Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique : les toxines cyanobactériennes

Table des matières

Partie I : Vue d’ensemble et application

Partie II. Science et considérations techniques

Partie I : Vue d’ensemble et application

1.0 Recommandation

Une concentration maximale acceptable (CMA) saisonnière de 0,0015 mg/L (1,5 µg/L) est établie pour les microcystines totales dans l’eau potable. Cette recommandation est considérée protéger la population générale, y compris les jeunes enfants.

2.0 Sommaire

Dans des conditions environnementales adéquates, des microcystines et d’autres toxines cyanobactériennes se forment naturellement dans l’eau de l’environnement. Elles sont produites et stockées dans les cellules des cyanobactéries et libérées lorsque les cellules se rompent ou meurent. La plupart des études scientifiques relatives aux toxines cyanobactériennes portent sur les microcystines, qui sont généralement considérées comme les cyanotoxines d’eau douce les plus importantes.

Dans ce document technique, on recense et on évalue tous les risques pour la santé associés à la présence de toxines cyanobactériennes dans l’eau potable. On évalue les nouvelles études et méthodologies, et on prend en considération les limites des méthodes d’analyse et des techniques de traitement. Au terme de cet examen, une recommandation pour les microcystines totales dans l’eau potable a été établie, soit une concentration maximale acceptable (CMA) de 0,0015 mg/L (1,5 µg/L). Aucune recommandation n’est établie pour d’autres cyanotoxines, notamment l’anatoxine-a et la cylindrospermopsine, car les données sur la santé et sur l’exposition à ces toxines sont limitées.

2.1 Effets sur la santé

Les études relatives aux effets sur la santé des toxines cyanobactériennes ciblent principalement la microcystine-LR. Une CMA saisonnière est établie pour les microcystines totales, car des études ont montré une toxicité hépatique chez les rats à la suite d’une exposition à court terme à la microcystine-LR. Des données canadiennes démontrent que l’exposition aux microcystines provenant d’approvisionnements en eau potable traitée par les municipalités est généralement de courte durée. Ceci est lié aux faits que les proliférations d’algues sont saisonnières (typiquement entre le printemps et l’automne), d’une durée moyenne de moins de 30 jours, et qu’il existe des protocoles déjà en place dans le cas de dépassement. La CMA est alignée avec la durée et les scénarios d’exposition pour les microcystines dans l’eau potable au Canada d’une saison typique de prolifération cyanobactérienne.  La CMA est fondée sur les effets sur la santé chez les adultes et on considère qu’elle protège tous les Canadiens.

Les données scientifiques dont on dispose actuellement laissent entendre que les adultes sont plus sensibles aux effets des microcystines que les groupes d’âge plus jeunes. Toutefois, les nourrissons peuvent ingérer un volume d’eau beaucoup plus important par poids corporel, c’est-à-dire jusqu’à cinq fois plus d’eau potable par kilogramme de poids corporel qu’un adulte. Ainsi, comme mesure de précaution pendant un incident de prolifération, lorsque les niveaux de microcystines totales dans l’eau traitée sont au-dessus de la valeur de référence de 0,0004 mg/L (0,4 µg/L) les responsables de la qualité de l’eau potable devraient informer le public dans la région affectée qu’une autre source appropriée d’eau potable (telle que l’eau en bouteille) devrait être utilisée pour les préparations pour nourrissons

2.2 Exposition

L’exposition aux microcystines se fait principalement par la consommation d’eau potable et peut également se produire au cours d’activités aquatiques récréatives telles que la nage. Les aliments infectés par l’eau contaminée (principalement le poisson, les mollusques et crustacés, et certaines cultures) peuvent aussi être une source d’exposition, ainsi que les produits de santé naturels qui ont été contaminés (notamment les suppléments aux algues). Des microcystines pourraient aussi être présentes sous forme d’aérosol créé par le vent lors de la baignade ou de la douche, causant ainsi un contact par inhalation. Toutefois, l’inhalation d’eau potable contaminée n’est pas une source d’exposition importante.

Des proliférations cyanobactériennes ont été observées dans des sources d’eau potable partout au Canada, sauf sur l’Île-du-Prince-Édouard, où l’eau potable provient de sources souterraines, et dans les territoires. Ailleurs au Canada, l’exposition aux microcystines se produit généralement sur de courtes périodes (moins de 30 jours), car les conditions requises pour la formation de proliférations sont saisonnières et nécessitent des températures chaudes.

2.3 Analyse et traitement

Il existe plusieurs méthodes permettant de mesurer les microcystines totales dans l’eau potable à des concentrations bien inférieures à la CMA. À l’aide d’une méthode de laboratoire validée, toutes les variantes de microcystines mesurables qui sont dissoutes dans l’eau ou liées à l’intérieur des cellules cyanobactériennes devraient faire l’objet d’une analyse. De même, l’eau devrait être traitée pour éliminer les microcystines intracellulaires (fixées aux cellules) et dissoutes. La manière la plus efficace d’éliminer les microcystines consiste à éliminer les cellules cyanobactériennes intactes, sans les endommager, afin d’empêcher la libération d’autres microcystines dans l’eau. L’élimination des microcystines intracellulaires peut se faire par filtration conventionelle ou par filtration par membrane, tandis que l’élimination des microcystines dissoutes se fait à l’aide de charbon actif, d’une oxydation, d’une biodégradation ou de procédés à membrane à pores fins. Des usines de traitement de l’eau potable bien exploitées et optimisées peuvent éliminer les microcystines totales à des concentrations bien inférieures à la CMA.

Pour les ménages dont l’eau provient d’une source d’eau de surface contaminée par une prolifération de cyanobactéries, les options consisteraient à choisir une autre source d’eau, à changer l’emplacement du tuyau d’arrivée d’eau et à installer un système de traitement de l’eau potable. Toutefois, le traitement des approvisionnements d’eau visant à éliminer les cyanobactéries et les microcystines à l’échelle résidentielle est complexe. Il existe des dispositifs de traitement à l’échelle résidentielle pouvant ajouter un traitement aux eaux traitées par une municipalité pour en enlever les microcystines dissoutes. Il n’existe toutefois aucun système de traitement de l’eau potable certifié pour l’élimination des cellules cyanobactériennes et des microcystines dissoutes dans les approvisionnements d’eau qui n’ont pas été traités par une municipalité.

2.4 Considérations internationales

Au niveau international, il n’existe pas présentement de limites obligatoires pour les toxines cyanobactériennes dans l’eau potable. L’organisation mondiale pour la Santé a établie une ligne directrice provisoire de 0,001 mg/L pour la microcystine-LR totale. L’Australian National Health and Medical Research Council a établi une ligne directrice pour les microcystines totales dans l’eau potable de 0,0013 mg/L exprimée en tant qu’équivalents de toxicité de la microcystine‑LR. Aux États-Unis, l’Environmental Protection Agency a établi des avis de santé de courte durée : Pour les enfants de moins de six ans,  les avis de santé sont de 0,0003 mg/L pour les microcystines et de 0,0007 mg/L pour la cylindrospermopsine. Pour le reste de la population, les avis de santé sont de 0,0016 mg/L pour les microcystines et de 0,003 mg/L pour la cylindrospermopsine. L’Union Européenne n’a pas établi de limites pour les toxines cyanobactériennes dans l’eau potable.

3.0 Application de la recommandation

Remarque : Des conseils spécifiques concernant l’application des recommandations devraient être obtenues auprès de l’autorité appropriée en matière d’eau potable dans le secteur de compétence concerné.

3.1 Systèmes d’approvisionnement en eau potable à l’échelle municipale

Les autorités responsables et les gestionnaires de l’approvisionnement en eau devraient établir une stratégie appropriée de surveillance, d’évaluation et d’intervention pour leurs systèmes. On trouvera à l’annexe B de l’information concernant  les étapes à suivre pour se préparer à une éventuelle prolifération cyanobactérienne (c.-à-d. une vaste accumulation de cellules identifiable par la coloration de leurs pigments), ainsi qu’un  diagramme à l’intention des services publics et des décideurs

3.1.1 Surveillance des sources d’eau potable

Les sources d’approvisionnement en eau potable que l’on sait vulnérables, ou susceptibles d’être vulnérables aux proliférations, devraient faire l’objet d’une surveillance régulière visant à détecter la présence de cyanobactéries. L’approche recommandée est une surveillance visuelle de la source d’eau permettant de repérer les signes d’augmentation de la densité des cellules cyanobactériennes ou la formation de proliférations; il faut ensuite faire preuve d’une plus grande vigilance et prendre des mesures supplémentaires si de tels signes sont observés.

La distribution des cyanobactéries et leurs changements dans l’espace et le temps sont fonctions des caractéristiques du cours d’eau. Comme la distribution des cyanobactéries affecte l’évaluation du risque, les programmes d’échantillonnage dépendront de considérations propres au site et devraient donc être élaborés en fonction de chaque cas. Le présent document donne des conseils sur certains des facteurs qui devraient être considérés lorsqu’une surveillance des cyanobactéries est effectuée. Il existe également de l’information publiée contenant plus d’information sur la conception et la mise en oeuvre de programmes de surveillance (voir la section 6.0).

La surveillance visuelle des sources d’eau constitue une approche directe qui apporte des renseignements utiles sur le danger relatif que pose la formation de proliférations cyanobactériennes. Les plans d’eau dans lesquels des proliférations peuvent être observées devraient faire l’objet d’une surveillance visuelle pendant la saison de pointe (habituellement de la fin mai au début octobre, mais cela peut varier en fonction des conditions locales). Les emplacements clés à inspecter sont situés près des prises d’eau et le long des berges et du littoral. Les premiers signes visuels d’une prolifération peuvent être l’eau qui semble inhabituellement trouble ou la présence de ce qui semble être de fines tontes de gazon ou de petites touffes pouvant être bien espacées. Les couleurs varient et passent par les couleurs gris ou tanin, olive, bleu-vert, bleu vif et rouge (couleur « vin »). Au fur et à mesure que les proliférations se développent, l’eau peut prendre une apparence de « soupe aux pois » ou de « peinture renversée ». Une prolifération peut former une écume à la surface de l’eau (souvent pendant la nuit si les conditions sont calmes), que le courant de l’eau ou le vent peut ensuite pousser vers le littoral. Pendant la planification d’une surveillance visuelle, il est important de tenir compte du fait que les cyanobactéries peuvent de nouveau se mélanger à la colonne d’eau pendant la journée.

La surveillance du nombre de cellules ou les estimations relatives au biovolume dans l’eau, lorsqu’elles sont accompagnées de renseignements sur les toxines, peuvent aider à mieux comprendre les exigences relatives au traitement, les besoins potentiels en matière d’optimisation pour les activités de l’usine et les efficacités en matière d’élimination. Il n’existe aucun lien direct entre le nombre de cellules dans l’eau et les concentrations de cyanotoxines présentes dans l’eau. Une prolifération de cyanobactéries peut constituer un mélange d’espèces, qui peuvent ou non produire des toxines. Le nombre de cellules doit être considéré uniquement comme une indication de la possibilité de formation d’une prolifération et, en fin de compte, de la présence potentielle de toxines. Toute décision relative aux facteurs donnant lieu à des mesures possibles en fonction du nombre de cellules ou des valeurs liées au biovolume, est prise à l’échelle locale ou provinciale et territoriale, en tenant compte des données propres au site. À des fins d’évaluation des risques pour la santé, il est nécessaire de déterminer les concentrations de microcystines totales présentes (intracellulaires et extracellulaires).

Dans le cadre d’un plan de gestion totale ou d’un plan visant la salubrité de l’eau, il est bon que les autorités en matière d’eau potable connaissent les types de cyanobactéries pouvant affecter leurs sources d’eau. Par exemple, certains types de cyanobactéries peuvent se développer bien au-dessous de la surface ou au fond de l’eau où la lumière peut encore pénétrer, et ne présenteraient pas de signes importants de prolifération. La détection visuelle des tapis de matière cyanobactérienne échouée sur le rivage ou des signes d’engorgement des arrivées d’eau peut également révéler leur présence. D’autres indicateurs pouvant aider à détecter la croissance d’une prolifération cyanobactérienne incluent des changements dans le carbone organique total (COT), ainsi que dans le goût et l’odeur de l’eau. Parmi les autres outils qui permettent de détecter les proliférations figurent les analyseurs de pigments sur place ou portatifs servant à déceler la phycocyanine ou la chlorophylle-a, ainsi que les appareils de télédétection par satellite (basée sur les changements dans les propriétés optiques de la colonne d’eau) pour les proliférations dans de grandes sources d’eau.

Des échantillons devraient être prélevés à des fins d’analyse si une prolifération est détectée ou soupçonnée à la suite d’une inspection visuelle; ils peuvent également être prélevés dans le cadre d’une surveillance de routine. On recommande aux autorités d’analyser les échantillons au cours de la prolifération et après sa disparition de façon à mieux caractériser la portée des risques que posent les cyanobactéries (voir l’annexe B).

Si une prolifération se développe dans la source d’eau, elle devrait être échantillonnée pour définir sa propagation et la variabilité dans la population. L’échantillonnage d’un plan d’eau devrait être effectué aussi près que possible du cours d’eau ou des berges, ou bien de la formation de la prolifération. Des échantillons de la source peuvent être prélevés et traités en tant qu’échantillons ponctuels individuels provenant de profondeurs et de sites différents pour évaluer l’ampleur de la prolifération (profondeur, largeur); ou alors, un échantillon composite intégré à l’échelle de plusieurs zones de profondeur peut être analysé pour fournir une estimation de la toxicité moyenne dans l’ensemble de l’eau contaminée.

Des échantillons d’eau brute devraient être prélevés à l’arrivée d’eau de l’usine de traitement avant de procéder à tout traitement préalable, notamment une chloration préalable ou une filtration pour déterminer la concentration de microcystines qui entre dans l’usine de traitement.

Des échantillons traités devraient être collectés au robinet d’eau traitée de l’usine de traitement après l’étape de traitement final. Un échantillonnage de l’eau brute et traitée (le cas échéant) peut être fait au même moment afin d’être efficace. Si le résultat du traitement est évalué, les échantillons d’eau brute et traitée doivent alors être échelonnés pour tenir compte du temps de séjour de l’eau dans l’usine de traitement de l’eau. Un échantillonnage réalisé dans l’usine de traitement après chaque étape de traitement (p. ex. clarification, filtration) peut également être nécessaire pour évaluer le rendement de l’usine de traitement.

Pour pouvoir déterminer une fréquence d’échantillonnage appropriée, les facteurs suivants doivent être pris en compte :

  • fréquence passée des occurrences de proliférations et de cyanotoxines dans la source d’eau ou près des plans d’eau;
  • caractéristiques du plan d’eau (taille, profondeur, courant/débit, stratification thermale) et changements dans ces caractéristiques (p. ex. périodes prolongées de stagnation ou diminution des niveaux d’eau);
  • distribution des cyanobactéries, surtout pendant des proliférations, qui est souvent inégale et qui varie au fil du temps pendant la journée;
  • qualité de la source d’eau (teneur en éléments nutritifs, turbidité, clarté);
  • influences saisonnières et climatiques (dans la saison de pointe de prolifération ou à l’extérieur de cette période, température, force et direction des vents dominants, chutes de pluie) et changements dans ces influences;
  • changements notés (augmentations/diminutions) dans les éléments du programme de surveillance (nombre de cellules, pigments tels que la phycocyanine et la chlorophylle-a, toxines);
  • adéquation du traitement et de la capacité de l’usine de traitement pour gérer les cyanotoxines.

La période d’échantillonnage des cyanobactéries peut également être importante pendant des périodes calmes stratifiées. Les cyanobactéries flottantes tendent à s’accumuler à la surface de l’eau, ou près de cette dernière, pendant la nuit. L’écume temporaire qui se forme en surface peut être observée tôt le matin; les vents qui s’intensifient peuvent toutefois la disperser et elle peut de nouveau se mélanger à la colonne d’eau pendant la journée.

L’analyse des toxines devrait être effectuée dans l’approvisionnement en eau brute et traitée si l’autorité responsable juge que la prise d’eau potable est vulnérable à la contamination par une prolifération cyanobactérienne. Une analyse peut être conseillée si une prolifération est confirmée dans la source d’eau et si l’autorité la juge nécessaire. Bien que la recommandation soit fondée sur la toxicité de la microcystine-LR (MC-LR), il est important de mesurer lesmicrocystines totales, et donc l’ensemble des variantes de microcystines mesurables, sans se limiter à la MC-LR, y compris celles qui sont dissoutes dans l’eau (extracellulaires) et celles qui sont contenues dans les cellules cyanobactériennes (intracellulaires).

En général, on devrait utiliser l’essai d’immuno-absorption enzymatique (ELISA) en laboratoire, les tests d’inhibition de la protéine phosphatase (protein phosphatase inhibition assay - PPIA) ou une méthode physico-chimique telle que la chromatographie en phase liquide et la spectrométrie de masse en tandem (CPL-SM/SM) pour mesurer les microcystines totales dans l’eau traitée. Lorsque des microcystines sont détectées dans la source d’eau ou dans l’eau potable à l’aide d’une analyse ELISA en laboratoire ou de tests PPIA, on recommande d’analyser une portion des échantillons ultérieurs à l’aide d’une méthode physico-chimique (p. ex. CPL-SM/SM) afin que les variantes prédominantes dans une prolifération puissent être identifiées et quantifiées, et que les faibles concentrations de microcystines puissent être mesurées.

De nombreux laboratoires au Canada utilisent des méthodes commerciales ELISA pour l’analyse de routine des microcystines. Il est important que les autorités responsables comprennent la réactivité croisée, la sensibilité, les interférences de la matrice, les limites de détection et la présentation des rapports du type de système ELISA utilisé. Sur le plan structurel, les microcystines appartiennent au groupe de toxines des peptides cycliques. Elles possèdent sept acides aminés reliés formant un peptide circulaire qui contient une chaîne latérale unique d’acides aminés (connue sous le nom de groupe Adda) et deux acides aminés variables à la fin de la molécule, qui déterminent l’identité de chaque variante de microcystine. Les autorités responsables voudront aussi peut-être considérer l’utilisation d’un système ELISA propre au groupe Adda puisqu’on a déterminé que ce type de système ELISA permet de bien représenter les microcystines totales. Lorsqu’il faut déterminer la présence possible de faibles niveaux (< 0,4 µg/L) de microcystines, il peut être nécessaire d’utiliser des méthodes ELISA ayant une sensibilité améliorée et des limites de détection de 0,05 µg/L ou moins.

Selon les variantes présentes dans l’échantillon, les résultats issus de l’épreuve ELISA en laboratoire ou des tests PPIA peuvent ne pas être directement comparables aux résultats découlant de la méthode CPL-SM/SM. Toutefois, les données obtenues des différentes méthodes sont jugées complémentaires et peuvent servir à mieux comprendre la nature d’une prolifération. Les trousses d’essai sur le terrain peuvent être utilisées à titre d’outil qualitatif (présence/absence) permettant de déterminer si une prolifération est toxique ou si les activités d’une usine de traitement doivent être ajustées pendant un épisode de prolifération; elles ne fournissent toutefois pas d’analyses quantitatives pouvant être utilisées pour déterminer si les concentrations d’eau potable traitée respectent la valeur visée par la recommandation.

3.1.2 Notification

Si les résultats d’analyse de l’eau traitée dépassent la CMA, l’autorité d’échantillonnage devrait suivre un protocole standard pour notifier les collectivités et d’autres autorités et organismes appropriés. Les fournisseurs de services de dialyse à tous les niveaux (p. ex. grandes installations, grands hôpitaux, petites installations communautaires, unités mobiles, fournisseurs de services de dialyse indépendants ou à domicile) devraient également être avisés, en particulier s’il s’agit d’une première occurrence de proliférations dans cet approvisionnement. La dialyse effectuée avec de l’eau contaminée par des toxines cyanobactériennes constitue un risque important à la santé et devrait être évitée. Par ailleurs, les autorités peuvent choisir de formuler des conseils de prudence, à savoir :

  • Lorsque des niveaux de microcystines totales supérieurs à la valeur de référence de 0,4 µg/L sont décelés dans l’eau traitée, les autorités responsables de l’eau potable devraient informer le public dans la région affectée qu’il faudrait utiliser une autre source d’eau potable appropriée (comme l’eau en bouteille) pour les préparations pour nourrissons.
  • Dans le cas des petits systèmes qui ne possèdent pas les connaissances ou les capacités de traitement nécessaires, la diffusion d’un avis de « non-utilisation » devrait être envisagée.
3.1.3 Mesures correctives

Le degré d’intervention par rapport à la présence de microcystines totales devrait être abordé avec les autorités appropriées (p. ex. concernant l’appartenance du système, la réglementation et la santé) et dépendra d’une évaluation fondée sur le risque de l’importance et de l’ampleur du problème, en tenant compte de l’historique et de la variabilité concernant la qualité de l’approvisionnement en eau brute et de l’efficacité consignée du procédé de traitement.

Si les résultats d’analyse de l’eau traitée dépassent la CMA, les autorités responsables devraient considérer les mesures suivantes :

  • prélever un nouvel échantillon de l’approvisionnement d’eau traitée (échantillon de confirmation) et effectuer une analyse supplémentaire des toxines;
  • mettre en œuvre une consultation et une prise de décision relativement à l’évaluation des risques; et
  • examiner des ajustements possibles du traitement et de la stratégie de surveillance continue de l’approvisionnement en eau traitée.

Si les résultats d’analyse de l’échantillon de confirmation dépassent la CMA, les autorités responsables devraient considérer les mesures suivantes :

  • avertir les collectivités et d’autres autorités pertinentes;
  • diffuser un avis de « non-consommation »; il est important de noter que faire bouillir l’eau ne permet pas de réduire ou d’éliminer les microcystines. Des avis d’ébullition ne devraient pas être émis suite à la détection de microcystines dans un approvisionnement d’eau;
  • envisager d’améliorer le traitement, d’apporter des ajustements aux prises d’eau ou d’utiliser un autre approvisionnement dans le cadre des consultations suivies et de la prise de décision;
  • indiquer que l’ajout d’algicides peut être dangereux, parce que cela aurait comme résultat de libérer les toxines des cellules, les rendant plus difficiles à enlever; et
  • continuer de surveiller les sources d’approvisionnement en eau brute et traitée.

Si les résultats d’analyse de l’échantillon de confirmation ne dépassent pas la CMA, ils devraient être envoyés aux collectivités et aux autres autorités et organismes pertinents. Les autorités et les distributeurs d’eau devraient poursuivre la surveillance visuelle de la source d’eau pour déterminer si la prolifération existante s’intensifie ou pour en déterminer la récurrence lorsque la saison favorise encore le développement de proliférations, puis répéter les étapes susmentionnées, au besoin.

3.2 Systèmes d’approvisionnement en eau potable à l’échelle résidentielle et privés

Les systèmes d’approvisionnement en eau potable munis de prises d’eau de surface que l’on sait vulnérables, ou susceptibles d’être vulnérables aux proliférations, devraient faire l’objet d’une surveillance régulière visant à détecter la présence de cyanobactéries. Selon l’approche recommandée pour les systèmes d’approvisionnement en eau résidentiels et privés, les propriétaires ou les autorités doivent procéder à une surveillance visuelle des sources d’eau pendant la saison de pointe, en vue de déterminer si la densité des cellules cyanobactériennes augmente ou si des proliférations se développent. La saison de pointe est généralement comprise entre la fin du mois de mai et le début du mois d’octobre, mais elle peut être plus longue, tout dépend des conditions locales. Les problèmes d’origine naturelle touchant le goût et l’odeur (on dit souvent que l’eau a un goût de moisi, de terre, de soufre ou de tabac) peuvent également révéler une activité biologique accrue. Toutefois, il ne faut pas penser que l’absence de goût et d’odeur est synonyme d’absence de cyanobactéries, car les types de cyanobactéries ne produisent pas tous des composés provoquant un goût ou une odeur.

3.2.1 Notification

Les propriétaires de systèmes d’eau potable résidentiels et privés qui pensent que leur eau a été contaminée par les cyanobactéries devraient consulter leur autorité sanitaire locale pour savoir s’il y a lieu de s’en inquiéter et pour connaître les mesures à prendre.

3.2.2 Mesures correctives

Si l’approvisionnement en eau potable d’un ménage provient d’une source d’eau de surface où la présence de proliférations de cyanobactéries a été détectée et où la présence de microcystines est possible, les consommateurs doivent étudier la meilleure solution pour obtenir un approvisionnement sûr en eau potable. Parmi ces options, on peut choisir une autre source d’approvisionnement en eau, changer l’emplacement (distance et profondeur) du tuyau d’approvisionnement en eau ou installer un système de traitement de l’eau potable. Le fait de faire bouillir l’eau ne détruit pas les microcystines; par conséquent, les avis indiquant de faire bouillir l’eau ne font pas partie des mesures recommandées en cas de détection de microcystines dans les sources d’approvisionnement en eau. Toutefois, les consommateurs devraient savoir que le traitement des sources d’approvisionnement en eau pour éliminer les cyanobactéries et les microcystines est complexe et il est difficile d’évaluer l’efficacité des dispositifs de traitement permettant d’éliminer les microcystines. On recommande de consulter une personne qualifiée avant de choisir et d’installer un système de traitement résidentiel. Il convient de noter qu’il peut être très difficile de traiter la source d’eau fortement contaminée par les cyanobactéries (p. ex. prolifération importante).

Partie II. Science et considérations techniques

4.0 Identité des cyanobactéries et de leurs toxines

Les cyanobactéries sont des bactéries qui ont des caractéristiques communes avec les algues (elles obtiennent de l’énergie par la photosynthèse et sont d’une taille semblable). Elles sont souvent appelées, à tort, algues bleues en raison de ces caractéristiques semblables, et de la couleur bleue qui est typique de nombreuses espèces et efflorescences (c.-à-d. de grandes accumulations de cellules).

Les cyanobactéries sont des organismes robustes que l’on trouve à l’état naturel dans tous les types de milieux aquatiques et dans des habitats variés, des tropiques à l’Arctique (AWWA, 2010). Elles sont un composant normal du phytoplancton aquatique, et de nombreuses espèces sont présentes dans les eaux douces. Plus de 20 genres ont été identifiés à ce jour comme ayant la capacité génétique de produire des cyanotoxines pouvant causer des effets nocifs sur la santé humaine (Funari et Testai, 2008). Les problèmes que posent les cyanotoxines pour les services d’alimentation en eau potable ont traditionnellement été associés aux cyanobactéries planctoniques, qui sont celles qui vivent librement dans la colonne d’eau (Chorus et Bartram, 1999; Quiblier et coll., 2013). Au Canada, les genres de cyanobactéries toxiques planctoniques les plus problématiques sont également ceux que l’on trouve le plus fréquemment dans le monde : Anabaena (maintenant appelée Dolichospermum), Aphanizomenon, Gloeotrichia, Microcystis, Planktothrix, Pseudoanabaena et Woronichinia (Winter et coll., 2011; ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2012; Ontario Ministry of the Environment, 2012). Les cyanobactéries benthiques, ou celles qui poussent sur les surfaces de fond, peuvent également être présentes dans les habitats d’eau douce au Canada. Les genres de ces cyanobactéries capables de produires des toxines comprennent : Oscillatoria, Phormidium et Lyngbya (Vis et coll., 2008; Lajeunesse et coll., 2012; Quiblier et coll., 2013). La base de données de renseignements sur les populations de cyanobactéries benthiques toxiques est relativement rare (Quiblier et coll., 2013), et il est donc  nécessaire de faire plus de recherches sur l’écologie de ces populations et les éventuels problèmes qu’elles pourraient poser pour les services d’alimentation en eau potable. Les types de toxines pouvant être produites par les cyanobactéries incluent les hépatotoxines ou toxines du foie (p. ex. microcystines, cylindrospermopsines), les neurotoxines ou toxines du système nerveux (p. ex. anatoxines, saxitoxines), les dermatotoxines ou toxines de la peau (p. ex. lyngbyatoxines) et les toxines irritantes ou toxines touchant la peau et les muqueuses (Chorus et Bartram, 1999; AWWA, 2010; Žegura et coll., 2011; Merel et coll., 2013).

4.1 Microcystines

Les microcystines (MC) sont des hépatotoxines généralement considérées comme les plus importantes cyanotoxines d’eau douce en raison de leur stabilité et de leur résilience à la décomposition biologique et chimique, de leur présence répandue et de leur potentiel d’atteindre des concentrations élevées dans les algues et les écumes (Boyer, 2007; Williams et coll., 2007; Winter et coll., 2011). Sur le plan fonctionnel, ce sont des inhibiteurs des protéines phosphatases, et elles perturbent l’équilibre entre la phosphorylation et la déphosphorylation dans les structures qui donnent leur forme aux cellules hépatiques. Cela entraîne l’effondrement des cellules et leur séparation les unes des autres, ce qui peut causer une hémorragie, des lésions tissulaires, une insuffisance hépatique et, finalement, la mort. Un certain nombre de genres de cyanobactéries ont été identifiés comme des producteurs de microcystines (Kotak et Zurawell, 2007; Funari et Testai, 2008; Pearson et coll., 2010; Martins et Vasconcelos, 2011). Les genres les plus couramment observés en Amérique du Nord sont Dolichospermum (Anabaena), Microcystis, Planktothrix et Pseudoanabaena (Williams et coll., 2007; Winter et coll., 2011). Bien que le genre Aphanizomenon ne soit pas généralement déclaré comme un producteur important de microcystines, certains ont fait part d’efflorescences contenant ce taxon et des concentrations élevées de microcystines (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2005; Mooney et coll., 2011).

Sur le plan structurel, les microcystines appartiennent au groupe de toxines des peptides cycliques. Elles possèdent sept acides aminés reliés formant un peptide circulaire qui contient une chaîne latérale unique d’acides aminés (connue sous le nom de groupe Adda) et deux acides aminés variables à la fin de la molécule, qui déterminent l’identité de chaque variante de microcystine. Par exemple, dans la variante MC-LR, la leucine (L) et l’arginine (R) occupent les positions des acides aminés variables, tandis que dans la variante MC-YA, la tyrosine (Y) et l’alanine (A) occupent ces positions (Carmichael, 1992).

Même si les estimations varient légèrement, on pense actuellement qu’il existe plus de 80 à 90 variantes de microcystines (Meriluoto et Spoof, 2008; Pearson et coll., 2010). La variante MC-LR est la variante la plus souvent observée et la plus toxique à l’échelle mondiale (Graham et coll., 2010). Toutefois, des observations d’efflorescences dominantes des variantes MC-LA, MC-RR ou MC-YR, ou de leur cooccurrence avec la variante MC-LR, ont été consignées (Kemp et John, 2006; Graham et coll., 2010; Li et coll., 2010; Sabart et coll., 2010; ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, 2012; ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2012; Srivastava et coll., 2012). On soupçonne que les variantes de microcystines autres que MC-LR sont plus courantes que ce que l’on pensait auparavant.

4.2 Anatoxines et saxitoxines

En général, les efflorescences de neurotoxines sont moins courantes que celles d’hépatotoxines; toutefois, elles sont présentes en Australie et dans certaines régions d’Europe et d’Amérique du Nord (Kotak et Zurawell, 2007; Watson et coll., 2008; Rantala-Ylinen et coll., 2011). Parce qu’elles ont été détectées dans de nombreux pays et qu’elles ont un lien connu avec la mort d’animaux domestiques et sauvages (Boyer, 2007; Jacoby et Kann, 2007), les neurotoxines présentent un intérêt pour les services d’alimentation en eau, en deuxième place seulement après les hépatotoxines du point de vue de la gestion (Boyer, 2007). Sur le plan structurel, les neurotoxines cyanobactériennes sont des alcaloïdes. Il s’agit d’un vaste groupe de composés de masse moléculaire faible à modérée (< 1 000 Da) qui contiennent des structures cycliques et au moins une liaison carbone-azote.

Les anatoxines (anatoxine-a, anatoxine-a(s), homoanatoxine-a) sont des neurotoxines qui interfèrent avec l’activité de l’acétylcholine, un neurotransmetteur. Elles ont donc une incidence sur le fonctionnement du système nerveux en perturbant la communication entre les nerfs et les cellules musculaires. Les anatoxines peuvent être produites par les espèces Dolichospermum (Anabaena) (anatoxine-a, anatoxine-a(s)), Aphanizomenon (anatoxine-a), Microcystis (anatoxine-a) et Oscillatoria (anatoxine-a, homoanatoxine-a) (Chorus et Bartram, 1999; Funari et Testai, 2008). L’espèce Cuspidothrix issatschenkoi (anciennement Aphanizomenon issatschenkoi) est également reconnue comme un producteur d’anatoxine-a en Europe et au Japon (Hodoki et coll., 2012).

Les saxitoxines sont un groupe de toxines apparentées qui comprend les saxitoxines, les néosaxitoxines, les gonyautoxines et les toxines C (Codd et coll., 1999; Wiese et coll., 2010). Ces toxines agissent en bloquant les canaux sodiques dans les nerfs et les cellules musculaires, ce qui empêche la transmission d’impulsions électriques. On les appelle également toxines responsables de l’intoxication par phycotoxine paralysante, car elles sont largement associées à l’accumulation de toxines chez les mollusques et crustacés marins se nourrissant des efflorescences d’Alexandrium dans le plancton marin (Codd et coll., 1999). Il a également été indiqué que certaines cyanobactéries d’eau douce des genres Anabaena, Aphanizomenon, Cylindrospermopsis et Lyngbya produisent des saxitoxines (Codd et coll., 1999; Aráoz et coll., 2010).

Au Canada, la faible fréquence de détection et les limites des méthodes analytiques font en sorte qu’il existe peu de données sur les concentrations d’anatoxines et de saxitoxines dans les eaux naturelles touchées par les proliférations cyanobactériennes. Par conséquent, bien qu’il soit difficile d’évaluer dans quelle véritable mesure ces toxines peuvent être répandues, à ce jour, les efflorescences de neurotoxines ne sont pas considérées comme un problème de santé majeur en ce qui concerne les services d’alimentation en eau potable au Canada. Un domaine de la recherche sur les cyanobactéries faisant l’objet d’une attention plus poussée est l’écologie des cyanobactéries benthiques. Des études décrivent la détection d’anatoxines et de saxitoxines (ainsi que de la plupart des autres cytotoxines connues) dans des populations de cyanobactéries benthiques (Vis et coll., 2008; Lajeunesse et coll., 2012; Quiblier et coll., 2013). D’autres études sur ce sujet sont nécessaires pour combler certaines lacunes dans les connaissances relatives aux répercussions potentielles sur les ressources en eau potable.

4.3 Cylindrospermopsines

Les cylindrospermopsines sont des alcaloïdes toxiques ayant un poids moléculaire d’environ 400 Da et une structure tricyclique, entre autres caractéristiques d’identification. Elles sont principalement catégorisées comme des hépatotoxines, mais il y a aussi des données probantes établissant que ces toxines possèdent des propriétés cytotoxiques pour d’autres organes, comme la rate, le thymus, le cœur et le tractus gastro-intestinal (Chorus et Bartram, 1999; Chong et coll., 2002; Falconer, 2005; Funari et Testai, 2008).

Le plus souvent, on trouve les cylindrospermopsines dans les régions tropicales et subtropicales du globe (Williams et coll., 2007). L’Australie et la Floride en particulier ont déclaré de multiples cas de détection de cylindrospermopsines dans les lacs, les rivières et les réservoirs d’eau potable (Falconer et Humpage, 2006; de la Cruz et coll., 2013). Il y a de plus en plus de déclarations d’espèces susceptibles de produire des toxines dans les eaux douces tempérées, ce qui laisse croire que l’aire de répartition géographique de ces espèces est peut-être en expansion (Graham et coll., 2010; Xie et coll., 2011; Sinha et coll., 2012).

D’importantes espèces de cyanobactéries capables de produire des cylindrospermopsines sont Cylindrospermopsis raciborskii, Aphanizomenon ovalisporum et Aphanizomenon flos-aquae. Cylindrospermopsis raciborskii est depuis longtemps reconnue comme étant l’espèce la plus largement répandue capable de produire des cylindrospermopsines. Pourtant, à l’heure actuelle, on a seulement montré que des souches de C. raciborskii présentes en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Asie, et peut-être en Europe, produisent les toxines (Burford et Davis, 2011). Jusqu’à maintenant, il n’a pas été prouvé que des souches présentes en Amérique du Nord ont la capacité de produire des cylindrospermopsines (Burford et Davis, 2011; Yilmaz et Phlips, 2011). Des proliférations de Cylindrospermopsis raciborskii sont régulièrement déclarées en Floride, et le microorganisme a également été détecté dans le Nord des États-Unis et au Canada : en Ohio (Conroy et coll., 2007), au Michigan (Hong et coll., 2006), au Minnesota (Sinha et coll., 2012), au Manitoba (Kling, 2009) et en Ontario (Hamilton et coll., 2005). Malgré que l’on ait détecté le microorganisme, aucun document ne fait état de la présence de cylindrospermopsines ou d’une souche de C. raciborskii possédant les gènes producteurs de toxines dans ces milieux. On a suggéré que Aphanizomenon ovisporum est l’espèce de cyanobactéries productrices de cylindrospermopsines la plus susceptible de se retrouver aux États-Unis (Yilmaz et Phlips, 2011).

4.4 Dermatotoxines et autres toxines irritantes

Certaines cyanobactéries peuvent produire d’autres types de toxines qui peuvent causer une dermatite chez les personnes qui entrent en contact avec des filaments de cyanobactéries (Chorus et Bartram, 1999; Lajeunesse et coll., 2012). Les lyngbyatoxines sont des dermatoxines produites par la cyanobactérie marine benthique Lyngbya majuscula que l’on retrouve principalement dans les regions tropicales et subtropicales de la planète. Au nombre des lieux où la cyanobactérie ou la toxine a été observée figurent l’Asie, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique de l’Est, l’Australie, Guam, Hawaï et l’Europe (France) (Apeldoorn et coll., 2007).

Les aplysiatoxines (aplysiatoxine, débromoaplysiatoxine) sont une autre catégorie de dermatotoxines qui sont produites par certains types de cyanobactéries. L’aplysiatoxine est égalemement produite par L. majuscula et sa présence a été détectée à Hawaï et au Japon. Des débromoaplysiatoxines ont été isolées à partir des espèces marines benthiques de cyanobactéries Schizothrix calcicola et Phormidium (anciennement Oscillatoria) nigrovidiris (Chorus et Bartram, 1999; Apeldoorn et coll., 2007). Les données recueillies sur la répartition géographique de cette toxine sont limitées.

Compte tenu des connaissances actuelles sur ces toxines,de leur répartition, et du fait qu’elles représentent une préoccupation liée à la qualité des eaux marines, on ne s’attend pas à ce qu’elles posent un problème pour l’approvisionnement en eau potable au Canada.

Les lipopolysaccharides (LPS) sont des molécules complexes qui présentent des propriétés toxiques faisant partie intégrante de la paroi cellulaire de toutes les bactéries à Gram négatif, y compris les cyanobactéries. Les LPS présents dans les cyanobactéries seraient responsables d’irritations ou de réactions allergiques des tissus chez les personnes ou les animaux ayant été en contact avec des cyanobactéries, bien que la contribution des LPS à ces réactions ne soit pas bien comprise. Les données indiquent que, chez une très petite proportion des sujets seulement, une réaction de faible gravité peut survenir à la suite d’un contact cutané avec des cyanobactéries, dont la densité cellulaire peut être très variée (Pilotto et coll., 1997, 2004). De plus, aucune variation significative n’a été observée en ce qui concerne l’irritation cutanée causée par les souches produisant des toxines connues (p. ex. M. aeruginosa, C. raciborskii et D. circinalis) comparativement aux souches non toxiques (Pilotto et coll., 1997, 2004). Ces toxines ne sont pas considérées comme une source de préoccupation pour l’exposition par ingestion d’eau potable, mais elles sont abordées dans les Recommandations au sujet de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives au Canada (Santé Canada, 2012).

4.5 β-méthylamino-L-alanine

La β-méthylamino-L-alanine (BMAA), un acide aminé inhabituel, est un nouveau composé d’intérêt. La BMAA a été identifiée pour la première fois au cours d’études préliminaires sur l’incidence élevée du complexe parkinson-démence-sclérose latérale amyotrophique (CPD-SLA) chez les Chamorros de Guam. Le CPD-SLA est une maladie neurodégénérative dont les symptômes sont semblables à ceux de la maladie de Parkinson et de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs qui étudient cette maladie ont indiqué avoir décelé la présence de BMAA dans les tissus cérébraux de patients atteints du CPD-SLA à Guam et au Canada (Cox et coll., 2003) et que la BMAA est présente dans les cyanobactéries (Cox et coll., 2005; Metcalf et coll., 2008; Brand et coll., 2010). D’autres observations ont permis de déceler la présence de BMAA dans les roussettes (chauves-souris), ce qui a poussé les chercheurs à formuler l’hypothèse selon laquelle les concentrations de BMAA pourraient augmenter le long de la chaîne alimentaire.

Il existe à l’heure actuelle beaucoup d’incertitude en ce qui concerne les données probantes concernant la méthodologie utilisée pour la détection de la BMAA, l’envergure de sa présence dans les populations cyanobactériennes, la contribution de son amplification dans la chaine alimentaire  et le rôle de la BMAA comme facteur de risque possible pour le CPD-SLA (Bradley et coll., 2013; Faassen et coll., 2014; Banack et coll., 2015; Lage et coll., 2016). Des études plus approfondies sont nécessaires avant qu’une relation de cause à effet entre la BMAA et une maladie neurologique puisse être établie ou écartée (Water Quality Research Australia, 2005; Bradley et coll., 2013; Faassen et coll., 2014). Il n’existe actuellement pas de données probantes d’effets nocifs à la santé liés spécifiquement à la présence de BMAA dans l’eau potable. Les faits nouveaux sur ce sujet continueront de faire l’objet d’un suivi.

4.6 Croissance des cyanobactéries et développement de proliférations

Les proliférations se forment quand les conditions permettent aux cyanobactéries de proliférer de façon intensive afin de former une population importante. Les proliférations sont préoccupantes pour la santé humaine, en particulier quand elles s’agrègent pour former une écume de surface et regroupent toutes les toxines cellulaires. Nombre de cyanobactéries contrôlant leur flottabilité peuvent se positionner dans la colonne d’eau à des profondeurs qui correspondent à des conditions optimales de lumière et d’éléments nutritifs. Elles peuvent être visibles à l’œil nu selon leur taille et leur profondeur, et peuvent avoir l’apparence de traînées ou déversements de peinture, de mousse, de tapis ou de tonte de gazon. Les genres, comme Microcystis, qui préfèrent ou peuvent tolérer une lumière intense du soleil peuvent être présents très près de la surface (Chorus et Bartram, 1999; Falconer, 2005). D’autres espèces, comme Dolichospermum (Anabaena), Woronochinia ou Aphanizomenon, peuvent former des bandes juste en dessous de la surface en réaction aux différentes quantités de lumière et d’éléments nutritifs. Les proliférations de Cylindrospermopsis peuvent se trouver à des profondeurs encore plus grandes et ont une apparence nettement différente des autres genres mentionnés (Falconer, 2005). Les cyanobactéries benthiques potentiellement toxiques, comme Lyngbya et Oscillatoria, peuvent former des tapis sur différents substrats au fond des plans d’eau (Izaguirre et coll., 2007; Quiblier et coll., 2013).

La couleur des proliférations ou des masses d’écume varie le plus souvent du bleu-vert au vert pâle, bien que certaines proliférations puissent avoir une couleur rougeâtre en raison de la présence d’autres pigments (Chorus et Bartram, 1999; Falconer, 2005).

L’écume de surface peut se former lorsqu’il y a une perturbation soudaine de la stabilité de la colonne d’eau et que les cellules ne peuvent pas rajuster leur flottabilité assez rapidement et se regroupent à la surface de l’eau. Les vents du large peuvent alors pousser l’écume vers la côte, où elle peut s’accumuler et où sa densité peut être multipliée par 1 000 (Chorus et coll., 2000). Pour cette raison, les proliférations semblent parfois se former du jour au lendemain. Dans les populations benthiques, les bulles d’oxygène créées par la croissance photosynthétique peuvent rester piégées dans la population, de sorte que des tapis de matières se détachent du substrat (Quiblier et coll., 2013). Ces tapis déplacés peuvent ensuite échouer sur les rivages.

Une importante biomasse de cyanobactéries peut également entraîner des problèmes esthétiques, car plusieurs taxons ont la capacité de produire des composés dégageant une odeur de terre et de moisi, dont la géosmine et le 2-méthylisobornéol (2-MIB) (Chorus et Bartram, 1999; AWWA, 2010). Il n’y a pas de corrélation entre la production de toxines et la production de composés responsables de goûts et d’odeurs pouvant signaler la présence de toxicité. Néanmoins, certains goûts et certaines odeurs caractéristiques pourraient indiquer la présence de cyanobactéries.

La croissance des cyanobactéries et la formation de proliférations et d’écume sont influencées par divers facteurs biologiques, physiques et chimiques qui, à leur tour, peuvent être influencés par des activités naturelles et humaines. En raison de l’interaction entre ces facteurs, il peut y avoir d’importantes fluctuations dans les concentrations de cyanobactéries d’une année à l’autre, y compris dans le même plan d’eau.

4.6.1 Facteurs chimiques

Le phosphore et l’azote sont les macronutriments les plus importants, et c’est leur disponibilité et leurs quantités limitées qui contrôlent la croissance des cyanobactéries (Downing et coll., 2001; Merel et coll., 2013). Les eaux usées brutes et traitées, les eaux septiques, l’agriculture (engrais, érosion des sols, déchets d’élevage), l’industrie et les pesticides sont les principales sources de ces deux nutritiments (Falconer, 2005). Les cyanobactéries absorbent efficacement le surplus de phosphore soluble (polyphosphates) et l’accumulent quand il est abondant (AWWA, 2010). On croit que Cylindrospermopsis raciborskii en particulier a une stratégie d’acquisition d’éléments nutritifs extrêmement adaptable, ce qui lui permettrait de dominer dans des conditions où il y a peu d’éléments nutritifs (Falconer, 2005; Burford et Davis, 2011).

Certaines espèces de cyanobactéries utilisent de préférence l’ammoniac, mais la plupart sont en mesure d’utiliser plusieurs formes d’azote dissous, y compris les nitrites et les nitrates (Burford et Davis, 2011; W. Chen et coll., 2011). Un grand nombre de taxons de cyanobactéries (p. ex. Dolichospermum [Anabaena], Aphanizomenon et Cylindrospermopsis raciborskii) peuvent également fixer l’azote atmosphérique dissous à des ions ammonium utilisables (Falconer, 2005). Il y a des divergences de points de vue dans la communauté scientifique quant à l’importance relative du phosphore et de l’azote dans la production de microcystines (Srivastava et coll., 2012). L’ensemble de la preuve appuie les éléments suivants : une augmentation de la charge en éléments nutritifs augmentera la biomasse de cyanobactéries et le risque que présentent les proliférations de cyanobactéries et, par conséquent, le risque de production de microcystines; et les changements à court terme dans la disponibilité de l’azote et du phosphore peuvent influer sur la composition des proliférations (p. ex., un changement favorisant les espèces fixatrices d’azote) ou l’expression de la toxicité (Kotak et coll., 2000; Oh et coll., 2000; Vézie et coll., 2002; Davis et coll., 2009; Krüger et coll., 2012). Des constatations similaires ont été observées en lien avec Cylindrospermopsis et la production de cylindrospermopsines (Burford et Davis, 2011).

Le fer est aussi un micronutriment important pour les cyanobactéries en raison de sa participation directe à la photosynthèse et à la fixation de l’azote. Les chercheurs ont établi un lien entre le risque de prolifération des cyanobactéries et la disponibilité de fer ferreux (Molot et coll., 2014). Il pourrait également y avoir un rôle non encore résolu dans la production de toxines (Fujii et coll., 2011; Wood et coll., 2011); des études ont démontré une augmentation des concentrations de microcystines dans des conditions où il y a un excédent (Amé et Wunderlin, 2005) ou un manque de fer (Séville et coll., 2008; Fujii et coll., 2011). Les eaux eutrophes riches en éléments nutritifs contribuent de manière substantielle au développement de proliférations de cyanobactéries, mais ne constituent pas une exigence absolue. Plusieurs auteurs ont fait état de la détection de proliférations et de microcystines dans des lacs oligotrophes et mésotrophes (Boyer, 2007; Watson et coll., 2008; Winter et coll., 2011; Carey et coll., 2012b). Étant donné la variabilité extrême des données sur la disponibilité des éléments nutritifs et la production de toxines, les chercheurs ont laissé entendre que les éléments nutritifs pourraient avoir une action plus indirecte en influençant la croissance des variantes de cyanobactéries, plutôt qu’en induisant directement la production de toxines (Kotak et coll., 2000; Giani et coll., 2005; Kotak et Zurawell, 2007).

L’alcalinité et le pH déterminent en grande partie la spéciation chimique du carbone inorganique, comme le carbonate, le bicarbonate et le dioxyde de carbone; en présence d’oxygène, ils peuvent avoir une incidence sur la mobilisation des éléments nutritifs provenant des sédiments. Les cyanobactéries se trouvent le plus souvent dans des eaux alcalines, probablement en raison de leur capacité à utiliser le bicarbonate comme source de carbone inorganique (AWWA, 2010; Sinha et coll., 2012).

Il existe des valeurs optimales des paramètres environnementaux individuels pour chacune des espèces de cyanobactéries, et ce sont ces valeurs qui influent sur la survie des espèces dans la communauté de phytoplancton. La seule conclusion générale que l’on peut tirer à l’heure actuelle est que les souches qui sont le plus en mesure de rivaliser afin d’obtenir les éléments nutritifs qui sont en quantité limitée ont un avantage concurrentiel qui facilite leur dominance (Falconer, 2005; AWWA, 2010; Burford et Davis, 2011).

4.6.2 Facteurs physiques

Les propriétés hydrodynamiques des plans d’eau peuvent influer sur le potentiel de développement de proliférations. Des eaux stagnantes ou à déplacement lent sont plus favorables à la stabilité des proliférations; par conséquent, les eaux au débit plus rapide et à plus fort mélange et dont le taux de renouvellement est plus élevé présentent une susceptibilité inférieure au développement de proliférations. Le moment et la durée des proliférations de cyanobactéries peuvent également être influencés par les conditions climatiques, ainsi que par d’autres facteurs, tels la taille et l’emplacement de l’inoculum.

Les hausses de température et les changements de variabilité climatique ayant une incidence sur l’intensité et la durée des périodes de sécheresse peuvent avoir un effet important sur les taux de croissance des cyanobactéries et la formation de proliférations (Dupuis et Hann, 2009; Paerl et Paul, 2012). Une augmentation des températures ambientes peut mener à une hausse de la température des eaux, à une augmentation de la durée des saisons libres de glace et à une augmentation de la stratification thermique (Winter et coll., 2011; Salmaso et Cerasino, 2012). Par contraste, des températures hivernales basses et un printemps froid peuvent provoquer un degré élevé de renversement des lacs et une remise en suspension des éléments nutritifs sédimentaires (Dupuis et Hann, 2009; Salmaso et Cerasino, 2012).

Une fréquence et une intensité plus élevées de périodes pluviales suivies de périodes de sécheresse plus longues peuvent créer une mobilisation accrue des éléments nutritifs et de plus longues périodes de températures élevées sans mélange (Chen et coll., 2009; Reichwaldt et Ghadouani, 2012). Les cyanobactéries sont capables de rapidement profiter des apports en éléments nutritifs fournis par des épisodes de pluie (Reichwaldt et Ghadouani, 2012). Des vents forts peuvent également influer sur les populations en poussant les matières transportées par l’écume vers les rivages, où elles s’accumulent (AWWA, 2010).

Les facteurs climatiques peuvent également freiner le développement des populations de cyanobactéries, par exemple, le vent et la pluie peuvent contribuer au mélange des plans d’eau, au lessivage ainsi qu’à la déstabilisation et à la dispersion des proliférations (AWWA, 2010; Reichwaldt et Ghadouani, 2012).

Dans les climats tempérés, comme au Canada, l’occurrence de proliférations est la plus importante en fin d’été et au début de l’automne. Toutefois, les tendances saisonnières observées dans le passé en ce qui concerne le développement de proliférations ne sont pas aussi clairement définies (Jacoby et Kann, 2007). Les données canadiennes montrent que les proliférations apparaissent plus tôt au printemps et se prolongent plus longtemps au cours de l’année. Des proliférations dans les lacs de l’Ontario ayant persisté jusqu’au mois de novembre ont été déclarées pendant plusieurs années (Winter et coll., 2011; Ontario Ministry of the Environment, 2012). Un examen de rapports provinciaux a indiqué la présence de proliférations dans plusieurs provinces dès les mois de mars et d’avril et, dans un seul cas, tout au long de l’année, à Victoria, en Colombie-Britannique, où les températures hivernales peuvent demeurer au-dessus du point de congélation (B.C. Ministry of Health, 2012). Des chercheurs ont aussi détecté une prolifération d’Aphanizomenon flos-aquae (un producteur potentiel de cyanotoxines) sous la glace dans un lac d’Allemagne (Bertilsson et coll., 2013; Üveges et coll., 2013).

Les hausses des températures mondiales provoquées par les changements climatiques font l’objet d’une préoccupation grandissante, car elles pourraient contribuer à une expansion géographique continue des proliférations de cyanobactéries productrices de toxines dans les régions tempérées ainsi qu’une augmentation mondiale générale de la fréquence et de la gravité des épisodes de prolifération (Paerl et Paul, 2012; Sinha et coll., 2012). Certaines cyanobactéries présentent un potentiel de croissance optimale à des températures au-dessus de 25 °C (Chorus et Bartram, 1999; Davis et coll., 2009), ce qui est supérieur aux températures optimales pour d’autres phytoplanctons (Fujimoto et coll., 1997; Chorus et Bartram, 1999). Cylindrospermopsis peut se développer à des températures de 20 °C à 35 °C (Saker et Griffiths, 2000; Briand et coll., 2004), et sa croissance maximale survient à 30 °C (Saker et Griffiths, 2000; Burford et Davis, 2011). La tolérance à cette plage de températures pourrait expliquer l’occurrence de C. raciborskii dans les régions tempérées au cours des mois d’été (Hamilton et coll., 2005; Hong et coll., 2006; Sinha et coll., 2012) et la persistance des proliférations tout au long de l’année dans certaines régions tropicales et subtropicales (Sinha et coll., 2012). À l’autre extrémité du spectre, Microcystis ainsi que de nombreux autres taxons sont également capables de survivre dans des sédiments et peuvent même persister pendant plus d’une période d’hivernage (Misson et coll., 2012). Ce phénomène a d’importantes conséquences, car il permet aux populations hivernantes de cellules productrices de toxines d’inoculer de nouveau les plans d’eau au cours du dégel printanier ou tout au long des épisodes de remise en suspension associés à la saison de végétation (Brunberg et Blomqvist, 2003; Ye et coll., 2009). Il existe peu de renseignements sur la survie relative des souches toxiques par rapport aux souches non toxiques dans ces conditions. Misson et coll. (2012) ont conclu que le potentiel toxique de cellules de Microcystis était bien préservé au cours de l’hivernage, mais que les cellules toxiques n’étaient pas susceptibles d’avoir un avantage concurrentiel. Cylindrospermopsis raciborskii peut entrer dans des phases de repos (akinètes) qui peuvent fournir une protection à l’organisme en cas de températures défavorables (Paerl et Paul, 2012; Sinha et coll., 2012). On a laissé entendre que les températures mondiales à la hausse étaient au moins partiellement responsables de la propagation de cette espèce à l’extérieur des climats tropicaux et subtropicaux (Burford et Davis, 2011; Sinha et coll., 2012). De plus, on a supposé que cet organisme pouvait s’adapter à de basses températures en raison de sa détection à des températures inférieures à 20 °C (Falconer, 2005; Bonilla et coll., 2012). Il existe des opinions conflictuelles parmi les chercheurs au sujet des effets de températures accrues sur les cyanobactéries par rapport à d’autres phytoplanctons, et de plus amples recherches dans ce secteur sont requises (Carey et coll., 2012a; Paerl et Paul, 2012). Certains auteurs persistent à croire que les augmentations de température confèrent un avantage direct aux cyanobactéries en raison de leur préférence pour des températures de croissance élevées (Jöhnk et coll., 2008; Carey et coll., 2012a). D’autres chercheurs semblent indiquer que les cyanobactéries bénéficient indirectement des augmentations de température en raison de la stratification et de la stabilité accrues des colonnes d’eau et de la prolongation de la saison de végétation (Paerl et Huisman, 2008; Wagner et Adrian, 2009). Dans de nombreux cas, il est probable que ces facteurs seront favorables aux proliférations.

De nombreuses cyanobactéries possèdent des caractéristiques photoadaptatives qui leur permettent de dominer d’autres types de phytoplancton pour ce qui est de l’absorption de ressources de lumière. Elles comportent des pigments photosynthétiques multiples qui leur permettent d’utiliser des longueurs d’onde de lumière qui ne sont pas favorables à de nombreuses autres espèces phototropiques (Chorus et Bartram, 1999). Ces cyanobactéries sont également en mesure de fonctionner à des niveaux de lumière extrêmes et peuvent donc dominer d’autres espèces de phytoplancton en cas d’irradiations élevées (p. ex. à la surface), dans des eaux plus profondes et plus troubles ou dans des matières benthiques (Chorus et Bartram, 1999; Falconer, 2005; Burford et Davis, 2011; Quiblier et coll., 2013). Comme il est mentionné dans la section 4.6, certaines cyanobactéries peuvent réguler leur flottabilité et optimiser leur position dans les colonnes d’eau en réaction à la lumière présente ou se déplacer (glisser) vers des zones plus illuminées d’un substrat inférieur (Falconer, 2005; AWWA, 2010; Quiblier et coll., 2013). Les besoins en lumière varient d’une espèce de cyanobactéries à une autre. Par exemple, les espèces du genre Microcystis ont une préférence pour les environnements plus lumineux, alors que d’autres, comme Planktothrix agardhii et Cylindrospermopsis raciborskii, préfèrent des intensités lumineuses inférieures (Chorus et Bartram, 1999; AWWA, 2010). On sait que Cylindrospermopsis présente une flottabilité inférieure par rapport à d’autres cyanobactéries, et que les réservoirs à mélange profond peuvent favoriser sa dominance (O’Brien et coll., 2009; Burford et Davis, 2011). Cette cyanobactérie ainsi que d’autres, comme Gloeotrichia, peuvent s’acclimater à des couches plus profondes ou à des zones benthiques riches en éléments nutritifs et les exploiter à faible lumière (Eiler et coll., 2006; O’Brien et coll., 2009). Ces taxons peuvent alors augmenter leur production primaire une fois qu’ils se mélangent dans les zones supérieures plus illuminées (Eiler et coll., 2006; O’Brien et coll., 2009). Dans le cas des populations benthiques, le fait de disposer de suffisamment de lumière pour être en mesure de pénétrer au fond de l’eau est une considération importante en ce qui concerne la profondeur à laquelle la croissance des cyanobactéries peut survenir (Quiblier et coll., 2013).

4.6.3 Facteurs biologiques

Les mécanismes biologiques qui ont une incidence sur la croissance des cyanobactéries et la production de toxines dans les réseaux alimentaires aquatiques sont multiples et complexes. Le zooplancton broute principalement le phytoplancton (Agrawal et Agrawal, 2011). Par rapport à d’autres groupes de phytoplancton, les cyanobactéries constituent de faibles sources d’alimentation pour les zooplanctons brouteurs, car elles présentent une faible concentration, voire une absence totale, d’éléments essentiels, comme les acides gras insaturés et les stérols (de Bernardi et Giussani, 1990; Agrawal et Agrawal, 2011). L’ingestion et la digestion par le zooplancton peuvent également être influencées par la taille, la forme et les propriétés biochimiques des cyanobactéries, les espèces, les colonies et les souches filamenteuses associées à des effets toxiques étant plus difficiles à digérer pour certaines espèces (de Bernardi et Giussani, 1990; Wojtal-Frankiewicz et coll., 2010). Comme les cyanobactéries ne sont pas facilement digérées par le zooplancton, leurs populations peuvent augmenter par rapport à d’autres phytoplanctons plus facilement digérables. Par opposition, les plantes aquatiques peuvent rivaliser avec des cyanobactéries et autres phytoplanctons pour l’obtention d’éléments nutritifs et de lumière. Les bactéries aquatiques peuvent également rivaliser avec les cyanobactéries pour l’ingestion d’éléments nutritifs (de Bernard et Guissani, 1990). Les moules de la famille des Dreissenidés (moules zébrées et quagga) sont également des brouteuses actives de phytoplancton (Fishman et coll., 2010). Certains chercheurs ont suggéré que ces moules peuvent filtrer de manière sélective leur nourriture et rejeter les cyanobactéries toxiques, bien que cette capacité de différencier les souches toxiques et non toxiques fasse l’objet de débats (Vanderploeg et coll., 2001; Knoll et coll., 2008). Néanmoins, les ajustements qui en découlent en matière de clarté, de disponibilité des éléments nutritifs et de population de phytoplancton par les moules zébrées dans les systèmes aquatiques pourraient fournir un avantage compétitif à certaines cyanobactéries (Vanderploeg et coll., 2001; Knoll et coll., 2008; Fishman et coll., 2010).

Toutefois, globalement, la relation entre la croissance des cyanobactéries et la production de toxines et le broutage par le zooplancton et les moules de la famille des Dreissenidés n’est pas résolue, et il demeure impossible de tirer des conclusions s’appliquant à toutes les espèces ou souches. En l’occurrence, de telles réponses pourraient être propres à chaque habitat (Knoll et coll., 2008).

4.7 Production et stabilité des cyanotoxines

Les concentrations de cyanotoxines présentes dans une prolifération peuvent varier considérablement, en fonction de la distance et du temps (Hotto et coll., 2008; Briand et coll., 2009). On ne comprend pas bien les mécanismes qui influent sur la production de cyanotoxines et la relation entre la production de cyanotoxines et la croissance d’espèces productrices de toxines (Orr et coll., 2010; Martins et Vasconcelos, 2011). Les concentrations de toxines ne coïncident pas nécessairement avec la biomasse cyanobactérienne maximale (Kotak et Zurawell, 2007; Dyble et coll., 2008; Burford et Davis, 2011). L’abondance de cellules de Microcystis potentiellement toxiques dans les proliférations varie de moins de 1 % à 100 %; par conséquent, il est très difficile d’utiliser la taille de la population pour prédire les concentrations de toxines (Rinta-Kanto et coll., 2005; Watson et coll., 2008; Davis et coll., 2009).

Les facteurs biologiques et environnementaux ont une incidence sur le potentiel de production de toxines par les populations cyanobactériennes. On estime que les différences dans la proportion de souches productrices de toxines et de souches non productrices de toxines et les différences dans l’expression des gènes de toxines sont responsables de la variabilité des concentrations de toxines dans les proliférations (Kurmayer et coll., 2003; Briand et coll., 2008; Martins et Vasconcelos, 2011). Davis et coll. (2009) ont observé que, dans les sites d’étude du lac Champlain (Vermont), les densités de cellules de Microcystis potentiellement toxiques étaient fortement corrélées avec les concentrations de microcystines, et ce, à un niveau d’importance très élevé dans bien des cas. Par contraste, Hotto et coll. (2008) ont indiqué que seulement environ 50 % des variations de concentrations de microcystines observées dans des échantillons prélevés dans le lac Oneida (New York) étaient attribuables à l’occurrence de Microcystis contenant les gènes mcyD (qui font partie de l’encodage de groupes de gènes responsables de la production de microcystines). Ye et coll. (2009) ont constaté que les concentrations maximales de toxines et la quantité de génotypes produisant des microcystines (copies/mL) ne se présentaient pas de manière concurrente dans les proliférations du lac Taihu, en Chine, et ils ont suggéré que la production de microcystines pouvait être dominée par seulement quelques espèces ou souches hautement productives.

La variabilité des concentrations de toxines produites par différentes souches peut s’étendre sur trois ordres de grandeur ou plus (Chorus et Bartram, 1999; Carrillo et coll., 2003; Kotak et Zurawell, 2007). Par exemple, Kurmayer et coll. (2003) ont démontré que, dans une population naturelle de Microcystis sp., les catégories de taille plus importante de colonies de Microcystis présentaient une proportion accrue de génotypes producteurs de microcystines et des quotas moyens de cellules de microcystines 10 à 30 fois plus importants que les quotas de cellules des catégories de colonies de plus petite taille. Les quotas de cellules de microcystines variaient de 10 à 350 fg/cellule (moyenne : 140 fg/cellule) dans des échantillons recueillis à la fin de l’été dans la baie Saginaw, au lac Huron (Fahnenstiel et coll., 2008). Les quotas de toxines de microcystines pour 26 souches de M. aeruginosa isolées à partir d’un barrage espagnol ont varié de 200 fg/cellule à plus de 1,5 × 105 fg/cellule (Carrillo et coll., 2003). Des résultats similaires ont été rapportés pour les cylindrospermopsines. Saker et Griffiths (2000) ont remarqué une différence dans les concentrations de cylindrospermopsines de plus de quatre ordres de grandeur entre  les isolats les plus toxiques et les isolats les moins toxiques de C. raciborskii. Orr et coll. (2010) ont constaté une différence presque 10 fois supérieure dans les quotas de cylindrospermopsines entre les isolats les moins toxiques et les isolats les plus toxiques.

On estime que les facteurs environnementaux ont une influence moindre sur la toxicité totale des proliférations, ces facteurs étant responsables, en général, d’une différence de moins de 10 fois la production de toxines (Chorus et Bartram, 1999; Carrillo et coll., 2003). De nombreuses études ont examiné les corrélations potentielles entre les concentrations de microcystines et des paramètres comme les éléments nutritifs, la température, le pH et la lumière, mais les résultats se sont révélés contradictoires (Sivonen, 1990; Orr et Jones, 1998; Kaebernick et coll., 2000; Lee et coll., 2000; Oh et coll., 2000; Vézie et coll., 2002; Yoshida et coll., 2007; Orihel et coll., 2012). Des études examinant les cylindrospermopsines, bien que moins nombreuses, ont également donné des résultats contradictoires (Saker et Griffiths, 2000; Falconer, 2005; Orr et coll., 2010; Burford et Davis, 2011).

Quelques études ont tiré parti des progrès effectués dans les méthodes moléculaires afin de mieux comprendre les facteurs qui influent sur l’expression génétique des microcystines. Kaebernick et coll. (2000) ont fourni des données probantes sur le lien entre l’expression génétique des microcystines et la qualité et l’intensité de la lumière, et Sevilla et coll. (2008) ont observé qu’une carence en fer pouvait provoquer la synthèse des microcystines. Dans des études ultérieures, Sevilla et coll. (2010) ont conclu que la transcription génique des microcystines n’était pas liée aux concentrations de nitrates. En raison des renseignements contradictoires, des théories ont été présentées afin de définir le rôle des facteurs environnementaux dans la production de microcystines. Certains ont proposé qu’une croissance optimale survient dans des conditions de lumière, de température et d’apport en éléments nutritifs qui diffèrent des conditions liées à la production optimale de toxines (Kotak et coll., 2000; Orr et coll., 2010). D’autres chercheurs ont également suggéré que l’influence relative des facteurs environnementaux peut varier en fonction des espèces et des souches ainsi que de l’environnement (Rinta-Kanto et coll., 2005; Martins et Vasconcelos, 2011). Briand et coll. (2009) ont supposé que, dans des conditions de croissance acceptables, les coûts énergétiques de la production de cyanotoxines l’emportent sur les bénéfices, mais qu’il est avantageux pour les cyanobactéries de produire des toxines lorsque les conditions de croissance sont limitantes. En l’absence de données probantes claires établissant un lien direct entre les facteurs environnementaux et la fonction génétique des cyanotoxines, les facteurs environnementaux sembleraient avoir au moins une incidence indirecte sur la production de cyanotoxines, notamment en ce qui a trait à la croissance et à la division des cellules (Orr et Jones, 1998; Kurmayer et coll., 2003; Briand et coll., 2008; Orr et coll., 2010). On a également laissé entendre qu’en raison de la complexité des facteurs contribuant à la production de microcystines, les toxines peuvent remplir de multiples fonctions; elles joueraient notamment un rôle dans la signalisation de cellules à cellules ainsi que dans la défense contre les microorganismes prédateurs (Briand et coll., 2008).

4.7.1 Dégradation dans l’environnement

Des études montrent que certaines cyanotoxines, comme les microcystines, présentent une certaine instabilité dans l’environnement, et que la toxicité peut persister de quelques jours à quelques semaines après la disparition de la prolifération (Jones et Orr, 1994; Ho et coll., 2012). La persistance des cyanotoxines dans les eaux naturelles peut être touchée par de nombreux facteurs, y compris la dilution, l’absorption (p. ex. par les sédiments ou végétaux), la photolyse et la biodégradation par des organismes aquatiques (Stevens et Krieger, 1991a; Jones et coll., 1994; Smith et coll., 2008).

Les microcystines présentent une structure chimique qui est stable dans l’eau, et elles sont relativement persistantes dans un environnement aquatique (Jones et Orr, 1994; Harada et coll., 1996). Elles sont résistantes à l’hydrolyse chimique et à l’oxydation et ne sont pas détruites par ébullition (Chorus et Bartram, 1999). Des études en Australie ont montré que MC-LR persistait jusqu’à trois semaines suivant le traitement d’une prolifération de Microcystis aeruginosa par un algicide au sulfate de cuivre (Jones et Orr, 1994). Les microcystines peuvent être dégradées par certains types de bactéries aquatiques qui surviennent naturellement dans différents plans d’eau (Bourne et coll., 1996; Christoffersen et coll., 2002; Edwards et coll., 2008; Giaramida et coll., 2012; Ho et coll., 2012).

Des chercheurs ont observé que les périodes de latence dans la biodégradation de microcystines (le délai entre le moment où les microorganismes entrent en contact avec les toxines et le moment où la décomposition commence) pourraient être considérablement réduites et, dans certaines circonstances, éliminées, lorsque les bactéries avaient été précédemment exposées aux microcystines (Christoffersen et coll., 2002; Giaramida et coll., 2012). Bien que l’exposition préalable aux microcystines semble réduire les périodes de latence, celle-ci n’est pas une condition préalable à la dégradation, puisque la suppression des microcystines survient dans les plans d’eau n’ayant pas d’antécédents de contamination par ces toxines (Edwards et coll., 2008). Par conséquent, aucune relation générale ne peut être détectée, et les communautés microbiennes de différents habitats présenteront des capacités variables de dégradation (Christoffersen et coll., 2002; Holst et coll., 2003; Ho et coll., 2006b, 2007; Edwards et coll., 2008).

Dans des expériences portant sur les effets de la photodégradation sur les microcystines à la surface de l’eau, 78,7 % des concentrations initiales se sont dégradées après 22 jours (Wörmer et coll., 2010). La photodégradation observée à des profondeurs de 1 à 4 m a été nettement inférieure, car seulement 24,4 % et 9,9 % des microcystines ont disparu après 22 jours. Les auteurs laissent entendre que la photodégradation peut jouer un rôle important dans le devenir des microcystines seulement dans certaines conditions particulières, comme des systèmes d’eau peu profonde (Wörmer et coll., 2010).

Les anatoxines ne sont pas stables dans l’environnement comparativement aux autres cyanotoxines (Stevens et Krieger, 1991a; Bownik, 2010). On estime que la photolyse par la lumière du soleil est un moyen important d’inactivation des anatoxines (Stevens et Krieger, 1991a). Les premières études de stabilité ont montré que la lumière du soleil dégradait rapidement l’anatoxine-a, avec une demi-vie de une à deux heures sous la lumière et des conditions de pH comparables à celles d’une prolifération de fin d’été dans des climats tempérés (Stevens et Krieger, 1991a). La dégradation dans des conditions sombres était nettement plus lente, avec une demi-vie de l’anatoxine-a de quatre à dix jours (Stevens et Kreiger, 1991a).

Dans des études de biodégradation de l’anatoxine-a, la toxine s’est dégradée plus rapidement dans des échantillons contenant des inoculats d’eau de lac ou de sédiments (Rapala et coll., 1994). La toxine a pu être détectée quatre jours suivant l’incubation dans des échantillons comportant un supplément d’inoculum dans des conditions sombres. La réponse de l’anatoxine-a à l’exposition à la lumière n’a fait l’objet d’aucune étude (Rapala et coll., 1994).

Les cylindrospermopsines sont également stables dans différentes conditions de pH et de température et résistent à l’ébullition (Chiswell et coll., 1999). La dégradation des cylindrospermopsines sous l’effet de la lumière du soleil s’est révélée stable dans des conditions naturelles présentant de faibles quantités de pigments photosensibles (Chiswell et coll., 1999; Wörmer et coll., 2010). Smith et coll. (2008) ont indiqué que la biodégradation des cylindrospermopsines se produisait seulement dans des eaux présentant des antécédents de prolifération toxique de C. raciborskii. Les périodes de latence ont été réduites suivant une exposition répétée, et on a laissé entendre qu’un seuil de concentration de toxines pouvait être nécessaire pour démarrer la dégradation (Smith et coll., 2008). Par contraste, dans des études de laboratoire, Wörmer et coll. (2008) n’ont observé aucune dégradation importante des cylindrospermopsines sur une période de 40 jours dans des échantillons d’eau contenant des populations bactériennes ayant précédemment été exposées aux toxines. Chiswell et coll. (1999) ont indiqué que dans des solutions de laboratoire (où les concentrations de pigment étaient présumées élevées), la demi-vie des cylindrospermopsines était de une heure et demie, alors que dans des échantillons d’eau naturelle (où les concentrations de pigments végétaux étaient présumées faibles), la demi-vie était de 11 à 15 jours.

Les données sur la biodégradation des saxitoxines sont extrêmement limitées. Ho et coll. (2012) ont enregistré des demi-vies pour les saxitoxines (obtenues de Dolichospermum [Anabaena] circinalis) variant de 5 à 24 jours. Au cours de l’étude, la dégradation des saxitoxines a été plus lente que celle des microcystines ou des cylindrospermopsines (Ho et coll., 2012). Les bactéries marines isolées de crustacés étaient en mesure de réduire la toxicité de 90 % d’un mélange de saxitoxines, et ce, en trois jours (Donovan et coll., 2008).

Les effets de la température sur la biodégradation dans l’eau ont fait l’objet d’études. Par exemple, la dégradation de MC-LR et de MC-RR était la plus élevée à 30 °C et relativement rapide entre 10 °C et 30 °C, car il fallait quatre jours pour abaisser les concentrations de 20 mg/L à en-deça des limites de détection, et ce, dans les deux cas (Park et coll., 2001). À 5 °C, la dégradation était très lente, et plus de 30 % de la concentration initiale de la toxine était la même après sept jours (Park et coll., 2001). Wang et coll. (2007) ont indiqué qu’il n’y avait aucune différence entre les taux de biodégradation de MC-LR à 25 °C par rapport à 30 °C, la dégradation complète d’une concentration de 5 µg/L survenant en trois jours. La dégradation était nettement plus lente à 22 °C, car il fallait six jours pour supprimer la toxine (Wang et coll., 2007). Ho et coll. (2012) ont constaté une biodégradation plus rapide et marquée de MC-LR à 24 °C, comparativement aux échantillons prélevés en automne et en hiver à partir d’un barrage australien lorsque la température était de 14 °C. Harada et Tsuji (1998) ont observé une faible décomposition de MC-LR dans des eaux lacustres entre 5 °C et 20 °C.

Smith et coll. (2008) ont observé que les effets de la température sur la dégradation des cylindrospermopsines suivaient le classement suivant (de la plus rapide à la plus lente) : 25 °C > 35 °C > 20 °C. À 25 °C et 35 °C, la disparition de 35 µg/L était complète en tout juste un peu moins de 25 jours, alors qu’à 20 °C, environ 40 % des toxines étaient toujours présentes au 44e jour (Smith et coll., 2008). Mohamed et Alamri (2012) ont observé les taux les plus élevés de biodégradation des cylindrospermopsines à 25 °C et 30 °C, et une suppression complète des concentrations de 10 µg/L et de 100 µg/L survenant en sept et huit jours, respectivement. Les taux de dégradation à 10 °C et 20 °C étaient plus lents et plus incomplets, 77 % et 25 % des toxines étant toujours présentes au 8e jour. La température pourrait moins contribuer à la biodégradation que des facteurs comme les conditions anoxiques et le contenu en matières organiques (Klitzke et Fastner, 2012).

5.0 Exposition

5.1 Eau

5.1.1 Données des programmes de surveillance de l’eau potable des provinces et territoires

L’ingestion d’eau potable constitue la principale voie d’exposition humaine potentielle aux toxines cyanobactériennes. Les données recueillies dans le cadre des programmes de surveillance dans les provinces et les territoires ont permis de dresser un portrait de la présence des cyanobactéries et des cyanotoxines dans les sources d’approvisionnement en eau potable au Canada. Ces renseignements non publiés des provinces et des territoires offrent un aperçu précieux du lieu et du moment où l’on peut observer les proliférations au Canada, ainsi que des concentrations des toxines cyanobactériennes, lorsqu’elles sont détectées (Giddings et coll., 2012).

En 2011-2012, la Colombie-Britannique a déclaré une prolifération non classique d’Aphanizomenon sur un plan d’eau intérieur. L’analyse des toxines a révélé la dominance de la MC-YR dans la source d’approvisionnement en eau brute, qui a atteint une concentration supérieure à 25 µg/L à deux arrivées d’eau potable municipales. La MC-LR accompagnait presque toujours la MC-YR dans les échantillons d’eau brute, mais à des concentrations atteignant entre 3 et 6 µg/L uniquement. À dix reprises, les échantillons d’eau traitée contenaient des microcystines; tous les autres échantillons étaient inférieurs aux limites de détection. Les dix échantillons analysés pour déceler les microcystines contenaient la MC-YR; pour neuf d’entre eux, les concentrations de toxines étaient inférieures à 1,5 µg/L. Un échantillon comportait une concentration de MC-YR de 7 µg/L. Cinq des échantillons comportaient également la MC-LR à des concentrations inférieures à 0,51 µg/L. La prolifération a continué en 2012, avec des concentrations de toxines dans les échantillons prélevés aux prises d’eau allant jusqu’à 62,40 µg/L pour la MC-YR et jusqu’à 7 µg/L pour la MC-LR. Seuls deux échantillons d’eau traitée ont révélé la présence de microcystines; les microcystines totales étaient inférieures à la valeur de 1,5 µg/L visée par la recommandation pour la qualité de l’eau potable de la Colombie-Britannique. Dans deux échantillons d’eau traitée contenant des microcystines, le nombre de cellules d’Aphanizomenon ne dépassait pas 1 700 cellules/mL; pourtant, aucune toxine n’a été détectée dans les échantillons traités lorsque le nombre de cellules était au plus haut, c’est-à-dire entre 15 000 et 40 000 cellules/mL (B.C. Ministry of Health, 2012).

