Page 6 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – l'arsenic
Les sources d'eaux souterraines contiennent généralement de plus grandes concentrations d'arsenic inorganique que les eaux de surface. Lorsque l'arsenic est présent dans les eaux de surface, on peut l'y trouver aussi sous certaines formes organiques (U.S. NRC, 1999). Plusieurs provinces canadiennes ont présenté des données de surveillance concernant les sources d'approvisionnement en eau. Dans les sources d'approvisionnement en eau souterraine de l'Île-du-Prince-Édouard, les concentrations d'arsenic ont varié de 0,1 à 26,0 µg/L entre 1986 et 2002; dans plus de 99 % des échantillons, les concentrations étaient inférieures à 10 µg/L, et la moyenne s'établissait à environ 1,5 µg/L (ministère des Pêches, de l'Aquaculture et de l'Environnement de l'Île-du-Prince-Édouard, 2003).
Au Québec, les concentrations d'arsenic ont varié de 1,0 à 25,0 µg/L dans les eaux de surface municipales traitées de 523 localités entre 1990 et 2002. Dans plus de 99 % des échantillons, les concentrations étaient inférieures à 10 µg/L et la moyenne annuelle s'établissait à 1,6 µg/L. Les concentrations variaient de 1,0 à 60 µg/L dans les eaux souterraines municipales traitées de 562 localités au cours de la même période. Environ 98 % des échantillons contenaient des concentrations inférieures à 10 µg/L et la moyenne annuelle s'établissait à 2,0 µg/L (ministère de l'Environnement du Québec, 2003).
En Ontario, les concentrations d'arsenic ont varié de 0,1 à 18 µg/L dans les eaux souterraines et de surface traitées de 726 localités pendant la période de 1997 à 2002. Dans plus de 99 % des échantillons, les concentrations étaient inférieures à 10 µg/L et la moyenne annuelle s'établissait à =0,7 µg/L (ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, 2003). Les données de surveillance produites par des laboratoires privés en Ontario ont indiqué que les concentrations d'arsenic dans l'eau potable traitée et brute ont varié de <2,5 à 68 µg/L pendant la période de 1999 à 2002, la moyenne s'établissant à <2,5 µg/L. Les concentrations plus élevées provenaient principalement de puits (ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, 2003).
En Saskatchewan, les concentrations d'arsenic ont varié de 0,5 à 105,0 µg/L dans les approvisionnements en eau municipale traitée de 539 localités entre 1976 et 2002. Dans 97 % des échantillons, les concentrations étaient inférieures ou égales à 10 µg/L et la moyenne s'établissait à 3,0 µg/L (ministère de l'Environnement et de la Gestion des ressources de la Saskatchewan, 2003). En Alberta, les concentrations d'arsenic ont varié de 0,1 à 1 000 µg/L dans les eaux souterraines et les eaux de surface traitées de 573 localités pendant la période de 1980 à 2002. Environ 99 % des échantillons contenaient moins de 10 µg/L et la moyenne annuelle s'établissait à 1,8 µg/L (ministère de l'Environnement de l'Alberta, 2003).
On a signalé des concentrations élevées d'arsenic dans des régions alimentées par des sources naturelles. En Nouvelle-Écosse, la concentration d'arsenic mesurée dans 9 % des échantillons d'eau de puits analysés à l'Environmental Chemistry Laboratory de Halifax entre 1991 et 1997 était supérieure à 25 µg/L (ministère de l'Environnement de la Nouvelle-Écosse, 1998). Selon Méranger et coll. (1984), dans sept localités de la Nouvelle-Écosse, les concentrations dépassaient 50 µg/L dans 33 à 93 % des puits. Elles dépassaient 500 µg/L dans 10 % des puits échantillonnés (n = 94). À Terre-Neuve, les concentrations maximales d'arsenic ont varié de 6 à 288 µg/L dans les approvisionnement publics en eau (54 puits) en 2002. Dans les écoles publiques (n = 16) qui avaient leurs propres sources d'approvisionnement en eau, les concentrations variaient de 1 à 368 µg/L. Dans environ 19 % des puits des écoles, les concentrations maximales étaient supérieures à 10 µg/L (ministère de l'Environnement et du Travail de Terre-Neuve, 2003). En Colombie-Britannique, on a signalé une concentration maximale d'arsenic de 580 µg/L dans des échantillons d'eaux souterraines prélevés sur l'île Bowen (Boyle et coll., 1998).
Dans certains États de l'ouest des États-Unis où l'on trouve de la roche volcanique et des gisements de minéraux sulfurés, la concentration d'arsenic dans les eaux souterraines dépasse 3 mg/L (ATSDR, 2000). On a également signalé des concentrations élevées d'arsenic dans l'eau potable provenant de puits situés dans des provinces du nord de l'Argentine : à Médanos, province de Buenos Aires, et à La Francia, province de Córdoba, on a mesuré des concentrations qui ont atteint respectivement 2 mg/L et 12 mg/L. Les concentrations dépassaient 1 mg/L en plusieurs autres endroits (Grinspan et Biagini, 1985).
