Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le diquat
Organisation : Santé Canada
Publiée : 2022-01-21
Valeur de la recommandation
La concentration maximale acceptable (CMA) est de 0,05 mg/L (50 µg/L) pour le diquat (sous forme de cation) dans l’eau potable.
Résumé
Le présent document technique a été préparé en collaboration avec le Comité fédéral‑provincial‑territorial sur l’eau potable,d’après les évaluations du diquat menées par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada et des documents à l’appui.
Exposition
Au Canada, le diquat est un herbicide qui est appliqué intentionnellement sur des cultures vivrières et des sources d’eau pour lutter contre les mauvaises herbes. Il est donc possible que la population canadienne soit exposée au diquat par les aliments et, dans une moindre mesure, par l’eau potable. En 2018 (la plus récente année pour laquelle des données sont disponibles), plus de 500 000 kg de diquat (à titre de principe actif) ont été vendus au Canada. De très faibles concentrations de diquat ont été détectées dans les aliments. Selon les données fournies par les provinces et les territoires surveillant la présence du diquat dans les sources d’eau potable et dans l’eau potable, les concentrations de diquat sont inférieures à la limite de détection.
Effets sur la santé
Dans les études à doses répétées chez l’animal, le diquat ciblait principalement les yeux, où il provoquait des cataractes. Il avait aussi des effets sur les reins et le foie. La CMA de 0,05 mg/L (50 µg/L) est fondée sur la formation de cataractes.
Considérations analytique et de traitement
À l’heure actuelle, il existe une méthode pour analyser le diquat dans l’eau potable. La limite de la méthode de détection est de plus d’un ordre de grandeur inférieure à la CMA.
Le charbon actif en grains (CAG) est considéré par l’Environmental Protection Agency des États-Unis un best available technology (meilleure technologie disponible) pour enlever le diquat de l’eau. Les techniques de filtration sur membrane (nanofiltration et osmose inverse [OI]) et l’oxydation peuvent également être efficaces. Il est recommandé de réaliser des études pilotes ou à l’échelle de banc d’essai avant une mise en œuvre à pleine échelle.
Dans le cas où l’on souhaite enlever le diquat à l’échelle résidentielle ou des petits systèmes, par exemple, lorsque l’approvisionnement en eau potable provient d’un puits privé, un dispositif résidentiel de traitement de l’eau potable pourrait être employé. Des techniques comme l’adsorption sur charbon actif et l’OI devraient être efficaces pour l’enlèvement du diquat. Lorsqu’un dispositif de traitement de l’eau potable résidentiel est utilisé, il est important de prélever des échantillons d’eau à l’entrée et à la sortie du dispositif et de les faire parvenir à un laboratoire accrédité pour analyse afin de confirmer un enlèvement adéquat du diquat.
Application de la recommandation
Remarque : Des conseils spécifiques concernant l’application des recommandations pour l’eau potable devraient être obtenus auprès de l’autorité appropriée en matière d’eau potable.
La recommandation vise à offrir une protection contre les effets sur la santé associés à une exposition au diquat par l’eau potable durant toute la vie. Tout dépassement de la CMA devrait faire l’objet d’une enquête et être suivie des mesures correctives appropriées. En cas de dépassement dans une source d’eau qui n’est pas traitée, une enquête devrait être menée pour déterminer le moyen le plus approprié de réduire l’exposition au diquat. Les options possibles comprennent l’utilisation d’une autre source d’approvisionnement en eau ou l’installation d’un système de traitement de l’eau. Si un système de traitement est déjà en place lorsqu’un dépassement survient, une enquête devrait être menée pour vérifier l’efficacité du traitement et déterminer si des modifications doivent être apportées pour réduire la concentration dans l’eau traitée sous la CMA proposée.
Table des matières
- 1.0 Considérations relatives à l’exposition
- 2.0 Considérations relatives à la santé
- 3.0 Calcul de la valeur basée sur la santé
- 4.0 Considérations relatives à l’analyse et au traitement
- 5.0 Stratégies de gestion
- 6.0 Considérations internationales
- 7.0 Justification
- 8.0 Références
- Annexe A : Liste des abréviations
1.0 Considérations relatives à l’exposition
1.1 Sources et utilisations
Le diquat, aussi appelé 1,1ꞌ-éthylène-2,2ꞌ-bipyridinium ou 6,7-dihydrodipyrido[1,2-a:2ꞌ,1ꞌ -c] pyrazinédiium, est un herbicide et algicide de contact non sélectif qui est utilisé comme agent de dessiccation avant la récolte sur une variété de cultures destinées à la consommation humaine ou animale et sur des cultures industrielles de graines oléagineuses et de plantes à fibres, comme défoliant (p. ex. défanage de la pomme de terre), comme agent de désherbage chimique de zones non cultivées, et comme outil de lutte contre les mauvaises herbes aquatiques et les algues (Santé Canada, 2008). Le diquat agit en produisant durant la photosynthèse des superoxydes qui endommagent les membranes et le cytoplasme des cellules (Santé Canada, 2008; OMS, 2014). Au Canada, le diquat est commercialisé sous forme de dibromure de diquat, un sel très hygroscopique en solution aqueuse (Santé Canada, 2008; Santé Canada, 2010). Plus de 500 000 kg de diquat à titre de principe actif ont été vendus au Canada en 2018 (Santé Canada, 2020).
Le diquat et le dibromure de diquat peuvent pénétrer les eaux de surface par ruissellement ou dérive de pulvérisation (Santé Canada, 2008). Une fois dans l’environnement, le dibromure de diquat se dissocie complètement en diquat dans l’eau (OMS, 2014). Le diquat se dissipe ensuite rapidement en étant adsorbé sur des particules (p. ex. matières en suspension, argile de type montmorillonite, phytoplancton) et des sédiments auxquels il peut rester fixé pendant de très longues périodes. Sa demi‑vie a été évaluée de un à deux jours à l’état non sorbé (p. ex. moins de 48 heures dans les eaux de surface) à plus d’un an à l’état sorbé (Emmett, 2002; OMS, 2016; Magalhães et coll., 2018). Le diquat ne devrait pas être entraîné dans les eaux souterraines par lessivage, car il est fortement adsorbé sur les particules du sol, ce qui le rend immobile et persistant dans le sol (US EPA, 1995a). Le diquat ne s’hydrolyse pas et il résiste à la dégradation microbienne dans des conditions aérobies et anaérobies (le taux annuel d’élimination dans le sol par dégradation microbienne est normalement de 5 % à 7 %) (US EPA, 1995a; Emmett, 2002; Magalhães et coll., 2018). Le diquat subit aussi une photodégradation, principalement en sel de 1,2,3,4-tétrahydro-1-oxopyrido[1,2-a]-5-pyrazinium (TOPPS); ce processus est lent, le taux de photodégradation étant évalué à 10 % à 20 % par année (selon les conditions expérimentales) (EFSA, 2015; Magalhães et coll., 2018). Le diquat est éliminé de la colonne d’eau par adsorption sur les sédiments au sol, les végétaux aquatiques et les matières organiques (US EPA, 1995a).
Étant donné la très faible volatilité du dibromure de diquat, ses résidus dans l’air seront vraisemblablement sous la forme d’aérosols. Il est toutefois peu susceptible de persister dans l’air, car il devrait normalement être éliminé par sédimentation gravitationnelle et pénétrer dans les eaux de surface et/ou dans le sol, où il se dissociera en ion diquat (HSDB, 2010).
De nombreux facteurs peuvent intervenir dans le devenir et la persistance du diquat dans l’environnement, notamment : la température de l’eau, l’humidité du sol et la vitesse de métabolisation par les microorganismes. Par ailleurs, l’utilisation intensive d’engrais contenant d’autres cations (p. ex. Ca2+, Mg2+, NH4(2+), K+) peut accroître la désorption du diquat sur les sédiments (Emmett, 2002).
1.2 Identité de la substance
Le diquat (node registre CAS 2764‑72‑9; C12H12N2) est un cation (divalent) d’ammonium quaternaire qui appartient à la famille chimique des bipyridynes; sa masse moléculaire est de 184,2 g/mol (US EPA, 1995a; Santé Canada, 2008; Santé Canada, 2010).
Le diquat est commercialisé sous forme de dibromure de diquat (ou 1,1′-éthylène-2,2′-dipyridinium ou 6,7-dihydrodipyrido[1,2-a:2′,1′ -c] pyrazinédiium), un solide cristallin inodore de couleur jaune pâle (US EPA, 1995a; Emmett, 2002). Le dibromure de diquat, qui est très soluble dans l’eau, se dissocie rapidement en ion diquat (US EPA, 1995a; Emmett, 2002).
