Page 9 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes

8.0 Cinétique et métabolisme

8.1 Absorption

8.1.1 Toluène

Le toluène est bien absorbé par les poumons, par le tube digestif et, dans une moindre mesure, par la peau.

Baelum et coll. (1993) ont observé que l'absorption par voie gastro-intestinale avait été complète chez des volontaires humains, comme l'indiquait la présence de toluène dans l'air expiré et de métabolites du toluène (acide hippurique et o-crésol) dans les urines à la suite de l'administration de toluène à raison de 2 mg/minute par une sonde gastrique orale toutes les 3 heures. Cependant, des études chez l'animal ont montré que le toluène administré par voie orale était absorbé moins rapidement que chez l'humain (Pyykkö et coll., 1977; Ameno et coll., 1992).

Le toluène est rapidement absorbé par inhalation aussi bien chez l'humain que chez l'animal (Benignus et coll., 1984; Hobara et coll., 1984; Wigaeus Hjelm et coll., 1988; Löf et coll., 1993). Chez l'humain, Carlsson (1982) a observé que l'exposition d'hommes faisant de l'exercice à une concentration de 79,5 ppm (300 mg/m3) de toluène pendant 2 heures entraînait une absorption moyenne (pourcentage de l'air inspiré) de 55 %, qui baissait à 50 % après 2 heures au repos. Des résultats semblables ont été obtenus par Löf et coll. (1990), qui ont exposé 10 hommes à 79,5 ppm (300 mg/m3) de toluène pendant 4 heures au repos; l'absorption résultante s'est située à environ 50 % de la dose. Benoit et coll. (1985) ont observé que l'exposition de quatre personnes (sexe non précisé) à 50 ppm (188 mg/m3) de toluène pendant 90 minutes au repos entraînait un taux de rétention moyen de 83 %. Chez l'humain, le toluène pénètre dans le sang 10 à 15 minutes après le début de l'exposition et sa concentration dans le sang est étroitement liée à sa concentration dans les alvéoles pulmonaires. Chez le rat, les concentrations dans le sang et dans le cerveau atteignent un sommet moins de 1 heure après le début de l'exposition (Tardif et coll., 1991; INRS, 2008).

La vitesse d'absorption du toluène par la peau humaine est lente (Dutkiewicz et Tyras, 1968); elle a été estimée de 14 à 23 mg/cm2 par heure (peau de l'avant bras). Brown et coll. (1984) ont calculé que le fait de se baigner dans de l'eau contenant une concentration de toluène de 5 à 500 µg/L (à raison de 15 minutes/jour) entraînerait une absorption par voie cutanée allant de 0,2 à 20 µg/kg p.c. par jour chez un adulte de 70 kg et de 0,4 à 40 µg/kg p.c. par jour chez un enfant de 10,5 kg. L'immersion de la peau dans un solvant contenant 65 % de toluène pendant 5 minutes a entraîné une concentration maximale de toluène dans le sang de 5,4 µmol/L (Aitio et coll., 1984). Cette dernière expérience, menée sur deux volontaires, a fait ressortir des différences individuelles sur le plan de l'absorption, ce qui correspond à la forte variabilité observée par Sato et Nakajima (1978). Monster et coll. (1993) ont mesuré les concentrations de toluène dans des échantillons d'air alvéolaire prélevés auprès de six opérateurs de presse à rotogravure s'étant lavé les mains avec du toluène pendant 5 minutes; le lendemain matin, les concentrations de toluène dans l'air alvéolaire se situaient entre 0,5 et 10 mg/m3. Morgan et coll. (1991) ont observé que, chez le rat, l'absorption cutanée du toluène dans des solutions aqueuses (une saturée, une autre saturée aux deux tiers et la dernière saturée au tiers), ainsi que du toluène pur, était importante même dans les cas où seulement 1 % de la surface corporelle avait été exposée; par exemple, une exposition de 24 heures au toluène pur a entraîné une concentration maximale dans le sang de 9,5 µg/mL.

