Page 6 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le chlorure de vinyle

Partie II. Science et considérations techniques (continué)

5.0 Exposition

La population générale est exposée au chlorure de vinyle principalement par inhalation de l'air ambiant et par ingestion de denrées emballées dans des contenants en PVC, qui peuvent être une source de chlorure de vinyle (ATSDR, 2006). On ne dispose d'aucune donnée sur les concentrations de chlorure de vinyle présentes dans les sédiments ou les eaux usées au Canada. Aucune donnée quantitative n'existe sur l'exposition au chlorure de vinyle associée aux jouets en plastique.

5.1 Eau

Dans une enquête nationale menée en 1979 auprès de 30 installations de traitement des eaux au Canada, on a décelé la présence de chlorure de vinyle à une concentration < 1 µg/L dans un échantillon d'eau traitée et dans un échantillon d'eau brute recueillis en novembre et en décembre, mais pas dans les échantillons prélevés en août et en septembre (Otson et coll., 1982).

En Alberta, parmi 1 622 échantillons prélevés depuis le 1er janvier 2000, seulement 2 d'entre eux, provenant d'eau potable traitée dans des parcs provinciaux contenaient du chlorure de vinyle; dans les 2 cas (0,11 et 0,5 µg/L), la concentration était inférieure ou égale à la limite de détection de la méthode (LDM), la LDM la plus élevée étant de 1,0 µg/L (Alberta Environment, 2009).

Au Nouveau-Brunswick, on n'a décelé du chlorure de vinyle dans aucun approvisionnement en eau potable entre 1994 et 2008 (ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick, 2009).

En Nouvelle-Écosse, des tests effectués entre mars 2002 et avril 2008 dans 47 des 85 installations de traitement de l'eau potable; on a rapporté ne pas avoir détecté de chlorure de vinyle dans un total de 202 échantillons prélevés, soit 102 échantillons d'eau brute et 100 échantillons d'eau traitée. La LDM se situait entre 0,17 µg/L et 1 µg/L (Nova Scotia Department of Environment, 2009).

Au Québec, de 2001 à 2009, on a analysé la teneur en chlorure de vinyle de 4 824 échantillons prélevés dans 276 réseaux de distribution (la plupart desservant plus de 5 000 personnes). Au total, la concentration était inférieure à la LDM dans 4 807 cas (99,6 %), cette limite se situant entre 0,02 et 0,6 µg/L, selon le laboratoire responsable de l'analyse; 17 échantillons renfermaient du chlorure de vinyle en concentration de 0,04 à 3,0 µg/L, pour une moyenne de 0,75 µg/L (ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs du Québec, 2009).

En Saskatchewan, de 1996 à 2008, on n'a détecté de chlorure de vinyle dans aucun des 25 échantillons recueillis dans le réseau de distribution (LDM entre 0,4 et 1 µg/L) (Saskatchewan Ministry of Environment, 2009).

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada a publié les résultats de l'analyse du chlorure de vinyle dans des échantillons d'eau brute et d'eau traitée prélevés dans quatre provinces (Santé Canada, 2009). En Colombie-Britannique, on n'a détecté de chlorure de vinyle dans aucun des 10 échantillons d'eau brute (LDM entre 0,5 et 1 µg/L) pour la période de 2002 à 2008; cependant, du chlorure de vinyle a été mesuré dans 2 des 920 échantillons recueillis, cela en concentration de 0,61 et de 0,54 µg/L. En Alberta, pour la période de 2004 à 2008, on n'a détecté du chlorure de vinyle dans aucun des 177 échantillons d'eau traitée prélevés; toutefois, on a détecté une concentration de ce produit inférieure à 2 µg/L dans 1 des 30 échantillons d'eau brute (LDM entre 0,2 et 2 µg/L). En Ontario, on n'a détecté du chlorure de vinyle dans aucun des 424 échantillons d'eau brute analysés (LDM de 0,2 µg/L); par contre, 1 des 1 072 échantillons d'eau traitée analysés entre 2001 et 2009 contenait du chlorure de vinyle (0,5 µg/L). Enfin, au Manitoba, de 2001 à 2009, on n'a décelé de chlorure de vinyle dans aucun des 460 échantillons d'eau brute prélevés (LDM entre 0,2 et 2 µg/L); cependant, 7 échantillons d'eau traitée sur 700 renfermaient du chlorure de vinyle en concentration de 0,9 à 1,6 µg/L.