Propriété | Dibromure de diquat | Interprétation |
---|---|---|
No CASNote de bas de page a | 85-00-7 | Ne s’applique pas |
Formule moléculaire | C12H12Br2N2 | Ne s’applique pas |
Masse moléculaire g/mol) | 344,0 | Ne s’applique pas |
Solubilité dans l’eau (g/L) | 700 à 25 °C | Très soluble dans l’eau |
Pression de vapeur (volatilité) | < 0,01 mPa à 20 °C(monohydrate) | Faible volatilité, présence peu probable dans l’air |
Constante de la loi d’Henry | 5 ×10-9 Pa.m3.mol | Faible volatilité, présence peu probable dans l’air |
Constante de dissociation | Sans objet | Dissociation complète |
Coefficient de partage n-octanol-eau (log Koe) |
‑4,60 à 20 °C | Hydrophile |
|
La synthèse du dibromure de diquat peut entraîner la formation de dibromure d’éthylène, qui est une impureté issue du procédé. Toutefois, les résultats des essais ont montré que le dibromure d’éthylène, qui n’est pas utilisé à des fins pesticides, ne persiste pas sous forme d’impureté dans les produits du diquat, car il se dissipe graduellement (US EPA, 1995a). Par ailleurs, comme le diquat, qui est fortement chargé, est considéré dans la présente évaluation comme la forme la plus toxique pour les mammifères, les doses et les concentrations dans l’eau sont exprimées, dans la mesure du possible, en cation diquat, ci‑après appelé diquat (Santé Canada, 2008; FAO et OMS, 2014).
1.3 Exposition
Lorsqu’il est utilisé comme herbicide, le diquat est appliqué intentionnellement sur des cultures vivrières et des sources d’eau pour lutter contre les mauvaises herbes. La population canadienne est donc exposée au diquat par les aliments et, dans une moindre mesure, par l’eau potable (Santé Canada, 2008, 2010). Compte tenu du devenir de l’herbicide dans l’environnement (voir la section 1.1), aucun résidu notable de l’herbicide n’est attendu dans les sources d’eau, si bien que l’eau potable serait une source d’exposition mineure (US EPA, 2002; Santé Canada, 2008; NHMRC et NRMMC, 2011; EFSA, 2015; OEHHA, 2016; OMS, 2016).
Selon les données fournies par les provinces et les territoires, les concentrations de diquat étaient inférieures au seuil de déclaration de la méthode (SDM) ou à la limite de détection de la méthode (LDM) dans tous les échantillons provenant de diverses sources canadiennes d’approvisionnement en eau, à savoir des eaux de surface et des eaux souterraines ainsi que de l’eau traitée et distribuée dans des zones surveillées (ministère de la Santé de la Colombie‑Britannique, 2019; gouvernement de l’Ontario, 2019; Services aux Autochtones Canada, 2019; ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, 2019; ministère de l’Environnement de la Nouvelle‑Écosse, 2019; ministère des Communautés, des Terres et de l’Environnement de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, 2019) (voir le tableau 2).
Le diquat ne fait l’objet d’aucune surveillance au Manitoba, au Nouveau‑Brunswick, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, en Saskatchewan ou au Yukon (Développement durable Manitoba, 2019; ministère de la Santé du Nouveau‑Brunswick, 2019; ministère des Affaires Municipales et de l’Environnement de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, 2019; Agence de la sécurité de l’eau de la Saskatchewan, 2019; Services de santé environnementale du Yukon, 2019).
Secteur de compétence (Limite de détection de la méthode en µg/L) |
Période de surveillance | Type de système d'eau | Type d’eau (Source municipale : eaux souterraines ou de surface – brute, traitée, distribuée) |
Cas de détection du diquat/ échantillons |
---|---|---|---|---|
Colombie‑Britannique(7) | De 2013 à 2018 | Municipale | De surface – brutes | 0/18 |
Région de l’Ontario de la DGSPNINote de bas de page a (de 1 à 50) | De 2014 à 2018 | Réseaux d’approvisionnement en eau publics | Souterraines – brutes | 0/13 |
Souterraines – traitées | 0/190 | |||
Souterraines – distribuées | 0/16 | |||
De surface – brutes | 0/33 | |||
De surface – traitées | 0/308 | |||
De surface – distribuées | 0/23 | |||
Réseaux d’approvisionnement en eau semi‑publics | Souterraines – brutes | 0/3 | ||
Souterraines – traitées | 0/16 | |||
Souterraines – distribuées | 0/68 | |||
De surface – brutes | 0/1 | |||
De surface – traitées | 0/9 | |||
De surface – distribuées | 0/2 | |||
Réseaux d’approvisionnement en eau privés | Souterraines – traitées | 0/3 | ||
Souterraines – distribuées | 0/50 | |||
De surface – traitées | 0/5 | |||
Région de l’Atlantique de la DGSPNI (de 7 à 70) | De 2014 à 2018 | Réseaux d’approvisionnement en eau publics | Souterraines – traitées | 0/4 |
Souterraines – distribuées | 0/4 | |||
De surface – traitées | 0/1 | |||
Région du Québec de la DGSPNI (de 0,1 à 0,4) | De 2014 à 2018 | Système d’approvisionnement en eau potable | 0/4 | |
Nouvelle‑Écosse (de 1 à 7) |
De 2007 à 2018 | Municipale | Souterraines – brutes | 0/71 |
Souterraines – traitées | 0/35 | |||
Surface – brute | 0/35 | |||
De surface – traitées | 0/39 | |||
Distribuées | 0/1 | |||
Ontario(0,1) | De 2008 à 2012 | Municipale | Souterraines – brutes | 0/91 |
Souterraines – traitées | 0/25 | |||
Inconnu – brutes | 0/213 | |||
Inconnu – traitées | 0/223 | |||
Inconnu – distribuées | 0/1 | |||
Île‑du‑Prince‑Édouard (10) |
De 2007 à 2016 | Municipale | Souterraines – brutes | 0/103 |
Non municipale | Souterraines – brutes | 0/137 | ||
Québec(de 0,1 à 15) | De 2013 à 2018 | Municipale | Souterraines – distribuées | 0/574 |
De surface – distribuées | 0/1726 | |||
Municipale (projets spéciaux) – Projet sur la pomme de terreNote de bas de page a [de 2017 à 2018] |
Souterraines – brutes | 0/46 | ||
Souterraines – traitées | 0/17 | |||
Souterraines – distribuées | 0/5 | |||
Systèmes de petite tailleNote de bas de page b [de 2012 à 2018] | Souterraines – brutes | 0/63 | ||
Source non municipale | — | |||
Souterraines – brutes | 0/43 | |||
|
Dans les aliments, des résidus de diquat devraient être présents uniquement si l’herbicide a été appliqué directement sur des cultures vivrières (p. ex. comme agent de dessiccation sur des plants de pomme de terre), quoique les concentrations de ces résidus devraient être faibles (US EPA, 1995a; Santé Canada, 2010; NHMRC et NRMMC, 2011). Les résultats des essais sur les résidus menés au Canada en 2015 se situaient entre 0,01 et 0,35 mg/kg (n = 24) pour les haricots secs (y compris les haricots blancs et rouges, les graines de soja, les haricots adzuki et les fèves des marais); entre 0,07 et 0,58 mg/kg (n = 9) pour les pois chiches; entre 0,052 et 0,57 mg/kg (n = 8) pour les lentilles; et entre 0,15 et 2,1 mg/kg (n = 6) pour l’orge (FAO, 2019). En ce qui a trait aux denrées d’origine animale, les essais menés sur des vaches laitières ayant reçu pendant 30 jours un régime contenant 18, 50 ou 84 ppm de diquat ont révélé que les concentrations de diquat étaient inférieures à la limite de quantification (LQ) dans tous les échantillons de lait (LQ = 0,001 mg/kg), ainsi que dans les échantillons de foie, de rein, de graisse et de muscle (LQ = 0,01 mg/kg), et ce à toutes les doses. Les concentrations étaient aussi inférieures à la LQ de 0,01 mg/kg dans les œufs (FAO, 2019).
2.0 Considérations relatives à la santé
Tous les pesticides, y compris le diquat, sont réglementés par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada. L’ARLA réalise des évaluations approfondies et des examens cycliques concernant les pesticides, en se penchant notamment sur des renseignements exclusifs ou non publiés ainsi que sur des examens effectués à l’étranger par d’autres organismes de réglementation comme l’United States Environmental Protection Agency (US EPA). La présente évaluation relative à la santé s’appuie essentiellement sur des évaluations menées par l’ARLA et sur la documentation connexe (Santé Canada, 2008; Santé Canada, 2010). Tous les examens et tous les articles pertinents qui ont été publiés depuis les évaluations de l’ARLA ont aussi été pris en compte.
2.1 Cinétique
Absorption : S’il est ingéré, le diquat est peu absorbé (< 10 %) dans le tube digestif des animaux et de l’humain. Bien que la biodisponibilité soit couramment évaluée à moins de 10 %, un comité d’experts de l’European Food Safety Authority des aliments (EFSA) a conclu que les données disponibles appuient plutôt des valeurs de biodisponibilité de 3 % à 4 % (US EPA, 1995a; Emmett, 2002; FAO et OMS, 2014; EFSA, 2015; Magalhães et coll., 2018). De plus, l’absorption du diquat varie d’une espèce à l’autre : la plus forte absorption a été observée chez le chien (Gupta et Crissman, 2013). L’absorption est grandement diminuée par la présence d’aliments dans le tube digestif et par la présence d’une microflore intestinale pouvant dégrader le diquat (Magalhães et coll., 2018).