En 2005, l’Alberta a mis en œuvre une surveillance de routine des microcystines présentes dans les lacs et les réservoirs. Les microcystines sont très abondantes en Alberta, et elles sont généralement présentes dans 75 %, voire 96 %, des plans d’eau contrôlés chaque année. Bien que les concentrations de microcystines soient généralement faibles (jusqu’à 0,5 µ/L), des concentrations élevées supérieures à 10 µg/L sont observées régulièrement. Les recherches indiquent que la MC-LR est la variante la plus courante, mais d’autres variantes, notamment la MC-RR et la MC-YR, ont pu être observées. Les recherches laissent également entendre qu’un traitement de l’eau conventionnel permet d’éliminer efficacement les microcystines de l’eau potable. En 2011, les installations de traitement de l’eau ont détecté des microcystines dans la source d’eau à 9 des 23 emplacements concernant lesquels les responsables soumettent des données. Les concentrations de microcystines observées dans des échantillons positifs étaient comprises entre 0,1 et 0,6 µg/L, des valeurs toutes inférieures à la valeur de 1,5 µg/L visée par la recommandation de l’Alberta (Alberta Environment, 2012).

Les installations de production d’eau potable de la Saskatchewan ont observé des proliférations cyanobactériennes récurrentes sur un lac alimentant l’une de leurs usines de traitement de l’eau potable. Néanmoins, les rapports présentés par la province n’indiquent pas la présence de microcystines dans les échantillons d’eau potable municipale brute ou traitée. Les débits des sources d’eau de surface et la direction du débit entrant ont été cités comme contribuant à ces observations. Des microcystines ont été détectées dans des échantillons de proliférations touchant les lacs récréatifs ailleurs dans la province (Saskatchewan Environment, 2012).

Au cours de l’été et de l’automne 2010, une prolifération a été observée dans des échantillons d’eau brute au Manitoba à l’une de ses usines de traitement de l’eau potable. La population cyanobactérienne était dominée par l’espèce Aphanizomenon, mais comprenait également l’espèce Microcystis. D’après les observations, le nombre de cellules dans l’eau brute et les concentrations de microcystines pouvaient atteindre jusqu’à 340 000 cellules/mL et 21,8 µg/L, respectivement. Dans les échantillons d’eau traitée au cours de la même période, les concentrations de toxines étaient toutes inférieures aux limites de détection et le nombre de cellules n’a jamais dépassé 1 500 cellules/mL. En août 2011, l’approvisionnement en eau brute était une fois de plus touché par une prolifération dominée par l’espèce Aphanizomenon. Le nombre de cellules a atteint 180 000 cellules/mL, mais les concentrations de microcystines sont restées inférieures à 1 µg/L dans l’eau brute et étaient indétectables dans les échantillons d’eau traitée (Manitoba Water Stewardship, 2012).

En Ontario, les données issues des programmes de surveillance du ministère de l’Environnement de 2009 à 2012 ont indiqué la présence de proliférations cyanobactériennes dans la province dès le mois de mai et même encore à la fin du mois de novembre. La présence de cyanobactéries a été détectée dans 24 à 29 sites par an (dans divers plans d’eau, tels que les lacs, les rivières, les ruisseaux, les marais et les réservoirs). Des concentrations détectables de microcystines ont été observées sur 20 à 73 % de ces sites échantillonnés au cours d’une année donnée. La concentration de microcystines la plus élevée observée était de 2 800 µg/L, même si la grande majorité des échantillons positifs étaient inférieurs à 20 µg/L (le type d’échantillon n’était pas indiqué). L’espèce Dolichospermum (Anabaena) était le genre dominant le plus couramment déclaré (soit seul, soit dans des populations mixtes); suivie des espèces Microcystis et Aphanizomenon. Des proliférations de Gloeotrichia, une espèce productrice de microcystines connue, mais rare, ont aussi été déclarées occasionnellement, avec des concentrations de microcystines allant d’une valeur inférieure à la limite de détection à 96 µg/L (Ontario Ministry of the Environment, 2012).

Au Québec, des concentrations de cyanobactéries et de cyanotoxines ont été déclarées dans l’eau brute ou traitée de diverses usines de traitement de l’eau potable depuis 2001. Des concentrations de cyanobactéries supérieures à 20 000 cellules/mL ont été régulièrement mesurées dans les eaux brutes contaminées (concentration maximale supérieure à 2 × 106 cellules/mL), tandis que les microcystines (MC-LR, MC-RR, MC-YR, MC-LA) ont été régulièrement détectées, mais elles présentaient seulement à l’occasion, des concentrations totales supérieures à 1,5 µg/L (concentration maximale dans l’eau brute de 97 µg/L pour les microcystines totales dans les équivalents toxiques de la MC-LR). Dans les échantillons d’eau traitée (après filtration et désinfection, incluant, dans la plupart des cas, de l’ozone ou du charbon activé en poudre), les concentrations de cyanobactéries étaient généralement de 200 cellules/mL ou moins, et les concentrations de microcystines étaient habituellement inférieures à 0,1 µg/L. De juillet à septembre 2011, la province a déclaré une prolifération qui a touché plusieurs usines locales de traitement de l’eau potable. L’espèce Aphanizomenon a dominé la population en juillet et en août, avec une quantité de cellules atteignant 2 × 106 cellules/mL. Pendant la durée de la prolifération, une succession d’espèces cyanobactériennes a pu être observée et l’espèce Microcystis est devenue le genre principal à la fin du mois d’août. L’impact le plus important de cette prolifération était la détection de microcystines dans les clarificateurs de trois usines de traitement. Plusieurs variantes de microcystines ont pu être décelées dans les échantillons d’eau de ces usines : MC-LA, MC-LR, MC-RR et MC-YR. À plusieurs reprises à un emplacement, les concentrations de microcystines totales dépassaient 1,5 µg/L. La concentration la plus élevée de microcystines totales qui a pu être observée était de 6,0 µg/L dans un échantillon de surface prélevé dans un clarificateur. Malgré ces constatations, la présence de microcystines n’a été détectée dans aucun des échantillons d’eau potable traitée. Il est à noter que, à plusieurs reprises durant cette période, les concentrations de microcystines totales ne correspondaient pas très bien aux lectures du nombre de cellules. Par exemple, la toxine était détectable lorsque le nombre de cellules était très bas et indétectable lorsqu’il était très élevé. Durant cette période, la détection d’une population de Woronichinia à une usine de traitement a également présenté un intérêt (10 000–20 000 cellules/mL); elle était accompagnée d’une concentration de MC-LA de 0,3 µg/L (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2012).

C’est en août 2010 que le Nouveau-Brunswick a déclaré pour la première fois une prolifération dans l’une de ses usines de traitement de l’eau potable. L’espèce Gloeotrichia echinulata a été désignée comme l’espèce cyanobactérienne dominante. Une prolifération semblable s’est de nouveau produite en juin 2011 et a persisté jusqu’en octobre. Les échantillons d’eau brute et les échantillons d’eau au bout de la chaîne de traitement prélevés pendant les épisodes de prolifération étaient exempts de microcystines (ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick, 2012).

La Nouvelle-Écosse a déclaré des épisodes de prolifération cyanobactérienne à de multiples usines de traitement de l’eau potable au printemps et à l’automne 2006 et au printemps 2007. Des microcystines ont été détectées à de multiples emplacements et à des concentrations comprises entre 0,1 et 0,6 µg/L, mais toutes les concentrations étaient inférieures à la valeur de 1,5 µg/L visée par la recommandation provinciale. Les espèces cyanobactériennes n’ont pas été déclarées. Des emplacements importants auxquels des microcystines ont été observées incluaient une galerie d’infiltration, de l’eau de surface traitée (systèmes d’approvisionnement filtrés et non filtrés) et de l’eau souterraine qui n’a pas été considérée comme étant sous l’influence de l’eau de surface. Une modernisation des traitements a été appliquée aux systèmes individuels qui ont des problèmes et incluait des technologies telles qu’une meilleure coagulation, une filtration sur lit double et une filtration par membrane. À la suite de cette modernisation, des microcystines n’ont pas été observées à ces emplacements (Nova Scotia Department of Environment and Labour, 2012).

D’après les déclarations, les services d’alimentation en eau de l’Île-du-Prince-Édouard n’ont pas été touchés par des proliférations cyanobactériennes, car 100 % de l’eau potable de la province provient de ressources en eau souterraine (P.E.I. Department of Environment, Energy and Forestry, 2012).

En 2007, la province de Terre-Neuve-et-Labrador a été confrontée à sa première prolifération cyanobactérienne (Newfoundland and Labrador Department of Environment and Conservation, 2008, 2012). Les plans d’eau touchés étaient une série d’étangs qui n’étaient pas une source d’eau potable, mais qui étaient utilisés par le public pour des activités récréatives. L’espèce Dolichospermum (Anabaena) était le genre responsable de la prolifération et l’analyse des toxines a révélé la présence de la MC-LR dans trois des quatre étangs à de faibles concentrations, qui vont de moins de 0,22 à 0,36 µg/L. La MC-LR a été détectée une fois encore en mai 2008 dans tous les étangs à des concentrations comprises entre 0,28 et 0,61 µg/L. Toutefois, aucune cellule cyanobactérienne n’a été détectée et, de juin à septembre, aucun autre échantillon n’a révélé la présence de MC-LR. On a émis l’hypothèse que la toxine persistait au cours de l’hiver dans des conditions de faible débit et de glace, et qu’elle était ensuite libérée dans l’eau pendant le dégel printanier.

Le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut n’ont pas déclaré de problèmes liés aux cyanobactéries et aux microcystines dans les sources d’approvisionnement en eau potable de leurs territoires de compétence (Northwest Territories Department of Health and Social Services, 2012; Nunavut Health and Social Services, 2012; Yukon Environmental Health Services, 2012).

5.1.2 Ouvrages publiés—Amérique du Nord

Des microcystines peuvent être décelées à de faibles concentrations dans un grand nombre de sources d’eau de surface, mais certaines présentent des concentrations qui dépassent les recommandations canadiennes actuelles en matière d’eau potable ou d’eau utilisée pour les activités récréatives (1,5 µg/L et 20 µg/L, respectivement). Par exemple, un important relevé réalisé sur plusieurs années concernant les concentrations de microcystines dans des échantillons de phytoplancton prélevés dans les lacs de l’Alberta a révélé que la concentration volumétrique moyenne la plus élevée de MC-LR était de 2,48 µg/L (Kotak et Zurawell, 2007). Dans les deux lacs de l’Alberta connus pour la formation de proliférations et où les concentrations de microcystines les plus élevées ont été mesurées, les concentrations de microcystines dans l’eau dépassaient rarement 1,0 µg/L (Kotak et Zurawell, 2007). Les données issues du programme de surveillance du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec ont indiqué que, dès 2007, la concentration historique la plus élevée de microcystines observée dans l’eau brute était de 5,35 µg/L (Carrière et coll., 2010). Winter et coll. (2011) ont indiqué qu’en 2009, 67 % des proliférations déclarées dans les plans d’eau intérieurs de l’Ontario contenaient des microcystines. Les toxines ont été détectées dans 62 % des échantillons de phytoplancton recueillis dans les plans d’eau de l’Alberta de 1990 à 1995 (Kotak et Zurawell, 2007). Elles étaient également détectables dans tous les échantillons de phytoplancton (gamme de concentrations comprise entre 0,006 et 4,29 µg/L), d’après une étude de 2001 portant sur quatre lacs eutrophes favorisant la formation de proliférations dans la province de Québec (Rolland et coll., 2005). Lévesque et coll. (2014) ont décrit les concentrations de microcystines dans les eaux de surface à partir d’échantillons recueillis dans trois lacs du Québec connus pour leurs proliférations cyanobactériennes. Les concentrations médianes de microcystines dans ces lacs variaient d’un niveau inférieur aux limites de détection à 0,7 µg/L, tandis que les concentrations maximales observées allaient de 1,12 à 773 µg/L. Selon les auteurs, entre 9 et 44 % des échantillons recueillis dans les trois lacs présentaient des concentrations supérieures à 1 µg/L de microcystines, tandis qu’entre 2 et 10 % des échantillons recueillis présentaient des concentrations supérieures à 20 µg/L.

De grands plans d’eau au Canada sont de plus en plus exposés au risque de formation de proliférations, en particulier ceux qui sont alimentés par des bassins versants très développés, tels que le lac Winnipeg et certains des Grands Lacs inférieurs. Toutefois, malgré plusieurs proliférations importantes, la plupart de ces lacs ne présentent pas de concentrations élevées de toxines à l’échelle du lac. Dans le lac Winnipeg, dans lequel se forment désormais d’importantes proliférations des espèces Aphanizomenon flos-aquae et Dolichospermum (Anabaena) chaque année, des toxines ont été décelées dans certaines proliférations de surface, et des concentrations maximales erratiques allant jusqu’à 200 µg/L de microcystines totales ont été déclarées (Kling et coll., 2011). Dans les Grands Lacs, les relevés au large effectués en été entre 2000 et 2004 ont permis de détecter de faibles concentrations de microcystines dans 40 % d’un ensemble de plus de 300 échantillons prélevés dans le lac Érié et dans 20 % d’un ensemble de plus de 700 échantillons prélevés dans le lac Ontario; toutefois, quelques échantillons (12 % et 1 %, respectivement) ont présenté des concentrations supérieures à 1 µg/L (Boyer, 2007). Des concentrations élevées de microcystines ont été enregistrées dans des zones côtières ou dans les échancrures plus eutrophes des plans d’eau (Murphy et coll., 2003; Watson et coll., 2008). Par exemple, en établissant le profil d’une prolifération de microcystines dans le port de Hamilton sur le lac Ontario, Murphy et coll. (2003) ont noté la présence de concentrations élevées de microcystines  dans les écumes soufflées par le vent (jusqu’à 400 µg/L), tandis qu’une bonne partie du port présentait de faibles concentrations de toxines. Davis et coll. (2014) ont montré une connectivité génétique entre les souches de Microcystis dans le lac Sainte-Claire et dans les Grands Lacs inférieurs. Ces résultats mettent en évidence le fait que les habitats de prolifération établis peuvent contribuer à la propagation des souches problématiques à travers les systèmes interconnectés; toutefois, les auteurs ont noté la nécessité de réaliser d’autres expériences dans ces systèmes afin de déterminer tout facteur environnemental commun (Davis et coll., 2014).

En Floride, où des proliférations de cyanobactéries toxiques apparaissent souvent, Williams et coll. (2007) ont indiqué que les concentrations de microcystines dans l’eau des lacs ouverts à l’année étaient comprises entre 0,05 et 3,6 µg/L, malgré des épisodes de prolifération occasionnels présentant des concentrations de microcystines situées entre 5 et 7 500 µg/L. Les données laissent entendre que tant que les prises d’eau des systèmes d’approvisionnement en eau potable ne sont pas situées à proximité des proliférations productrices de microcystines, elles n’absorberont pas de cellules ou de toxines cyanobactériennes dans des quantités qui seraient préoccupantes pour la santé humaine dans l’eau potable. D’autre part, les proliférations saines ne libèrent généralement pas une grande quantité de microcystines dissoutes. Une bonne partie de la toxine est stockée dans les cellules cyanobactériennes; la libération dans l’eau se produit principalement lorsque les cellules se rompent (p. ex. en raison du pâturage, d’un stress environnemental soudain, d’un traitement avec des algicides ou d’autres processus de perturbation) ou meurent (Graham et coll., 2010; Merel et coll., 2013; Wu et coll., 2014). Dans une analyse des cyanotoxines présentes dans les proliférations dans les États du Midwest des États-Unis, Graham et coll. (2010) ont indiqué que la quantité de microcystines dissoutes n’a jamais dépassé 30 % de la concentration de microcystines totales.

Les accumulations ou les écumes de proliférations toxiques contiennent des quantités très élevées de toxines. Les concentrations de microcystines dans les échantillons de prolifération ou d’eau ont atteint jusqu’à 10 000 µg/L, poids sec, et 25 000 µg/L, respectivement (Chorus et Bartram, 1999). Murphy et coll. (2003) ont observé des concentrations de microcystines de 400 µg/L en pleine prolifération dans le port de Hamilton, dans le lac Ontario, tandis que Boyer (2007) a indiqué qu’un échantillon de prolifération sur le rivage provenant de la baie Missisquoi (New York) contenait 5 000 µg/L de microcystines. Il est évident qu’à proximité de la prolifération, des concentrations très élevées de toxines peuvent être présentes dans l’eau, en particulier une fois que la prolifération s’effondre. Jones et Orr (1994) ont démontré que les concentrations de microcystines dissoutes ont atteint 1 800 µg/L quatre jours après le traitement d’une prolifération avec un algicide.

L’United States Environmental Protection Agency (U.S. EPA) a examiné les données relatives à la surveillance des proliférations cyanobactériennes et des microcystines dans le cadre de l’élaboration de son document provisoire d’appui relatif aux effets sur la santé des toxines cyanobactériennes. Pour plusieurs aspects, les renseignements ont révélé des similitudes avec la situation canadienne. Par exemple, les données sont en grande partie inédites et sont conservées par l’état respectif et les gouvernements locaux. En outre, les microcystines étaient les cyanotoxines les plus couramment présentes, et des proliférations toxiques ont été déclarées dans la plupart des états. Elles s’étendent sur toutes les régions principales du pays : ouest, Midwest, nord-est et sud. La plupart des échantillons d’eau de surface contenaient des concentrations de microcystines inférieures à 1 µg/L, même si l’on a pu observer des cas où des échantillons prélevés dans l’eau libre ou ne provenant pas de l’écume avaient des concentrations de toxines supérieures à 20 µg/L et 50 µg/L, respectivement. Des concentrations très élevées de microcystines ont été décelées dans des échantillons contenant de l’écume et atteignaient jusqu’à 8 000 µg/L et 26 000 µg/L. Des proliférations de Microcystis étaient couramment observées; toutefois, on a eu la possibilité d’observer régulièrement des populations dans lesquelles les espèces Dolichospermum (Anabaena), Oscillatoria, Aphanizomenon ou Woronichinia constituaient le genre dominant (U.S. EPA, 2013).

En août 2015, une prolifération cyanobactérienne massive dans le lac Érié a eu des répercussions sur la prise d’eau de l’usine de traitement de l’eau potable de Toledo, en Ohio. Les premiers résultats de tests indiquaient une concentration totale de microcystines de 2,5 µg/L dans l’eau traitée. On a immédiatement mis en place un plan d’action comprenant une surveillance et un traitement accrus par le biais d’une augmentation du dosage du charbon activé en poudre, du sulfate d’aluminium et du chlore pour optimiser l’élimination des microcystines. Bien que la prolifération ait persisté tout au long du mois d’août et qu’elle ait produit des concentrations totales de microcystines de 50 µg/L à la prise d’eau de l’usine de traitement, les opérateurs ont été en mesure de maintenir en permanence une concentration de microcystines dans l’eau potable traitée de moins de 1 µg/L (Snyder et coll., 2015).

Très peu d’études ont été dirigées sur les neurotoxines cyanobactériennes dans les eaux douces d’Amérique du Nord, la plus grande partie des travaux portant sur l’anatoxine-a (Kotak et Zurawell, 2007). En Alberta, les chercheurs canadiens surveillant l’anatoxine-a dans les proliférations, les lacs et les réservoirs ont découvert que la toxine n’était pas couramment détectée et que, lorsqu’elle était présente, elle était principalement située près des limites de détection (Kotak et coll., 1993; Kotak et Zurawell, 2007). Dans une période de trois années de données de surveillance sur des sources d’eau du Québec où des proliférations ont été déclarées dans le passé, la concentration d’anatoxine-a la plus élevée dans l’eau brute était de 2,3 µg/L (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2005). Une étude importante de surveillance pluriannuelle a confirmé la présence de l’anatoxine-a dans 92 des 2 307 (4 %) échantillons prélevés dans les lacs de New York (Boyer, 2007). Les auteurs ont ensuite indiqué que parmi les échantillons positifs, 4 % dépassaient une concentration d’anatoxine-a de 0,01 µg/L et 1 % dépassait une concentration de 1,0 µg/L (Boyer, 2007). Dans une étude portant sur les proliférations cyanobactériennes, Graham et coll. (2010) ont rapporté la présence de l’anatoxine-a dans 30 % des échantillons provenant des épisodes de prolifération en Iowa, au nord-est du Kansas, au sud du Minnesota et au nord-ouest du Missouri. Les concentrations d’anatoxine-a variaient de 0,05 à 9,5 µg/L (Graham et coll., 2010). D’après un relevé des cyanotoxines présentes dans les ressources en eau de la Floride pour l’année 2000, 10 % des échantillons d’eau brute et 11 des 56 échantillons écologiques (20 %) contenaient l’anatoxine-a (William et coll., 2007). Les concentrations des échantillons d’eau brute étaient comprises entre 0 et 0,11 µg/L et celles des échantillons écologiques allaient de valeurs non détectables à 156 µg/L. La concentration maximale d’anatoxine-a indiquée dans les rapports publiés correspondait à une prolifération dans les eaux finlandaises avec une concentration de 4 400 µg/g, poids sec (Sivonen et coll., 1989).

Pour le groupe de saxitoxines, les données sur leur présence sont rares (Boyer, 2007; Watson et coll., 2008). Graham et coll. (2010) incluaient les saxitoxines dans les composés ayant fait l’objet d’une surveillance dans leur relevé sur les proliférations dans les états du Midwest des États-Unis. Les auteurs ont indiqué avoir détecté la toxine à de très faibles concentrations (0,2 µg/L) dans 4 des 23 proliférations (17 %). On a émis l’hypothèse qu’il s’agissait du premier rapport publié sur l’occurrence de saxitoxines dans cette région (Graham et coll., 2010). Dans d’autres pays, un relevé danois a indiqué que les individus du groupe de saxitoxines ont pu être détectés dans 11 des 96 lacs et étangs (Kaas et Henriksen, 2000). La saxitoxine constituait la toxine la plus fréquemment détectée (8 emplacements sur 11), à des concentrations comprises entre 5,9 et 224,1 µg/g, poids sec (Kaas et Henriksen, 2000). L’espèce Dolichospermum (Anabaena) lemmermannii constituait l’espèce cyanobactérienne dominante observée dans les lacs contenant des saxitoxines. Une étude semblable sur les proliférations en Finlande a permis de détecter des saxitoxines à des concentrations comprises entre 33 et 1 070 µg/L dans 7 des 11 emplacements de proliférations (Rapala et coll., 2005). Une fois de plus, D. lemmermannii était l’espèce prédominante dans les échantillons contenant la toxine (Rapala et coll., 2005). Une fréquence de détection de 70 % concernant les saxitoxines cyanobactériennes a été déclarée dans les zones côtières de l’Australie (Velzeboer et coll., 2000).

La cylindrospermopsine a été détectée peu fréquemment dans les zones climatiques tempérées en Amérique du Nord. Dans l’étude de surveillance mentionnée précédemment concernant les lacs de New York, seuls 8 des 517 échantillons (2 %) ont indiqué la présence de la toxine. Parmi ces échantillons positifs, cinq (63 %) ont été prélevés dans le même lac, avec des concentrations comprises entre 0,1 et 0,25 µg/L (Boyer, 2007). À l’aide d’une épreuve immunoenzymatique, on a pu détecter la cylindrospermopsine à de faibles concentrations (< 0,2 µg/L) dans 9 % des proliférations présentes dans les états du Midwest des États-Unis. La toxine a été détectée uniquement dans les proliférations dominées par l’espèce Aphanizomenon. Toutefois, un essai de suivi effectué par chromatographie en phase liquide couplée à une spectrométrie de masse en tandem (CPL-SM/SM) a indiqué que la réponse à l’épreuve ELISA n’était pas due à la présence de cylindrospermopsines; elle est plutôt due à la présence de certains autres composés semblables à la cylindrospermopsine (Graham et coll., 2010).

Au Québec, Zamyadi et coll. (2010) ont déclaré avoir détecté de la cylindrospermopsine à une concentration de 0,29 µg/L dans des échantillons d’écume prélevés à la surface d’un clarificateur lors d’une prolifération cyanobactérienne qui a touché la prise d’eau de l’usine de traitement de l’eau potable de la baie Missisquoi. La cylindrospermopsine a également été détectée dans deux des douze échantillons de proliférations à des concentrations de 0,1 µg/L et de 0,2 µg/L au cours d’une enquête sur la présence des toxines cyanobactériennes dans les échantillons de proliférations recueillis dans le cadre du programme de surveillance du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques du Québec (Roy-Lachapelle et coll., 2015). La toxine n’a pas été détectée lors d’une enquête similaire portant sur des échantillons de proliférations qui a été publiée plus tard cette année-là. (Fayad et coll., 2015). Ces études représentent les premiers comptes rendus publiés sur la détection de la cylindrospermopsine dans les proliférations cyanobactériennes au Canada. Santé Canada continuera de surveiller les recherches dans ce domaine.

Il existe une différence importante entre les proliférations productrices de cylindrospermopsine et de microcystines; en effet,avec la première, une quantité importante de la toxine est libérée dans la colonne d’eau pendant la croissance de la prolifération, tandis que les microcystines sont principalement liées aux cellules jusqu’à ce qu’elles meurent (Shaw et coll., 1999; Falconer, 2005). Les raisons proposées concernant la libération de la cylindrospermopsine incluent sa forte solubilité dans l’eau, une diffusion importante par les espèces qui en produisent, la capacité à traverser les membranes ainsi que la dégradation limitée dans l’environnement (Wörmer et coll., 2008, 2009). D’après le rapport de Shaw et coll. (1999), au moins 85 % de la cylindrospermopsine ont été libérés dans l’eau au cours d’une étude portant sur une prolifération de l’espèce Aphanizomenon ovcollisporum. D’autres chercheurs ont montré que la proportion de cylindrospermopsine dissoute peut être élevée et qu’elle varie fortement (de 6 à 100 %) (Wörmer et coll., 2009; Cirés et coll., 2011; Yen et coll., 2011).

5.1.3 Détection des gènes toxiques

Les gènes responsables de la synthèse des principales toxines cyanobactériennes—microcystines (gènes mcy), cylindrospermopsine (gènes cyr), anatoxin-a (gènes ana) et saxitoxine (gènes sxt)—ont été identifiés et des séquences ont été établies (Tillett et coll., 2000; Shalev-Alon et coll., 2002; Preußel et coll., 2006; Kellmann et coll., 2008; Rantala-Ylinen et coll., 2011). Les amorces de la réaction en chaîne de la polymérase (PCR) qui ciblent ces séquences génétiques ont été utilisées par les chercheurs pour améliorer la compréhension du potentiel de toxicité des populations cyanobactériennes (Rinta-Kanto et coll., 2005; Al-Tebrineh et coll., 2010; Ballot et coll., 2010). Avec les microcystines, des amorces ciblant plusieurs gènes dans le groupe de gènes de peptide synthase (mcyA–J) ont été développées et utilisées (Kurmayer et coll., 2003; Rinta-Kanto et coll., 2005; Hotto et coll., 2008). Dans une enquête sur les proliférations dans le lac Érié entre 2003 et 2004, le gène mcyD a été détecté à 15 des 17 emplacements échantillonnés (88 %); des microcystines ont également été décelées à 13 de ces emplacements contenant le gène mcyD, à des concentrations allant de 0,04 à 15,4 µg/L (équivalents de la MC-LR) (Rinta-Kanto et coll., 2005). On n’a déclaré qu’un seul échantillon dans lequel la toxine a été détectée, mais pas le gène (Rinta-Kanto et coll., 2005). Dans une étude de quatre lacs diversifiés du nord-ouest des États-Unis, des cellules prétendument toxiques de Microcystis (mesurées en équivalents de cellules mcyD) comprenaient 12 à 100 % de la population de prolifération de l’espèce Microcystis d’un système de lacs, et 0,01 à 6,0 % des populations provenant de trois autres systèmes (Davis et coll., 2009). Une autre étude a mis en évidence la proportion moyenne de cellules de l’espèce Microcystis contenant le gène mcyB, qui est comprise entre 67 et 97 % (Kurmayer et coll., 2003). Dans un relevé de deux ans sur une prolifération vivace, Briand et coll. (2008) ont consigné les proportions des souches de Planktothrix contenant des gènes mcyA comme étant comprises entre 30 et 80 %. Hotto et coll. (2008) ont observé que la détection du gène mcyD était mieux corrélée avec la présence de microcystines plutôt qu’avec les gènes mcyB, mcyA ou une amorce de Microcystis totale. Davis et coll. (2014) ont découvert que les séquences génétiques de mcyA isolées d’une prolifération toxique de Microcystis dans le lac Sainte-Claire ont été liées génétiquement aux séquences génétiques de mcyA isolées de l’espèce Microcystis dans le lac Ontario et le lac Érié, ce qui indique une forte connectivité génétique entre les trois lacs. Dans l’ensemble, la détection de gènes mcy est perçue comme un indicateur utile de la toxicité potentielle, mais leur utilité en tant qu’indicateur de la production de microcystines reste incertaine (Kurmayer et coll., 2003; Hotto et coll., 2008). On dispose de moins de renseignements sur les anatoxines et les saxitoxines. Lors d’une enquête sur la toxicité des proliférations contenant des saxitoxines dans les lacs et les rivières de l’Australie, une étude a mis en lumière une corrélation positive entre la concentration de saxitoxine et les proliférations ayant un nombre de copies élevé du gène sxt (Al-Tebrineh et coll., 2010).

5.2 Aliments

Des microcystines ainsi que d’autres toxines cyanobactériennes ont été découvertes dans certains aliments. Les suppléments alimentaires à base d’algues ainsi que les poissons ou les fruits de mer (moules, crevettes, myes tronquées, crabes, etc.) prélevés dans l’eau contaminée par des proliférations cyanobactériennes peuvent contenir des toxines. Les poissons peuvent être exposés directement aux microcystines en se nourrissant (en mangeant du phytoplancton ou par le cycle trophique) ou de façon passive lorsque les toxines traversent les branchies ou la peau (Malbrouck et Kestemont, 2006; Ibelings et Chorus, 2007). De même, les moules, les crevettes et les crabes peuvent accumuler les toxines en filtrant les eaux contaminées, en se nourrissant de plancton ou lorsque les cyanotoxines dissoutes dans l’eau pénètrent dans leur corps et s’accumulent dans leurs tissus (Ibelings et Chorus, 2007). Les données actuelles sur la présence des toxines cyanobactériennes (en grande partie des microcystines) chez les espèces aquatiques comestibles indiquent que le foie et les viscères des poissons renferment des concentrations supérieures à celles observées dans le tissu musculaire, même s’il n’est pas possible d’établir une corrélation définitive entre ces types de tissus et les concentrations observées en raison de la variabilité des résultats déclarés. En conséquence, bien que le poisson et les fruits de mer puissent représenter une source d’exposition aux toxines cyanobactériennes, la grande variabilité des données ne permet pas de quantifier de façon fiable l’exposition liée à ces sources (Autorité européenne de sécurité des aliments [EFSA], 2016).

Des concentrations tissulaires élevées de microcystines ont été rapportées chez le crabe (0,82 mg/kg, hépatopancréas), les crevettes (1,2 mg/kg, 55 mg/kg, hépatopancréas), l’escargot (2,3 mg/kg, sac viscéral), la carpe (137 mg/kg, intestin) et le tilapia (32 mg/kg) (Xie et coll., 2005; Chen et coll., 2006, 2007; Zimba et coll., 2006; Song et coll., 2007). Wilson et coll. (2008) ont enregistré une concentration maximale de microcystines dans le foie de 1,18 mg/kg, poids sec, dans la perchaude du lac Érié prélevée au cours d’une importante prolifération toxique de Microcystis.

De nombreux auteurs ont découvert que les microcystines s’accumulent moins dans les parties comestibles des organismes aquatiques, telles que les muscles (Xie et coll., 2005; Zimba et coll., 2006; Song et coll., 2007; Wilson et coll., 2008; Deblois et coll., 2011; Vareli et coll., 2012; Gutiérrez-Praena et coll., 2013). Dans une étude sur les microcystines dans l’eau et les poissons dans deux Grands Lacs tempérés (Érié et Ontario), les concentrations de microcystines les plus élevées dans les muscles des poissons qui ont pu être observées pour le lac Érié étaient associées au gaspareau (20,0–37,5 µg/kg) et au grand brochet (1,6–25,8 µg/kg); pour le lac Ontario, elles étaient associées au doré jaune (5,3–41,2 µg/kg), au bar blanc (4,2–27,1 µg/kg) et à l’achigan à petite bouche (1,5–43,6 µg/kg) (Poste et coll., 2011). Les concentrations de microcystines présentes dans les tissus musculaires de la perchaude prélevée pendant une prolifération toxique étaient inférieures en comparaison (0,12–0,02 ng toxine/g, poids sec [= µg/kg]) (Wilson et coll., 2008). Néanmoins, des concentrations de microcystines dans les tissus comestibles ont dépassé 0,1 µg/g pour le poisson, le crabe, les moules et les crevettes (Freitas de Magalhães et coll., 2001; Mohamed et coll., 2003; Xie et coll., 2005; Vareli et coll., 2012).

Xie et coll. (2005) ont étudié la répartition de la MC-LR et de la MC-RR dans divers poissons dans un lac propice aux proliférations importantes de Microcystis et de Dolichospermum (Anabaena). La concentration de microcystines totales dans des proliférations du lac Chaohu, en Chine, était de 240 µg/g, poids sec; par ailleurs, les concentrations maximales détectées chez les poissons étaient de 137 µg/g, poids sec, dans l’intestin d’une carpe argentée (104 µg/g de MC-RR + 33,3 µg/g de MC-LR) et les muscles d’un carassin (0,97 µg/g de MC-RR + 2,29 µg/g de MC-LR). De manière générale, la teneur en microcystines dans le foie et les muscles la plus élevée était observée chez les poissons carnivores, puis chez les poissons omnivores. La teneur la plus basse était observée chez les poissons planctonivores et herbivores (Xie et coll., 2005).

Dans une autre étude, des capucettes ont été exposées à Microcystis aeruginosa par leur alimentation (MC-LR : 1,3 µg/g masse corporelle, intégrée dans l’alimentation standard des poissons). La toxine s’est rapidement accumulée dans l’intestin et le foie, jusqu’à 22,9 µg/g et 9,4 µg/g de masse corporelle, respectivement. L’accumulation de la toxine était élevée dans les deux tissus au début de l’expérience, puis a diminué avec le temps (Bieczynski et coll., 2013).

Chez des poissons exposés, les concentrations tissulaires de microcystines ont diminué avec le temps grâce aux processus de désintoxication et de dépuration (Tencalla et Dietrich, 1997; Xie et coll., 2004; Mohamed et Hussein, 2006; Wood et coll., 2006; Gutiérrez-Praena et coll., 2013). De nombreux auteurs ont découvert que la bioaccumulation (absorption et concentration de toxines à partir de l’eau) se produit dans le réseau trophique, mais les données n’étaient pas suffisantes pour parler de bioamplification (absorption et concentration dans les organismes à des niveaux trophiques supérieurs par le biais des aliments) (Ibelings et coll., 2005; Xie et coll., 2005; Ibelings et Havens, 2008; Papadimitriou et coll., 2012). Les chercheurs ont également avancé qu’une biodilution pouvait être possible étant donné les observations relatives à la dépuration et à l’élimination des toxines dans des organismes (Ibelings et Havens, 2008; Poste et coll., 2011). Il a également été avancé que la biotransformation des microcystines par les organismes aquatiques en formes liées par covalence peut compliquer la mesure complète de la teneur en microcystines totales dans les tissus (Williams et coll., 1997; Wilson et coll., 2008; Dyble et coll., 2011). Toutefois, il a été reconnu que les formes liées ou conjuguées sont créées par l’entremise de processus de désintoxication et ne sont pas facilement absorbées par des organismes supérieurs (Wilson et coll., 2008).

Les données relatives à la détection d’autres cyanotoxines dans les aliments sont très limitées. Dans les tissus musculaires des poissons à nageoires qui ont été prélevés dans un réseau hydrographique tropical caractérisé par la dominance d’une prolifération toxique de Cylindrospermopsis tout au long de l’année, la cylindrospermopsine a été décelée à de faibles concentrations, soit comprises entre 0,09 et 1,26 µg/kg (Berry et coll., 2012). La concentration maximale de cylindrospermopsine accumulée dans les tissus des moules d’eau douce exposées à des concentrations comprises entre 14 et 90 mg/L pendant 16 jours était de 61,6 mg/g, poids sec (hémolymphe), de 5,9 mg/g, poids sec (viscères) et de 2,9 mg/g, poids sec (extraits du corps tout entier) (Saker et coll., 2004). Aucune concentration de cylindrospermopsine n’a été détectée dans les branchies ou dans les muscles adducteurs. Après une période de dépuration de deux semaines, environ 50 % de la toxine étaient encore présents dans les tissus (Saker et coll., 2004).

Il est difficile d’estimer l’exposition des humains aux microcystines présentes dans les poissons et les mollusques et crustacés. Il n’existe pas d’estimations largement admises de la consommation quotidienne moyenne de ces aliments pour les adultes et les enfants. La durée des expositions aux proliférations par le biais du réseau trophique peut aussi varier fortement selon les régions géographiques. Dans les lacs tempérés, la présence de microcystines, s’il y a lieu, serait plus fréquente lorsque les conditions météorologiques sont plus chaudes, ce qui limiterait l’exposition tout au long de l’année des humains se nourrissant d’organismes aquatiques provenant des plans d’eau sensibles aux proliférations cyanobactériennes. Les populations ayant accès à des sources de nourriture provenant de différents plans d’eau seraient également moins susceptibles d’être exposées (Poste et coll., 2011). De même, on considère que les populations des collectivités situées dans des lieux tropicaux qui subissent des proliférations cyanobactériennes persistantes tout au long de l’année, des populations qui dépendent de la pêche locale pour se nourrir et qui consomment souvent le poisson tout entier, risqueraient d’être bien plus exposées aux microcystines (Dyble et coll., 2011; Poste et coll., 2011). Une consultation des autorités compétentes constitue la meilleure démarche pour établir les valeurs guides concernant la contamination des aliments par les microcystines. Ces valeurs devraient tenir compte des données locales, le cas échéant, relativement à la fréquence et à l’ampleur de la contamination et des habitudes de consommation de poisson et de fruits de mer.

En ce qui concerne la préparation des aliments, les données liées aux effets des techniques de cuisson sur l’élimination des microcystines des aliments contaminés sont contradictoires. Sur le plan chimique, les microcystines sont stables à des températures élevées et peuvent tolérer plusieurs heures d’ébullition (Van Apeldoorn et coll., 2007). D. Zhang et coll. (2010) ont observé que les concentrations de microcystines étaient plus élevées dans les muscles bouillis que dans les muscles lyophilisés. On a donc avancé que l’ébullition pouvait avoir accéléré la libération de la toxine à partir des enzymes phosphatase (Gutiérrez-Praena et coll., 2013). D. Zhang et coll. (2010) ont également décelé des microcystines dans l’eau bouillie. Morais et coll. (2008) ont montré que le fait de mettre des moules au micro-ondes pendant une et cinq minutes permettait de réduire considérablement la teneur en microcystines dans les tissus, ce qui n’est pas le cas en les faisant bouillir pendant 5 à 30 minutes. Par contre, Guzmán-Guillén et coll. (2011) ont observé que la cuisson par ébullition, ébullition continue et micro-ondes pouvait réduire les concentrations de microcystines non conjuguées (non liées aux tissus des organismes) présentes dans les tissus musculaires du tilapia. Aucune information n’a été communiquée pour d’autres techniques, telles que le grillage ou la friture (Guzmán-Guillén et coll., 2011). Davantage d’études sont nécessaires pour confirmer l’efficacité des diverses procédures de cuisson dans la réduction des résidus de microcystines dans les organismes aquatiques.

Des plantes cultivées arrosées avec de l’eau contenant des cyanobactéries productrices de microcystines ont été étudiées et désignées comme une voie indirecte potentielle d’exposition humaine aux toxines cyanobactériennes. L’accumulation de microcystines dans les plantes et les légumes après une irrigation par aspersion avec de l’eau contaminée a été rapportée. Hereman et Bittencourt-Oliveira (2012) ont détecté dans les tissus de feuilles de laitues des concentrations de microcystines comprises entre 8,31 et 177,8 µg/kg après les avoir arrosées une fois par jour pendant 15 jours avec des solutions contenant la toxine à des concentrations allant de 0,62 à 12,5 µg/L. On a également décelé des microcystines dans les racines de colza, d’ivraie vivace, de laitue et de trèfle (plage moyenne : 0,12–1,45 mg/kg) et dans les pousses de trèfle et de laitue (plage moyenne : 0,20–0,79 mg/kg) à la suite d’un traitement avec de l’eau du lac ayant une concentration élevée de microcystines totales (1,6 mg/L) et contenant diverses variantes de microcystines (Crush et coll., 2008). J. Chen et coll. (2012) ont observé l’accumulation de MC-LR dans les grains de riz récoltés dans les champs longeant un lac reconnu comme étant constamment contaminé par des proliférations cyanobactériennes. Les données indiquaient que 11 des 21 échantillons positifs présentaient pour la MC-LR des valeurs supérieures à 1,0 µg/kg (J. Chen et coll., 2012). La MC-LR a été détectée dans des échantillons de racine de broccoli (0,9–2,9 ng/g) après les avoir arrosés avec de l’eau contenant 10 µg de MC-LR par litre sur une période allant de 19 à 20 jours (Järvenpää et coll., 2007). L’accumulation de la toxine variait fortement parmi le blé durum, les pois, les lentilles et le maïs après 30 jours d’irrigation avec de l’eau de surface contenant des microcystines (Saqrane et coll., 2009). Les concentrations de toxines dans les racines variaient de valeurs non détectables (durum) à une valeur élevée de 16,00 µg/g (lentille) après une irrigation à faible concentration (0,50 µg de MC-LR par millilitre), et de 16,66 µg/g (durum) à 190,85 µg/g (pois) après un traitement à forte concentration (4,20 µg de MC-LR par millilitre) (Saqrane et coll., 2009). Pour le grand public, l’exposition aux microcystines à partir de produits alimentaires contaminés devrait être faible (Dietrich et Hoeger, 2005). Toutefois, d’autres recherches sont nécessaires pour évaluer l’exposition alimentaire aux microcystines à partir des organismes alimentaires aquatiques. Certaines régions ou populations à l’échelle mondiale sont plus ou moins susceptibles d’être exposées aux toxines cyanobactériennes. Tout dépend, par exemple, de la vulnérabilité à la contamination des plans d’eau situés à proximité, de la composition génétique des proliférations cyanobactériennes et des tendances de consommation des aliments récoltés dans ces zones (Dietrich et Hoeger, 2005; Wilson et coll., 2008; Dyble et coll., 2011).

5.3 Produits de santé naturels

Les taxons de cyanobactéries (p. ex. Spirulina, Aphenizomenon) utilisés dans la fabrication commerciale des produits de santé naturels peuvent être cultivés à grande échelle dans des bioréacteurs, des étangs contrôlés ou de façon naturelle, dans des lacs naturels. Les proliférations d’Aphanizomenon récoltées pour la préparation de suppléments proviennent du milieu naturel et peuvent être contaminées par des espèces cyanobactériennes produisant des toxines. Une bonne partie des échantillons de Spirulina utilisés dans les suppléments proviennent de cultures, et l’on observe peu de contamination avec d’autres espèces toxiques; toutefois, une certaine contamination environnementale peut se produire (Jiang et coll., 2008; Heussner et coll., 2012). Une étude sur les suppléments à base de cyanobactéries offerts au Canada et ailleurs en Amérique du Nord a indiqué la présence de microcystines dans 83 de 85 produits, dont 72 % présentent des concentrations supérieures à 1 µg/g (Gilroy et coll., 2000). Les concentrations moyennes de microcystines dans les produits à base d’Aphanizomenon étaient comprises entre 0,43 et 10,89 µg/g, tandis que celles dans les produits à base de Spirulina variaient de 0,15 à 0,52 µg/g, et un échantillon contenait 2,12 µg/g (Gilroy et coll., 2000). Ortelli et coll. (2008) ont découvert que six échantillons sur neuf de suppléments à base d’Aphanizomenon flos-aquae contenaient la MC-LR et la MC-LA jusqu’à une concentration de 4 µg/g, tandis qu’aucun échantillon sur les dix à base de Spirulina ne contenait de microcystines. Selon Jiang et coll. (2008), 34 des 36 suppléments à base de Spirulina obtenus à partir de divers points de vente au détail en Chine ont révélé la présence de microcystines, à des concentrations comprises entre 2 et 163 ng/g (0,002–0,163 µg/g). Au Canada, l’homologation de produits de santé naturels contenant des cyanobactéries doit respecter la limite de tolérance d’un produit fini établie à 0,02 µg de MC-LR par kilogramme de poids corporel par jour, ou une limite de tolérance de matière brute d’une partie par million (Santé Canada, 2015).

6.0 Méthodes d’analyse

Les cyanobactéries sont un élément normal du phytoplancton aquatique; de nombreuses espèces sont présentes dans les eaux douces. Les cyanobactéries ont la capacité génétique de produire des cyanotoxines pouvant causer des effets nocifs sur la santé humaine (Funari et Testai, 2008). Une prolifération de cyanobactéries peut constituer un mélange d’espèces, qui peuvent ou non produire des toxines.

Les proliferations cyanobactériennes et les cyanobactéries posent un défi particulier pour les programmes de surveillance, car les exigences ne sont pas les mêmes que celles des modèles de surveillance des bactéries pathogènes et des substances chimiques toxiques (Chorus et Bartram, 1999). Il n’existe aucun lien direct entre le nombre de cellules dans la source d’eau et les concentrations de cyanotoxines. Le nombre de cellules ne doit être considéré que comme une indication de la possibilité de formation d’une prolifération et, en fin de compte, de la présence potentielle de toxines. Il est nécessaire de déterminer la quantité de microcystines totales présentes pour effectuer  une évaluation des risques pour la santé,

La surveillance du nombre de cellules ou les estimations relatives au biovolume, lorsqu’elles sont accompagnées de renseignements sur les toxines, peuvent aider à mieux comprendre les exigences du traitement, les besoins potentiels en matière d’ajustement pour les activités de l’usine et les efficacités en matière d’élimination.

Il existe d’autres ressources qui renferment de plus amples renseignements sur la conception et la mise en oeuvre des programmes de surveillance des cyanobactéries et de leurs toxines (Chorus et Bartram, 1999; Blais, 2008; AWWA, 2010; APHA et coll., 2012).

6.1 Détection et mesure des cyanobactéries dans la source d’eau

Les méthodes de laboratoire les plus courantes pour la surveillance des cyanobactéries consistent à dénombrer les cellules ou à calculer la biomasse, ainsi qu’à mesurer la quantité de pigments photosynthétiques tels que la chlorophylle-a (AWWA, 2010; Zamyadi et coll., 2012a).

Un dénombrement cellulaire peut être obtenu en prélevant un échantillon sur le terrain et en analysant une portion de cet échantillon au microscope à l’aide de chambres de numération spécialisées. Le dénombrement cellulaire a l’avantage d’être une méthode de numération directe qui fournit des renseignements sur l’identité des espèces cyanobactériennes présentes. L’inconvénient de cette méthode est qu’il est difficile, pour des personnes non formées, de fournir des dénombrements précis. Les cellules cyanobactériennes apparaissent sous des formes et des tailles variées (formes rondes à filamenteuses); des groupes de cellules peuvent exister sous forme de colonies denses ou de longs filaments et les populations peuvent être composées d’un mélange de ces types et groupes de cellules. La sollicitation d’un microscopiste formé ayant de l’expérience dans l’identification des cyanobactéries est préférable pour effectuer un dénombrement cellulaire. Le document intitulé Standard Methods for the Examination of Water and Wastewater (APHA et coll., 2012) contient des procédures concernant le dénombrement des cyanobactéries (telles que le phytoplancton) dans l’eau. Étant donné que la taille des cellules peut fortement varier d’une espèce à une autre et à l’intérieur d’une même espèce, et que la concentration de toxine est liée davantage à la quantité de matière cyanobactérienne plutôt qu’au nombre de cellules, les estimations relatives au biovolume sont souvent calculées comme une mesure plus idéale de la taille d’une population ou du potentiel de toxicité (Chorus et Bartram, 1999). Elles sont calculées à partir de valeurs de référence sur le volume cellulaire pour chacune des espèces présentes, multipliées par le nombre de cellules correspondant déterminé par le dénombrement cellulaire (Chorus et Bartram, 1999).

L’utilisation d’un imageur spectral des pigments photosynthétiques intracellulaires pour la détection d’algues et de cyanobactéries contenant de la chlorophylle est reconnue par les chercheurs en eau douce et marine depuis quelque temps (Chang et coll., 2012). Les méthodes traditionnelles d’analyse des pigments incluaient un processus quelque peu laborieux tel que la collecte d’échantillons, la filtration, l’extraction de pigments et l’analyse par absorption ou fluorescence (Chorus et Bartram, 1999). Des méthodes fondées sur la surveillance sur place de la fluorescence des pigments photosynthétiques ont été approuvées comme outil approprié permettant une estimation rapide de la biomasse cyanobactérienne aux arrivées d’eau de l’usine de traitement de l’eau potable (Gregor et coll., 2007; Izydorczyk et coll., 2009; AWWA, 2010; McQuaid et coll., 2011).

On utilise depuis longtemps les mesures de chlorophylle-a en tant qu’indicateur de substitution des valeurs de phytoplancton total. Puisque les cyanobactéries représentent une partie du phytoplancton total, des mesures liées à ce pigment ont également été utilisées en tant qu’indicateur grossier de la densité cyanobactérienne. L’analyse de la chlorophylle-a ne permet toutefois pas de distinguer les cyanobactéries d’autres types de phytoplancton dans des populations mixtes. Par conséquent, les méthodes de détection fondées sur ce pigment sont plus utiles lorsque les cyanobactéries dominent les dénombrements de phytoplancton total, ou lorsque la taxinomie de la population est vérifiée en même temps que les mesures liées aux pigments. Izydorczyk et coll. (2009) ont observé une corrélation statistiquement significative entre le biovolume cyanobactérien et la concentration de chlorlophylle-a mesurée par un analyseur à fluorescence en ligne à une arrivée d’eau potable locale lorsque le phytoplancton était dominé par l’espèce Microcystis aeruginosa. Ces résultats ont été utilisés par les chercheurs en vue d’établir des valeurs seuils à utiliser dans une méthode d’alerte rapide concernant les cyanobactéries à cette installation (Izydorczyk et coll., 2009).

En raison des limites de la chlorophylle-a en tant que paramètre de diagnostic des cyanobactéries, l’attention est portée sur la phycocyanine, car elle constitue le pigment accessoire photosynthétique le plus courant de la chlorophylle et il s’agit du pigment le plus précis présent dans les cellules cyanobactériennes (Cagnard et coll., 2006).

McQuaid et coll. (2011) ont montré l’utilité d’une sonde analysant la fluorescence émise par la phycocyanine à des fins de surveillance du biovolume des cyanobactéries à la prise d’eau d’une usine de traitement de l’eau potable. On a constaté une forte corrélation entre la fluorescence de la phycocyanine mesurée par la sonde et le biovolume des cyanobactéries (r = 0,68, p < 0,01); par ailleurs, les valeurs fournissaient une alerte appropriée du potentiel de cellules contenant la toxine à l’arrivée d’eau de l’usine. D’autres travaux accomplis par Zamyadi et coll. (2012a) à deux usines de traitement de l’eau potable du Québec reconnues comme étant vulnérables aux proliférations ont permis de confirmer l’utilité des sondes de phycocyanine pour l’évaluation rapide de la présence de cyanobactéries dans les sources d’eau potable. De même, d’autres groupes ont fait état de la mise en œuvre fructueuse de sondes analysant la fluorescence émise par la phycocyanie à des fins d’évaluation des cyanobactéries aux prises d’eau de l’usine de traitement de l’eau potable (Gregor et coll., 2007; Song et coll., 2013). Les chercheurs ont défini des scénarios qui pourraient contribuer aux interférences ou lectures erronées, notamment : forte proportion d’algues spécifiques contenant la phycocyanine, hauts niveaux de turbidité, stade de croissance et profondeur des cyanobactéries (Gregor et coll., 2007; McQuaid et coll., 2011; Chang et coll., 2012). On a donc insisté sur l’importance de l’étalonnage propre au site et de la surveillance complémentaire de la taxinomie et de la turbidité (McQuaid et coll., 2011; Chang et coll., 2012).

Puisque les méthodes en ligne pour les deux pigments se sont révélées efficaces, on a naturellement mis en avant le fait que la mise en place de sondes pour la phycocyanine et la chlorophylle-a aux arrivées d’eau potable améliorerait la précision de la surveillance et de la réponse en matière de gestion pour les sources d’eau potable dans lesquelles les proliférations découlant de multiples types de phytoplancton sont probables (Cagnard et coll., 2006; Zamyadi et coll., 2012a).

L’imagerie par télédétection satellite pour détecter le rayonnement de la chlorophylle-a et de la phycocyanine dans le développement des cyanobactéries a également été employée en tant qu’outil de suivi et de détection à grande échelle des proliférations. La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a commencé à surveiller les proliférations cyanobactériennes dans le lac Érié à l’aide de l’image satellite à haute résolution en 2008 (Wynne et coll., 2013). L’imagerie issue du spectromètre imageur à résolution moyenne (MERIS) à bord du satellite de l’Agence spatiale européenne (Envisat-1) fournit des données sur le lac Érié environ quatre à cinq fois par semaine. Les données découlant des images sont traitées au moyen d’algorithmes pour produire une valeur indice concernant les cyanobactéries, et les prévisions relatives au mouvement des proliférations sont établies en utilisant des modèles hydrodynamiques spécialement mis au point. Ces prévisions sont ensuite communiquées sous forme de bulletins aux principaux agents de l’environnement et de la santé et aux gestionnaires des services d’eau potable (Wynne et coll., 2012). Wheeler et coll. (2012) ont également produit un rapport qui témoigne de l’utilité de l’imagerie MERIS d’Envisat en association avec des algorithmes pour la récupération de données et la correction atmosphérique en vue de produire des évaluations appropriées des proliférations cyanobactériennes dans la baie Missisquoi du lac Champlain (Vermont).

Jusque-là, des obstacles ont gêné l’intégration de la télédétection aux programmes actuels de suivi de la qualité de l’eau. Le nombre de détecteurs à bord de satellite utilisés à cette fin est faible et en raison des limites relatives aux capteurs, la détection convient principalement aux proliférations importantes dans les grands plans d’eau. Néanmoins, pour certaines installations et autorités, cette technologie peut constituer une méthode d’alerte rapide capable d’appuyer fortement la gestion de la qualité de l’eau et la protection de la santé publique (Wheeler et coll., 2012).

6.2 Détection et mesure des microcystines

La surveillance des sources d’eau potable visant à évaluer la présence de cyanotoxines peut être difficile, car les proliférations cyanobactériennes peuvent contenir des mélanges complexes de microcystines ainsi que d’autres catégories de cyanotoxines (Spoof et coll., 2003; Kaushik et Balasubramanian, 2013). De plus, aucune méthode unique ne permet de déterminer et de quantifier simultanément l’ensemble des différents types de toxines et leurs variantes (Merel et coll., 2013). Cette section met l’accent sur les méthodes d’analyse qui permettent de mesurer les microcystines. Les rapports publiés par Nicholson et Burch (2001), Meriluoto et Codd (2005), Westrick et coll. (2010a), de la Cruz et coll. (2013) et Kaushik et Balasubramanian (2013) fournissent des renseignements détaillés sur l’analyse d’autres cyanotoxines, notamment la cylindrospermopsine et l’anatoxine-a.

Au cours des dix dernières années, des recherches détaillées ont été effectuées sur l’analyse des microcystines et ont ensuite fait l’objet de plusieurs rapports et documents (Nicholson et Burch, 2001; Spoof, 2005; Msagati et coll., 2006; Westrick et coll., 2010a; Kaushik et Balasubramanian, 2013; Merel et coll., 2013). Toutefois, l’analyse des microcystines dans l’eau potable reste un domaine de recherche continue et seules deux méthodes ont été publiées par les organismes d’élaboration des normes ou gouvernementaux (ISO, 2005; Shoemaker et coll., 2015). On reconnaît le besoin de mettre en place une approche normalisée, des procédures normalisées d’exploitation et des directives concernant le contrôle de la qualité (Meriluoto et Codd, 2005; Papageorgiou et coll., 2012). La disponibilité limitée des normes certifiées pour la quantification précise des microcystines complique davantage leur analyse (Fastner et coll., 2002). Pour ces raisons, des analyses de microcystines devraient être exécutées par un laboratoire accrédité; ou alors, les responsables des services d’alimentation en eau devraient discuter de manière approfondie de la méthodologie ainsi que de l’assurance de la qualité et du contrôle de la qualité (AQ/CQ) du laboratoire choisi pour mener les analyses.

Les méthodes d’analyse des microcystines actuellement utilisées dans les laboratoires commerciaux et de recherches comprennent :

  • ELISA;
  • l’analyse physico-chimique par séparation chromatographique (c.-à-d. méthodes chromatographiques en phase liquide telles que la chromatographie en phase liquide à haute performance [CPLHP] ou la chromatographie en phase liquide à ultra-haute performance [CLUHP]) et la détection par absorption des rayons UV (détecteur à réseau de photodiodes) ou par spectrométrie de masse en tandem (SM/SM); et
  • les tests d’inhibition de la protéine phosphatase (PPIA).

De manière générale, la surveillance des microcystines constitue une procédure en plusieurs étapes composée d’une évaluation initiale des échantillons à l’aide de méthodes biochimiques, notamment les épreuves ELISA et les tests PPIA, avec une partie des échantillons analysée grâce à une méthode physico-chimique (p. ex. CPL-SM/SM). L’utilisation de méthodes de détection peut produire des résultats rentables et plus rapides pouvant appuyer la prise de décision pendant les proliférations cyanobactériennes, mais elles ne s’appliquent pas à l’identification et à la quantification des microcystines individuelles (Spoof, 2005; Nicholson et coll., 2007; Triantis et coll., 2010; Papageorgiou et coll., 2012; He et coll., 2016). Lorsque des microcystines sont détectées dans la source d’eau ou dans l’eau potable, une portion des échantillons ultérieurs devrait être analysée à l’aide d’une méthode physico-chimique (p. ex. CPL-SM/SM) afin que les variantes prédominantes dans une prolifération puissent être identifiées et quantifiées, et que les faibles concentrations de microcystines puissent être mesurées. Comme cela est indiqué à la section 6.8, en fonction du type et de la quantité de variantes présentes dans l’échantillon, il est possible que les résultats des analyses biochimiques ne soient pas directement comparables aux résultats des analyses physico-chimiques (Graham et coll., 2010). Toutefois, on considère que les données obtenues à partir de différentes méthodes sont complémentaires et qu’elles peuvent être utilisées pour mieux comprendre la nature d’une prolifération, le rendement de l’usine de traitement, et pour déterminer lorsque de faibles concentrations (< 0,4 µg/L) de microcystines sont présentes (Spoof et coll., 2005, Triantis et coll., 2010). Loftin et coll. (2010a, 2010b) fournissent des renseignements détaillés sur la comparaison des données obtenues au moyen des méthodes ELISA et de CPL‑SM/SM.

En raison de l’absence de normalisation de la majorité des méthodes utilisées pour analyser les microcystines, on ne dispose d’aucune donnée statistique qui permettrait de déterminer le niveau pratique d’évaluation quantitative (NPEQ) qu’une grande variété de laboratoires peut atteindre. À des fins de production de rapports, les laboratoires utilisent généralement une limite de quantification (LQ) ou un seuil minimal de niveau à rapporter (SMNR) pour indiquer la concentration la plus basse d’un analyte pouvant être établie avec un niveau acceptable d’exactitude et de précision. Les laboratoires rapportent souvent les limites de détection de la méthode (LDM) représentant la concentration minimale d’un analyte pouvant être mesurée et dont on peut dire en toute confiance qu’elle est supérieure à zéro. Les LQ et les LDM varieront selon le laboratoire et la méthode d’analyse. Toutefois, elles peuvent être utiles lorsqu’on détermine s’il est possible d’utiliser une méthode d’analyse précise à des fins d’analyse de la conformité ou de prise de décisions.

Le cas échéant, les LQ et les LDM des méthodes d’analyse des microcystines mentionnées dans les études scientifiques sont fournies dans les sections pertinentes ci-dessous. Grâce au traitement préalable approprié de l’échantillon, les LQ de la plupart des méthodes de laboratoire indiquées (à l’exception de l’analyse par CPLHP-UV et des trousses d’analyse sur le terrain) varient de 0,05 à 0,4 µg/L. Les limites de détection sont comprises entre 0,002 et 0,1 µg/L. Dans l’ensemble, la plupart des méthodes d’analyse permettent de mesurer des concentrations de microcystines de 0,4 µg/L ou plus. Il devrait donc être possible de déterminer si les microcystines sont présentes dans l’eau potable dans des concentrations égales à la concentration maximale acceptable pour les services publics d’eau potable.

Pour comparer la concentration de microcystines présentes dans un échantillon à la concentration maximale acceptable, il faut déterminer la concentration de microcystines totales. La concentration de microcystines totales représente la somme des variantes de microcystines mesurables qui sont dissoutes dans l’eau (extracellulaires) et qui sont liées à l’intérieur des cellules cyanobactériennes (intracellulaires). Les deux formes de microcystines peuvent être présentes dans l’eau brute et dans l’eau traitée (Zamyadi et coll. 2012a). Il n’existe aucune méthode d’analyse adaptée au dosage de toutes variantes de microcystines. Le groupe des microcystines à lui seul compte plus de 80 variantes possibles, dont seulement quelques‑unes sont disponibles sous forme d’étalons certifiés (Weller et coll., 2013). Il existe plusieurs méthodes de détection des microcystines, chacune comportant ses propres avantages et inconvénients. Une comparaison des méthodes est fournie à la section 6.8. Il convient de noter que les méthodes biochimiques, telles que les méthodes ELISA et PPIA ne font pas la distinction entre les variantes individuelles. Comme la courbe d’étalonnage utilisée pour ces méthodes est généralement fondée sur la variante MC-LR, la concentration mesurée est une concentration approximative des microcystines totales et est indiquée en microgrammes par litre d’équivalents MC-LR (µg/L MC-LRéquiv.. À l’opposé, le test de CPL-SM/SM s’appuie sur l’utilisation des étalons disponibles pour quantifier individuellement chaque variante. Il faut ensuite faire la somme de la concentration de chaque variante pour obtenir la concentration mesurable de microcystines totales (Loftin et coll., 2010b). Il n’est pas recommandé de faire une comparaison directe des résultats obtenus au moyen des méthodes ELISA et CPL-SM/SM sans avoir converti au préalable les données obtenues par CPL-SM/SM en raison de la réactivité croisée des variantes détectées lorsque les résultats sont pris individuellement, c’est-à-dire avant la somme des concentrations de toutes les variantes (Loftin et coll., 2008). Les services publics devraient confirmer les méthodes de laboratoire utilisées pour le traitement et l’analyse des échantillons afin de s’assurer que la concentration de microcystines totales (tel qu’indiqué ci-dessus) est mesurée.

6.3 Préparation d’échantillons

Les procédures utilisées pour la collecte et la préservation des échantillons à des fins d’analyse des microcystines varient en fonction du type d’eau (eau brute ou eau potable traitée), du type de données analytiques requises (concentration de microcystines totales et dissoutes) et de la méthode utilisée à des fins d’analyse. Les responsables des services d’alimentation en eau devraient obtenir des instructions précises du laboratoire concernant la collecte, la préservation et l’expédition des échantillons. Des recommandations générales sur la collecte et la préservation des échantillons sont fournies dans les rapports rédigés par Nicholson et Burch (2001), Metcalfe et coll. (2005), Graham et coll. (2008) et Newcombe (2009). Les considérations devraient inclure la manière dont les échantillons sont prélevés (p. ex. ponctuels, composite, profondeur discrète), la préservation des échantillons (p. ex. antimicrobien, déchloration, étouffement ou liaison des agents d’inhibition), ainsi que l’entreposage et l’expédition (p. ex. température, durée de conservation). De manière générale, les échantillons destinés à l’analyse des microcystines devraient être recueillis dans des bouteilles en verre ambré, car il a été prouvé que le polypropylène adsorbait les microcystines (Graham et coll., 2008). La préservation des échantillons est aussi un facteur important à considérer pour les échantillons d’eau brute et d’eau potable traitée, car les microcystines subissent une dégradation microbienne et photochimique. L’ajout d’un produit chimique antimicrobien peut être nécessaire et les échantillons doivent être entreposés dans un lieu sombre et froid. L’analyse de l’eau potable traitée requiert également la préservation de l’échantillon en raison de l’oxydation potentielle des microcystines ou des interférences des désinfectants. Des études ont indiqué que certaines microcystines sont détruites en présence de chlore et que l’utilisation d’extincteurs de luminescence est nécessaire (Ho et coll., 2006a; Froscio et coll., 2010). Toutefois, il faut faire attention lorsqu’on ajoute des extincteurs de luminescence aux échantillons, car Froscio et coll. (2010) ont découvert que le thiosulfate de sodium, le sulfite de sodium et la taurine influaient tous sur l’analyse effectuée par le biais d’une épreuve ELISA, tandis que l’acide ascorbique n’avait pas d’incidence sur les résultats de l’essai.

L’analyse des microcystines requiert généralement une grande préparation de l’échantillon dans le laboratoire, qui dépendra de la forme des microcystines (totales, intracellulaires ou dissoutes), des variantes à analyser et de la méthode d’analyse précise à utiliser. D’une manière générale, la préparation de l’échantillon comprend au moins une des étapes suivantes : concentration cellulaire, lyse des cellules, extraction et concentration des microcystines et nettoyage (Nicholson et Burch, 2001; Westrick et coll., 2010a). Les méthodes analytiques actuelles sont capables de mesurer uniquement les microcystines dissoutes. Ainsi, en déterminant les concentrations de microcystines totales, la préparation de l’échantillon doit inclure la lyse des cellules et l’extraction de manière à ce que les toxines intracellulaires puissent être quantifiées. Il a été montré que l’efficacité des processus utilisés pour la préparation de l’échantillon, notamment l’extraction et la concentration, variait fortement selon le laboratoire et que cela pouvait influer sur la précision de la quantification des microcystines dans un échantillon (Lawton et Edwards, 2001; Fastner et coll., 2002). En conséquence, il est important que les autorités responsables veillent à ce que les laboratoires valident les méthodes choisies pour la préparation des échantillons.

Tel qu’indiqué ci-dessus, une analyse des microcystines totales est nécessaire à des fins de comparaison avec la recommandation. Lorsqu’un traitement est nécessaire pour éliminer les microcystines, les services d’eau doivent aussi connaître les quantités présentes dans les formes intracellulaires et dissoutes (extracellulaires). Cette information aidera les services d’eau à ajuster les procédés de traitement ou à déterminer si un traitement supplémentaire est nécessaire. Si tel est le cas, deux échantillons devraient être prélevés. L’un doit être traité à des fins d’analyse des microcystines totales et l’autre doit être filtré en laboratoire ou sur place, puis analysé pour déceler les microcystines dissoutes (extracellulaires). Les échantillons doivent être filtrés avec soin pour ne pas trop endommager les cellules, de façon à ce que la concentration de microcystines présente dans le filtrat soit représentative de la fraction dissoute. La concentration intracellulaire est la différence entre les concentrations de microcystines totales et dissoutes.

6.3.1 Extraction des microcystines intracellulaires

L’extraction des microcystines intracellulaires commence par l’isolation et la concentration des cellules par filtration ou centrifugation. Les parois des cellules doivent ensuite être rompues ou lysées afin d’exposer les microcystines intracellulaires. La lyse des cellules peut se faire par diverses méthodes, notamment : gel-dégel séquentiel, lyophilisation, homogénéisation mécanique ou sonique, ébullition, autoclavage ou extraction chimique ou enzymatique (Lawton et coll., 1994; Spoof, 2005; Sangolkar et coll., 2006; Westrick et coll., 2010a). Les processus de lyophilisation et de gel-dégel sont les méthodes les plus couramment rapportées pour la lyse des cellules. Toutefois, les ouvrages ne s’accordent pas sur la méthode la plus efficace (Spoof, 2005; Westrick et coll., 2010a). Rapala et coll. (2002) ont observé qu’une grande quantité de cellules intactes étaient présentes à la suite de plusieurs cycles de gel-dégel et sonication en bain, et que le chauffage à 50 °C interférait avec les analyses ultérieures effectuées à l’aide de tests PPIA. Les résultats ont indiqué que la sonication par sonde était la méthode la plus efficace pour rompre les cellules et libérer les toxines. D’autres chercheurs ont également indiqué que le processus de gel-dégel suivi d’une sonication par sonde représente la méthode la plus efficace pour rompre les cellules pour libérer les microcystines, mais ont averti qu’une utilisation prolongée des sonicateurs peut entraîner l’évaporation ou la dégradation des microcystines (Ramanan et coll., 2000; Spoof et coll., 2003). En outre, un ensemble breveté d’agents réactifs a été mis au point pour entraîner rapidement la lyse des cellules cyanobactériennes. Loftin et coll. (2008) ont comparé l’utilisation d’une trousse de lyse offerte sur le marché et de la méthode de gel-dégel séquentiel avec la méthode ELISA sur microplaques et la CPL-SM/SM. L’étude a permis d’établir qu’il n’y avait aucune différence statistiquement significative entre les techniques de lyse des cellules pour déterminer les concentrations de microcystines dans les eaux naturelles. En revanche, Aranda-Rodriguez et Jin (2011) ont estimé qu’un agent de lyse offert sur le marché utilisé sur des échantillons analysés à l’aide d’une trousse de tests PPIA a provoqué des interférences et n’a pas pu être utilisé sur des échantillons d’eau naturelle.

Une fois la lyse des cellules terminée, les microcystines doivent être extraites à des fins d’analyse, en utilisant des solvants typiques tels que l’acide dilué, le méthanol aqueux, les méthodes acidifiées méthanol/eau et les mélanges butanol/méthanol/eau (Harada et coll., 1988, 1996; Lawton et coll., 1994; Fastner et coll., 1998; Spoof et coll., 2003; Barco et coll., 2005). On a constaté que l’efficacité de l’extraction variait en fonction du type de solvant, de l’hydrophobicité de la variante, de la teneur en eau des cellules (lyophilisées par rapport à congelées) et des différences entre les échantillons prélevés sur le terrain et les cultures en laboratoire (Lawton et coll., 1994; Fastner et coll., 1998; Lawton et Edwards, 2001; Barco et coll., 2005). Lawton et coll. (1994) ont noté que l’efficacité de l’extraction des variantes MC-LR, MC-LY, MC-LW, MC-LF et MC-RR était convenable en utilisant du méthanol ou un mélange butanol/méthanol/eau, mais que 5 % d’acide acétique n’était pas efficace, en particulier pour les variantes plus hydrophobes (p. ex. MC-LW). Fastner et coll. (1998) ont découvert que l’utilisation de 75 % de méthanol ou que des extractions séquentielles avec, en premier lieu, du méthanol, puis de l’eau, constituait la méthode la plus efficace d’extraire les cyanobactéries lyophilisées des échantillons prélevés sur le terrain. Spoof et coll. (2003) ont noté que l’utilisation de 75 % de méthanol s’est également avérée efficace sur les échantillons soumis à un processus de gel-dégel. Barco et coll. (2005) ont étudié l’efficacité de différents solvants, du pH, du volume et du moment sur l’extraction de diverses microcystines. Les résultats ont indiqué que la sonication avec du méthanol acidifié (pH 2) était la méthode la plus rapide et la plus efficace pour effectuer une analyse de routine d’une grande variété de microcystines intracellulaires. Des recherches ont également été réalisées pour optimiser l’extraction des microcystines intracellulaires lorsque l’analyse était faite à l’aide d’un test PPIA. Le protocole le plus efficace était une filtration effectuée à l’aide d’un filtre en nylon, suivie d’un processus d’extraction avec 80 % de méthanol, 0,1 % d’acide trifluoroacétique et 0,1 % de Tween 20® (polyoxyéthylène de sorbitanne monostéarate) en remuant pendant 30 minutes. Cette étude n’a pas évalué les méthodes d’extraction visant les méthodes physico-chimiques telles que la technique de CPL-SM/SM (Sevilla et coll., 2009).

Les variations dans l’efficacité de l’extraction influent sur la quantification précise des microcystines totales. Fastner et coll. (2002) ont dirigé une étude interlaboratoire internationale visant à comparer les méthodes d’analyse des microcystines. Les résultats ont indiqué que le caractère reproductible de l’analyse des échantillons prélevés sur le terrain était beaucoup plus faible que celui de la solution standard. En outre, plusieurs laboratoires ont découvert 1,5 à 3 fois plus de microcystines totales que d’autres laboratoires pendant l’analyse des échantillons prélevés sur le terrain. Les auteurs ont conclu que cette variabilité était en partie due aux variations dans l’efficacité de l’extraction entre les laboratoires, en particulier pour les variantes autres que la MC-LR (Fastner et coll., 2002). Étant donné les variations dans la lyse des cellules et l’efficacité de l’extraction dont il est question ci-dessus, les autorités responsables devraient s’assurer que les méthodes appropriées sont utilisées dans le laboratoire en fonction du type d’échantillon, de la méthode d’analyse choisie et des microcystines étudiées (Lawton et Edwards, 2001).

6.3.2 Concentration et nettoyage

Lorsque les concentrations sont faibles, il est impossible de déterminer les microcystines dissoutes, et une analyse préalable de la concentration peut être requise pour les analyses physico-chimiques. Plus particulièrement, l’analyse par CPLHP-UV nécessite une préconcentration afin d’atteindre les limites de détection située dans la fourchette de microgrammes et nanogrammes par litre. Généralement, les échantillons d’analyse des microcystines dissoutes sont filtrés ou centrifugés pour éliminer les cellules et les particules; un processus de lyophilisation, d’extraction en phase solide et de chromatographie d’immunoaffinité doit être exécuté pour concentrer les échantillons libres de particules (Westrick et coll., 2010a).

Lors de l’extraction en phase solide, l’échantillon passe dans une cartouche qui adsorbe les microcystines, lesquelles sont ensuite éluées de la cartouche à l’aide de solvants tels que le méthanol. Ce processus peut être utilisé pour concentrer les microcystines et éliminer efficacement les interférences. Les silices liées à un alkyle sont couramment utilisées dans les cartouches et plusieurs sont offertes sur le marché (Nicholson et Burch, 2001; Westrick et coll., 2010a). L’efficacité de l’extraction varie en fonction du type de cartouche, de la matrice d’échantillons et des microcystines présentes, ce qui constitue une des limites de l’extraction en phase solide (ISO, 2005; Spoof, 2005). De manière générale, les rapports indiquent que l’efficacité de l’extraction de la MC-LR est élevée (75–85 %), tandis que le pourcentage de récupération des variantes plus hydrophobes, telles que la MC-LA et la MC-LW, serait moins élevé (Lawton et coll., 1994; Papageorgiou et coll., 2012). Papageorgiou et coll. (2012) ont évalué la performance de plusieurs cartouches d’extraction en phase solide offertes sur le marché dans l’analyse de la concentration de MC-LR et ont observé que les cartouches marquées au C18 et à base de polymère étaient les plus efficaces. Selon certains rapports, les cartouches d’immunoaffinité donneraient des extraits bien plus propres, sans interférences, et un pourcentage de récupération élevé par rapport à une cartouche C18 d’extraction classique en phase solide, ce qui permet une meilleure détection et une meilleure identification des microcystines (Kondo et coll., 2000; Aranda-Rodriguez et coll., 2003). Toutefois, ces colonnes sont limitées par les quantités et la stabilité des anticorps nécessaires pour les colonnes (Spoof, 2005).

Un autre facteur à considérer est que beaucoup des cartouches C18 permettent également d’extraire la matière organique présente dans l’eau, ce qui peut interférer avec la séparation chromatographique des microcystines (Nicholson et Burch, 2001). De plus, la présence de matière organique peut également entraîner une suppression ou un renforcement des ions quand la méthode de CPL-SM est utilisée et d’autres problèmes de quantification avec l’analyse par CPLHP-UV (Nicholson et Burch, 2001). Tsuji et coll. (1994) ont élaboré une méthode en deux étapes, avec une technique d’extraction en phase solide sur une cartouche C18, puis avec une cartouche de gel de silice pour minimiser les interférences. Il a également été démontré que les sorbants de polymère non polaires pouvaient concentrer efficacement les microcystines présentes dans l’eau (Rapala et coll., 2002).

Aucun consensus n’a été atteint en ce qui concerne la méthode la plus efficace pour préparer les échantillons de microcystines à des fins d’analyse (extraction, concentration et séparation). Cela est dû aux différents objectifs des analyses d’échantillons, comme l’analyse de seulement une ou deux microcystines par rapport à la caractérisation de plusieurs microcystines présentes dans un échantillon (Lawton et Edwards, 2001). Il est essentiel que les laboratoires valident les méthodes choisies pour assurer la récupération adéquate des microcystines.

6.4 Essais immunobiologiques et biochimiques

Plusieurs essais immunobiologiques et biochimiques ont été mis au point afin de déterminer les microcystines dans l’eau. Ces méthodes sont largement utilisées à titre d’outils d’examen préalable pour estimer les concentrations de microcystines totales dans l’eau potable, car elles sont rapides, relativement non coûteuses et ne nécessitent pas une grande expertise d’analyse (Codd et coll., 2001; Metcalf et Codd, 2003; Spoof, 2005; Nicholson et coll., 2007; Westrick et coll., 2010a). Les deux essais les plus couramment utilisés pour l’identification des microcystines sont l’épreuve ELISA et les tests PPIA, offerts sur le marché sous forme de trousses. Si les services d’alimentation en eau choisissent d’effectuer des analyses à l’usine de traitement, on recommande à un technicien ou à un analyste bien formé de réaliser les analyses et d’envoyer régulièrement des échantillons analysés en double à un laboratoire accrédité pour confirmer les analyses faites sur place.

6.4.1 Épreuves immunoenzymatique

Des immunoessais ont été mis au point pour détecter les microcystines dans un échantillon par la reconnaissance et la liaison d’un anticorps (isolé d’une microcystine) avec les antigènes (p. ex. microcystines) présents dans l’échantillon. Divers anticorps ont été isolés de la MC-LR (Chu et coll., 1989; Nagata et coll., 1995) et de la MC-RR (Young et coll., 2006), et des fragments d’anticorps recombinants (McElhiney et coll., 2000) et des anticorps ont été isolés de l’acide aminé Adda, une composante courante des microcystines (Fisher et coll., 2001; Zeck et coll., 2001). Ces anticorps ont été intégrés aux divers systèmes ELISA en tant que méthodes de laboratoire internes (Chu et coll., 1990; An et Carmichael, 1994; Nagata et coll., 1997; Metcalf et coll., 2000a; Fisher et coll., 2001; Zeck et coll., 2001; Kim et coll., 2003; Young et coll., 2006; Sheng et coll., 2007). Des trousses ELISA offertes sur le marché contenant tous les agents réactifs nécessaires pour les analyses ont également été créées. Plusieurs rapports ont été publiés et fournissent des renseignements sur le type d’épreuve ELISA, le type d’anticorps et l’antigène cible, ainsi que les limites de détection des trousses d’épreuves ELISA offertes sur le marché (Nicholson et coll., 2007; Westrick et coll., 2010a; Weller, 2013).