Si l'on se base sur les résultats indiquant que la concentration d'arsenic dans l'eau potable n'atteint habituellement pas 5 µg/L dans les régions dépourvues de sources naturelles, et en supposant que la consommation quotidienne moyenne d'eau potable est de 1,5 L, on estime que l'apport quotidien moyen d'arsenic (dans sa forme inorganique pentavalente prédominante) par l'eau n'atteindra généralement pas 7,5 µg pour un adulte. Un enfant (0,5 à 4,0 ans) qui boit en moyenne 0,7 L d'eau potable par jour en absorberait moins de 3,5 µg.
Les aliments sont généralement considérés comme la source principale d'exposition à l'arsenic, sauf pour des populations vivant près d'une source ponctuelle d'arsenic (sources géologiques naturelles ou sites contaminés). Il est cependant difficile de comparer l'apport d'arsenic provenant des aliments à celui provenant de l'eau potable, car la forme (organique ou inorganique), la valence et la disponibilité biologique de l'arsenic ne sont pas les mêmes dans ces deux sources.
L'arsenic est concentré chez de nombreuses espèces de poissons et de coquillages et il est utilisé comme additif dans les aliments destinés à la volaille et au bétail. Le poisson et la viande sont donc les principales sources d'apport alimentaire (78,9 %, selon une enquête effectuée aux États-Unis) (Gartrelle et coll., 1986). Une étude sur l'alimentation totale réalisée en 1997 en Grande-Bretagne a révélé que 94 % de l'apport total en arsenic dans la population générale provenait des produits de la mer (U.K. MAFF, 1999). Au Canada, on a signalé des concentrations d'arsenic variant de 0,4 à 118 mg/kg dans du poisson d'eau salée destiné à la consommation humaine, alors que dans la viande et la volaille, les concentrations atteignaient 0,44 mg/kg (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1983). Bien qu'on ait déterminé que les composés organo-arsénieux (p. ex., arsénocholine et arsénobétaïne) présents dans la plupart des algues et autres aliments marins étaient relativement non toxiques (Sabbioni et coll., 1991), on a trouvé des formes inorganiques toxiques dans l'algue hijiki (ACIA, 2001). Les concentrations mesurées dans la végétation sont généralement d'un ordre de grandeur plus faibles que dans le poisson, tandis que les concentrations mesurées dans les coquillages sont généralement beaucoup plus élevées que dans le poisson (Subramanian, 1988). Les sources exogènes d'arsenic dans l'alimentation peuvent inclure les fongicides contenant de l'arsenic utilisés dans la production fruitière. En Amérique du Nord, toutefois, on n'utilise plus sur les aliments de pesticides contenant de l'arsenic (ATSDR, 2000, ARLA, 2003).
Des estimations récentes de l'apport quotidien moyen d'arsenic total dans l'alimentation chez les adultes sont les suivantes : 42 µg (plage de 22,5 à 78,7 µg) chez les adultes de 20 à 65 ans et plus au Canada (Dabeka et coll., 1993), 56 µg (plage de 27,5 à 92,1 µg) chez les adultes de 25 à 70 ans et plus aux États-Unis (Tao et Bolger, 1998), 120 µg au Royaume-Uni (U.K. MAFF, 1999), 150 µg en Nouvelle-Zélande (Vannoort et coll., 1995), 286 µg en Espagne (Urieta et coll., 1996) et 182 µg au Japon (Mohri et coll., 1990).
Chez les enfants âgés de 1 à 4 ans et de 5 à 11 ans de six villes du Canada, on a signalé que l'apport quotidien moyen d'arsenic total atteignait 14,9 µg (plage de 11,4 à 18,1 µg) et 29,9 µg (plage de 25,5 à 39,7 µg), respectivement (Dabeka et coll., 1993). Aux États-Unis, on a signalé des apports quotidiens de 2,15 µg, 23,4 µg, 20,3 µg et 13,3 µg chez les enfants âgés de 6 à 11 mois, de 2 ans, de 6 ans et de 10 ans respectivement (Tao et Bolger, 1998).
Pour ce qui est de la préparation des aliments, l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis estime que la teneur en arsenic des aliments préparés avec de l'eau contenant cette substance peut augmenter comme suit : 10 à 30 % pour la plupart des aliments; jusqu'à 200 à 250 % pour les fèves et les graines qui absorbent l'eau lorsqu'elles sont cuites (Mead, 2005).
Les concentrations d'arsenic dans l'air ambiant de 11 villes du Canada et d'un site rural pendant la période de 1985 à 1990 ont varié de <0,0005 à 0,017 µg/m3 (moyenne de 24 heures), la moyenne s'établissant à 0,001 µg/m3 (Dann, 1990). On trouve normalement des concentrations atmosphériques plus élevées à proximité des fonderies de métaux. À Yellowknife, en 1997, les concentrations ont varié de 0,002 à 0,063 µg/m3, et la moyenne annuelle s'est établie à 0,005 µg/m3 (gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 1998).
