Page 6 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le chrome
Effets sur la santé
Besoins essentiels
Seuls les chromes trivalent et hexavalent semblent jouer un rôle dans les milieux biologiquesNote de bas de page 30 et seul le chrome trivalent apparaît comme un oligo-élément indispensable.Note de bas de page 31 Il est nécessaire pour la synthèse des corps gras à partir du glucose et aussi pour l'oxydation des graisses en gaz carbonique. On croit que la forme biologiquement active de ce métal est un complexe acide nicotinique - acide aminé (glycine, acide glutamique et cystéine) - chrome trivalent, qui agit comme un activateur de l'insuline, probablement grâce à la formation d'un complexe entre les groupes sulfhydryle de la membrane cellulaire et ceux de la chaîne A de l'insuline.Note de bas de page 32,Note de bas de page 33 Ce complexe, qui est présent dans divers aliments, est appelé "facteur de tolérance au glucose". Le principal effet biochimique d'une carence en chrome est une réduction de la sensibilité à l'insuline exogène ou endogène.Note de bas de page 33
Il devient évident qu'une carence en chrome est un facteur important du développement de l'athérosclérose.Note de bas de page 34,Note de bas de page 35 Chez les animaux, une grave carence en chrome entraîne une réduction du taux de croissance et de la longévité, et augmente les concentrations de cholestérol sérique, ainsi que la formation de plaques calcifiées dans l'aorte. Dans certaines conditions, un syndrome analogue à celui du diabète sucré apparaît, avec une hyperglycémie à jeun et une glycosurie. On a également relié la faiblesse des concentrations de chrome dans le plasma ou les cheveux avec une plus forte probabilité de coronaropathie.Note de bas de page 36,Note de bas de page 37Le U.S. Food and Nutrition Board a fixé entre 0,05 à 0,2 mg/jour la quantité de chrome nécessaire au maintien d'une bonne santé physique.Note de bas de page 38
Absorption, répartition et excrétion
La proportion de chrome qui est absorbée par l'intestin est l'objet de plusieurs estimations. Certaines données indiquent que de 2 à 10 pour cent environ du chrome hexavalent et de 0,1 à 3 pour cent du chrome trivalent inorganique ingérés sont absorbés.Note de bas de page 39,Note de bas de page 40 On a estimé à 2,1 pour cent l'absorption du chrome hexavalent ingéré chez l'homme.Note de bas de page 41 D'après des études effectuées sur des rats, la proportion de chrome hexavalent absorbée serait neuf fois plus forte que celle du chrome trivalent.Note de bas de page 42 D'autres estimations situent l'absorption des deux formes du chrome inorganique entre 0,5 et 3 pour cent.Note de bas de page 43,Note de bas de page 44 Le suc gastrique inhibe l'absorption du chrome trivalent et hexavalent inorganique et réduit partiellement l'état hexavalent àl'état trivalent.Note de bas de page 41 Sous forme de facteur de tolérance au glucose (organique), le chrome est beaucoup plus facilement absorbé qu'à l'état non organique. On croit qu'au moins 10 à 25 pour cent du chrome organique ingéré sont absorbés par la voie intestinale, probablement au niveau du jéjunum ou de la partie supérieure de l'iléon.Note de bas de page 18,Note de bas de page 34,Note de bas de page 39 L'absorption intestinale du chrome pendant la petite enfance est plus rapide qu'à l'âge adulte.Note de bas de page 45 Comme on ignore quelle proportion du chrome ingéré est hexavalent, trivalent, non organique ou lié organiquement, il est impossible d'estimer avec fiabilité la quantité de chrome absorbée quotidiennement. Ce problème est illustré dans un document publié par l'Organisation mondiale de la santé, selon lequel 10 pour cent du chrome ingéré seraient absorbés.Note de bas de page 40,Note de bas de page 46Cette valeur suppose un apport quotidien moyen de chrome à partir de la ration alimentaire canadienne d'environ 0,006 mg. Cependant, une estimation indépendante de l'apport quotidien aux États-Unis le situe à 0,001 mg ou moins.Note de bas de page 23
On croit que les particules atmosphériques de chrome dont la masse est supérieure à 0,001 mg n'atteignent pas les alvéoles pulmonaires, mais sont retenues dans les bronches. Ces particules sont par la suite repoussées vers le pharynx par l'action ciliaire, puis avalées. Cette voie d'exposition pourrait donc contribuer à l'apport alimentaire.Note de bas de page 47 Une partie des aérosols contenant du chrome se dépose dans les voies respiratoires des sujets exposés. Les particules insolubles assez petites pour pénétrer dans les alvéoles peuvent être retenues dans les tissus. Si les particules sont dissoutes, le chrome pénètre dans le sang et se disperse dans tout le corps.