Distribution : Une fois dans la phase aqueuse du sang, la faible quantité de diquat absorbée est rapidement (c.‑à‑d. en 6 à 18 heures) et largement diffusée à plusieurs organes et tissus (p. ex. foie, reins, surrénales), sauf le cerveau et la moelle épinière (Gupta et Crissman, 2013; Magalhães et coll., 2018). Bien qu’il soit largement diffusé dans l’organisme, le diquat hydrophile et hautement polaire ne se lie pas de façon covalente aux macromolécules. Il ne s’accumule pas non plus dans la plupart des tissus, sauf le cristallin. Même si de fortes concentrations de diquat ont été constatées dans le foie, les reins, le tube digestif et les poumons immédiatement après l’administration de la dose, le cristallin était le principal site de dépôt du diquat jusqu’à 96 heures après l’exposition (US EPA, 1995a; Emmett, 2002; FAO et OMS 2014; EFSA, 2015; Magalhães et coll., 2018).
Métabolisme : Les données expérimentales tant chez l’humain que chez l’animal indiquent que le catabolisme intracellulaire du diquat libre est minime et que celui‑ci est principalement métabolisé dans le foie. La métabolisation du diquat se fait donc par les enzymes du cytochrome P450 et entraîne la formation de diquat‑monopyridone (métabolite principal) et de diquat‑dipyridone (métabolite mineur) (Fuke et coll., 1996; Emmett, 2002; FAO et OMS, 2014; OMS, 2014). Certaines données indiquent que la biotransformation du diquat peut aussi entraîner la formation d’acide picolinique (ou acide pyridine‑2‑carboxylique), probablement avec de la picolinamide (pyridine‑2‑carboxamide) comme intermédiaire, bien que cela n’ait pas été clairement observé chez les mammifères. On a émis l’hypothèse selon laquelle des composés volatils seraient produits en plus dees métabolites mentionnés ci‑dessus. Il existe des données in vitro appuyant l’existence d’un autre processus mineur de biotransformation bactérienne du diquat qui se produirait dans le tube digestif; le dérivé monopyridone serait le métabolite principal (Emmett, 2002; FAO et OMS, 2014; OMS, 2014; Magalhães et coll., 2018).
Élimination : Comme il est peu absorbé, la majorité (90 %) du diquat ingéré est éliminée sous forme inchangée dans les excréments en l’espace de 24 heures, pratiquement sans excrétion biliaire (< 0,7 % de la dose administrée). En plus du composé d’origine, deux autres métabolites, soit le diquat‑monopyridone et le diquat‑dipyridone, sont éliminés dans les excréments (Emmett, 2002; Magalhães et coll., 2018). Le diquat absorbé est en majorité (> 90 %) éliminé en 48 heures dans l’urine, principalement sous la forme du composé d’origine, suivi ses de deux principaux métabolites et, dans une moindre mesure, de l’acide picolinique (US EPA, 1995a; Fuke et coll., 1996; Emmett, 2002; NHMRC et NRMMC, 2011; FAO et OMS, 2014; OMS, 2014; EFSA, 2015; Magalhães et coll., 2018).
2.2 Effets sur la santé
La base de données toxicologiques sur le diquat est adéquate, car elle porte sur plusieurs effets et différents types d’exposition. Pour des évaluations plus approfondies, consultez les publications suivantes : US EPA, 1995a, 2001; FAO/OMS, 2014; OMS, 2014 et EFSA, 2015). En général, le diquat présente une faible toxicité aiguë. Les études à doses répétées chez l’animal ont révélé que le diquat pouvait avoir des effets toxiques dans plusieurs organes (p. ex. tube digestif, reins, foie), le plus sensible ayant été l’œil (FAO et OMS, 2014; OMS, 2014; EFSA, 2015).
2.3 Effets chez l’humain
Chez l’humain, l’ingestion intentionnelle de diquat peut entraîner une intoxication et même la mort (Magalhães et coll., 2018). En général, les manifestations cliniques d’une intoxication aiguë sont les suivantes : troubles neurologiques, perturbation du tube digestif, insuffisance rénale, lésions hépatiques, et complications hémodynamiques et cardiocirculatoires (Valiante et coll., 1992; Schmidt et coll., 1999; Tanen et coll., 1999; Fuke et coll., 1996; Hantson et coll., 2000; Jones et Vale, 2000; Emmett, 2002; Jovic‑Stosic et coll., 2009; OMS, 2014).
Les données épidémiologiques propres au diquat sont peu nombreuses, mais elles comprennent des déclarations d’effets nocifs pour la santé des employés des usines de production (OMS, 2014).
2.4 Effets chez les animaux
Le diquat s’est révélé toxique chez les animaux de laboratoire. La dose létale médiane (DL50) par voie orale pour certaines espèces a été établie à : 215 à 235 mg/kg p.c. chez le rat; 125 mg/kg p.c. chez la souris; 100 à 200 mg/kg p.c. chez le chien; 100 mg/kg p.c. chez le lapin; et 100 à 300 mg/kg p.c. chez le singe (US EPA, 1995a; FAO et OMS, 2014; OMS, 2014; OMS, 2016; Magalhães et coll., 2018). Les métabolites du diquat se sont révélés moins toxiques : la DL50 par voie orale chez le rat a été établie à des valeurs > 4 000 mg/kg p.c. pour le diquat‑monopyridone et ≥ 2 449 mg/kg p.c. pour le TOPPS (OMS, 2014; Magalhães et coll., 2018). Les effets indésirables touchaient le tube digestif et les reins et potentiellement le foie (US EPA, 1995a; Emmett, 2002; OMS, 2014).
L’exposition tant subchronique que chronique au diquat a provoqué des lésions oculaires (p. ex. cataractes, anomalies extra‑cristalliniennes comme des adhérences du corps vitré, des décollements de la rétine et des synéchies) chez les animaux de laboratoire exposés, y compris le rat et le chien. Des lésions ont aussi été signalées au niveau des reins, du foie, des surrénales et de l’épididyme ainsi que des altérations des paramètres hématologiques (US EPA, 2001; FAO et OMS, 2014; EFSA, 2015; OMS, 2016).
Lésions oculaires (cataractes et opacités du cristallin) : L’exposition tant subchronique que chronique (par le régime alimentaire) au bromure de diquat a régulièrement provoqué des lésions oculaires chez la souris (étude de toxicité chronique par voie orale), le rat (études de toxicité pour la reproduction sur deux générations, étude de toxicité subchronique par voie orale et étude de neurotoxicité subchronique, étude de toxicité chronique par voie orale) et le chien (étude de toxicité chronique) (US EPA, 1995a; Emmett, 2002; OMS, 2014; EFSA, 2015). Des lésions oculaires ont été observées à la suite de l’ingestion chronique de diquat (à des doses pouvant aller jusqu’à 48,27, 19,44 et 12,5 mg de diquat/kg par jour chez la souris, le rat et le chien, respectivement), et elles évoluaient dans la plupart des cas d’une opacité du cristallin à une opacification complète (c.‑à‑d. cataracte); l’incidence et la gravité des lésions étaient liées à la dose (Colley et coll., 1985; Hopkins, 1990; Hodge, 1992; Emmett, 2002; OMS, 2014; EFSA, 2015). Chez le rat, les premières cataractes ont été observées à la semaine 13 dans l’étude de neurotoxicité subchronique (dose sans effet nocif observé (NOAEL) de 8 mg/kg par jour) et à la semaine 10 dans l’étude de toxicité chronique (NOAEL de 0,58 mg/kg par jour) (Colley et coll., 1985; Horner, 1992a). Le chien était l’espèce la plus sensible : des opacifications complètes de l’œil ont été constatées à la semaine 8 chez des femelles exposées à 2,5mg de diquat/kg p.c. par jour et à la semaine 16 chez des mâles exposés à 12,5 mg de diquat/kg p.c. par jour. Dans l’étude d’un an chez le chien, la NOAEL chronique la plus élevée était de 0,53 mg de diquat/kg p.c. par jour, à la lumière des cataractes constatées chez les femelles (Hopkins, 1990).
Néphrotoxicité : Le diquat peut entraîner des effets toxiques au niveau des reins, généralement caractérisés par une nécrose des tubules rénaux suivie d’une diminution de la clairance du diquat et de l’aggravation des lésions (Gupta et Crissman, 2013). Des lésions rénales induites par le diquat ont été signalées chez des souris (une étude de toxicité chronique), des rats (deux études sur plusieurs générations et une étude sur toute la durée de vie) et des chiens (deux études de toxicité chronique) exposés par voie orale jusqu’à 48, 19 et 12,5 mg de diquat/kg p.c. par jour, respectivement (US EPA, 1995a; OMS, 2014; EFSA, 2015; OEHHA, 2016).