Aux États-Unis, on a signalé que les concentrations annuelles moyennes d'arsenic dans l'air étaient de 0,4 ng/m3 dans les régions rurales éloignées des activités métallurgiques, de 3 ng/m3 dans les autres endroits et de 30 ng/m3 dans un rayon de 80 km de fonderies de métaux non ferreux (Ball et coll., 1983). Les concentrations d'arsenic dans l'air intérieur en présence de fumée de tabac ambiante (FTA) ont varié de <0,1 à 1 ng/m3, mais n'atteignaient pas 0,13 ng/m3 dans les endroits sans FTA (Landsberger et Wu, 1995).
Compte tenu des concentrations dans l'air ambiant au Canada (0,001 µg/m3) et aux États-Unis (0,003 µg/m3), il est probable que l'apport d'arsenic par inhalation (principalement sous forme inorganique) sera négligeable (<0,1 µg si l'on suppose qu'un sujet inhale 16,2 m3 d'air par jour) chez les adultes comparativement à la quantité ingérée (principalement sous forme organique). Pour les enfants de 1 à 4 ans, l'apport d'arsenic (inorganique) fondé sur les mêmes concentrations ambiantes et sur une inhalation de 5 m3 d'air par jour n'atteindrait pas 0,05 µg (Santé Canada, 1998).
L'arsenic dans le sol (principalement sous forme inorganique) provient des matières sous-jacentes qui constituent le sol, des déchets industriels ou de l'utilisation de pesticides à l'arsenic. Au Canada, les concentrations moyennes d'arsenic dans le sol varient de 4,8 à 13,6 mg/kg (Kabata-Pendias et Pendias, 1984). Aux États-Unis, les concentrations de fond sont semblables et varient de 1 à 40 mg/kg, la moyenne s'établissant à quelque 5 mg/kg (ATSDR, 2000). On a constaté des concentrations beaucoup plus élevées à proximité de fonderies (moyenne de 50-100 mg/kg), de mines d'or (moyenne de 60-110 mg/kg), dans des sols traités à l'arsenic (moyenne pouvant atteindre 54 mg/kg) et dans des sites de préservation du bois (moyenne pouvant atteindre 6 000 mg/kg) (Environnement Canada et Santé et Bien-être social Canada, 1993). En général, l'exposition provenant du sol n'est importante que dans les cas où l'on a construit des quartiers résidentiels dans des secteurs contaminés.
S'il est peu probable que l'exposition par le sol soit préoccupante dans le cas des enfants plus âgés et des adultes, l'habitude de porter la main à la bouche et l'ingestion intentionnelle peuvent produire une exposition importante chez les jeunes enfants. Chez les populations non exposées et les populations exposées, on a calculé que les jeunes enfants (=4 ans) étaient exposés à des doses de 0,02-0,05 et de 0,01-1,9 µg/kg p.c. par jour respectivement (Environnement Canada et Santé et Bien-être social Canada, 1993).
Il est difficile de comparer l'apport d'arsenic provenant des aliments à celui provenant de l'eau potable, car la forme (organique ou inorganique), la valence et la disponibilité biologique de l'arsenic ne sont pas les mêmes dans ces deux sources. Par exemple, une portion importante de l'arsenic organique que l'on trouve dans le poisson est présente sous des formes très complexes qui ne sont pas disponibles biologiquement (p. ex., l'arsénobétaïne) (Vahter et coll., 1983, CMEAA, 1988). Le reste se manifeste en grande partie sous forme de complexes organiques simples, principalement la triméthylarsine, qui est rapidement excrétée par le corps. Les produits de la mer contribuent pour beaucoup à l'apport quotidien d'arsenic, même lorsque la consommation de poisson est faible (Hazell, 1985). Si l'on se base sur les données relatives à la teneur en arsenic organique et inorganique de divers produits alimentaires (Hazell, 1985; U.S. EPA, 1988), on peut estimer qu'environ 25 % de l'apport d'arsenic d'origine alimentaire se présente sous forme inorganique et 75 % sous forme organique. En supposant que l'apport quotidien moyen d'arsenic d'origine alimentaire est de 42 µg, l'apport quotidien d'arsenic inorganique d'origine alimentaire serait d'environ 10,5 µg. Ce qui contraste avec l'apport de <7,5 µg provenant principalement de l'arsenic pentavalent présent dans l'eau potable. Par contre, chez les enfants de 1 à 4 ans, et en supposant un apport quotidien moyen de 14,9 µg d'arsenic total d'origine alimentaire, l'apport d'arsenic inorganique atteindrait environ 3,7 µg, ce qui est semblable à l'apport provenant de l'eau potable dans le cas de ce groupe d'âge (<3,5 µg).
En se fondant sur les estimations ci-dessus dans le cas d'une population type, il est possible de classer les milieux d'exposition dans l'ordre d'importance suivant quant à leur contribution à l'apport d'arsenic : aliments, eau potable, sol et air. Toutefois, pour les populations vivant à proximité d'une source ponctuelle (source géologique naturelle ou site contaminé), on a établi que l'eau potable constituait le facteur d'exposition le plus important. (Environnement Canada et Santé et Bien-être social Canada, 1993).
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