Le métabolisme du chrome ingéré dépend de sa forme chimique. Le chlorure de chrome administré par voie parentérale à des rats disparaît rapidement du sang et est absorbé en majeure partie par les ovaires ou les testicules et la rate, tandis que le chrome administré sous forme de complexe organique du facteur de tolérance au glucose s'accumule surtout dans le foie. Le devenir du chrome trivalent inhalé diffère de celui du chrome hexavalent. Trente jours après une injection intratrachéale d'un aérosol contenant du chrome à des cobayes, 30 pour cent du chrome trivalent contre seulement 2,4 pour cent du chrome hexavalent étaient demeurés dans les tissus pulmonaires.Note de bas de page 48 On a observé une concentration supérieure de chrome dans les hématies, le foie, les reins et la rate après une injection intratrachéale de chrome hexavalent.
Des études sur des rongeurs ont montré que le chrome peut traverser la barrière placentaire. On a estimé que le pourcentage de la dose de chrome inorganique transmis au foetus allait de 0 à 12 pour cent dans le cas du chrome hexavalent et se situait à 0,4 pour cent dans celui du chrome trivalent.Note de bas de page 49 Par contre, de 20 à 50 pour cent du chrome administré sous forme de facteur de tolérance au glucose ont été retrouvés dans les portées.Note de bas de page 50 Ce fait semble confirmer le rôle d'oligo-élément indispensable assumé par le chrome.Note de bas de page 43
Il semble exister un mécanisme d'homéostasie, s'appuyant sur les fonctions de transit hépatique ou intestinal, qui empêche toute accumulation excessive de chrome trivalent.Note de bas de page 51 Chez l'homme, les concentrations les plus importantes de chrome se trouvent dans la peau, les muscles et la graisse; la plus élevée se situe dans les poumons. Le contenu total moyen du corps en chrome est d'environ 6 mg,Note de bas de page 18 mais les concentrations observées dans les tissus varient selon le sexe, l'âge et l'endroit où habite le sujet.Note de bas de page 34
Au moins 80 pour cent du chrome excrété est éliminé dans l'urine, et le reste dans les fèces. On ne s'entend guère sur la quantité de chrome excrété quotidiennement dans l'urine. On croit qu'une excrétion moyenne de 0,0084 mg pour 24 heures, dans une plage de 0,002 à 0,021 mg, est représentative, bien qu'une estimation récente situe la moyenne à moins de 0,001 mg.Note de bas de page 23 Une excrétion très importante de chrome semble survenir chez certains diabétiques insulino-dépendants. Le chrome absorbé est éliminé du sang au cours d'une phase rapide d'épuration (1 à 2 jours), et des tissus au cours d'une phase plus lente. Les tissus adipeux et musculaires retiennent le chrome pendant environ deux semaines, tandis que le foie et la rate peuvent l'emmagasiner pendant une période pouvant atteindre 12 mois.Note de bas de page 43
Effets toxiques
Les effets toxiques connus du chrome chez l'homme sont attribuables surtout au chrome hexavalent; on considère le chrome trivalent comme un métal non toxique. Une seule dose orale de 10 mg de chrome hexavalent par kilogramme de poids corporel entraîne, chez l'homme, une nécrose du foie, une néphrite et la mort. Une dose plus faible produit une irritation et une ulcération de la muqueuse gastro-intestinale et, occasionnellement, une encéphalite ainsi qu'un grossissement du foie. On n'attribue aucun effet local ou généralisé à l'ingestion de chrome trivalent.