8.1.2 Éthylbenzène

L'éthylbenzène peut être absorbé par les voies respiratoires, par le tube digestif et par la peau.

Toutes les données concernant l'absorption orale de l'éthylbenzène proviennent d'études chez l'animal. Par exemple, les métabolites de l'éthylbenzène récupérés dans les urines de 24 heures de lapins ayant reçu une dose orale unique de 593 mg/kg p.c. représentaient entre 72 et 92 % de la dose administrée, évoquant une absorption rapide et efficace par cette voie (El Masry et coll., 1956). Dans la même veine que ces résultats, 84 % de la radioactivité d'une dose orale unique de 30 mg/kg p.c. d'éthylbenzène marqué au 14C ayant été administrée à des rats femelles a été récupérée en 48 heures (Climie et coll., 1983). Plus récemment, Faber et coll. (2006) ont noté que des concentrations d'éthylbenzène de 0,49, 3,51 et 18,28 mg/L avaient été détectées dans le sang maternel de rats femelles 1 heure après la dernière de quatre doses quotidiennes égales d'éthylbenzène administrées par gavage à raison de 0, 8,67, 30 et 114 mg/kg p.c., respectivement (doses totales des groupes expérimentaux : 0, 26, 90 et 342 mg/kg p.c. par jour); l'éthylbenzène n'a pas été détecté dans le sang des petits sevrés.

Des études sur l'inhalation chez l'humain ont montré que l'éthylbenzène était rapidement absorbé par cette voie d'exposition (Bardodej et Bardodejova, 1970; Gromiec et Piotrowski, 1984; Tardif et coll., 1997; Knecht et coll., 2000). Des volontaires ayant été exposés à 23 85 ppm (environ 100 370 mg/m3) d'éthylbenzène pendant 8 heures ont retenu 64 % de la dose inspirée, et seules des traces d'éthylbenzène ont été détectées dans l'air expiré à la fin de la période d'exposition (Bardodej et Bardodejova, 1970). Une rétention moyenne de 49 % a été observée par Gromiec et Piotrowski (1984) chez les personnes exposées par inhalation à 18 200 mg/m3 (environ 4 46 ppm) d'éthylbenzène. Les écarts sont attribuables à la variabilité des taux d'absorption chez l'humain ainsi qu'à des différences méthodologiques. Tardif et coll. (1997) ont évalué à environ 30 le rapport de concentration à l'état d'équilibre entre le sang et l'air alvéolaire dans l'heure suivant l'exposition.

Des études chez l'animal ont aussi montré que l'éthylbenzène était rapidement absorbé par inhalation. Dans une étude menée par Chin et coll. (1980), l'exposition de rats Harlan Wistar à de l'éthylbenzène radiomarqué pendant 6 heures a entraîné une absorption rapide de la dose, le taux de rétention s'étant situé à 44 %. La radioactivité a été détectée dans les intestins, dans les reins, dans le foie et dans les tissus adipeux jusqu'à 42 heures après l'exposition. Freundt et coll. (1989) ont observé que les concentrations d'éthylbenzène dans le sang de rats ayant subi une exposition de 2 heures par inhalation étaient proportionnelles à celles dans l'atmosphère.

Dans l'ensemble, les études sur l'exposition cutanée à l'éthylbenzène montrent une absorption rapide de la phase liquide et une faible absorption de la forme gazeuse (Dutkiewicz et Tyras, 1967; Gromiec et Piotrowski, 1984) et portent à croire que l'absorption cutanée pourrait être une importante voie d'absorption de l'éthylbenzène liquide ou de l'éthylbenzène dans l'eau; par exemple, les quantités moyennes d'éthylbenzène absorbées par des volontaires ayant immergé pendant une période allant jusqu'à 2 heures une main dans une solution aqueuse d'éthylbenzène contenant 112 ou 156 mg/L ont été de 39,2 et 70,7 mg, respectivement. Morgan et coll. (1991) ont noté que, chez le rat Fischer 344, la concentration sanguine d'éthylbenzène atteignait un sommet (5,6 µg/mL) dans les 2 heures suivant l'application topique d'éthylbenzène pur sur environ 1 % de la surface corporelle avant de redescendre lentement pendant une période d'observation de 24 heures. À l'opposé, la quantité absorbée totale était réduite si l'éthylbenzène avait été administré dans des solutions aqueuses (une saturée, une autre saturée aux deux tiers et la dernière saturée au tiers).