Les méthodes ELISA se sont révélées très sensibles pour la détection des microcystines, elles sont rapides, facilement accessible et n’ont pas besoin d’une étape de préconcentration. Elles sont cependant considérées être semi-quantitatives puisqu’elles ne sont pas spécifiques et qu’elles ne peuvent pas identifier ou quantifier les diverses variantes de microcystines présentes dans un échantillon. En outre, les méthodes ELISA présentent divers degrés de réactivité croisée, et par conséquent produisent des résultats différents, selon les anticorps utilisés dans les systèmes et les variantes présentes dans l’échantillon. Tel que déjà discuté, la concentration de microcystines est déterminée en comparant les résultats de l’échantillon avec ceux des standards de calibration fournis ou à une courbe de calibration basée sur la MC-LR.  Les résultats des épreuves ELISA sont donc présentés sous forme d’équivalents de la MC-LR (MC-LRéquiv.). La  précision des méthodes dépendra des microcystines présentes, du genre d’anticorps utilisé et de son niveau de réactivité, du nombre et portée des standards utilisés pour la calibration et de la sensibilité de l’échantillon aux interférences (Nicholson et Burch, 2001; McElhiney et Lawton, 2005).

La capacité des épreuves ELISA à analyser correctement les microcystines dépend de la capacité des anticorps utilisés dans le système à reconnaître l’ensemble, ou une bonne partie, des microcystines présentes dans l’échantillon (McElhiney et Lawton, 2005). Il a été montré que la réactivité croisée avec les différentes variantes établie grâce aux divers systèmes ELISA de laboratoire internes variait fortement (Chu et coll., 1990; An et Carmichael, 1994; Nagata et coll., 1995; Fisher et coll., 2001; Rapala et coll., 2002; Nicholson et coll., 2007). Par exemple, Young et coll. (2006) ont fait état d’une réactivité croisée de 37 % avec la MC-RR à l’aide d’un anticorps polyclonal isolé de la MC-LR, contre 96 % d’après Zeck et coll. (2001), qui utilisent des anticorps ciblés isolés des microcystines contenant une arginine en position 4. En comparaison, Zeck et coll. (2001) ont rapporté une faible réactivité croisée avec la MC-LA, tandis que Metcalf et coll. (2000a) ont indiqué une forte réactivité croisée avec la MC-LA.

Les trousses ELISA sur microplaques offertes sur le marché fournissent un tableau sur la réactivité croisée avec certaines des variantes (p. ex. MC-LR, MC-RR, MC-YR) que l’on retrouve couramment dans l’eau. La réactivité varie de 50 à 85 % pour la MC-RR, de 35 à 181 % pour la MC-YR et de 10 à 124 % pour la MC-LA (Loftin et coll., 2008, 2010a, 2010b). Nicholson et coll. (2007) ont réalisé une étude indépendante sur la réactivité croisée des trousses ELISA offertes sur le marché. Les résultats étaient variables. Certaines trousses ont pu mesurer correctement la MC-RR et la MC-LA, mais pas la MC-YR, tandis que d’autres ont pu mesurer la MC-RR et la MC-YR, mais pas la MC-LA. Les auteurs ont conclu qu’étant donné la variabilité potentielle des variantes selon les échantillons et la différence dans la réactivité croisée avec les variantes, l’épreuve ELISA est moins précise que les méthodes instrumentales telles que la CPL-SM/SM.

Des trousses ELISA commerciales ciblant l’acide aminé Adda ont été mises au point. Le fondement de cette méthode réside dans le fait que, puisqu’Adda est une composante commune des microcystines, les anticorps sélectifs d’Adda devraient réagir à de multiples variantes, produits de dégradation et précurseurs de microcystines et de nodularines (ainsi qu’à d’autres toxines inconnues contenant l’acide aminé Adda) (Graham et coll., 2010; Weller et coll. 2013). Loftin et coll. (2010a) ont indiqué que la réactivité croisée de huit variantes communes était moins variable au moyen d’une épreuve ELISA ciblant l’Adda qu’au moyen de trousses ciblant les anticorps monoclonaux ou les anticorps spécifiques de la variante MC-LR. Dans une enquête sur la détection des microcystines dans des échantillons provenant de sources d’eau potable de l’Ohio faisant appel à des techniques d’analyse multiples, une trousse ELISA de détection des anticorps polyclonaux Adda offerte sur le marché a été sélectionnée pour sa capacité élargie de détection des microcystines (Foss et Aubel, 2015). L’EPA de l’Ohio (2014) a publié une méthode de détection des microcystines en utilisant une épreuve ELISA ciblant l’Adda. De même, dans une comparaison de cinq trousses ELISA offertes sur le marché, Loftin et coll. (2010a) ont signalé que l’épreuve ELISA ciblant l’Adda concordait avec les résultats de la technique de CPL‑SM/SM pour les échantillons de laboratoire contenant huit variantes de microcystines (Loftin et coll., 2010a).

Les LDM de la MC-LR à l’aide des méthodes ELISA de laboratoire internes dont il est question dans les ouvrages varient de 0,01 à 0,5 µg/L (Chu et coll., 1990; An et Carmichael, 1994; Metcalf et coll., 2000a; Pyo et coll., 2005; Young et coll., 2006). Zeck et coll. (2001) et Linder et coll. (2004) ont élaboré des méthodes plus sensibles avec des LDM variant de 4 à 8 ng/L à l’aide d’un anticorps monoclonal spécifique isolé des microcystines contenant une arginine en position 4. Nicholson et coll. (2007) et Weller (2013) ont fait état des LDM de plusieurs trousses ELISA de laboratoire offertes sur le marché, celles-ci variant de 0,04 à 0,2 µg/L pour la MC-LR. Young et coll. (2006) ont rapporté une LQ de 0,31 nM (0,31 µg/L) et Fisher et coll. (2001) ont indiqué une limite de quantification de 0,05 µg/L pour la microcystine à l’aide des méthodes ELISA de laboratoire internes. Les trousses ELISA sur microplaques offertes sur le marché ont généralement des fourchettes de quantification comprises entre 0,2 µg/L (limite de quantification) et la limite supérieure de 5 µg/L (Nicholson et coll., 2007; Westrick et coll., 2010a). Deux trousses ELISA sur microplaques de haute sensibilité pouvant être utilisées pour analyser l’eau potable ont été lancées sur le marché. Ces trousses ont des LDM allant de 0,04 µg/L à 0,05 µg/L (Weller, 2013). Il convient de noter que la plupart des trousses ELISA de laboratoire sur microplaques offertes sur le marché ont des limites de détection comprises entre 0,15 et 0,2 µg/L; par conséquent, si des limites de détection plus basses sont nécessaires, des trousses de haute sensibilité doivent être utilisées pour l’analyse.

Plusieurs études ont permis d’établir que les contaminants de l’eau naturellement présents, tels que les matières organiques, les métaux et les sels, ainsi que des produits chimiques utilisés pour la préservation ou la préparation des échantillons, peuvent interférer avec les résultats obtenus à l’aide d’une épreuve ELISA (Metcalf et coll., 2000a; Rapala et coll., 2002; Froscio et coll., 2010, de la Cruz et coll., 2012). De la Cruz et coll. (2012) ont observé, à l’aide d’une trousse ELISA sur microplaques, qu’un faible pH (< 3) ou la présence de 250 µg/mL de calcium ou de magnésium, de 0,01 % d’acide ascorbique ou de 0,10 % d’un agent de chélation EDTA empêchait la détection de la MC-LR. La présence de ces contaminants a inhibé de 15 à 59 % la détection de 0,75 ng/mL (µg/L). Les auteurs ont également affirmé que les différentes sources de matières organiques naturelles à des concentrations comprises entre 1 et 50 µg/mL n’ont pas influé sur le système de microplaques; toutefois, elles ont interféré avec la détection de la MC-LR. Dans l’ensemble, l’augmentation des quantités (1–50 µg/mL) de matière organique naturelle a entraîné une inhibition plus importante de la détection de la MC-LR. Metcalf et coll. (2000a) ont observé que l’augmentation des concentrations de méthanol (utilisé pour extraire les microcystines intracellulaires) a entraîné l’élimination de la MC-LR de la plaque utilisée pour l’épreuve ELISA et a interféré avec la quantification précise des microcystines dans l’échantillon. Les résultats ont indiqué que la dilution avec 7 % de méthanol avant l’analyse était nécessaire pour réduire l’interférence. Froscio et coll. (2010) ont étudié l’impact des extincteurs de luminescence utilisés pour préserver des échantillons d’eau potable traitée contenant du chlore sur les résultats obtenus à l’aide d’une trousse ELISA offerte sur le marché. Les auteurs ont découvert que le thiosulfate de sodium, le sulfite de sodium et la taurine influaient tous sur l’essai effectué et qu’ils ont conduit à une surestimation de la concentration de microcystines dans l’échantillon. L’acide ascorbique n’a pas eu d’incidence sur les résultats de l’essai. Le potentiel d’interférence varie selon le type d’épreuve ELISA; par conséquent, les services d’alimentation en eau doivent effectuer une vérification auprès des laboratoires réalisant leurs analyses afin de s’assurer que l’extincteur de luminescence approprié soit ajouté aux échantillons d’eau potable.

Beaucoup de laboratoires au Canada utilisent des méthodes ELISA pour l’analyse de routine des microcystines; il est donc important que les autorités responsables comprennent la réactivité croisée, la sensibilité, les interférences matricielles, les limites de détection et le format du rapport de la méthode ELISA utilisée afin que les limites des résultats d’analyse puissent être prises en compte dans le processus de prise de décision. Les autorités pourraient vouloir choisir une méthode ELISA ciblant l’Adda pour les microcystines totales. En outre, dans certains cas, il pourrait être nécessaire d’utiliser des méthodes ELISA de sensibilité accrue avec des limites de détection égales ou inférieures à 0,05 µg/L lorsque la présence potentielle de faibles concentrations (< 0,4 µg/L) de microcystines doit être déterminée.

6.4.2 Test d’inhibition de l’activité de la protéine phosphatase

La capacité des microcystines à inhiber certaines protéines phosphatase sérine-thréonine (protéine phosphatase de type 2A [PP2A] et 1 [PP1]) a conduit à l’élaboration de diverses analyses permettant de détecter et de quantifier les microcystines (Bouaicha et coll., 2002). La base des tests PPIA est la mesure du rejet de phosphate par la protéine phosphoryle en présence d’une préparation d’enzymes phosphatase et d’un inhibiteur tel que les microcystines (Nicholson et Burch, 2001; McElhiney et Lawton, 2005; Westrick et coll., 2010a). Une variété de méthodes de détection (radiométrique, colorimétrique, etc.) et de substrats peuvent être utilisés pour effectuer ces essais, par exemple des essais de détection radioactive réalisés avec des substrats marqués au 32P (Lambert et coll., 1994; Xu et coll., 2000a), et des tests colorimétriques utilisant du phosphate de p-nitrophénol en tant que substrat (An et Carmichael, 1994; Ward et coll., 1997; Wirsing et coll., 1999; Heresztyn et Nicholson, 2001). La méthode a également été adoptée afin de mesurer la fluorescence grâce à des substrats de phosphate de méthylymbelliféryl (Bouaicha et coll., 2002; Mountford et coll., 2005) et de phosphate de difluorométhylumbelliféryl (Fontal et coll., 1999).

Comme les épreuves ELISA, les tests PPIA sont sensibles, rapides et accessibles en raison de la possibilité de se procurer des enzymes sur le marché; dans certains cas, il n’est pas nécessaire d’effectuer une préconcentration des échantillons, indépendamment de la matrice d’échantillons. Toutefois, les essais ne présentent pas la même sensibilité pour toutes les variantes de microcystines et ne permettent pas de déterminer les variantes de microcystines présentes dans un échantillon (Heresztyn et Nicholson, 2001; McElhiney et Lawton, 2005). De plus, des réactions sont possibles avec des phosphatases non spécifiques dans l’échantillon ou avec des protéines phosphatases endogènes, ce qui entraîne une surestimation de la quantité des toxines (An et Carmichael, 1994). Parmi les autres limites des tests PPIA figurent la complexité de la préparation d’un substrat de protéine, ainsi que les dépenses relatives aux enzymes offertes sur le marché (Kaushik et Balasubramanian, 2013).

La limite de détection des microcystines totales, indiquée en MC-LRéquiv., à l’aide de tests PPIA radiométriques est d’environ 0,1 µg/L ou moins. Lambert et coll. (1994) ont fait état d’une limite de détection de 0,1 µg/L pour la MC-LR à l’aide d’un essai radiométrique réalisé avec la PP1c. Xu et coll. (2000a) ont atteint une limite de détection plus basse de 0,02 µg/L à l’aide de la PP2A. Toutefois, les essais radiométriques ne sont pas couramment utilisés, car de nombreux laboratoires ne sont pas équipés pour préparer des protéines radiomarquées et pour effectuer des mesures radioactives (Nicholson et Burch, 2001). Les premiers travaux réalisés à l’aide de tests colorimétriques d’inhibition de la PP1 ont permis d’établir des limites de détection relativement élevées, comprises entre 10 et 20 ng/mL (µg/L) (Ward et coll., 1997; Wirsing et coll., 1999). Rivasseau et coll. (1999) ont mis au point un essai à l’aide de matières offertes sur le marché (PP2A, microcystines, etc.) avec une limite de détection de 0,03 µg/L et une fourchette de quantification comprise entre 0,4 et 10 µg/L. La méthode comporte une préparation d’échantillons supplémentaire pour accroître la précision à des concentrations plus faibles, ce qui permet d’obtenir une fourchette de quantification allant de 0,2 à 0,8 µg/L. De même, Heresztyn et Nicholson (2001) ont élaboré un test colorimétrique à l’aide de la PP2A, avec une fourchette de quantification de 0,2 à 1 µg/L. Wong et coll. (1999) ont établi une limite de détection semblable d’environ 0,1 ng/mL (0,1 µg/L). Bouaicha et coll. (2002) ont employé des substrats fluorogéniques pour détecter les microcystines dans l’eau potable, ce qui multiplie par deux la sensibilité de l’essai par rapport aux tests colorimétriques. Les auteurs ont fait état d’une limite de détection de 0,25 µg/L à l’aide d’une méthode colorimétrique, et de 0,1 µg/L avec une méthode fluorométrique.

Dominguez (2015) a mentionné l’apparition sur le marché d’une trousse de test PPIA colorimétrique contenant tous les agents réactifs nécessaires pour l’analyse. La norme offerte avec la trousse s’applique à la MC-LR; par conséquent, les résultats sont présentés comme des équivalents de la MC-LR. La méthode inclut une analyse des microcystines intracellulaires (à la suite d’un processus de lyse des cellules) et dissoutes. La LDM et la LQ sont de 0,08 µg/L et de 0,19 µg/L, respectivement, d’après les essais réalisés avec l’eau naturelle. La méthode a été validée en étudiant la répétabilité, le caractère reproductible en laboratoire et la précision sur les échantillons d’eau naturelle et potable (James et coll., 2011; Dominguez, 2015).

Les tests PPIA sont soumis aux interférences matricielles de divers paramètres, notamment le fer, le manganèse et d’autres inhibiteurs de la protéine phosphatase. En outre, une attention particulière doit être accordée aux minéraux ajoutés au milieu pour épreuve. Wong et coll. (1999) ont noté que l’absence de manganèse dans le milieu de culture inhibait fortement l’activité de la PP2A. Oliveira et coll. (2005) ont découvert que l’eau potable contenant du chlore, du fer et de l’aluminium avait une incidence importante sur la capacité des tests PPIA à détecter précisément les microcystines. Les auteurs ont indiqué une diminution importante dans la quantification d’un mélange de microcystines (80 % de MC-LR) en raison de la décomposition (oxydation) ou de la complexation avec les ions métalliques.

6.5 Trousses d’analyse sur le terrain

Des essais rapides destinés à déterminer la présence de microcystines dans l’eau ont été mis au point à des fins d’utilisation sur le terrain. Les trousses d’analyse sur le terrain donnent une estimation du niveau de microcystines dans un échantillon dans une certaine échelle de valeur ou au-dessus/au-dessous d’une concentration spécifique et peuvent être utilisées à titre d’outil permettant de déterminer si une prolifération est toxique ou si les activités d’une usine de traitement doivent être ajustées pendant un épisode de prolifération. Elles ne constituent toutefois pas des analyses quantitatives et ne peuvent être utilisées pour déterminer si l’eau potable traitée respecte la valeur visée par la recommandation. Les trousses d’analyse offertes sur le marché utilisent diverses méthodes, notamment l’immunochromatographie, la méthode ELISA et l’inhibition de la protéine phosphatase, pour estimer la concentration de microcystines dans un échantillon d’eau. L’applicabilité des trousses d’analyse sur le terrain varie selon le fabricant, mais elle est généralement comprise entre 1 et 5 µg/L de microcystines. Plusieurs de ces trousses ne comportent pas d’agent de lyse; par conséquent, elles ne déterminent que la présence des microcystines extracellulaires (dissoutes). Lorsqu’ils se servent de ces trousses d’analyse sur le terrain, les utilisateurs doivent acheter un agent de lyse et libérer les microcystines intracellulaires afin de déterminer la concentration de microcystines totales. Toutefois, certains agents de lyse peuvent interférer avec la méthode d’essai (Aranda-Rodriguez et Jin, 2011)

Il existe un nombre limité d’études publiées sur l’utilisation des trousses d’analyse sur le terrain pour déterminer la présence de microcystines dans l’eau de laboratoire et naturelle (Humpage et coll., 2010; Lawton et coll., 2010; Aranda-Rodriguez et coll., 2015). De manière générale, les renseignements dont on dispose indiquent que les trousses d’analyse sont un outil utile permettant de déterminer rapidement la présence ou l’absence de microcystines dans une prolifération, mais ne conviennent pas pour la prise de décisions fondée sur la conformité (Humpage et coll., 2010).

Aranda-Rodriguez et coll. (2015) ont évalué trois trousses d’analyse sur le terrain offertes sur le marché et ont comparé les résultats aux données obtenues à l’aide d’épreuves ELISA et de tests de CPL-SM/SM. À un seuil de concentration de 1 µg/L, des analyses sur bandelettes ont présenté un faux taux positif de 38 % et un faux taux négatif de 2 %, ce qui indique que ce test peut être utilisé pour obtenir des données qualitatives sur la présence ou l’absence de microcystines à cette valeur. L’essai en tube utilisé dans cette étude a été conçu pour indiquer si une concentration d’échantillon est inférieure à 0,5 µg/L, comprise entre 0,5 et 3,0 µg/L, ou supérieure à 3,0 µg/L. L’analyse des données obtenues grâce à cette trousse a indiqué un faux taux négatif de 0 % pour les concentrations inférieures à 0,5 µg/L. Par contre, un faux taux positif de 80 % pour la fourchette comprise entre 0,5 et 3 µg/L a été obtenu. Les auteurs ont conclu que la trousse d’essai en tube peut ne pas convenir pour la surveillance des sources d’approvisionnement en eau à une valeur seuil de 1 µg/L en raison des difficultés à interpréter les résultats d’essai compris entre 0,5 et 3 µg/L. Les auteurs ont également indiqué que les utilisateurs doivent bien comprendre la portée de la trousse utilisée, notamment connaître la gamme de concentrations, la concentration à laquelle une réaction peut être observée, les limites relatives à la quantification, le type de mesures obtenues (c.-à-d. microcystines totales ou extracellulaires) et, plus important encore, la manière dont les résultats sont interprétés.

Humpage et coll. (2012) ont testé la précision, la réactivité croisée, les effets de matrice et la variabilité inter-opérateur de deux essais sur bandelettes fondés sur une épreuve ELISA pour la surveillance des microcystines : une trousse conçue pour l’analyse des eaux à usage récréatif (plage de détection de 1 à 10 µg/L) et une conçue pour l’analyse de l’eau potable (plage de détection de 0,5 à 5 µg/L). L’analyse faite avec les deux trousses a indiqué que la variabilité inter-opérateur était relativement élevée, avec 78 % des analyses sur bandelettes lues correctement lorsque les opérateurs étaient formés, et seulement 58 % des bandelettes lues correctement lorsque les opérateurs ne sont pas formés. La comparaison des résultats de l’analyse sur bandelettes de l’eau potable pour les échantillons d’eau de réservoir enrichis avec 1,0, 2,5 et 5,0 µg/L de MC-LR a indiqué que l’analyse réagissait correctement à peu près à sa valeur cible de 1 µg/L (MC-LRéquiv.). De manière générale, les auteurs ont conclu que les essais sur bandelettes peuvent fournir une indication rapide de la présence de microcystines dans un approvisionnement en eau et aident à prendre des décisions opérationnelles au quotidien. Toutefois, en raison des limites concernant l’exactitude et la précision des essais sur bandelettes, l’analyse de conformité ou la prise de décision à long terme devrait se faire à l’aide de méthodes d’analyse quantitative précises.

6.6 Méthodes physico-chimiques

Un certain nombre de techniques d’analyse permettent de quantifier et de déterminer avec précision les variantes de microcystines les plus courantes pouvant être présentes dans des échantillons d’eau (McElhiney et Lawton, 2005). Les méthodes physico-chimiques d’analyse des microcystines comportent généralement deux étapes : séparation des composés présents dans un échantillon par chromatographie, puis quantification de ces derniers à l’aide de divers détecteurs. À ce jour, les méthodes les plus couramment utilisées pour la recherche et l’analyse de routine sont fondées sur des analyses par chromatographie en phase liquide à haute performance (CPLHP) en phase inverse associées à une spectrométrie de masse et à des détecteurs de rayons ultraviolets (Meriluoto, 1997; Rapala et coll., 2002; McElhiney et Lawton, 2005; Tillmanns et coll., 2007). Bien que ces méthodes puissent fournir des renseignements détaillés, elles nécessitent souvent un équipement coûteux, du personnel très qualifié et de longues analyses. En conséquence, le nombre de laboratoires capables d’analyser des toxines cyanobactériennes à l’aide de la technique de CPL-SM/SM pourrait être limité. Avant de choisir un laboratoire d’analyse, les services d’alimentation en eau potable devraient examiner en détail quelles sont les méthodes et les procédures d’assurance de la qualité et de contrôle de la qualité utilisées par le laboratoire pour l’analyse des microcystines.

6.6.1 Chromatographie en phase liquide

Des techniques de séparation par chromatographie en phase liquide sont couramment utilisées pour l’analyse des microcystines, car elles permettent de distinguer la cooccurrence de plusieurs variantes lors d’une seule analyse, ainsi que d’utiliser une grande variété de détecteurs, notamment l’absorption des rayons ultraviolets, la fluorescence et la spectrométrie de masse. Un nombre limité de méthodes de chromatographie en phase gazeuse ont été élaborées. Il est possible d’identifier des toxines en comparant le profil de séparation de l’échantillon aux références obtenues par l’analyse des normes ou des composés purifiés (Merel et coll., 2013).

La séparation des variantes de microcystines dépend largement de la composition de la phase mobile et de la phase stationnaire utilisées dans l’analyse. Les microcystines peuvent être séparées en utilisant une phase d’élution graduée et une phase mobile isocratique, bien que la résolution d’une plus grande diversité de variantes de toxine puisse être établie lorsqu’un gradient est employé (McElhiney et Lawton, 2005). Les rapports préparés par Meriluoto (1997), Spoof et coll. (2001) et Spoof (2005) présentent des examens détaillés des méthodes chromatographiques offertes pour les microcystines.

La chromatographie en phase liquide à haute performance est largement utilisée pour séparer les microcystines. Diverses phases stationnaires ont été utilisées, notamment des colonnes C18 en phase inverse, des colonnes C18-amide, des colonnes à surface interne en phase inverse et des colonnes échangeuses d’ions (Gathercole et Thiel, 1987; Meriluoto et Eriksson, 1988; Lawton et coll., 1994; Spoof et coll., 2001). Les phases mobiles sont généralement composées d’eau et de méthanol ou d’acétonitrile, acidifiées avec de l’acide trifluoroacétique ou de l’acide formique (Spoof et coll., 2003; Ortea et coll., 2004; Barco et coll., 2005). Une sélection attentive de la phase mobile est nécessaire pour assurer une bonne résolution des analytes. Par exemple, Lawton et coll. (1994) ont découvert que la MC-LR et la MC-YR ont tendance à co-éluer avec une phase mobile d’acétonitrile ou d’acétate d’ammonium, alors qu’une phase mobile à base de méthanol est efficace pour séparer cinq variantes de microcystines.

Spoof (2005) a effectué un examen approfondi des systèmes chromatographiques utilisés pour la séparation des microcystines. L’auteur a noté que les méthodes indiquées dans les ouvrages pouvaient être réparties dans cinq catégories : 1) phases mobiles neutres avec acétate d’ammonium et acétonitrile, chromatographie en phase inverse; 2) phases mobiles acides avec acide trifluoroacétique et acétonitrile, chromatographie en phase inverse; 3) phases mobiles contenant du méthanol avec différents tampons et pH, chromatographie en phase inverse; 4) autres systèmes chromatographiques en phase inverse, tels que les systèmes de séparation à surface interne en phase inverse et 5) autres phases mobiles et stationnaires, telles que la chromatographie échangeuse d’anions. De manière générale, les phases mobiles acides permettent la résolution de plus de microcystines que les phases neutres. Les analyses  par CPLHP utilisent généralement une solution d’acide trifluoroacétique et d’acétonitrile avec des gradients compris entre 25 % et 70 % d’acétonitrile, afin que les microcystines hydrophiles et hydrophobes puissent être séparées (Spoof, 2005). Toutefois, d’autres travaux ont permis d’établir qu’une phase neutre peut être nécessaire pour permettre la récupération appropriée de MCs-RR et de MCs-YR lorsque des matières organiques naturelles sont présentes dans un échantillon (Tettenhorst et Shoemaker, 2013).

Une chromatographie liquide à ultra-haute performance (CLUHP) a été utilisée pour séparer la MC-LR, la MC-RR, la MC-YR, la MC-LY, la MC-LW et la MC-LF préalablement à la détection par spectrométrie de masse (Beltran et coll., 2012). La séparation par chromatographie en phase liquide a été effectuée à l’aide d’une colonne C18 avec une phase mobile composée d’eau, d’acétonitrile et de 0,025 % d’acide formique. L’utilisation combinée d’une extraction en phase solide (EPS) en ligne et d’une durée d’exécution chromatographique plus faible offerte par la CLUHP a conduit à un temps d’analyse global de quelques minutes.

6.6.2 Détection par absorption des rayons ultraviolets

L’absorption des rayons ultraviolets et visibles est une technique de détection couramment utilisée avec la CPLHP (Nicholson et Burch, 2001; McElhiney et Lawton, 2005). Une bonne partie des microcystines présentent une absorption maximale des rayons ultraviolets à 238 nm, à l’exception des variantes contenant du tryptophane (telles que la MC-LW), qui présentent une absorption maximale à une longueur d’onde plus basse (222 nm) (Lawton et coll., 1994). La longueur d’onde du détecteur de rayons ultraviolets peut être réglée sur ces valeurs pour enregistrer les réactions des microcystines dans les extraits d’échantillons séparés par CPLHP. Le temps de rétention, le spectre de rayons ultraviolets et la surface du pic prévus par les normes commerciales ou de laboratoire constituent la base pour déterminer et quantifier les microcystines à l’aide de l’analyse par CPLHP-UV (Rapala et coll., 2002). Toutefois, en raison du nombre limité de normes offertes sur le marché, on identifie souvent les toxines en les comparant à une norme sur la MC-LR et on les présente sous forme d’équivalents de la MC-LR (MC-LRéquiv.) (McElhiney et Lawton, 2005).

La capacité des détecteurs de rayons ultraviolets à longueur d’onde unique à distinguer plusieurs variantes peut être limitée, car la plupart des variantes ont des profils d’absorption semblables compris entre 200 et 300 nm (Sangolkar et coll., 2006). D’autres méthodes d’analyse ont intégré un détecteur à réseau de photodiodes (DRP) pour produire un spectre de rayons ultraviolets et fournissent de meilleures données probantes sur la présence de microcystines pour lesquelles il n’existe pas de normes (Codd et coll., 2001; Spoof, 2005). Plusieurs auteurs ont indiqué des méthodes efficaces de CPLHP-UV/DRP pour l’analyse des microcystines (Harada et coll., 1988; Lawton et coll., 1994; Rapala et coll., 2002; Ortea et coll., 2004; Barco et coll., 2005; Tillmanns et coll., 2007; Triantis et coll., 2010; Spoof et coll., 2010).

Le recours à une analyse par CPLHP-UV/DRP constitue un avantage, car les instruments nécessaires sont disponibles dans de nombreux laboratoires et leur exploitation est facilement automatisée et relativement peu coûteuse. Les normes authentiques qui permettent une quantification précise sont difficiles à obtenir, et la détection par absorption des rayons ultraviolets est sensible aux interférences, ce qui constitue les principales limites de cette technique (Ortea et coll., 2004; Spoof, 2005). Des études ont montré que les matières organiques naturelles et les additifs lessivés des matières plastiques de laboratoire peuvent co-éluer avec des microcystines et entraîner des résultats erronés (Nicholson et Burch, 2001; Rapala et coll., 2002).

De plus, cette technique est beaucoup moins sensible que d’autres méthodes, telles que l’épreuve ELISA et les tests de CPL-SM/SM. Les limites de détection des analyses par CPLHP-UV/DRP dépendront partiellement du volume de l’échantillon et des facteurs de concentration. La limite de détection typique dans la plupart des systèmes d’analyse par CPLHP-UV/DRP est de quelques nanogrammes par injection (volume d’injection de 20 à 30 µL) pour les échantillons purs, mais bien plus élevée pour les échantillons prélevés sur le terrain (Meriluoto, 1997; Spoof, 2005). Par conséquent, la concentration substantielle et le nettoyage des échantillons avec des concentrations de 1 µg/L ou moins sont nécessaires lorsqu’on utilise la CPLHP-UV/DRP pour l’analyse des microcystines.

L’Organisation internationale de normalisation (ISO) a validé une méthode pour l’analyse des microcystines dans la source d’eau ou l’eau potable traitée d’après une extraction en phase solide inversée à des fins de concentration et de nettoyage des échantillons; ces étapes sont suivies d’une quantification par CPLHP avec une détection par absorption des UV et DRP (ISO, 2005). La méthode a été élaborée à des fins d’analyse des MC-LR, des MC-RR et des MC-YR. Selon la norme, la méthode doit avoir une LDM de 0,1 ng/µL et une LQ de 0,2 ng/µL. Les échantillons doivent donc être concentrés avant l’analyse pour pouvoir quantifier moins de 1 µg/L de microcystines.

Papageorgiou et coll. (2012) ont élaboré un protocole d’exploitation pour l’analyse des microcystines par CPLHP-DRP d’après la méthode mise au point par Lawton et coll. (1994). Le protocole inclut des recommandations sur les matières utilisées pour l’extraction et la concentration des microcystines, les conditions d’exploitation des méthodes par CPLHP-DRP, le volume d’injection, la préparation et le calibrage des normes. Les auteurs ont déterminé qu’en utilisant les procédures recommandées, la LQ était de 0,1 µg/mL (100 µg/L) pour la MC-LR et la MC-YR, et de 0,5 µg/mL (500 µg/L) pour la MC-LA et la MC-RR. Les échantillons comportant des concentrations inférieures à 1 µg/L étaient concentrés 500 fois avant d’être analysés.

6.6.3 Détection avec une spectrométrie de masse

La technique de CPL-SM/SM pour l’analyse des microcystines est de plus en plus utilisée en raison de sa sensibilité élevée et de sa spécificité exceptionnelle, en particulier lorsque les techniques de SM/SM sont utilisées (Spoof et coll., 2003; Merel et coll., 2013). Avec une spectrométrie de masse, les molécules sont converties en ions, qui sont accélérés par des analyseurs de masse d’après la masse et la charge. Les microcystines dans un échantillon peuvent être identifiées tant qu’un spectre de masse d’une norme authentique est disponible. Une identification provisoire peut également être faite en comparant le spectre de masse de l’échantillon avec celui décrit dans les ouvrages (Barco et coll., 2002; Sangolkar et coll., 2006). L’utilisation d’une technique de SM/SM plus avancée produit un profil de fragmentation qui peut fortement aider à déterminer l’identité des microcystines inconnues. En outre, la sélectivité et la sensibilité de l’analyse des microcystines sont plus élevées en utilisant la technique de SM/SM; par conséquent, elle constitue la méthode de spectrométrie de masse privilégiée (Yuan et coll., 1999; Zweigenbaum et coll., 2000; Zhang et coll., 2004; Kaloudis et coll., 2013).

L’utilisation de systèmes de CPL-SM et de CPL-SM/SM pour l’analyse des microcystines présente plusieurs avantages. L’un des principaux avantages est la capacité du système de CPL-SM/SM à mesurer des concentrations traces de microcystines individuelles. Les limites de détection typiques pour les microcystines dans les systèmes modernes de CPL-SM/SM ne sont que de quelques picogrammes par plage d’injection, et de nombreux chercheurs ont atteint des limites de détection inférieures à 0,02 µg/L après une extraction en phase solide (Spoof, 2005; Msgati et coll., 2006; Yen et coll., 2011; Kaloudis et coll., 2013 Shoemaker et coll., 2015) et sans extraction en phase solide (Graham et coll., 2010). Le système de CPL-SM/SM permet également une amélioration du rapport signal/bruit dans la détection des microcystines et présente un certain potentiel en ce a trait à l’identification et à l’élucidation structurelle des microcystines lorsqu’aucune norme analytique n’est disponible ou lorsqu’une nouvelle variante de microcystine est présente dans un échantillon (Diehnelt et coll., 2005; Kaloudis et coll., 2013). En outre, le degré de séparation par chromatographie en phase liquide requis est moins strict lorsqu’on utilise une spectrométrie de masse (par rapport aux détecteurs à réseau de photodiodes), mais il est toujours souhaitable de minimiser les effets de matrice; par ailleurs, les chromatogrammes ioniques sont plus simples à interpréter. Cependant, comme avec d’autres méthodes d’analyse, la technique de CPL-SM/SM est soumise à des substances coéluantes et à des interférences en phase mobile, ce qui peut entraîner une suppression ou un renforcement des effets des ions (que l’on appelle de manière générale les effets de matrice) qui peuvent être difficiles à contrôler dans les échantillons prélevés sur le terrain (Spoof, 2005). Shoemaker et coll. (2015) ont indiqué que les interférences de la matrice pendant l’analyse par CPL-SM/SM peuvent être provoquées par les contaminants coextraits de l’échantillon. L’ampleur des interférences de la matrice variera fortement en fonction des caractéristiques de la qualité de l’eau de l’échantillon. Il est possible de coextraire de la matière humique ou fulvique pendant une extraction en phase solide et des niveaux élevés peuvent entraîner un renforcement ou une suppression du signal dans une source d’ionisation par électronébulisation (ESI). De même, des niveaux élevés de matière humique ou fulvique peuvent produire de faibles pourcentages de récupération sur le sorbant d’extraction en phase solide. Le carbone organique total (COT) constitue un bon indicateur de la teneur en matière humique de l’échantillon. L’ajout d’un étalon à point unique peut être utilisé pour minimiser l’impact des effets de matrice sur la quantification, mais cela peut augmenter la durée de l’analyse et cette méthode peut s’avérer un peu plus coûteuse (Graham et coll., 2010, Shoemaker et coll., 2015).

Des chercheurs ont indiqué avoir réussi à identifier et à quantifier les microcystines dans l’eau à l’aide de divers système de CPL et de CPL-SM/SM avec différentes interfaces et configurations d’ionisation (Kondo et coll., 1992a; Tsuji et coll., 1994; Lawton et coll., 1994; Zweigenbaum et coll., 2000; Spoof et coll., 2003; Meriluoto et coll., 2004; Ortea et coll., 2004; Zhang et coll., 2004; Triantis et coll., 2010; Draper et coll., 2013; Kaloudis et coll., 2013; Shoemaker et coll., 2015). Spoof (2005) a fourni un résumé des conditions de CPL-SM utilisées pour analyser les microcystines dans un grand nombre d’études.

L’utilisation de l’ionisation par électronébulisation (ESI) a fait de la CPL-SM une technique plus pratique à utiliser et a fortement rehaussé la sensibilité analytique (Spoof, 2005). Poon et coll. (1993) ont initialement élaboré le système de CPL-ESI-SM à des fins d’analyse quantitative des microcystines. Par la suite, plusieurs études ont montré que ce système constitue une technique appropriée pour la surveillance et l’identification d’une grande variété de microcystines dans des échantillons environnementaux (Zweigenbaum et coll., 2000; Barco et coll., 2002; Diehnelt et coll., 2005). Zweigenbaum et coll. (2000) ont utilisé une technique de CPL micrométrique pour la séparation des microcystines des extraits de méthanol aqueux, suivie d’une méthode d’ESI-SM avec piégeage ionique. Les auteurs ont indiqué que, pour certaines microcystines, un spectromètre de masse avec piégeage ionique fournissait de meilleures limites de détection qu’un instrument de type quadripôle. Un spectre de masse complet a été obtenu lorsqu’un minimum de 250 pg (par volume d’injection de 10 µL) de MC-LR a été directement injecté (sans étape de concentration) dans la colonne de CPLHP. Barco et coll. (2002) ont également analysé la MC-LR, la MC-RR et la microsytine-YR à l’aide d’une méthode de CPL-ESI-SM. Les échantillons ont été concentrés par le biais d’une extraction en phase solide suivie d’une chromatographie en phase liquide avec une colonne C18 de 1 mm et d’une phase mobile composée d’eau, d’acétonitrile et d’acide formique. Un spectromètre de masse de type quadripôle avec une source d’ionisation par électronébulisation avec courant d’air coaxial exploité en mode positif, a été utilisé pour l’analyse. Les limites de détection étaient de 11, 72 et 21 pg (par injection de 5 µL) dans le cas de la MC-LR, la MC-RR et la MC-YR, respectivement. Spoof et coll. (2003) ont utilisé un système de CPL-ESI-SM pour analyser les échantillons d’eaux naturelles afin de déceler les microcystines. Les microcystines étaient séparées à l’aide d’une colonne C18 en phase inverse avec une phase mobile de 0,5 % d’acide formique et d’acétonitrile. Un spectromètre de masse de type triple quadrupôle avec ESI exploité en mode positif d’enregistrement des ions uniques a été utilisé à des fins de quantification. La présence de concentrations de microcystines égales ou supérieures à 0,2 µg/L a été confirmée dans les échantillons d’eau prélevés dans diverses sources d’eau douce et saumâtre.

Plusieurs auteurs ont mesuré des quantités traces de microcystines dans des échantillons d’eau à l’aide d’un système de CPL-ESI-SM (Meriluoto et coll., 2004; Yen et coll., 2011). Yen et coll. (2011) ont utilisé un système double d’extraction en phase solide et de CPL-ESI-SM pour détecter et quantifier les faibles concentrations de six microcystines dans l’eau potable. Les limites de détection de la MC-LR, de la MC-RR, de la MC-YR, de la MC-LW, de la MC-LR et de la MC-LA étaient comprises entre 20 et 31 ng/L (0,02–0,031 µg/L) dans les échantillons d’eau brute. Les auteurs ont constaté que ces limites de détection étaient trois à dix fois plus élevées que pour les échantillons d’eau pure enrichie avec des microcystines. Meriluoto et coll. (2004) ont évalué la pertinence du système de CPL-ESI-SM dans l’analyse à haut rendement des microcystines dans les extraits cyanobactériens. L’analyse de plus de 514 échantillons par jour a pu se faire grâce à une courte colonne C18, à un gradient rapide d’acide formique aqueux et d’acétonitrile et à une détection par spectrométrie de masse. La limite de détection était de l’ordre de 50 à 100 pg de MC-LR par injection (5 µL). La technique de CLUHP-SM/SM a également été utilisée pour l’analyse de plusieurs microcystines (MC-RR, MC-YR, MC-LR, MC-LA, MC-LY, MC-LW et MC-LF) dans une grande variété de matrices, en raison de sa sensibilité et de sa sélectivité (Oehrle et coll., 2010).

Les systèmes de SM/SM permettent d’identifier les composés plus précisément que les systèmes de SM. En l’absence de données sur la masse, les tendances obtenues à l’aide d’une fragmentation en source ou par SM/SM sont précieuses lors de l’identification des variantes de microcystines inconnues dans les matrices complexes (Lawton et coll., 1995; Hummert et coll., 2001; Diehnelt et coll., 2005; Frias et coll., 2006). Pietsch et coll. (2001) ont élaboré une méthode en se servant de l’extraction en phase solide avec CPL en phase inverse combinée à une méthode d’ESI-SM/SM utilisant un mode d’enregistrement sélectif des ions et une analyse des ions produits pour l’identification des composés et la surveillance des réactions multiples à des fins de quantification. La limite de quantification pour la MC-LR, la MC-YR, la MC-RR et la MC-LA était de 50 ng/L (0,05 µg/L). De même, les méthodes d’extraction en phase solide associée à une CPL-SM/SM ont également permis de déterminer des quantités infimes (LQ < 0,05 µg/L) de microcystines dans les échantillons d’eau (Cong et coll., 2006; Rodrigues et coll., 2013). Zhang et coll. (2004) ont examiné l’énergie de dissociation induite par collision pour l’identification de la MC-LR dans l’eau de surface à l’aide d’un système de CPL-SM/SM en mode d’analyse complète. Une énergie de collision relative de 30 % a permis d’atteindre une excellente sensibilité. Avec une étape où l’échantillon est préalablement concentré 1 000 fois à l’aide d’une technique d’extraction en phase solide, la limite de détection de cette méthode était de 2,6 ng/L (0,0026 µg/L).

L’U.S. Environmental Protection Agency a publié une méthode (méthode 544) pour l’analyse des MC-LA, des MC-LF, des MC-LR, des MC- LY, des MC-RR, des MC-YR et de la nodularine dans l’eau potable par extraction en phase solide et CPL-SM/SM (Shoemaker et coll., 2015). La méthode inclut des procédures détaillées visant la collecte, la préservation et l’entreposage des échantillons, ainsi que la préparation des échantillons, notamment la lyse des cellules et l’extraction des toxines intracellulaires. La méthode utilise des cartouches d’extraction en phase solide composées d’un copolymère de divinylbenzène et de N-vinylpyrolidone pour l’extraction des microcystines; cette étape est suivie d’une élution avec du méthanol qui comporte 10 % d’eau contenant des agents réactifs. L’extrait est concentré jusqu’à siccité par évaporation avec de l’azote dans un bain d’eau chauffée, puis ajusté à un volume de 1 mL avec du méthanol qui comporte 10 % d’eau contenant des agents réactifs. Une injection de 10 µL est effectuée dans un système de CPL avec une colonne C8 connectée à un spectromètre de masse en tandem. La méthode précise que le spectromètre de masse doit pouvoir effectuer une ionisation par électronébulisation des ions positifs à une valeur proche du débit de la chromatographie en phase liquide proposé de 0,3 mL/min. Le système doit également pouvoir réaliser une analyse en SM/SM et produire des ions uniques pour les analytes de la méthode à l’intérieur des segments temporels de rétention spécifiés. Un minimum de dix analyses dans tout le pic chromatographique est requis pour assurer une précision appropriée. Les données de validation présentées dans la méthode ont été recueillies à l’aide d’un spectromètre de masse de type triple quadrupôle. La limite minimale de quantification (LMQ) de la plus faible concentration d’analytes en laboratoire était comprise entre 2,9 et 22 ng/L à l’aide de cette méthode. La méthode permet d’apporter des modifications à la technique de séparation, à la colonne de chromatographie en phase liquide, à la composition de la phase mobile, aux conditions de CPL et de SM/SM, du moment que la méthode répond aux critères d’acceptation du contrôle de la qualité de la méthode et que la performance de la méthode peut être vérifiée dans une matrice d’échantillons réelle.

Kaloudis et coll. (2013) ont également dirigé une étude de validation pour une méthode d’extraction en phase solide avec CPL-ESI-SM/SM pour l’analyse des MC-LR, des MC-RR, des MC-YR et des MC-LA dans la source d’eau et l’eau potable dans la fourchette de quelques nanogrammes par litre. L’étude a inclus une validation de la méthode par rapport à la norme ISO et aux lignes directrices européennes. L’exactitude exprimée en tant que pourcentage de récupération moyen était comprise entre 71,4 et 114,1 % et entre 70,0 et 106,5 % pour l’eau potable et de surface, respectivement, à trois niveaux de concentration (0,006, 0,1 et 1 µg/L). La précision exprimée en tant qu’écart-type relatif était inférieure à 23,9 % pour l’eau potable et à 22,3 % pour l’eau de surface. La limite de quantification était de 0,006 µg/L pour tous les composés.

Draper et coll. (2013) ont étudié l’optimisation de la procédure d’extraction en phase solide avec CPL-SM/SM pour détecter la MC-LR, la MC-RR, la MC-YR, la MC-LA, la MC-LF et la MC-LW dans l’eau. Cette méthode a pu atteindre des LDM comprises entre 0,03 et 0,04 µg/L et des LQ allant de 0,1 à 0,2 µg/L, avec une exactitude de 65 à 70 %. La mesure des microcystines totales dans les échantillons de prolifération pouvait être reproduite, avec des écarts-types relatifs de 8,3 à 12 %. Toutefois, les auteurs ont noté qu’entre 16 et 98 % des variantes de microcystines dissoutes étaient perdus en raison de la sorption à trois types de cartouches avec filtre à seringue, notamment du polytétrafluoréthylène, de l’acétobutyrate de cellulose et du polypropylène. On a pu obtenir des pourcentages de récupération satisfaisants (66 % en moyenne) en utilisant uniquement des filtres de polypropylène après avoir combiné le filtrat avec une solution de rinçage comportant du méthanol. Les auteurs ont également constaté que la MC-LR et la MC-LA dissoutes ont subi une dégradation microbienne sur une période de deux semaines alors que les échantillons étaient entreposés à une température de 4 °C, ce qui indique que l’utilisation d’un agent de conservation ou que le traitement rapide des échantillons dans le laboratoire est important pour obtenir des concentrations précises de microcystines dans les échantillons d’eau naturelle. Cette étude a montré que de nombreux facteurs, notamment la stabilité de l’échantillon (biodégradation), les pertes liées à la sorption pendant la filtration, les faibles pourcentages de récupération lors de l’extraction en phase solide en phase inverse et les procédures inappropriées de lyse des cellules, ont contribué aux erreurs significatives dans l’identification des microcystines dans les échantillons d’eau naturelle. Dans l’ensemble, on a conclu que la préservation de l’échantillon, la manipulation soigneuse de l’échantillon et les procédures de contrôle de la qualité sont essentielles pour obtenir des mesures fiables de microcystines à l’aide des instruments modernes de CPL-SM/SM.

Une nouvelle approche utilisant une interface de désorption thermique par diode laser et d’ionisation chimique à pression atmosphérique associée à une spectrométrie de masse en tandem (LDTD-APCI-SM/SM) a été élaborée pour l’analyse des microcystines dans des matrices environnementales complexes (Roy-Lachapelle et coll., 2014). La méthode est fondée sur l’oxydation des microcystines dans un échantillon à l’aide du permanganate de potassium dans des conditions alcalines pour produire de l’acide 2-méthyl-3-méthoxy-4-phénylbutyrique (MMPB). Le MMPB est ensuite extrait et directement injecté (sans séparation chromatographique) dans le système de LDTD-APCI-SM/SM. Cette approche permet une analyse d’échantillon très rapide avec une simple préparation de l’échantillon, ce qui réduit le temps et le coût des substances associés à la séparation chromatographique. Cette méthode ne nécessite pas de normes sur les microcystines individuelles, mais, comme pour l’épreuve ELISA et le test PPIA, les résultats ne fournissent pas de renseignements sur l’identité des variantes de chaque microcystine. La limite de détection et la limite de quantification sont de 0,2 et de 0,9 µg/L respectivement (Roy-Lachapelle et coll., 2014). Foss et Aubel (2015) ont présenté un rapport sur l’utilisation d’une méthode de CPL-SM/SM faisant appel à la formation de MMPB pour la quantification des microcystines totales. L’oxydation chimique des microcystines pour produire le MMPB a été réalisée au moyen de permanganate de potassium, et a été suivie de l’extraction et de la séparation des microcystines à l’aide d’une extraction en phase solide (EPS), de la chromatographie en phase liquide (CPL) et de la quantification à l’aide de la technique de SM/SM. Les auteurs ont noté que même si cette méthode était efficace pour la quantification des concentrations de microcystines totales dans l’eau brute, son utilisation pour l’analyse de l’eau potable traitée exigerait l’application d’un facteur de correction pour tenir compte des concentrations de MMPB déjà présentes dans l’échantillon en raison du processus de traitement de l’eau potable. La limite de détection et la limite de quantification déclarées pour cette méthode étaient de 0,5 µg/L et 1,5 µg/L, respectivement.

Les microcystines peuvent aussi être analysées sans séparation chromatographique préliminaire à l’aide de spectromètres de masse à temps de vol (TV). Welker et coll. (2002) ont montré que la spectrométrie de masse à temps de vol pour la désorption/ionisation par impact laser assistée par matrice (MALDI-TV-SM) est un outil fiable et rapide permettant d’identifier les variantes de microcystines dans de petits échantillons, tels que les colonies de Microcystis unique. Cette technique est exécutée directement sur des échantillons séchés et solides et fournit des mesures appuyant l’identification des analytes sur un éventail de masses. Le principal avantage de la méthode MALDI-TV-SM par rapport à d’autres techniques analytiques est qu’elle permet d’analyser une petite quantité de l’échantillon sans purification préalable. Toutefois, cette méthode ne peut être utilisée pour déterminer la concentration de microcystines dans un échantillon et doit être utilisée avec une autre technique de quantification (Kaushik et Balasubramanian, 2013).

6.7 Standards pour les microcystines

Les méthodes d’analyse des microcystines dont on dispose nécessitent l’utilisation de standards pour les variantes à des fins d’identification et de quantification. La disponibilité limitée des normes sur les microcystines purifiées ou certifiées est une contrainte pour la recherche et l’analyse de routine. Bien que de nombreuses variantes de microcystines puissent être présentes dans un échantillon d’eau, seules quelques-unes sont offertes dans le commerce, notamment les MC-LR, les dmMC-LR, les MC-RR, les MC-LA, les MC-YR, les MC-LW et les MC-LF. Par conséquent, la présence et les quantités d’autres microcystines peuvent uniquement être estimées. En outre, une bonne partie des normes publiées concernant les microcystines ne sont pas certifiées et leur pureté doit être vérifiée (Westrick et coll., 2010a; Giddings et coll., 2012). Au Canada, il est possible de se procurer la MC-LR et la MC-RR en tant que matières de référence certifiées auprès du Conseil national de recherches Canada (CNRC). Dans beaucoup de cas, les laboratoires utilisent la MC-LR comme norme de remplacement dans les méthodes d’analyse, tels que l’épreuve ELISA et l’analyse par CPLHP-DRP, même si l’échantillon peut contenir des variantes autres que la MC-LR (Codd et coll., 2001). Pour les cas où il n’existe aucune norme commerciale ou certifiée, Papageorgiou et coll. (2012) fournissent une procédure détaillée pour la production de normes sur les microcystines analytiques à des fins d’utilisation dans le laboratoire. Toutefois, la préparation des normes sur les microcystines peut être coûteuse et longue.

6.8 Comparaison des méthodes

De nombreuses études ont comparé les résultats obtenus à l’aide des différentes méthodes d’analyse des microcystines (Pietsch et coll., 2001; Fastner et coll., 2002; Rapala et coll., 2002; Hoeger et coll., 2004; Tillmanns et coll., 2007, Graham et coll., 2010; Triantis et coll., 2010; Yen et coll., 2011; Foss et Aubel, 2015). De manière générale, les résultats obtenus à l’aide des méthodes biochimiques et physico-chimiques sont considérés comme étant complémentaires et peuvent ne pas être directement comparables (Loftin et coll., 2008Graham et coll., 2010). Toutefois, les données combinées obtenues à partir de différentes méthodes peuvent être utilisées pour mieux comprendre la nature d’une prolifération et le rendement de l’usine de traitement, et pour déterminer la présence de faibles concentrations (< 0,4 µg/L) de microcystines (Spoof et coll., 2005, Triantis et coll., 2010). Les facteurs influant sur la mesure dans laquelle les différentes méthodes sont comparables incluaient la nature des échantillons (p. ex. type et quantité des variantes, présence d’interférences), les caractéristiques spécifiques des méthodes d’analyse (p. ex. anticorps utilisés pour une épreuve ELISA), ainsi que la pureté et la disponibilité des normes sur les microcystines pour le système de CPL-SM/SM.

Plusieurs études ont comparé les résultats des épreuves ELISA à ceux des méthodes d’analyse physico-chimique (Rapala et coll., 2002; Hoeger et coll., 2004; Young et coll., 2006; Triantis et coll., 2010; Foss et Aubel, 2015). Dans certains cas, les résultats de l’épreuve ELISA étaient comparables à ceux obtenus à l’aide de l’analyse par CPLHP-UV (Rapala et coll., 2002; Triantis et coll., 2010) et de CPL-SM/SM (Yen et coll., 2011). Selon d’autres études, l’épreuve ELISA sous-estime les microcystines totales (Metcalf et coll., 2000a; Young et coll., 2006). Plus particulièrement, Young et coll. (2006) ont découvert que les résultats découlant de l’épreuve ELISA effectuée avec des anticorps isolés de la MC-LR sous-estimaient la quantité de microcystines totales lorsque la MC-RR représentait plus de 70 % des microcystines totales dans l’échantillon. Rapala et coll. (2002) ont découvert que l’épreuve ELISA sous-estimait la concentration de microcystines hydrophobes (MC-LW, MC-LF). D’autres chercheurs ont constaté que dans les échantillons environnementaux dans lesquels de nombreuses variantes sont probablement présentes, la concentration de microcystines totales mesurée à l’aide de l’épreuve ELISA était 1,5 à 4 fois plus grande que celle mesurée à l’aide de l’analyse par CPLHP-UV ou par CPL-SM/SM (Hoeger et coll., 2004; Mountford et coll., 2005; Tillmanns et coll., 2007; Aranda-Rodriguez et Jin, 2011). Foss et Aubel (2015) ont comparé diverses méthodes, notamment l’épreuve ELISA ciblant l’Adda, la CPL-UV et la CPL-SM/SM pour mesurer les microcystines totales dans l’eau brute et l’eau potable traitée. Les auteurs ont observé que le fait de mesurer les variantes individuelles de microcystines à l’aide de la CPL-SM/SM entraînait la détection de concentrations plus faibles de microcystines totales dans les échantillons d’eau potable recueillis en Ohio comparativement à la méthode ELISA ciblant l’Adda offerte sur le marché. Pour les échantillons d’eau brute, la méthode CPL-SM/SM permettait de détecter en moyenne 81 % des microcystines détectées au moyen de la méthode ELISA ciblant l’Adda. En utilisant la CPLHP‑UV de concert avec les balayages SM, les auteurs ont été en mesure d’obtenir des renseignements sur des microcystines inconnues ou co‑éluées; cependant, ces méthodes n’ont pas permis de quantifier de nombreuses microcystines présentes dans les échantillons en raison d’interférences ou de l’absence de normes. Une méthode de CPL-SM/SM faisant appel à la formation de MMPB a servi de technique de confirmation utile pour obtenir les concentrations de microcystines totales, et a fourni un bon degré de concordance avec les données obtenues à l’aide de la méthode ELISA ciblant l’Adda.

De façon générale, la méthode ELISA ciblant l’Adda mesure des concentrations de microcyctines totales plus élevées par rapport aux autres méthodes ELISA ou à la CPL‑SM/SM en raison de la réactivité croisée supérieure des variantes courantes et de la capacité des anticorps à réagir avec tout composé contenant l’acide aminé Adda, y compris les produits de dégradation des microcystines. Kaloudis et coll. (2013) ont observé des résultats similaires lorsqu’ils ont comparé les résultats des trousses de test PPIA offertes sur le marché à ceux de la CPL‑SM/SM. Les auteurs ont observé que les concentrations de microcystines totales étaient plus élevées en utilisant un test PPIA. Dans tous les cas, les différences étaient attribuables à la présence de microcystines dans l’échantillon qui n’ont pas été détectées et quantifiées avec l’analyse par CPLHP-UV ou par CPL-SM.

Lorsqu’on décide quelles méthodes physico-chimiques utiliser pour analyser les microcystines, la limite de détection requise et le potentiel d’interférences de la matrice devraient être pris en compte. Pietsch et coll. (2001) ont comparé la capacité de la méthode de CPL-UV/DRP et de CPL-SM/SM pour quantifier avec précision les microcystines dans des échantillons environnementaux. La comparaison des chromatographes a permis d’établir que les échantillons contenant de grandes quantités de matière organique naturelle ont entraîné des interférences et une quantification inexacte avec une technique de CPL-UV/DRP. Triantis et coll. (2010) ont comparé plusieurs méthodes d’analyse pour la surveillance de routine des microcystines. Les auteurs ont laissé entendre que l’épreuve ELISA ou le test PPIA pouvaient être utilisés pour l’analyse initiale des échantillons, qui est suivie d’une analyse par CPLHP-DRP ou CPL-SM/SM réalisée sur des échantillons supérieurs à la limite de détection (environ > 0,15 µg/L). Les chercheurs ont également recommandé d’analyser les échantillons nécessitant de mesurer les microcystines à des concentrations traces (p. ex. ng/L ou moins) par CPL-SM/SM, car la méthode est plus sensible que l’analyse par CPLHP-DRP. D’après la performance de toutes les méthodes testées (ELISA, PPIA, CPL-SM/SM et CPLHP-DRP), les auteurs ont élaboré un protocole analytique de surveillance des microcystines dans l’eau de surface et l’eau potable.

En résumé, il est important que les responsables des services d’alimentation en eau potable sachent qu’il est impossible de déterminer si l’épreuve ELISA ou le test PPIA ont quantifié avec précision les microcystines présentes dans un échantillon sans avoir une compréhension de base des variantes présentes dans une prolifération ainsi que des caractéristiques de la méthode ELISA ou du test PPIA utilisé (p. ex. type d’anticorps, réactivité croisée avec les variantes). Il est nécessaire de procéder à une analyse au moyen d’une méthode physico‑chimique (p. ex. CPL‑SM/SM) pour identifier et quantifier les variantes de microcystines pour lesquelles il existe des normes de laboratoire. Donc, pendant un incident de prolifération, une partie des échantillons d’eau brute et traitée devrait être analysée à l’aide d’une méthode physico-chimique (CPL-SM/SM ou CPLHP-DRP) afin d’acquérir une compréhension des types et de la quantité des variantes présentes dans la prolifération et pour que l’efficacité de l’usine de traitement puisse être prévue ou évaluée avec plus de précision.

Dans le cas des tests ELISA, les autorités pourraient envisager d’utiliser un test Elisa ciblant l’Adda pour mesurer les concentrations de microcystines totales. La méthode ELISA ciblant l’Adda peut être avantageuse comparativement à la CPL-SM/SM (et à d’autres méthodes de tests ELISA) pour mesurer les concentrations de microcystines totales, car elle pourrait détecter des variantes de microcystines pour lesquelles, lors de la rédaction de ce rapport, il n’existait aucune norme de laboratoire (Graham et coll., 2010). Cependant, certains auteurs ont signalé que l’utilisation de la méthode ELISA ciblant l’Adda pouvait entraîner une surestimation des concentrations de microcystines dans les échantillons d’eau traitée (Foss et Aubel, 2015). Lorsque les services d’alimentation en eau potable souhaitent déterminer si de faibles concentrations (< 0,4 µg/L) de microcystines sont présentes dans l’eau potable traitée, ils devraient employer les méthodes ELISA ayant une sensibilité améliorée ou la CPL-SM/SM pour l’analyse.

6.9 Assurance et contrôle de la qualité

Les deux seules méthodes normalisées pour l’analyse quantitative des microcystines dans l’eau potable, soient la méthode ISO 20179 utilisant une technique d’EPS-CPLHP-UV (ISO, 2005) et la méthode 544 de l’U.S. EPA utilisant une technique d’EPS avec CPL-SM/SM (Shoemaker et coll., 2015) ne sont pas couramment utilisées dans les laboratoires commerciaux au Canada. Pour cette raison, il est plus difficile pour les autorités responsables de faire confiance aux données analytiques et aux décisions prises par la suite concernant le respect de la recommandation, le choix des technologies de traitement de l’eau et la mise en œuvre des mesures appropriées de protection de la santé publique. Pour aider à répondre à ces préoccupations, des protocoles d’assurance et de contrôle de la qualité ou des procédures normalisées d’exploitation ont été établis pour diverses méthodes d’analyse des microcystines. Ces protocoles comportent des critères de contrôle de la qualité pour l’analyse des microcystines à l’aide des méthodes CPLHP-DRP et ELISA (Meriluoto et Codd, 2005; Papageorgiou et coll., 2012). Il est particulièrement important que les autorités responsables comprennent les méthodes utilisées par le laboratoire choisi pour analyser les microcystines et qu’elles discutent des facteurs pouvant influer sur l’interprétation des résultats. Parmi les facteurs figurent par exemple le type de méthodes de séparation et d’extraction, la réactivité croisée et les interférences de la matrice pour l’épreuve ELISA, ainsi que la vérification de la pureté des normes sur les microcystines.

7.0 Technologies de traitement

Pour choisir la technologie appropriée qui permettra de contrôler les cyanobactéries et leurs toxines, il faut d’abord comprendre l’écologie cyanobactérienne. La gestion des risques découlant des cyanobactéries comprend des stratégies de contrôle dans les bassins versants et les réservoirs afin de prévenir la croissance de proliférations, ainsi qu’un programme de surveillance, des méthodes d’analyse fiables et une technologie de traitement efficace.

7.1 Prévention de la croissance des cyanobactéries

La composante la plus efficace d’une stratégie à long terme visant à réduire l’incidence des proliférations cyanobactériennes consiste à contrôler l’apport d’éléments nutritifs (en particulier le phosphore et l’azote) dans le plan d’eau (Jančula et Maršálek, 2011; Paerl et coll., 2011a; Matthijs et coll., 2012). Bien que l’on ait toujours considéré que la contribution relative du phosphore aux problèmes de proliférations cyanobactériennes était plus importante que celle de l’azote (Scott et McCarthys, 2010), l’importance de la charge en azote est désormais reconnue. Ainsi, il est peu probable qu’une stratégie de réduction visant uniquement le phosphore soit efficace (Havens et coll., 2000; Howarth et Paerl, 2008; Conley et coll., 2009). Une manière de contrôler les éléments nutritifs serait de limiter les apports dans la source d’eau (eaux usées et effluent industriel, ruissellement provenant des zones urbaines et agricoles). Puisque ces apports peuvent être influencés par les chutes de pluie, on s’attend à ce que les changements climatiques exercent une pression supplémentaire sur les sources et les systèmes d’approvisionnement en eau. Par conséquent, une stratégie de contrôle des éléments nutritifs visant le lien entre les changements climatiques et la charge en éléments nutritifs sera importante (Paerl et coll., 2011b; Carey et coll., 2012a). Des efforts sont continuellement déployés pour élaborer des outils rentables permettant d’aider les services d’alimentation en eau par rapport à leurs activités de sensibilisation, de préparation et d’éducation concernant les changements climatiques (de Boer, 2007; Fries et coll., 2012).

Les mesures de contrôle des apports nécessitent la coopération des intervenants issus de multiples secteurs et territoires de compétence. Elles peuvent être coûteuses et longues et nécessiter plusieurs années avant que les efforts déployés portent leurs fruits. Par conséquent, ces mesures peuvent ne pas être accessibles financièrement pour de nombreuses zones (Jančula et Maršálek, 2011). Il est possible que les mesures de contrôle des apports ne soient pas efficaces dans un grand bassin versant (Watson et coll., 2008; Liu et coll., 2012).

L’ajout de produits chimiques aux eaux de sources pour réduire la disponibilité des éléments nutritifs représente un autre mécanisme potentiel de contrôle. Cette approche consiste à lier du phosphore soluble aux sédiments, à le précipiter et à l’emprisonner dans ces derniers afin que le phytoplancton n’y ait pas accès (Paerl et coll., 2011b). Les complexes insolubles de coagulant empêchant la formation de phosphate créent une barrière sur la surface des sédiments qui prévient la libération du phosphate (Lelková et coll., 2008; Paerl et coll., 2011b). L’élimination directe du phytoplancton par la coagulation, l’agrégation et la sédimentation est un effet secondaire possible (Jančula et Maršálek, 2011). Les défis associés à l’utilisation de produits chimiques comprennent les dépenses, les concentrations de dosage, la composition chimique de l’eau (pH, alcalinité), les concentrations des cibles prévues et les effets écotoxiques possibles (Jančula et Maršálek, 2011).

Les sels d’aluminium (sulfate d’aluminium, chlorure d’aluminium) et les polymères (chlorure de polyaluminium) sont quelques-uns des coagulants les plus couramment utilisés dans la production d’eau potable et le traitement des eaux usées. L’aluminium dans sa forme pure peut être toxique pour le biote aquatique et les poissons dans les eaux acides; ainsi, le fait d’appliquer un traitement dans les plans d’eau avec un pH neutre et d’avoir un pouvoir tampon approprié constitue un important facteur à considérer. Certaines études ont fait état d’effets nocifs sur le zooplancton plusieurs jours après l’ajout d’aluminium dans l’eau. Ces dernières étaient en grande partie liées à la coagulation et à l’élimination des éléments nutritifs et du phytoplancton, par rapport à la toxicité de l’aluminium (Jančula et Maršálek, 2011). L’utilisation de coagulants d’aluminium n’endommage pas les cellules cyanobactériennes et n’entraîne pas la libération ultérieure des cyanotoxines (Drikas et coll., 2001). L’application d’un traitement à base de chlorhydrate de polyaluminium a entraîné une diminution importante de l’abondance de l’espèce Planktothrix agardhii dans un étang d’élevage eutrophe peu profond (Lelková et coll., 2008). Le traitement par injection d’alun microfloc a été étudié; lors de ce dernier, de très fines particules d’hydroxyde d’aluminium présentant des vitesses de sédimentation moins importantes et des temps de séjour plus longs sont créées et dosées en continu ou de façon intermittente, contrairement à des traitements de lacs au complet. Les chercheurs qui ont dirigé une étude à long terme avec la technique ont fait état d’une amélioration de la profondeur du disque Secchi, d’une diminution des concentrations de phosphore total et ont indiqué qu’il n’y avait aucune incidence biologique néfaste (Mooreet coll., 2009).

Les coagulants à base de fer, tels que le sulfate polyferrique, le sulfate ferrique et le chlorure de fer, ont été utilisés. Comme avec l’alun, l’utilisation des techniques de lyse des cellules ou de libération des toxines issues du fer est peu probable. Les coagulants à base de fer sont toutefois plus sensibles aux concentrations d’oxygène et un rejet accru de phosphate peut se produire à partir des flocons déposés dans des conditions anoxiques (Jančula et Maršálek, 2011).

L’application de calcium sous forme d’hydroxyde de calcium ou de calcite (carbonate de calcium) a également été envisagée en tant qu’outil de restauration possible du lac (Prepas et coll., 2001; Jančula et Maršálek, 2011). L’application de chaux peut rehausser le pH de l’eau, ce qui peut constituer un désavantage. Si la plage de pH naturels de l’eau est maintenue, on ne devrait pas s’attendre à des effets toxiques sur l’écosystème (Jančula et Maršálek, 2011). L’utilisation de la chaux n’entraîne pas la lyse des cellules et la libération de cyanotoxines (Kenefick et coll., 1993). Des études sur l’application de chaux et de calcite indiquent que cela a permis de réduire la biomasse du phytoplancton, du phosphore et de la chlorophylle-a; toutefois, des effets à long terme ont uniquement été observés dans les lacs recevant de multiples doses (Prepas et coll., 2001; Zhang et coll., 2001).

D’autres mesures de contrôle ont été proposées pour traiter les sédiments riches en matière organique, qui peuvent constituer une source importante de charge en azote et en phosphore dans l’eau sus-jacente. Les mesures de gestion peuvent comprendre le recouvrement ou l’élimination physique des sédiments par dragage. Toutefois, ces stratégies présentent un certain nombre d’inconvénients et peu de rapports font état d’une mise en œuvre fructueuse. Les stratégies de recouvrement ou d’élimination des sédiments sont coûteuses et peuvent entraîner une remise en suspension des éléments nutritifs et substances potentiellement toxiques (Paerl et coll., 2011b). Une bonne planification préalable est nécessaire lorsqu’on procède au dragage, car une quantité considérable de phosphore peut être libérée à ce moment-là (Falconer, 2005). Des répercussions négatives qui sont associées à ces mesures et qui touchent les communautés biologiques benthiques, sont également préoccupantes. De même, les avantages obtenus ne seraient que temporaires, à moins de les associer aux mesures visant à restreindre l’apport en éléments nutritifs (Paerl et coll., 2011b).

Des moyens physiques consistant à modifier l’hydrologie du plan d’eau ont aussi été employés pour lutter contre les proliférations cyanobactériennes. Un mélange artificiel avec des mélangeurs mécaniques ou des panaches de bulles créés par buses d’injection d’air sont des technologies qui ont été utilisées pour la déstratification de la colonne d’eau. On a également proposé d’injecter directement de l’oxygène dans la couche inférieure de l’eau qui repose au-dessus des sédiments à titre de mécanisme de mélange qui permettrait de limiter le rejet d’éléments nutritifs (phosphore) (Paerl et coll., 2011a, 2011b). Ces méthodes nécessitent d’importants investissements et apports énergétiques, ce qui constitue un obstacle. D’autre part, l’application sera propre au site, en fonction de l’hydrologie du plan d’eau en question (Falconer, 2005). Il est important de noter que les tentatives de mélange artificiel peuvent en réalité aggraver les conditions si la déstratification est partiellement atteinte et que les éléments nutritifs sont semés dans une zone qui reste stratifiée (Falconer, 2005). Les tentatives de déstratification se sont avérées inefficaces contre les proliférations de Cylindrospermopsis raciborskii, car l’espèce est capable de s’adapter aux conditions de faible lumière lorsqu’elles sont mélangées (O’Brien et coll., 2009; Burford et Davis, 2011).

Le lessivage, qui augmente le débit d’eau du plan d’eau, peut perturber les eaux présentant une stratification thermale et réduire le temps de séjour des cyanobactéries, ce qui complique l’établissement d’une prolifération (Maier et coll., 2004; Paerl et coll., 2011b). Il existe deux approches générales de lessivage : le rejet constant à faible volume pour maintenir une vitesse de débit minimal efficace, ou le rejet à volume élevé pour lessiver une prolifération établie. Bien que cette stratégie puisse être efficace dans la réduction des proliférations, les réseaux hydrographiques ne sont pas tous capables de réguler leur propre débit, et les niveaux de rejets ou les vitesses de débit sont propres au système (Mitrovic et coll., 2003; Falconer, 2005). Dans un réseau hydrographique australien régulé par des lacs en amont, les niveaux de rejets suffisants pour dissiper la stratification thermique dans différents sites d’étude variaient de 100 à 450 ML/j. Les vitesses de débit calculées pour les sites ont été jugées similaires malgré les différences importantes observées dans les zones transversales, et il a été établi qu’une vitesse de débit critique de 0,05 m/s permettait de dissiper la stratification thermique dans tous les sites (Mitrovic et coll., 2003).

Il a également été déterminé que le retrait sélectif d’eau provenant du fond du lac était un moyen de déstabiliser la colonne d’eau et de retirer les eaux riches en phosphore (Falconer, 2005; Lehman et coll., 2009). Un avantage que présente cette technique est qu’elle vise la source de l’eutrophisation en éliminant le phosphore du système. L’inconvénient, toutefois, est qu’il faut traiter l’eau afin d’en éliminer le phosphore avant de la décharger dans un autre plan d’eau (Falconer, 2005).

Des mesures biologiques visant à prévenir ou à contrôler les proliférations cyanobactériennes sans utiliser de produits chimiques ont été étudiées. De nombreux chercheurs ont étudié l’écologie des espèces de zooplancton capable d’ingérer les cyanobactéries (Chorus et Bartram, 1999; Paerl et coll., 2011b). D’autres chercheurs se sont intéressés à l’écologie des moules d’eau douce qui peuvent consommer des cyanobactéries, mais qui peuvent aussi avoir l’effet indésirable d’améliorer les environs favorables à la croissance des cyanobactéries en modifiant la lumière et la teneur en éléments nutritifs de l’environnement aquatique. D’autres stratégies étudiées comportaient des tentatives de modifier la population de poissons pour réduire les espèces de poissons qui se nourrissent de plancton ou pour introduire des cyanophages capables d’attaquer des espèces cyanobactériennes précises (Falconer, 2005). L’utilisation de pailles d’orge afin de réduire les populations cyanobactériennes constitue une autre nouvelle mesure qui a été étudiée. D’après certains rapports, la décomposition de la paille d’orge libère des composés dont l’identité n’est pas encore confirmée et qui ont des propriétés anticyanobactériennes (Chorus et Bartram, 1999). Les résultats concernant l’utilité de cette approche sont contradictoires. La technique ajoute une quantité considérable de matière organique au plan d’eau, ce qui constitue un important facteur à considérer. Bien qu’elle soit favorable sur le plan économique, l’utilisation de la paille d’orge n’est pas suffisamment bien comprise pour envisager de l’utiliser régulièrement. De manière générale, la recherche concernant les mesures de contrôle biologique n’en est encore qu’aux premiers stades, et un travail plus poussé est nécessaire pour comprendre totalement les avantages et les limites potentiels des approches individuelles.

7.1.1 Mesures d’intervention pour les proliférations cyanobactériennes

Les mesures d’intervention (visant à détruire une prolifération active) peuvent entraîner des risques pour l’écologie et la santé humaine; elles sont donc considérées comme des mesures d’urgence (Chorus et Bartram, 1999). Les mesures de prévention et les techniques de gestion des plans d’eau représentent les mesures privilégiées pour contrôler les cyanobactéries et leurs toxines. Les mesures qui détruisent les cellules cyanobactériennes contenant la toxine ont pour grave conséquence de libérer les toxines dans l’eau. Avant la mise en œuvre de toute mesure d’intervention liée à l’approvisionnement en eau, les autorités compétentes devraient être consultées pour déterminer si des approbations ou des permis sont requis.

Certaines régions ont utilisé des algicides pour tuer les proliférations cyanobactériennes (Chorus et Bartram, 1999; Chorus, 2012). Malgré les préoccupations relatives à la santé humaine et à l’environnement associées à ces agents, ils ont été utilisés à titre de mesure de contrôle à court terme des proliférations cyanobactériennes lorsqu’on jugeait qu’aucune stratégie de gestion des risques de rechange n’était disponible, ou que les stratégies offertes n’étaient ni pratiques ni efficaces. De nombreux pays ont établi une réglementation de l’environnement qui restreint l’utilisation de tels produits (Chorus et Bartram, 1999). Les produits chimiques qui ont été étudiés pour la gestion des proliférations sont abordés ici; toutefois, l’utilisation d’algicides pour contrôler les proliférations dans les sources d’eau potable n’est pas encouragée.

Le cuivre (sous forme de sulfate de cuivre ou dans des algicides commerciaux) est l’algicide le mieux connu et le plus fréquemment utilisé (Chorus et Bartram, 1999; Jančula et Maršálek, 2011). La répartition rapide d’une prolifération toxique de Microcystis aeruginosa par traitement de sulfate de cuivre dans un lac australien était suivie de concentrations de microcystines comprises entre 1 300 et 1 800 µg/L dans l’eau et y ont persisté pendant neuf jours (Jones et Orr, 1994). De même, l’utilisation d’algicides à base de cuivre suscite fréquemment des préoccupations environnementales (Falconer, 2005). Le cuivre est un poison non spécifique qui peut avoir des effets néfastes sur un certain nombre d’organismes non ciblés dans les écosystèmes aquatiques (Falconer, 2005; Jančula et Maršálek, 2011). Les complexes de cuivre qui se forment peuvent également se déposer et s’accumuler dans les sédiments avec le temps pour atteindre des concentrations dangereuses pour les organismes résidents. Le degré de toxicité du cuivre pour les espèces aquatiques est influencé par de nombreux facteurs, notamment le pH et l’alcalinité de l’eau, la forme du cuivre utilisé, la dose appliquée et les sensibilités individuelles (Chorus et Bartram, 1999; Falconer, 2005).

Les oxydants tels que le chlore et le permanganate de potassium ont toujours été utilisés dans les opérations de traitement de l’eau potable, mais ils ne sont généralement pas appliqués en tant qu’algicides dans le cadre des mesures d’intervention dans le lac au complet ou dans les réservoirs (Falconer, 2005). Le peroxyde d’hydrogène a présenté un intérêt en tant qu’algicide potentiel. Les caractéristiques qui rendent le peroxyde d’hydrogène intéressant sont une répartition rapide, des produits de réaction sécuritaies pour l’environnement (oxygène et eau) et des résultats de recherches qui indiquent une toxicité plus importante pour les cyanobactéries que pour d’autres types de phytoplancton (Jančula et Maršálek, 2011; Z. Wang et coll., 2012). Les inconvénients (autre que la lyse des cellules) sont que la répartition est tellement rapide que des applications répétées sont nécessaires, et qu’une concentration trop élevée peut être dangereuse pour d’autres organismes. Un contrôle approprié de la dose est très important (Jančula et Maršálek, 2011). L’application d’une concentration de 2 mg/L de peroxyde d’hydrogène a entraîné la destruction d’une population toxique de Planktothrix agardhii et a fait diminuer les concentrations de microcystines totales (Matthjis et coll., 2012). Les quantités de cyanobactéries sont restées faibles pendant sept semaines après le traitement. On n’a pas observé d’effets importants sur le phytoplancton et le zooplancton à cette concentration; toutefois, dans des traitements expérimentaux, le zooplancton a diminué à une concentration de peroxyde d’hydrogène de 2,5 mg/L et a fortement été perturbé par des concentrations plus élevées. Le traitement réalisé avec du peroxyde d’hydrogène devrait varier d’un site à l’autre, car il est influencé par la composition des espèces, les concentrations de carbone organique dissous, le fer et le manganèse, le potentiel redox, les conditions de lumière et l’activité biologique. Une meilleure compréhension de cette technique est nécessaire (Matthjis et coll., 2012).

On a testé des herbicides tels que le diuron, l’endothall, le glyphosphate et la simazine pour connaître leur potentiel dans le contrôle des proliférations cyanobactériennes (Falconer, 2005; Jančula et Maršálek, 2011; L. Chen et coll., 2012). Toutefois, de nombreuses préoccupations sont associées à l’utilisation de ces produits en tant qu’algicides, notamment l’accumulation et la persistance dans l’environnement, la toxicité pour d’autres espèces aquatiques aux doses recommandées et la possibilité de développement d’une certaine résistance dans certaines bactéries (Falconer, 2005; Jančula et Maršálek, 2011).

La sonication, à savoir l’utilisation d’ondes ultrasonores pour rompre les cellules cyanobactériennes, a également été envisagée comme option de traitement possible (Rajasekhar et coll., 2012). L’application d’un rayonnement sonore dans l’eau produit des millions de bulles qui, dès qu’elles explosent, entraînent des températures et des pressions élevées, ainsi que la production de radicaux libres. Dans la cellule cyanobactérienne, cela entraîne la rupture de la paroi et de la membrane cellulaires et l’interruption des activités telles que la photosynthèse et la division de la cellule (Rajasekhar et coll., 2012). La technique de sonication est écologique par rapport aux traitements chimiques, ce qui constitue un avantage important. D’après certains rapports, la technique permet de dégrader la MC-LR (Song et coll., 2005). Les inconvénients sont que les fréquences d’application sont difficiles à calculer, elles sont propres au système et, comme elles se font à grande échelle, elles nécessitent un équipement plus puissant et donc plus cher. La sonication présente un potentiel d’utilisation dans la gestion des proliférations cyanobactériennes, mais des études plus poussées visant à déterminer des procédures d’exploitation efficaces sont nécessaires avant que cette approche puisse être considérée comme faisable (Rajasekhar et coll., 2012).