Dans une étude à long terme par le régime alimentaire, des groupes de souris CD-1 (60/sexe/dose) dont l’alimentation contenait 0, 30, 100 ou 300 ppm (équivalent à 0, 3,56, 11,96 ou 37,83 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et 0, 4,78, 16,03 et 48,27 mg/kg p.c. par jour pour les femelles, exprimé en cation de diquat) durant au moins 104 semaines présentaient des effets liés au traitement à partir de 100 ppm. Les effets sur les reins comprenaient une augmentation du poids relatif des reins chez les mâles et une hausse de l’incidence de la formation de gouttelettes hyalines dans les tubules chez les femelles. Les deux sexes ont manifesté une légère hausse de l’incidence de la dilatation des tubules rénaux. La dose sans effet observé était de 30 ppm (Hodge, 1992; OMS, 2014).
Dans une étude à long terme sur la cancérogénicité, des rats Sprague-Dawley (60/sexe/dose) ont été nourris avec une alimentation contenant 0, 5, 15, 75 ou 375 ppm (équivalant à 0, 0,19, 0,58, 2,91 ou 14,99 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et 0, 0,24, 0,72, 3,64 ou 19,44 mg/kg p.c. par jour pour les femelles, exprimé en cation de diquat) durant 104 semaines. À partir de 75 ppm, chez les rats des deux sexes, on a observé une diminution de la clairance rénale (Colley et coll., 1985; US EPA, 2001; Emmett, 2002).
Dans une étude sur le développement sur deux générations dans laquelle des rates Wistar gravide (23 à 24/dose) ont reçu par gavage 9, 4, 12 ou 40 mg/kg p.c. par jour de diquat (exprimé en cation) du 7e au 16e jour de la gestation, l’incidence d’hémorragies dans les reins était plus grande dans les fœtus de rates gravides exposées à 40 mg/kg par jour (Wickramaratne, 1989).
Les chiens ayant reçu 12,5 mg/kg p.c. de diquat par jour par le régime alimentaire pendant 1 an présentaient une augmentation du poids des reins, mais aucune altération histopathologique connexe n’a été constatée (Hopkins, 1990; US EPA, 2001; Emmett, 2002).
Toxicité pour la reproduction et le développement : Les études sur des animaux de laboratoire n’appuient pas l’existence d’une association claire entre l’exposition par voie orale au diquat et des effets nocifs pour la reproduction et le développement (EFSA, 2015; OEHHA, 2016; OMS, 2016). Aucun effet n’a été constaté sur la fonction de reproduction des rats nourris avec une diète contenant du diquat à une dose d’au moins 25 mg/kg par jour dans 2 études multigénérationnelles de toxicité pour la reproduction distinctes (Fletcher, 1972; Hodge, 1990). Les données des études dans lesquelles des souris, des rates et des lapines gravides ont été exposées au diquat par gavage à des doses d’au moins 4, 40 et 10 mg de diquat/kg par jour, respectivement, laissent entendre que le diquat a des effets tératogènes; toutefois, ces effets nocifs ont généralement été observés à la dose maximale à l’essai et aucun signe de sensibilité accrue n’a été observé chez les petits à la suite d’une exposition (in utero et/ou postnatale) au diquat (Palmer et coll., 1978; Hodge, 1989; Wickramaratne, 1989). Des cas de friabilité et/ou de marbrure du foie ont été constatés dans les fœtus de lapines néo‑zélandaises gravides exposées au diquat par gavage à la dose de 10 mg de /kg p.c. par jour (Hodge, 1989; US EPA, 2001).
Neurotoxicité et autres effets : Aucun signe de neurotoxicité du diquat faisant suite à une exposition par voie orale n’a été constaté. Les études de neurotoxicité aiguë et subchronique dans lesquelles des rats ou des souris avaient été nourris avec des diètes contenant jusqu’à 38,5 et 150 mg/kg p.c. par jour de diquat, respectivement, n’ont fait ressortir aucun effet neurologique nocif (p. ex. neuropathie, effet neurodégénératif) dans une batterie de tests d’observations fonctionnelles, des mesures de l’activité motrice et des examens neurohistopathologiques (Horner, 1992a; Horner, 1992b, US EPA, 1995a, 2001; Emmett, 2002; EFSA, 2015, Minnema et coll., 2016). L’incidence de l’artérite et de la polyartérite dans les vaisseaux sanguins et de l’hyperplasie paracorticale dans les nœuds lymphatiques a augmenté chez les rats mâles ayant reçu la dose de diquat de 14,88 mg/kg p.c. par jour (Colley et coll., 1985).
2.5 Génotoxicité et cancérogénicité
Selon les données probantes actuelles, le diquat n’est ni génotoxique ni cancérogène (US EPA, 2002; NHMRC et NRMMC, 2011; FAO et OMS, 2014; EFSA, 2015; OEHHA, 2016; OMS, 2016).
Le dibromure de diquat s’est révélé négatif dans quatre essais de mutagénicité (c.‑à‑d. test d’Ames, test du micronoyau sur moelle osseuse de souris, test de létalité dominante chez la souris et synthèse non programmée d’ADN dans les hépatocytes de rat), mais positif dans deux autres études (c.‑à‑d. test de mutation sur cellules de lymphome de souris, test d’aberration chromosomique sur des lymphocytes humains – avec ou sans activation métabolique) (US EPA, 1995a; OMS, 2016). Aucun signe de génotoxicité du diquat‑monopyridone ni du TOPPS n’a été relevé (FAO et OMS, 2014).
Les résultats des études sur toute la durée de la vie chez la souris et le rat n’ont fait ressortir aucun signe de cancérogénicité du diquat (Colley et coll., 1985; Hodge, 1992; US EPA, 1995a; NHMRC et NRMMC, 2011; FAO et OMS, 2014; EFSA, 2015; OMS, 2016). L’US EPA a classé le dibromure de diquat comme un cancérogène du groupe E (c.‑à‑d. preuves de non cancérogénicité pour l’homme), tandis que le Centre international de recherche sur le cancer n’a pas évalué la cancérogénicité du diquat ni du dibromure de diquat (US EPA, 1995a).
2.6 Mode d’action
Chez les mammifères, la cytotoxicité du diquat a été associée au composé d’origine. Le mode d’action cytotoxique du cation fortement chargé est très semblable à celui des autres herbicides bipyridynes comme le paraquat. Un cycle d’oxydoréduction produit des dérivés réactifs de l’oxygène et/ou des dérivés réactifs de l’azote, ce qui entraîne la déplétion des nucléotides pyridine dans les cellules et, ultérieurement, un stress oxydatif, un dysfonctionnement des cellules et potentiellement une nécrose cellulaire (Gallagher et coll., 1995; Jones et Vale, 2000; Emmett, 2002; Fussell et coll., 2011; Gupta et Crissman, 2013; Gupta, 2014; Magalhaes et coll., 2018). L’existence du cycle d’oxydoréduction in vivo et la peroxydation lipidique du diquat in vitro ont été démontrées (Sandy et coll., 1986; Circu et coll., 2017).
De façon générale, bien que cela n’ait pas été démontré de façon concluante, des manifestations toxiques spécifiques survenues dans les études toxicologiques, à savoir les lésions oculaires (ou cataractes), ont été attribuées au cycle d’oxydoréduction du diquat, car le diquat s’accumule davantage dans les yeux que dans les autres tissus (Emmett, 2002; OEHHA, 2016).
2.7 Étude clé retenue
L’ARLA de Santé Canada a identifié l’œil comme l’organe cible le plus sensible dans la base de données (Santé Canada, 2008, 2010, 2019). L’étude d’une durée de 1 an chez le chien menée par Hopkins (1990) a été retenue à titre d’étude clé pour l’évaluation des risques pour la santé humaine associés au diquat dans l’eau potable. L’ARLA considère que l’étude d’une durée de 1 an chez le chien est subchronique, mais sa durée est jugée suffisante pour établir un apport quotidien acceptable (AQA) et le plan d’étude est cohérent avec les pratiques ailleurs dans le monde. Pour ce cas particulier, le recours à l’étude de 1 an chez le chien est étayé par un effet et un point de départ semblables à ceux de l’étude à long terme chez le rat.