La consommation d'eau potable contenant du chrome hexavalent à une concentration de 1 à 25 mg/L pendant 3 ans n'a produit aucun effet nocif chez une famille de quatre personnes.Note de bas de page 52
Après l'ingestion d'eau potable contenant 25 mg de chrome hexavalent (chromate de potassium) par litre, on observe une augmentation de la concentration de chrome dans les tissus huit fois plus forte que celle observée chez des rats qui avaient bu de l'eau potable contenant du chrome trivalent (chlorure chromique) à raison de 25 mg/L pendant la même période de six mois.Note de bas de page 53 Des effets toxiques ont été observés chez des rats et des lapins après une ingestion d'eau potable dont la teneur en chrome hexavalent était supérieure à 5 mg/L, mais l'ingestion d'eau contenant 11,2 mg/L pendant 4 ans n'a causé aucun effet nocif chez des chiens. Aucun effet nocif n'a été produit par l'ingestion d'eau potable contenant 25 mg/L de chrome administrée à des rats pendant six mois.Note de bas de page 30
L'inhalation d'air contenant des concentrations élevées de chrome endommage l'appareil respiratoire et induit des cancers (voir ci-dessous).
Pouvoir cancérogène
Le chrome hexavalent peut inhiber l'activité enzymatique de la benzopyrène-hydroxylase. On a déjà soutenu que des composés capables d'une telle inhibition ont un pouvoir cancérogène.Note de bas de page 54
Chez l'homme, l'exposition à des sels de chrome hexavalent pendant des périodes allant de 2 à 26 ans serait une cause de cancer de l'appareil digestif. Des concentrations élevées de chrome (et de zinc) dans le sol ont été reliées à de fortes incidences régionales de cancer de l'estomac.Note de bas de page 55 On croit que le chromate de plomb a causé la mort par le cancer de cinq sujets exposés àune intoxication au travail.Note de bas de page 56 En utilisant des données sur l'exposition au chrome par inhalation, le Centre international de recherche sur le cancer a classé "le chrome et certains composés du chrome" dans le Groupe I: preuves suffisantes de leur pouvoir cancérogène chez l'homme et les animaux.Note de bas de page 57Cependant, selon un rapport récent de l'U.S. Environmental Protection Agency, il n'existe pas suffisamment de données pour conclure que l'ingestion de chrome a un effet cancérogène.Note de bas de page 39
Pouvoir mutagène
Le chrome hexavalent n'a pas d'effet en général sur les noyaux cellulaires isolés et l'ADN purifié, mais il peut engendrer tous les types d'effets génétiques dans les cellules intactes et chez les mammifères in vivo, tandis que le chrome trivalent a des effets inverses. Ce comportement tiendrait au fait que, généralement, le chrome trivalent traverse lentement la membrane cellulaire. Par conséquent, il est improbable qu'il atteigne le noyau de cellules intactes. Par contre, le chrome hexavalent traverse facilement la membrane cellulaire, en partie par transport actif; dès qu'il est à l'intérieur de la cellule, il est partiellement réduit à l'état trivalent, qui produit des effets toxiques pour le génome.Note de bas de page 58 De même peut-il y constituer des complexes étroitement liés à l'ADN, ce qui explique son potentiel mutagène.Note de bas de page 59 Les composés des chromes trivalent et hexavalent favorisent l'incorporation de nucléotides non complémentaires dans l'ADN, le chrome hexavalent étant actif à des doses plus faibles.Note de bas de page 50,Note de bas de page 60 L'exposition au chrome hexavalent de cellules hépatiques et rénales de rats entraîne une augmentation de la réticulation dans l'ADN.Note de bas de page 39 On a signalé que les tests d'Ames sont positifs pour le chrome hexavalent, mais non pour le chrome trivalent.Note de bas de page 61,Note de bas de page 62
Effets tératogènes et effets sur la procréation
On n'a recueilli aucune preuve de malformations congénitales ou de stérilité causées par l'exposition aux composés du chrome.Note de bas de page 43 Certaines études sur des animaux de laboratoire ont suggéré que des anomalies comme la fente palatine et des malformations du squelette étaient dues à cette exposition, mais on pense qu'elles pourraient découler d'une incompatibilité foeto-maternelle.Note de bas de page 43