7.2 Échelle municipale

Il est possible de contrôler les cyanotoxines à l’usine de traitement de l’eau en utilisant divers traitements chimiques, physiques et biologiques pour supprimer les cyanotoxines intracellulaires (liées aux cellules) ou extracellulaires (dissoutes). Dans la plupart des cas, des toxines intracellulaires et dissoutes seront présentes dans la source d’eau et pénètreront dans une usine de traitement; les services d’alimentation en eau devraient donc envisager un traitement des deux formes (Newcombe et Nicholson, 2004; Westrick et coll., 2010b; Merel et coll., 2013). Au Canada, lorsqu’un traitement de l’eau potable est nécessaire pour traiter les cyanotoxines, l’accent sera le plus souvent placé sur l’élimination des microcystines. En conséquence, cette section porte sur les méthodes de traitement efficaces contre les microcystines. La section 7.2.9 présente une brève analyse des méthodes pouvant être efficaces contre la cylindrospermopsine.

Pour éliminer les microcystines intracellulaires et extracellulaires de l’eau potable, une approche à barrières multiples est requise, laquelle peut prendre la forme d’une filtration conventionelle ou d’une membrane pour éliminer les microcystines intracellulaires, tandis que l’élimination des microcystines dissoutes se ferait à l’aide de charbon actif en grains (CAG), de charbon actif en poudre (CAP), d’une oxydation, d’une biodégradation ou de procédés à membrane à pores fins. La première approche, qui représente la manière la plus efficace de gérer les concentrations élevées de microcystines, consiste à éliminer les cellules cyanobactériennes intactes, sans les endommager, afin d’empêcher la libération d’autres microcystines dissoutes dans l’eau. D’autres technologies de traitement peuvent être utilisées pour éliminer les microcystines dissoutes qui restent dans l’eau (Newcombe et Nicholson, 2004; Newcombe, 2009; Westrick et coll., 2010b). Plusieurs examens détaillés de l’efficacité de diverses méthodes de traitement visant à éliminer les microcystines intracellulaires ou dissoutes ont été publiés. (Newcombe et Nicholson, 2004; Svrcek et Smith, 2004; Hoeger et coll., 2005; Newcombe, 2009; Warren et coll., 2010; Westrick et coll., 2010b; Merel et coll., 2013; Antoniou et coll., 2014).

Si les cellules ne sont pas endommagées, une filtration conventionelle par le biais d’une coagulation, d’une clarification et d’une filtration granulaire rapide, peut être efficace pour éliminer les cellules intactes et une bonne partie des toxines intracellulaires. Toutefois, des rapports indiquent que l’accumulation de cellules cyanobactériennes et de microcystines dans les clarificateurs peut conduire à leur pénétration dans l’eau filtrée (Zamyadi et coll., 2012a, 2013c). De plus, une lyse des cellules peut avoir lieu durant l’étape de préoxydation ou dans la boue présente dans le clarificateur, ce qui augmente la concentration de microcystines dissoutes dans l’usine de traitement. On considère habituellement que l’efficacité de la filtration conventionelle pour éliminer la forme dissoute des microcystines est limitée (Hall et coll., 2000; Drikas et coll., 2001; Hoeger et coll., 2004). Par conséquent, des procédés supplémentaires, tels que l’adsorption, l’oxydation chimique, la biodégradation ou l’osmose inverse (OI) et la nanofiltration (NF), étaient requis pour éliminer les microcystines dissoutes (Newcombe et Nicholson, 2004; Westrick et coll., 2010b).

Les procédés d’adsorption tels que le CAG et le CAP permettent d’éliminer efficacement les microcystines dissoutes, mais ils ne peuvent pas éliminer les cellules intactes et les toxines intracellulaires. L’élimination par l’adsorption dépend de nombreux facteurs, notamment le type de charbon actif utilisé, la variante de microcystine et les conditions liées à la qualité de l’eau (Newcombe, 2002; Alvarez et coll., 2010).

L’oxydation chimique au chlore, au permanganate de potassium ou par ozonisation peut être efficace pour éliminer les microcystines dissoutes, mais elle peut également provoquer la lyse des cellules et ainsi accroître les concentrations de microcystines dissoutes dans l’eau potable. En appliquant tout d’abord une méthode de filtration conventionelle (ou un autre processus de filtration), une bonne partie des cellules intactes sont éliminées; il est alors moins probable que la concentration de microcystines dissoutes augmente en raison de la lyse des cellules lorsque l’eau filtrée est traitée avec des oxydants (Sharma et coll., 2012; Merel et coll., 2013). Lorsqu’une oxydation préalable est pratiquée, il est possible qu’il faille l’interrompre au cours d’une prolifération cyanobactérienne; par ailleurs, des ajustements au type ou aux doses d’oxydants peuvent être nécessaires pour minimiser la rupture des cellules avant la filtration (Newcombe et coll., 2015).

Les procédés à membrane peuvent aussi éliminer efficacement les microcystines. Bien que les membranes de microfiltration (MF) et d’ultrafiltration (UF) puissent éliminer les cellules cyanobactériennes et les microcystines intracellulaires, l’élimination des microcystines dissoutes à l’aide de l’ultrafiltration est variable (35–70 %) et la microfiltration n’est pas efficace pour l’élimination des microcystines dissoutes (Gijsbertsen-Abrahamse et coll., 2006; Dixon et coll., 2011b). Les membranes de nanofiltration et l’osmose inverse parviennent à éliminer des concentrations élevées de microcystines intracellulaires et dissoutes. Puisque l’exclusion selon la taille constitue le principal mécanisme de rejet, la taille des pores est un facteur important concernant l’efficacité d’élimination de ces processus.

Les usines de traitement de l’eau potable qui combinent divers processus de traitement, comme une filtration conventionelle avec oxydation ou charbon actif, pour éliminer les microcystines intracellulaires et dissoutes, réussissent généralement à éliminer jusqu’à 99,99 % des microcystines totales et à atteindre des concentrations inférieures à 0,1 µg/L dans l’eau traitée (Karner et coll., 2001; Lahti et coll., 2001; Hoeger et coll., 2005; Jurczak et coll., 2005; Rapala et coll., 2006; Zamyadi et coll., 2013c). Outre les données issues des études évaluées par les pairs mentionnées ci-dessus, des données fournies par les membres du Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable sur les concentrations de microcystines dans l’eau brute et traitée au Canada indiquent également que la plupart des usines de traitement atteignent des concentrations de microcystines inférieures à 0,1 µg/L dans l’eau traitée (Zurawell, 2002; ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2005, 2008; Manitoba Water Stewardship, 2012; Ontario Ministry of the Environment, 2014). Certains systèmes d’approvisionnement en eau potable, tels que les petits systèmes qui ne pratiquent pas de filtration pour éliminer les particules, ne seront pas en mesure d’éliminer les microcystines intracellulaires. La section 7.2.7 présente une analyse détaillée de l’efficacité des procédés de traitement combinés à des fins d’élimination des microcystines.

La capacité des usines de traitement à supprimer efficacement les microcystines dépendra de la qualité de l’eau propre au site (p. ex. pH, température, turbidité, présence de matière organique naturelle) et des procédés de traitement déjà en place. Les responsables des services d’alimentation en eau doivent comprendre le type et la concentration des variantes de microcystines présentes dans la source d’eau et doivent effectuer des évaluations propres au site pour déterminer la stratégie de traitement la plus efficace (Harrington et Swank, 2010). De plus, il est important d’avoir des connaissances sur les espèces cyanobactériennes présentes dans une prolifération pour optimiser l’élimination des cellules dans les usines de traitement (Zamyadi et coll., 2013a). Des renseignements détaillés sur les facteurs opérationnels à considérer relativement à diverses méthodes de traitement figurent dans Hoeger et coll. (2004), Newcombe (2009), Zamyadi et coll. (2012a, 2013c) et Newcombe et coll. (2015).

7.2.1 Filtration conventionnelle

La filtration conventionnelle, qui prend la forme d’une coagulation, d’une clarification (sédimentation ou flottation à l’air dissous) et d’une filtration granulaire rapide, peut se révéler efficace pour éliminer les cellules cyanobactériennes et, par conséquent, les microcystines intracellulaires (liées aux cellules) lorsque l’élimination des particules ou de la matière organique naturelle est optimisée (Chow et coll., 1998; Newcombe et coll., 2015). Une filtration rapide sur sable sans traitement préalable (coagulation) n’est pas efficace pour éliminer les cellules cyanobactériennes (Lepisto et coll., 1994). En outre, des études ont permis d’établir une efficacité d’élimination limitée des microcystines extracellulaires (dissoutes) à l’aide de ces processus (Keijola et coll., 1988; Chow et coll., 1999; Drikas et coll., 2001; Hoeger et coll., 2005).

L’efficacité du procédé de filtration conventionnel pour éliminer les cellules cyanobactériennes et les microcystines intracellulaires varie de 60 à 99,9 % et dépend de divers facteurs, notamment les espèces cyanobactériennes et la densité cellulaire, le type de coagulant et la dose, le pH et les paramètres opérationnels, tels que le temps de floculation, la fréquence du lavage des filtres à contre-courant et l’élimination de la boue dans le clarificateur (Vlaski et coll., 1996; Hitzfeld et coll., 2000; Hoeger et coll., 2004; Jurczak et coll., 2005; Zamyadi et coll., 2012a, 2013c; Antoniou et coll., 2014; Newcombe et coll., 2015).

L’élimination des cellules cyanobactériennes et des microcystines intracellulaires se produit à chaque étape du procédé de filtration conventionelle et devrait être surveillée et optimisée dans l’ensemble de l’usine de traitement pendant des épisodes de proliférations. En général, 60 à 95 % des cellules et des microcystines intracellulaires peuvent être éliminées pendant la sédimentation, avec un taux d’élimination atteignant 99,9 % à la suite de l’étape de filtration (Lepisto et coll., 1994; Drikas et coll., 2001; Hoeger et coll., 2004; Newcombe et coll., 2015).

7.2.1.1 Élimination des cellules cyanobactériennes

L’efficacité de la coagulation pour l’élimination des cellules dépend du pH, du type de coagulant et de la dose, ainsi que des caractéristiques morphologiques des algues. Aucun consensus n’a été atteint dans les ouvrages concernant l’identification du coagulant ou des conditions les plus efficaces pour éliminer les cellules cyanobactériennes. Toutefois, des essais de floculation à l’aide de divers coagulants, notamment le sulfate d’aluminium, le chlorure de fer, le sulfate polyferrique et le chlorhydrate d’aluminium, ont fait état de l’élimination efficace de plusieurs espèces cyanobactériennes (Microcystis aeruginosa, Anabaenacircinalis, Cylindrospermopsis raciborskii, Anabaena flos-aquae et Pseudanabaena)(Jiang et coll., 1993; Chow et coll., 1998, 1999; Henderson et coll., 2010; Dixon et coll., 2011a, 2011b; Gonzalez-Torres et coll., 2014; Newcombe et coll., 2015). Mohamed et coll. (2001) ont montré dans des essais de floculation que l’adoucissement à la chaux n’était pas efficace pour éliminer les cyanobactéries, mais que la chaux (100 mg/L d’hydroxyde de calcium) et l’alun (75 ng/L) étaient efficaces pour éliminer complètement 2 000 cellules/mL environ. D’autres travaux ont révélé que, dans la plupart des cas, l’optimisation de la coagulation à des fins d’élimination de la matière organique naturelle permet également d’optimiser (≥ 90 %) l’élimination des cellules cyanobactériennes pendant la clarification (Newcombe et coll., 2015). Par conséquent, on recommande d’optimiser les procédés de coagulation ou floculation existants avant d’envisager un changement dans les coagulants au cours d’une prolifération cyanobactérienne (Newcombe et coll., 2010).

Les caractéristiques morphologiques des algues (en particulier les caractéristiques liées à la taille, à la forme et à la surface) ont également une incidence sur l’efficacité des coagulants pour l’élimination des cellules algales. Bernhardt et Clasen (1991) ont laissé entendre que les cellules algales sphériques lisses étaient éliminées par des mécanismes de neutralisation de la charge, contrairement aux cellules filamenteuses, qui sont éliminées par la coagulation par balayage pendant un procédé de coagulation et de floculation. Henderson et coll. (2008) ont indiqué que la morphologie, la motilité, la matière organique extracellulaire et la charge de la surface influent sur la coagulation et la floculation, et que la morphologie et la motilité sont les éléments les plus importants pendant la sédimentation. Les auteurs ont découvert que la surface des cellules pouvait être utilisée en tant qu’indicateur préliminaire de la dose de coagulant pour une élimination optimale des cellules (Henderson et coll., 2008, 2010). Des variations dans l’élimination des cellules en fonction des espèces cyanobactériennes ont également été enregistrées dans une usine de traitement à grande échelle (Zamyadi et coll., 2013a). La surveillance quotidienne d’une usine de filtration conventionelle a montré que la coagulation des cellules Aphanizomenom était beaucoup moins importante (élimination de 54 à 75 %) que pour d’autres genres de cyanobactéries, tels que les espèces Microcystis et Anabaena (élimination > 99 %). D’autre part, les cellules d’Aphanizomenom n’ont pas été éliminées efficacement dans la boue et ont été filtrées (Zamyadi et coll., 2013a). Par conséquent, l’identification des genres de cyanobactéries présentes à l’arrivée d’eau d’une usine de filtration conventionelle est utile pour optimiser ou prévoir l’efficacité des procédés de traitement (Antoniou et coll., 2014).

D’autres facteurs peuvent influer sur l’efficacité du procédé de clarification. Des essais en laboratoire dirigés par Henderson et coll. (2006) ont permis d’établir que l’atteinte d’une taille de flocon à l’état stable nécessite 25 minutes pour les cellules de Chlorella vulgaris (5 × 105 cellules/mL), contre quatre minutes pour les matières organiques naturelles. De plus, les auteurs ont noté qu’au cours de six à sept premières minutes, aucune agglomération des cellules n’a pu être observée. Ce décalage a été attribué à la capacité des cellules à réagir aux changements dans l’environnement immédiat, car la charge de la surface des cellules peut varier pour compenser la charge positive des coagulants. De plus, Knappe et coll. (2004) ont découvert que l’ajout d’agents de floculation (polymère de liaison anionique) a considérablement renforcé la décantabilité des cellules cyanobactériennes, du moment que les conditions de coagulation étaient optimisées. Le type de clarificateur peut également influer sur l’efficacité du procédé. Mouchet et Bonnelye (1998) ont étudié l’efficacité des diverses méthodes de sédimentation et ont déterminé que les clarificateurs du lit de boue étaient plus efficaces que les décanteurs statiques pour l’élimination des cellules cyanobactériennes.

La flottation à l’air dissous (FAD) de l’eau coagulée/floculée peut être plus efficace que la sédimentation pour l’élimination de cyanobactéries spécifiques avec des vacuoles de gaz qui présentent des tendances de flottabilité diurnes. Des examens détaillés de la flottation à l’air dissous pour l’élimination des cyanobactéries figurent dans Knappe et coll. (2004), Teixeira et Rosa (2006a, 2007), Teixera et coll. (2010), Henderson et coll. (2008) et Antoniou et coll. (2014). Des essais en laboratoire dirigés par Vlaski et coll. (1996) ont montré que lorsque les processus de coagulation ou de floculation étaient optimisés et qu’un agent coagulant à faible dose était utilisé, la flottation à l’air dissous permettait d’atteindre un taux d’élimination des cellules de Microcystis aeruginosa pouvant atteindre 99 %. De même, Henderson et coll. (2010) ont constaté que les cellules algales ayant des morphologies différentes, notamment l’espèce M. aeruginosa, ont pu être éliminées efficacement (94–99 %) à l’aide d’un procédé de coagulation ou de floculation et d’une flottation à l’air dissous. Teixeira et coll. (2010) ont montré qu’il était possible d’éliminer de 92 % à 98 % des cellules de M. aeruginosa et des filaments de Planktothrix rubescens, ainsi que des microcystines intracellulaires, à l’aide d’une technique de flottation à l’air dissous lorsque les doses de coagulant étaient optimisées à des fins d’élimination de la chlorophylle-a.

Les processus de clarification des flocons lestés à l’aide de microsable ont également fait l’objet d’une étude sur l’élimination des cellules cyanobactériennes. Le microsable leste les flocons et augmente leur vitesse de décantation; par conséquent, les bassins de décantation peuvent être plus petits que les bassins de sédimentation conventionelle. Robinson et Fowler (2007) ont dirigé des essais pilotes sur un processus de clarification utilisant du sable lesté et ont pu observer que 95 % des cyanobactéries étaient éliminées à la suite de la clarification. Des essais de floculation dirigés par Knappe et coll. (2004) ont révélé que le processus de floculation renforcée par le microsable a permis d’atteindre le même taux d’élimination (97–98 %) des cellules de M. aeruginosa (50 000 cellules/mL) ajoutées aux eaux lacustres.

On a également observé que les activités de filtration influent sur le passage des cyanobactéries dans l’eau filtrée. Les essais pilotes réalisés par Dugan et Williams (2006) ont montré que l’augmentation de 50 % du taux de la charge hydraulique dans les filtres a entraîné des concentrations de chlorophylle-a dans l’effluent du filtre 1,6 à 48 fois plus élevées, ce qui indique la présence de davantage de cyanobactéries dans l’eau filtrée. Les pics de chlorophylle-a se sont également révélés plus élevés lors des essais réalisés avec l’espèce M. aeruginosa par rapport à l’espèce Anabaena flos-aquae. L’étude a également montré que la concentration de chlorophylle-a dans l’eau filtrée était plus élevée pour un taux de charge du filtre initial de 10 m/h par rapport à un taux de charge du filtre initial de 7 m/h.

Hoeger et coll. (2004) ont effectué une surveillance rigoureuse de l’élimination des cellules cyanobactériennes dans deux usines de traitement de l’eau potable à grande échelle. Au cours d’une période où les densités des cellules cyanobactériennes (M. aeruginosa et A. circinalis) sont élevées dans l’eau brute (1,26 × 106 cellules/mL) à une usine de traitement, l’efficacité de chaque étape de traitement à des fins d’élimination des cellules a été étudiée. Les cellules ont été éliminées à 99 % au moyen de procédés de coagulation, de floculation et de sédimentation, sans différences entre les espèces cyanobactériennes. Toutefois, en raison du nombre élevé de cellules dans l’eau brute, jusqu’à 12 400 cellules/mL étaient encore présentes dans l’eau clarifiée. La filtration rapide sur sable a permis d’éliminer 99 % des cellules de A. circinalis et 85 % des cellules de M. aeruginosa, ce qui représente un taux d’élimination global supérieur à 99,9 % pour un processus de filtration conventionelle. Cependant, les auteurs ont noté que plus de 2 000 cellules/mL étaient encore présentes dans l’eau traitée, même après une élimination de 99,9 %, lorsque des densités cellulaires élevées (2 × 106 cellules/mL) étaient présentes dans l’eau brute.

7.2.1.2 Élimination des microcystines intracellulaires et dissoutes

Outre les nombreuses études abordées dans ce rapport qui ont porté sur les aspects spécifiques de l’élimination des cellules cyanobactériennes, plusieurs autres études à pleine échelle ont porté sur l’élimination des microcystines intracellulaires et dissoutes au moyen de processus de filtration conventionelle (Karner et coll., 2001; Lahti et coll., 2001; Tarczynska et coll., 2001; Hoeger et coll., 2004, 2005; Jurczak et coll., 2005; Rapala et coll., 2006; Bogialli et coll., 2012). Ces études ont montré que jusqu’à 99,9 % des microcystines intracellulaires peuvent être éliminées lorsque les processus de filtration conventionelle sont optimisés. Ces études ont également confirmé que les concentrations de microcystines intracellulaires dans la source d’eau allant jusqu’à 10 µg/L peuvent être éliminées efficacement jusqu’à atteindre moins de 0,5 µg/L grâce à des processus de filtration conventionelle. Seules des données sur l’élimination de concentrations faibles ou négligeables (< 0,2 µg/L) de microcystines dissoutes ont été consignées dans le cadre d’applications à grande échelle (Jurczak et coll., 2005). Comme pour tout contaminant, les taux d’élimination obtenus dans ces usines sont propres au site; toutefois, ils fournissent une indication de la possibilité d’éliminer les microcystines dans des usines de filtration conventionelle. Les études choisies sont décrites ci-dessous.

Une étude dirigée par Jurczak et coll. (2005) à deux usines de traitement à grande échelle a permis d’établir que la coagulation, la sédimentation et la filtration étaient efficaces pour éliminer les microcystines intracellulaires. Une surveillance hebdomadaire a été effectuée après chaque étape de traitement dans les usines au cours d’un épisode de prolifération de trois mois. À l’une des usines, l’espèce Microcystis aeruginosa représentait l’espèce cyanobactérienne dominante dans l’eau brute, avec une biomasse cyanobactérienne maximale de 20,9 mg/L et une concentration de chlorophylle-a de 65 mg/L. La concentration de microcystines totales dans l’eau brute (somme des variantes MC-LR, MC-RR et MC-YR) variait de 0,19 à 4,6 µg/L et les microcystines étaient principalement intracellulaires. Les chercheurs ont appliqué une dose de 80 à 120 g/m3 d’un coagulant à base de fer et une concentration d’hydroxyde de calcium comprise entre 15 et 25 g/m3, puis ont effectué un processus de floculation et de sédimentation. Lorsque la concentration de microcystines était à son maximum (4,6 µg/L), le processus de sédimentation a permis d’éliminer environ 98 % des microcystines intracellulaires jusqu’à une concentration de 0,08 µg/L. Les microcystines restantes étaient éliminées à l’étape de filtration. Lors d’un autre épisode d’échantillonnage, la concentration de 0,25 µg/L de microcystines dissoutes a été réduite à une valeur inférieure à la limite de détection de 0,01 µg/L; cependant, les auteurs n’ont pas indiqué si ces concentrations étaient très différentes.

Rapala et coll. (2006) ont réalisé une surveillance des cyanobactéries et des microcystines à une usine de traitement à grande échelle pendant plusieurs épisodes de prolifération cyanobactérienne qui se sont produits au cours d’une période de quatre ans. Les concentrations de microcystines étaient fortement corrélées avec la présence de l’espèce Planktothrix agardhii, qui était l’espèce dominante présente pendant les épisodes de prolifération dont les concentrations de microcystines étaient les plus élevées (environ 10 µg de MC-LRéquiv./L). Une surveillance dirigée après la coagulation avec des sels d’aluminium, la clarification et la filtration sur sable, a montré qu’une réduction moyenne de 1,6 log était possible lorsque les concentrations de microcystines étaient supérieures à 1 µg de MC-LRéquiv./L dans l’eau brute. La plage des crédits d’élimination logarithmique au cours de la période de quatre ans était comprise entre 1,2 et 2,4. Les pics de concentration de microcystines dans l’eau brute de 10 µg de MC-LRéquiv./L ont été réduits à 0,3 µg de MC-LRéquiv./L ou moins. Une ozonisation était requise pour éliminer les microcystines dissoutes restantes (0,3 µg de MC-LRéquiv./L) encore présentes dans l’eau filtrée pour atteindre des concentrations dans l’eau traitée inférieures à 0,04 µg de MC-LRéquiv./L. Les auteurs ont constaté que, bien que les concentrations de microcystines dans l’eau traitée aient été inférieures à la limite de détection (0,02 µg de MC-LRéquiv./L), des filaments non identifiés de cyanobactéries de l’espèce Oscillatoria étaient couramment décelés (300–28 000 cellules/mL) dans l’eau traitée.

Bien que la filtration conventionelle puisse être efficace pour éliminer les cellules cyanobactériennes et les microcystines intracellulaires, les usines de traitement peuvent devoir prendre en compte plusieurs enjeux pendant un épisode de prolifération cyanobactérienne. Ces derniers incluent des augmentations potentielles des concentrations de microcystines dissoutes en raison de la lyse des cellules pendant l’oxydation préalable ou de la libération à partir de la boue dans les clarificateurs, ainsi que l’accumulation et la pénétration de ces cellules dans l’usine de traitement (Schmidt et coll., 2002; Hoeger et coll., 2004; Zamyadi et coll., 2012a, 2013c).

Dans la plupart des cas, les données figurant dans les ouvrages indiquent que, dans des conditions optimales, la coagulation, la floculation et la filtration n’entraînent pas la lyse des cellules ou des augmentations des concentrations de microcystines dissoutes dans l’eau traitée (Chow et coll., 1998, 1999; Drikas et coll., 2001; Sun et coll., 2012). Dans des conditions de coagulation optimales, Chow et coll. (1999) et Drikaset coll. (2001) ont découvert que les cellules des cultures de M. aeruginosa ajoutées à l’eau naturelle restaient intactes lorsqu’elles étaient éliminées par une filtration conventionelle et n’entraînaient pas d’augmentation de la quantité de MC-LR dans l’eau traitée. Les expériences ont été réalisées avec de l’eau de surface enrichie avec 3,5 × 105–4,5 × 105 cellules/mL, des doses de sulfate d’aluminium (aluminium) comprises entre 4,8 et 5,8 mg/L, un pH de 6,2 et un taux de filtration de 600 mL/min. Des données découlant de ces expériences et présentées par Drikas et coll. (2001) indiquaient que les cellules dans l’eau de lavage à contre-courant du filtre ne présentaient que des dommages mineurs (viabilité des cellules > 93 %). Des expériences de laboratoire semblables ont montré qu’une dose de 30 mg/L de chlorure de fer n’entraînait pas la lyse des cellules de l’espèce M. aeruginosa (Chow et coll., 1998). En outre, Sun et coll. (2012) ont montré que la contrainte de cisaillement provoquée par un mélange à raison de 0 à 500 rotations par minute n’a pas causé de dommages aux cellules de M. aeruginosa ou la libération de MC-LR.

En revanche, d’autres études ont révélé qu’une lyse des cellules cyanobactériennes est possible en fonction de la phase de croissance des cellules cyanobactériennes ou des conditions de coagulation (Pietsch et coll., 2001; Schmidt et coll. 2002; Qian et coll., 2014). Schmidt et coll. (2002) ont observé une petite augmentation (0,2 µg/L) de la concentration de microcystines dissoutes lors de l’essai pilote d’un processus de filtration conventionelle pour l’élimination de l’espèce Planktothrix rubescens de l’eau des réservoirs. Une concentration maximale de microcystines totales de 7 µg/L (MC-LR, MC-RR, MC-LA) était floculée avec 2,6 mg/L d’aluminium (sulfate d’aluminium), puis soumise à une filtration sur sable à un taux de 363 L/h. Les auteurs ont émis l’hypothèse que, en fonction de la stabilité des cellules algales (phase de croissance), la libération de toxines était possible pendant la floculation ou la filtration en raison du stress hydraulique et des gradients de pression dans les tuyaux et les filtres. Qian et coll. (2014) ont dirigé des essais de floculation pour déterminer si une diminution du pH provoquée par l’ajout de coagulants entraînant la production d’hydroxyde métallique peut entraîner la lyse des cellules des espèces M. aeruginosa, Cylindrospermopsis et Anabaena circinalis. Les résultats ont indiqué que le stress lié au faible pH (pH < 5) peut entraîner une importante lyse des cellules et la libération de métabolites concernant les espèces A. circinalis et Cylindrospermopsis, tandis que l’espèce M. aeruginosa était plus tolérante aux conditions acides. À un pH de 4, une bonne partie de la cylindrospermopsine intracellulaire (10,3 µg/L) a été libérée en 30 minutes. Dans le cas de l’espèce M. aeruginosa, jusqu’à 6 % de la MC-LR (équivalente à 1 µg/L de la MC-LR intracellulaire initiale) ont été libérés à un pH de 4 et avec une exposition de 30 minutes. En revanche, des conditions de pH élevées (pH = 11) n’avaient qu’un léger impact sur les cellules. On a conclu que l’augmentation du pH avant l’application de coagulants pouvait minimiser les dommages aux cellules et la libération de toxines concernant les espèces cyanobactériennes qui ne tolèrent pas les conditions acides (Qian et coll., 2014).

7.2.1.3 Accumulation et pénétration des cellules et des microcystines dans l’eau traitée

Certaines usines de traitement à grande échelle ont fait état de l’accumulation et de la pénétration des cellules cyanobactériennes et des microcystines à la suite de la coagulation, de la floculation et de la filtration (Zamyadi et coll., 2012a, 2013c). Au cours d’un important épisode de prolifération cyanobactérienne en 2008, Zamyadi et coll. (2012a) ont observé l’afflux d’une grande quantité de cellules cyanobactériennes (Microcystis aeruginosa et Anabaena sp.) (2,01 × 105–7,7 × 105 cellules/mL) dans une usine de filtration conventionelle au cours d’une période de deux jours. Ce flux cumulatif de cellules coagulées dans le clarificateur a entraîné une accumulation importante de cellules (4,7 × 106 cellules/mL) et de microcystines (40 µg de MC-LRéquiv./L) dans le lit de boue. Bien que le clarificateur du lit de boue ait éliminé 86 % des cellules cyanobactériennes et réduit la concentration de microcystines totales de 6,1 à 2,1 µg de MC-LRéquiv./L, 26 000 cellules/mL étaient encore présentes dans l’eau après la sédimentation (à la surface du clarificateur). La filtration a permis de réduire davantage la concentration de cyanobactéries (principalement l’espèce Anabaena flos-aquae) à 4 300 cellules/mL et la concentration de microcystines à 0,3 µg de MC-LRéquiv./L. Une surveillance supplémentaire dirigée en 2010 a permis d’établir la présence d’une écume verte sur le clarificateur qui contenait 10 300 µg/L de microcystines totales (somme la MC-LR, la MC-LF, la MC-RR, la MC-YR, la MC-LY, la MC-LW, la dm-MC-LR) et la cylindrospermopsine. Cela a confirmé la pénétration de microcystines provenant du lit de boue, ainsi que leur déplacement et leur accumulation sur les tuyaux de collecte de l’eau décantée. Une écume contenant plus de 100 µg/L de microcystines totales a également été observée à la surface du filtre, ce qui entraîne la pénétration des microcystines (2,47 µg/L) dans l’eau traitée. Les auteurs ont laissé entendre que l’utilisation d’agents coagulants peut être nécessaire au cours d’une importante prolifération cyanobactérienne pour améliorer la décantation des flocons contenant des cyanobactéries. Newcombe et coll. (2015) ont également noté que, malgré un taux d’élimination des cellules pouvant atteindre 99 % par le biais de processus de sédimentation, on considère qu’une élimination de 90 à 95 % est optimale. Par conséquent, si des concentrations élevées de cellules sont présentes dans l’eau brute, cela pourrait entraîner une accumulation de cyanobactéries dans les clarificateurs et les filtres.

Dans une autre étude dirigée par Zamyadi et coll. (2013c), une accumulation des cellules cyanobactériennes dans le lit de boue et à la surface des bassins de sédimentation et de filtration a été observée dans deux usines à filtration conventionelle présentant un faible risque en raison des faibles concentrations de cellules cyanobactériennes (< 400 cellules/mL) dans l’eau brute. Les concentrations de cellules cyanobactériennes (Microcystis, Anabaena, Aphanizomenom, Pseudanabaena et Gloeotrichia) atteignaient 1,5 × 106 cellules/mL dans l’écume qui s’est formée au-dessus du clarificateur à une usine de traitement. La concentration correspondante de microcystines totales était de 9,3 µg de MC-LRéquiv./L (0,9 µg/L de microcystines dissoutes). Des concentrations élevées de cellules (> 100 000 cellules/mL) et des concentrations de microcystines (5,5 µg de MC-LRéquiv./L) au-dessus du bassin de filtration ont également été enregistrées. Il convient de noter que cela s’est produit lorsque les concentrations de microcystines étaient inférieures à la limite de détection (0,15 µg de MC-LRéquiv./L) dans tous les échantillons d’eau brute prélevés deux fois par semaine au cours d’une période de deux mois. Les exploitants de l’usine de traitement ont commencé à récupérer l’écume qui s’était formée au-dessus du clarificateur à l’aide d’un tuyau de chlorure de polyvinyle à titre de bac de récupération pour essayer de minimiser la pénétration des cellules dans l’eau clarifiée. Les auteurs ont conclu que l’utilisation des valeurs seuils d’intervention fondées sur les concentrations de cellules ou de microcystines dans l’eau brute ne tient pas compte de l’accumulation importante à long terme de cellules potentiellement toxiques à la surface des bassins de sédimentation et de filtration, et dans la boue des usines de traitement, ainsi que du risque de libération de toxines dans l’eau traitée (Zamyadi et coll., 2013c). En outre, la surveillance de la densité de cellules (dénombrements) et l’élimination des microcystines dans une usine de filtration conventionelle aident à déterminer lorsque des ajustements au traitement sont nécessaires (Hoeger et coll., 2004; Tarczynska et coll., 2001; Zamyadi et coll., 2012a, 2013c).

Une étude plus approfondie du comportement des cyanobactéries et des microcystines à la suite de la coagulation et de la sédimentation et pendant les processus de gestion des boues de traitement des eaux a permis d’établir que les cellules peuvent lyser et libérer des microcystines dissoutes dans le surnageant (Drikas et coll., 2001; Ho et coll., 2012a, 2013; Sun et coll., 2012). Drikas et coll. (2001) ont montré que les boues recueillies pendant un essai de floculation contenaient jusqu’à 8 × 106 cellules/mL de M. aeruginosa en culture. La lyse des cellules s’est produite en deux jours et elles ont libéré la MC-LR à des concentrations allant jusqu’à 2 000 µg/L. Après cinq jours, la concentration de microcystines dissoutes a commencé à diminuer en raison de la biodégradation se met en place. Sun et coll. (2012) ont également observé la lyse des cellules et la libération de la MC-LR lorsque des flocons contenant l’espèce M. aeruginosa s’accumulaient sur une période de six jours. Ho et coll. (2013) ont découvert que le surnageant de boues contenait des concentrations élevées de microcystines (90 µg/L) en raison de la lyse des cellules provenant des matières présentes dans la prolifération naturelle. Le taux de libération et de biodégradation variait selon les variantes de microcystines, avec une libération de la MC-LR qui commence immédiatement et qui atteint son pic (30 µg/L) après dix jours; la biodégradation complète se produit après 17 jours. En revanche, les concentrations de MC-YR n’ont augmenté qu’après 13 jours et ont atteint leur pic à 22 jours. Aucune biodégradation de la MC-LR n’a été observée au cours de la période d’étude de 30 jours. Les auteurs ont noté que le recyclage du surnageant de boues (provenant des bassins d’eaux usées) en tête de filière ne devrait pas être réalisé pendant les épisodes de prolifération cyanobactérienne.

Comme cela a été mentionné ci-dessus, les processus utilisés dans les usines de filtration conventionelle ont une incidence sur la réussite de l’élimination des cellules cyanobactériennes et des microcystines, et peuvent avoir un impact sur la pénétration des microcystines dans l’eau traitée (Hoeger et coll., 2004; Dugan et Williams, 2006; Zamyadi et coll., 2012a, 2013c; Ho et coll., 2013). Newcombe (2009) et Newcombe et coll. (2015) présentent des directives opérationnelles détaillées concernant l’élimination optimale des cellules cyanobactériennes à l’aide de procédés de traitement conventionnels. Les facteurs opérationnels à prendre en considération lorsqu’il est question de l’élimination des cellules cyanobactériennes au moyen d’un processus de coagulation et de floculation sont semblables aux facteurs à prendre en considération pour l’élimination efficace des particules. Le coagulant et le pH de coagulation appropriés devraient être établis au moyen d’un essai de floculation, et des essais devraient être effectués dans les eaux présentant de fortes concentrations algales pour maximiser l’élimination des cellules. Un mélange suffisant doit être fourni au point d’ajout de produits chimiques pour assurer un contact rapide; par ailleurs, une vitesse de mélange appropriée doit être déterminée pour optimiser le processus de floculation (Newcombe, 2009). L’optimisation de la coagulation et de la floculation est importante pour minimiser le potentiel d’accumulation des cellules cyanobactériennes sous forme d’écumes à la surface des bassins de sédimentation et des filtres (Zamyadi et coll., 2012a, 2013c).

Il est important d’éliminer efficacement la boue découlant des processus de sédimentation et de clarification afin de minimiser la libération des microcystines intracellulaires et dissoutes dans les eaux environnantes, car de grandes quantités de cellules peuvent s’accumuler dans la boue et les cellules contenues dans la boue peuvent se décomposer rapidement (Drikas et coll., 2001; Zamyadi et coll., 2012a; Ho et coll., 2013). De plus, les cyanobactéries peuvent proliférer durant les procédés de traitement des boues et rejeter des concentrations élevées de toxines (Pestana et coll., 2016). Par conséquent, au cours d’une prolifération cyanobactérienne, la boue et le surnageant de boue devraient être isolés de l’usine de traitement de l’eau, et le surnageant ne devrait pas être renvoyé à l’entrée de l’usine de traitement. De plus, l’eau de lavage à contre-courant provenant des filtres peut contenir des cellules cyanobactériennes ou des microcystines dissoutes; par conséquent, un processus du « filtre aux eaux usées » devrait être employé pour prévenir la réintroduction des cellules et des toxines dans la chaîne de traitement. Bien qu’une filtration plus longue soit généralement souhaitable entre les lavages à contre-courant, pendant les périodes de fortes concentrations algales, les cellules peuvent s’accumuler dans le filtre, ce qui peut conduire à la libération d’une quantité importante de microcystines dissoutes dans l’eau filtrée. Un lavage à contre-courant fréquent a été recommandé pour minimiser le risque de pénétration des cellules dans l’eau filtrée (Newcombe, 2009). Toutefois, Zamyadi et coll. (2013a) ont montré qu’un lavage à contre-courant plus fréquent peut se révéler inefficace, tout dépend des espèces de cyanobactéries présentes dans la prolifération (Zamyadi et coll., 2013a). D’autres facteurs à considérer concernant l’utilisation du filtre peuvent aussi être nécessaires.

7.2.2 Adsorption

Il est possible d’éliminer les microcystines dissoutes (extracellulaires) à l’aide de charbon actif en grains ou de charbon actif en poudre (Lambert et coll., 1996; Newcombe, 2002; Newcombe et coll., 2003, 2009). De manière générale, le charbon mésoporeux (p. ex. charbon dérivé du bois et activé chimiquement) est la méthode la plus efficace pour éliminer les microcystines (Newcombe et coll., 2009). D’autres facteurs, comme le type de variante de microcystine présente, la qualité de l’eau brute (p. ex. matière organique naturelle et pH) et le temps de contact, influent sur l’efficacité d’élimination des microcystines lorsque des procédés au charbon actif sont utilisés. Les usines de traitement de l’eau devraient diriger des essais pour déterminer le procédé avec charbon actif qui s’avère le plus efficace pour assurer la qualité de leur eau. Newcombe et coll. (2009) et Newcombe (2009) présentent des directives détaillées sur les facteurs dont il faut tenir compte en ce qui concerne l’optimisation, l’exploitation et la surveillance des procédés avec charbon actif.

7.2.2.1 Charbon actif en grains

La performance de l’adsorption du charbon actif en grains pour ce qui est de l’élimination des microcystines extracellulaires dépend du temps de contact en fût vide (TCFV), de l’âge du charbon, de la taille des pores du charbon et des caractéristiques relatives à la qualité de l’eau brute (p. ex. matière organique naturelle et pH), ainsi que de la variante de microcystine (Newcombe, 2002; Newcombe et coll., 2003; Ho et Newcombe, 2007; Wang et coll., 2007). Il a également été prouvé que la présence de biodégradation était un facteur important pour déterminer l’efficacité de l’adsorption du charbon actif en grains pour l’élimination des microcystines (Newcombe, 2002; Wang et coll., 2007). L’élimination de faibles concentrations de microcystines extracellulaires (< 1 µg/L) dans la source d’eau jusqu’à atteindre une concentration de moins de 0,25 µg/L a été enregistrée dans des usines de traitement à grande échelle; toutefois, les données opérationnelles ayant pu être utilisées pour ces études étaient limitées (Lambert et coll., 1996; Bogialli et coll., 2012). D’autres données découlant d’essais en laboratoire et d’essais pilotes suggèrent que des concentrations plus élevées de microcystines peuvent être éliminées, mais que la durée de vie du lit filtrant de charbon actif en grains peut être limitée en fonction des caractéristiques de la qualité de la source d’eau et du degré de biodégradation (Bruchet et coll., 1998; Hart et coll., 1998; Newcombe, 2002; Newcombe et coll., 2003; Wang et coll., 2007; Alvarez et coll., 2010).

Lambert et coll. (1996) ont évalué l’élimination des microcystines dans l’eau potable à une usine de traitement de l’eau à grande échelle à l’aide d’une technique de filtration conventionelle par adsorption au charbon actif en grains. Les concentrations de microcystines totales dans l’influent soumises au processus de charbon actif en grains étaient de 1,2 et 0,6 µg de MC-LRéquiv./L pendant deux épisodes de surveillance distincts. On a pu observer des taux d’élimination de 60 % et de 43 % pour atteindre des concentrations de 0,5 et de 0,3 µg de MC-LRéquiv./L, respectivement, dans l’effluent. L’eau brute était caractérisée par une forte concentration de COT (25–30 mg/L), et les auteurs ont constaté que l’élimination de faibles concentrations de microcystines était probablement due à l’adsorption compétitive de la matière organique naturelle. De même, Bogialli et coll. (2013) ont révélé qu’une usine de traitement conventionelle ayant installé des unités de charbon actif en grains post-filtration avait été exploitée pendant 12 mois et avait pu éliminer environ 75 % des microcystines totales [principalement la (d-Asp3)-MR-RR et la MC-RR], en passant d’une concentration dans l’influent de 1,1 µg/L à moins de 0,25 µg/L. Aucune information sur les caractéristiques du charbon actif utilisé dans ces études n’a été fournie.

Plusieurs études en laboratoire et pilotes ont montré que la charge de matière organique naturelle dans les filtres à charbon actif en grains réduit la capacité d’adsorption des microcystines et entraîne un remplacement ou une régénération plus fréquents du charbon actif en grains par rapport à ce que font généralement les usines de traitement de l’eau (Craig et Bailey, 1995; Bruchet et coll., 1998; Newcombe, 2002; Huang et coll., 2007a; Wang et coll., 2007). Dans de nombreuses études pilotes à l’aide de filtres d’adsorption à charbon actif en grains, Newcombe (2002) a observé l’élimination de deux variantes de microcystines (MC-LR et MC-LA) de l’eau traitée (avant de procéder à la chloration). Les systèmes étaient dotés d’un filtre à charbon actif en grains dérivé du bois et activé chimiquement, avec une colonne d’une profondeur de 1,5 m, un diamètre de 8 cm, un débit de 25 L/h et un temps de contact en fût vide de 15 minutes. Les systèmes ont montré que les concentrations dans l’influent de MC-LR et de MC-LA dissoutes allant jusqu’à 13 et 16 µg/L, respectivement, étaient réduites à une valeur inférieure à la limite de détection de 0,1 µg/L pendant des périodes comprises entre un et six mois. Selon les auteurs, la pénétration précoce des microcystines (un mois) dans le système avec une concentration de carbone organique dissous de 6 mg/L était due à l’adsorption des matières organiques naturelles sur la surface du charbon actif en grains, ce qui réduit la capacité d’adsorption disponible pour l’élimination des toxines. De plus, les auteurs ont établi que dans l’ensemble des essais, la MC-LA était adsorbée moins efficacement que la MC-LR. D’après Ho et coll. (2011), les différences dans la charge, la taille moléculaire et la conformation des molécules de microcystines peuvent influer sur leur adsorption. Huang et coll. (2007a) ont obtenu des résultats semblables à ceux de Newcombe (2002) lors d’expériences en laboratoire avec du charbon actif en grains. Les résultats ont indiqué qu’une forte concentration de carbone organique dissous (7,8 mg/L) dans l’eau de l’influent découlait d’une adsorption compétitive et réduisait l’élimination de MC-LR de 65 % à 12 % (concentration initiale de 250 µg/L).

Alvarez et coll. (2010) ont montré que, dans la plupart des cas, le temps de contact en fût vide pour les filtres d’adsorption à charbon actif en grains doit être supérieur à dix minutes pour parvenir à éliminer correctement la MC-LR lorsque des concentrations de carbone organique total comprises entre 1,5 et 5,1 mg/L sont présentes dans la source d’eau. Les auteurs ont estimé que si les eaux de sources contiennent plus de 4 mg/L de carbone organique total, le lit de charbon actif en grains avec un temps de contact en fût vide de dix minutes devrait être remplacé tous les 18 mois de façon à traiter l’eau ayant une concentration de MC-LR dans l’influent de 2 µg/L qu’il faut réduire à moins de 1 µg/L. Il a été noté que cette fréquence de remplacement serait plus importante que les intervalles généralement pratiqués par les services d’alimentation en eau.

Plusieurs auteurs ont montré que la biodégradation des microcystines dans un filtre à charbon actif en grains biologiquement activé augmente l’efficacité et la durée de vie de ce processus à des fins d’élimination des microcystines (Newcombe, 2002; Ho et Newcombe, 2007; Wang et coll., 2007). Dans les études de Newcombe (2002) abordées précédemment, les auteurs ont noté qu’après une filtration de six mois au charbon actif en grains, la biodégradation commençait dans l’un des filtres, ce qui permet de fortement améliorer l’élimination des microcystines. Dans ces conditions, il a été possible de réduire les concentrations de MC-LR et de MC-LA qui sont d’environ 20 µg/L à moins de 0,1 µg/L. De même, Wang et coll. (2007) ont observé que des colonnes stériles de charbon actif en grains (passées à l’autoclave toutes les semaines) avec une profondeur de lit de 15 cm, un débit de 0,6 m/h et un temps de contact en fût vide de 15 minutes, étaient capables d’éliminer uniquement 70 % et 40 % d’une concentration de 5 µg/L de MC-LR et MC-LA, respectivement, après six mois d’exploitation. En revanche, dans la colonne avec des mécanismes d’élimination par adsorption et biodégradation, on a observé des taux d’élimination de 90 % et de 70 % de la MC-LR et de la MC-LA, respectivement, dans les mêmes conditions au cours des 38 premiers jours d’exploitation. Après cette période, le taux d’élimination est passé à 100 % en raison de la biodégradation qui se met en place.

Le type de charbon actif en grains (taille des pores) a un impact sur la performance des filtres à charbon actif en grains utilisés pour l’élimination de la microcystine; d’autre part, plusieurs études ont révélé que les charbons mésoporeux (p. ex. charbon dérivé du bois et activé chimiquement) sont les plus efficaces pour éliminer les microcystines (Pendleton et coll., 2001; Huang et coll., 2007a; Newcombe et coll., 2009; Sorlini et Collivignarelli, 2011). Pendleton et coll. (2001) ont étudié l’efficacité des charbons dérivés du bois et de coques de noix de coco pour l’élimination de la MC-LR ajoutée à l’eau pure (étude en laboratoire). Les auteurs ont découvert que les charbons dérivés du bois contenant des mésopores (> 1,6 nm à < 50 nm) et des micropores (≤ 1,6 nm), adsorbaient plus de microcystines que les charbons dérivés de coques de noix de coco, qui ne contenaient que des micropores. La MC-LR présente des dimensions s’inscrivant dans la gamme de taille des micropores comprise entre 0,7 et 1,6 nm. Ainsi, on a considéré que les volumes des micropores et des mésopores secondaires constituaient d’importants facteurs influant sur l’adsorption de la microcystine. De même, Huang et coll. (2007a) et Sorlini et Collivignarelli (2011) ont fait état de capacités d’adsorption plus élevées de la MC-LR à l’aide de charbon actif présentant un volume de mésopores élevé dans l’eau naturelle. Les rapports de Huang et coll. (2007a) font état d’une capacité d’adsorption de 73,7 mg/g pour le charbon actif en grains dérivé du bois, de 16,6 mg/g pour le charbon actif en grains dérivé du charbon et de 14,5 mg/g pour celui qui est dérivé de coques de noix de coco. Étant donné la variabilité de l’adsorption des microcystines en fonction de la variante et du type de charbon, les services d’alimentation en eau devraient réaliser des essais pour choisir le charbon le plus efficace avant l’installation de l’unité du charbon actif en grains.

Pendleton et coll. (2001) ont également étudié l’effet de la composition chimique de la solution sur l’adsorption de la MC-LR sur le charbon actif en grains. Une meilleure élimination de la MC-LR a été observée à un pH plus faible (2,5 par rapport à 6,5) en raison d’un effet de précipitation ou de l’effet de solvabilité réduite. Par ailleurs, les rapports de Huang et coll. (2007a) ont indiqué que l’adsorption de la MC-LR, par trois types de charbon actif, augmentait au fur et à mesure que le pH de la solution diminuait de 8,0 à 3,0 (les données quantitatives ne sont pas présentées dans le document). Les auteurs ont émis l’hypothèse qu’à un pH plus faible, la taille des molécules de MC-LR devenait plus petite et qu’il était plus probable que des liaisons hydrogènes se forment entre les molécules et la surface du charbon; par conséquent, la capacité d’adsorption augmente.

7.2.2.2 Charbon actif en poudre

L’élimination des microcystines dissoutes par charbon actif en poudre peut être très efficace (jusqu’à 95 %), selon la variante de microcystine et la concentration, le type de charbon actif en poudre et la dose, le temps de contact et les caractéristiques liées à la qualité de l’eau, comme le carbone organique total (Newcombe et coll., 2003; Cook et Newcombe, 2008; Ho et coll., 2011). Bien que diverses usines de traitement aient utilisé du charbon actif en poudre pour éliminer les microcystines dans des applications à grande échelle, il existe seulement des données sur des processus combinant le charbon actif en poudre, la coagulation, la sédimentation et la filtration (Lambert et coll., 1996; Nasri et coll., 2007; Zamyadi et coll., 2012a). Toutefois, plusieurs auteurs ont dirigé des études en laboratoire pour déterminer le temps de contact et la dose de charbon actif en poudre optimaux pour éliminer diverses variantes de microcystines (Newcombe et coll., 2003; Alvarez et coll., 2010).

Alvarez et coll. (2010) ont réalisé des études en laboratoire visant à déterminer les doses de charbon actif en poudre nécessaires pour éliminer la MC-LR dans des conditions typiques en matière de qualité de l’eau. Les résultats ont indiqué que des taux d’élimination supérieurs à 60 % pouvaient être obtenus à des doses de charbon actif en poudre de 10 mg/L et avec un temps de contact de 30 minutes lorsqu’une source d’eau contenant une concentration de carbone organique total allant jusqu’à 5,1 mg/L et une concentration de MC-LR d’environ 1 µg/L était traitée. Les auteurs ont conclu qu’une dose de charbon actif en poudre de 10 mg/L et un temps de contact compris entre 30 et 120 minutes seraient suffisants pour réduire une concentration de MC-LR entre 2 et 3 µg/L à moins de 1 µg/L dans la plupart des sources d’eau. D’après ce que l’on sait sur l’efficacité du charbon actif en poudre grâce à diverses études, Newcombe et coll. (2009) ont formulé une recommandation générale indiquant qu’une dose de charbon actif en poudre de 20 mg/L et un temps de contact d’au moins de 45 minutes devraient être envisagés pour éliminer une bonne partie des microcystines dissoutes (à l’exception de la MC-LA).

Cook et Newcombe (2008) ont étudié en laboratoire l’élimination de la MC-LR et de la MC-LA au moyen de charbon actif en poudre dérivé du bois dans deux sources d’eau de surface en Australie. L’eau à Hope Valley présentait une concentration plus élevée de carbone organique dissous (9,9 mg/L contre 6,7 mg/L), une absorption spécifique des UV plus importante (3,2 L/m contre 2,2 L/m mg) et une unité de couleur plus élevée (58 unités de l’échelle [Hazen unit, HU] contre 12 HU) par rapport à l’eau à River Murray. Des doses de charbon actif en poudre variant de 2 à 15 mg/L ont été ajoutées aux eaux de surface enrichies avec de la MC-LR et de la MC-LA, avec des temps de contact testés compris entre 10 et 60 minutes. Avec des concentrations initiales de MC-LR de 17,4 µg/L (Hope Valley) et de 9,2 µg/L (River Murray), une dose de charbon actif en poudre de 15 mg/L et un temps de contact de 60 minutes, un taux d’élimination d’environ 40 % et 67 % a été observé dans les eaux de Hope Valley et de River Murray, respectivement. Des taux d’élimination moins importants ont été observés pour la MC-LA avec une dose de charbon actif en poudre plus élevée, car il est adsorbé moins facilement que la MC-LR. Avec des concentrations initiales de MC-LA de 19,2 µg/L (Hope Valley) et de 9,9 µg/L (River Murray), une dose de charbon actif en poudre de 25 mg/L et un temps de contact de 60 minutes, environ 10 % et 25 % de la toxine ont été éliminés des eaux de Hope Valley et de River Murray, respectivement. Les auteurs ont noté qu’une adsorption plus faible des deux variantes présentes dans l’eau de Hope Valley était probablement le résultat d’une compétition plus importante pour les sites d’adsorption à la surface du charbon actif entre la matière organique naturelle et les toxines, car la concentration de carbone organique dissous était supérieure à celle de l’eau de Hope Valley.

Ho et coll. (2011) ont étudié l’adsorption de quatre variantes de microcystines (MC-RR, MC-YR, MC-LR et MC-LA) dans trois sources d’eau de surface à l’aide de deux types de charbon actif en poudre dans le cadre d’expériences en laboratoire. De l’eau brute non filtrée a été prélevée à l’entrée de trois usines de traitement de l’eau (COT de 3,9 à 5,0 mg/L; pH de 7,5 à 7,7) et enrichie avec 4 µg/L de MC-RR, de MC-YR et de MC-LR et avec 10 µg/L de MC-LA. Deux types de charbon actif en poudre dérivé du bois et activé par la vapeur ont été ajoutés à deux échantillons d’eau brute à des doses de 5, 10, 25, 50 et 100 mg/L pour un temps de contact de 30, 45 et 60 minutes. Le charbon actif en poudre de type A (CAP-A) avait une taille efficace comprise entre 20 et 25 µm et une surface de 1 289 m2/g, tandis que le CAP-B avait une taille efficace de 10 µm et une surface de 1 105 m2/g. Pour l’ensemble des sources d’eau de surface et des temps de contact, avec les deux types de charbon actif en poudre, une dose de 100 mg/L permettrait une réduction de 95 % des microcystines totales (avec une concentration dans l’effluent d’environ 1,0 µg/L). Un temps de contact plus important (plus de 30 minutes) n’a pas semblé accroître l’adsorption de la microcystine sur l’un ou l’autre des charbons actifs en poudre. Les auteurs ont noté que les doses plus élevées de charbon actif en poudre (50 et 100 mg/L) ne sont généralement pas pratiques à la plupart des usines de traitement conventionelle de l’eau, en raison du fait que les installations de gestion des résidus doivent éliminer le charbon actif en poudre avant le rejet dans le réseau de distribution de l’eau. Par conséquent, la performance de l’élimination doit également être étudiée pour des doses moins importantes de charbon actif en poudre. À une concentration de 25 mg/L de CAP-A, avec un temps de contact de 30 minutes, il était possible d’obtenir une réduction de 60 % des microcystines totales pour les eaux de surface de Waikerie et Warragamba. Toutefois, après avoir appliqué le CAP-B dans les mêmes conditions de dosage, une réduction de 80 à 95 % a été obtenue. Le taux d’élimination supérieur des microcystines totales observé avec le CAP-B était probablement dû à sa taille efficace plus faible; en effet, la granulométrie peut influer sur la cinématique d’adsorption, avec une adsorption plus rapide sur les particules plus petites. Les différences dans la qualité de l’eau n’ont pas eu vraiment d’effet sur l’adsorption des microcystines comme c’est le cas pour le type de charbon actif en poudre. Au mieux, l’élimination des microcystines totales de l’eau de Waikerie, avec les deux types de charbon actif en poudre, était environ 15 % supérieure à l’élimination de l’eau de Warragamba. L’élimination était probablement moins importante dans l’eau de Warragamba en raison d’une concentration de carbone organique dissous plus élevée (5,0 mg/L), laquelle favorise une adsorption compétitive. Dans l’ensemble des eaux dans lesquelles sont utilisés les charbons actifs en poudre respectifs, l’ordre lié à la facilité d’élimination des variantes de microcystines suivait la tendance : MC-RR > MC-YR > MC-LR > MC-LA.

Newcombe et coll. (2003) ont étudié l’élimination de quatre variantes de microcystines (MC-LR, MC-LA, MC-RR et MC-YR) de l’eau brute (avant de procéder à la chloration) lors d’expériences en laboratoire avec 2 mg/L de charbon actif en poudre (appliqué sur cinq jours). L’eau brute avait une concentration de carbone organique dissous de 10 mg/L, un pH de 7,8 et une alcalinité de 77 mg/L comme le carbonate de calcium. Pour chaque variante de microcystine, une concentration initiale de 10 µg/L était ajoutée à l’eau brute. Les taux d’élimination de la MC-RR, de la MC-YR, de la MC-LR et de la MC-LA étaient de 68, 38, 15 et 2 %, respectivement. Les auteurs ont émis l’hypothèse que les charges nettes des composés étaient responsables de la tendance observée, car l’adsorption de la MC-LA était améliorée (élimination de 17 %) par l’ajout de sel. Une analyse préliminaire des coûts a indiqué que l’utilisation du charbon actif en poudre pour traiter une prolifération où la MC-LA constituait la principale composante ne serait pas rentable.

7.2.3 Oxydation chimique

Il existe une variété d’oxydants chimiques pouvant détruire efficacement les microcystines dissoutes, notamment le chlore, l’ozone, le permanganate et, dans certains cas, le dioxyde de chlore. L’efficacité de l’oxydation chimique pour l’élimination des microcystines dépend du type d’oxydant, de la dose, du temps de contact, de la variante de microcystine et des caractéristiques liées à la qualité de l’eau, comme le pH et le carbone organique dissous (COD) (Newcombe, 2009; Sharma et coll., 2012). Des expériences en laboratoire ont révélé que la tendance générale relativement à l’efficacité de l’oxydation des microcystines intracellulaires et dissoutes était la suivante : ozone > permanganate > chlore >>> oxydants à base de chlore (Ding et coll., 2010; Sharma et coll., 2012). Les constantes du taux d’oxydation figurant dans les publications sont de 4,1 × 105 M−1·s−1 pour l’ozone, de 375 M−1·s−1 pour le permanganate, de 33 M−1·s−1 pour le chlore et de 1,24 M−1·s−1 pour le dioxyde de chlore (Acero et coll., 2005; Rodriguez et coll., 2007a, 2007b). Toutefois, le choix de l’oxydant le plus approprié pour les microcystines devrait être basé sur les caractéristiques de chaque source d’eau (Sharma et coll., 2012).

Bien que l’oxydation chimique puisse réduire les concentrations de microcystines totales (microcystines intracellulaires et dissoutes), dans certains cas, la concentration de microcystines dissoutes augmentera à la suite de l’oxydation, en raison de la lyse des cellules et du rejet ultérieur de microcystines dans l’eau. Par conséquent, il est généralement recommandé de réaliser l’oxydation chimique après avoir éliminé les cellules cyanobactériennes pour aider à minimiser la concentration de microcystines dissoutes (Newcombe et coll., 2010, 2015).

Il importe également de reconnaître que l’utilisation d’oxydants peut entraîner la formation de sous-produits de la microcystine, ainsi que d’autres sous-produits de désinfection (SPD), ce qui devrait être pris en compte dans le choix d’une stratégie d’oxydation des microcystines (Merel et coll., 2010a; Zamyadi et coll., 2012b; Wert et coll., 2014). Par exemple, l’utilisation d’ozone et de dioxyde de chlore peut entraîner la formation de SPD inorganiques, comme le bromate (dans le cas de l’ozone) et le chlorite/chlorate (dans le cas du dioxyde de chlore). On traite davantage des SPD dans les documents techniques sur les trihalométhanes (Santé Canada, 2006), les acides haloacétiques (Santé Canada, 2008a), le bromate (Santé Canada, 1998) et le chlorite/chlorate (Santé Canada, 2008b).

7.2.3.1 Chlore

L’oxydation des microcystines par le chlore s’est révélée très efficace (élimination > 90 %) dans des conditions expérimentales (Ho et coll., 2006a; Acero et coll., 2008; Merel et coll., 2009; Sorlini et Collivignarelli, 2011). Néanmoins, des usines de traitement à grande échelle ont obtenu une efficacité variable concernant l’élimination des microcystines (taux d’élimination entre 26 et 97 %) (Tarczynska et coll., 2001; Jia et coll., 2003). L’efficacité de la chloration pour l’oxydation des microcystines dépend de la dose de chlore, du temps de contact, du pH, de la température et d’autres caractéristiques liées à la qualité de l’eau (Sharma et coll., 2012). Plusieurs études ont révélé que les microcystines sont efficacement oxydées si le pH est maintenu en dessous de 8, si la dose de chlore est supérieure à 3 mg/L et si une concentration comprise entre 0,5 et 1,5 mg/L de résidu de chlore libre est présente après un temps de contact de 30 minutes (Nicholson et coll., 1994; Hitzfeld et coll., 2000; Acero et coll., 2005; Ho et coll., 2006a; Xagoraraki et coll., 2006; Newcombe et coll., 2010). Toutefois, des doses de chlore bien plus importantes (2–10 mg/L) sont requises pour libérer et oxyder les microcystines liées aux cellules (Zamyadi et coll., 2013b).

Tarczynska et coll. (2001) ont examiné l’efficacité de l’élimination des microcystines à chaque étape réalisée par une usine de traitement à grande échelle qui emploie une technique de filtration conventionelle suivie d’un processus d’ozonisation et de chloration. Le taux d’élimination des microcystines totales dissoutes à l’étape de chloration variait de 26 % à 97 %, ramenant ainsi la concentration allant de 0,260 à 0,109 µg/L à une fourchette comprise entre 0,008 et 0,080 µg/L. La dose de chlore variait de 2,7 à 3,1 mg/L, avec un temps de contact de 12 heures. Jia et coll. (2003) ont étudié l’élimination des microcystines dissoutes dans une usine de traitement de l’eau de surface à grande échelle. Le traitement consistait à réaliser une oxydation préalable avec du dioxyde de chlore et une filtration conventionelle, suivies d’une désinfection au chlore. Les auteurs ont découvert qu’environ 57 % des microcystines totales dissoutes ont été éliminés au moyen d’un processus de chloration seul (dose de 1–2 mg/L; chlore résiduel de 0,5 mg/L); la concentration dans l’eau filtrée est passée de 0,82 µg/L à 0,35 µg/L, après la chloration.

La cinétique et les facteurs ayant une incidence sur l’efficacité d’oxydation des microcystines par le chlore ont fait l’objet d’une étude en laboratoire détaillée. Dans l’ensemble, la cinétique suit une réaction du deuxième ordre, mais elle suit une réaction de premier ordre pour ce qui est de la concentration du chlore libre et des microcystines (Acero et coll., 2005; Ho et coll., 2006a). Les constantes apparentes du taux du deuxième ordre ont été déterminées par Acero et coll. (2005) pour la MC-LR, et il semble qu’elles dépendent fortement du pH, avec des valeurs décroissantes allant de 4,75 × 102 M−1·s−1 à un pH de 4,8 à 9,8 M−1·s−1 à un pH de 8,8. Les durées de demi-vie variaient de quelques minutes à un pH de 6 à quelques heures à un pH supérieur à 8 pour une dose de chlore constante comprise entre 0,5 et 1,0 mg/L. Xagoraraki et coll. (2006) ont également étudié les effets du pH, de la dose de chlore, de la concentration de toxines initiale et de la température sur le taux d’oxydation de la MC-LR dans de l’eau de laboratoire tamponnée au carbonate. Trois concentrations initiales de MC-LR (1, 2 et 8 µg/L), doses de chlore (1, 3 et 9 mg/L), valeurs de pH (6,0, 7,5 et 9,0) et températures (11 °C, 20 °C et 29 °C) ont été testées. Le taux d’oxydation augmentait avec l’accroissement de la dose de chlore et de la température et diminuait avec l’augmentation du pH. Une oxydation plus importante a pu être observée à un pH de 6,0 (élimination > 90 %) après un temps de contact de 100 minutes, avec une dose de 1,1 mg/L de chlore libre, par rapport à ce que l’on obtient avec un pH de 9,0 (élimination < 30 %). La concentration de toxines initiale n’avait pas d’effet sur l’efficacité d’oxydation.

Sorlini et Collivignarelli (2011) ont dirigé des expériences d’oxydation en laboratoire avec de l’eau de surface brute afin de comparer l’efficacité du chlore (hypochlorite de sodium) et du dioxyde de chlore dans l’élimination de la MC-LR dans des conditions d’eau naturelle. Les caractéristiques liées à la qualité de l’eau incluaient une faible turbidité (unité de turbidité néphélémétrique [uTN] < 1), une forte alcalinité (80–110 mg/L sous forme de carbonate de calcium) et une concentration faible de carbone organique total (2,7–3,4 mg/L). Une concentration de 10 µg/L de MC-LR a été ajoutée à l’eau brute. Une dose de chlore de 3 mg/L était nécessaire pour parvenir à éliminer 80 % de la toxine, ce qui permet d’aboutir à une concentration finale de MC-LR de 2 µg/L. Les auteurs ont noté que pour réduire la concentration à moins de 1 µg/L, des doses de chlore supérieures à 3 mg/L étaient nécessaires.

Ho et coll. (2006a) ont étudié les différences dans la réactivité du chlore pour quatre variantes de microcystines dans l’eau traitée (COD = 2,9–5,0 mg/L) et ont pu constater que l’efficacité de l’oxydation diminuait dans l’ordre suivant : MC-YR > MC-RR > MC-LR > MC-LA. Chaque variante de microcystine a été ajoutée à l’eau traitée à une concentration de 20 µg/L. Pour l’ensemble des microcystines, une oxydation de 90 % était possible avec une dose de chlore de 1,5 mg/L (chlore total) et un temps de réaction de 30 minutes. Les auteurs ont noté que, pour les eaux contenant une concentration de carbone organique dissous de 5 mg/L et une concentration de microcystines de 5 µg/L ou moins, les valeurs de concentration × temps (CT) comprises entre 15 et 25 mg min/L devraient être suffisantes pour atteindre une concentration inférieure à 1,0 µg/L dans l’eau traitée. Les auteurs ont fait remarquer que les distributeurs d’eau doivent savoir quelles variantes de microcystines sont présentes dans leur source d’eau, car le degré d’oxydation des variantes est différent, et les doses d’oxydant et les temps de contact peuvent nécessiter un ajustement en fonction de ces paramètres.

On a constaté que la matière organique naturelle interfère avec l’oxydation des microcystines par le chlore. Acero et coll. (2008) ont étudié l’impact du carbone organique dissous et de l’ammoniac naturellement présent dans une eau de surface sur l’oxydation des microcystines par le processus de chloration. Des expériences ont été menées à un pH de 7,3 et à 20 °C, avec une dose initiale de chlore de 3 mg/L (chlore total) et une concentration initiale de MC-LR de 5 µg/L. Dans ces conditions de base, la concentration de MC-LR dans l’eau traitée était inférieure à 0,5 µg/L (élimination > 90 %) après un temps de contact de 60 minutes. D’après les observations, une augmentation de la concentration de carbone organique dissous de 5,4 à 10 mg/L entraînait la diminution de la dégradation de la MC-LR de 100 % à 57 % (un certain taux d’élimination a été observé après la disparition complète du chlore). De même, une augmentation de la concentration d’ammoniac de 49 à 133 µg/L entraînait la diminution de la dégradation de la MC-LR de 100 % à 85 % (un certain taux d’élimination a été observé après la disparition complète du chlore).

Certaines publications mentionnent les sous-produits de l’oxydation des microcystines par le chlore. Tsuji et coll. (1997) ont traité la MC-LR avec un rapport molaire du chlore à la MC-LR de 2:1, puis ont mesuré quatre isomères, qui ont été définis comme des dihydroxymicrocystines. Merel et coll. (2009) ont défini la monochlorohydroxymicrocystine, la dihydroxymicrocystine et la monochloromicrocystine comme étant des sous-produits intermédiaires de la chloration des microcystines, qui se forment après un temps de réaction de deux minutes. La trichloro-hydroxy-microcystine a également été définie comme un produit intermédiaire formé après un temps de réaction de dix minutes. La monochloro-dihydroxy-microcystine et la dichloro-dihydroxy-microcystine ont été définies comme des sous-produits finaux.

Des recherches ont également porté sur les effets du chlore sur l’intégrité des cellules cyanobactériennes et le potentiel de rejet des microcystines intracellulaires (Daly et coll., 2007; Lin et coll., 2009; Zamyadi et coll., 2013b; Wert et coll., 2014). Pendant l’oxydation de 50 000 cellules/mL de Microcystis aeruginosa,aucune augmentation nette de la concentration de MC-LR n’a été observée après une exposition au chlore (doses de 0,63–5 mg/L). Toutefois, à des concentrations de cellules plus élevées (200 000 cellules/mL), la libération de MC-LR intracellulaires a augmenté à 2,02 µg/L lorsqu’une dose de 0,63 mg/L de chlore était utilisée (CT = 40 mg min/L). À des expositions de chlore plus élevées (CT > 413 mg min/L), le taux d’oxydation de la MC-LR était suffisant pour éliminer toute toxine libérée, ce qui n’entraîne pas d’augmentation nette de la concentration de microcystines (Wert et coll., 2014). Daly et coll. (2007) ont découvert que la lyse des cellules se produisait à des expositions au chlore comprises entre 7 et 29 mg min/L et que la toxine intracellulaire libérée par les cellules endommagées s’est accumulée trois fois plus rapidement qu’elle n’était dégradée par le chlore (jusqu’à 36 µg/L de MC-LR). De même, Zamyadi et coll. (2013b) ont établi que des expositions au chlore entre 100 et 296 mg min/L étaient requises pour obtenir une lyse des cellules de 76 % (M. aeruginosa) et une oxydation de la MC-LR liée aux cellules libérée jusqu’à atteindre une concentration inférieure à 1 µg/L. Les auteurs ont également estimé que la demande de l’espèce M. aeruginosa en chlore cellulaire (comme le Cl2) était de 5,6 pg de Cl2/cellule, et cette information pourrait être utilisée pour ajuster la dose de chloration des usines de traitement pour satisfaire la demande en chlore total associée à la présence de cellules. Toutefois, le fait d’augmenter la dose de chlore en présence de cellules cyanobactériennes peut également entraîner la libération de matière organique qui peut contribuer à la création de sous-produits de désinfection (Zamyadi et coll., 2012b; Wert et Rosario-Ortiz, 2013), et les usines de traitement devront examiner et surveiller soigneusement la formation potentielle de sous-produit de désinfection.

7.2.3.2 Dioxyde de chlore

Les publications concernant l’efficacité du dioxyde de chlore (ClO2) pour l’oxydation des microcystines contiennent des renseignements contradictoires. La plupart des études de laboratoire ont permis d’établir que le ClO2 n’est pas efficace pour oxyder les microcystines dissoutes (Kull et coll., 2004, 2006; Ding et coll., 2010; Sorlini et Collivignarelli, 2011) ou les cellules cyanobactériennes et les microcystines intracellulaires (Ding et coll., 2010; Wert et coll., 2014) à des doses (1–2 mg/L) et des temps de contact généralement appliqués à l’eau potable. En revanche, les données d’usines de traitement à grande échelle indiquent qu’il est possible d’éliminer de 1 à 2 µg/L de microcystines totales avec le ClO2. La performance dépend de la dose de ClO2, du temps de contact et de la concentration initiale des microcystines présentes dans l’eau. Dans une moindre mesure, le pH et la température peuvent également influer sur l’élimination des microcystines par le ClO2 (Kull et coll., 2004; Wu et coll., 2012). De plus, les services d’alimentation en eau doivent limiter la dose de ClO2 appliquée pour limiter la formation de chlorite et de chlorate dans l’eau traitée. On ne peut éliminer efficacement le chlorite et le chlorate une fois formés, et leurs concentrations doivent être contrôlées en limitant la dose de ClO2 afin de respecter les lignes directrices (Santé Canada, 2008b).

Le ClO2 est principalement utilisé dans le traitement de l’eau potable en tant que préoxydant avant de procéder à une filtration conventionelle ou à d’autres procédés de traitement. Puisque la concentration de matière organique naturelle avant l’étape de préoxydation peut atteindre plusieurs milligrammes par litre, la capacité de ClO2 à oxyder les micropolluants tels que les microcystines peut être limitée. Les données de plusieurs usines de traitement à grande échelle qui utilisent du ClO2 comme préoxydant ont montré qu’une certaine oxydation des microcystines est possible à l’aide de ce procédé de traitement (Jia et coll., 2003; Jurczak et coll., 2005; Bogialli et coll., 2012). Jurczak et coll. (2005) ont indiqué que la préoxydation avec des doses de ClO2 comprises entre 1,6 et 2,8 mg/L et un temps de contact de 30 minutes ont entraîné une réduction moyenne des microcystines totales de 40,4 %; toutefois, une bonne partie de la diminution (78 %) était due à l’oxydation des microcystines intracellulaires, tandis qu’une petite augmentation (17 %) de la forme dissoute a été observée. La diminution variait au cours d’une période de trois mois, mais, de manière générale, on a pu éliminer de 1 à 2 µg/L des concentrations dans l’influent de 3 à 7 µg/L. Bogialli et coll. (2012) ont également précisé que la préoxydation avec une dose de ClO2 comprise entre 1 et 2 mg/L permettait de réduire efficacement la concentration de microcystines totales allant jusqu’à 2,5 µg/L dans l’eau brute à une valeur inférieure à 0,5 µg/L après l’oxydation. En revanche, Tarczynska et coll. (2001) ont observé une augmentation de 4 à 38 % des concentrations de microcystines dissoutes avec une dose de 2,5 mg/L de ClO2 et un temps de contact de 32 heures. Une diminution de la concentration de microcystines intracellulaires de 1,7 à 0,8 µg/L a été observée au cours des mêmes épisodes d’échantillonnage.

Des études en laboratoire ont été dirigées pour obtenir des renseignements sur la cinétique de l’oxydation des microcystines avec le ClO2 et les facteurs qui ont eu une incidence sur la réaction. Kull et coll. (2004) ont prouvé que la réaction entre la MC-LR et le ClO2 dans l’eau pure était relativement lente. À un pH de 5,65 et à une température de 20 °C, la constante du taux du deuxième ordre pour l’oxydation de la MC-LR dans l’eau pure avec 1 mg/L de ClO2 était de 1,24 M−1·s−1. Dans ces conditions, la demi-vie théorique de la MC-LR est de 10,5 heures. Les expériences menées pour déterminer l’impact de la présence de matière organique naturelle sur l’oxydation de la MC-LR ont établi qu’avec 1,0 mg/L d’acide fulvique, une concentration initiale de MC-LR de 10 µg/L était réduite à seulement 7,44 µg/L avec 1 mg/L de ClO2 et un temps de réaction de 10 heures. Les auteurs ont conclu qu’avec les doses généralement appliquées dans le traitement de l’eau potable (1 mg/L), le ClO2 ne constitue pas un oxydant efficace pour éliminer complètement la MC-LR dissoute. De plus, le taux de réaction élevé entre le ClO2 et la matière organique naturelle ne devrait pas beaucoup gêner l’élimination des microcystines dans les eaux réelles (Kull et coll., 2006). De même, Sorlini et Collivignarelli (2011) ont dirigé des expériences d’oxydation en laboratoire avec de l’eau de surface brute afin de comparer l’efficacité du chlore (hypochlorite de sodium) et du ClO2 dans l’élimination de la MC-LR. Les caractéristiques de l’eau étaient la turbidité inférieure à 1 uTN, une alcalinité comprise entre 80 et 110 mg/L sous forme de CaCO3, ainsi qu’une concentration de carbone organique total variant de 2,7 à 3,4 mg/L. Une concentration de 10 µg/L de MC-LR a été ajoutée à l’eau brute. Même avec l’application d’une dose de ClO2 de 4,5 mg/L pendant 60 minutes, seule une réduction de 20 % de la MC-LR a pu être effectuée, ce qui a entraîné une concentration finale d’environ 8 µg/L.

On dispose de données limitées sur l’efficacité de l’oxydation des variantes de microcystines autres que la MC-LR à l’aide du ClO2. Ying et coll. (2008) ont déterminé que la constante du taux du deuxième ordre pour la MC-RR dans l’eau pure (en laboratoire) enrichie de 100 µg/L augmentait avec l’accroissement de la température et la diminution du pH. À une température de 10 °C, la constante du taux était comprise entre 10,2 et 8,8 M−1·s−1 à un pH de 3,44 et de 10,41, respectivement. Les auteurs ont conclu que le ClO2 pourrait être efficace pour l’élimination de la MC-RR de l’eau potable; toutefois, les doses de ClO2 appliquées dans cette étude (8–20 mg/L) étaient bien plus élevées que celles utilisées dans l’étude réalisée par Kull et coll. (2004).

Wu et coll. (2012) ont étudié l’élimination la MC-LR, de la MC-RR et de la MC-YR à l’aide du ClO2. Les résultats ont montré que l’eau pure (pH de 6,8; 22 °C) enrichie de 6 µg/L au total de microcystines (MC-LR, MC-RR et MC-YR) et traitée avec 0,6 mg/L de ClO2 pendant 30 minutes permettait d’atteindre une concentration de microcystines totales dans l’eau traitée inférieure à 1 µg/L.

Des chercheurs ont étudié l’effet du ClO2 sur l’intégrité des cellules cyanobactériennes, la dégradation de la toxine et la formation de sous-produit de désinfection (Wert et coll., 2014; Zhou et coll., 2014). Wert et coll. (2014) ont dirigé des essais à renouvellement périodique en ajoutant des cellules de Microcystis aeruginosa à l’eau naturelle (COD = 2,65 mg/L; pH = 8,0; alcalinité = 138 mg/L) et des doses variables de ClO2 (0,63–5,0 mg/L). Aucune augmentation nette de la concentration de MC-LR (< 0,5 µg/L) n’a été observée pour les CT situés entre 610 et 4 500 mg min/L en présence de 50 000 cellules/mL. À des concentrations de cellules plus élevées (200 000 cellules/mL), la concentration de MC-LR a augmenté à 3,3 µg/L lorsqu’une dose de 0,63 mg/L (CT = 560 mg min/L) était appliquée. À des doses supérieures à 0,63 mg/L (CT > 690 mg min/L), la MC-LR a été libérée et oxydée simultanément, entraînant ainsi une concentration inférieure à 0,5 µg/L dans l’eau à une CT supérieure à 890 mg min/L. Les résultats ont illustré le potentiel de libération de la MC-LR par les cellules cyanobactériennes dans des conditions d’exposition (ClO2 < 1,88 mg/L) pouvant se produire dans une usine de traitement de l’eau potable. Ding et coll. (2010) ont également prouvé qu’à des CT pour le dioxyde de chlore couramment utilisées à des fins de désinfection (11–347 mg min/L), le ClO2 entraînait la lyse des cellules, ainsi que la libération et l’accumulation de la MC-LR. En revanche, Zhou et coll. (2014) ont découvert que l’oxydation d’une suspension cyanobactérienne contenant 100 000 cellules/mL de M. aeruginosa avec une dose de ClO2 de 1,0 mg/L pendant 10 minutes entraînait la quasi-absence de cellules intégrales. Dans ces conditions, jusqu’à 10 µg/L de MC-LR intracellulaire étaient libérés et complètement dégradés. Une concentration de carbone organique dissous allant jusqu’à 1,25 mg/L a également été mesurée lors de cette expérience, et jusqu’à 20 et 60 µg/L de trihalométhanes et acides haloacétiques totaux ont été produits.