Environnement Canada (1998) a surveillé les concentrations de chlorure de vinyle dans les eaux de surface et les eaux souterraines de l'Est du Canada (Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve et Nouveau-Brunswick). Entre 1985 et 1988, on a mesuré les concentrations de chlorure de vinyle dans des lacs (n = 86), des étangs (n = 17), des réservoirs (n = 29) ainsi que des cours d'eau (n = 50). La concentration moyenne de chlorure de vinyle dans chacun de ces types d'eaux de surface était inférieure à la LDM de 5 µg/L (Environnement Canada, 1998). Les concentrations de chlorure de vinyle étaient inférieures à la LDM de 5 µg/L dans l'ensemble des 141 échantillons d'eaux souterraines prélevés à différents endroits dans les provinces (Environnement Canada, 1998).

5.1.1 Relargage à partir des tuyaux en polychlorure de vinyle

À l'heure actuelle, on emploie des tuyaux en plastique de PVC et de polychlorure de vinyle chloré (PVCC) pour acheminer l'eau potable. Pendant le processus de polymérisation, des monomères de chlorure de vinyle résiduels sont retenus dans la matrice du tuyau en plastique (PVC ou PVCC) et ils peuvent ensuite être relargués dans l'air ou dans l'eau (OMS, 2004; Richardson et Edwards, 2009). Dans une étude de terrain (Dressman et McFarren, 1978) et des études expérimentales (Banzer, 1979; Ando et Sayato, 1984) réalisées il y a de nombreuses années, on a démontré la capacité des résidus de chlorure de vinyle de passer des tuyaux en PVC à l'eau y circulant. Le degré de relargage est fonction des concentrations de chlorure de vinyle dans le matériau de fabrication du tuyau. Dans l'étude de terrain, c'est invariablement dans des tuyaux fabriqués en 1975 qu'on a mesuré les plus fortes concentrations de chlorure de vinyle (1,4 μg/L), tandis que la concentration la plus faible (0,03 μg/L) a été détectée dans des tuyaux fabriqués en 1966 (Dressman et McFarren, 1978). On a constaté que la quantité de chlorure de vinyle migrant des tuyaux en PVC rigide vers l'eau potable était directement proportionnelle à la concentration de résidus de chlorure de vinyle dans le tuyau lui-même. Les tuyaux en PVC plus anciens (fabriqués avant 1977) peuvent renfermer des concentrations de chlorure de vinyle atteignant jusqu'à 600 mg/kg, et il a été démontré qu'ils laissent échapper du chlorure de vinyle dans l'eau potable (Beardsley et Adams, 2003).

Il existe plusieurs solutions pour traiter le problème du relargage de chlorure de vinyle à partir de canalisations en PVC d'avant 1977 qui sont toujours utilisées de nos jours. Parmi celles-ci, le remplacement des canalisations, l'utilisation de dispositifs de traitement de l'eau potable et la mise en œuvre de protocoles de purge. Beardsley et Adams (2003) ont déterminé que le développement et la mise en œuvre d'un protocole de purge appropriés constituent une approche pratique pour réduire l'exposition au chlorure de vinyle présent dans ces canalisations. On utilise généralement du PVC pour acheminer l'eau froide dans les réseaux de distribution et dans la plomberie domestique (tuyaux et composantes, p. ex. raccords). Le Code national de la plomberie du Canada (CNP) ne permet l'utilisation de PVC que dans la plomberie destinée à l'eau froide (CNRC, 2010). Le procédé de chloration confère au PVCC une meilleure résistance à la chaleur et une plus grande stabilité mécanique. Selon le CNP, on peut employer le PVCC pour acheminer l'eau froide et l'eau chaude (CNRC, 2010). Il est également à noter que le CNP exige que tous les tuyaux en plastique respectent la norme de l'Association canadienne de normalisation (CSA) applicable aux tuyaux en plastique (CSA, 2009). La norme de la CSA a été révisée en 1990 afin d'y inclure un test de relargage du chlorure de vinyle dans l'eau potable. La série B137 de normes de la CSA concernant la tuyauterie sous pression exige actuellement que la tuyauterie et les composantes en PVC et en PVCC (tubes et raccords) utilisées pour acheminer l'eau potable soient conformes aux exigences de la norme NSF/ANSI 61 (CSA, 2009). Pour que les produits et les matériaux à base de PVC ou de PVCC soient certifiés à la norme NSF/ANSI 61, leurs parois doivent contenir au plus 3,2 mg/kg de monomère de chlorure de vinyle, ce qui est équivalent à 0,2 µg/L de chlorure de vinyle diffusé dans l'eau. Ce critère d'acceptation est la concentration permissible par produit individuel (CPPI), qui est dérivée des valeurs réglementaires pour ce contaminant de l'U.S. EPA et de Santé Canada (un dixième de la valeur réglementaire de 2 µg/L) (NSF/ANSI, 2012). Les tuyaux et les composantes répondant à la norme NSF/ANSI 61 devraient libérer de très faibles concentrations de chlorure de vinyle dans l'eau potable.