Des groupes de beagles (4/sexe/dose) ont été nourris avec des diètes contenant du diquat à des doses de 0, 0,5, 2,5 et 12,5 mg/kg p.c. par jour sous la forme de dibromure de diquat (équivalent à 0, 0,46, 2,42 et 11,48 mg de diquat/kg par jour chez les mâles et à 0, 0,46, 2,42 et 13,21 mg de diquat/kg par jour chez les femelles) pendant 52 semaines (Hopkins, 1990; US EPA, 1995a; US EPA, 2001; Santé Canada, 2008; OMS, 2014, 2016). Aucun effet indésirable lié au traitement n’a été signalé sur le plan de la survie, des signes cliniques, de l’hématologie, de la biochimie clinique, de l’examen des urines ou de la pathologie macroscopique (sauf en ce qui concerne les yeux) à quelque dose que ce soit (US EPA, 2001; OMS, 2014). La principale observation liée au traitement lors de l’étude était les lésions oculaires et a été faite aux doses de 2,5 mg/kg et plus,. Leur incidence et leur gravité augmentaient en fonction de la dose. Dans le groupe traité par la dose de 2,5 mg/kg, deux des quatre femelles ont présenté des cataractes unilatérales (c.‑à‑d. opacité du cristallin), qui sont apparues à la 8e semaine dans un cas et à la 40e semaine dans l’autre. Dans le groupe traité par la plus forte dose, trois des quatre femelles et tous les mâles ont développé des opacités bilatérales du cristallin; la première opacité est apparue durant la 16e semaine chez les mâles et durant la 24e semaine chez les femelles. En plus des opacités du cristallin, d’autres altérations liées au traitement ont été constatées dans le groupe traité par la plus forte dose, à savoir des atteintes inflammatoires du tube digestif chez les deux sexes, des effets sur le plan de la reproduction chez les mâles et une augmentation statistiquement significative du poids des reins chez tous les chiens. Les mâles des groupes traités par les deux doses les plus fortes ont aussi présenté une diminution du poids des surrénales et de l’épididyme, quoique ces modifications n’étaient associées à aucune altération histopathologique dans les organes correspondants (sauf dans le tube digestif) (US EPA, 1995a, 2001; OMS, 2014; OMS, 2016). Une NOAEL par voie orale de 0,5 mg/kg p.c. par jour a été établie dans cette étude, et s’appuyait sur des cataractes unilatérales chez les femelles et la diminution du poids des surrénales et de l’épididyme chez les mâles à la LOAEL la plus faible, qui était de 2,5 mg/kg p.c. par jour (US EPA, 1995a; OMS, 2014).
Les résultats obtenus par Hopkins (1990) sont corroborés par les résultats d’une étude mixte sur la cancérogénicité et les effets à long terme de 2 ans chez des rats Sprague‑Dawley (Colley et coll., 1985). Dans cette étude, les rats mâles et femelles (50/sexe/dose) ont été nourris avec des diètes contenant 0, 5, 15, 75 et 375 ppm de dibromure de diquat (équivalant à [mâles‑femelles]: 0 – 0, 0,19 – 0,24, 0,58 – 0,72, 2,91 – 3,64 et 14,88 – 19,44 mg de diquat/kg p.c. par jour) pendant 104 semaines. Des animaux ont été sacrifiés en cours d’étude (10/sexe/dose) à la 52e semaine (Colley et coll., 1985; US EPA, 1995a, 2001; Santé Canada, 2008; OMS, 2014; OMS, 2016). Aucun effet indésirable lié au traitement n’a été signalé en ce qui concerne le poids des organes, les urines et les paramètres biochimiques du sang (OMS, 2014). La plus importante observation a été la formation de cataractes. Des opacifications progressives du cristallin sont survenues tout au long de l’étude; elles étaient suivies d’opacifications complètes (c.‑à‑d. cataractes), dont les premières ont été observées à la semaine 11 chez un faible nombre d’animaux des groupes traités par les deux plus fortes doses. Les examens ophtalmologiques et histopathologiques des yeux ont révélé que l’incidence des opacifications complètes du cristallin augmentait en fonction de la dose et du temps. Au moment des sacrifices en cours d’étude, quelques mâles du groupe traité par 75 ppm et jusqu’à 95 % des animaux des deux sexes du groupe traité par 375 ppm présentaient des cataractes. À la fin de l’étude, ces proportions avaient augmenté à 15 % dans le groupe traité par 75 ppm et 100 % chez les animaux des deux sexes du groupe traité par 375 ppm. Par ailleurs, les rats atteints de cataractes graves présentaient des anomalies extra‑cristalliniennes (p. ex. adhérences du corps vitré, décollements de la rétine, iritis, hémorragies intra‑oculaires) (US EPA, 2001). Bien que des cataractes aient été constatées dans les groupes traités par les trois plus fortes doses à la fin de l’étude, un seul rat par sexe dans le groupe traité par 15 ppm présentait une opacité totale. À la lumière de ces résultats et du faible taux de survie dans les groupes traités par les plus fortes doses, les données ont fait l’objet d’une réévaluation, qui a permis de conclure que l’incidence et la gravité des cataractes dans le groupe traité par 15 ppm étaient comparables à celles chez les témoins (Harling et coll., 1997; OMS, 2014, 2016). Par conséquent, une NOAEL systémique de 0,58 mg de diquat/kg p.c. par jour a été établie dans cette étude, compte tenu des effets constatés sur les yeux à la plus faible LOAEL, qui était de 2,91 mg de diquat/kg p.c. par jour (US EPA, 1995a; OMS, 2014).
L’étude à long terme de Colley et coll. (1985) a obtenu une NOAEL de 0,58 mg/kg p.c. par jour établie à partir d’une LOAEL fondée sur l’apparition de cataractes chez les mâles et fait appel à une évaluation de l’incidence et de la gravité de cet effet par rapport aux témoins. L’ARLA n’estime pas que la distribution des effets dans le groupe ayant reçu la dose faible soit suffisamment différente de celle des témoins. L’EPA des États‑Unis et l’ARLA se sont servi de l’étude chez le chien de Hopkins (1990) comme point de départ pour calculer l’AQA, qui était associé à une NOAEL de 0,5 mg/kg p.c./jour, et qui était aussi fondée sur les cataractes observées à la LOAEL. Les deux études indiquent un effet et un point de départ qui concordent, peu importe l’espèce, et Santé Canada a choisi la valeur qui est légèrement plus conservatrice.
3.0 Calcul de la valeur basée sur la santé
Comme indiqué ci‑dessus, la NOAEL de 0,5 mg/kg p.c. par jour issue de l’étude menée chez le chien par Hopkins (1990), qui avait révélé la formation de cataractes, est la valeur sur laquelle se base la présente évaluation des risques. La NOAEL de 0,5 mg/kg p.c. par jour est fondée sur la présence de cataractes unilatérales chez les femelles et sur la diminution du poids des surrénales et de l’épididyme chez les mâles. L’AQA s’appuie aussi sur une NOAEL de 0,58 mg/kg par jour pour les femelles, qui a été établie d’après les lésions oculaires constatées dans l’étude menée par Colley et ses collaborateurs (1985).
En utilisant la NOAEL de 0,5 mg de diquat/kg par jour et le facteur d’incertitude standard de 100 étant donné qu’aucune sensibilité chez les jeunes n’a été observée, l’AQA de diquat (c.‑à‑d. cation divalent de bipyridinea été calculé comme suit ) (Santé Canada, 2008, 2019):
Où :
- 0,5 mg/kg p.c. par jour est la NOAEL, d’après la formation de cataracte constatée chez le chien;
- 100 est le facteur d’incertitude, choisi pour tenir compte des variations interspécifiques (×10) et des variations intraspécifiques (×10).
En utilisant l’AQA de 0,005 mg/kg p.c. par jour, la valeur basée sur la santé (VBS) du diquat dans l’eau potable a été calculée comme suit :
Où :
- 0.005 mg/kg p.c. par jour est l’AQA calculé ci‑dessus;
- 74 kg est le poids corporel d’un adulte (Santé Canada, 2021);
- 0,20 est le facteur d’attribution par défaut pour l’eau potable (Krishnan et Carrier, 2013);
- 1,53 L/jour est le taux d’ingestion d’eau potable estimé chez un adulte (Santé Canada, 2021).
4.0 Considérations relatives à l’analyse et au traitement
4.1 Méthodes d’analyse utilisées pour la détection du diquat
Il existe une méthode d’analyse normalisée pour l’analyse du diquat dans l’eau potable. La LDM est résumée dans le tableau 3. Les LDMs, qui dépendent de la matrice de l’échantillon, des instruments et des conditions de fonctionnement choisies, varient d’un laboratoire à l’autre. Plusieurs laboratoires accrédités au Canada ont été contactés et ont indiqué que les LDMs étaient de la même ampleur que celle figurant dans le tableau 3. Les SDMs déclarés allaient de 1 à 7 μg/L (ALS Environmental, 2019; Bureau Veritas Laboratories, 2019; SGS Environmental Services, 2019). Les LDMs et les SDMs des données obtenues par les provinces et les territoires varient de 0,1 à 70 μg/L (voir section 1.3).
Il est recommandé aux responsables de systèmes d’approvisionnement en eau potable de discuter des exigences relatives aux échantillons avec le laboratoire accrédité menant les analyses, de sorte que les procédures de contrôle de la qualité soient respectées et que le SDM soit suffisamment bas pour assurer la précision de la mesure des concentrations inférieures à la CMA. Les considérations relatives à la gestion des échantillons pour l’analyse du diquat dans l’eau potable (p. ex. préservation et conservation des échantillons) se trouvent dans les références énumérées au tableau 3. Il est important de noter que la désactivation est cruciale si un oxydant est présent dans les échantillons afin de prévenir toute dégradation supplémentaire du diquat avant l’analyse.