7.2.3.3 Permanganate

L’oxydation des microcystines dans l’eau par l’ajout de permanganate est l’un des procédés les plus efficaces pour éliminer les microcystines dissoutes de l’eau (Sharma et coll., 2012). Rodriguez et coll. (2007b) ont étudié l’oxydation de la MC-LR, de la MC-RR et de la MC-YR avec du permanganate de potassium. Les résultats des expériences en laboratoire avec de l’eau ultrapure ont révélé des constantes du taux du deuxième ordre de 357 M−1·s−1 pour la MC-LR, de 418 M−1·s−1 pour la MC-RR et de 405 M−1·s−1 pour la MC-YR à un pH de 7 à une température de 20 °C. L’influence du pH sur le processus d’oxydation n’était pas notable; toutefois, les constantes du taux ont augmenté selon un facteur de 1,5 avec une augmentation de la température de 10 °C. Les auteurs ont également étudié l’oxydation de la MC-LR, de la MC-RR et de la MC-YR dans l’eau naturelle (COD = 6,7 mg/L) à un pH de 7 et à une température de 20 °C. Les concentrations initiales de MC-LR, de MC-RR et de MC-YR était de 3,2, de 7,1 et de 1,1 µg/L, respectivement. Une dose de 1,25 mg/L de permanganate était requise pour oxyder les microcystines totales jusqu’à une concentration inférieure à 1 µg/L (élimination > 90 %). Dans d’autres études en laboratoire dirigées par Rodriguez et coll. (2007a), l’oxydation d’une concentration de 1 mg/L de MC-LR dans l’eau naturelle (COD = 3,6 mg/L) avec du permanganate a été étudiée. Les résultats ont indiqué un taux d’élimination supérieur à 90 % de la MC-LR à une dose de 1,0 mg/L, un temps de contact de 60 minutes, un pH de 8 et à une température de 20 °C. L’élimination complète a été possible à une dose de 1,5 mg/L (Rodriguez et coll., 2007a).

X. Chen et coll. (2005) ont étudié la cinétique de réaction de l’oxydation de la MC-RR par le permanganate dans des solutions aqueuses (en laboratoire). Une constante du taux du deuxième ordre de 469 M−1·s−1 a été observée à un pH de 7,0 et à une température de 20 °C. Le taux de réaction était légèrement plus rapide dans des conditions acides (faible pH). À un pH de 6,7, une température de 25 °C et à une dose de permanganate de 5 mg/L, la demi-vie était de 0,671 minute pour une concentration initiale de MC-RR de 4,38 mg/L; en conséquence, plus de 99,5% de la MC-RR ont été dégradés en 10 minutes.

Ding et coll. (2010) ont étudié l’inactivation des cellules et la libération et l’élimination des microcystines de l’espèce Microcystis aeruginosa en utilisant différents oxydants. Une constante du taux du deuxième ordre de 67,7 M−1·s−1 a été déterminée pour l’inactivation de la cellule bactérienne de l’espèce M. aeruginosa à un pH de 7,6 et à une température de 22 °C. La demi-vie calculée était de 35 minutes en fonction d’une concentration de permanganate de 0,5 mg/L. Les résultats ont également montré que le permanganate était très efficace pour oxyder la MC-LR dissoute (20 µg/L), avec des expositions de moins de 25 mg min/L nécessaires pour une élimination complète. Lors des expériences qu’ils ont réalisées, les auteurs ont noté l’absence d’accumulation de la MC-LR (découlant de la lyse et de la libération des cellules) et l’ont attribuée à des taux d’oxydation suffisamment rapides.

Un nombre limité de publications traitent de l’application à grande échelle de permanganate pour l’élimination des microcystines. Les études de Karner et coll. (2001) ont ciblé l’efficacité des usines de traitement à grande échelle dans le Wisconsin pour l’élimination des microcystines, y compris deux usines qui utilisent la préoxydation à l’aide de permanganate. Une usine a injecté une dose de 2,7 mg/L de permanganate de potassium à l’entrée d’un bassin de traitement préalable, avec un temps de rétention de 5,9 jours; cette dose est suivie d’une autre injection de 3,5 mg/L avant l’aération par pulvérisation. La concentration moyenne de microcystines totales a diminué de 54 % après la première injection, et de 33 % encore après la deuxième injection. Les concentrations typiques dans l’influent de l’usine étaient de 1 µg de MC-LRéquiv./L, mais atteignaient 5,5 µg de MC-LRéquiv./L à certains moments. La deuxième usine a injecté une dose de 1,3 mg/L de permanganate de potassium dans le tuyau d’arrivée d’eau, avec un temps de résidence de 21 minutes, puis de 33 minutes dans un bassin de retenue. La concentration moyenne de microcystines totales était réduite de 52 % dans le bassin de retenue et les concentrations dans l’influent variaient de 0,5 à 6,5 µg de MC-LRéquiv./L. Les usines de traitement qui utilisent le permanganate de potassium pour l’oxydation des microcystines devraient savoir que le permanganate peut décolorer l’eau lorsqu’il est présent à des concentrations supérieures à 0,05 mg/L. Par conséquent, il est important de contrôler le dosage afin d’éviter des plaintes des consommateurs (MWH, 2012).

7.2.3.4 Ozone

L’oxydation des microcystines dans l’eau par l’ozone s’est révélée très efficace (élimination > 90 %) dans des études de laboratoire (Rositano et coll., 2001; Shawwa et Smith, 2001; Brooke et coll., 2006). L’efficacité dépend de la température, du pH, de la dose d’ozone, du temps de contact et d’autres caractéristiques liées à la qualité de l’eau, comme le carbone organique dissous et l’alcalinité (Sharma et coll., 2012). Les données des usines de traitement à grande échelle ont montré une efficacité variable de l’ozone pour l’élimination des microcystines (Tarczynska et coll., 2001; Hoeger et coll., 2005; Jurczak et coll., 2005; Rapala et coll., 2006). Les responsables des services d’alimentation en eau doivent également savoir que l’utilisation de l’ozone peut entraîner la formation de bromate et d’autres sous-produits de désinfection. Ainsi, il est nécessaire de caractériser la source d’eau pour confirmer le potentiel de formation du bromate (Santé Canada, 1998).

Dans une étude à pleine échelle, Hoeger et coll. (2005) ont observé que la préozonisation avec 1 mg/L d’ozone permettait de réduire les microcystines totales de 7,05 µg/L à 0,19 µg/L dans l’eau traitée (le temps de contact n’a pas été fourni). Les auteurs ont noté que, bien que l’ozonisation ait endommagé les cellules et entraîné la libération de microcystines intracellulaires, la concentration globale de microcystines totales a diminué. Jurczak et coll. (2005) ont indiqué une diminution des microcystines (MC-LR, MC-RR et MC-YR) après avoir utilisé des doses d’ozone comprises entre 1,2 et 3,5 mg/L et un temps de contact de une heure. La surveillance effectuée pendant certaines journées dans l’usine a permis d’établir que des microcystines résiduelles étaient présentes après la filtration (0,12 µg/L), mais que les concentrations étaient réduites à 0,03 µg/L après l’ozonisation. Selon une autre étude à pleine échelle, des doses d’ozone comprises entre 1,7 et 2,0 mg/L et un temps de contact de 18 heures pouvaient réduire les concentrations de microcystines dissoutes atteignant 0,508 µg/L de 29 à 56 %, mais ils n’étaient pas toujours efficaces pour éliminer les microcystines intracellulaires (Tarczynska et coll., 2001).

Des études de laboratoire ont montré que l’ozone réagit rapidement avec la MC-LR, la MC-LA et la MC-RR (Rositano et coll., 2001; Shawwa et Smith, 2001; Newcombe, 2002; Brooke et coll., 2006). De manière générale, la cinétique de réaction de l’ozone avec la MC-LR s’améliore avec la diminution du pH et avec l’augmentation de la dose de l’ozone et de la température (Shawwa et Smith, 2001; Al Momani et Jarah, 2010). Shawwa et Smith (2001) ont étudié la cinétique de l’oxydation de la MC-LR par ozonisation dans de l’eau pure (en laboratoire) et ont découvert que le potentiel d’oxydation était plus faible dans des conditions alcalines (c.-à-d. pH plus élevé) en raison de la décomposition rapide de l’ozone par les ions hydroxydes. À une température 20 °C, la constante moyenne du taux est passée de 3,4 × 104 à 1,0 × 105 M−1·s−1 en raison de la diminution du pH de 7 à 2. Compte tenu de l’augmentation de la température de 10 °C à 30 °C à un pH de 2, la constante moyenne du taux augmentait de 5,8 × 104 à 1,6 × 105 M−1·s−1. Les auteurs ont également examiné l’effet du carbone organique dissous sur l’oxydation de 500 µg/L de MC-LR. L’acide humique était dissous dans l’eau pure pour simuler des concentrations de carbone organique dissous de 1, 3 et 5 mg/L. Dans le cas de la solution contenant 1 mg/L de carbone organique dissous, une dose d’ozone de 0,3 mg/L (0,3 mg ozone/mg de COD) était suffisante pour oxyder plus de 95 % des microcystines après un temps de contact de deux minutes. Toutefois, en raison de l’augmentation de la concentration de carbone organique dissous à 5 mg/L, une dose d’ozone de plus de 1 mg/L (0,2 mg d’ozone/mg de COD) était nécessaire pour oxyder complètement la MC-LR. Onstad et coll. (2007) ont déterminé la cinétique de réaction de l’ozone et des radicaux hydroxyles avec la MC-LR. Les auteurs ont fait état d’une constante du taux du deuxième ordre pour la réaction avec les radicaux hydroxyles à un pH de 7 de 1,1 × 1010 M−1·s−1 pour la MC-LR.

Plusieurs études ont porté sur les effets de la qualité de l’eau sur l’oxydation des microcystines avec de l’ozone. Rositano et coll. (2001) ont étudié en laboratoire l’oxydation de la MC-LR et de la MC-LA avec de l’ozone à l’aide de doses variables et de quatre échantillons d’eau traitée ayant des qualités différentes. Le carbone organique dissous et l’alcalinité dans les échantillons d’eau traitée variaient de 4,6 à 15,5 mg/L et de 30 à 133 mg/L sous forme de carbonate de calcium, respectivement. La concentration de microcystines totales dans l’influent était de 40 µg (20 µg/L chacune). Des doses d’ozone comprises entre 0,4 et 0,8 mg/L, avec un temps de contact de cinq minutes, ont permis d’éliminer plus de 90 % des microcystines dans les échantillons d’eau traitée (concentration dans l’effluent < 4 µg/L). Une dose d’ozone de 0,8 mg/L (0,05 mg d’ozone/mg de COD) était requise pour l’eau contenant la concentration de carbone organique dissous (15,5 mg/L) et l’alcalinité (133 mg/L sous forme de carbonate de calcium) les plus élevées. Il a été estimé que le carbone organique dissous constituait le principal facteur influant sur l’oxydation de la microcystine.

De même, Brooke et coll. (2006) ont réalisé des expériences en laboratoire afin d’observer l’élimination de la MC-LA et de la MC-LR par oxydation avec de l’ozone, dans deux échantillons d’eau traitée ayant des concentrations de carbone organique dissous de 5,3 et de 19,9 mg/L. Les chercheurs ont ajouté des concentrations initiales de 20 µg/L pour la MC-LA et la MC-LR aux échantillons d’eau traitée avant de procéder à l’ozonisation. Des expériences ont été réalisées à un pH d’environ 7,5 et à une température de 20 °C. Dans l’eau contenant une concentration élevée de carbone organique dissous, une quantité résiduelle plus faible d’ozone a été observée après un temps de contact de cinq minutes; par conséquent, un volume moins important d’ozone était disponible pour oxyder les microcystines. Indépendamment des différences dans la qualité de l’eau, les auteurs ont découvert qu’à des doses d’ozone auxquelles une quantité résiduelle importante était encore présente après un temps de contact de cinq minutes, les microcystines pouvaient être éliminées complètement. Pour les deux échantillons d’eau analysés, une dose de 2 mg/L d’ozone a permis un taux d’élimination de 100 %.

L’impact de l’ozonisation en tant que préoxydant sur les cellules cyanobactériennes ainsi que la libération potentielle des microcystines intracellulaires et le carbone organique dissous ont aussi été étudiés (Miao et Tao, 2009; Ding et coll., 2010; Coral et coll., 2013). Coral et coll. (2013) ont effectué des études en laboratoire avec des suspensions des espèces Microcystis aeruginosa et Anabaena flos-aquae à des concentrations de 250 000 cellules/mL et de 1,5 × 106 cellules/mL, et à des doses d’ozone de 0,5, 2,0 et 4,0 mg/L à un pH de 6 et 8. Une perte rapide et complète de la viabilité des cellules s’est produite pour les deux espèces après une exposition à l’ozone à un CT de moins de 0,2 mg min/L. Bien que l’on n’ait observé aucune lyse des cellules pour l’espèce M. aeruginosa après un temps de contact de dix minutes et une dose d’ozone de 4,0 mg/L à un pH de 5, une modification visible de la morphologie de la paroi de la cellule a été constatée. Les cellules de l’espèce Anabaena flos-aquae ont été touchées par l’ozone après un temps de contact de seulement 30 secondes avec 2 mg/L d’ozone. En raison des dommages aux cellules, on a obtenu des concentrations de carbone organique dissous atteignant 0,96 et 1,63 mg/L après l’ozonisation de 250 000 cellules/mL des espèces M. aeruginosa et A. flos-aquae, respectivement. En outre, une préozonisation des cellules de l’espèce A. flos-aquae a accru la formation de trihalométhanes et d’acides haloacétiques de 174 % et de 65 %, respectivement, lorsque le chlore était dosé de façon à obtenir un résidu de chlore libre de 1,0 mg/L après un temps de contact de 24 heures. Les auteurs ont recommandé aux services d’alimentation en eau utilisant de l’ozone pour oxyder les cellules cyanobactériennes de tenir compte de l’avantage que présente le contrôle des cyanobactéries avec la formation potentielle accrue de sous-produits de désinfection chlorés. Wert et coll. (2014) et Ding et coll. (2010) ont étudié l’impact de l’ozonisation des cellules de l’espèce M. aeruginosa sur la libération de MC-LR. Une concentration de MC-LR de 1,2 µg/L a été décelée après l’oxydation de 200 000 cellules en utilisant une dose d’ozone de 0,63 mg/L (CT = 0 mg min/L). Avec l’augmentation de la dose d’ozone (> 1,25 mg/L, CT > 0,22 mg min/L), il a été déterminé que les concentrations de MC-LR étaient inférieures à la limite de détection (0,5 µg/L).

7.2.3.5 Monochloramine

La monochloramine est un oxydant plus faible que le chlore et ne constitue pas un procédé de traitement efficace pour les microcystines (Westrick et coll., 2010b). Nicholsonet coll. (1994) ont étudié l’oxydation des microcystines totales dans l’eau distillée (en laboratoire) avec de la monochloramine et ont établi qu’à une dose de 20 mg/L, avec un temps de contact de cinq jours, un taux d’élimination de 17 % seulement a été obtenu à la température de la pièce. Un taux d’élimination de 10 % a été obtenu après 30 minutes. La concentration initiale de microcystines n’a pas été précisée. La dose et les temps de contact utilisés dans l’étude dépassaient les conditions typiques dans l’usine lorsque la monochloramine était utilisée, bien que les temps de retenue puissent être de l’ordre de quelques jours dans le réseau de distribution de l’eau.

7.2.4 Irradiation d’ultraviolets

Des études ont indiqué que l’irradiation d’ultraviolets peut être efficace pour l’oxydation des microcystines; toutefois, le temps d’exposition ou les doses d’ultraviolets testés dans des expériences en laboratoire étaient supérieurs à ceux généralement appliqués dans le traitement de l’eau potable. L’efficacité de la photolyse par les ultraviolets dépend de la dose d’ultraviolets, du temps d’exposition et du spectre de rayons ultraviolets des microcystines (Sharma et coll., 2012; Merel et coll., 2013). Tsuji et coll. (1995) ont étudié les effets de la photolyse par la lumière ultraviolette sur la dégradation de la MC-LR dans l’eau distillée (en laboratoire), avec une concentration initiale de 10 mg/L. Le taux d’élimination de la MC-LR a augmenté avec l’intensité de la lumière ultraviolette et le temps de contact. Après un temps de contact de dix minutes, le taux d’élimination est passé de 50 à 100 % en raison de l’augmentation de l’intensité des rayons ultraviolets de 0,147 à 2,55 mW/cm2 (lampe à rayonnement ultraviolet à faible pression; puissance spectrale : 254 nm). Une intensité de 2,55 mW/cm2, avec un temps de contact de dixminutes, équivaut à une dose de rayons ultraviolets de 1 530 mJ/cm2, qui est largement supérieure aux doses de rayons ultraviolets typiques utilisées pour le contrôle des agents pathogènes (10–40 mJ/cm2; Westrick et coll., 2010b). Qiao et coll. (2005) ont étudié en laboratoire la dégradation de la MC-RR avec un rayonnement ultraviolet (lampe à rayonnement ultraviolet à faible pression; puissance spectrale : 254 nm) dans l’eau pure. La dégradation a augmenté avec la hausse du temps de réaction et de l’intensité du rayonnement ultraviolet. Après 60 minutes, 70 % de la MC-RR ont pu être éliminés avec une concentration initiale de 0,72 mg/L, un pH de 6,8 et une intensité du rayonnement ultraviolet de 3,66 mW/cm2 (dose de rayons ultraviolets = 13 176 mJ/cm2).

7.2.5 Filtration biologique

La filtration biologique effectuée à l’aide de sable activé biologiquement ou de charbon actif s’est révélée efficace pour l’élimination des microcystines dissoutes dans des études en laboratoire et pilotes (Keijola et coll., 1998; Bourne et coll., 2006; Ho et coll., 2006b, 2008, 2012), ainsi que dans un nombre limité d’études à pleine échelle (Grutzmacher et coll., 2002; Rapala et coll., 2006). Certains rapports traitent également de l’élimination des microcystines intracellulaires au moyen d’un égouttage physique dans des filtres à sable lent (Grutzmacher et coll., 2002; Pereira et coll., 2012). La filtration sur berge peut également être efficace pour l’élimination des microcystines (Lahti et coll., 1998; Schijven et coll., 2002). Un examen détaillé des options de traitement biologique pour l’élimination des cyanotoxines dirigé par Ho et coll. (2012) a défini le type et la concentration des bactéries dégradant les microcystines, la concentration des microcystines et la température comme étant les principaux facteurs influant sur l’efficacité de la filtration biologique pour l’élimination des microcystines. En outre, la concentration d’autres matières organiques dans la source d’eau peut présenter une certaine biodégradation, car les microcystines peuvent constituer un substrat secondaire en présence de matière organique naturelle. La taille des particules, la composition chimique et la rugosité ou la topographie de la surface du milieu utilisé pour la filtration, ont été définies comme étant d’importants facteurs pour la croissance du film biologique et, en fin de compte, la biodégradation des microcystines (Wang et coll., 2007; Ho et coll., 2012).

Plusieurs études ont déterminé les souches bactériennes ainsi que les gènes responsables de la dégradation des microcystines (Bourne et coll., 1996, 2001, 2006; Park et coll., 2001). D’après certains rapports, les souches bactériennes du genre Sphingomonas dégradent complètement plusieurs variantes de microcystines (MC-LF, MC-LW, MC-LR, MC-RR et MC-YR) après quatre à cinq jours dans des expériences de laboratoire (Park et coll., 2001; Ishii et coll., 2004). Park et coll. (2001) ont montré en laboratoire que l’inoculation d’un bioréacteur avec 2,5 × 106 cellules/mL de Sphingomonas, ensuite enrichi de 20 mg/L de MC-RR ou de MC-LR, a permis d’atteindre des taux de dégradation de 13 mg/L et de 5,4 mg/L par jour, respectivement. Les microcystines étaient complètement dégradées dans un délai de quatre jours. En outre, la hausse de la température entre 5 °C et 30 °C a également fait augmenter les taux de dégradation, avec un taux maximal de 7 mg/L par jour à 30 °C (Park et coll., 2001). Des expériences semblables dirigées par Ishii et coll. (2004) ont établi qu’une souche isolée (7CY) de Sphingomonas était en mesure de dégrader complètement 6 µg/L de MC-LW, MC-LF et MC-LR en quatre jours. D’autres bactéries, telles que Arthrobacter sp., Brevibacterium sp., Rhodococcus, et des bactéries probiotiques, ont aussi la capacité de dégrader les microcystines (Ho et coll., 2012). Ho et coll. (2006b) ont étudié en laboratoire la dégradation bactérienne des microcystines dans un filtre à sable activé biologiquement dans des conditions de filtration lente et rapide. La MC-LR et la MC-LA ont été ajoutées à des concentrations de 20 µg/L dans de l’eau de surface avec un pH de 6,7 et une concentration de carbone organique dissous de 11,8 mg/L. Des temps de contact en fût vide de 4,0, 7,5, 10, 15 et 30 minutes ont été testés à des taux de filtration de 2,4, 1,2, 0,9, 0,6 et 0,3 m/h, respectivement. Dans des conditions de filtration rapide sur sable, l’élimination complète des deux variantes de microcystines était possible. L’élimination des microcystines dans les filtres à sable s’est principalement produite par dégradation biologique, plutôt que par des processus physiques. Une pénétration initiale s’est produjite au cours des trois premiers jours, suivie d’une élimination complète (100 %) pendant le reste de l’expérience, ce qui laisse croire qu’une période de quatre jours est nécessaire pour établir un film biologique suffisant.

Bourne et coll. (2006) ont étudié la dégradation de la MC-LR ajoutée à de l’eau de rivière (50 µg/L) dans six colonnes avec filtre à sable lent activé biologiquement dans le cadre d’essais en laboratoire. Le taux de charge hydraulique sur les colonnes était de 0,0165 m/h, ce qui correspond à un temps de contact en fût vide de 30 heures. Les filtres ont été inoculés avec 5 × 108 cellules/mL d’une souche (MJ-PV) de Sphingomonas. L’élimination complète (100 %) de la MC-LR était possible dans tous les filtres à sable en six jours, sans pénétration détectée après 15 jours. Grutzmacher et coll. (2002) ont effectué des essais avec des filtres à sable lent complets en vue d’évaluer l’efficacité de la filtration biologique pour l’élimination des microcystines intracellulaires et dissoutes. Une concentration de 11,8 µg de MC-LRéquiv./L (dissoute) d’eau brute provenant d’un réservoir a été ajoutée aux filtres à sable lent, avec une profondeur de lit de 80 cm, un débit moyen de 2,47 m3/h et une vitesse de filtration de 0,8 m/jour. Un taux d’élimination supérieur à 95 % des microcystines dissoutes a pu être obtenu sur une période de filtration de 30 heures, avec une concentration d’eau traitée maximale de 0,42 µg MC-LRéquiv./L. Un deuxième essai a été dirigé pour évaluer l’élimination des microcystines intracellulaires. Une densité élevée de Planktothrix agardhii (40 mm3/L) et entre 43 et 58 µg de MC-LRéquiv./L (92 % de microcystines intracellulaires) étaient présents dans le réservoir au début de l’expérience se déroulant sur 26 jours. La concentration de microcystines totales mesurée dans l’effluent variait de 0,2 à 0,93 µg de MC-LRéquiv./L (élimination de 67 à 99 %). Il a été déterminé que l’élimination des microcystines intracellulaires se faisait par filtration physique. Les fortes concentrations de microcystines (> 0,2 µg/L) observées au cours de la période de 26 jours étaient attribuées à la présence d’une quantité plus importante de microcystines dissoutes dans l’eau brute et aux températures qui étaient trop faibles (4 °C) pour terminer la biodégradation. Pereira et coll. (2012) ont découvert, en laboratoire, qu’un filtre à sable lent pouvait éliminer 80 % du phytoplancton avec une concentration moyenne de 5 × 105 cellules/mL de l’espèce P. agardhii, principalement, dans l’eau brute. Un taux d’élimination atteignant 96,8 % a ensuite été possible après une période de maturation dans le filtre de trois jours. Les auteurs ont noté qu’en raison de la forte concentration cellulaire dans l’influent, l’eau filtrée contenait encore 9,03 × 103 cellules/mL.

Schijven et coll. (2002) ont résumé plusieurs études indiquant que la filtration des berges peut s’avérer efficace pour éliminer les cellules cyanobactériennes et les microcystines. Lahti et coll. (1998) ont observé que 98 à 99 % des cellules cyanobactériennes étaient éliminées après une filtration des berges, mais des traces de microcystines (< 0,1 µg/L) et des cellules uniques de cyanobactéries étaient présentes dans l’eau filtrée, même lorsque la longueur du trajet de filtration de la subsurface atteint 100 m (Lahti et coll., 1998).

Comme il a été abordé à la section 7.2.2, des filtres d’adsorption à charbon actif en grains peuvent éliminer efficacement les microcystines dissoutes (Newcombe, 2002; Ho et Newcombe, 2007; Wang et coll., 2007). Wang et coll. (2007) ont axé leurs études sur la biodégradation des microcystines dans les bioréacteurs à l’aide de bactéries provenant d’une colonne de charbon actif en grains conventionelle. L’eau traitée a été enrichie de 5 µg/L de MC-LR, inoculée avec 7,6 × 107 bactéries actives/mL et incubée par voie aérobie. On a pu observer que la dégradation dépendait de la température et de la concentration initiale de l’inoculum bactérien. Compte tenu du fait que la température a été augmentée de 22 à 33 °C, un taux de dégradation plus fort a été observé. À 33 °C, une élimination complète (100 %) a été observée après trois jours, tandis qu’une période de six jours était nécessaire pour parvenir à une dégradation complète à 22 °C. De plus, une concentration initiale plus élevée de l’inoculum bactérien a conduit à une dégradation plus rapide de la MC-LR.

7.2.6 Filtration par membrane

La filtration par membrane, notamment la microfiltration (MF) et l’ultrafiltration (UF), permet d’éliminer plus de 98 % des cellules cyanobactériennes et des microcystines intracellulaires (Chow et coll., 1997; Gijsbertsen-Abrahamse et coll., 2006; Campinas et Rosa, 2010; Sorlini et coll., 2013), tandis que la nanofiltration, l’osmose inverse et, dans une moindre mesure, l’ultrafiltration, peuvent être employées pour éliminer les microcystines intracellulaires et dissoutes (Neumann et Weckesser, 1998; Lee et Walker, 2008; Dixon et coll., 2011a, 2011b). Toutefois, en pratique, les cellules cyanobactériennes seraient éliminées préalablement à l’osmose inverse afin d’empêcher l’obstruction et l’engorgement de la membrane. La performance de la filtration par membrane pour l’élimination des microcystines dépend des caractéristiques de la membrane, telles que le seuil de rétention des molécules (SRM) et l’hydrophobicité, la concentration initiale, la taille et le poids moléculaire des microcystines, ainsi que des paramètres d’utilisation tels que le flux, les pourcentages de récupération et le degré d’engorgement (Antoniou et coll., 2014).

7.2.6.1 Microfiltration/ultrafiltration

Des études en laboratoire et pilotes ont montré que la microfiltration et l’ultrafiltration peuvent éliminer plus de 98 % des cellules cyanobactériennes (Chow et coll., 1997; Gijsbertsen-Abrahamse et coll., 2006; Campinas et Rosa, 2010; Sorlini et coll., 2013), et que l’efficacité de l’ultrafiltration peut être modérée (35–70 %) concernant l’élimination de microcystines dissoutes (Lee et Walker, 2008). Plusieurs études ont aussi montré que la libération de microcystines dissoutes provoquée par l’effet de contrainte de cisaillement sur les cellules cyanobactériennes pendant la microfiltration et l’ultrafiltration, est possible, bien que cela entraîne généralement des augmentations de la concentration de microcystines dans le perméat de moins de 12 % (Gijsbertsen-Abrahamse et coll., 2006; Campinas et Rosa, 2010).

Dans une étude auprès d’une usine pilote utilisant une membrane de microfiltration à fibres creuses, on a observé un taux d’élimination supérieur à 98 % d’une grande quantité d’espèces cyanobactériennes à l’aide d’une membrane et d’un seuil de rétention des molécules de 200 kDa, un débit de 2 à 4 m3/h et une pression transmembranaire de 0,5 à 2,5. De l’eau d’alimentation contenant entre 6,3 × 105 et 10,8 × 106 cellules/L de 17 espèces de cyanobactéries, notamment Anabaena lemmermannii, Chroococcus sp. et Planktothrix sp., a permis d’obtenir un taux d’élimination compris entre 98 % et 100 % selon l’espèce cyanobactérienne, Aphanothece spp. étant celle qui a été le moins éliminée (Sorlini et coll., 2013).

Gijsbertsen-Abrahamse et coll. (2006) ont étudié l’élimination des microcystines intracellulaires de l’eau de surface dans le cadre d’expériences en laboratoire utilisant l’ultrafiltration par membrane à fibres creuses avec un seuil de rétention des molécules de 100 kDa. Les expériences ont été exécutées à l’aide de cultures denses de cellules de Planktothrix agardhii et d’une prolifération naturelle de P. rubescens. Une pompe centrifuge avec une vitesse de cisaillement de 1 000 s−1 a été utilisée pour simuler la contrainte potentielle sur les cellules liée au pompage. Le processus d’ultrafiltration a été exécuté à un débit constant de 50 L/m2/h, avec un lavage à contre-courant réalisé à des intervalles de 15 minutes au cours d’une période de filtration de quatre heures. Une élimination presque complète de 26 à 37 µg/L de microcystines intracellulaires (98 %) a été obtenue dans des expériences réalisées avec des cultures de P. agardhii. En outre, la libération de microcystines intracellulaires était inférieure à 2 %, même lorsque les cellules étaient soumises à une contrainte de cisaillement lié à la pompe. De même, des expériences réalisées avec l’espèce P. rubescens ont montré que les concentrations de microcystines dissoutes étaient égales ou inférieures à la concentration d’alimentation (0,1 µg/L). Chow et coll. (1997) ont observé des résultats semblables au moyen de la microfiltration et de l’ultrafiltration à des fins d’élimination des cellules de Microcystis aeruginosa. En outre, Campinas et Rosa (2010) ont fait état de l’élimination complète des cultures en laboratoire de cellules uniques de M. aeruginosa à l’aide d’une membrane à fibres creuses à base d’acétate de cellulose (seuil de rétention des molécules = 100 kDa) utilisée dans un mode de filtration croisée. L’eau d’alimentation contenait entre 17 et 36 µg/L de chlorophylle-a. Les auteurs ont également indiqué qu’une lyse des cellules s’est produite pendant l’ultrafiltration, en particulier pour les cultures de cellules plus vieilles. La concentration dans le perméat est restée égale ou inférieure à la concentration d’alimentation en raison de l’interaction entre les microcystines et la matière organique algale et l’adsorption sur la membrane.

Une diminution du flux (Campinas et Rosa, 2010) et une augmentation de la pression transmembranaire (Gijsbertsen-Abrahamse et coll., 2006) attribuées à l’engorgement des membranes d’ultrafiltration avec de la matière organique algale ont été observées dans les études abordées ci-dessus, bien que Gijsbertsen-Abrahamse et coll. (2006) aient noté que l’engorgement était réversible et pouvait être éliminé grâce à un lavage à contre-courant. En revanche, Qu et coll. (2012) ont découvert que les cellules cyanobactériennes et les fragments cellulaires ont entraîné l’engorgement réversible et irréversible de membranes d’ultrafiltration. La présence de 4 × 106 cellules/mL de M. aeruginosa a entraîné un engorgement irréversible de la membrane allant jusqu’à 30 %. De plus, la matière organique extracellulaire a été définie comme une cause importante de la diminution du débit, car les matières organiques macromoléculaires, telles que les protéines et les polysaccharides, se déposaient sur la membrane.

Lee et Walker (2008) ont étudié les facteurs influant sur l’élimination de la MC-LR dissoute par les membranes d’ultrafiltration lors d’expériences en laboratoire. Les facteurs examinés incluaient les caractéristiques de la membrane, les concentrations initiales de la MC-LR, la récupération de l’eau et la pression d’utilisation. Sept membranes ont été étudiées, avec des seuils de rétention des molécules allant de 1 000 à 30 000 Da et des hydrophobicités différentes. L’hydrophobicité et la porosité de la membrane avaient une incidence sur l’élimination de la MC-LR par ultrafiltration. Au cours des premières étapes de filtration, le mécanisme de rejet dominant était l’adsorption. Une forte adsorption de la MC-LR (concentration initiale de 50 µg/L) a été observée pour les membranes hydrophobes, telles que le polysulfone (91 %) et le polyéthersulfone (67 %), car la MC-LR est composée de propriétés hydrophobes contenant des acides aminés. Une faible adsorption a été observée pour la membrane hydrophile à base d’acétate de cellulose (> 5 %). Pour les membranes denses d’ultrafiltration (seuil de rétention des molécules = 1 000–4 000 Da), l’exclusion selon la taille a été définie comme le mécanisme de rejet dominant après que l’adsorption a atteint un équilibre. D’après les observations, l’élimination des microcystines par exclusion selon la taille (après neuf heures) a augmenté de 34,8 % à 69,5 % lorsque les seuils de rétention des molécules diminuent de 4 000 à 1 000 Da. Un flux plus élevé du perméat, découlant de la récupération de l’eau ou de la pression d’utilisation, a permis d’obtenir un taux d’élimination plus important des microcystines par adsorption et un taux d’élimination plus faible par exclusion selon la taille.

Dixon et coll. (2011a) ont axé leurs études (en laboratoire) sur l’efficacité de la coagulation, du charbon actif en poudre et de l’ultrafiltration pour éliminer les microcystines dans deux échantillons d’eau de surface en Australie. Des expériences ont été menées avec un processus d’ultrafiltration en n’utilisant que de l’eau lacustre au cours d’une prolifération de Microcystis flos-aquae en mars 2010. La concentration totale de microcystines dans l’eau d’alimentation allant dans la membrane d’ultrafiltration était de 5,9 µg/L. Il a été possible d’éliminer 70 % des microcystines totales à l’aide de la membrane d’ultrafiltration seule. Dans une autre étude dirigée par Dixon et coll. (2011b), une culture de laboratoire de Anabaena circinalis (100 000 cellules/mL) ajoutée à l’eau d’un réservoir, a été complètement éliminée à l’aide d’une membrane d’ultrafiltration à fibres creuses.

7.2.6.2 Nanofiltration/osmose inverse

L’élimination de microcystines dissoutes par nanofiltration et osmose inverse s’est révélée très efficace (> 90 %). Le taux d’élimination dépend principalement de la taille des pores de la membrane (seuil de rétention des molécules), car le rejet des microcystines se produit au moyen d’un processus d’exclusion selon la taille. Gijsbertsen-Abrahamse et coll. (2006) ont étudié l’élimination de la MC-RR, de la MC-LR, de la MC-YR et de la MC-LA dans de l’eau du robinet avec une membrane de nanofiltration spiralée (seuil de rétention des molécules non indiqué). Les concentrations de microcystines dans l’influent étaient comprises entre 1,3 et 9,4 µg/L, et les concentrations dans le perméat après 72 heures étaient généralement inférieures à la limite de détection (0,08 µg/L). Dans la plupart des cas, un taux d’élimination supérieur à 99 % a pu être obtenu avec la membrane de nanofiltration. D’après ces résultats, les auteurs ont conclu qu’un taux d’élimination d’au moins 90 % des microcystines totales est possible à pleine échelle, même à de fortes concentrations dissoutes de 10 µg/L.

De même, Teixeira et Rosa (2006b) ont découvert que les membranes de nanofiltration constituaient une barrière efficace contre les microcystines dans l’eau potable. Des expériences en laboratoire ont été dirigées avec 10 µg/L de MC-LR dans l’eau décantée provenant de l’usine de traitement de l’eau de Tavira (Algarve, Portugal). Plus de 94 % de la MC-LR ont été éliminés, indépendamment de la qualité de l’eau d’alimentation (fourchette de matière organique naturelle comprise entre 4,6 et 10,2 mg/L sous forme de carbone et pH entre 4,1 et 7,7) et du pourcentage de récupération. Le mécanisme d’élimination était principalement l’exclusion selon la taille, car le seuil de rétention des molécules de la membrane de nanofiltration (150 g/mol) était faible par rapport au poids moléculaire des microcystines (environ 1 000 g/mol).

Dixon et coll. (2011c) ont effectué des expériences en laboratoire afin de déterminer la capacité d’élimination des microcystines (MC-RR, MC-LR, MC-YR et MC-LA) dans deux autres échantillons d’eau traitée par quatre membranes de nanofiltration spiralées. Les membranes avaient des seuils de rétention des molécules variant de 100 à 800 Da, et les échantillons d’eau traitée avaient des concentrations de carbone organique dissous de 3,1 mg/L (faible concentration de carbone organique dissous) et de 5,3 mg/L (concentration élevée de carbone organique dissous, tel que le définissent les auteurs de l’étude). Les échantillons d’eau traitée ont été enrichis de 10 µg/L de chaque variante de microcystine. Les trois membranes de nanofiltration avec des seuils de rétention des molécules plus faibles (100–300 Da) permettaient d’obtenir des taux d’élimination semblables pour les quatre microcystines (> 90 %) dans les deux échantillons d’eau, même si deux des membranes étaient jugées hydrophiles (une membrane de polyamide/polysulfone et une membrane de polyamide). La membrane hydrophobe (polyéthersulfone sulfoné) avec un seuil de rétention des molécules plus élevé (600–800 Da) a permis d’obtenir des taux d’élimination moins importants de la MC-RR, de la MC-LR et de la MC-YR dans les deux échantillons d’eau (40–90 %). Les différentes concentrations et les caractéristiques de la matière organique naturellement présente dans l’eau de l’influent avaient un effet négligeable sur l’élimination des microcystines.

Les membranes retiendront un pourcentage élevé des microcystines présentes dans l’eau d’alimentation, car le seuil de rétention des molécules pour les microcystines est généralement de 1 000 g/mol (Lawton et Robertson, 1999). Neumann et Weckesser (1998) ont étudié l’élimination de la MC-LR et de la MC-RR dans l’eau du robinet et l’eau de mer au moyen de trois types de membrane d’osmose inverse (3 000 mg/L de chlorure de sodium). Les concentrations de toxines initiales étaient comprises entre 70 et 130 µg/L. Le taux d’élimination de la MC-LR et de la MC-RR de l’eau du robinet et de l’eau de mer était supérieur à 96 % et supérieur à 98 %, respectivement, pour les trois membranes testées.

7.2.7 Technologies de traitement combiné

En pratique, les usines de traitement à grande échelle utilisent des technologies de traitement combiné (c.-à-d. filtration conventionelle et oxydation chimique) afin d’éliminer les microcystines intracellulaires et dissoutes. Les données issues des usines de traitement opérationnel indiquent qu’en combinant les méthodes de traitement, les services d’alimentation en eau peuvent éliminer efficacement les deux formes de microcystines pour atteindre des concentrations inférieures à 0,1 µg/L (Lahti et coll., 2001; Boyd et Clevenger, 2002; Zurawell, 2002; Hoeger et coll., 2005; Jurczak et coll., 2005; Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2005, 2008; Rapala et coll., 2006; Haddix et coll., 2007; Nasri et coll., 2007; Zamyadi et coll., 2013c). Toutefois, certaines études ont montré que la présence de concentrations élevées de cellules (105 cellules/mL) ou de microcystines dans l’eau brute (100 µg/L) peut compliquer le travail des usines de traitement concernant l’élimination des toxines jusqu’à une concentration inférieure à 0,1 µg/L (Tarczynska et coll., 2001; Hoeger et coll., 2004; Zamyadi et coll., 2012a).

Jurczak et coll. (2005) ont surveillé les concentrations de microcystines intracellulaires et dissoutes dans deux usines de traitement de l’eau potable à grande échelle. La principale espèce cyanobactérienne présente était Microcystis aeruginosa. Les processus utilisés dans la première usine incluaient une préoxydation avec du dioxyde de chlore (1,6–2,8 mg/L) et une filtration conventionelle, suivie d’une ozonisation (1,2–3,5 mg/L) et d’une chloration (1,32–3,88 mg/L). Les résultats ont indiqué que le processus de traitement global était capable d’éliminer plus de 99 % des microcystines dans l’eau brute (MC-LR, MC-RR et MC-YR), d’une concentration maximale dans l’influent de 6,69 µg/L jusqu’à une concentration dans l’eau traitée inférieure à la limite de détection de 0,01 µg/L. La deuxième usine de traitement a utilisé un processus de filtration conventionelle, puis une ozonisation (1,5–5,5 mg/L) et une chloration (0,43–1,15 mg/L). Cette usine était capable de traiter une concentration de microcystines maximale dans l’eau brute de 4,05 µg/L (MC-LR, MC-RR et MC-YR) jusqu’à une concentration dans l’eau traitée inférieure à 0,01 µg/L. Les auteurs ont noté que l’étape la plus efficace des procédés de traitement dans l’élimination des microcystines était le processus de filtration conventionelle, qui a permis de réduire les microcystines de plus de 75 %.

Les concentrations de microcystines dans l’eau brute et traitée à cinq réseaux d’eau potable aux États-Unis ont fait l’objet d’une surveillance visant à déterminer l’efficacité de chaque étape de traitement dans l’élimination des microcystines intracellulaires et extracellulaires (Karner et coll., 2001). D’une manière générale, les usines de traitement ont utilisé une combinaison de permanganate de potassium (en tant que préoxydant), de charbon actif en poudre, de coagulation, de clarification, de filtration granulaire rapide et de chloration. Toutes les usines de traitement parvenaient à éliminer efficacement des concentrations de microcystines totales atteignant 7 µg de MC-LRéquiv./L, jusqu’à moins de 0,017 µg de MC-LRéquiv./L. Les données découlant de cette étude ont montré que l’élimination des microcystines s’est produite de manière progressive à plusieurs points dans le processus de traitement de l’eau potable, les taux d’élimination les plus importants (61 % en moyenne) étant obtenus lorsqu’on utilise du permanganate de potassium ou du charbon actif en poudre; cette élimination est renforcée par un processus de coagulation et de sédimentation (élimination d’environ 43 %).

Une étude semblable a été dirigée par Lahti et coll. (2001) et porte sur l’élimination des cellules cyanobactériennes et des microcystines dans les usines de traitement de l’eau potable à grande échelle au moyen d’une combinaison de procédés de traitement. L’usine de traitement ayant la concentration de microcystines la plus élevée dans l’eau brute (9,4 µg de MC-LRéquiv./L) a pu atteindre une concentration dans l’eau traitée de 0,03 µg/L. Le procédé de traitement incluait un traitement conventionnel, suivi d’une technique d’ozonisation, de filtration sur sable lent et de chloration. Une deuxième usine où la concentration de microcystines maximale dans l’eau brute était de 8,3 µg/L (MC-LRéquiv.) a déclaré des concentrations dans l’eau traitée inférieures à 0,02 µg/L à l’aide d’un traitement conventionnel, d’une filtration au charbon actif et d’une chloration.

Hoeger et coll. (2005) ont indiqué qu’une usine de traitement de l’eau potable utilisant des processus de préozonisation (1,0 mg/L), de filtration au sable rapide, d’ozonisation intermédiaire (0,5 mg/L), de filtration au charbon actif et de filtration au sable lent, a pu éliminer efficacement les cellules cyanobactériennes et les toxines. L’eau brute contenant environ 8,05 µg/L de microcystines totales a été traitée efficacement pour atteindre une concentration dans l’eau traitée de 0,240 µg/L.

Les données ci-dessus sont appuyées par les données fournies par le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable et issues des rapports provinciaux sur la performance de neuf usines canadiennes de traitement de l’eau potable à grande échelle (Zurawell, 2002; Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec; Manitoba Water Sterwartship, 2012; Ontario Ministry of the Environment, 2014). Le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec (2005, 2008) a rapporté les concentrations de microcystines dans l’eau brute et traitée pendant des épisodes de proliférations qu’ont subis six usines au Québec au cours d’une période de six ans. Toutes les usines de traitement ont utilisé, au minimum, des techniques telles qu’une filtration conventionelle suivie d’une chloration, et certaines usines ont également effectué une préoxydation (ozone ou permanganate de potassium) ou ont utilisé du charbon actif en poudre. Les concentrations dans l’eau brute atteignant 8 µg/L ont pu être efficacement traitées jusqu’à atteindre une concentration inférieure à la limite de détection de 0,05 µg/L dans toutes les usines. La même efficacité des usines de traitement a été observée pendant des épisodes de proliférations au Manitoba et en Ontario (Manitoba Water Sterwartship, 2012; Ontario Ministry of the Environment, 2014).

Zamyadi et coll. (2012a) ont étudié la pénétration et l’accumulation de cellules cyanobactériennes et de microcystines au cours de trois saisons de prolifération dans une usine de traitement à grande échelle. Le procédé de traitement comprenant du charbon actif en poudre (7–9 mg/L) et une filtration conventionelle, suivie d’une chloration (1,2–2,0 mg/L). Le procédé était capable d’éliminer 6,3 µg/L de microcystines totales jusqu’à une concentration inférieure à la limite de détection de 0,1 µg/L. Les résultats ont révélé que la chloration de l’eau filtrée avec une valeur estimée de CT de 117 mg min/L n’était pas efficace pour entraîner la lyse des cellules cyanobactériennes restantes, mais qu’elle l’était pour éliminer le reste des microcystines dissoutes. Toutefois, lors d’un autre épisode de surveillance, la concentration de microcystines totales a atteint 118,70 µg/L dans l’eau brute et a été réduite à seulement 2,7 µg/L dans l’eau chlorée. Bien que cela représente un taux d’élimination de 97,7 % des toxines, la forte concentration dans l’influent de cellules cyanobactériennes et de microcystines n’a pas permis d’atteindre facilement une faible concentration dans l’eau traitée sans ajuster les traitements. Les auteurs ont noté que les doses de charbon actif en poudre et de chlore utilisées dans l’usine de traitement étaient insuffisantes pour éliminer efficacement la concentration élevée de microcystines totales. L’étude a également établi que les cellules ne se déposaient pas efficacement dans le bassin de sédimentation et que 49 000 cellules/mL et 10 300 µg/L de microcystines étaient présentes dans les écumes sur le clarificateur. Les auteurs ont aussi constaté qu’un afflux constant de cyanobactéries dans une usine peut s’accumuler et que, en définitive, des cyanobactéries et des microcystines dissoutes peuvent être rejetées par la boue du clarificateur et pénétrer dans l’eau clarifiée.

Dans une étude du même genre, Tarczynskaet coll. (2001) ont surveillé les concentrations de microcystines intracellulaires et extracellulaires dans une usine de traitement de l’eau potable à grande échelle qui utilisait une technique de préoxydation avec du dioxyde de chlore (2,5 mg/L), du charbon actif en poudre (15 mg/L), ainsi qu’une filtration suivie d’une ozonisation (1,7 mg/L) et d’une chloration (2,7 mg/L). D’après les résultats, le procédé global de traitement était en mesure d’éliminer 77 % des microcystines totales, en diminuant une concentration dans l’influent de 2,3 µg/L à une concentration dans l’eau traitée de 0,52 µg/L. Les auteurs ont noté que le processus d’oxydation suivie d’une ozonisation/chloration a permis d’éliminer 98 % des microcystines dissoutes et que les microcystines restantes à la fin du procédé de traitement étaient principalement intracellulaires.

Maatouk et coll. (2002) ont également découvert que même de faibles concentrations de microcystines dissoutes (63 ng/L) n’ont pas pu être éliminées efficacement à l’aide d’une technique de chloration préalable (0,42 mg/L), d’une filtration conventionelle et de charbon actif en poudre (20 mg/L). Les auteurs ont laissé entendre que les doses de chlore et de charbon actif en poudre n’ont pas été optimisées pour la qualité de l’eau du système. Une élimination efficace a été observée lorsque le système augmentait la dose de charbon actif en poudre à 40 mg/L (Maatouk et coll., 2002).

Dans certains cas, les services d’alimentation en eau pourront éliminer efficacement les microcystines intracellulaires avec des procédés qui sont déjà en place (filtration conventionelle) lorsque ceux-ci sont optimisés pour l’élimination des cellules cyanobactériennes ou de la matière organique naturelle. Les microcystines dissoutes peuvent également être éliminées par de nombreuses usines de traitement en utilisant des traitements existants, comme la chloration, ou en ajoutant des procédés simples, tels que du charbon actif en poudre (Carrière et coll., 2010). Bien qu’il soit possible d’éliminer efficacement les microcystines intracellulaires et dissoutes en combinant des procédés de traitement, les résultats des études abordées ci-dessus indiquent que l’élimination efficace peut varier considérablement. Les services d’alimentation en eau doivent s’assurer que les procédés de traitement en place ont été optimisés pour l’élimination des cellules cyanobactériennes et des microcystines dissoutes, et qu’une surveillance appropriée est effectuée de façon à assurer une élimination convenable à chaque étape du procédé de traitement. Plusieurs des études abordées ci-dessus et dans la section 7.2.1 indiquent que des cellules cyanobactériennes peuvent être présentes dans l’eau filtrée (Rapala et coll., 2002; Hoeger et coll., 2005; Zamyadi et coll., 2012a); par conséquent, il est important qu’une analyse de l’eau traitée inclue une lyse des cellules afin de déterminer la concentration de microcystines totales. En outre, le procédé de traitement final, tel que l’oxydation, doit être ajusté pour tenir compte de la présence de microcystines cellulaires (c.-à-d. oxydation des cellules et microcystines dissoutes).

7.2.8 Technologies émergentes

Plusieurs technologies émergentes (procédés d’oxydation avancés ou AOP, de l’anglais Advanced Oxidation Processes, et dégradation ultrasonore) peuvent offrir des traitements de rechange fiables pour éliminer les microcystines; toutefois, les données prouvant leur efficacité se limitent aux données obtenues lors d’études en laboratoire. La dégradation par procédé AOP est complexe, car elle doit tenir de la compétition pour les sites réactifs, des interférences des particules avec le facteur de transmission des ultraviolets, et du rôle du pH et de la température dans la détermination des taux de réaction. La formation de sous-produits de dégradation des microcystines découlant du traitement et leur toxicité possible doivent également être prises en compte. Des études à pleine échelle et à l’échelle pilote plus poussées sont nécessaires pour évaluer l’efficacité de la dégradation de multiples microcystines à des concentrations typiques dans l’influent dans diverses conditions liées à la qualité de l’eau.

7.2.8.1 Rayons ultraviolets et peroxyde d’hydrogène

L’efficacité du traitement avec rayons ultraviolets et peroxyde d’hydrogène aux fins de l’élimination de la MC-LR a été étudiée par He et coll. (2012), et aux fins de l’élimination de la MC-RR par Qiao et coll. (2005). Dans des conditions optimales, He et coll. (2012) ont observé une dégradation de 93,9 % avec une concentration initiale de MC-LR de 1 µmol/L (UV = 80 mJ/cm2; concentration de peroxyde d’hydrogène de 882 µmol/L). Qiao et coll. (2005) ont observé, dans des conditions optimales, une dégradation de 94,83 % avec une concentration initiale de MC-RR de 0,72 mg/L (UV = 3,66 mW/cm2; concentration de peroxyde d’hydrogène de 1 mmol; pH 6,8).

Qiao et coll. (2005) ont découvert que la combinaison des rayons ultraviolets et du peroxyde d’hydrogène entraînait un effet synergique, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on utilise uniquement un traitement avec rayons ultraviolets ou peroxyde d’hydrogène. Le fait d’augmenter la dose de peroxyde d’hydrogène au-dessus de la dose optimale a entraîné une diminution du taux de dégradation de la MC-LR (He et coll., 2012) et de la MC-RR (Qiao et coll., 2005), car le peroxyde d’hydrogène en trop a probablement rivalisé avec les microcystines pour les radicaux hydroxyles. On a pu observer que l’efficacité du traitement avec rayons ultraviolets et peroxyde d’hydrogène diminuait au fur et à mesure que la concentration initiale de MC-LC (He et coll., 2012) et de MC-RR (Qiao et coll., 2005) augmentait. Des expériences ont permis à Qiao et coll. (2005) d’observer qu’à un niveau de pH plus élevé (pH 11), le taux de dégradation de la MC-RR diminuait. De même, He et coll. (2012) ont constaté un taux de dégradation réduit de la MC-LR au-dessus d’un pH de 10 et ont laissé entendre qu’avec l’augmentation du pH, le HO présent rivalise avec les microcystines pour des réactions avec les radicaux hydroxyles. He et coll. (2012) ont également utilisé de l’eau naturelle dans les expériences et ont observé que l’alcalinité testée à des valeurs comprises entre 89,6 et 117,8 mg/L, sous forme de carbone de calcium, et que la matière organique naturelle comprise entre 2 et 9,6 mg/L, sous forme de carbone organique total, a considérablement réduit le taux de destruction. Le travail réalisé par He et coll. (2012) et Qiao et coll. (2005) met en évidence que les études à venir doivent évaluer une vaste gamme de valeurs dans l’influent en ce qui a trait à la qualité de l’eau propre au site.

7.2.8.2 Ozone et rayons ultraviolets

L’application séquentielle d’un traitement avec des rayons ultraviolets, puis de l’ozone s’est révélée un traitement efficace dans le cadre d’un essai en laboratoire à l’aide d’eau désionisée (Liu et coll., 2010). Liu et coll. (2010) ont observé qu’avec une concentration initiale de MC-LR de 100 µg/L, un traitement aux rayons ultraviolets de cinq minutes (2,6 mW/cm2) suivi de l’application de 0,2 mg/L d’ozone pouvait réduire la concentration de MC-LR à moins de 1 µg/L; d’autre part, une dose d’ozone de 0,5 mg/L a diminué la concentration de MC-LR à moins de 0,1 µg/L. Toutefois, les observations ont indiqué que la matière organique naturelle avait un impact négatif sur la performance de l’ozone.

7.2.8.3 Ozone et peroxyde d’hydrogène

L’application d’ozone et de peroxyde d’hydrogène s’est également révélée efficace dans des études en laboratoire effectuées avec de l’eau désionisée (Rositano et coll., 1998; Al Momani et coll., 2008). À un rapport de poids peroxyde/ozone de 0,5, Rositano et coll. (1998) ont observé que dans l’eau désionisée, la combinaison des rayons ultraviolets avec le peroxyde d’hydrogène à une dose d’ozone de 0,02 mg/L a permis une destruction de 54 % de la MC-LR après 15 secondes; la combinaison des rayons ultraviolets avec le peroxyde d’hydrogène à une dose d’ozone de 0,2 mg/L a permis une destruction de 100 % après 15 secondes. Al Momani et coll. (2008) ont mené des expériences à différents rapports d’ozone/peroxyde d’hydrogène. Après une réaction de 80 secondes, 98 % de la microcystine ont été dégradés à une dose d’ozone de 0,5 mg/L et à 0,001 mg/L de peroxyde d’hydrogène; par ailleurs, une dégradation totale a pu être observée à des doses de 0,1 mg/L d’ozone et de 0,01 mg/L de peroxyde d’hydrogène. Al Momani et coll. (2008) ont observé que la matière organique naturelle interférait avec la dégradation de la MC-LR, car elle entraînait des réactions compétitives. La température et le pH ont montré qu’ils avaient une incidence sur la cinétique de dégradation de l’ozone (Al Momani et coll., 2008).

7.2.8.4 Photocatalyse du dioxyde de titane

La photocatalyse du dioxyde de titane a été efficace pour l’élimination des microcystines dans le cadre d’études en laboratoire. Lawton et coll. (1999) ont examiné la destruction de la MC-LR avec une concentration initiale de 200 µg/mL à un pH de 4 et 306 K. Une diminution de 50 % des toxines a été observée à la suite de l’adsorption de la MC-LR sur le dioxyde de titane (1 % m/v). Seule une faible concentration de pointe de MC-LR a été détectée par CPLHP après 20 minutes d’exposition aux rayons ultraviolets (280 W); toutefois, des sous-produits de dégradation ont été détectés. Cornish et coll. (2000) ont utilisé le même type d’eau que Lawton et coll. (1999) (pH 4, 306 K) pour examiner l’impact de l’ajout de peroxyde d’hydrogène à la photocatalyse du dioxyde de titane. Cornish et coll. (2000) ont découvert que lorsqu’on ajoutait du peroxyde d’hydrogène à une dose optimale comprise entre 0,005 et 0,1 %, le système de dioxyde de titane et de rayons ultraviolets fonctionnait plus efficacement. Toutefois, avec l’ajout d’un surplus de peroxyde d’hydrogène, une compétition entre la MC-LR et le peroxyde d’hydrogène s’est probablement produite à la surface du dioxyde de titane. Cornish et coll. (2000) n’ont pas détecté de sous-produit de réaction; toutefois, la minéralisation incomplète de la MC-LR a laissé supposer que des sous-produits indétectables se sont formés. B. Yuan et coll. (2006) ont montré que de faibles doses de fer (VI) ont renforcé la dégradation en combinant le dioxyde de titane (2 g/L) et les rayons ultraviolets (40 W/m2). À un pH optimal de 6, une dose de ferrate de 0,08 mmol a permis une dégradation de 100 % après 30 minutes. L’ajout d’un surplus de ferrate et un pH non optimal ont eu un impact négatif sur le taux de dégradation (B. Yuanet coll., 2006).

7.2.8.5 Dégradation ultrasonore

On sait que le rayonnement sonore inhibe la croissance cyanobactérienne (Ahn et coll., 2003). Il entraîne la croissance et la rupture de bulles de gaz, ce qui conduit à la pyrolyse de l’eau et à la production de radicaux hydroxyles. Le rayonnement sonore présente plusieurs avantages par rapport à d’autres techniques AOP, car il ne requiert pas l’ajout de produits chimiques, et l’efficacité n’est pas gênée par la turbidité. Toutefois, des préoccupations ont été soulevées concernant la libération de microcystines dans l’eau à partir des cellules intactes (Songet coll., 2005). Song et coll. (2005) ont étudié les effets des rayonnements sonores sur la dégradation des microcystines dans une solution aqueuse. Des essais en laboratoire ont été dirigés avec un transducteur pour ultrasons de 640 kHz sur des solutions contenant 2,7 µmol de MC-LR/L. Après un temps de contact de trois minutes, moins de 50 % de la concentration de toxine initiale étaient encore présents (1,1 µmol/L); après six minutes, la concentration était réduite à environ 0,4 µmol/L (élimination de 85 %). D’autres expériences ont été dirigées pour évaluer l’efficacité des rayonnements sonores sur la dégradation des microcystines en présence d’extraits cellulaires (matière organique dissoute). Après trois minutes, 58 % de la MC-LR ont été dégradés dans l’eau pure, contre 35 % en présence d’extraits cellulaires.

7.2.9 Cylindrospermopsine

Le traitement visant l’élimination de la cylindrospermopsine de l’eau potable suit les mêmes principes que pour les microcystines : élimination des cellules cyanobactériennes intactes et élimination des cylindrospermopsines dissoutes. Toutefois, la cylindrospermopsine tend à être davantage présente dans la source d’eau sous sa forme dissoute que les microcystines, et ce facteur doit être pris en compte dans le procédé de traitement (Ho et coll., 2011). De la Cruz et coll. (2013) ont examiné de façon exhaustive les méthodes de traitement qui sont efficaces pour éliminer les cylindrospermopsines. Plusieurs méthodes de traitement sont efficaces pour éliminer les cylindrospermopsines, mais des données limitées concernant les usines de traitement à grande échelle ont été déclarées. Les renseignements accessibles incluent des études portant sur la filtration conventionelle et la filtration par membrane pour l’élimination des cellules, ainsi que sur le charbon actif et l’oxydation par le chlore, l’ozone et à l’aide d’un système d’osmose inverse pour l’élimination des cylindrospermopsines dissoutes (Westrick et coll., 2010b; de la Cruz et coll., 2013). Les facteurs influant sur l’efficacité des procédés de traitement pour éliminer les cylindrospermopsines sont semblables à ceux des microcystines dont il est question dans la section 7.2.1.

Hoeger et coll. (2004) ont étudié l’élimination des cyanotoxines dans les usines de traitement de l’eau potable à grande échelle en Australie. Plus de 99 % des cylindrospermopsines ont été éliminés à l’aide d’une filtration conventionelle suivie d’une chloration, ce qui permet d’atteindre une concentration dans l’eau traitée inférieure à la limite de détection de 0,2 µg/L par rapport à une concentration initiale de 1,17 µg/L.

Ho et coll. (2008, 2011) ont dirigé des études laboratoire et des études de modélisation sur l’utilisation du charbon actif en poudre pour l’adsorption des cylindrospermopsines. Les résultats ont démontré  que pour éliminer 5 µg/L de cylindrospermopsine jusqu’à une concentration de moins de 1 µg/L, une dose de charbon actif en poudre de 33 mg/L et un temps de contact de 30 minutes seraient nécessaires. De même, les résultats de la modélisation ont laissé entendre que le charbon actif en poudre peut être efficace, mais que des doses relativement élevées sont nécessaires. En outre, si l’on compare les taux d’élimination des différentes cyanotoxines à l’aide de charbon actif en poudre, on constate que le taux d’élimination de la cylindrospermopsine est le même que pour la MC-RR.

Un certain nombre d’études ont porté sur l’élimination de la cylindrospermopsine par oxydation (Rodriguez et coll., 2007a, 2007b; Merel et coll., 2010a; de la Cruz et coll., 2013). Plusieurs études ont montré que la cylindrospermopsine s’oxyde rapidement à l’aide de chlore. Rodriguez et coll. (2007a) ont constaté que le maintien d’une dose résiduelle de chlore de 0,5 mg/L avec un temps de réaction de 30 minutes était en mesure de dégrader complètement une concentration de 60 µg/L de cylindrospermopsine. L’ozone s’est révélé efficace pour oxyder la cylindrospermopsine dans le cadre d’études de laboratoire. À un pH de 8, environ 95 % des cylindrospermopsines (concentration initiale de 415 µg/L) ont été oxydés avec 0,38 mg/L d’ozone et un temps de réaction illimité. En revanche, l’oxydation de la cylindrospermopsine avec du permanganate et du dioxyde de chlore était faible, ce qui correspond à des constantes du taux du deuxième ordre de 0,3 et de 0,9 M−1·s−1, respectivement. Les auteurs ont conclu que le permanganate et le dioxyde de chlore ne seraient pas efficaces dans les conditions typiques des usines de traitement. Comme pour les microcystines, il faut tenir compte de la formation potentielle de sous-produit de désinfection découlant de l’ajout d’oxydants dans l’eau. Ce sujet est abordé plus en détail à la section 7.2.3.

On dispose de renseignements limités sur l’utilisation du processus de filtration par membrane pour l’élimination de la cylindrospermopsine. Dixon et coll. (2011b) ont étudié l’élimination des métabolites cyanobactériens par nanofiltration. Les résultats ont indiqué qu’il était possible d’obtenir des taux d’élimination moyens situés entre 90 % et 100 % pour la cylindrospermopsine en utilisant des membranes avec un faible seuil de rétention des molécules (< 300 Da). Dixon et coll. (2012) ont également dirigé des tests en laboratoire avec des systèmes de membrane intégrée à des fins d’élimination des microcystines. Les résultats ont indiqué qu’un système d’ultrafiltration avec un traitement préalable effectué avec 2,2 mg/L d’alun et 20 mg/L de charbon actif en poudre ont permis d’éliminer 97 % des cylindrospermopsines intracellulaires et extracellulaires et d’atteindre une concentration dans l’eau traitée de moins de 0,1 µg/L (Dixon et coll., 2012).

7.3 Traitement à l’échelle résidentielle

Dans les installations municipales, le traitement de l’eau potable a pour but de réduire les contaminants jusqu’à des valeurs égales ou inférieures aux recommandations. Par conséquent, l’utilisation de dispositifs à usage résidentiel pour traiter l’eau déjà traitée par les services publics n’est généralement pas nécessaire, mais relève plutôt d’un choix individuel. Les dispositifs à usage résidentiel permettant d’éliminer les microcystines dissoutes des eaux traitées par une municipalité sont présentés de façon plus détaillée ci-après. Si l’approvisionnement en eau potable d’un ménage provient d’une source d’eau de surface dans laquelle se trouve une prolifération de cyanobactéries et peut-être des microcystines, les consommateurs doivent évaluer la meilleure solution pour obtenir une eau potable sûre. Parmi ces options, on peut choisir une autre source d’eau, changer l’emplacement (distance et profondeur) du tuyau d’approvisionnement en eau ou installer un système de traitement de l’eau potable. Toutefois, les consommateurs devraient savoir que le traitement des approvisionnements d’eau pour en éliminer les cyanobactéries et les microcystines est très complexe. Il est également difficile d’évaluer si le système de traitement pour l’élimination des microcystines fonctionne correctement, car, à l’heure actuelle, il n’existe aucune méthode analytique normalisée pour les microcystines, et les laboratoires n’effectuent pas d’analyse des microcystines régulièrement. De plus, il peut être très difficile de traiter une source d’eau fortement contaminée par des cyanobactéries (p. ex. prolifération importante).

Il y a peu de renseignements sur les technologies de traitement résidentielles permettant d’éliminer les cellules cyanobactériennes et les microcystines. Les quelques études dirigées appuient l’utilisation d’une série de types de filtres spécifiques visant à réduire les microcystines dans l’eau potable (Lawton et coll., 1998; Horman et coll., 2004; Pawlowicz et coll., 2006; Colling et coll., 2014; Walkerton Clean Water Centre, 2015). Cela est appuyé par les données disponibles sur les systèmes de traitement à grande échelle. Il est recommandé de consulter une personne qualifiée avant de choisir et d’installer un système de traitement résidentiel.

La manière la plus efficace de traiter l’eau contenant des microcystines consiste à éliminer d’abord les cellules cyanobactériennes, puis les microcystines dissoutes pouvant être présentes dans l’eau. La première étape devrait consister à installer un système de filtration au point d’entrée (PE) de la maison afin de réduire le nombre de cellules cyanobactériennes présentes dans l’eau utilisée pour se laver et faire la vaisselle. Ce système de filtration au point d’entrée devrait également être installé en amont de tout système de désinfection pouvant être déjà en place dans le système de traitement de la maison (p. ex. UV ou chloration). Le système de filtration devrait être muni d’un préfiltre pour éliminer les grosses particules (p. ex. sable, sédiment), puis d’un filtre constitué de pores plus petits pour éliminer les cyanobactéries. D’après la taille des cyanobactéries, un filtre ayant une taille de pores absolue de 1 µm ou moins éliminera probablement la plupart des cellules, mais cela dépendra du type de cyanobactéries présentes dans l’eau.

À l’étape de filtration finale, un système de filtration devrait être installé au point d’utilisation (PU) de l’eau potable – par exemple, avant les robinets de cuisine. Ce système de filtration au point d’utilisation devrait être doté d’un filtre à charbon actif, puis d’un filtre d’osmose inverse. D’après les observations, ces types de systèmes de filtre éliminent les microcystines dissoutes (Horman et coll., 2004; Pawlowiczet coll., 2006). L’unité des systèmes d’osmose inverse devrait être munie d’un filtre à charbon actif; autrement, un dispositif distinct de charbon actif peut être acheté et installé en amont de l’unité d’osmose inverse. Les systèmes d’osmose inverse sont conçus pour être installés au point d’utilisation, car de grandes quantités d’eau d’arrivée sont nécessaires pour obtenir le volume requis d’eau traitée, ce qui n’est pas pratique en général pour des systèmes de traitement résidentiels destinés au point d’entrée. En outre, les systèmes d’osmose inverse sont certifiés uniquement pour une installation au point d’utilisation, car l’eau traitée peut être corrosive pour le matériel de plomberie interne.

Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l’eau potable, mais conseille vivement aux consommateurs de n’utiliser que les dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes appropriées de la NSF International (NSF) et de l’American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à préserver la qualité de l’eau potable en aidant à assurer l’innocuité des matériaux et l’efficacité des produits qui entrent en contact avec elle. Les cellules cyanobactériennes et les microcystines dissoutes ne sont actuellement visées par aucune norme ANSI/NSF applicable aux unités de traitement de l’eau potable. Cependant, la NSF International a mis au point le protocole P477 (Drinking Water Treatment Units – Microcystin) pour vérifier la capacité des filtres au charbon activé installés au PU à réduire la concentration de microcystines précises (MC-LR, MC-LA, MC-LY et MC-LF combinées) dans le système d’approvisionnement en eau potable traitée d’une municipalité. Le protocole P477 exige la mise à l’essai du dispositif de réduction de la concentration en microcystines de 0,004 mg/L dans l’eau d’arrivée à 0,0003 mg/L dans l’eau traitée (NSF International, 2015). Les consommateurs qui envisagent d’utiliser des dispositifs de traitement utilisant d’autres techniques de traitement, comme l’osmose inverse, devraient envisager d’utiliser des dispositifs certifiés par des normes visant ces technologies : norme NSF/ANSI 58 (Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) et norme NSF/ANSI 53 (Drinking Water Treatment Units – Health Effects). Il n’existe aucun essai de performance sur l’élimination des microcystines en vertu de ces normes.

Les organismes de certification qui garantissent qu’un produit est conforme aux normes en vigueur doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN). Au Canada, les organismes suivants ont été accrédités par le CCN pour pouvoir certifier que les dispositifs et les matières respectent les normes de la NSF/ANSI :

  • Groupe CSA (www.csagroup.org);
  • NSF International (www.nsf.org);
  • Water Quality Association (www.wqa.org);
  • UL LLC (www.ul.com);
  • Bureau de normalisation du Québec (www.bnq.qc.ca); et
  • International Association of Plumbing and Mechanical Officials (www.iapmo.org).

On peut obtenir une liste à jour des organismes de certification accrédités auprès du Conseil canadien des normes (CCN, 2016).

De manière générale, avant qu’un système de traitement soit installé, l’eau doit faire l’objet de tests visant à déterminer ses propriétés chimiques générales et à fournir une estimation de la concentration du contaminant à éliminer. Dans le cas des microcystines, la capacité à obtenir des résultats d’essai utiles sera limitée, car les concentrations de microcystines dans la source d’eau changent continuellement en fonction des divers facteurs, notamment le type de cyanobactéries présentes et le stade de croissance de la prolifération. De plus, l’analyse des microcystines n’est pas effectuée de façon régulière dans de nombreux laboratoires. Malgré ces limites, il faudrait faire analyser régulièrement par un laboratoire accrédité l’eau qui entre dans la maison et l’eau traitée (au point d’utilisation) pour vérifier l’efficacité du dispositif. Les consommateurs devraient demander à ce que le laboratoire analyse les microcystines totales, ce qui inclut les microcystines qui sont dans les cellules des cyanobactéries et les microcystines dissoutes présentes dans l’eau.

De plus, les consommateurs doivent savoir que le dispositif de traitement au charbon actif et le système d’osmose inverse peuvent devenir moins efficaces avec l’usage et le temps. Ainsi, ces systèmes doivent être entretenus ou remplacés. Le milieu d’adsorption (c.-à-d. carbone) est essentiel au fonctionnement approprié du système d’osmose inverse. Les consommateurs doivent vérifier sa durée de vie prévue, remplacer le milieu et entretenir le système au besoin, conformément aux recommandations du fabricant. Il convient de noter que les dispositifs de traitement abordés ci-dessus ne sont pas conçus pour désinfecter l’eau potable et un traitement supplémentaire est requis pour l’eau devant être désinfectée.

8.0 Cinétique et métabolisme

Bien que plus de 2000 espèces de cyanobactéries aient été recensées dans le monde entier, seulement 60 d’entre elles ont été reconnues comme pouvant produire des toxines. Dans le contexte canadien, les cyanotoxines d’intérêt en ce qui concerne les répercussions possibles sur l’approvisionnement en eau potable sont les microcystines, l’anatoxine-a et les cylindrospermopsines, étant donné que les espèces de cyanobactéries qui sont capables de produire ces toxines ont été détectées dans les eaux de surface au Canada (voir la section 4). En conséquence, les données sur la cinétique et le métabolisme de ces toxines spécifiques sont présentées dans la section 8.

8.1 Absorption

8.1.1 Microcystines

On ne disposait d’aucune donnée sur la quantification de l’absorption intestinale, respiratoire ou cutanée des microcystines. La plupart des données probantes indiquent que l’absorption par le tractus intestinal et le transport vers le foie, le cerveau et d’autres tissus requièrent un transport facilité à l’aide de récepteurs appartenant à la famille des polypeptides transporteurs d’anions organiquesNote de bas de page 1 . Les transporteurs de la famille des OATP font partie d’une grande famille de récepteurs membranaires qui facilitent les processus indépendants du sodium d’absorption et d’exportation cellulaires d’une grande variété de composés amphipathiques, y compris les toxines cyanobactériennes (Meriluoto et coll., 1990; Cheng et coll., 2005; Fischer et coll., 2005, 2010).

Ito et coll. (1997a) et Ito et Nagai (2000) ont étudié de façon quantitative l’absorption orale de la MC-LR (purifiée à partir d’un échantillon de proliférations cyanobactériennes) chez les souris ICR mâles après l’administration d’une dose unique par gavage de 500 µg/kg p.c. L’immunocoloration ciblée a indiqué que la MC-LR était principalement absorbée dans l’intestin grêle, bien qu’une certaine absorption se soit produite dans l’estomac (Ito et Nagai, 2000). On a pu observer l’érosion des cellules épithéliales de surface des villosités de l’intestin grêle, ce qui peut faciliter l’absorption de la toxine dans la circulation sanguine (Ito et coll., 1997a; Ito et Nagai, 2000).

La biodisponibilité orale de la MC-LR a été étudiée indirectement in situ en utilisant les anses intestinales isolées des rats (Dahlem et coll., 1989). Des rats exposés à la MC-LR (pure à plus de 95 %) par la voie iléale ont présenté des symptômes cliniques tels qu’une respiration laborieuse et un choc du système circulatoire, ainsi que des signes de toxicité hépatique dans les six heures qui ont suivi l’administration d’une dose de 5 mg/kg p.c. L’infusion d’une dose semblable dans l’anse jéjunale a entraîné une toxicité hépatique plus faible. Ces résultats laissent entendre que l’absorption intestinale de la MC-LR peut être propre au site; toutefois, les différences dans la surface absorbante n’ont pas été prises en compte.

On a également observé une absorption orale de la dihydromicrocystine marquée au 3H (75 µg/kg p.c.) chez les porcs à la suite d’une exposition de l’anse iléale (Stotts et coll., 1997a, 1997b). Chez les porcs exposés, la concentration maximale de toxine dans le sang a été atteinte 90 minutes après l’administration de la dose.

Les microcystines ne sont pas volatiles et ne devraient pas être présentes sous forme gazeuse dans l’air à la température ambiante. Toutefois, elles peuvent être présentes sous forme d’aérosols produits par le vent et pendant que l’on prend une douche ou que l’on nage, ce qui entraîne un contact avec l’épithélium respiratoire. L’absorption pulmonaire de la MC-LR (purifiée à partir d’un échantillon de proliférations cyanobactériennes) a été montrée par l’instillation intratrachéale d’une dose sublétale de 50 µg/kg p.c. ou d’une dose létale de 100 µg/kg p.c. chez les souris (Ito et coll., 2001). On a constaté une immunocoloration du tissu pulmonaire après cinq minutes. Il y a eu une période de latence de 60 minutes après l’injection de la dose létale et de sept heures après l’administration de la dose sublétale avant l’apparition d’une coloration dans le foie. Ces données montrent que l’absorption à partir des poumons dans la circulation systémique est possible. Dans une étude réalisée dans deux lacs de la Californie portant sur l’exposition à des microcystines sous forme d’aérosols au cours d’activités récréatives, Backer et coll. (2010) ont analysé les échantillons d’air individuel, les prélèvements par écouvillonnage nasal (avant et après les activités nautiques) et les prélèvements sanguins (après les activités nautiques) de 81 enfants (12 ans et plus) et adultes à la suite d’activités récréatives (c’est-à-dire le ski nautique, l’utilisation d’une motomarine, la natation ou la traversée à gué). Les concentrations de microcystines dans les proliférations de cyanobactéries provenant des deux lacs étaient hautement variables, allant de < 10 µg/L à > 500 µg/L, et la MC-LA était la variante dominante. Les concentrations de microcystines variaient de < 0,1 ng/m3 (limite de détection) à 2,89 ng/m3 pour les échantillons d’air individuel et de < 0,1 ng (limite de détection) à 5 ng pour les prélèvements par écouvillonnage nasal; la présence de microcystines n’a pas été détectée (limite de détection = 1,0 µg/L) dans les échantillons de plasma. Ces résultats indiquent qu’il est possible de subir une exposition par inhalation à des microcystines aérosolisées présentes dans de l’eau contaminée; cependant, il faut mener d’autres recherches afin de déterminer si les microcystines aérosolisées peuvent atteindre les voies respiratoires inférieures, être absorbées par les poumons et pénétrer dans la circulation sanguine.

Aucune étude sur l’absorption cutanée in vivo ou in vitro des microcystines n’a été trouvée.

8.1.2 Anatoxine-a

Aucune donnée quantitative n’a été recensée concernant le taux ou le degré d’absorption de l’anatoxine-a chez les humains ou les animaux de laboratoire. Toutefois, des études de toxicité aiguë par voie orale chez les animaux indiquent que l’anatoxine-a est rapidement absorbée, comme le montrent les signes cliniques de neurotoxicité, notamment la perte de coordination, les contractions musculaires et la mort par paralysie respiratoire, après quelques minutes d’exposition (Stevens et Krieger, 1991a; Fitzgeorge et coll., 1994).

8.1.3 Cylindrospermopsine

Aucune donnée quantitative n’a été recensée concernant le taux ou le degré d’absorption de la cylindrospermopsine chez les humains ou les animaux de laboratoire, à la suite d’une exposition par voie orale, cutanée ou par inhalation. L’absorption de la cylindrospermopsine par le tube digestif des souris a été montrée par les effets hépatiques et autres effets systémiques observés dans le cadre d’études de toxicité orale effectuées sur 14 et 11 jours avec de la cylindrospermopsine pure (Shaw et coll., 1999, 2000, 2001; Humpage et Falconer, 2003).

Les observations indiquent une absorption faible et progressive, et qui ne dépend pas de l’énergie, de la cylindrospermopsine purifiée dans une lignée cellulaire rénale (cellules Vero) (Froscio et coll., 2009). Les effets induits par la cylindrospermopsine sur la synthèse des protéines cellulaires dans les cellules Vero pourraient être irréversibles une fois la toxine éliminée. La forte interaction entre la toxine et sa cible pour inhiber la synthèse des protéines prouve que la cylindrospermopsine reste dans l’environnement intracellulaire pendant de longues périodes. Bien que la dilution du milieu cellulaire ait renforcé l’absorption de la cylindrospermopsine, aucun mécanisme expliquant ce résultat n’a pu être déterminé.