Richardson et Edwards (2009) ont examiné le relargage et l'accumulation de chlorure de vinyle dans des réacteurs statiques constitués d'un segment ou d'un fragment de tuyau de PVC ou de PVCC utilisé pour l'acheminement de l'eau potable. Les résultats ont indiqué que les réacteurs en PVC neufs libéraient plus rapidement du chlorure de vinyle et causaient une accumulation de concentrations plus fortes de ce produit que les réacteurs en PVCC, mais que les concentrations de chlorure de vinyle issues des réacteurs en PVC et en PVCC étaient malgré tout très faibles. Les résultats de cette étude sont présentés de manière plus détaillée à la section 7.1.5.

On a constaté que les tuyaux en PVC exposés à la lumière naturelle à des températures ambiantes maximales de 35 °C libéraient plus de 2,5 µg/L de chlorure de vinyle dans l'eau. En l'absence de lumière, il n'y avait pas de libération de chlorure de vinyle, ce qui montre que des conditions environnementales telles que la chaleur et le rayonnement UV peuvent avoir un effet néfaste du point de vue des rejets de chlorure de vinyle (Al Malack et Sheikheldin, 2001).

5.2 Aliments

Il a été établi que le chlorure de vinyle peut migrer des emballages en PVC vers l'eau potable embouteillée. Benfenati et coll. (1991) ont constaté que le chlorure de vinyle migrait progressivement de la bouteille vers l'eau à raison de 0,001 µg/L par jour. On a mesuré des concentrations de chlorure de vinyle de 0,013 à 0,083 µg/L (moyenne de 0,048 µg/L) dans de l'eau potable embouteillée dans du PVC en Italie (Benfenati et coll., 1991).

On dispose de très peu de renseignements sur les concentrations de chlorure de vinyle dans les aliments. Le relargage du chlorure de vinyle monomérique à partir des matériaux d'emballage pour aliments humides est faible; par contre, le chlorure de vinyle est soluble dans l'alcool et dans l'huile minérale. Le Règlement sur les aliments et drogues du Canada interdit la vente de tout aliment emballé dans des matériaux libérant des résidus détectables de chlorure de vinyle monomérique, tels que mesurés à l'aide d'une méthode d'analyse ayant une limite de détection de 50 µg/kg (Gouvernement du Canada, 2011). L'ingestion quotidienne de chlorure de vinyle par consommation d'aliments et de boissons a été estimée à 0,1 µg/jour (Purchase et coll., 1985).

5.3 Air

En Alberta, les concentrations moyennes de chlorure de vinyle sur 24 heures dans le périmètre d'une usine de chlorure de vinyle enregistrées de 1979 à 1984 étaient de 12,9 µg/m3 (5 ppb) 86 à 98 % du temps; de 12,9 à 23,2 µg/m3 (5 à 9 ppb) 0,3 à 4,9 % du temps; de 25,8 à 77,4 µg/m3 (10 à 30 ppb) 0,1 à 6,5 % du temps; de 77,4 µg/m3 (30 ppb) 0,3 à 2.4 % du temps (Environnement Canada, 1986). La population générale peut être exposée à de faibles quantités de chlorure de vinyle par inhalation de l'air ambiant dans les zones urbaines, habituellement à raison de 5 µg/jour par personne (ECETOC, 1988), les concentrations étant cependant plus élevées à proximité des usines de chlorure de vinyle et de PVC.

De manière générale, on n'a pas détecté (< 0,05 µg/m3) de chlorure de vinyle dans les 2 560 échantillons sur 24 heures recueillis à 47 sites au Canada en 2002 (Environnement Canada, 2004). Une concentration maximale sur 24 heures de 0,7 µg/m3 a été signalée à Sarnia, en Ontario; Sarnia est une région urbaine reconnue comme ayant une source industrielle ponctuelle. D'après les données annuelles sur l'air extérieur à Montréal, au Québec, la concentration moyenne de chlorure de vinyle sur 24 heures était de 0,02 µg/m3 en 2001 et en 2002 (4 sites, 8 échantillons) (Environnement Canada, 2002).