Méthode (référence) |
Méthodologie | LDM (µg/L) |
Interférences/commentaires (considérations opérationnelles) |
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Méthodes de l’US EPA | |||
EPA-NERLNote de bas de page 1: 549.2 (US EPA, 1997) |
Extraction liquide‑solide et chromatographie liquide à haute performance (CLHP) avec détection UV | 0,72 | Matrice; le Ca2+ et le Mg2+ peuvent entraîner un faible taux de récupération. Le diquat s’adsorbe sur les surfaces, particulièrement le verre. Il faut en tenir compte durant l’échantillonnage et l’analyse. |
|
4.2 Considérations relatives au traitement
Le charbon actif en grains (CAG) a la capacité d’enlever le diquat dans les systèmes d’envergure (US EPA, 1995b, 1996, 2003, 2016). Dans le cas des petits systèmes, l’EPA estime que le CAG, le CAG au point d’utilisation et le charbon activé en poudre sont les meilleurs traitements permettant l’atteinte des objectifs de la réglementation (US EPA, 1996, 2016). D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) (2017), le CAG devrait enlever le diquat de l’eau. L’osmose inverse, la nanofiltration (NF) et l’oxydation sont aussi des technologies possibles à utiliser pour l’enlèvement du diquat.
4.2.1 Traitement à l’échelle municipale
Le choix d’un bon procédé ou stratégie de traitement pour un approvisionnement en eau donné dépendra de beaucoup de facteurs, dont la source d’eau brute et ses caractéristiques, les conditions opérationnelles de la méthode de traitement choisie et les objectifs de traitement du responsable du système d’approvisionnement en eau. Le CAG est, selon l’US EPA (1995b, 1996, 2003, 2016) un best available technology disponible pour l’enlèvement du diquat. L’EPA définit best available technology comme une technologie de traitement ayant démontré un enlèvement systématique du contaminant cible dans des conditions naturelles (US EPA, 2003). Les stratégies de gestion sans traitement pourraient notamment être le mélange dans le but de réduire la concentration de diquat dans l’eau traitée ou d’utiliser une autre source d’eau. Il faut porter une attention particulière à la qualité de l’eau de la nouvelle source avant de modifier l’approvisionnement existant (c. à d. changer de source, le mélange d’approvisionnement et l’interconnexion des réseaux). Par exemple, si l’eau de la nouvelle source est plus agressive, elle pourrait entraîner un relargage de plomb ou de cuivre dans le réseau de distribution.
La qualité de l’eau doit être caractérisée pour veiller à ce que les variations de qualité résultant des options de contrôle ou de traitement soient évaluées et que les conséquences possibles sur le réseau de distribution soient déterminées. Toute variation de la qualité de l’eau ne devrait pas entraîner d’autres problèmes de conformité. Les études pilotes ou à l’échelle de banc d’essai de la méthode de traitement ou de l’option de contrôle choisies pour enlever le diquat sont importantes pour évaluer les conséquences non prévues, comme les variations de la qualité de l’eau, et pour optimiser la performance.
Les procédés de traitement conventionnel de l’eau (coagulation chimique, clarification, filtration rapide sur sable), ne sont pas efficaces pour enlever le diquat dans l’eau potable (OMS, 2017). Le diquat s’adsorbe fortement au sol, il a une masse moléculaire moyenne et il se dégrade lentement naturellement dans l’eau par photolyse; toutes ces propriétés interviennent dans l’enlèvement du diquat dans l’eau potable.
Lorsque des procédés d’oxydation ou d’oxydation avancée sont utilisés pour enlever des pesticides dans l’eau potable, il est important de connaître le potentiel de formation de sous produits de dégradation du composé cible (Ikehata et Gamal El Din, 2006; Beduk et coll., 2012; Li et coll., 2019). Le fait que le pesticide ciblé soit enlevé ne veut pas nécessairement dire que le traitement est efficace et qu’une minéralisation complète (en dioxyde de carbone, en ions inorganiques et en eau) a été réalisée. Par ailleurs, les responsables de systèmes d’approvisionnement en eau potable doivent tenir compte du potentiel de formation de sous produits de désinfection, selon l’oxydant utilisé et la qualité de la source d’eau. Les études pilotes constituent une étape importante pour les stations de traitement qui envisagent le recours à des procédés d’oxydation ou d’oxydation avancée pour enlever des pesticides dans l’eau potable.
4.2.1.1 Adsorption sur charbon actif
L’adsorption sur charbon actif est largement utilisée pour réduire les concentrations de micropolluants, y compris les pesticides, dans l’eau potable (Haist‑Gulde et Happel, 2012; van der Aa et coll., 2012). Le charbon actif peut être appliqué de deux manières : applications d’une solution en suspension de charbon actif en poudre (CAP) ou réacteur à lit fixe utilisant du CAG (Chowdhury et coll., 2013).
Le CAG a été recommandé à titre de technologie possible à utiliser pour l’enlèvement du diquat dans l’eau potable (US EPA, 1995b, 2016; OMS, 2017). L’US EPA (2016) est d’avis que les technologies convenables pour les petits systèmes sont le CAG, le CAG au point d’utilisation et le CAP, mais n’a pas fait référence à des études à pleine échelle, à des études pilotes ou à l’échelle de banc d’essai.
Il existe très peu de publications sur l’utilisation du charbon actif pour adsorber le diquat, et aucune sur la capacité d’adsorption ou la performance. Par conséquent, avant toute mise en œuvre à pleine échelle, il sera essentiel de mener des études pilotes et à l’échelle de banc d’essai appropriées. L’enlevement du diquat dans l’eau naturelle à l’aide de charbon actif peut être influencée par la présence d’autres contaminants qui entrent en compétition, la matière organique naturelle (MON), la formation de biofilm, la température, la concentration de diquat dans l’influent, la taille du charbon et le taux de charge hydraulique (Speth et Miltner, 1998; Haist-Gulde et Happel, 2012).
Les données produites par des études à l’échelle de banc d’essai visant à déterminer les coefficients d’adsorption des pesticides sont utiles pour prédire si le charbon actif adsorbera un pesticide donné (US EPA, 2011). En général, les pesticides présentant une constante d’adsorption (par exemple coefficient de Freundlich) supérieure à 200 µg/g(L/µg)1/n sont considérés aptes à être enlevés par adsorption sur charbon (Speth et Adams, 1993; Speth et Miltner, 1998, US EPA, 2011). Toutefois, les auteurs ont précisé que la capacité du charbon actif dépend de nombreux facteurs, notamment le caractère ionique du composé et le pH de la solution. Les coefficients de Freundlich dans l’eau exempte de matière organique en ce qui concerne le diquat vont de 103 µg/g(L/µg)1/n à un pH de 3,0 à 2 910 µg/g(L/µg)1/n à un pH de 6,1, et ils ont atteint jusqu’à 122 000 µg/g(L/µg)1/n à un pH de 10,1 (Speth et Miltner, 1998). Ces résultats montrent l’effet considérable du pH sur l’adsorption, qui est très faible à un pH de 3,0, modérée à un pH presque neutre et plutôt forte à un pH plus élevé.
L’utilisation de CAP comporte l’avantage de fournir du charbon vierge selon les besoins (p. ex. durant la saison d’application du pesticide) (Miltner et coll., 1989). L’efficacité d’enlèvement du CAP dépend du type et de la dose de CAP, du temps de contact, des caractéristiques du CAP (type, taille des particules), de la capacité d’adsorption du contaminant et de la présence de MON (Gustafson et coll., 2003 ; Summers et coll., 2010; Haist‑Gulde et Happel, 2012; Chowdhury et coll., 2013). La capacité du CAG d’enlever les pesticides par adsorption dépend de la vitesse de filtration, du temps de contact en lit vide, des caractéristiques du CAG (type, taille des particules, méthode de réactivation), de la capacité d’adsorption du contaminant et de la durée du cycle de filtration (Haist‑Gulde et Happel, 2012). Par ailleurs, étant donné que les adsorbeurs à lit fixe de CAG fonctionnent généralement sur une base continue, le CAG peut devenir encrassé (ou préchargé) par de la MON, ce qui le rendrait entièrement ou partiellement inefficace pour d’enlever le pesticide (Knappe et coll., 1999; Summers et coll., 2010; Haist‑Gulde et Happel, 2012; Chowdhury et coll., 2013).