8.2 Répartition

8.2.1 Microcystines

La répartition des microcystines est limitée en raison de la faible capacité de ces toxines à traverser les membranes cellulaires (Puiseux-Dao et Edery, 2006). Un transport facilité est nécessaire pour l’absorption des microcystines dans les organes et les tissus, ainsi que pour leur exportation. De nombreuses études ont montré que l’inhibition de l’absorption des microcystines par leur OATP réduit ou élimine la toxicité hépatique observée à la suite d’expositions in vitro ou in vivo (Runnegar et coll., 1981, 1995a; Runnegar et Falconer, 1982; Hermansky et coll., 1990a, 1990b; Thompson et Pace, 1992). Les OATP sont situés dans le foie, le cerveau, les testicules, les poumons, les reins, le placenta et d’autres tissus des rongeurs et des humains (Cheng et coll., 2005). Seuls quelques-uns des OATP ont été caractérisés sur le plan fonctionnel, structurel et de régulation. L’expression des OATP dans les tissus est souvent plus importante chez les souris mâles que les souris femelles (Cheng et coll., 2005).

On a découvert que les OATP 1B1, 1B3 et 1A2 chez les humains interviennent dans le transport de la dihydroMC-LR marquée au 3H dans les ovocytes de Xenopus laevis et, d’autre part, que l’absorption de la dihydroMC-LR est inhibée par la présence de sulfobromophthaléine et de taurocholate (Fischer et coll., 2005). En outre, un certain nombre d’études in vitro ont indiqué que les cellules qui n’ont pas d’OATP visant les microcystines n’absorbent pas les microcystines, et que l’introduction d’OATP dans ces cellules leur permet d’absorber ces toxines (Komatsu et coll., 2007; Feurstein et coll., 2010; Fischer et coll., 2010; Jasionek et coll., 2010). Une étude a révélé que le rôle des OATP dans l’absorption des microcystines dépend de la variante, avec une absorption plus élevée concernant la MC-LW et la MC-LF par rapport à la MC-LR et à la MC-RR (Fischer et coll., 2010).

Lu et coll. (2008) ont utilisé des souris sans OATP 1B2 pour montrer l’importance du système d’OATP dans le transport de la MC-LR dans le foie. Des souris « neutralisées » avec l’OATP 1B2 n’ont pas présenté d’hépatotoxicité grave et n’ont pas subi de décès provoqué par une dose de 120 µg de MC-LR/kg p.c. (dose administrée par voie intrapéritonéale) chez les souris de type sauvage. Fischer et coll. (2010) ont montré la nécessité des OATP visant les microcystines pour transporter les microcystines à travers la membrane cellulaire à l’aide d’hépatocytes primaires humains et de cellules HEK293 soumises à une transfection avec un OATP, par rapport aux cellules HEK293 transfectées avec le vecteur de contrôle, qui résistaient à la cytotoxicité des microcystines. La sensibilité des hépatocytes primaires humains était supérieure d’un ordre d’importance à celle des cellules HEK293 transfectées avec un OATP. D’après les auteurs de l’étude, ce résultat était lié au fait que les cellules HEK293 transfectées ne contenaient que des OATP 1B1 et 1B3, alors que les hépatocytes primaires humains peuvent contenir d’autres types d’OATP contribuant à l’absorption des variantes de microcystines. Komatsu et coll. (2007) ont observé des résultats semblables, mais ont aussi découvert que l’accumulation de la MC-LR dans les cellules HEK293 transfectées avec un OATP augmentait en fonction de la dose, ce qui n’a pas été observé dans les cellules HEK293 transfectées avec le vecteur de contrôle.

La répartition de la MC-LR (purifiée à partir d’un échantillon de prolifération cyanobactérienne), après l’administration d’une dose aux souris par gavage oral (500 µg/kg p.c.), a été étudiée grâce à des méthodes d’immunocoloration (Ito et Nagai, 2000). De grandes quantités de MC-LR ont été décelées dans les villosités de l’intestin grêle. On a observé une érosion des villosités, qui a pu renforcer l’absorption de la toxine dans la circulation sanguine. La présence de MC-LR a aussi été confirmée dans le plasma sanguin, le foie, les poumons et les reins.

Une fois à l’intérieur de la cellule, ces toxines se lient par covalence aux protéines cytosoliques, ce qui entraîne leur rétention dans le foie. Les protéines cytosoliques hépatiques qui lient les microcystines ont été définies comme étant la protéine phosphatase de type 1 et la protéine phosphatase de type 2A (enzymes). Les adduits covalents de la MC-LR, de la MC-LA et de la MC-LL avec les deux enzymes ont été identifiés par CPL en phase inverse. Par contre, l’analogue dihydroMC-LA n’a pas formé de liaisons covalentes avec la protéine phosphatase de type 1 et la protéine phosphatase de type 2A, ce qui laisse croire que l’Adda joue un rôle de liaisons doubles dans la fixation par liaison covalente. Toutefois, l’analogue dihydromicrocystine a pu inhiber l’activité enzymatique, appuyant ainsi un rôle d’interactions électrostatiques dans le mode d’action de l’inhibition enzymatique, ainsi que dans la fixation par liaison covalente; la concentration inhibitrice médiane (CI50) était semblable pour la MC-LR et l’analogue dihydro (Craig et coll., 1996).

D’après les observations, la répartition de la dihydroMC-LR marquée au 3H chez les souris était différente en cas d’exposition par injection orale ou intrapéritonéale (Nishiwaki et coll., 1994). L’injection intrapéritonéale de dihydroMC-LR marquée au 3H a entraîné une absorption rapide et continue par le foie et environ 72 % de la dose administrée étaient présents dans le foie après une heure. De faibles quantités de marqueur radioactif ont été décelées dans l’intestin grêle (1,4 %), les reins et la vésicule biliaire (0,5 %), les poumons (0,4 %) et l’estomac (0,3 %). L’administration d’une dose de dihydroMC-LR marquée au 3H par voie orale a entraîné des concentrations bien plus faibles dans le foie; moins de 1 % de la dose administrée était encore présent dans le foie six heures ou six jours après l’administration, et environ 38 % de la dose était encore présents dans les contenus du tube digestif. La répartition de la dihydroMC-LR marquée au 3H (pureté > 95 %) a été évaluée après l’injection intrapéritonéale d’une dose sublétale (45 µg/kg p.c.) ou létale (101 µg/kg p.c.) chez les souris (Robinson et coll., 1989). La répartition du marqueur radioactif dans les tissus était semblable après l’injection de la dose létale ou sublétale. L’accumulation dans le foie a atteint une valeur maximale de 60 % dès 60 minutes. Pour la dose de 101 µg/kg p.c., le foie, l’intestin et les reins contenaient 56 %, 7 % et 0,9 % du marqueur radioactif, respectivement. Le cœur, la rate, les poumons et les muscles squelettiques contenaient chacun moins de 1 % du marqueur radioactif. Une minute après l’injection intraveineuse d’une dose sublétale (35 µg/kg p.c.) chez les souris, la microcystine était répartie dans le foie, les reins, les intestins, la carcasse (le corps moins le cœur, les poumons, le foie, les boyaux, les reins et la rate) et le plasma (Robinson et coll., 1991). Après 60 minutes, le foie contenait environ 67 % de la dose, un résultat qui n’a pas changé au cours des six jours de l’étude. Soixante minutes après l’exposition par intraveineuse, les intestins contenaient 8,6 %, la carcasse 6 % et les reins 0,8 %, et seules des quantités infimes étaient encore présentes dans le plasma. Les concentrations dans les poumons atteignaient leur pic dans un délai de trois minutes, puis redevenaient indétectables après 10 minutes. Le marqueur radioactif a été mesuré dans la rate.

On n’a pas décelé de MC-LR dans le lait de bovins laitiers exposés aux cellules de Microcystis aeruginosa par l’eau potable (Orr et coll., 2001; limite de détection de 2 ng/L) ou par l’ingestion de capsules à gélatine contenant les cellules (Feitz et coll., 2002; limite de détection de 0,2 ng/L).

Des méthodes d’immunocoloration ont été utilisées pour évaluer la répartition dans l’organe à la suite d’une instillation intratrachéale de MC-LR purifiée à partir d’un échantillon de prolifération cyanobactérienne (Ito et coll., 2001). Après l’instillation d’une dose létale (100 µg/kg p.c.), une coloration positive des poumons, du foie, de l’intestin grêle et des reins a été observée et révélait la présence de MC-LR. Une coloration intense a été constatée dans les poumons dans les cinq minutes qui ont suivi l’instillation, puis dans les reins (10 minutes), l’intestin grêle (45 minutes) et dans le foie (60 minutes). Après 90 minutes environ, un saignement a commencé autour de la veine centrale hépatique. D’après les auteurs, les changements pathologiques qui s’opèrent dans le foie sont essentiellement les mêmes que ceux observés pour les voies d’exposition par injection orale ou intrapéritonéale. L’instillation intratrachéale d’une dose sublétale (50 µg/kg p.c.) a entraîné l’immunocoloration des poumons, du foie, des reins, du cæcum et du gros intestin (Ito et coll., 2001). Aucun changement pathologique perceptible n’a été observé à cette dose.

Les données sur l’exposition accidentelle d’humains aux microcystines présentes dans l’eau de dialyse pendant deux épisodes différents (1996 et 2001) au Brésil, indiquent qu’une grande partie des microcystines présentes dans le sérum et le foie est liée aux protéines (M. Yuan et coll., 2006). Trois méthodes ont été comparées pour détecter les microcystines dans des échantillons entreposés de sérum et de foie prélevés chez les patients en dialyse qui ont été exposés : 1) ELISA par compétition directe utilisant un anticorps polyclonal isolé des microcystines, qui permet de détecter les microcystines libres dans la fraction d’un surnageant; 2) CPL-SM après oxydation et EPS pour détecter la microcystine liée dans une fraction du culot protéique; 3) CG-SM après oxydation et EPS pour détecter les microcystines totales dans le sérum ou l’homogénat de foie. La méthode de CG-SM a donné lieu à une concentration plus élevée de microcystines par rapport aux méthodes ELISA et de CPL-SM, un fait qui est dû, d’après les hypothèses émises, à une meilleure détection de la forme liée par covalence de la microcystine. D’après certains rapports, les concentrations de microcystines libres (toxine libre et toxine liée aux protéines) dans le sérum après les deux éclosions chez les patients en hémodialyse atteignaient 112,9 ng/mL (µg/L) (Hilborn et coll., 2007); les concentrations de microcystines dans le sérum établies au cours de l’épisode de 2001 variaient de 0,16 à 0,96 ng/mL (µg/L) pendant 57 jours après l’exposition (Soares et coll., 2006).

La répartition dans les tissus a été évaluée chez les souris ayant reçu une dose sublétale par injection intraveineuse de dihydroMC-LR marquée au 3H par Robinson et coll. (1991). Le foie contenait environ 67 % du marqueur radioactif dès 60 minutes et la quantité de radioactivité hépatique n’a pas changé tout au long de l’étude de six jours, malgré une élimination de 24 % de la dose administrée par l’urine et les matières fécales. La répartition subcellulaire de la radioactivité dans le foie a indiqué qu’environ 70 % du marqueur radioactif hépatique étaient présents dans le cytosol. Des expériences in vitro ont montré que la microcystine radiomarquée dans le foie était liée à des protéines cytosoliques ayant un poids moléculaire élevé (Robinson et coll., 1991). Il s’agit d’une liaison covalente, saturable et propre à une protéine dont le poids moléculaire relatif est d’environ 40 000. La liaison a été inhibée par l’acide okadaïque (un puissant inhibiteur de la protéine phosphatase de type 1 et de la phosphatase de type 2A), ce qui laisse supposer que la protéine cible est la protéine phosphatase de type 1 ou la phosphatase de type 2A. Des protéines de liaison pour la MC-LR ont été détectées dans le cytosol provenant de plusieurs organes, ce qui indique que la spécificité du foie n’est pas due à la répartition limitée des protéines cibles. La fixation par liaison covalente avec les protéines hépatiques peut être responsable de la rétention à long terme des microcystines dans le foie.

Brooks et Codd (1987) ont indiqué une absorption importante dans le foie après l’injection intrapéritonéale d’une dose de 125 µg/kg p.c. de la toxine marquée au carbone14 extraite de la souche 7820 de M. aeruginosa (on estime qu’il s’agit d’une variante de microcystine) chez les souris. Soixante-dix pour cent (70 %) du marqueur radioactif ont été observés dans le foie après une minute, et près de 90 % après trois heures. Le marqueur radioactif a également été décelé dans les poumons, les reins, le cœur, le gros intestin, l’iléon et la rate.

Lin et Chu (1994) ont évalué la cinétique de la répartition de la MC-LR dans le sérum et le cytosol du foie provenant de 24 souris. L’absorption de microcystine pure dans le sérum, mesurée par une épreuve ELISA par compétition directe, s’est révélée rapide à la suite d’une injection intrapéritonéale de 35 µg/kg p.c. (dose sublétale). La toxine a atteint une concentration maximale dans le sérum et dans le cytosol du foie dès deux heures et douze heures, respectivement, après l’injection. D’après les observations, la MC-LR était liée aux protéines cytosoliques du foie et la cinétique de liaison était corrélée avec l’inhibition de l’activité de la protéine phosphatase de type 2A. La diminution maximale de l’activité enzymatique a été observée entre six et douze heures après l’injection.

La répartition dans l’organe d’une toxine heptapeptide marquée au 125I (poids moléculaire relatif de 1 019) isolée de M. aeruginosa a été étudiée chez les rats femelles après l’administration par voie intraveineuse de 2 µg du peptide (Falconer et coll., 1986; Runnegar et coll., 1986). La toxine heptapeptide a été purifiée par CPLHP préalablement à la réaction avec l’iode 125I en présence d’iodure de sodium et de lactoperoxidase. Les concentrations tissulaires les plus élevées de peptide radiomarqué ont été décelées dans le foie et les reins. Après 30 minutes, 21,7 % de la dose administrée étaient présents dans le foie, 5,6 % dans les reins, 7 % dans le contenu des intestins et 0,9 % ont été éliminés dans l’urine (Falconer et coll., 1986). Les auteurs ont indiqué n’avoir observé aucune accumulation importante dans d’autres organes ou tissus.

Une bonne partie des premières recherches sur la toxicité des microcystines ont désigné le foie comme étant l’organe le plus gravement touché. Ainsi, de nombreux chercheurs ont porté leur attention sur la répartition dans le foie à l’aide de cultures de cellules. Pace et coll. (1991) ont montré une accumulation importante de la dihydroMC-LR marquée au 3H dans le foie isolé perfusé, malgré un faible taux d’extraction global (16 % dans le foie, 79 % dans le produit de perfusion). Dans le foie, un marqueur radioactif correspondant à la MC-LR (15 %) et un métabolite plus polaire (85 %) ont été principalement détectés dans la fraction cytosolique.

L’absorption cellulaire de dihydroMC-LR marquée au 3H a été évaluée à l’aide d’hépatocytes primaires de rats en suspension et dans du foie de rat isolé perfusé (Eriksson et coll., 1990a; Hooser et coll., 1991a). L’absorption (mesurée par comptage par scintillation des cellules lavées) d’un mélange de MC-LR non marquée et de dihydroMC-LR marqué au 3H s’est révélée spécifique dans le cas des hépatocytes de rats fraîchement isolés (Eriksson et coll., 1990a). D’après les observations, l’absorption de la dihydroMC-LR marquée au 3H était inhibée par les inhibiteurs de transport de l’acide biliaire, comme l’antamanide, la sulfobromophthaléine et la rifampicine, et par le cholate et taurocholate des sels biliaires.

Hooser et coll. (1991a) ont déterminé que l’absorption de dihydroMC-LR marquée au 3H était rapide au cours des cinq à dix premières minutes, qui sont suivies d’un plateau, dans les suspensions d’hépatocytes des deux rats (quatre réplicats; deux de chacun des deux rats) et dans le foie de rat isolé perfusé (n = 2). L’absorption a été mesurée en tant que radioactivité dans les cellules fractionnées par rapport à la radioactivité du milieu. L’absorption de dihydroMC-LR marquée au 3H a été inhibée par l’incubation d’hépatocytes de rats en suspension à 0 °C, ce qui indique le déroulement d’un processus dépendant de l’énergie. L’absorption a également été inhibée par l’incubation préalable des hépatocytes à l’aide de rifampicine, un inhibiteur compétitif du transporteur de l’acide biliaire (membre de la famille des OATP).

Runnegar et coll. (1991) ont étudié l’influence de la dose et du temps d’exposition sur l’absorption de la MC-YM marquée au 125I dans les hépatocytes de rats isolés (mesurée en tant que radioactivité dans la boulette cellulaire centrifugée). Au départ, l’absorption des hépatocytes était rapide, avec un plateau observé dans le taux d’absorption après dix minutes. Le taux d’absorption initial (au cours de la première minute d’exposition) a augmenté avec l’accroissement de la concentration, mais l’absorption cumulative a cessé à une dose ayant entraîné une boursouflure de la membrane plasmique.

L’absorption de la MC-YM par les hépatocytes de rats isolés, mesurée par la radioactivité associée aux cellules et par des tests d’inhibition de la protéine phosphatase dans le lysat cellulaire, dépendait de la température et a subi une inhibition d’environ 20 à 60 % en raison d’une incubation préalable in vitro avec des acides biliaires ou des inhibiteurs du transport de l’acide biliaire (taurocholate, bleu trypan, cholate, sulfobromophthaléine, cyclosporine A, rouge trypan et rifamycine) (Runnegar et coll., 1995a). On a donc la preuve que l’absorption des microcystines se produit par le transport régulé par un transporteur. Un traitement préalable avec des inhibiteurs de la protéine phosphatase (c.-à-d. acide okadaïque et calyculine A) a provoqué l’inhibition de l’absorption de la MC-YM et de l’activité de la protéine phosphatase, ce qui indique que l’OATP est régulé par la phosphorylation sur sérine-thréonine des protéines phosphatases.

Les cultures primaires de cellules du foie cessent d’exprimer ces OATP après deux ou trois jours dans la culture. Par conséquent, les lignées cellulaires hépatiques établies ne sont généralement pas utiles pour évaluer la toxicité des microcystines (Eriksson et Golman, 1993; Heinze et coll., 2001).

La répartition subcellulaire de dihydroMC-LR marquée au 3H a été évaluée à l’aide d’hépatocytes primaires de rats en suspension et le foie de rat isolé perfusé (Hooser et coll., 1991a). La dihydroMC-LR marquée au 3H a été principalement localisée dans la fraction cytosolique des hépatocytes et du foie. Dans les hépatocytes, la précipitation de la protéine avec de l’acide trichloroacétique a indiqué qu’environ 50 % de la dihydroMC-LR marquée au 3H ont été décelés sous forme de toxine libre, tandis que les 50 % restants étaient liés aux protéines cytosoliques. Étant donné qu’une faible quantité du marqueur radioactif était présente dans la boulette insoluble contenant de l’actine insoluble et d’autres éléments, les auteurs ont avancé le fait que la dihydroMC-LR marquée au 3H ne se liait pas énormément à l’actine ou à d’autres protéines cytosquelettiques (Hooseret coll., 1991a).

La liaison de la dihydroMC-LR marquée 3H aux protéines subcellulaires a été évaluée dans les homogénats de foie de rat (Toivola et coll., 1994). Une bonne partie de la toxine radiomarquée (80 %) était liée aux protéines cytosoliques. Les observations ont montré que la dihydroMC-LR marquée au 3H se liait à la protéine phosphatase de type 1 et à la protéine phosphatase de type 2A; toutefois, la protéine phosphatase de type 2A a été détectée principalement dans le cytosol, tandis que la protéine phosphatase de type 1 était présente dans la fraction particulaire mitochondriale et post-mitochondriale (protéines de la membrane).

8.2.2 Anatoxine-a

Aucun renseignement concernant la répartition de l’anatoxine-a dans les tissus n’a été recensé dans les documents examinés dans le cadre de cette évaluation. Néanmoins, l’anatoxine-a(s) inhibe l’activité de l’acétylcholinestérase et peut agir à titre d’insecticide naturel à base de phosphate organique (Puiseux-Dao et Edery, 2006). L’apparition rapide de symptômes à la suite de l’exposition coïncide avec l’absorption rapide par le tube digestif et la répartition dans le sérum. Dans une étude de Fitzgeorge et coll. (1994) chez des souris CBA/BALB/c fraichement sevrées (sexe non spécifié), des décès par paralysie respiratoire se sont produits dans les deux minutes qui ont suivi l’administration par gavage d’une seule dose d’anatoxine-a supérieure à 5 mg/kg p.c..

8.2.3 Cylindrospermopsine

Aucun renseignement n’a été recensé concernant la répartition de la cylindrospermopsine dans les tissus à la suite d’une exposition par voie orale, cutanée ou par inhalation. La répartition et l’élimination de la cylindrospermopsine marquée au carbone14 et administrée par voie intrapéritonéale (pureté > 95 %; extraite et purifiée à partir de cellules lyophilisées de C. raciborskii) dans une solution saline normale, ont été étudiées chez les souris mâles Quackenbush lors d’une série d’expériences où des doses sublétales et létales du produit chimique ont été appliquées (Norris et coll., 2001). Une analyse du foie, des reins et de la rate après 48 heures a présenté un pourcentage de récupération moyen de carbone14 correspondant à 13,1 % de la dose dans le foie, et à moins de 1 % dans les autres tissus. Le pourcentage total de récupération du marqueur radioactif à partir des tissus et des déjections était compris entre 85 et 90 % de la dose administrée à chacune des quatre souris.

Dans le cadre d’une deuxième expérience mentionnée par Norris et coll. (2001), douze souris ont reçu une dose unique de 0,2 mg/kg p.c. de cylindrospermopsine marquée au carbone 14, ce qui correspond à la dose intrapéritonéale létale moyenne approximative. La teneur en carbone14 a été mesurée dans l’urine et dans les matières fécales de tous les animaux après 12 et 24 heures, dans le foie, les reins et la rate de cinq souris qui ont été euthanasiées après cinq ou six jours en raison de la toxicité (effets non précisés) et après sept jours chez les sept souris ayant survécu et qui ne présentaient aucun signe de toxicité. Les pourcentages de récupération moyens globaux (écart-type) de carbone14 dans le foie, les reins et la rate après cinq à sept jours étaient de 2,1 ± 2,1 %, de 0,15 ± 0,14 % et de moins de 0,1 % (aucun écart-type fourni) de la dose, respectivement. Les grands écarts-types témoignent des différences interindividuelles considérables observées dans la réaction. La comparaison des données découlant de l’étude de quatre souris présentant des signes de toxicité et de quatre souris n’en présentant aucun, n’a présenté aucun lien clair entre la toxicité et les tendances de répartition dans les tissus, bien que l’on ait pu observer une tendance à la baisse concernant la rétention dans le foie des souris survivantes.

Une troisième expérience, où l’excrétion et la répartition dans les tissus ont été évaluées chez quatre souris auxquelles on a administré une dose intrapéritonéale de 0,2 mg/kg p.c. de cylindrospermopsine marquée au carbone14 et qui ont été évaluées après six heures, a également été mentionnée par Norris et coll. (2001). Le marqueur de carbone14 a été détecté dans tous les tissus examinés (foie, rein, cœur, poumon, rate, sang et bile), mais était principalement présent dans le foie (20,6 % de la dose; fourchette : 14,6–27,9) et les reins (4,3 % de la dose; fourchette : 3,7–4,7). Une semaine après le dosage, environ 2 % du marqueur étaient encore détectables dans le foie.

8.3 Métabolisme

8.3.1 Microcystines

Les données sur le métabolisme des microcystines sont limitées. Les microcystines peuvent être conjuguées au glutathion et à la cystéine pour accroître leur solubilité et faciliter l’excrétion (Kondo et coll., 1996; Ito et coll., 2002); toutefois, on ne sait pas exactement si l’oxydation facilitée par le cytochrome P450 précède la conjugaison. La dihydroMC-LR marquée au 3H ne subit pas de forte métabolisation dans le foie des porcs après une injection par voie intraveineuse ou à la suite d’une exposition de l’anse iléale, car elle a été mesurée dans les tissus hépatiques comme étant le composé d’origine (Stotts et coll., 1997a, 1997b).

Un certain métabolisme de la MC-LR a été observé chez les souris et dans le foie de rat isolé perfusé (Pace et coll., 1991; Robinson et coll., 1991). Les souris CD-1 mâles ont reçu une dose de dihydroMC-LR marquée au 3H de 35 µg/kg p.c. par voie intraveineuse et ont été surveillées pendant six jours. Sur la période de six jours, 9,2 % et 14,5 % de la dose ont été excrétés dans l’urine et les matières fécales, respectivement, et 60 % de cette quantité étaient excrétés sous la forme du composé d’origine. Une analyse par CPLHP mesurant les métabolites dans l’urine et les matières fécales a révélé plusieurs faibles concentrations de pointe ayant un temps de rétention moins important. Une analyse des préparations de cytosol du foie a indiqué que 83 % du marqueur radioactif étaient liés à une protéine cytosolique ayant un poids moléculaire élevé après six heures, un chiffre qui passe à 42 % dès le jour 6 (Robinson et coll., 1991). Pace et coll. (1991) ont également observé dans le foie de rat isolé perfusé la liaison de la toxine d’origine (dihydroMC-LR marquée au 3H) et d’un métabolite plus polaire aux protéines cytosoliques. Les métabolites représentaient 65 à 85 % du marqueur radioactif dans le cytosol hépatique. Les métabolites de la MC-LR n’ont pas été caractérisés davantage dans ces études.

L’administration de 125 μg/kg p.c. de toxine provenant de l’espèce Microcystis aeruginosa (PCC 7820) aux souris a entraîné une diminution des quantités de cytochrome b5 et de cytochrome P450 dans le foie (Brooks et Codd, 1987). D’après les observations, un traitement préalable des souris à l’aide d’inducteurs d’enzymes microsomales (oxydate à fonction mixte) (β-naphthoflavone, 3-méthylcholanthrène et phénobarbital) permettait d’éliminer cet effet sur les cytochromes, de prolonger la survie et de réduire la toxicité hépatique (p. ex. changements dans le poids du foie). Toutefois, Cote et coll. (1986) n’ont indiqué aucun changement dans l’activité enzymatique associée au cytochrome P450 (p. ex. métabolisme de l’aminopyrine et du p-nitrophénol) dans les microsomes isolés du foie des souris après l’injection d’un extrait de M. aeruginosa dans ces animaux.

Les conjugués de glutathion et de cystéine ont été décelés dans le foie après l’injection intrapéritonéale de 10 ou 20 µg de MC-RR dans les souris, ou de 4 µg de MC-LR dans les rats (les deux microcystines ont été purifiées à partir des proliférations) (Kondo et coll., 1992b, 1996). Les conjugués ont été isolés et comparés aux normes préparées de façon chimique; une modification structurelle des groupes Adda et N-méthyl-déhydroalanine (MDHA) des microcystines a pu être observée. Les auteurs ont mis en avant que ces groupements pouvaient constituer les sites propices à l’oxydation facilitée par le cytochrome P450 et à la conjugaison avec le glutathion ou la cystéine qui se produit par la suite.

Les conjugués de MC-LR avec le glutathion sont formés par les enzymes de glutathion S-transferase (GST) présentes dans le cytosol du foie de rat et dans les microsomes (Takenaka, 2001). La conjugaison de la MC-LR avec le glutathion (pureté > 95 %, isolée de l’espèce M. aeruginosa) par cinq GST recombinants humains (A1-1, A3-3, M1-1, P101 et T1-1) a été caractérisée (Buratti et coll., 2011). Les cinq GST ont catalysé la conjugaison, mais avec des relations dose-réponse différentes. Le rapport d’étude a également déterminé que la réaction spontanée de conjugaison de la MC-LR avec le glutathion dépendait de la concentration de glutathion, du pH et de la température. Buratti et coll. (2013) ont caractérisé la conjugaison de la MC-RR avec du glutathion par cinq GST recombinants humains et du cytosol de foie humain, une conjugaison qui semblait plus efficace que celle de la MC-LR. Dans le cytosol de foie humain, toutefois, la réaction de conjugaison spontanée est privilégiée par rapport à la réaction enzymatique avec un rapport de 3:1 à une concentration physiologique de glutathion. Néanmoins, lorsque les concentrations de MC-RR sont faibles (elles représentent des expositions répétées par voie orale), tout comme la teneur en glutathion, la réaction enzymatique augmente progressivement et devient la principale voie de conjugaison de la MC-RR (Buratti et coll., 2013). Chez les rats et les souris, à une concentration physiologique, on rapporte que la réaction enzymatique représente la moitié de la formation totale de conjugués (Buratti et Testai, 2015); l’enzyme de glutathion S-transférase chez les rats et les souris a montré une conjugaison semblable de la MC-LR et de la MC-RR avec le glutathion. Mais par rapport aux humains, l’efficacité catalytique était deux fois plus élevée chez les rongeurs en raison d’une meilleure affinité du substrat. Des différences plus prononcées dans la conjugaison de la MC-LR et de la MC-RR ont pu être observées chez les rongeurs par rapport aux humains (Buratti et Testai, 2015).

Les conjugués de la MC-LR et de la MC-YR avec le glutathion et la cystéine se sont révélés moins toxiques que les composés d’origine, d’après les estimations de la dose létale médiane (DL50); néanmoins, la toxicité était tout de même importante, avec des DL50 comprises entre 217 et 630 μg/kg p.c. chez les souris (Kondo et coll., 1992b). Metcalf et coll. (2000b) ont aussi montré que les conjugués de microcystine avec le glutathion, la cystéine–glycine et la cystéine étaient moins toxiques que les composés d’origine lors d’un essai biologique mené avec des souris; on sait également que ces conjugués sont des inhibiteurs plus faibles de la protéine phosphatase de type 1 et de la protéine phosphatase de type 2A in vitro. Les conjugués de la MC-LR avec le glutathion et de la cystéine étaient principalement répartis dans le rein et l’intestin à la suite d’une instillation intratrachéale dans les souris (Ito et coll., 2002); on comprend donc que la toxicité plus faible des conjugués de glutathion et de la cystéine peut être liée à leur répartition dans les organes excréteurs et à l’élimination des métabolites in vivo.

Ito et coll. (2002) ont synthétisé les conjugués de la microcystine avec le glutathion et la cystéine et les ont administrés aux souris par instillation intratrachéale. Les métabolites se sont montrés moins toxiques que le composé d’origine, comme l’indiquent les doses létales environ 12 fois plus élevées que la dose létale de MC-LR. Les métabolites étaient principalement répartis dans le rein et l’intestin, par opposition au foie (Ito et coll., 2002).

8.3.2 Anatoxine-a

Aucun renseignement concernant le métabolisme de l’anatoxine-a n’a été recensé dans les publications scientifiques.

8.3.3 Cylindrospermopsine

Des données probantes indiquent que le système enzymatique du cytochrome P450 joue un rôle dans le métabolisme et la toxicité de la cylindrospermopsine. Grâce à un traitement préalable des hépatocytes avec des inhibiteurs connus du cytochrome P450 (50 µm de propyladiphénine ou de kétoconazole), il a été possible de réduire la cytotoxicité in vitro de la cylindrospermopsine (Froscio et coll., 2003). De même, un traitement préalable des souris avec un inhibiteur du cytochrome P450, le butoxyde de pipéronyle, a permis de protéger les souris Quackenbush mâles contre la létalité aiguë de la cylindrospermopsine (Norris et coll., 2002). Shaw et coll. (2000, 2001) ont présenté des données à l’appui du rôle que joue le cytochrome P450; ces derniers ont montré que la région périacineuse du foie, une région propice au déroulement d’un métabolisme xénobiotique important régulé par le cytochrome P450, constitue l’une des principales cibles de la toxicité de la cylindrospermopsine.

Runnegar et coll. (1995c) ont étudié la diminution du glutathion cellulaire et son rôle dans le métabolisme et la toxicité de la cylindrospermospine dans les cultures primaires d’hépatocytes de rats. Pour confirmer si la diminution du glutathion était due à une synthèse réduite du glutathion ou à une consommation accrue du glutathion, la concentration totale de glutathion a été mesurée après un traitement effectué avec 5 mmol/L de sulfoximine de buthionine (un inhibiteur irréversible de la synthèse du glutathion). Les taux de diminution du glutathion total (en nmol/106 cellules par heure) étaient de 8,2 (±2,5), de 6,0 (±1,7) et de 5,9 (±1,3) pour les cellules témoins ainsi que les cellules prétraitées de cylindrospermopsine avec des quantités de 2,5 µmol/L et de 5 µmol/L, respectivement. On peut donc penser que la diminution du glutathion induite par la toxine était due à l’inhibition de la synthèse du glutathion plutôt qu’à une consommation accrue, car, dans ce dernier cas, le taux de diminution du glutathion aurait été accéléré par le traitement préalable de la toxine. D’autre part, l’excès du précurseur du glutathion (20 mmol/L de N-acétylcysteine), qui appuyait la synthèse du glutathion dans les cellules témoins, n’a pas empêché la diminution du glutathion ou la toxicité induite par la cylindrospermopsine. Grâce à l’ajout d’inhibiteurs du cytochrome P450 (alpha-naphthoflavone, SKF525A et cimétidine), il a été possible d’empêcher, en partie, la diminution du glutathion dans les cellules induite par la cylindrospermopsine. Les résultats mettent en avant la formation d’un dérivé oxydé et peut-être celle d’un dérivé conjugué avec le glutathion, qui peut constituer un inhibiteur plus puissant de la synthèse du glutathion par rapport à la cylindrospermopsine d’origine.

La cylindrospermopsine marquée au carbone14 (pureté > 95 %; extraite et purifiée à partir de cellules lyophilisées de C. raciborskii) a été étudiée lors d’une série d’expériences où l’exposition s’est faite par voie intrapéritonéale (Norris et coll., 2001). Une dose unique non létale de 0,1 mg/kg p.c. a été administrée à quatre souris Quackenbush mâles (âgées de six semaines); des échantillons d’urine et de matières fécales ont ensuite été prélevés toutes les douze heures après l’administration de la dose et les poids ont été consignés. Les quatre souris ont été sacrifiées 48 heures après l’administration de la dose. Des échantillons d’urine, de matières fécales, de foie et de rein ont été extraits avec du méthanol dans le but de précipiter les protéines; d’autre part, le carbone14 présent dans le surnageant a été fractionné par CPLHP afin de détecter les métabolites. Aucune tentative n’a été faite pour fractionner ou identifier le carbone14 dans le précipité de protéines.

Une analyse d’extraits d’échantillons d’urine prélevés à l’aide de méthanol a indiqué qu’une grande partie (72 %) du carbone14 excrété était présent sous forme de cylindrospermopsine. Une partie (environ 23,5 %) du carbone14 urinaire a été détectée dans les protéines précipitées par le méthanol, ce qui révèle la présence d’un métabolite lié aux protéines. Les auteurs n’ont pas indiqué si le niveau de protéines dans l’urine était normal ou anormal. Une analyse des tissus hépatique a révélé la présence de carbone14 dans un extrait effectué avec du méthanol et dans le précipité de protéines. Après avoir été fractionné par CPLHP, le carbone14 extrait du foie grâce à du méthanol présentait les mêmes caractéristiques d’élution observées dans certains des extraits d’urine prélevés avec du méthanol, révélant ainsi la présence du même métabolite. Aucun métabolite extractible à l’aide de méthanol n’a été décelé dans les tissus des reins.

Les auteurs n’ont pu écarter la possibilité que le carbone14 non extractible dans le foie fût de la cylindrospermopsine liée aux protéines, bien que des données tirées de Runnegar et coll. (1995c) et de Shaw et coll. (2000) laissent penser qu’il pourrait s’agir d’un métabolite. Runnegar et coll. (1995c) et Shaw et coll. (2000) ont fourni des données concernant le besoin en matière d’activation de la cylindrospermopsine pour déterminer la toxicité, indiquant ainsi la présence d’au moins un métabolite. Bien que l’on n’ait pas identifié les métabolites, les résultats montrent que soit le métabolite est plus polaire que la cylindrospermospine, soit le composé d’origine est fragmenté au cours du métabolisme.

8.4 Excrétion

8.4.1 Microcystines

Des suivis concernant des patients en dialyse exposés par accident aux microcystines dans l’eau de dialyse fournissent des renseignements limités sur l’élimination des microcystines du corps humain. Plus de 50 jours après l’exposition enregistrée, des microcystines ont été détectées dans le sérum des patients au moyen d’une épreuve ELISA effectuée avec des anticorps polyclonaux isolés de la MC-LR présentant une réactivité croisée par rapport à plusieurs analogues de microcystines (Soares et coll., 2006; Hilborn et coll., 2007).

Des études in vivo et in vitro ont révélé une excrétion biliaire. Falconer et coll. (1986) ont administré, par voie intraveineuse, une dose de 2 µg de microcystines dans une solution saline extraite de l’espèce Microcystis aeruginosa aux rates albinos. Après 120 minutes, 9,4 % de la dose administrée étaient présents dans le contenu de l’intestin et 1,9 % étaient présents dans l’urine. On peut donc penser que l’excrétion biliaire joue un rôle important dans son élimination. De même, dans le foie de rat isolé perfusé, on a pu récupérer 1,7 % de la microcystine radiomarquée dans la bile dès la fin de la perfusion effectuée sur 60 minutes (Pace et coll., 1991). Dans la bile recueillie pendant la perfusion, 78 % du marqueur radioactif étaient associés à la toxine d’origine, tandis que le reste du marqueur radioactif était associé aux métabolites plus polaires.

Dans une étude dirigée par Robinson et coll. (1991), les souris mâles VAF/Plus et CD-1 ont reçu une dose de 35 µg/kg p.c. de microcystine radiomarquée par voie intraveineuse. Au total, à peu près 24 % de la dose administrée ont été éliminés dans l’urine (9 %) et dans les matières fécales (15 %) pendant la période de surveillance de l’étude de six jours. Environ 60 % de la microcystine excrétée, mesurée six et douze heures après l’injection, étaient présents dans l’urine et les matières fécales sous la forme du composé d’origine.

L’élimination chez les porcs a été évaluée à la suite d’une injection intraveineuse ou d’une exposition de l’anse iléale (Stotts et coll., 1997b). La dihydroMC-LR marquée au 3H a été détectée dans la bile dès 30 minutes après l’injection par voie intraveineuse de 75 µg/kg p.c. À la suite d’une exposition de l’anse iléale à la même dose, la concentration de la toxine était systématiquement plus élevée dans le sang veineux portal par rapport au sang périphérique. On peut donc estimer que le métabolisme de premier passage peut jouer un rôle dans la clairance de la MC-LR.

La demi-vie dans le sang a été mesurée après l’administration par voie intraveineuse d’une toxine heptapeptide marquée au 125I et extraite de l’espèce M. aeruginosa (poids moléculaire relatif de 1 019; on estime qu’il s’agit d’une microcystine) (Falconer et coll., 1986). Une courbe d’élimination biphasique dans le sang a été présentée, le premier composant ayant une demi-vie de 2,1 minutes et le deuxième composant ayant une demi-vie de 42 minutes.

On a également évalué l’excrétion de la MC-LR chez les souris (Robinson et coll., 1991). Une courbe d’élimination biexponentielle dans le plasma a été observée après l’injection par voie intraveineuse d’une dose sublétale de 35 µg/kg p.c. de MC-LR marquée au 3H. Des demi-vies dans le plasma de 0,8 et de 6,9 minutes ont été observées pendant la première et la deuxième phases de l’élimination, respectivement.

Stotts et coll. (1997a, 1997b) ont évalué la toxicocinétique de la dihydroMC-LR marquée au 3H chez les porcs à la suite d’une injection intraveineuse et d’une exposition de l’anse iléale. L’élimination de la MC-LR marquée était rapide et suivait une tendance biphasique, ce qui prouve que le foie élimine rapidement la toxine du sang. La clairance sanguine est plus lente à des doses plus élevées, en raison sans doute de la toxicité hépatique et du choc du système circulatoire observés à des doses élevées. Il faut garder à l’esprit que le radiomarquage au 3H peut modifier la capacité de la molécule de microcystine à se lier aux protéines phosphatases, ce qui modifie alors le profil de liaison de la protéine à la microcystine et le profil de répartition dans les tissus (Hilborn et coll., 2007).

8.4.2 Anatoxine-a

Aucun renseignement concernant l’élimination de l’anatoxine-a n’a été recensé dans les publications scientifiques.

8.4.3 Cylindrospermopsine

Aucun renseignement n’a été recensé concernant l’élimination de la cylindrospermopsine dans les tissus à la suite d’une exposition par voie orale, cutanée ou par inhalation. L’élimination de la cylindrospermopsine marquée au carbone 14 et administrée par voie intrapéritonéale (pureté > 95 %; extraite et purifiée à partir de cellules lyophilisées de C. raciborskii) dans une solution saline, a été étudiée chez les souris mâles Quackenbush lors d’une série d’expériences où des doses sublétales et létales du produit chimique ont été appliquées (Norris et coll., 2001).

Dans le cadre d’une expérience, quatre souris ont reçu une dose sublétale unique de 0,1 mg/kg p.c.; par ailleurs, de l’urine et des matières fécales ont été prélevées toutes les 12 heures au cours des 48 heures qui ont suivi. Le taux d’excrétion cumulative moyen du carbone 14 au cours des 12 premières heures après l’administration de la dose était de 62,8 % de la dose administrée dans l’urine et de 15,5 % dans les matières fécales. Après 12 heures de plus, peu de carbone14 supplémentaire a été excrété dans l’urine ou les matières fécales. La valeur d’excrétion moyenne dans les matières fécales de 15,5 % reflète une excrétion très élevée dans les matières fécales chez l’un des quatre animaux (près de 60 % de la dose par rapport à une valeur inférieure à 5 % chez les autres souris). Les auteurs ont pris en compte la possibilité que la valeur élevée constatée chez un animal découle de l’injection qui pénètre dans la partie supérieure du tube digestif; ils ont toutefois conclu que cette possibilité était peu probable étant donné la technique d’injection utilisée. Le pourcentage de récupération moyen total dans l’urine, les matières fécales, le foie, les reins et la rate était compris entre 85 et 90 % de la dose de carbone14 dans chacune des quatre souris.

Dans le cadre de la deuxième expérience mentionnée par Norris et coll. (2001), douze souris ont reçu une dose unique de 0,2 mg/kg p.c. de cylindrospermopsine marquée au carbone14, ce qui correspond à la dose intrapéritonéale létale moyenne approximative (Norris et coll., 2001). La teneur en carbone14 a été mesurée dans l’urine et les matières fécales de tous les animaux après 12 et 24 heures. Les résultats étaient semblables à ceux qu’une dose sublétale a permis d’obtenir (indiquée ci-dessus), sauf qu’une excrétion urinaire et fécale continue s’est produite au cours du deuxième cycle de 12 heures de la période de surveillance. L’excrétion cumulative moyenne urinaire et fécale du carbone14 correspondait à 66,0 % et à 5,7 % de la dose après 12 heures, et à 68,4 % et à 8,5 % de la dose après 24 heures, respectivement. Le pourcentage de récupération moyen total dans l’urine et les matières fécales après 24 heures était de 76,9 % de la dose administrée. Les pourcentages de récupération moyens globaux de carbone14 dans le foie, les reins et la rate après cinq à sept jours étaient de 2,1 %, de 0,15 % et de moins de 0,1 % de la dose administrée, respectivement. La comparaison des données découlant de l’étude de quatre souris présentant des signes de toxicité et de quatre souris n’en présentant aucun, n’a présenté aucun lien clair entre la toxicité et les tendances d’excrétion, bien que des tendances à la hausse concernant l’excrétion urinaire et des tendances à la baisse concernant l’excrétion fécale aient été mises en avant.

Dans le cadre d’une troisième expérience, quatre souris ont reçu une dose de 0,2 mg/kg p.c. de cylindrospermopsine marquée au carbone14 par voie intrapéritonéale, et la répartition dans les tissus (urine, matières fécales, sang, vésicule biliaire, foie, cœur, rein, poumon et rein) a été évaluée après six heures (Norris et coll., 2001). L’excrétion cumulative moyenne urinaire et fécale du carbone14 après six heures était de 48,2 % et de 11,9 % de la dose administrée, respectivement. L’une des quatre souris a éliminé plus de 40 % de la dose dans les matières fécales (autres données ou données sur les métabolites non présentées).

9.0 Effets sur la santé

Tel qu’indiqué à la section 8, les cyanotoxines qui pourraient affecter les approvisionnements d’eau potable au Canada sont les microcystines, l’anatoxine-a et les cylindrospermopsines. Par conséquent, les données sur les effets sur la santé des humains et des animaux sont présentées uniquement pour ces toxines particulières.

9.1 Effets sur la santé humaine

9.1.1 Études de cas à court terme et rapports sur les cas

Des rapports sur les cas existants et des études épidémiologiques sur les microcystines, l’anatoxine-a et la cylindrospermopsine à la suite de divers scénarios d’exposition font état de nombreux symptômes, notamment des troubles gastro-intestinaux aigus (p. ex. nausée, vomissement et diarrhée), des maux de tête et une faiblesse musculaire, ainsi que des effets sur le foie (Dillenberg et Dehnel, 1960; Schwimmer et Schwimmer, 1968; Blyth, 1980; Billings, 1981; Falconer et coll., 1983; Turner et coll., 1990; el Saadi et Cameron, 1993; Teixeira et coll., 1993; el Saadi et coll., 1995; Pouria et coll., 1998; Carmichael et coll., 2001; Griffiths et Saker, 2003; Giannuzzi et coll., 2011; Hilborn et coll., 2014; Lévesque et coll., 2014). Certains de ces cas ont été consignés par la détection du genre Anabaena, seul ou avec le genre Microcystis, dans les matières fécales. Les seuls cas où des décès associés à l’exposition à la cyanotoxine ont été observés impliquaient une exposition des patients en dialyse aux microcystines par voie intraveineuse (Carmichael et coll., 2001).

9.1.2 Études à long terme et épidémiologiques
9.1.2.1 Microcystines

Le CIRC (2010) a résumé un certain nombre d’études épidémiologiques (publiées en chinois) dirigées dans une région du sud-est de la Chine où le carcinome hépatocellulaire est endémique. Dans l’ensemble, on a établi une association positive entre le risque de carcinome hépatocellulaire et l’approvisionnement en eaux de surface, avec des estimations du risque relatif allant de 1,5 à 4. La consommation de l’eau provenant d’un étang ou d’un fossé était associée à une augmentation huit fois plus importante de l’incidence du cancer du foie par rapport à la consommation de l’eau provenant des puits. Les cyanobactéries produisant des microcystines sont abondantes dans les eaux de surface dans cette région. De grandes quantités de microcystines ont été détectées dans les eaux d’un étang ou d’un fossé, tandis que les concentrations n’étaient pas détectables dans l’eau des puits profonds; cette découverte laisse supposer que les microcystines dans l’eau potable peuvent avoir été responsables, en partie, de l’incidence plus importante des carcinomes hépatocellulaires. D’une manière générale, les facteurs de confusion tels que l’infection par le virus de l’hépatite B et l’exposition à l’aflatoxine n’ont pas été pris en compte dans la plupart des études. Bien que beaucoup des études aient rapporté des associations positives avec la consommation d’eau de surface, leur qualité ne permet d’établir aucune conclusion concernant un risque accru de cancer lié à l’exposition aux microcystines (CIRC, 2010).

Fleming et coll. (2002) ont mené une enquête écologique et épidémiologique concernant le lien entre la source d’eau potable et l’incidence du cancer primitif du foie en Floride, car des cyanobactéries et des toxines, en particulier des microcystines, ont été détectées dans les sources d’eau potable en Floride. La population à l’étude comprenait tous les cas de carcinome hépatocellulaire primaire consignés dans le registre du cancer de l’État de Floride entre 1981 et 1988 et était divisée en groupe de comparaison composés des personnes desservies par un système alimenté par de l’eau de surface et des personnes consommant de l’eau potable provenant d’autres sources. L’évaluation du taux d’incidence individuelle dans 18 zones de service utilisant de l’eau de surface par rapport aux zones de service utilisant de l’eau souterraine n’a pas révélé de différences statistiquement significatives entre ces taux. L’étude de ces zones de service a permis de constater une réduction statistiquement significative du risque de carcinome hépatocellulaire lorsqu’on vit dans une zone desservie par un système alimenté par de l’eau de surface par rapport aux zones de service utilisant de l’eau souterraine (rapport des taux standardisés [RTS] compris entre 0,8 et 0,98 pour les quatre groupes de comparaison consommant de l’eau souterraine) ou à la population générale de Floride (RTS = 0,8). Lorsqu’on compare le fait de vivre dans les zones de service réelles (c.-à-d. non estimées comme ci-dessus) desservies par un système alimenté par de l’eau de surface et dans des zones tampons (zones non desservies par des usines de traitement de l’eau de surface) situées autour des zones de service, une augmentation statistiquement significative de l’incidence du carcinome hépatocellulaire a été observée pour les personnes résidant dans la zone desservie par un système alimenté par de l’eau de surface (RTS = 1,39; intervalle de confiance [IC] à 95 % = 1,38–1,4). Les analyses des données de recensement de 1990 ont montré que les renseignements contextuels ethniques et socioéconomiques des résidents vivant dans les zones de service et les zones tampons étaient semblables, bien que les auteurs n’aient pas fourni ces données. Il est intéressant de noter que l’incidence du carcinome hépatocellulaire dans les zones tampons était bien plus faible que celle dans la population générale de Floride (RTS = 0,59).

Li et coll. (2011) ont dirigé une étude transversale évaluant le lien entre les dommages au foie chez les enfants et les concentrations de microcystines dans l’eau potable et les aliments d’origine marine (carpe et canard) en Chine. Des concentrations de microcystines ont été mesurées dans trois sources d’eau potable utilisées par les résidents locaux dans la région du réservoir des Trois Gorges en Chine : un puits communautaire rarement contaminé par les microcystines, un lac subissant des proliférations cyanobactériennes occasionnelles (lac 1) et un lac dans lequel se sont régulièrement formées des proliférations cyanobactériennes au cours des cinq dernières années (lac 2). On a considéré que les participants n’étaient pas exposés s’ils buvaient de l’eau provenant des puits pendant plus de cinq ans, et s’ils mangeaient rarement du poisson ou du canard provenant des lacs (145 participants), que l’exposition était faible s’ils buvaient l’eau extraite du lac 1 (183 participants) et qu’ils étaient fortement exposés s’ils consommaient l’eau du lac 2 (994 participants). Des échantillons ont été prélevés dans le but de mesurer les concentrations de microcystines, les participants ont répondu à un questionnaire, du sang a été collecté aux fins d’analyse et les concentrations de microcystines dans le sang ont été mesurées chez environ 50 participants par groupe d’exposition. Les concentrations de microcystines dans l’eau du puits étaient inférieures à la limite de détection pour cinq des six années d’étude. Durant la seule année où des microcystines ont été détectées, une détection ponctuelle de 0,1 µg de MC-LRéquiv./L a été rapportée. Les mesures moyennes calculées au cours de la période de six ans dans les lacs 1 et 2 étaient de 0,24 et de 2,58 μg de microcystineéquiv./L, respectivement. La présence de MC-LR a été confirmée dans les aliments d’origine marine (poisson et canards), avec des concentrations dans ces aliments plus importantes dans le lac 2 que dans le lac 1. Les auteurs de l’étude ont estimé que les enfants faisant partie du groupe faiblement exposé consommaient 0,36 µg de MC-LRéquiv.par jour, tandis que les enfants fortement exposés consommaient 2,03 µg de MC-LRéquiv.par jour, d’après la consommation d’eau potable et d’aliments d’origine marine. Dans chaque groupe, environ 50 participants ont été choisis pour l’analyse des concentrations sériques de MC-LR; les taux de détection étaient de 1,9 %, 84,2 %, et 91,9 % chez les enfants non exposés, les enfants ayant subi une faible exposition et les enfants ayant subi une exposition élevée, respectivement, et les concentrations moyennes étaient inférieures à la limite de détection, de 0,4 μg de MC-LRéquiv.L et de 1,3 μg de MC-LRéquiv.L chez les enfants non exposés, les enfants ayant subi une faible exposition et les enfants ayant subi une exposition élevée, respectivement. La microcystine était associée aux augmentations du sérum glutamo-oxalacétique transaminase (SGOT) et de la phosphatase alcaline; on n’a toutefois constaté aucune augmentation de la glutamate pyruvate transaminase (GPT) ou de la gamma-glutamyltransférase (GGT). Le rapport de cotes (RC) concernant les dommages au foie (fondé sur au moins un essai portant sur une enzyme du foie anormalement élevée) associés aux microcystines, était de 1,72 (IC à 95 % : 1,05–2,76). L’infection par le virus de l’hépatite B (d’après les mesures des antigènes ou des anticorps dans le sérum) constituait un plus grand risque de dommages au foie chez les enfants.

En résumé, des études épidémiologiques à long terme indiquent des niveaux d’enzymes hépatiques élevés chez les humains exposés à l’eau potable contaminée par les microcystines, et chez les enfants consommant des concentrations élevées de microcystines par le biais de l’eau et des aliments contaminés. De nombreuses études en Chine proposent des résultats faibles et contradictoires concernant l’association entre l’exposition aux microcystines (par la consommation d’eau de surface ou d’eau souterraine) et le carcinome hépatocellulaire.

9.2 Effets sur les animaux de laboratoire

9.2.1 Toxicité aiguë
9.2.1.1 Microcystines

Les études décrites dans cette section ciblent les voies d’exposition pertinentes pour l’eau potable (c.-à-d. voies orales et inhalation). Bien que la plupart des activités scientifiques sur la toxicité aiguë des microcystines chez les animaux aient été dirigées par administration d’une injection intrapéritonéale, ces études ne sont pas abordées ici, car cette voie d’exposition ne s’applique pas à l’eau potable. Néanmoins, il convient de noter que les DL50 découlant de ces études sont bien plus faibles que celles observées à la suite d’une exposition orale, ce qui indique un pouvoir plus important lorsque l’introduction se fait par cette voie d’exposition. Voir la section 9.4, qui aborde certaines de ces études dans le contexte de l’équivalence toxique entre les variantes de microcystines.

Fawell et coll. (1999a) ont dirigé des études de toxicité aiguë, subchronique et pour le développement de la MC-LR chez les souris ou les rats. Dans la partie de l’étude portant sur la toxicité aiguë, des doses uniques orales de microcystines administrées par gavage (produit offert sur le marché; pureté non précisée) dans une solution aqueuse ont été données aux souris mâles et femelles CR1:CD-1(ICR)BR(VAF plus), ainsi qu’aux rats CR1:CD(SD)BR(VAF plus) (cinq de chaque sexe par espèce). Des doses de 500, 1 580 et 5 000 µg/kg p.c. ont été administrées. Les groupes témoins non traités n’ont pas été inclus. Les animaux ont fait l’objet d’observations pendant une période allant jusqu’à 14 jours avant d’être sacrifiés et autopsiés. Les DL50 par voie orale ont été estimées à 5 000 μg/kg p.c. pour les souris, et à plus de 5 000 µg/kg p.c. pour les rats. Des effets sur le foie, les reins, la rate et les glandes surrénales ont été déclarés; l’incidence et la gravité des effets sur le foie augmentaient en fonction de la dose.

Yoshida et coll. (1997) ont évalué la toxicité aiguë orale de la MC-LR purifiée (pureté > 95 % par CPLHP) chez les souris BALB/c. Des expériences préliminaires réalisées avec des doses de 16,8 et de 20 mg/kg p.c. ont entraîné la mort de deux souris dans un délai de 160 minutes; par conséquent, des doses de 8,0, de 10,0 et de 12,5 mg/kg p.c. ont été choisies pour déterminer la DL50. La MC-LR dans une solution saline a été administrée par gavage à un total de cinq souris âgées de six semaines. Deux souris témoins ont reçu une solution saline par gavage. Une mortalité a été observée au cours d’une période de 24 heures, et les animaux morts, y compris ceux de l’étude préliminaire, ont tout de suite été autopsiés. Une souris survivante a été sacrifiée et autopsiée 24 heures après le traitement; le reste des souris a été sacrifié et autopsié après une semaine. La mortalité observée dans les 24 heures était de 0/1 à 8 mg/kg p.c., de 0/2 à 10 mg/kg p.c. et de 2/2 à 12,5 mg/kg p.c. La DL50 par voie orale a été calculée à 10,9 mg/kg p.c. Les seuls organes touchés étaient le foie et les reins; aucun effet sur les reins n’a été observé chez les animaux ayant survécu au traitement pendant au moins 24 heures.

Ito et coll. (1997a) ont comparé les effets aigus de la MC-LR sur le foie et le tube digestif des jeunes souris et des souris âgées. Des doses uniques de 500 µg/kg p.c. de MC-LR (pureté non précisée) dissoute dans de l’éthanol et diluée dans une solution saline ont été administrées par gavage oral aux souris ICR âgées (29 souris âgées de 32 semaines) et jeunes (12 souris âgées de cinq semaines). Trois souris âgées et trois souris jeunes non traitées ont été utilisées comme témoins. Vingt-deux souris âgées, cinq souris et deux souris ont été sacrifiées 2 heures, 5 heures et 19 heures après le traitement, respectivement; quatre jeunes souris ont été sacrifiées à chacune de ces périodes. Les dommages au foie et l’érosion gastro-intestinale ont été évalués, et des différences marquées concernant les dommages au foie et les effets gastro-intestinaux ont été observés chez les jeunes souris et les souris âgées. Chez les jeunes souris, on n’a rapporté aucune pathologie hépatique, ni aucun changement gastro-intestinal. En revanche, 18 des 29 souris âgées traitées avec la même dose ont développé des changements pathologiques du foie à des degrés variables. Les auteurs ont indiqué que le degré de lésions hépatiques était lié à la gravité des effets gastro-intestinaux. Selon cette étude, des effets hépatiques et gastro-intestinaux chez les souris âgées ont été observés à la dose unique administrée de 500 µg/kg p.c.

Rao et coll. (2005) ont évalué les effets hépatotoxiques aigus dépendant de l’âge que provoque la MC-LR chez les souris à la suite d’une exposition par voie intrapéritonéale et orale. Dans le cadre de l’étude par voie intrapéritonéale, une DL50 unique de MC-LR (43,0 µg/kg p.c.), administrée à des souris âgées de 6 à 36 semaines, a révélé ce qui suit : le temps qui s’écoule jusqu’au décès des animaux traités avec la toxine diminuait avec l’âge de la souris; l’indice de masse corporelle du foie des animaux traités de tous les groupes d’âge augmentait fortement et les enzymes sériques augmentaient (lacticodéshydrogénase, alanine aminotransférase, aspartate aminotransférase, gamma-glutamyl transpeptidase, sorbitol-déshydrogénase) par rapport aux animaux témoins. Dans des études sur la toxicité aiguë par voie orale, une DL50 unique d’extraits contenant de la MC-LR (3,5 g d’extraits contenant de la microcystine par kg p.c.) a été administrée à des souris âgées de six à 36 semaines. Les effets sur les variables biochimiques étaient semblables à la voie d’exposition intrapéritonéale. Les deux groupes de souris présentaient une augmentation du poids relatif du foie et de la fragmentation de l’ADN par rapport au groupe témoin, mais on n’a constaté aucune différence entre les groupes d’âge. En revanche, la diminution de la concentration de glutathion et de peroxydation lipidique était bien plus importante chez les souris âgées que chez les jeunes souris. D’autre part, alors que la plupart des enzymes sériques augmentaient par rapport aux animaux témoins dans les deux groupes, la gamma-glutamyltransférase augmentait davantage chez les souris âgées en comparaison des jeunes souris.

Des groupes de trois souris albinos suisses femelles ont reçu une dose unique par gavage de 0, 2 ou 4 mg/kg p.c. de MC-LR et ont été sacrifiés 3 ou 24 heures après le traitement (Gaudin et coll., 2008). Les dommages à l’ADN ont été évalués dans le sang, le foie, les reins, le colon et les intestins à l’aide d’un essai de Comet. Aucune observation clinique n’a été rapportée. Dans le sang, on a pu observer, après trois heures et non après 24 heures, une augmentation des dommages à l’ADN, une augmentation statistiquement significative et qui dépend de la dose. Aucun effet n’a été constaté dans d’autres tissus soumis à l’essai.

Ito et coll. (2001) ont évalué la répartition de la MC-LR à la suite d’une instillation intratrachéale de doses létales dans les souris ICR mâles et ont inclus une description limitée des effets toxiques. La MC-LR présente dans la solution saline a été instillée à des doses de 50, 75, 100, 150 et 200 µg/kg p.c. dans 34 souris; trois souris ont été exposées au placebo en tant que témoins. On a constaté une mortalité de 100 % chez 12 souris ayant reçu des doses de 100 µg/kg p.c. et plus. À 75 µg/kg p.c., deux des quatre souris exposées sont mortes, tandis que 18 souris ont survécu après avoir reçu 50 µg/kg p.c. par voie intratrachéale. La chronologie de l’hépatotoxicité a été davantage évaluée chez huit souris ayant reçu une dose de 100 µg/kg p.c. par voie intratrachéale. Une souris a été sacrifiée à chaque période de 5, 10, 20, 30, 45, 60, 90 et 120 minutes. L’immunocoloration a révélé la présence de la MC-LR dans les poumons dans les cinq minutes, et dans le foie après 60 minutes. On a observé une hémorragie dans le foie après 90 minutes, une hémorragie qui s’est aggravée dès 120 minutes.

Dans une étude insuffisamment décrite, Fitzgeorge et coll. (1994) ont administré la MC-LR par gavage à des souris CBA/BALB/c récemment sevrées. Le produit obtenu par le biais du commerce était décrit comme « adéquatement purifié » uniquement. La DL50 a été estimée à 3 000 µg/kg p.c., et des augmentations du poids du foie (43 %) et des reins (5,9 %) ont été rapportées. La même étude a également proposé une évaluation de l’exposition par instillation intranasale et inhalation. Une expérience unique, réalisée avec des souris (nombre inconnu) inhalant un aérosol fin (taille des particules comprise entre 3 et 5 µm) de 50 µg de MC-LR/L pendant une durée non précisée, n’a entraîné aucun décès et n’a pas permis d’observer de signes cliniques de toxicité ou de changements histopathologiques (la nature des examens n’a pas été indiquée). Les auteurs ont estimé la dose administrée de MC-LR à environ 0,0005 µg/kg p.c. La DL50 relative à l’instillation intranasale de MC-LR était égale à 250 µg/kg p.c. Les poids du foie et de reins ont augmenté de 41,6 % et de 7,5 %, respectivement, chez les animaux ayant reçu de la MC-LR par voie intranasale. Une évaluation plus poussée de l’exposition par instillation intranasale de doses uniques de 31,3, 62,5, 125, 250 et 500 μg/kg p.c. a montré des augmentations du poids du foie de 0 %, 1,5 %, 24,4 %, 37,4 % et 87 %, respectivement. Sept doses intranasales quotidiennes de 31,3 µg/kg p.c. ont provoqué une augmentation du poids du foie de 75 %. Des effets sur le système respiratoire, le foie et les glandes surrénales ont été observés dans le cadre des deux expériences (doses uniques et doses multiples).

En résumé, les rapports indiquent que les DL50 pour les souris varient de 3 à 10 mg/kg p.c. à la suite d’une exposition par voie orale, et de 43 à 250 µg/kg p.c. par inhalation de microcystines pulvérisées. Après une exposition aiguë par voie orale, des effets sur le foie et les reins (poids et nombre de lésions accrus), la rate, les glandes surrénales et le tube digestif ont été rapportés, ainsi que des dommages à l’ADN dans le foie et le sang et des incidences sur les niveaux d’enzymes sériques. Les rapports précisent aussi que l’exposition aiguë par inhalation a touché le foie, les reins, les glandes surrénales et le système respiratoire.

9.2.1.2 Anatoxine-a

Une DL50 aiguë par voie orale (dose unique par gavage) de 16,2 mg/kg p.c. (IC à 95 % : 15,4–17,0) a été établie pour le chlorhydrate synthétique à base de (+)-anatoxine-a (produit offert sur le marché; pureté > 98 %) chez les souris Webster ND-4 suisses mâles (Stevens et Krieger, 1991b); cette DL50 équivaut à 13,3 mg d’anatoxine-a/kg p.c. (IC à 95 % : 12,8–14,1). Les mêmes auteurs ont établi une DL50 unique par gavage de 6,7 mg/kg p.c. pour les souris Webster ND-4 suisses mâles auxquelles on a administré la toxine sous forme de solution de lysat de cellules lyophilisées du genre Anabaena flos-aquae (NRC-44-1). La même étude a également défini une DL50 aiguë (dose unique) par voie intrapéritonéale de 0,25 mg/kg p.c. (IC à 95 % : 0,24–0,28) pour le chlorhydrate synthétique à base de (+)-anatoxine-a (produit offert sur le marché; pureté > 98 %) (0,21 mg d’anatoxine-a/kg p.c.) chez les souris.

Une DL50 unique par gavage supérieure à 5 mg/kg p.c. a été établie pour l’anatoxine-a chez les souris CBA/BALB/c récemment sevrées et dont le sexe n’a pas été précisé (Fitzgeorge et coll., 1994); l’anatoxine-a dans cette étude était un produit offert sur le marché présenté sous une forme « adéquatement purifiée », mais inconnue. Des décès découlant de la neurotoxicité se sont produits dans les deux minutes qui ont suivi l’administration de la dose par gavage. Une DL50 aiguë (dose unique) par voie intrapéritonéale de 0,375 mg/kg p.c. a également été établie par les auteurs de l’étude.

L’anatoxine-a a été mentionnée dans certains rapports sur des cas d’intoxication et de décès chez des chiens, du bétail et de la sauvagine ayant consommé de l’eau contenant des proliférations de cyanobactéries produisant la toxine (Carmichael et Gorham, 1978; Pybus et coll., 1986; Edwards et coll., 1992; Gunn et coll., 1992; Puschner et coll., 2008). Les signes de toxicité étaient principalement neurologiques et les décès étaient dus à une paralysie respiratoire. Aucune donnée quantitative sur l’exposition n’a été publiée.

Bien qu’une injection intrapéritonéale ne soit pas considérée comme une voie d’exposition pertinente pour évaluer les risques découlant des produits chimiques dans l’eau potable, l’étude suivante est incluse à des fins d’identification des dangers. La DL50 aiguë pour l’anatoxine-a à la suite d’une exposition de souris BALB/c mâles au moyen d’injections intrapéritonéales uniques de chlorhydrate de (+)-anatoxine-a, de (−)-anatoxine-a ou racémique (tous ayant une pureté supérieure à 95 %) a été établie à 0,386 mg/kg p.c. (IC à 95 % : 0,365–0,408) pour le chlorhydrate de (+)-anatoxine-a (0,32 mg d’anatoxine-a/kg p.c.) et à 0,913 mg/kg p.c. (IC à 95% : 0,846–0,985) pour le chlorhydrate d’anatoxine-a racémique (0,76 mg d’anatoxine-a/kg p.c.) 30 minutes après l’administration de la dose. Aucun décès ne s’est produit et aucun signe clinique n’a été observé chez les souris traitées avec des doses de chlorhydrate à base de (−)-anatoxine-a atteignant 73 mg/kg p.c. (Valentine et coll., 1991). Les différences en matière de puissance sont conformes aux données mécanistes, ce qui indique que la (+)-anatoxine-a correspond à l’énantiomère biologiquement actif.

En résumé, les DL50 orales pour l’anatoxine-a varient de 6,7 à 13,3 mg/kg p.c., selon l’énantiomère administré et selon qu’une solution de lysat ou une forme synthétique a été utilisée. Les effets déclarés sont limités et les seuls effets toxiques indiqués concernent les systèmes neurologiques et respiratoires.

9.2.1.3 Cylindrospermopsine

Douze souris MF1 mâles ont reçu une suspension saline de cellules lyophilisées de Cylindrospermopsis raciborskii (souche PHAWT/M ou PHAWT/1) par gavage à des doses uniques de 4,4 à 8,3 mg/kg p.c. (en équivalents de la cylindrospermopsine) et ont été surveillées pendant les huit jours qui ont suivi. Les doses suivantes ont été testées (une souris par niveau sauf exception) : 4,4, 5,3, 5,7 (deux souris), 5,8, 6,2, 6,5, 6,7, 6,8, 6,9, 8,0 et 8,3 mg/kg p.c.; il n’y avait aucun groupe témoin. Huit des douze souris sont décédées. La dose létale la plus faible était de 4,4 mg/kg p.c., la dose non létale la plus élevée était de 6,9 mg/kg p.c. et la dose létale moyenne était d’environ 6 mg/kg p.c. Des décès se sont produits entre deux et six jours après le traitement et des examens histologiques ont indiqué des effets sur le foie, la rate, le thymus, le cœur, l’œsophage et les muqueuses gastriques; certains animaux ont également développé des lésions dans l’orbite d’un œil ou les deux (Seawright et coll., 1999).

Une suspension aqueuse d’un extrait acellulaire de cellules lyophilisées et soumises à l’ultrason de C. raciborskii (souche AWT 205) a été administrée à un nombre inconnu de souris suisses mâles à une dose unique par gavage de 1 400 mg d’extrait par kg p.c. La teneur en cylindrospermopsine de l’extrait n’a pas été précisée, mais elle était comprise entre 1,3 et 5,4 mg/g d’extrait lors d’expériences intrapéritonéales concurrentes, ce qui indique que la dose par gavage en équivalents de la cylindrospermopsine était probablement comprise entre 1,8 et 7,6 mg/kg p.c. Cette dose ne s’est pas révélée fatale au cours de l’expérience, mais les auteurs ont observé une grave pathologie hépatique et rénale. D’autres renseignements sur la conception et les résultats de l’étude par voie orale n’ont pas été fournis (Falconer et coll., 1999).

Une autre étude par gavage a montré que la dose létale minimale d’un extrait salin de cellules lyophilisées de C. raciborskii (souche AWT 205) chez les souris suisses était de 2 500 mg d’extrait par kg p.c. D’après une teneur en cylindrospermopsine équivalant à 5,5 mg/g d’extrait, la dose en équivalents de la cylindrospermopsine était de 13,8 mg/kg p.c. (Falconer et Humpage, 2001).

Des groupes de quatre souris Quackenbush ont reçu un extrait acellulaire de cellules lyophilisées et soumises à l’ultrason de C. raciborskii (souche AWT 205) dans de l’eau à une dose unique par gavage de 0, 1, 2, 4, 6 ou 8 mg de cylindrospermopsine par kg p.c. et ont été surveillés pendant les sept jours qui ont suivi. Des effets hépatiques ont été constatés à toutes les doses, avec une mortalité observée chez deux souris sur quatre à 6 mg/kg p.c. (en cinq jours) et chez quatre souris sur quatre à 8 mg/kg p.c. (en 24 à 48 heures). Les autres renseignements sur la conception de l’étude expérimentale et les résultats de celle-ci n’ont pas présentés (Shaw et coll., 2000, 2001).

Bien qu’une injection intrapéritonéale ne soit pas considérée comme une voie d’exposition pertinente pour évaluer les risques découlant des produits chimiques dans l’eau potable, un résumé des résultats découlant de plusieurs études intrapéritonéales est proposé à des fins d’identification des dangers. Les études dirigées par Ohtani et coll. (1992), Terao et coll. (1994) et Shaw et coll. (2000, 2001) visant à administrer de la cylindrospermopsine (purifiée à partir d’extraits de cultures de cellules de C. raciborskii ou de Umezakia natans) ont permis d’établir des DL50 comprises entre 0,2 et 2,1 mg/kg p.c. (24 heures à sept jours); parmi les effets pathologiques constatés figurent les lésions au foie, aux reins, aux glandes surrénales, aux poumons, à l’intestin, au thymus et au cœur. Falconer et coll. (1999) ont rapporté des DL50 (en équivalents de la cylindrospermopsine) de 0,07 à 0,6 mg/kg p.c. (24 heures) et de 0,03 à 0,4 mg/kg p.c. (sept jours), avec des dommages au foie et aux reins observés chez les souris mâles albinos suisses; la cylindrospermopsine a été obtenue à partir d’extraits acellulaires de cellules lyophilisées soumises à l’ultrason de C. raciborskii. Hawkins et coll. (1985) ont rapporté une DL50 de 64 mg de culture lyophilisée par kg p.c. chez les souris; par ailleurs, une étude menée ultérieurement a permis d’établir des DL50 (en équivalents de la cylindrospermopsine) de 0,29 mg/kg p.c. (24 heures) et de 0,18 mg/kg p.c. (sept jours) chez les souris suisses mâles (Hawkins et coll., 1997); le foie constituait le principal organe touché, avec des lésions également observées dans le foie, les glandes surrénales, les poumons et l’intestin.

En résumé, les rapports indiquent que les doses létales aiguës par voie orale pour la cylindrospermopsine sont plutôt variables et dépendent du mode d’administration. Les doses létales minimales par voie orale varient de 4,4 à 13,8 mg/kg p.c. chez les souris; l’administration par injection intrapéritonéale a entraîné des DL50 bien plus faibles, indiquant ainsi un pouvoir plus important par cette voie d’exposition. Les effets aigus incluent des effets sur le foie, les reins, la rate, le thymus, le cœur, le tube digestif, les glandes surrénales et les poumons.

9.2.2 Études à court terme
9.2.2.1 Microcystines

Huang et coll. (2011) ont évalué les effets de la microcystine administrée par voie orale sur l’apoptose dans le foie des souris ICR mâles adultes. Des groupes de cinq rats ont reçu une dose de 0, 4,6, 23, 46, 93 ou 186 μg/kg p.c. par jour de MC-RR (produit offert sur le marché; pureté non indiquée) par gavage pendant sept jours, après quoi les animaux ont été sacrifiés et les foies ont été analysés. Les rapports indiquent une augmentation statistiquement significative en fonction de la dose du pourcentage de cellules apoptotiques dans le foie à des doses de 46 µg/kg p.c. par jour et plus. Une augmentation importante concernant l’expression de la protéine Bax (Bcl-2–associated X) a été constatée à 46 et 93 µg/kg p.c. par jour, ainsi que pour l’expression de la protéine p53 à 93 µg/kg p.c. par jour. La protéine Bcl-2 a fortement diminué à des doses de 23 µg/kg p.c. par jour et plus. Le rapport des protéines Bax/Bcl-2 a fortement augmenté à des doses de 23 µg/kg p.c. par jour et plus. Aucun changement important n’a été constaté dans l’expression de la protéine CHOP. L’expression de la protéine GRP78 a fortement augmenté à une dose de 93 µg/kg p.c. par jour, mais l’expression à toutes les autres doses (y compris la dose élevée) n’était pas différente de celle des animaux témoins. On n’a observé aucun changement dans l’activité de la protéine phosphatase de type 2A (PP2A), ni aucune modification dans l’expression de l’acide ribonucléique messager de la sous-unité A de PP2A.

Heinze (1999) a évalué les effets de la MC-LR (produit offert sur le marché; pureté non indiquée) dans l’eau potable sur des rats hybrides mâles âgés de 11 semaines (génération F1 de femelles WELS/Fohm × et de mâles BDIX). Des groupes de dix rats ont reçu une dose de 0, 50 ou 150 µg/kg p.c. par jour pendant 28 jours dans de l’eau potable. La consommation d’eau a été mesurée chaque jour et les rats ont été pesés toutes les semaines. Les estimations des doses fournies par les auteurs n’ont pas été ajustées pour tenir compte de la consommation d’eau potable incomplète. Après 28 jours d’exposition, les rats ont été sacrifiés, les poids des organes ont été consignés et l’hématologie, la biogéochimie sérique et l’histopathologie du foie et des reins ont été examinées. Un plus grand nombre de leucocytes (38 %) dans les rats a été constaté dans le groupe recevant la dose la plus élevée; les rapports font état d’une forte augmentation des niveaux moyens de la lacticodéshydrogénase (LDH) et de la phosphatase alcaline (PhoA) dans les deux groupes de traitement (augmentation de 84 % et de 100 % pour la LDH, de 34 % et de 33 % pour la PhoA à des doses faibles et élevées, respectivement), sans changement dans les niveaux moyens d’alanine aminotransférase (ALT) ou de l’aspartate aminotransférase (AST). Des augmentations en fonction de la dose du poids relatif du foie (17 et 26 % à des doses faibles et élevées, respectivement) et du poids absolu du foie (données non fournies) ont été observées. Aucun changement statistiquement significatif dans d’autres poids d’organes ou dans les poids corporels n’a été observé. Des lésions hépatiques ont été observées dans les deux groupes de traitement, mais on a constaté une aggravation des dommages dans le groupe recevant une dose de 150 µg/kg p.c. par jour; la dose minimale avec effet nocif observé (LOAEL) pour cette étude est de 50 µg/kg p.c. par jour. Aucun effet sur les reins n’a été observé.

Schaeffer et coll. (1999) ont administré le genre Aphanizomenon flos-aquae à des souris dans leur alimentation pendant 64 jours. D’après une analyse des échantillons de A. flos-aquae, la concentration moyenne était de 20 ± 5 µg de MC-LR par gramme de A. flos-aquae. L’exposition quotidienne estimée à la MC-LR chez les souris exposées était comprise entre 43,3 et 333,3 µg/kg p.c. par jour. Aucun signe clinique de toxicité n’a été déclaré et aucun effet sur la mortalité, le poids corporel, le poids des organes ou l’histologie n’a été constaté chez les souris traitées. En outre, les rapports n’indiquent aucun effet sur les paramètres de la reproduction concernant cinq souris traitées issues du groupe recevant la dose la plus élevée et qui ont pu se reproduire. Ainsi, la dose sans effet nocif observé (NOAEL) pour cette étude est établie à 43,3 µg/kg p.c. par jour.

Benson et coll. (2005) ont exposé des groupes de six souris BALB/c mâles à des aérosols monodispersés de particules submicrométriques de MC-LR par le biais d’une inhalation par le nez uniquement pendant 30, 60 ou 120 minutes chaque jour pendant sept jours consécutifs. La concentration de MC-LR variait de 260 à 265 μg/m3, et les doses déposées dans les voies respiratoires étaient estimées à 3, 6 et 12,5 µg/kg p.c. par jour. Les souris témoins étaient exposées par pulvérisation (20 % d’éthanol dans l’eau). Les animaux ont été sacrifiés le jour suivant la dernière exposition. Le sang et le sérum ont été soumis à une analyse chimique clinique, les poids des organes ont été consignés et un examen histopathologique du foie, des tissus des voies respiratoires, des glandes surrénales, des reins, de la rate, du thymus, du tube digestif et des testicules a été effectué. Aucun signe clinique ou effet sur le poids corporel ou le poids des organes n’a été observé. Des lésions découlant du traitement ont été observées dans la cavité nasale uniquement; en outre, l’incidence et la gravité augmentaient avec la durée de la période d’exposition quotidienne.

En résumé, des études sur l’exposition par voie orale à court terme confirment que le foie est le principal organe visé par les microcystines. L’exposition par voie orale à la MC-LR à des doses aussi faibles que 50 µg/kg p.c. par jour (déterminées comme étant la LOAEL disponible la plus faible) a entraîné une augmentation du poids du foie, des lésions hépatiques (avec hémorragies) ainsi qu’une augmentation de la PhoA et de la LDH chez les rats; l’exposition par voie orale à la MC-RR à une dose de 46 µg/kg p.c. par jour et plus a provoqué une augmentation statistiquement significative du pourcentage de cellules apoptotiques dans le foie des souris adultes. D’après les rapports, l’exposition par inhalation à la MC-LR pulvérisée entraîne des lésions dans la cavité nasale des souris.