On a mesuré les concentrations de chlorure de vinyle dans l'air ambiant à différents endroits au Canada à partir des stations du Réseau national de surveillance de la pollution atmosphérique (Environnement Canada, 2006). Entre 2003 et 2006, près de 99 % de toutes les concentrations moyennes de chlorure de vinyle en milieu rural (4 379 échantillons sur 4 447) et urbain (7 787 échantillons sur 7 879) étaient inférieures à la LDM, soit 0,02 µg/m3.

Santé Canada a mesuré les concentrations de chlorure de vinyle dans 100 foyers de non-fumeurs à Windsor, en Ontario, de 2005 à 2006 (Stocco et coll., 2008). La concentration moyenne de chlorure de vinyle à l'intérieur était de 0,062 µg/m3 pendant l'été, et de 0,028 µg/m3 pendant l'hiver. Les concentrations de chlorure de vinyle étaient plus faibles à l'extérieur qu'à l'intérieur pendant l'été et l'hiver. On a établi que la concentration moyenne d'exposition était de 0,01 µg/m3 l'hiver, et qu'elle était inférieure à 0,001 µg/m3 l'été (Stocco et coll., 2008).

Dans une étude menée par Dawson et McAlary (2009), on a détecté du chlorure de vinyle dans 7 % des 1 684 foyers échantillons en Amérique du Nord au total; des concentrations allant jusqu'à 1,3 µg/m3 ont été détectées (la plage de valeurs enregistrées allant de 0,01 à 1,3 µg/m3).

Aux États-Unis, les concentrations de chlorure de vinyle dans l'air à l'intérieur de foyers situés à proximité de sites d'enfouissement pouvaient atteindre 1 mg/m3, et elles pouvaient dépasser la concentration maximale enregistrée dans l'air extérieur à proximité des sites d'enfouissement. Dans le cadre d'un programme de surveillance en Californie, on a recueilli 500 échantillons à 2 sites à l'extérieur et à 4 sites à l'intérieur dans la direction du vent par rapport à un site d'enfouissement, et on a constaté que les 120 échantillons renfermant la concentration la plus élevée de chlorure de vinyle (25 μg/m3) provenaient de l'intérieur de maisons (Little et coll., 1992). Une concentration moyenne de chlorure de vinyle de 4 ppb (10,4 μg/m3) et une concentration maximale de 9,3 ppb (24,2 μg/m3) ont été mesurées parmi plus de 500 échantillons provenant de 69 foyers près d'un site d'enfouissement utilisé pour la coélimination des déchets en Californie, tandis que les concentrations sur le site d'enfouissement se situaient entre 83 et 12 800 ppm (216 à 33 280 mg/m3) (Stephens et coll., 1986).

5.4 Sol

Pour caractériser les conditions ambiantes à l'échelle locale, le ministère de l'Environnement de l'Ontario a mesuré la concentration de chlorure de vinyle dans des échantillons de sol prélevés à des sites non touchés par des sources ponctuelles (MEO, 1997). On a établi à 0,003 µg/g la concentration de fond de chlorure de vinyle dans les sols à vocation agricole ou autre en Ontario, d'après la concentration correspondant au 90e centile des concentrations mesurées dans les échantillons de sol.

5.5 Exposition multivoies associée à l'eau potable

Un modèle pharmacocinétique à base physiologique (PBPK) a été élaboré d'après Clewell et coll. (2001, 2004) pour extrapoler les résultats de deux études sur l'exposition par voie orale à des doses élevées de chlorure de vinyle chez le rat (Feron et coll., 1981; Til et coll., 1991) au cas d'humains exposés à de faibles concentrations de chlorure de vinyle dans l'eau potable. Le modèle a également servi à calculer l'apport relatif (exprimé en litres équivalents ou L-eq) des voies d'exposition par absorption cutanée et par inhalation pendant un bain ou une douche. En se fondant sur les doses externes produites par le modèle PBPK (voir les sections 8.4 et 10.1), on a obtenu la contribution en L-eq pour l'exposition par voie cutanée et par inhalation en appliquant le modèle à un scénario correspondant à un bain de 30 minutes. En comparant les doses internes générées par l'exposition par voie cutanée et par inhalation avec la dose interne associée à l'ingestion, on a déterminé que l'exposition par voie cutanée et par inhalation était de 1,9 L-eq et de 0,4 L-eq pour chacune de ces deux voies, respectivement. Si on ajoute à cela une consommation de 1,5 L d'eau potable par jour, valeur normale au Canada, l'exposition quotidienne totale au chlorure de vinyle par l'eau potable est estimée à 3,8 L-eq. Cette exposition quotidienne a été utilisée pour l'évaluation des risques de cancer et des autres risques à la section 10.

Détails de la page

Date de modification :