC au Canada sont passées, au cours de la même période, de 73 à 440 kilotonnes par année. Après 1993, près de 100 % du chlorure de vinyle produit au Canada a été destiné à la fabrication de PVC (CIS, 1999). La demande en PVC au Canada est en majeure partie associée à la fabrication de tuyaux et de raccords. Le PVC rigide employé pour fabriquer les tuyaux et les raccords destinés à l'approvisionnement en eau potable contient peu de plastifiant ou n'en contient pas du tout. C'est pourquoi on appelle parfois le PVC « PVC rigide » ou « PVC non plastifié » (Richardson et Edwards, 2009).

Le PVC entre dans la fabrication de fil électrique, d'isolants et de câbles, d'équipement industriel et domestique, de fournitures médicales, de matériaux d'emballage des aliments, de produits destinés à la construction et de tuyaux. En outre, le PVC est une matière première employée dans les industries de fabrication du papier, du verre, et du caoutchouc ainsi que dans l'industrie de l'automobile. Les copolymères de chlorure de vinyle et de polychlorure de vinyle sont distribués et transformés sous diverses formes, par exemple sous forme de résines sèches, de plastisol, d'organosol et de latex (U.S. EPA, 2000b). Les concentrations de chlorure de vinyle monomérique dans le PVC ont été considérablement réduites entre 1973 et 1975; elles se situent entre 1 et 10 ppm (ECETOC, 1988). Une vaste gamme d'aliments et de boissons sont emballés dans des contenants ou des pellicules en copolymères de chlorure de vinyle et de polychlorure de vinyle, et des résidus de chlorure de vinyle peuvent ainsi contaminer les aliments ou les boissons (ECETOC, 1988). Les jouets en plastique destinés aux enfants, comme les poupées, les jouets pour le bain et les jouets à presser renferment souvent du PVC. On a détecté dans le passé du chlorure de vinyle dans l'habitacle des véhicules neufs (824 à 3 120 μg/m3) (CIRC, 1979). La teneur en chlorure de vinyle dans la fumée de cigarettes et de petits cigares fabriqués aux États-Unis se situait entre 5 et 27 ng par cigarette (concentration moyenne de 11,35 ng/cigarette) (Hoffmann et coll., 1976).

Une installation de production de PVC établie à Niagara Falls (Thorold), en Ontario, a rejeté 2 489 millions de litres d'eaux usées par jour dans la rivière entre 2005 et 2007, et a déclaré une concentration de chlorure de vinyle de 1,46 µg/L dans les eaux usées rejetées dans la rivière (Oxy Vinyl, 2008). D'après les données de l'Inventaire national des rejets de polluants, la quantité totale de chlorure de vinyle déversée dans les eaux de surface en 2007 était de 0,001 tonne (INRP, 2007). Dans le passé, du chlorure de vinyle a été rejeté dans l'eau à Sarnia, en Ontario; cependant, la quantité de rejets a diminué à partir de 1998, et aucun rejet de chlorure de vinyle dans l'eau n'a été signalé depuis 2000, sauf 0,297 tonne en 2003.

Dans le passé, la quantité de chlorure de vinyle rejetée dans l'air a atteint un maximum de 44 tonnes en 1997 et, depuis, elle décroît de manière constante. En 2007, 2,7 tonnes de chlorure de vinyle ont été rejetées dans l'atmosphère par les principales installations industrielles au Canada; cette année-là, les émissions de chlorure de vinyle les plus importantes ont été enregistrées dans trois villes en Ontario : Thorold, Sarnia et Guelph. Des rejets ont aussi été signalés régulièrement à Fort Saskatchewan, en Alberta, avant la fermeture, en 2006, de l'usine de fabrication de chlorure de vinyle qui s'y trouvait (INRP, 2007).

Lesage et coll. (1993) ont mesuré les concentrations de chlorure de vinyle dans le lixiviat d'un site municipal d'enfouissement des déchets solides à Guelph, en Ontario; des concentrations moyennes de chlorure de vinyle de 14 µg/L et de 23 µg/L ont été détectées dans les échantillons (en nombre indéterminé) recueillis en 1988 et en 1989, respectivement. En 2007, 0,538 tonne de chlorure de vinyle a été rejetée dans le sol aux endroits suivants : Thorold, en Ontario; Sarnia, en Ontario; Winnipeg, au Manitoba (INRP, 2007).

Lors d'une étude réalisée pour déterminer le potentiel de production de chlorure de vinyle par des processus naturels dans le sol, on a recherché la présence d'hydrocarbures halogénés volatils dans des échantillons d'air du sol et d'air ambiant. Les concentrations de chlorure de vinyle dans l'air du sol étaient nettement plus élevées que celles dans l'air ambiant, suggérant une formation naturelle dans le sol. Étant donné que les concentrations de chlorure de vinyle, de trichloroéthène et de tétrachloroéthène dans l'air ambiant étaient très faibles, les auteurs ont conclu que les concentrations nettement plus élevées dans l'air du sol ne pouvaient pas être attribuées à une contamination par l'air ambiant. Les auteurs ont été en mesure de produire du chlorure de vinyle en laboratoire lors d'expériences de suivi en utilisant différents sols vierges et des composés modèles. Les auteurs ont proposé que le chlorure de vinyle pourrait être formé lors de la dégradation oxydative de matière organique présente dans le sol, telle une réaction entre des substances humiques, des ions chlorures et un oxydant (ions ferriques ou radicaux hydroxyles). Les auteurs (Keppler et coll., 2002) ont indiqué que des études plus poussées sont nécessaires pour mieux comprendre la formation et l'importance du chlorure de vinyle d'origine naturelle dans le sol.