9.2.2.2 Anatoxine-a

Dans une étude de toxicité orale de cinq jours dirigée par Fawell et James (1994) et Fawell et coll. (1999b), du chlorhydrate aqueux à base de (+)-anatoxine-a (produit offert sur le marché; pureté non indiquée) a été administré par gavage à des doses quotidiennes de 1,5, 3, 7,5 ou 15 mg/kg p.c. (doses équivalentes à 1,2, 2,5, 6,2 et 12,3 mg d’anatoxine-a par kg p.c.) à des groupes composés de deux souris mâles et de deux souris femelles Crl:CD-1(ICR)BR, dans le but de déterminer la dose maximale tolérée (DMT) pour une étude de 28 jours résumée ci-dessous. Toutes les souris exposées à la dose élevée et une souris femelle du groupe exposé à 6,2 mg/kg p.c. par jour sont mortes dans les cinq minutes qui ont suivi l’administration de la dose. Les mâles du groupe recevant 6,2 mg/kg p.c. par jour avaient un comportement hyperactif après la troisième dose; aucun autre effet nocif n’a été observé dans ce groupe de traitement. La dose de 2,5 mg/kg p.c. par jour (3 mg de chlorhydrate à base de (+)-anatoxine-a par kg p.c par jour) a été définie comme une dose maximale tolérée pour la principale étude de 28 jours.

Dans la principale étude, des groupes de dix souris mâles et de dix souris femelles Crl:CD-1(ICR)BR ont reçu le même chlorhydrate aqueux à base de (+)-anatoxine-a par gavage à des doses quotidiennes de 0 (groupe témoin), 0,12, 0,6 ou 3 mg/kg p.c. par jour (0, 0,1, 0,5 et 2,5 mg d’anatoxine-a par kg p.c. par jour) pendant 28 jours. Trois décès se sont produits pendant l’étude; l’un d’eux n’était pas lié au traitement (un mâle a été sacrifié humainement après avoir été attaqué par ses compagnons de cage), un mâle (0,5 mg/kg p.c. par jour) et une femelle (2,5 mg/kg p.c. par jour) sont morts (cause de la mort indéterminée) dans les deux heures et demie qui ont suivi l’administration de la dose aux jours 10 et 14 du traitement, respectivement. Les seuls autres effets observés chez les animaux traités, à savoir plusieurs changements dans l’hématologie et dans la chimie du sang, n’ont pas été considérés comme importants sur le plan toxicologique. Les auteurs de l’étude ont conclu que la NOAEL était de 0,1 mg/kg p.c. par jour, d’après les deux décès qui se sont produits aux doses plus élevées. Toutefois, les auteurs ont indiqué que la NOAEL peut être en réalité de 2,5 mg/kg p.c. par jour, en raison des faibles incidences de la mortalité qui n’ont révélé aucune relation dose-réponse ou aucune régularité liée au sexe (1/10 mâles à 0,5 mg/kg p.c. par jour et 1/10 femelles à 2,5 mg/kg p.c. par jour), de l’absence de signes cliniques caractéristiques de neurotoxicité aiguë chez les deux animaux décédés, de l’absence d’effets importants sur le plan toxicologique chez les souris survivantes et de l’absence d’effets à 2,5 mg/kg p.c. par jour chez les souris, tel qu’il est indiqué dans l’étude de cinq jours décrite ci-dessus et dans l’étude de toxicité pour le développement ci-dessous.

9.2.2.3 Cylindrospermopsine

Des groupes de quatre souris Quackenbush ont reçu de la cylindrospermopsine purifiée par gavage quotidien pendant 14 jours. La cylindrospermopsine a été purifiée (pureté non indiquée) à partir d’un extrait de cellules lyophilisées de Cylindrospermopsis raciborskii (souche AWT 205), avec des doses comprises entre 0 et 0,3 mg/kg p.c. par jour. Tous les animaux ont été évalués pour déterminer les changements histologiques et dans la pathologie clinique. Les auteurs ont défini une NOAEL de 0,05 mg/kg p.c. par jour et une LOAEL de 0,15 mg/kg p.c. par jour pour une infiltration lipidique dans le foie; on a pu observer une lymphophagocytose dans la rate à 0,3 mg/kg p.c. par jour (dose la plus élevée testée). Les autres renseignements sur la conception de l’étude expérimentale et les résultats de celle-ci n’ont pas été présentés (Shaw et coll., 2001).

Dans une autre étude, six souris Quackenbush et deux rats Wistar ont été exposés pendant 21 jours à de l’eau potable contenant 800 µg/L de cylindrospermopsine. L’eau provenait d’un bassin endigué. La dose journalière approximative indiquée, fondée sur la consommation d’eau, était de 0,2 mg de cylindrospermopsine par kg p.c. chez les deux espèces. Les examens histologiques et relatifs à la pathologie clinique n’ont révélé aucun effet à cette dose chez les rats et les souris. Les autres renseignements sur la conception de l’étude expérimentale et les résultats de celle-ci n’ont pas été présentés (Shaw et coll., 2001).

Reisner et coll. (2004) ont fait état d’augmentations importantes dans le poids du foie et des testicules à la suite d’une exposition à de la cylindrospermopsine purifiée à partir du genre Aphanizomenon ovcollisporum (isolée du lac de Kinneret, en Israël, au cours d’une prolifération en 1994). Des groupes de huit souris ICR âgées de quatre semaines ont été exposés à de l’eau nature contenant 0,6 mg/L de cylindrospermopsine (dose estimée à 66 µg/kg p.c. par jour) pendant trois semaines. Les animaux ont été sacrifiés à la fin de la période d’exposition, et le foie, les reins et la rate ont été analysés. Le poids corporel a augmenté fortement pendant la durée de l’étude, aussi bien pour les animaux témoins que pour les animaux traités; toutefois, le poids corporel n’était pas très différent dans les groupes à 21 jours. Des augmentations importantes (p < 0,05) dans le poids du foie et des testicules ont été observées après les avoir comparés aux témoins. À la fin de la période d’exposition de trois semaines, le taux d’excrétion urinaire et la concentration d’acide orotique urinaire (un précurseur de la pyrimidine) ont été fortement modifiés (p < 0,05) chez les animaux traités par rapport aux animaux témoins. Les niveaux de cholestérol dans le foie étaient bien plus faibles (p < 0,05) chez les animaux traités que chez les animaux témoins.

En résumé, une exposition à court terme (21 jours) à une concentration aussi faible que 0,066 mg/kg p.c. par jour de cylindrospermopsine purifiée a eu des effets sur le foie et les testicules (augmentation du poids relatif) chez la souris. Des effets sur le foie et la rate ont également été observés après 14 jours d’exposition par voie orale à de la cylindrospermopsine purifiée à des concentrations variant entre 0,15 mg/kg p.c. par jour et 0,3 mg/kg p.c. par jour. Aucun effet n’a été observé chez la souris et le rat après une exposition de 21 jours à des concentrations similaires (0,2 mg/kg p.c. par jour) de cylindrospermopsine provenant des eaux de surface.

9.2.3 Études subchroniques
9.2.3.1 Microcystines

Fawell et coll. (1999a) ont dirigé une étude de toxicité subchronique de la MC-LR administrée par gavage à des souris Cr1:CD-1(ICR)BR(VAF plus) (l’âge n’a pas été précisé). La MC-LR a été obtenue dans le commerce (pureté non indiquée) et administrée dans de l’eau distillée. La concentration dans la solution de dosage a été vérifiée par CPLHP avec détection des rayons ultraviolets. Des doses journalières de 0, 40, 200 ou 1 000 μg/kg p.c. ont été administrées par gavage oral à des groupes de 15 souris mâles et de 15 souris femelles pendant 13 semaines. Des analyses approfondies des signes cliniques, du poids corporel et de la consommation alimentaire, de l’hématologie et de la biogéochimie sérique, ont été exécutées. L’ensemble des tissus des animaux témoins et de ceux ayant reçu une dose élevée ont été examinés, tandis que seuls les poumons, le foie et les reins ont été analysés chez les autres animaux traités. Aucun signe clinique de toxicité liée au traitement n’a été observé tout au long de l’étude. Le gain de poids corporel moyen a diminué d’environ 15 % chez tous groupes mâles traités. Dans ces groupes, le poids corporel moyen à des fins de traitement différait de 7 % par rapport à celui des animaux témoins. On n’a constaté aucune tendance évidente concernant le gain de poids corporel ou le poids corporel chez les mâles. Le seul changement en matière de poids corporel que l’on a pu observer chez les femelles était une augmentation du gain de poids corporel dans le groupe exposé à la dose de 200 µg/kg p.c. par jour. De légères augmentations (10–12 %) de la concentration en hémoglobine, du nombre de globules rouges et des valeurs d’hématocrite, ont été observées parmi les femelles recevant une dose de 1 000 µg/kg p.c. par jour. Les niveaux de PhoA, d’ALT et d’AST étaient beaucoup plus élevés (deux à six fois plus élevés) chez les mâles exposés à la dose élevée, et les niveaux de PhoA et d’ALT étaient tout aussi élevés (deux et six fois plus élevés, respectivement) chez les femelles recevant la dose élevée. Les niveaux d’ALT et d’AST étaient également élevés (deux fois plus) chez les mâles exposés à la dose moyenne. La gamma-glutamyltransférase (GGT) a légèrement diminué chez certains groupes traités. L’albumine et les protéines sériques ont énormément diminué (13 %) chez les mâles faisant partie des groupes exposés à la dose moyenne et élevée. Des changements histopathologiques dans le foie ont été observés chez les mâles et les femelles des groupes exposés à la dose moyenne et élevée, avec une incidence et une intensité qui augmentent en fonction de la dose. Les lésions hépatiques constatées étaient une inflammation multifocale, avec des dépôts d’hémosidérine, ainsi qu’une dégénérescence des hépatocytes dans le lobule hépatique. Les différences liées au sexe dans la pathologie hépatique n’étaient pas apparentes. Aucune lésion n’a été décelée dans d’autres tissus. Cette étude peut mener à l’établissement d’une NOAEL de 40 µg/kg p.c. par jour.

Falconer et coll. (1994) ont administré de la matière sèche de prolifération dans l’eau potable des cochons (n = 5 par groupe) pendant 44 jours. L’extrait contenait au moins sept variantes de microcystines et la principale concentration de pointe a été provisoirement définie comme étant de la MC-YR; aucune concentration de pointe n’a pu être définie avec précision comme étant de la MC-LR. Les animaux ont reçu 0, 80, 227 ou 374 mg de cyanobactéries séchées par kg p.c. par jour ajoutées à l’eau potable. Les cochons du groupe exposé à la dose la plus élevée présentaient une diminution du poids corporel, en raison probablement d’une diminution de la consommation d’aliments ou d’eau à cette dose. Des échantillons de plasma prélevés sur une période de 56 jours ont révélé des augmentations, qui dépendent de la dose et de la durée, de la GGT, de la PhoA et de la bilirubine totale, ainsi qu’une diminution de l’albumine plasmatique. Des changements liés à la dose concernant l’incidence et la gravité des changements histopathologiques observés dans le foie ont aussi été observés.

En résumé, des données issues des études subchroniques continuent de désigner le foie comme étant un important organe cible visé par les microcystines. La MC-LR a induit des lésions hépatiques modérées, ainsi qu’une augmentation de l’ALT et de l’AST dans le sérum chez les souris mâles après l’administration d’une dose de 200 µg/kg p.c. par jour pendant 13 semaines; aucun effet nocif n’a été observé à la dose de 40 µg/kg p.c. par jour (NOAEL). L’exposition à un extrait de variantes de microcystines (principalement la MC-YR) à diverses doses a également eu une incidence sur le foie des cochons exposés pendant 44 jours.

9.2.3.2 Anatoxine-a

Des groupes de 20 rates Sprague-Dawley ont reçu de l’anatoxine-a dans de l’eau potable à une concentration de 0, 0,51 ou 5,1 mg/L pendant sept semaines. L’anatoxine-a utilisée dans cette étude a été extraite du milieu de culture de cellules de Anabaena. flos-aquae (NRC-44-1) et partiellement purifiée; la pureté n’a pas été quantifiée, mais la toxine avait un spectre d’absorption des rayons ultraviolets qui indiquait, de façon qualitative, que l’anatoxine-a était la principale composante d’absorption des rayons ultraviolets. Les auteurs ont estimé une consommation de 0,1 mL/g p.c. par jour, ce qui conduit à des doses journalières estimées de 0,05 et de 0,5 mg/kg p.c. par jour pour les groupes exposés à la dose faible et élevée, respectivement. Les paramètres évalués tout au long de l’étude incluaient les signes cliniques, la consommation alimentaire, le poids corporel, l’hématologie et la chimie sérique. Les paramètres évalués à la fin de la période d’exposition comprenaient l’activité de l’oxydase hépatique à fonction mixte (époxydation de l’aldrine in vitro), le poids des organes (foie, reins, rate), la pathologie clinique et l’histologie (foie, reins, rate, glandes surrénales, cœur, poumons et cerveau). Les autres renseignements sur la conception de l’étude n’ont pas été présentés. Aucun effet découlant du traitement n’a été observé dans l’un ou l’autre des groupes de doses (Astrachan et coll., 1980; Astrachan et Archer, 1981).

9.2.3.3 Cylindrospermopsine

Des groupes de souris mâles albinos suisses (dix par dose, six dans le groupe exposé à la dose la plus élevée) ont reçu de la cylindrospermopsine purifiée dans de l’eau par gavage à une dose de 0, 30, 60, 120 ou 240 µg/kg p.c. par jour pendant 11 semaines (Humpage et Falconer, 2003). La cylindrospermopsine a été purifiée (pureté non indiquée) à partir d’un extrait de cellules lyophilisées de Cylindrospermopsis raciborskii (souche AWT 205). Aucun décès n’a été déclaré. Le poids corporel final moyen était 7 à 15 % plus élevé que celui des animaux témoins dans tous les groupes de doses; les augmentations n’étaient toutefois pas liées à la dose et n’étaient statistiquement significatives qu’aux concentrations de 30 et de 60 µg/kg p.c. par jour. Aucun changement important dans la consommation alimentaire n’a été constaté; toutefois, la consommation d’eau a été fortement réduite dans tous les groupes de doses (données non présentées). Le poids relatif des reins a subi une forte augmentation en fonction de la dose dès 60 µg/kg p.c. par jour (poids 12 à 23 % plus élevé que celui des animaux témoins). D’autre part, le poids relatif du foie a beaucoup augmenté uniquement à la dose élevée de 240 µg/kg p.c. par jour (poids 13 % plus élevé que celui des animaux témoins). Les renseignements sur le poids relatif des reins et du foie n’ont pas été présentés. Le poids absolu des testicules a fortement augmenté à une dose supérieure ou égale à 60 µg/kg p.c. par jour (données non présentées), mais ces changements n’étaient pas importants lorsqu’ils étaient normalisés au poids corporel. Les évaluations relatives à l’hématologie, à la chimie sérique et à l’urine n’ont montré aucun changement clair lié à l’exposition concernant l’un ou l’autre des paramètres (y compris les indicateurs sériques des lésions hépatiques), à l’exception de diminutions importantes dans les concentrations de protéines dans l’urine (créatinine en g/mmol) à 120 µg/kg p.c. par jour et la masse volumique dans l’urine à 240 µg/kg p.c. par jour (données présentées sous forme de graphiques). Les examens post-mortem ont révélé des « augmentations mineures dans les dommages histopathologiques au foie » à une dose supérieure ou égale à 120 µg/kg p.c. par jour, ainsi que des dommages au tubule proximal du rein à 240 µg/kg p.c. par jour. Toutefois, les autres renseignements sur le type, la gravité et les incidences des lésions hépatiques et rénales n’ont pas été présentés. Bien que la cylindrospermopsine soit connue pour inhiber la synthèse des protéines dans le foie, l’albumine sérique, un produit important de la synthèse des protéines du foie, n’a pas diminué au cours de cette étude. Les effets les plus sensibles observés étaient liés aux dommages aux reins (augmentation du poids relatif des reins à une dose supérieure ou égale à 60 μg/kg p.c. par jour et diminution des protéines urinaires à une dose supérieure ou égale à 120 µg/kg p.c. par jour). Cette étude détermine une NOAEL et une LOAEL de 30 et de 60 µg/kg p.c. par jour, respectivement.

Les effets potentiels de la cylindrospermopsine ont été étudiés dans une étude réalisée sur 42 semaines par Sukenik et coll. (2006) avec de l’eau potable donnée à des souris. Des souris ICR mâles et femelles sevrées de quatre semaines ont reçu à manger et à boire à volontépendant une période expérimentale allant jusqu’à 42 semaines. Les animaux ont été divisés en deux groupes de 20 mâles et de 20 femelles chacun. Le groupe témoin a reçu un milieu cyanobactérien fraîchement préparé (sans cylindrospermopsine) à titre d’eau potable, tandis que le groupe expérimental a reçu un milieu usé contenant des concentrations variables de cylindrospermopsine. On a augmenté progressivement la concentration de cylindrospermopsine dans l’eau potable pour le groupe expérimental de 100 à 550 µg/L. Les doses journalières ont été estimées comme suit : 10 µg/kg p.c. pendant les semaines 0 à 8; 20 µg/kg p.c. pendant les semaines 8 à 16; 30 µg/kg p.c. pendant les semaines 16 à 24 et 55 µg/kg p.c. pendant les semaines 24 à 42. On n’a constaté aucun changement important dans le poids corporel; le poids relatif des reins a fortement augmenté chez les mâles et les femelles à 20 semaines et à 42 semaines. Le poids relatif du foie n’a augmenté qu’à 42 semaines et le poids relatif des testicules a augmenté chez les mâles à 42 semaines. Les auteurs ont proposé une LOAEL de 20 µg/kg p.c. par jour pour un poids relatif des reins accru chez les mâles et les femelles à 20 semaines d’exposition; la LOAEL établie s’applique également aux changements structurels observés dans les globules rouges à 20 semaines (voir la section 9.2.9.2). Cependant, il convient de noter que la confiance relative à la LOAEL proposée est faible en raison de la conception de l’expérience (c.-à-d. changement de la dose au cours de l’expérience).

Dans une autre étude, des groupes de souris mâles albinos suisses (dix par dose à l’exception de 12 témoins et de cinq souris exposées à une dose élevée) ont été exposés à un extrait acellulaire de cellules de C. raciborskii (souche AWT 205) dans l’eau potable à une dose de cylindrospermopsine de 0, 216, 432 ou 657 µg/kg p.c. par jour pendant dix semaines (doses basées sur la consommation d’eau réelle). Les poids corporels finaux ont énormément diminué aux doses de 432 et 657 µg/kg p.c. par jour (poids 9 % et 7 % inférieurs à celui des animaux témoins, respectivement); en outre, le poids relatif du foie et des reins a subi une forte augmentation en fonction de la dose à une concentration comprise entre 216 et 657 µg/kg p.c. par jour (poids 27 à 47 % et 30 à 43 % supérieurs à celui des animaux témoins, respectivement). Les autres effets statistiquement significatifs incluaient une augmentation de la bilirubine sérique à une dose supérieure ou égale à 216 µg/kg p.c. par jour, une diminution des acides biliaires sériques totaux à une concentration supérieure ou égale à 216 µg/kg p.c. par jour, ainsi qu’une diminution de la concentration des protéines urinaires (créatinine en g/mmol) à une dose supérieure ou égale à 432 µg/kg p.c. par jour. La dose la plus faible de 216 µg/kg p.c. par jour constitue une LOAEL pour cette étude (Humpage et Falconer, 2003).

Shaw et coll. (2000, 2001) ont exposé des souris Quackenbush à de l’eau potable contenant un extrait acellulaire de cellules lyophilisées et soumises à l’ultrason de C. raciborskii (souche AWT 205) pendant 90 jours. Les examens histologiques et liés à la pathologie clinique (foie, reins, rate, cœur, poumons et thymus) n’ont révélé aucun effet aux doses s’élevant à 0,15 mg/kg p.c. par jour (dose la plus élevée testée). Les autres renseignements sur la conception de l’étude expérimentale et les résultats de celle-ci n’ont pas présentés.

En résumé, les études disponibles sur la toxicité subchronique indiquent que le foie et les reins sont les principaux organes cibles de la toxicité de la cylindrospermopsine chez les souris; les changements structurels dans les globules rouges ont également été désignés comme un paramètre préoccupant. Le rein semble être l’organe cible le plus sensible et l’on établit la NOAEL la plus faible à 30 µg/kg p.c. par jour pour un poids relatif des reins accru. Les rapports font également état d’une diminution de l’excrétion des protéines dans l’urine après avoir administré de la cylindrospermopsine, indiquant ainsi un effet précis sur le néphron.

9.2.4 Neurotoxicité
9.2.4.1 Microcystines

Dans leurs rapports, Maidana et coll. (2006) ont fait état d’une détérioration de la capacité de remémoration à long terme, évaluée au moyen d’une tâche d’évitement inhibitrice, chez les rats recevant une injection intrahippocampique (il convient de noter que ce mode d’administration est pris en compte à des fins d’identification des dangers uniquement et il n’est pas représentatif d’une exposition par l’eau potable) de 0,01 ou de 20 µg/L d’un extrait de microcystine provenant d’une souche RST 9501 de Microcystis. L’exposition à 0,01 µg/L a également eu une incidence sur l’apprentissage spatial dans le labyrinthe avec bras radial, ce qui n’est pas le cas à une concentration d’exposition plus importante. Les auteurs ont indiqué que la microcystine primaire produite par cette souche est la [D-Leu1]MC-LR, une variante de la MC-LR qui possède un pouvoir semblable en matière d’inhibition de la phosphatase. Les dommages oxydatifs, mesurés par les peroxydes lipidiques et les dommages à l’ADN, ont augmenté dans les homogénats de tissus de l’hippocampe des animaux traités.

Dans une étude in vitro dirigée par Feurstein et coll. (2010), l’expression des polypeptides transporteurs d’anions organiques de souris et l’absorption de la MC-LR, la MC-LW et la MC-LF dans les neurones primaires de souris, ont été étudiées dans le but de déterminer si les microcystines peuvent traverser les membranes cellulaires des neurones. Des niveaux de protéines pour deux OATP de souris (OATP 1A5 de souris et OATP 1B2 de souris, un transporteur de la MC-LR connu) ont été détectés dans les membranes cellulaires des neurones de souris, et le transport des trois variantes de microcystines dans les neurones a été confirmé au moyen d’un test PPIA colorimétrique. Lorsque les concentrations de microcystines étaient faibles (0,31–1,25 µmol/L), l’effet inhibiteur de toutes les variantes était comparable, avec une réduction de 20 % de l’activité de la protéine phosphatase par rapport au groupe témoin. À une concentration de 2,5 µmol de MC-LR, de MC-LW ou de MC-LF par litre, l’activité de la protéine phosphatase totale était réduite de 25 %, de 30 % et de 60 %, respectivement, tandis qu’une concentration de 5 µmol de MC-LF par litre réduisait l’activité de la protéine phosphatase totale de 65 %. Bien que cette étude fournisse des données probantes in vitro sur l’absorption neuronale de microcystines chez les souris, il faut encore déterminer si l’exposition orale aux microcystines conduit à une neurotoxicité in vivo.

Dans une étude de suivi in vitro, Feurstein et coll. (2011) ont examiné les effets de la MC‑LR, de la MC-LF et de la MC-LW sur la cytotoxicité, l’activité des caspases, la condensation de la chromatine et l’hyperphosphorylation de la protéine Tau associée au microtubule dans les neurones granulaires cérébelleux de souris isolées. La MC-LF et la MC-LW ont entraîné une forte augmentation de l’apoptose induite par la microcystine, mais à des concentrations élevées (≥ 3 mM) uniquement; à toute dose testée, la MC-LR n’a pas provoqué d’augmentation importante de l’apoptose. Une dose de 0,5 µM de MC-LF a conduit à une forte réduction des longueurs des neurites, tandis que des concentrations plus élevées de MC-LW (> 1 µM) et de MC-LR (≥ 3 µM) étaient nécessaires pour réduire de façon importante les longueurs moyennes des neurites; on a également observé une dégénérescence notable des neurites à une concentration de 0,5 µM de MC-LF. L’inhibition de la protéine phosphatase sérine-thréonine et l’hyperphosphorylation soutenue de la protéine Tau ont pu être observées pour tous les congénères de la microcystine, ce qui peut expliquer la désintégration du réseau de neurites à la suite d’une exposition aux microcystines. En évaluant la cytotoxicité, une dose de 0,8 µM de MC-LF a permis de bien réduire la viabilité des neurones granulaires cérébelleux (81 % des animaux témoins), avec une concentration de 5 µM de MC-LF réduisant la viabilité à 8 % des animaux témoins. À l’inverse, les concentrations de MC-LW de 3 et de 5 µM ont fortement réduit la viabilité des cellules à 63 et 50 % des animaux témoins, tandis que la MC-LR a permis une réduction mineure, mais importante, de la viabilité des cellules (70 % des animaux témoins) uniquement à la concentration la plus élevée (5 µM).

Dans leur rapport, Li et coll. (2014) indiquent également une détérioration de la fonction mnésique, évaluée à l’aide du labyrinthe aquatique de Morris, chez les rats mâles recevant une injection intrahippocampique de 1 ou de 10 μg/L de MC-LR (pureté ≥ 98 %). Les deux concentrations de MC-LR ont entraîné une latence accrue pour trouver la plateforme. L’histologie du cerveau a révélé des dommages neuronaux dans la région CA1 de l’hippocampe à 10 µg/L uniquement. Une diminution importante concernant le nombre total de cellules et la densité des cellules, et non les valeurs d’hématocrite, a été observée dans la région CA1 des animaux exposés à la dose élevée. Les niveaux de malondialdéhyde et l’activité de la catalase dans la région CA1 de l’hippocampe ont augmenté aux deux concentrations, mais l’activité de la superoxyde dismutase et de la glutathion peroxydase a fortement augmenté à la dose de 10 µg/L uniquement.

Les effets de l’exposition pendant la gestation des rates à la MC-LR sur le développement postnatal de la progéniture ont été étudiés par Li et coll. (2015). Les rates Sprague-Dawley (âgées de 28 jours) ont été exposées à 1,0, 5,0 et 20,0 µg de MC-LR par kg p.c. par gavage une fois toutes les 48 heures pendant huit semaines; les animaux témoins ont été exposés à de l’eau pure. À la fin de la période d’exposition de huit semaines, chaque rate s’est accouplée avec un mâle adulte non exposé. Le développement moteur et comportemental des petits a été évalué au moyen du réflexe de redressement en fonction de la surface, de la géotaxie négative et de tests de l’évitement de falaise (cliff avoidance test) au 7e jour postnatal; la capacité d’apprentissage a été évaluée par des essais avec champ ouvert et labyrinthe aquatique de Morris qui ont été exécutés 28 jours et 60 jours après la naissance. Les petits issus de tous les groupes traités avec de la MC-LR ont obtenu des résultats bien plus faibles que les animaux témoins lors du test d’évitement des falaises (p < 0,05). Les résultats de l’essai du labyrinthe aquatique de Morris (évaluation de la détérioration cognitive) ont montré que la progéniture mâle de tous les groupes de traitement pénétrait de façon bien moins fréquente dans la zone de la plateforme, que les femelles pénétraient bien moins souvent dans la zone de la plateforme élargie (5,0 et 20,0 µg de MC-LR par kg p.c.) et que la vitesse de nage de la progéniture femelle issue du groupe traité avec 20,0 mg de MC-LR par kg p.c. était fortement réduite. Pour ce qui est du stress oxydatif dans l’hippocampe des rats, la teneur en malondialdéhyde a subi une forte augmentation chez la progéniture mâle issue du groupe traité avec 5,0 mg de MC-LR par kg p.c., ainsi que chez la progéniture mâle et femelle provenant du groupe traité avec 20,0 mg de MC-LR par kg p.c.; l’activité de la superoxyde dismutase totale a énormément diminué dans l’hippocampe de la progéniture mâle et femelle du groupe traité avec 20,0 mg de MC-LR par kg p.c. D’après cette étude, on peut établir une LOAEL de 1,0 µg de MC-LR/kg p.c. entraînant des effets sur le développement moteur et les fonctions comportementales des petits à la suite d’une exposition pendant la gestation des rates.

En résumé, les études ont permis d’observer les effets neurotoxiques des microcystines; cependant, la majorité des études portant sur ces effets sont fondées sur des voies d’exposition pertinentes uniquement pour le potentiel de danger (c’est-à-dire exposition par injection ou exposition in vitro). L’exposition par voie orale des rates à une concentration aussi faible que 1 µg de MC-LR/kg p.c. par jour (LOAEL) pendant huit semaines avant l’accouplement a entraîné des effets sur le développement moteur et les fonctions comportementales des petits.

9.2.4.2 Anatoxine-a

Les seules études recensées portant sur la neurotoxicité de l’anatoxine-a établissaient l’injection (intrapéritonéale, intraveineuse ou sous-cutanée) comme étant la voie d’exposition. Puisque l’injection n’est pas considérée comme une voie d’exposition pertinente pour évaluer les risques découlant des produits chimiques dans l’eau potable, les résultats de ces études sont résumés uniquement à des fins d’identification des dangers.

Dans le cadre d’une étude de détermination de la plage de toxicité de deux jours dirigée par Rogers et coll. (2005), des souris CD-1 femelles ont été exposées à l’anatoxine-a par injection intrapéritonéale à une dose de 0,008, 0,08, 0,17, 0,21, 0,25 ou 0,33 mg d’anatoxine-a par kg p.c. par jour. Après l’administration d’une dose, la mortalité a augmenté en fonction de la dose jusqu’à 100 % chez les deux groupes exposés à la dose la plus élevée; toutes les souris ayant reçu une deuxième dose ont survécu. Des doses de 0,21 mg/kg p.c. par jour et plus ont entraîné une diminution de l’activité motrice, une démarche altérée, une respiration difficile et des convulsions cinq à six minutes après l’exposition; des décès se sont produits dans les dix minutes suivant l’exposition. Des signes cliniques moins graves ont été observés chez les animaux ayant survécu dans les groupes exposés à la dose de 0,17 et de 0,21 mg/kg p.c. par jour, avec un rétablissement après 15 à 20 minutes.

Dans une étude portant sur le développement neurologique, Rogers et coll. (2005) ont exposé des groupes de huit à onze souris CD-1 gravides à une concentration de 0, 0,10 ou 0,17 mg d’anatoxine-a par kg p.c. par jour par injection intrapéritonéale aux jours de gestation (JD) 8 à 12 ou 13 à 17; les souris ont pu donner naissance à leurs petits et aucune neurotoxicité postnatale n’a été observée, ce qui porte à croire que la NOAEL pour les effets sur le développement neurologique est de 0,17 mg/kg p.c. par jour. Les souriceaux qui ont été exposés aux jours de gestation 13 à 17 n’ont montré aucun signe de neurotoxicité à l’âge adulte.

Les souris auxquelles on a administré une dose comprise entre 8 et 83 ou 25 et 50 µg d’anatoxine-a par kg p.c. n’ont présenté aucun effet neurologique lié à l’exposition, bien que les doses les plus élevées aient entraîné l’apparition de signes cliniques de neurotoxicité ainsi que des décès dans la minute qui a suivi l’exposition (Fawell et James, 1994; Fawell et coll., 1999b).

Les rats qui ont reçu une dose unique de 0,06 mg d’anatoxine-a par kg p.c. par injection sous-cutanée ont montré une diminution de l’activité locomotrice et un effet sur le stimulus discriminatif semblable à la nicotine (Stolerman et coll., 1992).

Certains rapports indiquent également que l’anatoxine-a diminue les taux de réponse et de renforcement dans les tests de performance opérante à programme multiple chez les rats traités par injection sous-cutanée, bien que les animaux aient développé une tolérance importante en raison des administrations répétées (Jarema et MacPhail, 2003).

En résumé, la neurotoxicité aiguë de l’anatoxine-a chez les souris après l’injection intrapéritonéale d’une dose létale de 0,21 mg/kg p.c. par jour et plus comprend des tremblements, une démarche altérée, des convulsions ainsi que des décès en raison d’une paralysie respiratoire; aucun effet important n’a été constaté à la suite d’une exposition par injection à des doses de 0,08 mg/kg p.c. par jour et moins. D’après les rapports, une exposition aiguë par voie intraveineuse à l’anatoxine-a à des doses atteignant 0,083 mg/kg p.c. chez les souris n’a pas entraîné d’effets sur l’activité motrice, la coordination, les réflexes sensoriels et moteurs ou d’autres réponses du système nerveux central. Chez les rats, l’injection sous-cutanée de 0,06 mg/kg p.c. d’anatoxine-a a provoqué des changements dans l’activité locomotrice et le comportement.

9.2.4.3 Cylindrospermopsine

Aucune étude portant sur la neurotoxicité de la cylindrospermopsine n’a été recensée.

9.2.4.4 Mélanges

Takser et coll. (2016) ont examiné les effets de plusieurs cyanotoxines (à des doses équivalentes aux concentrations établies par des lignes directrices pour l’eau potable [0,001 à 10 µM], que les substances soient seules ou présentes sous forme de mélanges) sur les voies de signalisation de la viabilité cellulaire, de l’apoptose et de l’inflammation dans le cerveau et les cellules immunitaires des mammifères (lignées cellulaires de type macrophages murins RAW264.7, de cellules microgliales BV-2 et de cellules neuroblastiques N2a); les cyanotoxines testées étaient la MC-LR, l’anatoxine-a, la CYN ainsi que la BMAA et l’isomère de la BMAA, soit l’acide 2,4-diaminobutyrique (DAB). L’induction de l’inflammation et de l’apoptose a été observée à la suite de l’exposition à de faibles doses de CYN, de MC-LR et d’anatoxine-a, mais pas de BMAA ou de DAB; lorsque les substances étaient présentes sous forme de mélange, une exposition à des doses trois fois plus faibles que celles administrées dans le cas de cyanotoxines individuelles s’est révélée de 3 à 15 fois plus puissante pour l’induction de l’apoptose et de l’inflammation. Il s’agit de la première étude du genre à examiner les effets neuro‑inflammatoires potentiels des cyanotoxines dont les résultats semblent indiquer qu’une exposition à de faibles doses de cyanotoxines courantes in vitro pourrait induire une inflammation et une apoptose des cellules immunitaires et cérébrales; cependant, il faudra mener d’autres recherches pour déterminer si les concentrations observées dans l’environnement peuvent induire de tels effets in vivo.

9.2.5 Toxicité pour la reproduction et le développement
9.2.5.1 Microcystines

Falconer et coll. (1988) ont dirigé une étude limitée des effets sur la reproduction en utilisant un extrait d’échantillon de prolifération du genre Microcystis aeruginosa. Huit souris femelles Quakenbush ayant reçu un quart de la dilution de l’extrait à titre d’eau potable (on estime qu’elle contient 14 µg/mL [ou environ 2 700 µg/kg p.c.] de microcystines dont le type n’est pas spécifié) depuis le sevrage, se sont accouplées avec des mâles traités de façon semblable. On n’a observé aucune différence dans le nombre de portées, le nombre de petits par portée, le rapport de masculinité ou le poids des portées. Certains rapports indiquent une diminution de la taille du cerveau chez 7 des 73 petits nés de parents traités et chez 0 des 67 petits nés de parents témoins. La répartition de la portée des petits touchés n’a pas été indiquée par les auteurs. L’un des petits cerveaux a été fait l’objet d’un examen histologique, qui a révélé des dommages importants à l’hippocampe.

Fawell et coll. (1999a) (voir la description à la section 9.2.3.1) ont dirigé une étude de toxicité pour le développement de la MC-LR (produit offert sur le marché; pureté non indiquée) administrée par gavage à des souris Cr1:CD-1(ICR)BR (VAF plus) (l’âge n’a pas été précisé). De la MC-LR (0, 200, 600 ou 2 000 µg/kg p.c.) a été administrée à des groupes de 26 souris au cours des jours 6 à 15 de la grossesse. Les souris ont été sacrifiées au 18e jour, puis autopsiées. Sept des 26 mères auxquelles on a administré une dose de 2 000 µg/kg p.c. sont mortes, et deux autres mères moribondes ont été sacrifiées. Une apparence modifiée du foie a été notée pendant l’examen macroscopique de ces animaux. Les mères survivantes de ce groupe n’ont pas présenté de signes cliniques de toxicité ou des différences dans le poids corporel ou la consommation alimentaire. Le poids corporel du fœtus était bien inférieur à celui des animaux témoins et un retard dans l’ossification du squelette a été constaté à la dose la plus élevée; toutefois, les données n’ont pas été présentées dans la publication. Aucune preuve de toxicité maternelle ou de toute autre forme de toxicité pour le développement n’a été observée aux doses plus faibles. Aucun effet sur les résorptions ou la taille des portées n’a été noté, ni aucune augmentation des anomalies externes, viscérales ou du squelette concernant les fœtus de tout groupe traité.

La qualité du sperme et la fonction testiculaire ont été évaluées chez les souris SPF mâles auxquelles on a administré de la MC-LR (produit offert sur le marché; pureté non indiquée) dans de l’eau potable à une concentration de 0, 1, 3,2 ou 10 µg/L (environ 0, 0,25, 0,79 et 2,5 µg/kg p.c. par jour) pendant trois ou six mois (Y. Chen et coll., 2011). Bien que le poids corporel et la quantité d’eau consommée aient été mesurés, ces données n’ont pas été présentées, et les doses administrées aux animaux n’ont pas été calculées. Aucun signe clinique de toxicité n’a été observé et le poids corporel, le poids des testicules et la consommation d’eau n’ont pas été modifiés par le traitement. Aucun changement dans les paramètres associés au sperme ou aux hormones n’a été noté à 1 µg/L. À des doses de 3,2 et de 10 µg/L, le nombre de spermatozoïdes a fortement diminué; par ailleurs, la motilité des spermatozoïdes a baissé à trois et six mois et l’on a pu constater une aggravation avec une durée d’exposition plus importante. Les animaux qui font partie des groupes exposés aux doses moyennes et élevées affichaient une tendance de testostérone sérique plus faible ainsi que des niveaux d’hormones lutéinisantes et d’hormones folliculostimulantes plus élevés après trois mois, des niveaux qui ont atteint une importance statistique dès six mois. Une évaluation histopathologique des testicules a révélé une apparence légèrement relâchée de la disposition de l’épithélium dans les tubules séminifères à 10 µg/L après trois mois. Après six mois, une légère atrophie testiculaire associée à l’apparence peu dense des tubules séminifères a été constatée à des doses de 3,2 et de 10 µg/L, avec une gravité qui augmente en fonction de la dose. Chez les animaux auxquels on a administré 10 µg/L, on a aussi observé une perte et un dérèglement des cellules spermatogènes, un élargissement du canal médullaire des tubules séminifères, un amincissement de l’épithélium spermatogène, ainsi qu’une destruction intégrale des cellules de Leydig, de Sertoli et des spermatozoïdes à maturité. Le nombre de cellules apoptotiques dans les testicules a augmenté à une dose de 10 µg/L après trois mois, et à 3,2 et 10 µg/L après six mois. Cette étude permet l’établissement d’une NOAEL de 1 µg/L (environ 0,25 µg/kg p.c. par jour) associée aux impacts sur le nombre et la motilité des spermatozoïdes. Plusieurs préoccupations relatives à la méthodologie et au rapport de cette étude remettent en question la qualité des données présentées. Ces préoccupations comprennent : l’utilisation du méthanol en tant que méthode d’administration de la MC-LR, ainsi que l’absence d’administration de méthanol au groupe témoin (les témoins constituant alors un groupe témoin négatif insuffisant à des fins de comparaison); les effets sur les animaux témoins (p. ex. augmentations des niveaux de testostérone et diminution de la motilité des spermatozoïdes au cours de l’expérience); la courbe dose-effet abrupte en fonction des légères augmentations de la dose; les analyses des spermatozoïdes et histologiques insuffisamment décrites et exécutées de façon inappropriée; le manque de rapports sur la pureté de la MC-LR et les espèces de souris utilisées (bien ce que cela ait été vérifié ultérieurement au moyen d’une correspondance avec les auteurs) et l’absence de validation des concentrations finales de MC-LR administrées dans l’eau potable.

La toxicité in vitro des microcystines pour les cellules de Leydig et les cellules de Sertoli, prouvée par la diminution de la viabilité des cellules (Li et coll., 2008; H.Z. Zhang et coll., 2011; Li et Han, 2012), laisse croire que le transport des microcystines peut se produire dans les testicules, comme c’est le cas pour le foie. Les OATP sont actifs dans les testicules (Svoboda et coll., 2011); toutefois, jusqu’à ce jour, aucune étude portant sur leur rôle dans la toxicité des microcystines pour les cellules des testicules n’a été recensée.

Zhou et coll. (2012) ont cherché à déterminer si la MC-LR pouvait pénétrer dans les spermatogonies des rats et produire des effets toxiques in vitro. Après avoir exposé des spermatogonies isolées à des doses de 0, 0,5, 5, 50 ou 500 nmol de MC-LR par litre pendant six heures, la viabilité des cellules a fortement diminué (5 et 50 nmol/L [p < 0,05]; 500 nmol/L [p < 0,01]), tout comme la capacité des antioxydants totaux (5 et 500 nmol/L [p < 0,01]; 50 nmol/L [p < 0,05]); des augmentations touchant le rapport des cellules apoptotiques, la production de dérivés réactifs de l’oxygène (DRO), le potentiel de la membrane mitochondriale et le Ca2+ libre intracellulaire, se sont produites à la suite d’une exposition à des concentrations de MC-LR de 5 nmol/L et plus. Les auteurs ont détecté au moins cinq OATP (1A5, 3A1, 6B1, 6C1 et 6D1) au niveau de l’ARN messager dans les spermatogonies et ont découvert que l’expression de ces OATP, en particulier l’OATP 3A1, était touchée par la MC-LR. L’étude a montré que la MC-LR peut être transportée dans les spermatogonies et ainsi conduire à une cytotoxicité.

Des effets sur la reproduction chez les mâles, semblables à ceux observés dans le cadre d’études sur l’exposition par voie orale, ont aussi été notés chez les souris, les rats et les lapins exposés par voie intrapéritonéale aux microcystines. Puisqu’une injection intrapéritonéale n’est pas considérée comme une voie d’exposition pertinente pour évaluer les risques découlant des produits chimiques dans l’eau potable, seul un résumé des résultats découlant de ces études est proposé à des fins d’identification des dangers. À la suite d’une exposition à des doses en équivalents de microcystines comprises entre 3,75 et 110 µg/kg p.c. par jour (Ding et coll., 2006; Li et coll., 2008; Liu et coll., 2009; D. Li et coll., 2011; Wang et coll., 2012a; Chen et coll., 2013), les effets déclarés comprenaient des changements histopathologiques dans les testicules et des changements dans les testicules et l’épididyme, des répercussions sur les spermatozoïdes (nombre, motilité et morphologie), un stress oxydatif et des changements histologiques dans les spermatogonies et les cellules de Sertoli, ainsi que des changements dans les hormones lutéinisantes qui circulent, les hormones folliculostimulantes et les niveaux de testostérone, ainsi que dans l’expression des gènes Lhβ, Fshβ et GnRH.

En résumé, les répercussions observées sur le système reproducteur mâle chez de multiples espèces à la suite d’une exposition par voie orale et intrapéritonéale à la MC-LR incluent une diminution du poids des testicules et de l’épididyme, une diminution de la concentration, de la viabilité et de la motilité des spermatozoïdes épidimaires, ainsi qu’une augmentation du pourcentage de spermatozoïdes immobiles et anormaux; certains de ces effets ont été observés à la suite d’une exposition orale à une concentration aussi faible que 3,2 µg/L (environ 0,25 µg/kg p.c. par jour) de MC-LR. Parmi les autres effets déclarés figurent une atrophie et une obstruction des tubules séminifères, une diminution du nombre de cellules interstitielles, des cellules de Sertoli et des spermatozoïdes à maturité dans le tubule séminifère, une peroxydation lipidique ainsi qu’une apoptose. Des études in vitro portant sur les spermatogonies de rats (précurseurs des spermatocytes) montrent l’absorption de la MC-LR avec l’apoptose cellulaire et le stress oxydatif qui en résultent. D’autres recherches sont nécessaires pour confirmer ou valider la toxicité de la MC-LR pour le système de reproduction mâle à la suite d’une exposition par voie orale, et pour déterminer les effets de la MC-LR sur les tissus reproducteurs femelles et ceux de la progéniture après une exposition orale.

9.2.5.2 Anatoxine-a

Une étude de dépistage de la toxicité pour le développement a été dirigée. Lors de celle-ci, des groupes de 10 et 12 souris Crl:CD-1(ICR)BR gravides ont reçu du chlorhydrate aqueux à base de (+)-anatoxine-a (produit offert sur le marché; pureté non indiquée) par gavage à des doses de 0 (dose témoin) ou 3 mg/kg p.c. par jour (0 ou 2,5 mg d’anatoxine-a/kg p.c. par jour), respectivement, aux jours de gestation 6 à 15. Les signes cliniques et le poids corporel ont été consignés jusqu’au 18e jour de gestation. C’est à ce moment-là que les mères ont été sacrifiées et autopsiées. Aucun effet sur les mères ou le fœtus lié au traitement n’a été observé, même si l’on a pu constater que le poids moyen du fœtus (mâle, femelle et total) dans le groupe traité était légèrement inférieur à celui des témoins (données non présentées). Cette étude a permis d’établir une NOAEL de 2,5 mg/kg p.c. par jour associée à une absence d’effets néfastes chez les mères et les fœtus (Fawell et James, 1994; Fawell et coll., 1999b).

Bien qu’une injection intrapéritonéale ne soit pas considérée comme une voie d’exposition pertinente pour les humains, les résultats de ces études sont résumés à des fins d’identification des dangers. Rogers et coll. (2005) ont administré de l’anatoxine-a (pureté de 90 %) par injection intrapéritonéale à 8 à 11 souris femelles gravides à une concentration de 125 ou de 200 µg/kg p.c. pendant cinq jours, aux jours de gestation 8 à 12 ou 13 à 17. Des rapports indiquent une importante tendance à la baisse liée à la dose du poids des petits au premier jour postnatal (JPN) dans les portées traitées aux 13e et au 17e jours de gestation; cette tendance n’est plus importante sur le plan statistique au sixième jour de gestation ; les auteurs ont toutefois indiqué que l’effet sur le poids des petits était probablement lié à la variabilité aléatoire dans la taille des portées. Aucun effet n’a été observé sur la viabilité ou le poids moyen des petits dans les portées exposées aux jours de gestation 8 à 12 ou dans les essais neurologiques. Des études de dépistage in vivo et portant sur les cultures embryonnaires de mammifères n’ont révélé aucun effet nocif. En ce qui concerne les effets chez les petits, cette étude a permis d’établir une NOAEL de 200 μg/kg p.c. Yavasoglu et coll. (2008) ont administré par voie intrapéritonéale des doses d’anatoxine-a de 50, 100 ou 150 µg/kg p.c. par jour (anatoxine-a fumarate offerte dans le commerce et diluée dans de la saline physiologique [0,9 %]) à des groupes de dix souris mâles pendant sept jours consécutifs. Les effets comprenaient : une diminution considérable des poids absolus et relatifs de la queue de l’épididyme dans les groupes traités avec 100 et 150 µg/kg p.c. par jour; un nombre très réduit de spermatozoïdes (diminution liée à la dose) dans la queue de l’épididyme dans tous les groupes de traitement; une dégénérescence liée à la dose dans les tubules séminifères; une séparation intracellulaire des lignées cellulaires spermatogénétiques; une élimination des cellules germinales dans le canal médullaire tubulaire; une vacuolisation dans les cellules de Sertoli et une perte de cellules germinales, ainsi qu’une forte diminution (liée à la dose) de l’épaisseur épithéliale des tubules séminifères dans tous les groupes de traitement. La LOAEL était de 50 µg/kg p.c. par jour, d’après le nombre réduit de spermatozoïdes dans la queue de l’épididyme.

En résumé, des données probantes limitées montrent que des niveaux d’anatoxine-a allant jusqu’à 200 µg/kg p.c. n’avait pas d’effet néfaste sur le poids des souriceaux à la suite d’une exposition in utero (par injection intrapéritonéale). Il a également été démontré que l’exposition des souris mâles à une concentration d’anatoxine-a aussi basse que 50 µg/kg p.c. (par injection intrapéritonéale) avait une incidence sur les testicules et les spermatozoïdes et influait donc sur la reproduction des mâles. Davantage de recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les conséquences de l’anatoxine-a sur le développement et la reproduction des animaux à la suite d’une exposition orale.

9.2.5.3 Cylindrospermopsine

Les seules études recensées portant sur la toxicité pour la reproduction et le développement de la cylindrospermopsine établissaient l’injection intrapéritonéale comme étant la voie d’exposition. Bien que l’injection ne soit pas considérée comme une voie d’exposition pertinente pour évaluer les risques découlant des produits chimiques dans l’eau potable, les résultats de ces études sont résumés à des fins d’identification des dangers.

Rogers et coll. (2007) ont dirigé une étude tératologique composée de trois expériences au cours desquelles des souris CD-1 sont exposées par injection intrapéritonéale à de la cylindrospermopsine purifiée (> 98 % dans l’eau distillée). Lors de la première expérience, des femelles gravides ont été exposées aux jours de gestation 8 à 12 à des concentrations de 0, 8, 16, 32, 64, 96 ou 128 µg/kg p.c. (n = 20 à 25 par traitement). La deuxième et la troisième expériences ont porté sur les effets de l’exposition in utero à une concentration de 50 µg/kg p.c. aux jours de gestation 8 à 12 et 13 à 17 (deux groupes de 23 à 51 souris par groupe) sur le développement prénatal et postnatal. Les résultats de la première expérience ont présenté une mortalité accrue chez les mères exposées à 32 µg/kg p.c. ou plus, ainsi qu’une augmentation importante liée à la dose du poids relatif du foie dans les groupes exposés à 8, 16 et 32 µg/kg p.c. Les résultats de la deuxième et de la troisième expériences comprenaient d’importantes réductions de la taille des portées, de la taille des petits, du poids corporel des petits, du gain de poids corporel des petits et de la viabilité des petits; toutefois, ces effets se sont manifestés à des doses supérieures à celles qui ont entraîné une toxicité chez les mères.

Chernoff et coll. (2011) ont évalué les effets de la cylindrospermopsine chez les souris CD-1 gravides pendant différentes périodes de gestation. Dans la première étude, des souris gravides ont été exposées par injections intrapéritonéales quotidiennes de 0,05 mg/kg p.c. de cylindrospermopsine (purifiée à partir de cultures de masse de Cylindrospermopsis raciborskii;pureté > 98 %) pendant cinq jours aux jours de gestation 8 à 12 (n = 42); les animaux témoins ont reçu de l’eau distillée par voie intrapéritonéale (n = 26). Les animaux (deux à trois animaux témoins et trois à cinq mères exposées) ont été sacrifiés au 13e jour de gestation et aux jours 7, 14, 28 et 42 après le traitement. Cinquante-cinq pour cent (55 %) des animaux traités sont morts au 13e jour de gestation. Parmi les effets déclarés figurent : saignements vaginaux (n = 13) et saignements occasionnels des orbites et de la queue; diminution du gain de poids corporel des mères; enzymes élevées associées aux lésions hépatiques chez les souris sacrifiées un jour après l’exposition (n = 2 à 5 par mesure), avec un retour à des niveaux de contrôle dès sept jours après l’exposition; augmentation importante de la créatinine et de l’azote uréique du sang un jour après l’exposition, avec un retour à des niveaux de contrôle sept jours après l’exposition; incidence accrue de la nécrose du foie, de la néphrose ou de l’inflammation rénale chez les souris traitées aux jours de gestation 8 à 12, avec un retour à la normale des observations histopathologiques dans les sept jours qui ont suivi l’exposition, et modification de l’expression des gènes jouant un rôle dans la biogenèse ribosomale, le métabolisme xénobiotique et lipidique, la réaction inflammatoire et le stress oxydatif jusqu’à deux semaines après le traitement. La deuxième étude s’est servie du même scénario d’exposition, mais pendant cinq jours, aux jours de gestation 13 à 17 (n = 42 par méthode). Aucun décès ni saignement vaginal ne s’est produit; toutefois, un saignement gastro-intestinal a été observé (n = 3) au premier ou au septième jour après l’exposition. Les autres effets comprenaient ce qui suit : niveaux élevés d’enzymes associées aux lésions hépatiques (chez les souris sacrifiées un jour après l’exposition), qui reviennent à presque à des niveaux de contrôle dans les sept jours; forte augmentation de l’azote uréique du sang un jour après l’exposition, avec un retour à des niveaux de contrôle sept jours après l’exposition; augmentation importante du poids relatif du foie sept jours après l’administration de la dose; incidence accrue de la nécrose du foie, avec un retour à la normale des observations histopathologiques dans les sept jours qui ont suivi l’exposition, et modification de l’expression des gènes jouant un rôle dans la biogenèse ribosomale, le métabolisme xénobiotique et lipidique, la réaction inflammatoire et le stress oxydatif jusqu’à deux semaines après le traitement.

En résumé, des données probantes limitées indiquent que la cylindrospermopsine peut agir en tant que substance toxique pour le développement in utero (par injection intrapéritonéale); toutefois, des effets chez les petits ont été observés à une dose supérieure à celle qui a entraîné une toxicité chez les mères (50 µg/kg p.c.); d’après les observations, la toxicité chez les mères s’est manifestée à des doses inférieures à 50 µg/kg p.c. de cylindrospermopsine. D’autres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les conséquences de la cylindrospermopsine sur le développement et la reproduction des animaux à la suite d’une exposition orale.

9.2.6 Toxicité chronique
9.2.6.1 Microcystines

Ueno et coll. (1999) ont évalué la toxicité de la MC-LR chez les souris soumises à une exposition chronique par l’intermédiaire de l’eau potable. Deux cents souris BALB/c femelles de six semaines ont été choisies au hasard pour ne recevoir aucun traitement ou pour recevoir de l’eau potable (à volonté)contenant 20 µg de MC-LR par litre, sept jours par semaine, au cours d’une période allant jusqu’à 18 mois; l’absorption cumulative moyenne de MC-LR pour cette période a été estimée à 35,5 mg par souris (doses quotidiennes non spécifiées par les auteurs). La MC-LR a été isolée à partir de matières lyophilisées de prolifération cyanobactérienne prélevées dans le lac Suwa à Nagano, au Japon, et sa pureté a été caractérisée à 95 % par CPLHP. À 3, 6 et 12 mois, 20 animaux de chaque groupe ont été sacrifiés, tandis que les 40 animaux restants ont été conservés à des fins d’évaluation de la toxicité chronique et sacrifiés à 18 mois. Aucun signe clinique de toxicité et aucune répercussion sur la survie, le poids corporel, la consommation d’aliments ou d’eau ou l’hématologie n’a été observé; cependant, les données relatives à l’hématologie obtenues après le sacrifice effectué à trois mois ont été perdues, car des erreurs ont été commises dans l’échantillonnage. Des rapports précisent que les souris traitées présentent une forte diminution de la phosphatase alcaline (PhoA) au 12e mois (13 %), ainsi qu’une hausse importante du cholestérol au 18e mois (22 %). En l’absence d’autres effets liés au traitement, les auteurs n’ont pas jugé ces effets importants sur le plan toxicologique. Malgré cela, l’augmentation du cholestérol pourrait être liée à l’interaction de la MC-LR avec le transport de l’acide biliaire dans le foie. Les auteurs n’ont observé aucune différence dans l’incidence de l’histopathologie du foie entre les souris traitées et les souris témoins. L’immunocytochimie du foie n’a révélé aucune accumulation de la MC-LR.

Ito et coll. (1997b) ont évalué la cancérogénicité et la toxicité hépatique des doses de MC-LR administrées par gavage chronique. Une prolifération aquatique provenant du lac Suwa, au Japon, a servi de source de MC-LR, qui a été isolée et dissoute dans de l’éthanol et de la saline afin d’être administrée. La pureté de la MC-LR isolée n’a pas été précisée. Vingt-deux souris ICR (âgées de 13 semaines) ont reçu 80 ou 100 doses de 80 µg de microcystines par kg p.c. administrées par gavage pendant une période de 28 semaines. Aucun changement dans le poids moyen du foie n’a été observé chez les animaux traités avec de la MC-LR par rapport aux animaux témoins. Les auteurs ont fait état de lésions « légères » aux hépatocytes près de la veine centrale chez 8 des 15 souris sacrifiées tout de suite après le traitement, et chez cinq des sept souris retirées du traitement pendant deux mois après l’exposition. Aucun changement fibreux ou nodule néoplasique n’a été observé. L’analyse de la MC-LR et de ses métabolites par immunocytochimie n’a pas permis de détecter le composé d’origine ou tout métabolite dans le foie des souris sacrifiées tout de suite après le traitement.

Falconer et coll. (1988) ont dirigé une expérience avec exposition chronique des souris albinos suisses à un extrait de prolifération aquatique de Microcystis aeruginosa. Une augmentation liée à la dose de la mortalité, une réduction du poids corporel et une augmentation en fonction de la concentration des niveaux d’ALT ont été observées parmi les groupes de souris auxquels des dilutions en série de l’extrait ont été administrées à titre d’eau potable pendant un an. Des preuves indiquent que l’incidence de la broncho-pneumonie était liée à la concentration de l’extrait. Aucune différence importante dans l’histopathologie du foie n’a été observée, même si les changements notés dans le foie étaient légèrement plus importants chez les animaux traités. Les données indiquent des différences dans la vulnérabilité en fonction du sexe; les souris mâles ont montré des effets (notamment une augmentation de la mortalité et des niveaux d’enzymes) à des concentrations plus faibles que pour les femelles.

X.X. Zhang et coll. (2010) ont administré de la MC-LR (produit offert sur le marché; pureté ≥ 95 %) à des souris C57Bl/6 mâles de huit semaines (dix par groupe de traitement) à une concentration de 0, 1, 40 ou 80 µg/L (indiqué en tant que 0, 0,2, 8,0 et 16,0 µg/kg p.c. par jour) dans l’eau potable pendant 180 jours. Une diminution importante (p < 0,01) du poids corporel, accompagnée d’une augmentation du poids relatif du foie, a été observée à des doses de 8,0 et de 16,0 µg/kg p.c. par jour (données non fournies). L’histopathologie a révélé une infiltration de lymphocytes et une dégénérescence des lipides dans le foie des souris traitées avec 8,0 et 16,0 µg/kg p.c. par jour, mais les données sur l’incidence et la gravité n’ont pas été fournies. On a constaté une forte augmentation dans la région dans laquelle la coloration positive révèle la présence de la métalloprotéinase matricielle 9 (MMP9) dans tous les groupes de traitement, et de la MMP2 à 8,0 et 16 µg/kg p.c. par jour. Les concentrations de la protéine MMP9 ont également augmenté à toutes les doses, mais la concentration de la protéine MMP2 a beaucoup augmenté dans le groupe exposé à la dose élevée uniquement. L’expression de l’ARN messager pour les deux protéines MMP a subi une hausse considérable dans les groupes exposés à la dose moyenne et élevée. La MC-LR a également provoqué l’augmentation de la phosphorylation des protéines kinases activées par les mitogènes et des kinases 1/2 et p38 régulées par un signal extracellulaire. Cette étude a permis d’établir une LOAEL de 8,0 μg/kg p.c. par jour associée à une diminution du poids corporel et à une augmentation du poids relatif du foie.

Zhang et coll. (2013) ont administré de la MC-LR (produit offert sur le marché; pureté ≥ 95 %) à des souris C57Bl/6 mâles de huit semaines (dix par groupe de traitement) par l’intermédiaire de l’eau potable à une concentration de 0, 1, 40 ou 80 µg/L pendant 270 jours. L’histopathologie a révélé une infiltration des lymphocytes et une dégénérescence des lipides dans le foie des souris (doses non précisées). L’expression de la MMP et les niveaux de protéines pour la MMP2 et la MMP9 ont considérablement augmenté dans tous les groupes de doses. Les niveaux de l’ARN messager ont augmenté dans tous les groupes de doses concernant la MMP2 et dans les groupes exposés à la dose moyenne et élevée concernant la MMP9. Les changements dans l’expression de la MMP et les niveaux de protéines n’ont pas été jugés néfastes.

En résumé, les études existantes sur la toxicité chronique fournissent divers résultats obtenus d’après différents scénarios d’exposition à la MC-LR. Une exposition par gavage oral à 80 µg/kg p.c. par jour sur une période de 28 semaines a entraîné des lésions hépatocytaires modérées chez les souris; aucune toxicité hépatique ou autre toxicité n’a été observée chez les souris femelles ayant reçu 20 µg/L dans l’eau potable sur une période plus longue (18 mois). Les souris mâles auxquelles on a administré 8,0 et 16,0 µg de MC-LR par kg p.c. par jour dans de l’eau potable pendant 180 jours, ont révélé des lésions hépatocytaires modérées et une augmentation du poids relatif du foie (accompagnée d’une diminution du poids corporel); cependant, la pertinence des effets histopathologiques dans le foie ne peut être vérifiée, car les rapports ne fournissent pas de données sur l’incidence et la gravité.

9.2.7 Cancérogénicité
9.2.7.1 Microcystines

Falconer et Buckley (1989) et Falconer (1991) ont fourni des données sur l’accélération de la formation de tumeurs de la peau provoquée par l’espèce Microcystis. L’extrait a été administré avec de l’eau potable à une concentration de 40 µg de microcystines/mL aux souris prétraitées par application topique avec une dose de départ de diméthylbenzanthracène (DMBA). Après 52 jours, le poids total relatif à la tumeur cutanée chez les souris exposées à un extrait de Microcystis était largement supérieur à celui des souris ne recevant que de l’eau après le début de l’expérience. Le nombre de tumeurs par souris n’a que très légèrement augmenté chez les souris auxquelles on administre l’extrait; la différence dans le poids était largement due au poids des tumeurs individuelles (Falconer et Buckley, 1989). Le poids total des tumeurs dans ce groupe a également dépassé celui des souris prétraitées avec du diméthylbenzanthracène, et qui sont ensuite traitées par l’application topique d’huile de croton, avec ou sans consommation concomitante d’un extrait de Microcystis. Les détails liés à l’incidence de la tumeur chez les souris n’ont pas été fournis par les auteurs.

L’ajout d’un extrait de Microcystis à l’eau potable (0, 10 ou 40 µg/mL) administrée à des souris prétraitées avec deux doses orales de N-méthyl-N-nitrosourée n’a entraîné aucun signe de l’accélération de la formation de lymphoïdes ou d’adénomes duodénaux, et aucune tumeur hépatique primaire (Falconer et Humpage, 1996).

Humpage et coll. (2000) ont administré un extrait de M. aeruginosa dans l’eau potable administrée à des souris prétraitées avec de l’azoxyméthane. La teneur en microcystines dans l’eau potable a été mesurée par un essai biologique dirigé avec des souris, une technique de CPLHP, une électrophorèse capillaire et une inhibition de la protéine phosphatase. Les doses estimées de microcystines totales étaient de 0, 382 et 693 µg/kg p.c. par jour à mi-chemin pendant l’essai. Les souris ont été sacrifiées à des intervalles allant jusqu’à 31 semaines après le début de l’exposition à l’extrait. Une analyse des enzymes a révélé une augmentation liée à la concentration de la PhoA et une diminution de l’albumine chez les souris traitées avec l’extrait. Une augmentation en fonction de la dose dans la région moyenne des foyers de cryptes aberrantes dans le côlon a été observée, même si le nombre de foyers par côlon et le nombre de cryptes par foyer ne différaient pas entre les groupes. Selon les auteurs, la prolifération cellulaire accrue a entraîné une augmentation de la taille des foyers. Les foies de souris traitées avec l’extrait ont révélé une infiltration plus importante des leucocytes chez les animaux traités avec la concentration la plus élevée de l’extrait par rapport à ceux ayant reçu une faible concentration.

Le CIRC (2010) a classé la MC-LR comme étant possiblement carcinogène pour les humains, d’après des données probantes inadéquates sur la cancérogénicité chez les animaux et les humains, mais d’après des données suffisantes sur l’accélération de la formation de tumeurs chez les animaux. Le CIRC (2010) a résumé des études portant sur les rats et les souris auxquels la MC-LR ou des microcystines, administrées par injection intrapéritonéale, ont renforcé les lésions prénéoplasiques dans le foie. Dans une étude limitée réalisée avec des souris mâles (Ito et coll., 1997b), des injections intrapéritonéales répétées de MC-LR ont entraîné la formation de foyers hépatiques, qui étaient probablement des tumeurs bénignes. Dans le cadre de trois expériences effectuées sur des rats mâles avec de la N-nitrosodiéthylamine (Nishiwaki-Matsushima et coll., 1992; Ohta et coll., 1994; Sekijima et coll., 1999) et d’une expérience sur des rats mâles menée avec de l’aflatoxine B1 (Sekijima et coll., 1999), de multiples injections intrapéritonéales de MC-LR ont rehaussé l’incidence des foyers hépatiques positifs de glutathion-S-transférase de forme placentaire (GST-P), qui sont considérés comme des lésions prénéoplasiques.

En résumé, les microcystines administrées aux souris et aux rats à la suite d’un traitement avec des initiateurs de tumeurs connus, ont démontré qu’elles agissaient en tant qu’agents promoteurs de tumeurs; lorsqu’elles ont été administrées sans prétraitement des initiateurs, aucune activité d’induction directe des tumeurs n’a été observée. D’autres recherches sont requises pour déterminer complètement le potentiel carcinogène des microcystines.

9.2.7.2 Anatoxine-a

Aucune étude portant sur la cancérogénicité de l’anatoxine-a n’a été recensée.

9.2.7.3 Cylindrospermopsine

L’activité de la cylindrospermopsine à l’origine de la tumeur a été testée in vivo chez les souris suisses mâles avec du 12-O-tetradécanoylphorbol 13-acétate (TPA) qui agit en tant qu’agent promoteur. Les souris ont reçu une dose de saline par gavage (27 souris) ou 500 mg/kg p.c. d’extrait salin de cellules lyophilisées de Cylindrospermopsis raciborskii (souche AWT 205) (34 souris) toutes les deux semaines pour trois doses. D’autres groupes ont reçu une dose unique de 1 500 mg d’extrait par kg p.c. (14 souris) ou deux doses de 1 500 mg d’extrait par kg p.c. à deux semaines d’intervalle (17 souris). La plupart des souris (70 %) du groupe recevant deux doses de 1 500 mg d’extrait par kg p.c. sont mortes dans la semaine qui a suivi la deuxième dose; cinq ont survécu et ont été utilisées pendant le reste de l’étude. D’après une teneur en cylindrospermopsine de 5,5 mg/g d’extrait, les doses en équivalents de microcystines dans les groupes exposés à 500 et à 1 500 mg d’extrait par kg p.c. étaient de 2,75 et de 8,25 mg/kg p.c., respectivement. Deux semaines après l’administration de la dose finale, les groupes exposés à la dose saline et à la dose de 500 mg d’extrait par kg p.c. ont été divisés en sous-groupes de 13 à 18 souris nourries avec des aliments liquides contenant du TPA dissout dans du diméthylsulfoxyde (DMSO), ou des aliments contenant du DMSO seul, pendant 24 heures, deux fois par semaine pendant 30 semaines. Toutes les souris des groupes exposés à 1 500 mg d’extrait par kg p.c. ont elles aussi été exposées à des aliments liquides contenant du TPA (aucune souris recevant une dose de 1 500 mg/kg p.c. n’a été exposée à des aliments contenant du DMSO seul). Des changements néoplasiques ont été observés chez cinq souris traitées avec de la cylindrospermopsine, mais chez aucune des 27 souris témoins, une différence qui n’était pas statistiquement significative. Les changements néoplasiques ne comportaient aucune tendance particulière, car ils se sont produits chez des animaux, des organes cibles et des groupes de traitement différents; les données probantes concernant la cancérogénicité sont donc équivoques (Falconer et Humpage, 2001). Marie et coll. (2010) ont étudié le potentiel carcinogène in vitro de la cylindrospermospine à l’aide d’un essai de transformation cellulaire portant sur des cellules embryonnaires de hamster de Syrie. De la cylindrospermopsine purifiée, fournie par l’Australian Water Quality Centre (pureté > 98 %; Adelaide, Australie) a été dissoute dans l’eau et appliquée aux cellules embryonnaires de hamster de Syrie à des concentrations allant de 1 × 10−8 à 1 × 10−3 µg/mL (première expérience) et de 1 × 10−10 à 1 × 10−6 µg/mL (deuxième expérience) pendant sept jours. Les résultats compilés des deux expériences indiquent une augmentation importante (p < 0,01) dans la transformation morphologique des cellules à des concentrations comprises entre 1 × 10−10 et 1 × 10−5 µg/mL. Dans le cadre de cette étude, le potentiel de transformation de la cylindrospermopsine a été détecté à des concentrations inférieures à celles qui se sont révélées génotoxiques in vitro. La transformation morphologique des cellules s’est produite à une concentration de 1 × 10−10 µg/mL, ce qui est révélateur d’un risque de cancérogénicité à de très faibles doses. D’après cette étude, les concentrations de cylindrospermopsine supérieures à 1 × 10−5 µg/mL n’ont pas provoqué de transformation des cellules, et la cylindrospermopsine n’est pas cytotoxique jusqu’à 0,01 µg/mL (l’une des concentrations utilisées dans un essai préliminaire visant à déterminer la cytotoxicité). Cela peut être dû au profil de biotransformation de la cylindrospermopsine qui est différent à des doses faibles et élevées.

Dans une autre étude, une forte diminution du cytochrome P450 hépatique des souris traitées (par injection intrapéritonéale) avec 0,2 mg/kg p.c. de cylindrospermopsine in vivo a pu être observée par rapport aux animaux témoins. Lorsque les concentrations de cylindrospermopsine sont élevées, la diminution des enzymes du cytochrome P450 peut réduire la production de métabolites actifs jouant un rôle dans la transformation cellulaire. Les auteurs ont conclu que l’activité de transformation des cellules révèle un potentiel carcinogène (Terao et coll., 1994).

Lankoff et coll. (2007) ont étudié le potentiel carcinogène de la cylindrospermopsine in vitro à l’aide de cellules ovariennes de hamsters chinois (CHO-K1) dans un essai portant sur l’aberration chromosomique pour évaluer les dommages à l’ADN. La cylindrospermopsine isolée de deux cultures de souche AWT 205 de C. raciborskii (Australian Water Technology Center) et de cultures de Thaïlande (étang d’élevage en Thaïlande) a été préparée dans une solution, et des cellules CHO-K1 ont été exposées à 0, 0,05, 0,1, 0,2, 0,5, 1 ou 2 µg/mL avec ou sans activation métabolique (fraction du surnageant d’homogénat de foie de rongeur après centrifugation à 9 000 × g, ou S9) pendant 3, 16 et 21 heures. Les résultats n’ont indiqué aucune influence importante sur la fréquence d’aberration chromosomique dans les cellules traitées avec de la cylindrospermopsine, avec ou sans activation métabolique S9, par rapport aux groupes témoins. Ni la cylindrospermopsine ni les métabolites induits par la fraction S9 n’étaient clastogènes dans les cellules CHO-K1. Toutefois, des diminutions importantes (p < 0,05) dans les fréquences liées aux indices mitotiques après diverses durées d’exposition ont été observées à des concentrations d’exposition de 0,1 µg/mL et plus. D’autre part, des augmentations importantes en fonction de la dose et de la durée (p < 0,05) concernant les fréquences des cellules apoptotiques (1 µg/mL et plus) et les cellules nécrotiques (0,5 µg/mL et plus) après 21 heures ont été observées par rapport aux animaux témoins. La présence d’activation métabolique influe sur la vulnérabilité à la mort des cellules nécrotiques, mais pas à la mort des cellules apoptotiques.

En résumé, les données ne conviennent pas pour déterminer le potentiel carcinogène de la cylindrospermopsine. On ne sait pas si la cylindrospermopsine agit en tant qu’initiateur; toutefois, des preuves indiquent qu’une transformation cellulaire s’est produite à la suite d’une exposition à de faibles concentrations de cylindrospermopsine, révélant ainsi son pouvoir cancérogène. D’autres recherches sont requises pour élucider davantage le potentiel carcinogène de la cylindrospermopsine.

9.2.8 Immunotoxicité
9.2.8.1 Microcystines

Les seules études disponibles portant sur l’immunotoxicité des microcystines sont des études sur l’exposition par injection intrapéritonéale. Bien qu’une injection intrapéritonéale ne soit pas considérée comme une voie d’exposition pertinente pour évaluer les risques découlant des produits chimiques dans l’eau potable, un résumé des résultats découlant de plusieurs études intrapéritonéales est proposé à des fins d’identification des dangers.

Des données probantes limitées concernant les animaux indiquent que l’exposition aux microcystines (isolées à partir d’extraits de proliférations aquatiques) par des injections uniques ou multiples à des doses comprises entre 4,97 et 50 μg de MC-LRéquiv. par kg p.c. peut modifier la fonction immunitaire par des effets sur la capacité phagocytaire, la prolifération de lymphocytes B, la réponse immunitaire humorale, les niveaux de globules blancs dans le plasma et les concentrations de cytokine et d’interférons (Shen et coll., 2003; Shi et coll., 2004; Yuan et coll., 2012). Le rapport de T. Chen et coll. (2004, 2005) indique une inhibition en fonction de la dose de la production d’oxyde nitreux dans les microphages activés, ainsi qu’une répression de la formation de cytokine au niveau de l’ARN messager, après une exposition à une dose de 1 à 1 000 nmol de MC-LR par litre. D’autres recherches sont requises pour élucider davantage l’immunotoxicité des microcystines après une exposition orale.

9.2.8.2 Anatoxine-a

Aucune étude portant sur l’immunotoxicité de l’anatoxine-a n’a été recensée.

9.2.8.3 Cylindrospermopsine

Aucun renseignement n’a été recensé concernant les effets de la cylindrospermopsine sur la fonction immunitaire, bien que les tissus du système immunitaire semblent être une cible d’exposition à court terme à des doses élevées.

Une nécrose massive des lymphocytes dans le thymus des souris ICR mâles a été observée après l’injection intrapéritonéale d’une dose unique de 0,2 mg/kg p.c. de cylindrospermopsine purifiée (pureté non indiquée) provenant d’une culture de cellules de Umezakia natans (Terao et coll., 1994).

Les effets observés chez les souris MF1 ayant reçu une dose unique par gavage d’une suspension de cellules lyophilisées de Cylindrospermopsis raciborskii, dose située dans la plage de doses létales comprises entre 4,4 et 8,3 mg/kg p.c., incluaient une atrophie des tissus lymphoïdes de la rate et du thymus (Seawright et coll., 1999).

On a observé une lymphophagocytose dans la rate des souris Quackenbush exposées à un extrait acellulaire de cellules lyophilisées et soumises à l’ultrason de C. raciborskii par gavage à une dose non létale de 0,05 mg/kg p.c. par jour pendant 14 jours. On a jugé que ces effets constituaient des réactions normales du système immunitaire par rapport au stress découlant d’une grave intoxication (Shaw et coll., 2000, 2001).

9.2.9 Effets hématologiques
9.2.9.1 Microcystines

Plusieurs études ont fait état de l’apparition d’une thrombocytopénie chez des animaux de laboratoire traités avec des microcystines ou des extraits de prolifération qui, selon certains rapports, contiennent des microcystines (Slatkin et coll., 1983; Adams et coll., 1985, 1988; Takahashi et coll., 1995). Les premières enquêtes ont cherché à déterminer si les microcystines avaient un effet direct sur les plaquettes et si ces plaquettes pouvaient être à l’origine du thrombus pulmonaire (Slatkin et coll., 1983; Jones, 1984). Cependant, des études in vitro ont montré que la MC-LR ne provoquait pas et n’empêchait pas non plus l’agrégation de palettes (Adams et coll., 1985). Un thrombus pulmonaire est apparemment composé d’hépatocytes nécrotiques qui circulent dans le sang. Des renseignements plus récents appuient l’hypothèse selon laquelle les effets hématologiques observés chez les animaux soumis à une exposition aiguë aux microcystines sont des effets secondaires d’une hémorragie du foie (Takahashi et coll., 1995).

9.2.9.2 Cylindrospermopsine

Reisner et coll. (2004) ont déclaré des augmentations importantes de l’hématrocite et des acanthocytes (globules rouges anormaux caractérisés par une membrane externe enrichie) chez des souris ICR mâles de quatre semaines à la suite d’une exposition à de la cylindrospermospine purifiée à partir du genre Aphanizomenon ovcollisporum (isolée du lac de Kinneret, en Israël, au cours d’une prolifération en 1994) (voir la section 9.2.3.3 pour obtenir une description de l’étude). Après trois semaines, les taux d’hématocrites étaient fortement modifiés (p < 0,05) chez les animaux traités par rapport aux animaux témoins. Des globules rouges semblables aux acanthocytes ont été observés dans des échantillons sanguins prélevés à la fin de chaque semaine d’exposition, révélant ainsi une augmentation liée à la durée d’exposition des valeurs d’hématocrite. La teneur en cholestérol des membranes des globules rouges et du plasma était largement supérieure (p < 0,05) chez les animaux traités par rapport aux témoins après trois semaines d’exposition; les niveaux de cholestérol dans le foie étaient bien moins importants (p < 0,05) chez les animaux traités que chez les animaux témoins.

En étudiant les effets potentiels de la cylindrospermopsine chez les souris après 42 semaines d’exposition par l’eau potable, Sukenik et coll. (2006) (voir la section 9.2.3.3 pour obtenir une description détaillée de l’étude) ont observé une augmentation importante (p < 0,05) des taux d’hématocrites chez les souris mâles et femelles après 16 semaines d’exposition par rapport aux témoins. Les changements notés dans le taux d’hématocrites étaient accompagnés d’une hausse du nombre d’acanthocytes dans le sang. À 20 semaines, de nombreux globules blancs étaient présents sous forme d’acanthocytes, et à 42 semaines, très peu de cellules normales étaient présentes dans les échantillons sanguins prélevés. La conversion des globules rouges en acanthocytes semble être liée à l’augmentation du cholestérol dans la membrane des globules rouges; ainsi, les auteurs ont mesuré la quantité de cholestérol dans cette membrane, dans le plasma et dans le foie de huit mâles et de huit femelles à 20 et 42 semaines. Le cholestérol a subi une forte augmentation dans la membrane des globules rouges, et une forte diminution dans le foie des mâles et des femelles à 42 semaines. À 20 semaines, on a observé une diminution importante du niveau de cholestérol dans le foie des mâles, ce qui n’est pas le cas pour les femelles. Le cholestérol dans le plasma n’a augmenté qu’à 42 semaines seulement et la différence n’était importante que pour les femelles. Les auteurs ont proposé une LOAEL de 20 µg/kg p.c. par jour pour les changements structurels des globules rouges à 20 semaines; la LOAEL établie s’applique également aux augmentations observées dans le poids relatif du foie (voir la section 9.2.3.3). Cependant, il convient de noter que la confiance relative à la LOAEL proposée est faible en raison de la conception de l’expérience (c.-à-d. changement de la dose au cours de l’expérience).