Plusieurs autres études ont examiné l’enlèvement du diquat dans les eaux usées dans des expériences en lots utilisant du CAG ou divers adsorbants rarement utilisés pour le traitement de l’eau potable (Dichiara et coll., 2015; Hao et coll., 2015; Li et coll. 2017; Duman et coll., 2019). Les concentrations initiales dans ces études étaient beaucoup plus élevées que celles couramment observées dans l’eau potable, allant de 5,43 à 80 mg/L. L’efficacité de l’enlèvement a varié de 72,9 % à 89,3 %, la capacité d’adsorption, de 36,45 à 197,53 mg/g et les taux d’adsorption, de 0,612 à 29,1 mg/g∙min, selon l’adsorbant et les conditions expérimentales.
4.2.1.2 Filtration sur membrane
La nanofiltration et l’osmose inverse, qui sont des procédés sur membrane effectués par l’application d’une pression, sont généralement efficaces pour enlever les pesticides dans l’eau potable. Leur efficacité dépend des caractéristiques de la membrane, des propriétés des pesticides, de la composition de l’eau d’alimentation, des conditions opérationnelles et de l’encrassement de la membrane (Van der Bruggen et Vandecasteele, 2003; Bellona et coll., 2004; Plakas et Karabelas, 2012).
Comme le principal mécanisme des membranes de nanofiltration et d’osmose inverse pour éliminer les pesticides est l’exclusion par la taille, le seuil de rétention des molécules en raison de leur poids moléculaire (MWCO) par la membrane constitue une caractéristique importante. Bien qu’aucune étude n’ait encore évalué l’utilisation de la filtration sur membrane pour éliminer le diquat, les membranes dont le seuil de rétention des molécules est inférieur à la masse moléculaire (184,2 g/mol) du diquat pourraient se révéler efficaces. Comme le diquat est hautement polaire et hydrophile, des propriétés physico‑chimiques qui réduisent l’efficacité du rejet par la membrane (Plakas et Karabelas, 2012), il est probable que le diquat sera éliminé uniquement par l’exclusion par la taille.
Bellona et ses collaborateurs (2004) ont créé un organigramme utilisant les caractéristiques du pesticide dans l’eau (p. ex. masse moléculaire, log Koe, diamètre moléculaire), ainsi que celles de la membrane (p. ex. seuil de rétention des molécules, taille des pores). Cet organigramme pourrait être utilisé pour déterminer le potentiel d’enlèvement du diquat par filtration sur membrane. Avant toute mise en œuvre à pleine échelle, il est important de mener les essais appropriés dans les conditions opérationnelles proposées avec la membrane et la source d’approvisionnement en eau afin d’assurer l’enlèvement adéquate du diquat.
4.2.1.3 Oxydation
L’oxydation chimique par le dioxyde de chlore peut être une méthode de traitement efficace pour enlever le diquat dans l’eau, en fonction de plusieurs facteurs comme la dose de l’oxydant, le temps de contact, la quantité de désinfectant requise, la température et le pH.
Des essais à l’échelle de banc d’essai réalisés avec des oxydants – dioxyde de chlore, permanganate et chlore ont été menés pour évaluer la dégradation du diquat dans l’eau distillée (Gomaa et Faust, 1971). Les concentrations initiales de diquat utilisées dans cette étude étaient plusieurs ordres de grandeur plus élevés que celles normalement présentes dans la source d’approvisionnement en eau (15 à 30 mg/L) et les doses d’oxydant étaient élevées (dose de dioxyde de chlore de 6,75 mg/L). Le dioxyde de chlore a constitué le meilleur oxydant pour l’enlèvement du diquat : il était efficace aux pH supérieurs à 8,0 et la réaction complète prenait moins de 1 minute. L’utilisation du dioxyde de chlore impliquerait d’ajuster au préalable le pH à un niveau légèrement alcalin. Le chlore s’est révélé moins efficace que le dioxyde de chlore, mais l’efficacité du chlore était accrue aux pH élevés. Le permanganate de potassium a aussi été étudié, mais il n’a pas permis d’enlever le diquat adéquatement. L’étude n’a pas porté sur la formation de sous‑produits.
Des réactions relativement lentes ont été constatées avec l’ozonation du diquat (Yao et Haag, 1991; Hu et coll., 2000). Hu et ses collaborateurs (2000) ont mené une étude à l’échelle de banc d’essai visant à mesurer les constantes de vitesse d’oxydation par l’ozone de 24 pesticides. Les analyses ont été réalisées avec de l’eau brute synthétique au pH de 7,5, une force ionique de 10‑3 M et 100 μM de NaHCO3. La dose d’ozone de 1,3 mg/L a donné une constante de vitesse de 67,9 M‑1 s‑1, ce qui représente la deuxième constante de vitesse la plus faible de tous les pesticides examinés. À titre de comparaison, l’acide 2,4‑dichlorophénoxyacétique avait une vitesse de réaction de 298 M‑1 s‑1 et la warfarine, une vitesse de réaction supérieure à 21 000 M‑1 s‑1.
Yao et Haag (1991) se sont penchés sur les constantes de vitesse d’oxydation par l’ozone de 45 composés organiques (Yao et Haag, 1991). Une vitesse de réaction du diquat de 0,6 M‑1 s‑1 a été obtenue au pH de 3,1, et une demi‑vie de 15 heures a été établie à un pH de 7.
4.2.2 Traitement à l’échelle résidentielle
Dans les cas où l’on souhaite enlever le diquat à l’échelle résidentielle, par exemple lorsque l’eau potable d’une résidence provient d’un puits privé, un dispositif de traitement résidentiel peut être une option pour réduire les concentrations de diquat dans l’eau potable. Si des conseils sont nécessaires, les consommateurs devraient communiquer avec l’autorité responsable en matière de leur eau potable. Avant l’installation du dispositif de traitement, il faut analyser l’eau pour en déterminer les caractéristiques chimiques générales, de même que la concentration de diquat dans la source d’approvisionnement en eau. Il y a un manque d’études sur l’efficacité des technologies de traitement en ce qui concerne l’enlèvement du diquat; cependant, l’adsorption (sur charbon actif) et l’osmose inverse sont des technologies de traitement qui peuvent enlever le diquat à l’échelle résidentielle. Pour vérifier l’efficacité d’un dispositif de traitement, il faut régulièrement collecter des échantillons de l’eau qui entre dans le dispositif de traitement et de l’eau qui en sort, et envoyer ces échantillons à un laboratoire accrédité pour la réalisation d’analyses. Comme les dispositifs de traitement peuvent perdre leur capacité d’enlèvement avec l’usage et le temps, ils doivent être entretenus et/ou être remplacés au besoin. Les consommateurs doivent vérifier la durée de vie prévue des composantes de leur dispositif de traitement selon les recommandations du fabricant, et veiller à leur entretien au besoin. Certains dispotifs résidentiels peuvent avoir une capacité nominale permettant de traiter des volumes supérieurs à ceux d’une seule résidence, de sorte qu’ils peuvent aussi être utilisés dans des petits systèmes.
Santé Canada ne recommande aucune marque particulière de dispositif de traitement de l’eau potable, mais conseille fortement aux consommateurs d’utiliser des dispositifs dont la conformité aux normes pertinentes de NSF International et de l’American National Standards Institute (ANSI) est certifiée par un organisme de certification accrédité. Ces normes visent à établir des exigences minimales relatives aux matériaux, à la conception et à la fabrication des dispositifs de traitement de l’eau potable. On s’assure ainsi que les matériaux contenus dans le dispositif ne libèrent pas de contaminants dans l’eau potable (c.-à-d. innocuité des matériaux). De plus, les normes englobent des exigences de performance qui précisent le taux d’enlèvement qui doit être réalisé pour certains contaminants (c.-à-d. déclaration de réduction) qui peuvent être présents dans l’eau. Les organismes de certification, qui doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN), garantissent qu’un produit est conforme aux normes en vigueur. Voici quelques-uns des organismes accrédités au Canada (CCN, 2019) :
- CSA Group;
- NSF International;
- Water Quality Association;
- UL LLC;
- Bureau de normalisation du Québec;
- International Association of Plumbing and Mechanical Officials;
- Truesdail Laboratories Inc.
Il est possible d’obtenir une liste à jour des organismes de certification accrédités auprès du Conseil canadien des normes.
À l’heure actuelle, le diquat n’est pas visée par les exigences de performance des normes NSF/ANSI. Toutefois, les consommateurs peuvent utiliser un dispositif de traitement qui est certifié conforme aux normes relatives à l’osmose inverse ou à l’adsorption pour s’assurer que l’innocuité des matériaux a été évaluée.
L’eau qui a été traitée par OI peut être corrosive pour les éléments internes de plomberie. Ces dispositifs devraient donc être installés uniquement au point d’utilisation. De plus, comme il faut de grandes quantités d’influent pour obtenir le volume requis d’eau traitée, ils ne sont généralement pas pratiques si on les installe au point d’entrée de l’eau.