4.3 Devenir dans l'environnement

On ne détecte habituellement pas de chlorure de vinyle dans les eaux souterraines. Des sources possibles de sa présence dans l'eau souterraine comprennent les eaux de lessivage de sites d'enfouissement ainsi que des endroits où il y a eu déversement de chlorure de vinyle ou de précurseurs chlorés de ce composé. Lorsqu'il se retrouve dans le sol, le chlorure de vinyle n'est pas adsorbé sur les particules de sol; s'il ne s'évapore pas, il migre facilement vers les eaux souterraines, où il peut rester pendant des mois ou des années (Parsons et coll., 1984). La demi-vie du chlorure de vinyle monomérique présent en concentration de 1 mg/L dans des eaux libres à une profondeur de 1 m est estimée à 26 minutes, et 90 % du produit disparaît par évaporation en 96 minutes (Verschueren, 1984).

En conditions aérobies, le chlorure de vinyle dans les échantillons prélevés dans un aquifère peu profond (eaux souterraines) se dégradait rapidement : plus de 99 % du produit était dégradé au bout de 108 jours, et environ 65 % était minéralisé en dioxyde de carbone (Davis et Carpenter, 1990). De plus, Bradley et Chapelle (2011) ont rapporté que même dans des conditions hypoxiques (concentrations initiales d'oxygène dissous d'environ 0,1 mg/L) et nominalement anoxique (limite minimale de détection de l'oxygène dissous = 0,01 mg/L), les vitesses de réaction de premier ordre pour la biodégradation du chlorure de vinyle (minéralisation) étaient d'environ 1 à 2 ordres de grandeur plus élevées lors de traitements de sédiments d'eaux souterraines hypoxiques et au moins trois fois plus élevées lors de traitements de sédiments d'eaux de surface hypoxiques que celles observées dans des conditions anoxiques respectives.

En conditions anaérobies, la biodégradation de composés chlorés peut générer du chlorure de vinyle. Le chlorure de vinyle peut ensuite être décomposé en éthènes moins ou non chlorés, et même en dioxyde de carbone et en éthane. Toutefois, ces réactions subséquentes sont souvent lentes en conditions anaérobies, et le chlorure de vinyle peut donc être persistant dans les eaux souterraines (ATSDR, 2006). Par exemple, Jacobs et coll. (2007) ont rapporté que pour certains sites Superfund aux États-Unis il a été montré que le chlorure de vinyle persiste plus de 20 ans. Une constante de vitesse de pseudo premier ordre de 1,10 × 10-3 mois-1 et une demi-vie de 57,2 ans ont été estimées pour la disparition du chlorure de vinyle dans des microsomes aquatiques dans des conditions anaérobies sans bioamplification. Toutefois, il a été montré que la dégradation anaérobie survient plus rapidement dans des conditions méthanogènes ou de Fe(III) réductrices (Bradley et Chapelle, 1996, 1997). Bradley et Chapelle (1996) ont rapporté que l'ajout de Fe(III) en tant que Fe-EDTA dans des microcosmes d'aquifère anaérobies conduisait à une minéralisation rapide (15-34 %) du chlorure de [1,2-14C]vinyle en 14CO2 en 84 heures. Les vitesses de minéralisation du chlorure de vinyle dans des microcosmes amendés avec du Fe-EDTA étaient comparables à celles observées dans des microcosmes aérobies (22-39 % en 84 heures). Les auteurs ont conclu que l'ajout de Fe(III) chélaté peut constituer un traitement efficace pour une meilleure biorestauration de systèmes d'eaux souterraines contaminés par du chlorure de vinyle. Lors d'une autre étude, Bradley et Chapelle (1997) ont calculé que le taux de récupération de la réactivité du chlorure de [1,2-14C]vinyle en 14CO2 allait de 5 à 44 % dans des microcosmes méthanogènes et de 8 à 100 % dans des microcosmes sous conditions de Fe (III) réductrices, pour une période de 37 jours.

Le point d'ébullition peu élevé, la pression de vapeur élevée et la faible solubilité du chlorure de vinyle indiquent que le chlorure de vinyle rejeté dans les eaux de surface passera rapidement dans l'air. Dans les eaux renfermant des photosensibilisants, par exemple des matières humiques, la photodégradation peut également constituer une voie d'élimination importante (ATSDR, 2006).

On s'attend à ce que le chlorure de vinyle libéré dans l'atmosphère soit éliminé par réaction avec les radicaux hydroxyle générés par voie photochimique (demi-vie de 1 à 2 jours) et génère ainsi des produits de réaction comme de l'acide chlorhydrique, du formaldéhyde, du chlorure de formyle, de l'acétylène, du chloroacétaldehyde, du chloroacétylchloranil et l'époxychloroéthylène (ATSDR, 2006).

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