En résumé, une exposition à court et à long terme à la cylindrospermopsine a entraîné des changements structurels dans les globules rouges (acanthocytose), qui, d’après les observations, sont liés à un taux d’hématocrites accru. On a mis en avant le fait qu’une augmentation du rapport entre le cholestérol présent dans la membrane des globules rouges et les phospholipides peut être un facteur responsable de la formation d’acanthocytes. D’autres études portant sur le rôle de la cylindrospermospine dans la formation d’acanthocytes sont nécessaires pour mieux comprendre la manière dont la cylindrospermopsine influe sur la teneur en cholestérol de la membrane des globules rouges.

9.2.10  Mutagénicité et génotoxicité
9.2.10.1  Microcystines

Les données sur la mutagénicité et la génotoxicité des microcystines sont contradictoires. Puisque le cancer n’est pas considéré comme un paramètre clé préoccupant pour le calcul d’une valeur basée sur la santé (VBS) pour les microcystines dans l’eau potable, seul un résumé qualitatif des données probantes disponibles est fourni ci-dessous.

Soumis au test d’Ames, les extraits contenant des microcystines ont donné des résultats positifs (Ding et coll., 1999; Huang et coll., 2007b; Sieroslawska, 2013), tandis que des résultats négatifs ont été obtenus avec des extraits de Microcystis aeruginosa et de microcystine purifiée (Grabow et coll., 1982; Repavich et coll., 1990; Wu et coll., 2006). Des résultats positifs de génotoxicité ont été observés dans les lignées cellulaires des mammifères (Suzuki et coll., 1998; Zhan et coll., 2004; Žegura et coll., 2006, 2008a, 2008b, 2011; Nong et coll., 2007; D. Li et coll., 2011), mais des études in vivo sur des animaux ont produit des résultats contradictoires (Dong et coll., 2008; Gaudin et coll., 2008, 2009; Abramsson-Zetterberg et coll., 2010; X. Zhang et coll., 2011). Les preuves à l’appui des dommages à l’ADN provoqués par la MC-LR qui ont été établies par l’essai de Comet ont été remises en question après avoir découvert que l’apoptose peut mener à des résultats faux-positifs dans cet essai (Lankoff et coll., 2004). On dispose de certaines preuves appuyant l’effet clastogène de la MC-LR (Repavich et coll., 1990; Ding et coll., 1999; Zhan et coll., 2004; Lankoff et coll., 2006). Il a été découvert que l’activation métabolique faisait diminuer la mutagénicité de la MC-LR. Ces résultats non uniformes découlant des études de mutagénicité peuvent être dus aux différences dans l’absorption de la microcystine par les cellules ou dans le métabolisme de la MC-LR dans le système expérimental.

La fragmentation de l’ADN a fortement augmenté avec la présence de MC-LA et de MC-YR dans les neutrophiles des rats, mais pas dans les neutrophiles des humains (Kujbida et coll., 2008). D’après les observations, la MC-YR entraîne des dommages à l’ADN dans le sang (lymphocytes), le foie, les reins, les poumons, la rate et le cerveau des souris ayant reçu 10 µg de MC-YR par kg p.c. par injection intrapéritonéale tous les deux jours, pendant 30 jours (Filipič et coll., 2007). Lankoff et coll. (2003) ont montré qu’en raison de son effet sur les microtubules, la MC-LR endommage le fuseau achromatique, ce qui conduit à la formation de cellules polyploïdes.

Pour ce qui est de l’accélération de la formation de tumeurs, les données mécanistes indiquent qu’à de faibles doses, la MC-LR peut accroître la prolifération des cellules. Il a été montré que la MC-LR augmentait l’expression de la protéine Bcl-2 qui inhibe l’apoptose, et diminuait l’expression de la protéine Bax qui induit l’apoptose (Hu et coll., 2002; Lei et coll., 2006; Weng et coll., 2007; G. Li et coll., 2011); par ailleurs, elle régule à la hausse les facteurs de transcription c-fos et c-jun, conduisant ainsi à une prolifération anormale (Zhao et Zhu, 2003), inhibe la protéine phosphatase de type 2A, qui régule plusieurs protéines kinases activées par les mitogènes (Gehringer, 2004) et augmente la phosphorylation des protéines kinases activées dans le foie (X.X. Zhang et coll., 2010). La cascade MAPK régule la transcription des gènes requis pour la prolifération cellulaire, y compris les gènes c-jun et c-fos; en outre, on a avancé le fait que l’activation de la cascade MAPK inhibait l’apoptose et augmentait donc la prolifération cellulaire. Enfin, les rapports indiquent que la MC-LR accroît la phosphorylation de la protéine p53 (Gehringer et coll., 2004; Fu et coll., 2005; Hu et coll., 2008; Xing et coll., 2008; Žegura et coll., 2008a; G. Li et coll., 2011), qui joue un rôle dans la régulation du cycle cellulaire et l’apoptose.

9.2.10.2  Cylindrospermopsine

Puisque le cancer n’est pas considéré comme un paramètre clé préoccupant pour le calcul d’une valeur basée sur la santé (VBS) pour la cylindrospermopsine dans l’eau potable, seul un résumé des données disponibles sur la mutagénicité et la génotoxicité est fourni dans cette section.

Les études portant sur la génotoxicité in vitro et in vivo de la cylindrospermopsine sont relativement peu nombreuses. Des essais sur les cellules mutagènes et génotoxiques in vitro menés avec de la cylindrospermopsine ont donné des résultats variés, dont certains révèlent des dommages potentiels à l’ADN (Fessard et Bernard, 2003; Humpage et coll., 2005; Lankoff et coll., 2007; Bazin et coll., 2010; Straser et coll., 2011). Les modèles hépatocytaires et entérocytaires humains composés de cellules HepaRG et Caco-2 ont indiqué une augmentation des cellules multinucléées et binucléées, et des cellules micronucléées ont été observées dans une étude réalisée avec des cellules WIL-2NS lymphoblastoïdes humaines (Bazin et coll., 2010). L’essai de Comet a permis d’observer des cassures de l’ADN dans les hépatocytes primaires, ce qui indique que les ruptures de brins d’ADN pourraient constituer un mécanisme associé aux dommages cytogénétiques provoqués par la cylindrospermopsine (Humpage et coll., 2005). À la suite d’une exposition intrapéritonéale, des ruptures des brins d’ADN ont été observées dans le foie de souris BALB/c (Shen et coll., 2002), et une fixation par liaison covalente entre l’ADN et la cylindrospermopsine, ou un métabolite, s’est produite dans le foie des souris Quackenbush (Shaw et coll., 2000). Ces données sont néanmoins limitées et il n’existe aucun essai biologique à long terme portant sur la cylindrospermopsine purifiée. L’étude limitée réalisée par Falconer et Humpage (2001) sur l’initiation avec l’agent promoteur TPA n’a pas appuyé la classification de la cylindrospermopsine en tant qu’initiateur de tumeurs.

9.3 Mode d’action

9.3.1 Microcystines

Bien que le mode d’action des microcystines (MC-LR) n’ait pas été entièrement élucidé, certaines études mécanistes (y compris les enquêtes in vivo sur des animaux de laboratoire, des études in situ réalisées sur des systèmes d’organes isolés perfusés et des essais in vitro dans des préparations de cellules isolées) ont évalué les principaux phénomènes suivants : la raison associée à l’organe cible et à la spécificité des microcystines concernant le type de cellules, l’interaction avec les protéines phosphatases sérine-thréonine (c.-à-d. PP1 et PP2A) en tant que cible moléculaire des microcystines, le rôle des effets cytosquelettiques et l’importance du stress oxydatif et de l’apoptose en tant que mode d’action toxique.

9.3.1.1 Phénomène clé no 1 : absorption des microcystines par les polypeptides transporteurs d’anions organiques (OATP)

Les microcystines ne traversent pas les cellules de façon passive. Elles sont hépatotoxiques, car les hépatocytes expriment les OATP, ce qui facilite leur absorption. Des preuves liées à l’importance des OATP (connus également sous le nom de transporteurs de l’acide biliaire) dans la toxicité hépatique médiée par les microcystines ont été apportées par des études in vivo et in vitro menées avec des acides biliaires et des inhibiteurs du transport de l’acide biliaire (Runnegar et coll., 1981, 1993, 1995a; Runnegar et Falconer, 1982; Eriksson et coll., 1990a; Hermansky et coll., 1990a, 1990b, 1991). Fischer et coll. (2005) ont indiqué que l’OATP 1B2 chez les rats ainsi que l’OAPT 1B1 et l’OAPT 1B3 chez les humains sont responsables du transport de la MC-LR dans les hépatocytes; par ailleurs, l’OATP 1A2 a régulé le transport de la MC-LR à travers la barrière hémato-encéphalique.

D’après des rapports sur des études in vivo à la suite d’une injection intrapéritonéale chez des souris ou des rats mâles, les testicules sont un organe cible de la toxicité des microcystines (Kirpenko et coll., 1981; Ding et coll., 2006; Li et coll., 2008; Liu et coll., 2009; Y. Chen et coll., 2011; D. Li et coll., 2011; Wang et coll., 2012b); cependant, la manière dont la MC-LR pénètre dans les testicules n’est pas claire. Augustine et coll. (2005) ont fait état d’un défaut d’expression de l’OATP 1 au niveau de l’ARN messager (il a été confirmé que la famille des OATP facilitait l’absorption de la microcystine par les hépatocytes et son passage à travers la barrière hémato-encéphalique) dans les cellules de Sertoli isolées et l’ensemble des testicules. L’expression de l’OATP 2 et de l’OATP 3 au niveau de l’ARN messager était mesurable dans les cellules de Sertoli isolées et l’ensemble des testicules; toutefois, aucune donnée probante n’a été recensée pour indiquer si ces transporteurs transportaient activement la MC-LR à travers les membranes cellulaires. D’après certains rapports ultérieurs de Klaassen et Aleksunes (2010) et de Svoboda et coll. (2011), plusieurs OATP (1A4, 1A5, 2A1, 2B1, 3A1, 6A1, 6B1, 6C1 et 6D1) seraient actifs dans les testicules, bien qu’aucune étude déterminant leur contribution spécifique à la toxicité testiculaire des microcystines n’ait été trouvée. Zhou et coll. (2012) ont montré la présence de cinq OATP (1A5, 3A1, 6B1, 6C1 et 6D1) dans les spermatogonies des rats et ont confirmé que l’expression de tous les OATP identifiés, en particulier l’OATP 3A1, était déstabilisée par l’exposition à la MC-LR. En outre, par l’entremise d’une électrophorèse en gel avec transfert Western et grâce aux observations concernant la cytotoxicité, les auteurs ont pu prouver que la MC-LR pénétrait dans les spermatogonies. Wang et coll. (2012b) ont observé que la MC-LR n’était pas capable de pénétrer dans les cellules de Leydig et qu’elle n’induisait donc pas de cytotoxicité dans ces cellules. Étant donné l’absence de données probantes claires sur la manière dont la MC-LR est absorbée dans les testicules, d’autres études sont nécessaires pour élucider comment les effets sur les spermatozoïdes sont induits par la MC-LR et pour déterminer si ces effets sont provoqués par des doses orales inférieures à la NOAEL associée aux effets hépatiques.

Puisque les OATP responsables du transport des microcystines à travers les membranes cellulaires ont été détectés dans les hépatocytes humains, des effets hépatiques médiés par les microcystines peuvent se produire chez les humains. On n’a pas trouvé de preuves concernant ces OATP dans les testicules humains; ainsi, on ne sait pas exactement si l’absorption des microcystines par les testicules chez les humains est plausible sur le plan biologique. D’autres recherches sont requises pour mieux comprendre la façon dont la MC-LR influe sur la fonction de reproduction des mâles chez les animaux et si ces effets sont plausibles chez les humains.

9.3.1.2 Phénomène clé no 2 : inhibition de la protéine phosphatase sérine-thréonine

L’action toxique des microcystines est une conséquence de l’inhibition des protéines phosphatases sérine-thréonine cellulaires qu’elles entraînent, conduisant ainsi à une modification de l’homéostasie relative à la phosphorylation et influant sur les fonctions cellulaires et les structures qui sont contrôlées par des changements dans la phosphorylation. Les microcystines ont révélé qu’elles pouvaient inhiber fortement les activités des protéines phosphatases sérine-thréonine de type 1 et 2A (PP1 et PP2A) dans les hépatocytes (Eriksson et coll., 1990b; Matsushima et coll., 1990; Yoshizawa et coll., 1990; Runnegar et coll., 1991, 1999). Le mécanisme d’action dans la toxicité des microcystines est l’inhibition spécifique de la PP1 et de la PP2A dans le cytoplasme et le noyau, tel que l’ont révélé des études in vivo et in vitro (Honkanen et coll., 1990; MacKintosh et coll., 1990; Matsushima et coll., 1990; Yoshizawa et coll., 1990; Runnegar et coll., 1993, 1995b; Sim et Mudge, 1993; Leiers et coll., 2000; Xu et coll., 2000b; Becchetti et coll., 2002; Billam et coll., 2006, 2008; Jayaraj et Rao, 2006). Cette inhibition, ainsi qu’une perte de coordination entre la phosphorylation de la kinase et la déphosphorylation de la phosphatase, déstabilise le cytosquelette, provoquant alors une apoptose cellulaire et une nécrose, qui sont suivies d’une modification de la fonction cellulaire (Barford et coll., 1998). Ensemble, les kinases et les phosphatases cellulaires maintiennent l’équilibre entre la phosphorylation et la déphosphorylation des principales protéines cellulaires qui gouvernent les processus métaboliques, la régulation des gènes, le contrôle du cycle cellulaire, les processus de transport et de sécrétion, l’organisation du cytosquelette et l’adhérence de cellules.

On sait aussi que l’action concertée des protéines phosphatases et kinases qui régulent la phosphorylation du cytosquelette est importante pour la physiologie des spermatozoïdes. Dans une étude sur des échantillons humains prélevés pour déterminer la normozoospermie (spermatozoïdes motiles normaux) et l’asthénozoospermie (spermatozoïdes ayant une motilité réduite), Fardilha et coll. (2013) ont observé une diminution importante de la répartition cellulaire des sous-familles de la PP1 et de la PP2, corrélée avec la faible motilité observée dans les échantillons présentant une asthénozoospermie. La motilité progressive des spermatozoïdes dans les échantillons présentant une asthénozoospermie représentait environ 10 % de celle des spermatozoïdes normaux et le nombre de spermatozoïdes immobiles était environ deux fois celui des échantillons normaux. L’étude indique que l’inhibition des protéines phosphatases peut avoir un effet défavorable sur la motilité des spermatozoïdes, à condition que les microcystines atteignent cette cible après une administration orale. D’autres recherches sont requises pour déterminer si cette voie d’exposition peut avoir une incidence sur la motilité des spermatozoïdes chez les humains.

9.3.1.3 Phénomène clé no 3 : perturbation du cytosquelette

L’inhibition de la protéine phosphatase par les microcystines est liée aux changements dans la structure du cytosquelette et la morphologie des cellules (Eriksson et Golman, 1993). Les protéases à sérine-thréonine sont très importantes dans le maintien de l’intégrité du cytosquelette (Eriksson et coll., 1992a, 1992b) en raison de leur capacité à déphosphoryler les précurseurs de la phosphoprotéine jouant un rôle dans le cytosquelette. Les effets des microcystines sur le cytosquelette dans le foie ont été visuellement montrés dans plusieurs études dirigées à l’aide d’une microscopie à fluorescence, photonique et électronique (Runnegar et Falconer, 1986; Eriksson et coll., 1989; Hooser et coll., 1989, 1991b; Falconer et Yeung, 1992). Les changements ultrastructuraux observés chez les rats ayant reçu une dose létale de microcystines comprennent un élargissement des espaces intracellulaires, une séparation progressive intracellulaire suivie d’un arrondissement, d’un phénomène de boursouflure et d’une invagination des hépatocytes; ils comportent également une perte des microvillosités dans l’espace entre les hépatocytes et les sinusoïdes, ainsi qu’une rupture de l’endothélium, une hémorragie et une perte de l’architecture lobulaire (Hooser et coll., 1989).

Des changements histopathologiques semblables dans les testicules des rats ont été décrits par Chen et coll. (2013). L’administration de doses répétées par voie intrapéritonéale a entraîné un élargissement de l’espace entre les tubules séminifères, un rétrécissement cytoplasmique, une boursouflure de la membrane cellulaire, une tuméfaction des mitochondries et une déformation des noyaux. Les niveaux de transcription de la bêta-actine et de la bêta-tubuline avaient fortement diminué.

En tenant compte des similitudes dans la structure et la fonction de base des cellules entre les animaux de laboratoire et les humains, il est possible qu’une rupture du cytosquelette médiée par les microcystines, comme on a pu le constater dans le foie et les testicules des animaux, puisse aussi se produire chez les humains; néanmoins, d’autres recherches sont nécessaires pour déterminer toute plausibilité chez les humains.

9.3.1.4 Phénomène clé no 4 : apoptose et stress oxydatif

Les changements ultrastructuraux observés dans les hépatocytes à la suite d’une exposition aux microcystines laissent entendre que la mort des cellules est liée à l’apoptose et non à la nécrose. Ces changements incluent un rétrécissement des cellules (diminution du volume et augmentation de la densité), une condensation de la chromatine et une ségrégation des organites séparés par des anticorps apoptotiques sans doute liés aux dommages au cytosquelette dont il est question dans la section précédente (Boe et coll., 1991; Fladmark et coll., 1998; McDermott et coll., 1998; Ding et coll., 2000b; Mankiewicz et coll., 2001). Les effets des microcystines sur les voies de signalisation jouant un rôle dans une apoptose rapide sont appuyés par plusieurs études (Ding et coll., 1998a, 1998b, 2000b, 2001, 2002; Ding et Ong, 2003; Feng et coll., 2011; Huang et coll., 2011; Ji et coll., 2011).

Botha et coll. (2004) ont montré que l’apoptose et le stress oxydatif peuvent être induits dans les cellules non hépatiques par les microcystines. La MC-RR a modifié la concentration de plusieurs protéines associées à l’apoptose dans les cellules amniotiques épithéliales humaines FL (Fu et coll., 2009). Une fuite de la LDH et des indices apoptotiques accrus ont été observés dans la lignée cellulaire de carcinome de côlon humain (Caco-2) et dans les cellules MCF-7 (pauvre en pro-caspase-3). Ces changements étaient accompagnés d’une augmentation de la formation de peroxyde d’hydrogène et de l’activité de la calpaïne.

Y. Chen et coll. (2011) ont observé une augmentation de l’apoptose dans les cellules des testicules chez des souris mâles ayant reçu de faibles doses de MC-LR par voie orale. Wang et coll. (2013) ont indiqué une apoptose dans les testicules des souris ayant reçu 7,5 µg de MC-LR par kg p.c. et plus par injection intrapéritonéale; l’expression de l’ARN messager pour les protéines Bax, caspase-3 et caspase-8 n’était pas régulée et une hausse de la phosphorylation des protéines p53 et Bcl-2 a été mesurée. H. Zhang et coll. (2011) ont observé une apoptose des cellules de Sertoli de rats isolées qui ont été incubées avec 10 µg/mL de MC-LR pendant 24 heures. Des augmentations des protéines p53, Bax et caspase-3, ainsi qu’une diminution de la protéine Bcl-2, ont accompagné cela.

Le stress oxydatif peut jouer un rôle dans l’apparition de l’apoptose. Ding et coll. (2001) ont illustré la production de radicaux associés au superoxyde et au peroxyde d’hydrogène précédant la désorganisation des microfilaments et la cytotoxicité. On a pu constater que les niveaux de glutathion hépatocellulaires ont été affectés par les microcystines, et que l’administration de N-acétylcystéine offrait une protection contre les modifications cytosquelettiques (Ding et coll., 2000a). Une peroxydation lipidique a été observée deux heures après l’exposition dans le foie des souris mâles ayant reçu une injection intrapéritonéale unique de 55 µg de MC-LR par kg p.c. (Wei et coll., 2008). Les effets de la MC-LR sur les dérivés réactifs de l’oxygène (DRO) et les activités des enzymes ont indiqué que les lésions hépatiques induites par la MC-LR chez les souris commençaient avec la production de DRO, qui stimulait l’activation soutenue de la kinase N-terminal c-Jun ainsi que le facteur de transcription Ap-1 et la protéine Bid qui inhibe les membres de la famille Bcl-2; ces changements ont conduit à un dysfonctionnement des mitochondries, puis à une apoptose et à des lésions hépatiques oxydatives.

Une peroxydation lipidique a été induite dans les testicules de lapins mâles immatures à la suite d’une injection intrapéritonéale unique de 12,5 μg de MC-LRéquiv. par kg p.c. d’un extrait brut (Liu et coll., 2010). Parmi les indicateurs du stress oxydatif figurent également le peroxyde d’hydrogène, la catalase, la superoxyde dismutase, la glutathion peroxydase, la glutathion S-transférase et le glutathion.

En tenant compte des similitudes dans la structure et la fonction de base des cellules entre les animaux et les humains, il est possible qu’une apoptose médiée par la microcystine et un stress oxydatif, comme on a pu le constater dans le foie et les testicules des animaux, puisse aussi se produire chez les humains; néanmoins, d’autres recherches sont nécessaires pour déterminer toute plausibilité chez les humains.

9.3.2 Anatoxine-a

Le mode d’action de l’anatoxine-a n’est pas encore bien compris.Des études in vitro ont montré que la (+)-anatoxine-a imite l’action de l’acétylcholine au niveau des récepteurs nicotiniques neuromusculaires (Carmichael et coll., 1975, 1979; Biggs et Dryden, 1977; Aronstam et Witkop, 1981; Swanson et coll., 1986) et qu’elle est beaucoup plus puissante que l’acétylcholine et la nicotine en tant qu’agoniste (voir la section 9.2.4). L’anatoxine-a est devenue un agent très utile permettant d’étudier les récepteurs d’acétylcholine nicotinique, car elle résiste à l’hydrolyse enzymatique entraînée par l’acétylcholinestérase et parce qu’elle est 100 fois plus sélective pour les récepteurs d’acétylcholine nicotinique que pour les récepteurs d’acétylcholine muscarinique (Aronstam et Witkop, 1981). Lorsque l’acétylcholine est libérée à la jonction neuromusculaire des motoneurones, elle se lie aux molécules du récepteur de cellules musculaires constituées d’un site de liaison neuromusculaire et d’un canal ionique, ce qui déclenche des courants ioniques qui induisent une contraction des cellules musculaires. L’acétylcholinestérase extracellulaire agit sur l’acétylcholine en dégradant le neurotransmetteur pour empêcher la surstimulation des cellules musculaires. Étant donné que l’anatoxine-a n’est pas dégradée par la cholinestérase ou toute autre enzyme cellulaire, les cellules musculaires continuent d’être stimulées, entraînant ainsi une contraction musculaire, une fatigue et une paralysie. Une surstimulation importante des muscles respiratoires peut entraîner un arrêt respiratoire et une mort rapide, comme on a pu l’observer dans des études sur la létalité aiguë chez les animaux (Carmichael et coll., 1975, 1977; Devlin et coll., 1977; Stevens et Krieger, 1991b).

L’anatoxine-a agit également en tant qu’agoniste cholinergique nicotinique au niveau des récepteurs dans le système cardiovasculaire des rats, ce qui entraîne une hausse de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque (Sirén et Feuerstein, 1990; Adeyemo et Sirén, 1992; Dube et coll., 1996), ainsi que dans les neurones du cerveau des rats et des humains (Zhang et coll., 1987; Thomas et coll., 1993; Durany et coll., 1999). L’anatoxine-a est un agoniste puissant issu de la réaction de sécrétion des cellules chromaffines surrénales des bovins, sans doute par activation du récepteur nicotinique de type neuronal (Molloy et coll., 1995).

L’anatoxine est capable de déclencher la libération des neurotransmetteurs à partir des terminaux neuromusculaires présynaptiques et des terminaux des cellules du cerveau. Plusieurs études (Rowell et Wonnacott, 1990; Gordon et coll., 1992; Soliakov et coll., 1995; Clarke et Reuben, 1996; Wonnacott et coll., 2000) indiquent que l’anatoxine-a peut se lier aux récepteurs nicotiniques présynaptiques pour déclencher la libération du neurotransmetteur. Une libération accrue des neurotransmetteurs pourrait contribuer à une augmentation de la stimulation des récepteurs postsynaptiques.

9.3.3 Cylindrospermopsine

D’après les études disponibles, le foie, les reins et les globules rouges semblent être des cibles importantes de la toxicité de la cylindrospermopsine; toutefois, le mode d’action de la toxicité médiée par la cylindrospermopsine n’est pas encore bien compris.

Le mécanisme de la toxicité hépatique n’est pas complètement caractérisé, mais il implique l’inhibition de la synthèse des protéines (Terao et coll., 1994; Froscio et coll., 2003). Des preuves indiquent que les inhibiteurs du cytochrome P450 à large spectre ne font pas diminuer l’inhibition de la synthèse des protéines, ce qui laisse croire qu’elle est médiée par le composé d’origine (Froscio et coll., 2003). Cependant, l’hépatoxicité se produisant à des niveaux plus élevés d’exposition à la cylindrospermopsine semble dépendre du cytochrome P450, ce qui indique que les métabolites et d’autres mécanismes ont un rôle à jouer (Norris et coll., 2002; Froscio et coll., 2003; Humpage et coll., 2005). Un prétraitement réalisé avec l’inhibiteur du cytochrome P450 (alpha-naphthoflavone) a fourni une protection partielle contre la cytotoxicité et la diminution de la concentration de glutathion cellulaire; on peut donc en conclure que le rôle que joue le système enzymatique du cytochrome P450 dans le métabolisme de la cylindrospermopsine pourrait être plus actif que le composé d’origine dans l’inhibition de la synthèse du glutathion (Runnegar et coll., 1995c). Le fait d’avoir constaté que l’hépatoxicité du foie est principalement induite dans la région périacineuse du foie propice au déroulement d’un métabolisme xénobiotique catalysé par le cytochrome P450, appuie davantage le rôle que joue le cytochrome P450 dans l’hépatoxicité de la cylindrospermopsine (Shaw et coll., 2000, 2001). On a noté que la cylindrospermopsine appauvrissait le glutathion hépatique des souris in vivo (Norris et coll., 2002) et qu’elle faisait diminuer les niveaux de glutathion et la synthèse du glutathion et des protéines dans les cultures d’hépatocytes des rats (Runnegar et coll., 1994, 1995c, 2002). L’inhibition de la synthèse du glutathion constituait le mécanisme prédominant de la réduction du glutathion; d’autres mécanismes (p. ex. augmentation de la consommation du glutathion, formation accrue de glutathion oxydé, expulsion plus importante du glutathion, formes cachées de glutathion, disponibilité réduite du précurseur du glutathion et diminution de l’adénosine triphosphate cellulaire) ont été écartés (Runnegar et coll., 1995c). Une diminution de la concentration de glutathion a été observée à des concentrations non toxiques de cylindrospermopsine, avant l’apparition d’une toxicité perceptible à des concentrations plus élevées (Runnegar et coll., 1994).

Aucune étude portant spécifiquement sur l’inhibition de la synthèse des protéines dans les reins n’était disponible, bien que les résultats de l’étude de 11 semaines sur la toxicité orale chez les souris (Humpage et Falconer, 2003) soient révélateurs d’une inhibition de la synthèse des protéines. Les effets observés dans cette étude comprenaient une diminution des protéines urinaires et, à une dose plus élevée, des lésions au tubule proximal des reins; néanmoins, la pertinence biologique de ces effets nécessite une étude plus poussée. Des mécanismes potentiels concernant une réduction des protéines urinaires incluent une diminution de la filtration glomérulaire (p. ex. charge filtrée) des protéines, une augmentation de la résorption des protéines filtrées et une baisse de la sécrétion des protéines néphrogéniques. Une filtration glomérulaire réduite des protéines (p. ex. µg de protéines par jour) pourrait découler d’une baisse de la concentration des protéines sériques ou d’une diminution du taux de filtration glomérulaire. Les protéines sériques prédominantes dans l’urine des animaux en bonne santé (p. ex. souris, rats et humains) sont l’albumine (environ 50 % des protéines sériques dans l’urine). Dans l’étude dirigée par Humpage et Falconer (2003), la concentration d’albumine sérique a augmenté chez les souris exposées à la cylindrospermopsine et il a été indiqué que la créatinine sérique (un marqueur du taux de filtration glomérulaire), qui a été mesurée, mais pas abordée dans les résultats, demeurait inchangée. Par conséquent, il est peu probable que la cylindrospermopsine ait fait diminuer le taux de filtration glomérulaire des protéines sériques (si un changement devait se produire, il s’agirait probablement d’une augmentation du taux de filtration de l’albumine). En outre, les protéines sériques représentent généralement 15 % environ des protéines urinaires totales (Pesce et First, 1979), tandis que la diminution de l’excrétion urinaire des protéines observée dans Humpage et Falconer (2003) était beaucoup plus importante (environ 50 %), ce qui indique que la diminution des protéines urinaires n’est pas seulement le résultat d’une baisse de l’excrétion (p. ex. filtration cellulaire) des protéines sériques.

Humpage et Falconer (2003) ne proposent aucun renseignement qui permettrait une évaluation de la résorption tubulaire des protéines filtrées (p. ex. clairance du plasma dans l’urine des protéines, excrétion des protéines à faible masse moléculaire telles que la β2-microglobuline ou la protéine de liaison de la rétine).

En l’absence d’une diminution de la filtration ou d’une augmentation des résorptions des protéines sériques filtrées, la forte réduction des protéines urinaires (c.-à-d. environ 50 %) peut vouloir dire une excrétion réduite de la protéine Tamm-Horsfal, la protéine mammifère prédominante dans l’urine. La protéine Tamm-Horsfal est synthétisée exclusivement dans l’épaisse branche ascendante de l’anse de Henlé. Un changement soutenu dans l’excrétion de cette protéine refléterait probablement un changement fonctionnel dans cette région du néphron. Des augmentations et des diminutions de la Tamm-Horsfal ont été constatées en association avec diverses maladies rénales et en association avec des traitements expérimentaux qui induisent une hypertrophie de l’épaisse branche ascendante de l’anse de Henlé, y compris une diminution des protéines alimentaires (Bachmann et coll., 1991). La diminution de la masse volumique urinaire chez les animaux exposés à la cylindrospermopsine dans l’étude dirigée par Humpage et Falconer (2003) peut être révélatrice d’une diminution de la capacité de concentration de l’urine; elle peut aussi être liée à un dérèglement de la fonction de l’épaisse branche ascendante de l’anse de Henlé (p. ex. la perturbation de l’activité de transport dans cette région du néphron gêne la capacité de concentration de l’urine) ou à une diminution de la synthèse de la protéine Tamm-Horsfal. Des dommages au tubule proximal des reins (type et gravité des lésions non indiqués) ont également été rapportés par Humpage et Falconer (2003) à la dose élevée et, lorsqu’ils sont pris en compte en même temps qu’une diminution de l’excrétion des protéines à des doses plus faibles, ils laissent entendre une progression de la gravité en fonction de la dose.

Il a également été indiqué que l’exposition de la cylindrospermopsine perturbait fortement (c.-à-d. augmentait) les niveaux d’hématocrites des souris en raison de la formation d’acanthocytes (globules rouges anormaux) (Reisner et coll., 2004; Sukenik et coll., 2006). Des études portant sur des humains et des rats (McBride et Jacob, 1970; Ulibarrena et coll., 1994; Gallagher et Forget, 2001) indiquent que la formation d’acanthocytes découle des changements dans la teneur en lipides de la membrane des globules rouges, ce qui entraîne une augmentation du rapport entre le cholestérol présent dans la membrane et la teneur en phospholipides (Williams et coll., 1990). La formation d’acanthocytes semble être secondaire aux changements dans les lipoprotéines du plasma, ainsi qu’à l’activité réduite de la lécithine-cholestérol acyltransférase (LCAT), l’enzyme qui régule le transfert du cholestérol entre la membrane des globules rouges et le plasma. La LCAT dans le plasma catalyse la disparition du cholestérol présent dans la membrane des globules rouges; par conséquent, en l’absence de LCAT, une accumulation nette de cholestérol libre dans la membrane des globules rouges se produit (Hochgraf et coll., 1997). Bien qu’il manque des preuves directes concernant le rôle de la LCAT dans la réaction physiologique à la cylindrospermopsine, il a été indiqué que de graves insuffisances hépatiques ou rénales inactivent la LCAT (Cooper et Jandl, 1968; Gillet et coll., 2001). D’autres études sur le rôle de la cylindrospermopsine et la formation d’acanthocytes sont nécessaires pour déduire davantage le mode d’action des effets médiés par la cylindrospermopsine sur les globules rouges.

9.4 Équivalence toxique

9.4.1 Microcystines

D’après les observations, la MC-LR est l’une des plus puissantes variantes de microcystines, avec des DL50 intrapéritonéales déclarées les plus faibles variant de 50 à 60 μg/kg p.c. (Chorus et Bartram, 1999). Des essais comparatifs limités de l’inhibition de la protéine phosphatase in vitro (CI50) pour la MC-LR, la MC-RR et la MC-YR ont donné des CI50 de 1,6, 3,4 et 1,4 nmol/L, respectivement (Yoshizawa et coll., 1990); des résultats comparables issus d’autres études (Hoeger et coll., 2007; Monks et coll., 2007; Fischer et coll., 2010; Vesterkvist et coll., 2012) indiquent que les variantes de microcystines peuvent être relativement semblables pour ce qui est du pouvoir d’inhibition des protéines, malgré des différences dans leurs acides aminés variables. Des différences pharmacocinétiques entre les diverses variantes peuvent être, au minimum, en partie responsable des écarts observés dans le pouvoir létal (Ito et coll., 2002; Fischer et coll., 2010; Buratti et Testai, 2015). D’après les observations, les variantes de microcystines ayant des caractéristiques hydrophobiques différentes interagissent différemment avec les couches monomoléculaires des lipides (Vesterkvist et Meriluoto, 2003), et les effets sur la fluidité de la membrane peuvent aussi modifier l’absorption cellulaire de ces toxines.

Wolf et Frank (2002) ont proposé des facteurs d’équivalence toxique (FET) pour la MC‑LR, la MC-LA, la MC-YR et la MC-RR d’après des DL50 obtenues à la suite d’une administration intrapéritonéale. En utilisant la MC-LR en tant que composé indice (FET = 1,0), les auteurs ont proposé des TEF de 1,0 pour la MC-LA et la MC-YR, et de 0,1 pour la MC-RR. Les TEF calculés à partir des DL50 intrapéritonéales peuvent servir d’indicateurs de la toxicité relative; toutefois, ils ne sont pas appropriés pour calculer des VBS, étant donné que les différences dans la lipophilie et la polarité des variantes peuvent conduire à une absorption variable avec une voie d’exposition orale. En outre, les différences entre les renseignements sur la DL50 et les données sur la CI50 (tel qu’il est indiqué ci-dessus) réduisent la confiance relative aux FET calculés à partir de la DL50.

Guptaet coll. (2003) ont évalué la toxicité comparative de trois variantes les plus prédominantes (MC-LR, MC-RR et MC-YR) chez les souris. Les souris ont reçu une DL50 unique de 43, 235,4 et 110,6 mg/kg p.c. pour la MC-LR, la MC-RR et la MC-YR, respectivement, et des variables biochimiques et histologiques ont été établies 30 minutes après le traitement et à une durée moyenne avant le décès (temps jusqu’à la mort exprimé en tant que moyenne en raison de la variabilité liée à la durée jusqu’au décès des animaux de laboratoire). Une augmentation importante de l’indice du poids corporel du foie a été induite par toutes les variantes. Les niveaux sériques d’AST, d’ALT et de GGT ont beaucoup augmenté par rapport aux animaux témoins, dès 30 minutes après l’exposition pour toutes les variantes; ils ont été renforcés (de trois à quatre fois) à la durée moyenne avant le décès. Un écoulement plus important de LDH, une fragmentation de l’ADN et la disparition du glutathion hépatique ont aussi été observés 30 minutes après le traitement pour toutes les variantes. Aucun changement dans les niveaux de protéines sériques, l’albumine ou le rapport albumine/globuline n’a été observé. L’histologie hépatique a révélé de graves lésions pathologiques en fonction de la durée, comme la congestion, l’hémorragie, l’infiltration portale des cellules mononucléaires et une oblitération des matières issues des cellules chromaffines. Les lésions pulmonaires étaient principalement observées dans les bronches et le parenchyme. Bien que les lésions étaient qualitativement identiques pour les trois variantes de microcystine, le degré de lésions du foie et des poumons variaient sur le plan quantitatif entre les variantes. Une tendance de respiration et une fréquence respiratoire uniformes ont été observées chez les souris jusqu’à 90 minutes à la suite d’une administration intrapéritonéale de la toxine; toutefois, après 90 minutes, un changement brutal dans la tendance respiratoire a été observé, suivi d’une mort instantanée. D’après les observations biochimiques et histologiques, les auteurs ont conclu que la MC-LR était la variante la plus puissante; elle est suivie de la MC-YR et de la MC-RR.

10.0 Classification et évaluation

10.1 Microcystines

La majorité des données toxicologiques sur les effets des microcystines concernent la MC-LR. Une seule étude insuffisamment décrite, indiquée en tant que seconde source uniquement, porte sur la MC-LA, et les données relatives à la MC-YR et à la MC-RR sont limitées aux DL50 et aux mesures de l’inhibition relative des protéines phosphatases après une administration intrapéritonéale. Des TEF ont été proposés pour la MC-LR, la MC-LA, la MC-YR et la MC‑RR d’après des DL50 obtenues après une administration intrapéritonéale; toutefois, ces valeurs servent d’indicateurs de la toxicité relative uniquement. Ainsi, on ne dispose pas de données appropriées pour déterminer des VBS concernant toute variante de microcystine en dehors de la MC‑LR.

Les données épidémiologiques humaines sur la toxicité orale des microcystines sont limitées par le manque d’information quantitative sur l’exposition, et par la coexposition potentielle à d’autres types de toxines cyanobactériennes et microcystines. Des rapports isolés portant sur l’exposition à des proliférations cyanobactériennes à la suite d’un contact récréatif ou par l’eau potable citent de nombreux symptômes, notamment des maux de tête, une faiblesse musculaire, une irritation des yeux, des oreilles et de la gorge, des nausées, des maux d’estomac et des diarrhées. D’autres études épidémiologiques ont indiqué une association entre la consommation d’eau potable contenant des cyanobactéries et des microcystines et le cancer du foie ou du côlon dans certaines régions de Chine; toutefois, des expositions individuelles aux microcystines ont été estimées et on ne sait pas exactement si ces études ont contrôlé de façon adéquate les facteurs de confusion connus pour le cancer du foie, tels que l’infection par le virus de l’hépatite ou une exposition à l’aflatoxine. En conséquence, aucune étude épidémiologique adéquate ne peut servir de base au calcul d’une concentration maximale acceptable (CMA) concernant les microcystines totales dans l’eau potable.

Les données probantes relatives à la génotoxicité et à la mutagénicité sont contradictoires, et laissent croire à des conséquences sur l’ADN par l’intermédiaire des espèces réactives de l’oxygène et du stress oxydatif; les mécanismes par lesquels la MC-LR induit des dommages à l’ADN et le cancer, toutefois, ne sont pas bien compris et doivent être éclaircis. Les observations révèlent également que la MC-LR accélère la formation de tumeurs chez les animaux en présence d’initiateurs de tumeurs connus.

Les renseignements sur les populations potentiellement sensibles sont limités; cependant, le rôle de la glutathion S-transférase dans le métabolisme (désintoxication) des microcystines laisse croire à une sensibilité possible des individus avec des génotypes GST nul. Chez les animaux de laboratoire, aucun effet sur le foie n’a été observé à la suite d’une exposition aiguë à des concentrations élevées de MC-LR (≥ 500 µg/kg, dose jugée létale pour les adultes) ou des effets très réduits chez les animaux juvéniles (âgés de cinq à six semaines) par rapport aux adultes; des différences dépendant de l’âge dans la toxicité ont été observées après une exposition orale et intrapéritonéale, ce qui porte à croire que les différences dans l’absorption gastro-intestinale n’étaient pas entièrement responsables de l’effet de l’âge. Les données disponibles sur la toxicité pour le développement chez les animaux indiquent qu’une exposition orale répétée des souris gravides à une dose atteignant 600 µg/kg de microcystine n’a entraîné aucune preuve d’effets sur la toxicité pour le développement (poids corporel fœtal, ossification du squelette, résorptions, taille de la portée, anomalies externes, viscérales ou squelettiques); de même, aucune différence dans le nombre de portées, le nombre de petits par portée, le rapport de masculinité ou le poids de la portée n’a été observée chez les petits nés de souris mâles et femelles exposés à 14 µg/ml (environ 2 700 μg/kg p.c.) de toxine provenant d’un extrait de M. aeruginosa, du sevrage (pendant 17 semaines avant l’accouplement) jusqu’à l’accouplement.

Il n’a pas été établi si les petits des animaux sont plus ou moins sensibles à la MC-LR à la suite d’une exposition directe par voie orale; c’est pourquoi d’autres recherches sont nécessaires pour pallier ce manque de données. De plus, il est difficile de déterminer si les différences liées à l’âge observées chez les animaux sont plausibles chez les humains. Le foie est le principal organe cible des microcystines, car les hépatocytes font partie des seuls types de cellules dans le corps qui absorbent activement ces toxines. Des dommages importants au foie ont été observés chez des patients en dialyse exposés à de l’eau non traitée contenant une concentration estimée de 19,5 µg/L de toxines cyanobactériennes (microcystines et cylindrospermopsine) dans le dialysat. Heinze (1999) a indiqué que l’exposition orale des rats à 50 µg/kg p.c. par jour de MC-LR sur 28 jours a entraîné une augmentation du poids du foie ainsi que des lésions légères à modérées avec des hémorragies. Fawell et coll. (1999a) ont fait état de lésions hépatiques modérées ainsi que d’une augmentation de l’ALT et de l’AST chez les souris mâles exposées par voie orale à 200 µg/kg p.c. par jour de MC-LR sur une période de 13 semaines; une NOAEL de 40 µg/kg p.c. par jour associée aux effets sur le foie a été établie par les auteurs de l’étude. Aucune toxicité hépatique n’a été observée chez les souris femelles exposées à 20 µg de MC-LR par litre d’eau potable (doses quotidiennes non spécifiées par les auteurs) pendant 18 mois (Ueno et coll., 1999). Des souris mâles exposées à 8 ou 16 µg/kg p.c. par jour de MC-LR dans l’eau potable pendant une période allant jusqu’à 270 jours ont présenté des lésions hépatocytaires modérées, une augmentation du poids relatif du foie et une diminution du poids corporel (X.X. Zhang et coll., 2010; Zhang et coll., 2012); cependant, ces études fournissent des données insuffisantes pour les analyses de la relation dose-effet.

Bien que le foie soit généralement considéré comme la cible la plus importante de la toxicité des microcystines, plus récemment, des données probantes sur l’impact de la MC-LR sur le système reproducteur mâle et le développement des spermatozoïdes ont été consignées après des expositions in vivo et in vitro. Plusieurs études intrapéritonéales et une étude sur l’eau potable dirigées par Y. Chen et coll. (2011) (beaucoup d’entre elles proviennent du même laboratoire de recherche) ont indiqué divers effets sur le système reproducteur mâle, notamment une diminution des poids relatifs et absolus des testicules et de l’épididyme, une réduction de la concentration, de la viabilité et de la motilité des spermatozoïdes, ainsi qu’une hausse des anomalies des spermatozoïdes, à la suite d’une exposition à la MC-LR. Aucune de ces études ne fournit de base adéquate pour l’établissement d’une VBS concernant les microcystines totales en raison du mode d’administration (injection intrapéritonéale) ou des faiblesses dans la conception expérimentale et la production de rapports. Ces résultats doivent être validés au moyen de recherches supplémentaires sur d’autres espèces d’animaux effectuées selon de bonnes pratiques de laboratoire avant que les effets sur la reproduction des mâles puissent, en toute confiance, servir de base pour l’élaboration d’une ligne directrice s’appliquant aux microcystines.

Au Canada, les données disponibles indiquent que l’exposition aux microcystines découlant des systèmes municipaux d’approvisionnement en eau potable traitée se produit généralement après une courte durée uniquement (< 30 jours), car les proliférations sont saisonnières et des protocoles sont en place pour faire face à tout dépassement, ce qui permet d’atténuer le potentiel de toute exposition à long terme. En outre, la présence signalée d’une toxicité hépatique à la suite d’une exposition à court terme à la MC-LR confirme que des effets nocifs sur le foie peuvent découler des expositions plus courtes; l’établissement d’une ligne directrice visant l’exposition à court terme est donc justifié pour les microcystines totales. L’étude réalisée par Heinze (1999) constitue la meilleure étude pouvant servir de base à l’établissement d’une limite à court terme s’appliquant aux microcystines totales étant donné la durée de l’étude (28 jours), le mode d’administration (exposition orale par l’eau potable), l’utilisation d’un nombre adéquat d’animaux et l’analyse des poids des organes (foie, reins, glandes surrénales, thymus et rate), de l’hématologie, de la biochimie sérique et de l’histopathologie du foie et des reins. Un apport quotidien tolérableNote de bas de page 2  découlant de cette étude peut être établie ainsi :

L'équation utilisée pour le calcul de l'apport quotidien tolérable (AQT) pour les microcystines.
L'équation 1 – description longue

L'apport quotidien tolérable pour les microcystines est d'environ 0,056 microgrammes par kilogramme de poids corporel par jour. Cette valeur a été calculée en divisant 50 microgrammes par kilogramme de poids corporel par jour par 900.

où :

  • 50 μg/kg p.c. par jour constitue la LOAEL associée à une augmentation du poids du foie et à des lésions hépatiques légères à modérées avec hémorragies observées chez les rats, comme l’indique Heinze (1999);
  • 900 représente le facteur d’incertitude : facteur de 10 pour la variabilité intraspécifique, facteur de 10 pour la variabilité entre les espèces, facteur de 3 pour les carences dans la base de données et facteur de 3 pour l’utilisation d’une LOAEL plutôt que d’une NOAEL.

À partir de cet AQT, on peut calculer la VBS pour les microcystines totales comme suit :

Long Description – Equation 1

The TDI for microcystins is approximately 0.056 micrograms per kilogram body weight per day. This is calculated by dividing 50 micrograms per kilogram body weight per day by 900.

L'équation utilisée pour le calcul de la valeur basée sur la santé pour les microcystines totales.
L'équation 2 – description longue

La valeur basée sur la santé pour les microcystines totales est de 2 microgrammes par litre (valeur arrondie). Cette valeur a été calculée en multipliant l'apport quotidien tolérable de 0,056 microgrammes par kilogramme de poids corporel par jour par 70 kilogrammes, soit le poids corporel moyen d'un adulte, puis par le facteur d'attribution de 0,8. La valeur obtenue est ensuite divisée par 1.5 litres par jour.

10.2 Anatoxine-a

Il existe une quantité limitée de renseignements sur les effets de l’anatoxine-a sur la santé humaine. Des cas d’intoxication non létale, qui se sont principalement manifestés par des troubles gastro-intestinaux aigus, ont été attribués à l’ingestion d’eau provenant d’un lac ou d’un étang qui contient de l’anatoxine-a produisant l’espèce Anabaena. Aucun de ces rapports de cas ne fournit des renseignements sur la dose ou ne définit explicitement l’anatoxine-a comme étant l’agent responsable.

Chez les animaux, la majorité des études expérimentales pour l’anatoxine-a sont des études in vitro. L’information sur les effets in vivo de l’anatoxine-a sur les animaux de laboratoire exposés par voie orale ne comprend qu’un nombre limité de données sur la relation dose-réponse concernant la toxicité systémique et la toxicité pour le développement en raison des limites dans la conception des expériences et les rapports, et des données insuffisantes sur les doses et les paramètres d’étude. De plus, en ce qui concerne la toxicité orale, on ne dispose que de quelques NOAEL et d’aucune LOAEL. En conséquence, les données sur la toxicité de l’anatoxine-a sont insuffisantes pour calculer une CMA dans l’eau potable.

10.3 Cylindrospermopsine

La principale source de renseignements sur la toxicité de la cylindrospermopsine chez les humains découle de rapports qualitatifs concernant une maladie semblable à l’hépatoentérite attribuable à la consommation aiguë ou à court terme d’eau potable contenant l’espèce Cylindrospermopsis raciborskii. Parmi les signes cliniques déclarés figurent la fièvre, les maux de tête, les vomissements, la diarrhée sanglante, l’hépatomégalie et les dommages aux reins avec une perte d’eau, d’électrolytes et de protéines; néanmoins, aucune donnée n’a été fournie au sujet des niveaux d’exposition de la cylindrospermopsine qui ont induit ces effets.

Les cibles principales de la toxicité de la cylindrospermopsine incluent le foie et les reins. Des modes d’action possibles comprennent l’inhibition de la synthèse des protéines, la bioactivation en présence d’un intermédiaire réactif, ainsi que la fixation par liaison covalente du composé d’origine ou d’un métabolite à l’ADN. Les observations indiquent également que l’exposition à la cylindrospermopsine induit des changements morphologiques dans les globules rouges qui peuvent être liés aux effets médiés par la cylindrospermopsine sur le foie et les reins.

La base de données sur la toxicité orale de la cylindrospermopsine purifiée chez les animaux est limitée par une petite quantité d’études avec des durées d’exposition appropriées; toutefois, la plupart des études n’ont pas suffisamment de rapports sur les effets que l’on considère comme des paramètres clés de toxicité. Aucun renseignement n’a été recensé concernant la neurotoxicité ou la toxicité pour le développement ou la reproduction de la cylindrospermopsine à la suite d’une exposition orale. Des études sur la génotoxicité indiquent que la cylindrospermopsine a le potentiel d’influer sur l’ADN du foie dans le cadre d’essais biologiques sur des souris; les données sont limitées et ne suffisent pas pour appuyer l’évaluation du potentiel carcinogène de la cylindrospermopsine. Les études chroniques et subchroniques limitées sur la cylindrospermopsine révèlent de multiples similitudes pour ce qui est des effets observés, tels qu’une augmentation des poids relatifs du foie et des reins, ainsi que des changements morphologiques dans les globules rouges.

10.4 Considérations internationales

Cette section présente les diverses lignes directrices et normes relatives à l’eau potable établies par d’autres organisations nationales et internationales. Les différences dans ces limites peuvent être attribuées à l’ancienneté des évaluations ou aux diverses politiques et approches, notamment le choix des études clés et l’utilisation de divers taux de consommation, poids corporels et facteurs de répartition.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) (2003) a établi une ligne directrice provisoire d’une valeur de 0,001 mg/L (1 µg/L) pour la MC-LR totale (toxine libre et liée aux cellules). Cette valeur est fondée sur un AQT de 0,04 µg/kg p.c. par jour calculé à partir d’une NOAEL de 40 µg/kg p.c. par jour pour une pathologie hépatique, tel que l’ont indiqué Fawell etcoll. (1999a), divisée par un facteur d’incertitude de 1 000 pour tenir compte des variations intra-espèce et inter-espèces et des limites de la base de données (manque de données sur la toxicité chronique et la cancérogénicité en particulier). Le taux de consommation d’un adulte de 2 L/jour a été appliqué à l’AQT, ainsi que le poids corporel d’un adulte de 60 kg et un facteur d’attribution de 0,80 pour la proportion d’expositions quotidiennes découlant de l’eau potable.

L’Australian National Health and Medical Research Council a établi une ligne directrice en 2001 pour les microcystines totales dans l’eau potable à 0,0013 mg/L (1,3 µg/L) exprimé en tant qu’équivalents de toxicité de la MC-LR (NHMRC, 2011). La ligne directrice est fondée sur le même AQT et le même taux de consommation d’un adulte utilisés par l’OMS (2003); cependant, un facteur d’attribution de 0,9 a été utilisé pour tenir compte de la proportion d’expositions quotidiennes découlant de l’eau potable. Des avis liés à des concentrations non réglementaires pour la santé de 1 µg/L et de 3 µg/L ont été établis pour la cylindrospermopsine et les saxitoxines, respectivement.

L’U.S. EPA n’a pas établi de règlements ou de lignes directrices pour les cyanobactéries ou les cyanotoxines. En 2015, cependant, l’U.S. EPA a émis des avis de santé non réglementaires de dix jours concernant la qualité de l’eau potable pour les microcystines et les cylindrospermopsine. Ainsi, des concentrations de microcystines et de cylindrospermopsine égales ou inférieures à 0,3 µg/L et à 0,7 µg/L, respectivement, sont recommandées pour les enfants d’âge préscolaire ou plus jeunes (enfants de moins de six ans). Dans le cas de la population âgée de six  ans et plus, des concentrations de microcystines et de cylindrospermopsine égales ou inférieures à 1,6 µg/L et à 3,0 µg/L, respectivement, sont recommandées (U.S. EPA, 2015). Pour calculer les concentrations recommandées de microcystines, on a divisé la LOAEL de 50 µg/kg p.c. par jour associée à des effets sur le foie d’après Heinze et coll. (1999) par un facteur d’incertitude de 1000 (pour tenir compte de la variabilité inter-espèces et intra-espèce, de l’extrapolation de la LOAEL et des lacunes de la base de données), puis on a appliqué le poids corporel associé à un enfant et à un adulte ainsi que les taux de consommation correspondants. Pour calculer les concentrations recommandées de cylindrospermopsine, on a divisé la NOAEL de 30 µg/kg p.c. par jour associée à des effets sur les reins selon Humpage et Falconer (2002, 2003) par un facteur d’incertitude de 300 (pour tenir compte de la variabilité inter‑espèces et intra-espèce ainsi que des lacunes de la base de données), puis on a appliqué le poids corporel associé à un enfant et à un adulte ainsi que les taux de consommation correspondants. Les cyanobactéries et les toxines cyanobactériennes figurent actuellement sur la liste 3 des substances pouvant contaminer l’eau potable (Drinking Water Contaminant Candidate List 3); il s’agit d’une liste des contaminants qui ne sont pour le moment soumis à aucun règlement principal sur l’eau potable promulgué à l’échelle nationale, qui sont des substances pouvant contaminer l’eau potable et qui peuvent nécessiter un règlement en vertu de la Safe Drinking Water Act. De nombreux états ou territoires de compétence ont élaboré des avis ou des niveaux d’intervention pour la santé dans le cadre de leurs stratégies de gestion des plans d’eau dans lesquels se forment des proliférations cyanobactériennes dangereuses (Chorus, 2012) et seuls l’Ohio et l’Oregon mettent en œuvre des règlements ou des lignes directrices en matière d’eau potable. L’Ohio a établi une concentration maximale de contaminants de 1 µg/L pour les microcystines et l’Oregon a établi des limites de 3 µg/L pour l’anatoxine-a, de 1 µg/L pour la cylindrospermopsine, de 1 à 12 µg/L (indiqué comme étant « à déterminer ») pour les microcystines et de 3 µg/L pour la saxitoxine (Chorus, 2012).

Des normes relatives à l’eau potable pour la MC-LR semblables à celles de l’OMS (2003) ont été établies par d’autres compétences internationales, notamment la République tchèque, le Singapour et l’Uruguay ; néanmoins, le Brésil, la France et l’Espagne ont également établi des normes liées à l’eau potable de 1 µg/L pour l’ensemble des microcystines (Chorus, 2012). La Nouvelle-Zélande a établi des valeurs acceptables maximales provisoires de 1 µg/L pour les microcystines (en tant que MC-LRéquiv.), de 1 µg/L pour la cylindrospermopsine, de 3 µg/L pour la saxitoxine (en tant qu’équivalents), de 6 µg/L pour l’anatoxine-a, de 1 µg/L pour l’anatoxine-a(s), de 2 µg/L pour l’homoanatoxine-a et de 1 µg/L pour la nodularine (Chorus, 2012).

11.0 Justification de la recommandation

Lorsque les conditions environnementales sont convenables (température adéquate, lumière du soleil et éléments nutritifs), les proliférations cyanobactériennes se forment naturellement dans les eaux de surface. Elles ont été rapportées dans des eaux de surface dans toutes les provinces canadiennes, mais, à ce jour, aucune prolifération n’a été observée dans les territoires. Les données canadiennes indiquent que, pour la plupart des plans d’eau de surface, les proliférations de cyanobactéries sont présentes du printemps à l’automne. La formation de proliférations à l’extérieur de cette période est possible, à des endroits où les températures de l’eau demeurent au‑dessus du point de congélation pendant l’hiver. Au Canada, on observe généralement les épisodes de prolifération les plus importants à la fin de l’été et au début de l’automne lorsque les eaux atteignent les températures optimales pour la croissance des cyanobactéries, soit entre 25 et 30 °C.

Bien que la plupart des études scientifiques sur les toxines cyanobactériennes ciblent les microcystines, il existe de nombreux types de cyanobactéries qui produisent une quantité encore plus grande de toxines. Une prolifération peut contenir plus d’un type de cyanobactéries; ces dernières ne produisent pas nécessairement de toxines, mais pourraient produire plus d’un type de toxine. Cette évaluation a tenu compte des renseignements scientifiques portant sur les microcystines, l’anatoxine-a et la cylindrospermopsine. Les données dont on dispose sur l’anatoxine-a sont insuffisantes pour calculer une CMA dans l’eau potable. Aucune CMA pour la cylindrospermopsine dans l’eau potable n’a été établie, car les données disponibles indiquent que la toxine est peu fréquemment détectée dans les sources d’eau potable canadiennes.

Les microcystines sont généralement considérées comme étant les plus importantes des cyanotoxines dans l’eau douce. La source principale d’exposition aux microcystines est l’eau potable; on peut citer ensuite l’ingestion accidentelle d’eau de surface qui se produit au cours d’activités récréatives. Les aliments infectés par l’eau contaminée (principalement le poisson, les mollusques et crustacés, certaines cultures) peuvent aussi être une source d’exposition, ainsi que les produits de santé naturels (notamment les suppléments aux algues) qui ont été contaminés. Les études relatives aux effets sur la santé des toxines cyanobactériennes ciblent principalement la MC-LR.

Le foie continue d’être l’organe cible le plus important de la toxicité de la microcystine aussi bien pour les animaux que pour les humains. Des études épidémiologiques à long terme indiquent que des niveaux d’enzymes hépatiques élevés chez les humains exposés à des concentrations élevées de microcystines. Alors que les preuves de sa génotoxicité et de sa mutagénicité chez les humains sont contradictoires, il s’avère que la MC-LR agit en tant que promoteur de tumeurs chez les animaux en présence d’initiateurs de tumeurs connus. Des rapports sur les effets de la MC-LR sur le système reproducteur mâle chez les animaux sont disponibles, mais ils doivent encore être validés au moyen de recherches supplémentaires.

Une CMA saisonnière est établie pour les microcystines totales, car des études ont révélé une toxicité hépatique chez les rats à la suite d’une exposition à court terme à la MC-LR. Une VBS de 2,0 µg/L pour les microcystines totales s’applique aux toxines dissoutes et intracellulaires. On estime qu’elle protège la santé des Canadiens contre l’exposition à toutes les variantes de microcystines. Elle peut être mesurée par les méthodes d’analyse actuelles et atteinte par les technologies de traitement actuelles.

Une CMA saisonnière de 0,0015 mg/L (1,5 µg/L) est établie pour les microcystines totales dans l’eau potable, en fonction des considérations suivantes :

  • Une VBS de 0,002 mg/L (2 µg/L) peut être calculée à partir de l’étude de Heinze (1999). Toutefois, les secteurs de compétence canadiens ont montré que la CMA peut déjà être atteinte. Puisque la VBS ne permettrait pas d’augmenter la protection de la santé par rapport à la CMA, le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable a choisi de réaffirmer une CMA de 0,0015 mg/L (1,5 µg/L);
  • La plupart des méthodes d’analyse disponibles permettent de mesurer précisément les microcystines à des concentrations bien inférieures à la CMA;
  • Les proliférations sont saisonnières (du printemps à l’automne) et transitoire (d’une durée moyenne de moins de 30 jours); et
  • Les usines de traitement de l’eau potable bien exploitées et optimisées peuvent éliminer les microcystines totales à des concentrations bien inférieures à la CMA.

Bien que les preuves scientifiques actuelles concernant les effets hépatiques médiés par la MC-LR chez les jeunes animaux et la toxicité pour le développement des fœtus (exposés in utero) indiquent que les animaux plus jeunes sont moins sensibles à la MC-LR que les adultes, on ne sait pas si les bébés des animaux sont plus ou moins sensibles à la microcystine après une exposition orale directe. Chez les humains, un nourrisson peut consommer jusqu’à cinq fois plus d’eau potable par kilogramme de poids corporel qu’un adulte, ce qui accroît son exposition à toute microcystine présente dans l’eau potable. Une valeur de référence de 0,4 µg/L peut être calculée en tant que base pour recommander l’utilisation d’autres sources d’eau potable pour les nourrissons nourris au biberon à titre de mesure de précaution pendant un épisode de prolifération. En conséquence, on recommande une approche préventive. Lorsque des microcystines totales sont décelées dans l’eau potable à des niveaux dépassant la valeur de référence ci-dessus pour les nourrissons, les autorités en matière d’eau potable devraient conseiller au public résidant dans la zone touchée d’utiliser une autre source appropriée d’eau potable (telle que l’eau embouteillée) pour les préparations pour nourrissons.

Santé Canada continuera, dans le cadre de son processus continu de révision des recommandations, de suivre les nouvelles recherches à ce sujet et recommandera au besoin toute modification jugée nécessaire.

12.0 Références

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Annexe A : Liste des acronymes

ADN
acide désoxyribonucléique
AHA
acides haloacétiques
ALT
alanine aminotransférase
ANSI
American National Standards Institute
APCI
ionisation chimique à pression atmosphérique
AQ
assurance de la qualité
AQT
apport quotidien tolérable
ARN
acide ribonucléique
ARNm
acide ribonucléique messager
AST
aspartate aminotransférase
BMAA
β-méthylamino-L-alanine
CAG
charbon actif en grains
CAP
charbon actif en poudre
CCN
Conseil canadien des normes
CG
chromatographie en phase gazeuse
CI50
concentration inhibitrice médiane
CLUHP
chromatographie liquide à ultra-haute performance
CMA
concentration maximale acceptable
COD
carbone organique dissous
COT
carbone organique total
CPD-SLA
complexe parkinson-démence-sclérose latérale amyotrophique
CPL
chromatographie en phase liquide
CPLHP
chromatographie en phase liquide à haute performance
CQ
contrôle de la qualité
CT
concentration × temps
CYP450
cytochrome P450
DL50
dose létale médiane
DMBA
diméthylbenzanthracène
DMSO
diméthylsulfoxyde
DMT
dose maximale tolérée
DRO
dérivé réactif de l'oxygène
DRP
détecteur à réseau de photodiodes
ELISA
épreuve immunoenzymatique
EPA
Environmental Protection Agency (États-Unis)
EPS
extraction en phase solide
équiv.
équivalents
ERK
kinase régulée par un signal extracellulaire
ESI
ionisation par électronébulisation
FAD
flottation à l'air dissous
FET
facteur d'équivalence toxique
FSH
hormone folliculostimulante
GGT
gamma-glutamyltransférase
GnRH
hormone de libération de la gonadotropine
GSH
glutathion
GST
glutathion S-transférase
HL
hormone lutéinisante
IC
intervalle de confiance
ISO
Organisation internationale de normalisation
JG
jour de gestation
JPN
jour postnatal
LCAT
lécithine-cholestérol acyltransférase
LDH
lacticodéshydrogénase
LDTD
désorption thermique par diode laser
LMQ
limite minimale de quantification
LOAEL
dose minimale avec effet nocif observé
LQ
limite de quantification
LQP
limite de quantification pratique
MALDI
désorption/ionisation par impact laser assistée par matrice
MAPK
protéine kinase activée par les mitogènes
MC
variantes de microcystine (p.ex., MC-LR, MC-LA, MC-YA, MC-RR, MC-YR)
MF
microfiltration
MMP
métalloprotéinase matricielle
MMPB
acide 2-méthyl-3-méthoxy-4-phénylbutyrique
mol/L
moles par litre
MON
matière organique naturelle
NF
nanofiltration
NOAEL
dose sans effet nocif observé
NPEQ
niveau pratique d'évaluation quantitative
NSF
NSF International
OATP
polypeptide transporteur d'anions organiques
OI
osmose inverse
p.c.
poids corporel
PCR
réaction en chaîne par polymérase
PhoA
phosphatase alcaline
PP1
protéine phosphatase de type 1
PP1c
protéine phosphatase de type 1c
PP2A
protéine phosphatase de type 2A
PPIA
protein phosphatase inhibition assay (test d'inhibition de la protéine phosphatase)
ppm
parties par million
PTH
protéine de Tamm-Horsfall
PU
point d'utilisation
RC
rapport de cotes
RTS
rapport des taux standardisés
S9
fraction du surnageant d'homogénat de foie de rongeur après centrifugation à 9 000 × g
SM/SM
spectrométrie de masse en tandem
SPD
sous-produit de désinfection
SRM
seuil de rétention des molécules
TCFV
temps de contact en fût vide
THM
trihalométhane
TPA
12-O-tetradécanoylphorbol 13-acétate
TV
temps de vol
UF
ultrafiltration
uTN
unité de turbidité néphélémétrique
UV
ultraviolet
VBS
valeur basée sur la santé
VIS
visible

Annexe B : Éléments à considérer pour appliquer la recommandation pour les microcystines totales dans l'eau potable traitée

B.1 Disposer d'un plan d'action à jour avant la formation d'une prolifération cyanobactérienne

Une réaction rapide et efficace en cas de détection d'une prolifération cyanobactérienne est critique pour assurer l'approvisionnement en eau potable salubre. La préparation est essentielle, car de nombreuses décisions qui doivent être prises durant une prolifération cyanobactérienne dépendent d'information préférablement préparée à l'avance. De même, on peut réduire l'impact d'une prolifération cyanobactérienne en prenant des mesures tôt durant son développement, par exemple en prélevant et en analysant des échantillons d'eau brute (en plus d'échantillons d'eau traitée) afin de permettre à l'exploitant d'évaluer l'efficacité des procédés de traitement et de les modifier au besoin. Il faudrait donc établir ou mettre à jour un plan d'action avant la saison de prolifération pour les systèmes d'eau potable alimentés par une source d'eau de surface qui est ou pourrait être vulnérable aux proliférations cyanobactériennes.

Éléments du plan d'action
Le plan d'action devrait établir ce qu'il faut faire si l'on détecte visuellement une prolifération cyanobactérienne dans la source d'eau. Le plan devrait :

  • décrire la stratégie d'échantillonnage (paramètres, fréquence, moment, endroits) à suivre durant toute la prolifération en ce qui concerne l'échantillonnage de routine et le rééchantillonnage lorsque des microcystines sont détectées;
  • indiquer le ou les laboratoires qui peuvent effectuer l'analyse des microcystines;
  • assurer qu'une ou des ententes et qu'un ou des protocoles sont établis pour la réception et l'analyse en temps opportun des échantillons par le ou les laboratoires et pour la communication des résultats aux bonnes personnes‑ressources;
  • indiquer les responsabilités de chacun quant à la collecte des échantillons et à leur envoi au laboratoire;
  • préciser la ou les méthodes d'analyse et de détection des microcystines pouvant être utilisées;
  • indiquer les personnes qui doivent recevoir les résultats du laboratoire et celles qu'elles doivent avertir en cas de détection de microcystines;
  • indiquer la ou les autorités chargées de décider des autres notifications à transmettre et des autres mesures à prendre;
  • indiquer l'autorité qui sera responsable d'informer les collectivités et autres autorités ou organismes concernés;
  • établir un plan de communication qui décrit dans quelles circonstances et qui il faut informer, y compris lorsqu'un avis est émis ou levé;
  • inclure des exemples de produits de communication (p. ex. messages, Q et R et communiqués de presse) pour être utilisés lors des différentes situations (p. ex. concentration de microcystines supérieure à la recommandation, microcystines détectées en concentration inférieure à la recommandation, mais quand même préoccupante pour les nourrissons) et pour transmettre des indications claires au public; et
  • indiquer les mesures correctives à prendre (p. ex. ajustement du processus de traitement) et les éléments déclencheurs de ces mesures.

Voici l'information qui peut faciliter le processus d'évaluation des risques : historique des proliférations cyanobactériennes et des concentrations de microcystines (si elles ont été analysées auparavant) au site, la taille et l'emplacement de la prolifération, l'emplacement et la position de la prise d'eau brute, les techniques de traitement utilisées, les utilisations de la source d'eau (utilisations récréatives ou domestiques), ainsi que les facteurs environnementaux, climatiques ou météorologiques qui peuvent influer sur la prolifération (p. ex. courants,  température, vents, pluie).

B.2 Ordinogramme

B.3 Interprétation de l’ordinogramme

  1. Surveiller visuellement pour détecter la formation d’une prolifération

    La surveillance visuelle des sources d’eau de surface devrait être effectuée tout au long de la saison de pointe de prolifération cyanobactérienne. Comme des accumulations d’algues et de pollen peuvent être confondues avec des proliférations cyanobactériennes, les surveillants devraient avoir suivi une formation appropriée pour bien identifier les proliférations. Les autorités responsables de l’eau potable devraient établir une stratégie de surveillance visuelle propre au site pour les plans d’eau jugés susceptibles aux proliférations cyanobactériennes, particulièrement près de la prise d’eau.

    La fréquence des inspections visuelles pourra varier selon le moment de l’année et les conditions météorologiques (y compris la direction et la vitesse du vent). Il s’agit de chercher visuellement des signes de formation d’une prolifération cyanobactérienne à intervalles réguliers (une ou deux semaines), en accroissant la fréquence d’inspection (hebdomadaire ou quotidienne) en cas de prolifération cyanobactérienne soupçonnée ou confirmée ou si des microcystines sont détectées dans l’eau traitée. La stratégie doit également établir des critères pour réduire la fréquence d’inspection lorsque les concentrations de microcystines diminuent et que la prolifération montre des signes de dissipation.

    La surveillance visuelle à l’intérieur des installations de traitement (p. ex. clarificateurs, filtres) serait également souhaitable, car les cyanobactéries peuvent s’y accumuler même s’il n’y a pas de prolifération dans la source d’eau.

  2. Y a‑t‑il des signes d’une prolifération cyanobactérienne qui pourrait affecter la prise d’eau potable?

    La présence de petites particules vertes dans l’eau constitue souvent le premier signe d’une prolifération de cyanobactéries. Ces particules sont plus faciles à voir lorsqu’on recueille de l’eau dans un contenant transparent et qu’on l’observe sous un bon éclairage. Lorsque la densité des cellules augmente, l’eau peut prendre la consistance d’une soupe aux pois. Les proliférations cyanobactériennes peuvent former de petits amas ou des filaments dispersés dans l’eau ou une pellicule à la surface; elles ressemblent parfois à de fins brins d’herbe tondue ou à de la peinture déversée sur l’eau. La plupart des proliférations présentent une couleur allant du vert vif ou olive au bleu vert, mais quelques‑unes sont plutôt rouges ou brunes. La mesure de la transparence de l’eau (au moyen d’un disque de Secchi, le cas échéant) peut également être utile. De fortes concentrations d’éléments nutritifs et des hausses de la densité des cellules, du biovolume ou de la chlorophylle a constituent d’autres indices d’une prolifération en formation.

    La position de la prise d’eau est importante pour déterminer si une prolifération peut nuire à l’eau potable. En effet, une prise d’eau se trouvant au moins 6 m sous la surface de l’eau est moins susceptible d’être touchée par les cyanobactéries présentes dans le plan d’eau.

    Si aucun signe de prolifération n’est trouvé, on continue la surveillance visuelle de l’eau près de la prise d’eau (case 1). Si l’on trouve des signes de prolifération, on passe à la case 3.

    Remarque : L’autorité compétente pourrait souhaiter diffuser, par précaution, un avis de ne pas consommer l’eau durant un épisode de prolifération d’algues toxiques si la collectivité ne dispose pas des capacités de traitement suffisantes pour assurer la salubrité de l’eau.

  3. Échantillonner et analyser l’eau traitée avec une méthode appropriée

    Le fournisseur d’eau ou l’autorité compétente devrait recueillir des échantillons d’eau traitée dans l’usine de traitement, à la sortie de la dernière étape du traitement, avant que l’eau ne passe dans le réseau de distribution. Les échantillons devraient être prélevés, entreposés et transportés selon les instructions du laboratoire qui les analyse. La section 6.3 donne de plus amples renseignements sur l’échantillonnage ainsi que les références connexes. En général, les échantillons doivent être clairement étiquetés et conservés au frais (pas congelés) et à l’obscurité (p. ex. dans une glacière) dès leur collecte et durant leur transport.

    Il est recommandé que le fournisseur d’eau établisse, dans le cadre de son plan d’action, un contact préalable avec le laboratoire d’analyse afin de réduire au minimum les délais d’analyse des échantillons et d’intervention subséquente. Les échantillons devraient être analysés en laboratoire au moyen de l’épreuve immunoenzymatique (ELISA), de l’épreuve d’inhibition de la protéine phosphatase (PPIA) ou d’une méthode physicochimique telle que la chromatographie en phase liquide et la spectrométrie de masse en tandem (CPL-SM/SM). Si l’ELISA ou la PPIA révèle la présence de microcystines, il est recommandé d’analyser une partie des échantillons par CPL-SM/SM afin d’identifier et de mesurer les diverses variantes de la microcystine qui seraient présentes. 

    Les trousses d’essai sur le terrain ne peuvent être utilisées pour déterminer si les concentrations de microcystines dans l’eau potable respectent la limite fixée par la recommandation. Par contre, elles peuvent être utilisées pour déterminer si une prolifération est toxique ou s’il faut modifier l’exploitation de l’usine de traitement durant un épisode de prolifération.

    Durant un épisode de prolifération, les fournisseurs d’eau ou les services publics devraient prélever des échantillons d’eau brute pour y mesurer les concentrations de microcystines et les densités cellulaires et identifier les espèces de cyanobactéries présentes. Cette information est requise afin de déterminer si une prolifération est toxique, si des ajustements au traitement seraient nécessaires et pour évaluer l’efficacité du traitement de l’eau.

  4. Des microcystines sont-elles détectées dans l’eau traitée?

    Si aucune microcystine n’est détectée dans l’eau traitée, revenir à la case 1 et continuer la surveillance visuelle pour déterminer si la prolifération s’intensifie ou reprend.

    Si des microcystines sont détectées dans l’eau traitée, passer à la case 5.

  5. Envoyer les résultats aux organismes concernés. Envisager de modifier la prise d’eau ou le traitement. Envisager d’informer le public qu’il faut utiliser une autre source d’eau potable pour les préparations pour nourrissons.

    Lorsque des microcystines sont détectées dans l’eau traitée, il est important d’en informer rapidement les organismes et personnes-ressources concernés (identifiés dans le plan d’action). Si possible, des mesures appropriées devraient être prises pour réduire les concentrations de microcystines dans l’eau traitée. Ces mesures peuvent comprendre des modifications de la prise d’eau pour réduire la quantité de microcystines dans l’eau d’entrée de l’usine de traitement ou des modifications du procédé de traitement visant à accroître son efficacité d’élimination des microcystines. Les résultats d’analyse de l’eau brute (recommandée au point 3 plus haut) sont nécessaires pour évaluer l’efficacité du procédé de traitement et déterminer les modifications à y apporter. 

    Comme mesure préventive lorsque des microcystines sont détectées dans l’eau traitée à des niveaux dépassant la valeur de référence pour les nourrissons de 0,4 µg/L, les autorités en matière d’eau potable devraient considerer informer le public résidant dans la zone touchée d’utiliser une autre source appropriée d’eau potable (telle que l’eau embouteillée) pour les préparations pour nourrissons. Ces conseils pour les nourrissons alimentés au biberon devraient continuer jusqu’à ce que les niveaux de microcystines soit inférieurs à 0,4 µg/L.

  6. Est-ce que la concentration de microcystines totales dépasse 1,5 µg/?

    Si l’on détecte des microcystines en concentrations de 1,5 µg/L ou moins, l’eau traitée satisfait à la recommandation, mais la surveillance doit continuer, car des dépassements de la concentration maximale admissible pourraient se produire. Revenir à la case 3.

    Si la concentration de microcystines totales est supérieure à 1,5 µg/L, l’eau traitée ne satisfait pas à la recommandation, et une intervention est requise. Passer à la case 7.

  7. Rééchantillonner et analyser l’eau traitée

    L’eau traitée doit être échantillonnée et analysée de nouveau afin de confirmer la concentration de microcystines totales et de déterminer les mesures de suivi. Consulter le point 3 pour obtenir des conseils sur l’échantillonnage et l’analyse.

  8. L’analyse du nouvel échantillon confirme‑t‑elle que la concentration de microcystines totales est supérieure à 1,5 µg/L?

    Si l’analyse du nouvel échantillon confirme que la concentration de microcystines totales est supérieure à la recommandation de 1,5 µg/L, passer à la case 9. Si la concentration de microcystines totales dans cet échantillon est égale ou inférieure à 1,5 µg/L, passer à la case 12.

  9. Émettre un avis de ne pas consommer l’eau et avertir la collectivité et les organismes concernés

    Si l’on confirme que la concentration de microcystines totales est supérieure à la recommandation de 1,5 µg/L, les autorités responsables devraient suivre le plan d’action propre à l’installation établi selon la section B.1. L’autorité responsable devrait diffuser un avis de ne pas consommer l’eau et avertir la collectivité et les autres autorités ou organismes concernés. Si possible, elle devrait indiquer une autre source d’eau potable (telle que l’eau en bouteille) à utiliser. Les fournisseurs de services de dialyse dans la collectivité devraient également être avisés.

  10. Rééchantillonner et analyser l’eau traitée jusqu’à ce que l’on confirme que la concentration de microcystines totales est égale ou inférieure à 1,5 µg/L

    Les autorités et le fournisseur d’eau potable devraient continuer d’échantillonner et d’analyser l’eau traitée jusqu’à ce que l’on confirme que la concentration de microcystines totales est égale ou inférieure à 1,5 µg/L. Passer à la case 11.

  11. Lever l’avis de ne pas consommer l’eau

    Lorsque la concentration de microcystines totales satisfait à la recommandation de 1,5 µg/L, l’avis de ne pas consommer l’eau peut être levé. Toutefois, les autorités devraient continuer d’informer les parents de nourrissons de la façon de préparer les préparations pour nourrissons jusqu’à que les microcystines ne soient plus détectées dans l’eau traitée. Revenir à la case 3.

  12. Rééchantillonner et analyser l’eau traitée

    Si les résultats des analyses (cases 6 et 8) diffèrent, il faut analyser un autre échantillon pour déterminer si la concentration de microcystines totales est préoccupante pour la population générale.

  13. La concentration de microcystines totales est-elle supérieure à 1,5 µg/L?

    Si la concentration de microcystines totales est supérieure à 1,5 µg/L, le résultat de la case 6 est confirmé : passer à la case 9. Si la concentration de microcystines totales est égale ou inférieure à 1,5 µg/L, le résultat de la case 8 est confirmé : revenir à la case 3, mais continuer d’informer les parents de nourrissons de la façon de préparer les préparations pour nourrissons jusqu’à que les microcystines ne soient plus détectées dans l’eau traitée.

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