5.0 Stratégies de gestion
Tous les responsables de systèmes d’approvisionnement en eau potables devraient mettre en œuvre une approche de gestion des risques, comme l’approche de la source au robinet ou du plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau, pour assurer la salubrité de l’eau (CCME, 2004 ; OMS, 2011, 2012). Ces approches exigent une évaluation du système pour caractériser la source d’approvisionnement en eau, décrire les barrières de traitement qui empêchent ou réduisent la contamination, déterminer les conditions pouvant entraîner une contamination et mettre en œuvre des mesures de contrôle. La surveillance opérationnelle est ensuite établie, et des protocoles opérationnels et de gestion sont mis en place (p. ex. procédures opérationnelles normalisées, mesures correctives et interventions en cas d’incident). La surveillance de la conformité est déterminée, et d’autres protocoles de validation du plan de salubrité de l’eau sont mis en œuvre (p.ex. tenue de dossiers, satisfaction des consommateurs). La formation des opérateurs est également nécessaire pour assurer l’efficacité en tout temps du plan de salubrité de l’eau (Smeets et coll., 2009).
5.1 Surveillance
Le diquat peut être présent dans les eaux souterraines et les eaux de surface dans les zones où il est utilisé, selon le type et l’importance de son application, des facteurs environnementaux (p. ex. quantité de précipitations, type de sol, conditions hydrogéologiques) et son devenir dans le milieu ambiant (p. ex. mobilité, potentiel de lessivage, dégradation). Les responsables de systèmes d’approvisionnement en eau doivent évaluer la possibilité que le diquat pénètre dans les sources d’eau (p. ex. approvisionnement en eau brute d’un réseau d’eau potable) en fonction des facteurs propres au site.
Si la présence du diquat et la nécessité d’une surveillance sont confirmées, il faut caractériser les eaux souterraines et les eaux de surface afin de déterminer la concentration de diquat. Pour ce faire, on doit surveiller les sources d’eaux de surface durant les périodes de forte utilisation et les épisodes de pluie et/ou surveiller les eaux souterraines tous les ans. La surveillance peut être réduite si les données de référence n’indiquent pas la présence de diquat dans la source d’approvisionnement en eau.
Lorsqu’un traitement est nécessaire pour enlever le diquat, il faut assurer une surveillance opérationnelle afin de déterminer si le procédé de traitement fonctionne comme prévu. La fréquence de la surveillance opérationnelle dépendra de la qualité de l’eau, de la variation des concentrations dans l’eau brute, et du procédé de traitement. Les autorités responsables devraient tenir compte de l’incidence de la MON sur les systèmes au charbon actif, car cette interaction peut avoir un effet sur les objectifs de qualité de l’eau pour ce qui est de l’enlèvement du diquat.
Lorsqu’un traitement est utilisé pour enlever le diquat il faut effectuer une surveillance de conformité (c.‑à‑d. échantillons jumelés de la source d’approvisionnement en eau avec l’eau traitée afin de confirmer l’efficacité du traitement) au moins tous les ans. Lorsque la surveillance opérationnelle périodique indique un risque de propagation du contaminant, comme dans le cas du CAG, une surveillance devrait être effectuée tous les trois mois pour planifier la régénération ou le remplacement du milieu filtrant. Enfin, lorsqu’un procédé de dégradation, p. ex. oxydation, est utilisé, la surveillance de la formation de sous‑produits doit aussi être envisagée.
6.0 Considérations internationales
La présente section expose les recommandations, les normes et les conseils relatifs à l’eau potable qu’ont établis des organismes canadiens et étrangers. Les valeurs varient en fonction de la date à laquelle remonte l’évaluation sur laquelle elles sont fondées, et en fonction des différentes politiques et démarches appliquées, y compris en ce qui concerne le choix de l’étude clé ou les taux de consommation, les poids corporels et les facteurs d’attribution liés à la source employés.
L’US EPA a fixé un Maximum Contaminant Level (MCL, niveau maximal de contaminant) de 0,02 mg/L, tandis que le National Health and Medical Research Council (NHMRC) de l’Australie a fixé une valeur recommandée de 0,007 mg/L à l’égard du diquat dans l’eau potable (NHMRC et NRMMC, 2011). L’OMS a calculé une valeur non réglementaire basée sur la santé de 0,03 mg/L (30 µg/L) à l’égard du diquat (OMS, 2016). Ces trois valeurs sont fondées sur la formation de cataractes constatée dans une étude de 2 ans menée chez le rat en 1985, mais elles diffèrent sur le plan de l’interprétation (c.‑à‑d. NOAEL) ainsi que des poids corporels et des facteurs d’attribution liés à la source retenus (tableau 4). L’utilisation du diquat n’est pas autorisée dans l’Union européenne (EFSA, 2018).
Organisme (année) |
Valeur (mg/L) |
Effet principal (référence) |
NOAEL (mg/kg p.c./j) |
FI | AQA (mg/kg p.c./j) |
p.c. (kg) |
Ingestion d’eau potable (L/j) |
FA (%) |
Remarques |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
SC – CMA (2021) |
0,05 | Cataractes chez le chien (Hopkins, 1990) |
0,5 | 100 | 0,005 | 74 | 1.53 | 20 | aucune |
US EPA (1992) |
0,02 | Cataractes chez le rat (Colley et coll., 1985) | 0,22 | 100 | 0,0022 | 70 | 2 | 20 | aucune |
OMS (2016) |
0,03 | Cataractes chez le rat (Colley et coll., 1985) | 0,58 | 100 | 0,0058 | 60 | 2 | 20 | AQA établi par la JMPR (FAO/OMS, 2014). La JMPR a déclaré que l’étude d’un an chez le chien menée par Hopkins (1990) appuie son AQA. |
Australie (2011) |
0,007 | Cataractes chez le rat | 0,2 | 100 | 0,002 | 70 | 2 | 10 | Aucun renvoi à une étude sur les cataractes ne figure dans la publication de la NHMRC et de la NRMMC (2011), mais la description correspond aux travaux de Colley et ses collaborateurs (1985). |
UE (2018) |
n.d. | L’utilisation du diquat n’est pas autorisée dans l’Union européenne (UE). | |||||||
|
7.0 Justification
Le diquat est homologué au Canada comme agent de dessiccation sur une variété de cultures, ainsi que pour la lutte contre les mauvaises herbes aquatiques et les algues dans les eaux stagnantes et à faible courant. Bien que son usage soit courant au Canada, les données fournies par les provinces et les territoires qui surveillent le diquat dans les sources d’approvisionnement en eau et l’eau potable indiquent que les concentrations de diquat sont négligeables. L’œil (formation de cataractes) est considéré comme l’organe cible de la toxicité du diquat. Bien qu’aucune étude n’ait été effectuée chez l’humain pour déterminer les effets du diquat sur les yeux, les études menées chez plusieurs espèces animales (souris, rat, chien) ont invariablement révélé des lésions oculaires à la suite d’expositions répétées au diquat.
Une CMA de 0,05 mg/L (50 µg/L) a été établie pour le diquat dans l’eau potable à la lumière des considérations suivantes:
- une VBS de 0,05 mg/L (50 µg/L) a été calculée, et est fondée sur la formation de cataractes chez le chien;
- le diquat peut être mesuré avec précision à des concentrations considérablement inférieures à la CMA;
- le diquat devrait pouvoir être énlevé à l’échelle municipale ou être géré par le recours au mélange ou à une autre source d’eau;
La CMA assure une protection contre les effets sur la santé qui peuvent survenir à la suite d’une exposition au diquat, peut être mesurée de façon fiable par les méthodes d’analyse existantes et peut être atteinte au moyen des technologies de traitement à l’échelle municipale et résidentielle. Santé Canada continuera, dans le cadre de son processus continu de révision des recommandations, de surveiller les nouvelles recherches à ce sujet, notamment les résultats des évaluations de l’ARLA, et recommandera au besoin toute modification jugée appropriée au présent document technique.
8.0 Références
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Annexe A : Liste des abréviations
- AQA
- apport quotidien acceptable
- ANSI
- American National Standards Institute
- ARLA
- Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire
- CAG
- charbon actif en grains
- CAP
- charbon actif en poudre
- CAS
- Chemical Abstracts Service (numéro de registre du)
- CEP
- Comité fédéral‑provincial‑territorial sur l’eau potable
- CMA
- concentration maximale admissible
- DL50
- dose létale moyenne médiane
- FAO
- Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
- Koe
- coefficient de partage n‑octanol–eau
- LDM
- limite de détection de la méthode
- LOAEL
- dose minimale avec effet nocif observé
- LQ
- limite de quantification
- MON
- matière organique naturelle
- NHMRC
- National Health and Medical Research Council (Australie)
- NOAEL
- dose sans effet nocif observé
- NRMMC
- Natural Resources Management Ministerial Council (Australie)
- NSF
- NSF International
- OEHHA
- Office of Environmental Health Hazard Assessment
- OMS
- Organisation mondiale de la santé
- SDM
- seuil de déclaration de la méthode
- TOPPS
- sel de 1,2,3,4-tétrahydro-1-oxopyrido[1,2-a]-5-pyrazinium
- UE
- Union européenne
- US EPA
- United States Environmental Protection Agency
- VBS
- valeur basée sur la santé
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