8.1.3 Xylènes

Chez l'humain, les isomères du xylène sont absorbés par les voies respiratoires (60 65 %), par le tube digestif (jusqu'à 90 %) et par la peau (2 %). Toutefois, les données sont limitées au sujet de l'absorption des xylènes chez l'humain et chez les animaux de laboratoire. Les xylènes peuvent aussi traverser la barrière placentaire (Ghantous et Danielsson, 1986).

Ogata et coll. (1979) ont évalué l'absorption des xylènes chez des volontaires humains (ingestion orale de 40 mg/kg p.c.) à au moins 34 % dans le cas de l'o-xylène et 53 % dans celui du m-xylène, en se basant sur les métabolites récupérés dans les urines.

Chez des rats mâles et femelles ayant reçu par gavage oral 0,15 mL de m-xylène radiomarqué (0,27 mg/kg p.c.), les concentrations sanguines ont atteint un sommet en 20 minutes, indiquant une absorption rapide (Turkall et coll., 1992). Kaneko et coll. (1995) ont observé que les concentrations sanguines de m-xylène (concentration maximale : ~ 2,5 µM) augmentaient rapidement dans les 5 heures suivant l'administration chez des rats ayant reçu par voie orale 8,64 mg/kg p.c. dans de l'huile de maïs.

On sait peu de choses sur l'absorption cutanée des xylènes dans l'eau. Un coefficient d'absorption cutanée (Kp) de 0,08 cm par heure a néanmoins été estimé (U.S. EPA, 1992). Les résultats d'études expérimentales chez l'humain indiquent que la pénétration et l'absorption du m-xylène sont moins importantes à la suite d'une exposition par la peau que d'une exposition par les voies respiratoires (Engström et coll., 1977; Riihimäki et Pfäffli, 1978; Riihimäki, 1979b). Morgan et coll. (1991) ont noté que, chez le rat Fischer 344, la concentration sanguine maximale de m-xylène (8,8 µg/mL) atteignait un sommet dans les 2 heures suivant l'application topique de m-xylène pur avant de redescendre lentement pendant une période d'observation de 24 heures. À l'opposé, la quantité absorbée totale était réduite si le m-xylène avait été administré dans des solutions aqueuses (une saturée, une autre saturée aux deux tiers et la dernière saturée au tiers).

D'après les simulations générées à l'aide du modèle PBPK de Kaneko et coll. (1991a), l'accroissement de l'activité physique a entraîné l'élévation de la concentration sanguine de m-xylène. La concentration de m-xylène dans le sang pendant l'exposition était plus faible chez les femmes que chez les hommes, mais 10 heures après l'exposition, elle était plus élevée chez les femmes.

8.2 Distribution

8.2.1 Toluène

Les plus fortes concentrations de toluène mesurées chez un humain (âgé de 51 ans) décédé 30 minutes après avoir ingéré par inadvertance une dose de toluène de 625 mg/kg p.c. ont été observées dans le foie (433,5 µg/g), suivi du pancréas (88,2 µg/g), du cerveau (85,3 µg/g), du cœur (62,6 µg/g), du sang (27,6 µg/g), des tissus adipeux (12,2 µg/g) et du liquide céphalorachidien (11,1 µg/g) (Ameno et coll., 1989). Dans un cas présumé de surdose par inhalation, le toluène a été détecté dans le cerveau (concentration la plus élevée), dans le foie, dans les poumons et dans le sang de la victime (Paterson et Sarvesvaran, 1983). Takeichi et coll. (1986) ont fait des observations semblables chez un peintre de 20 ans qui est décédé en travaillant avec de la peinture à base de toluène; les concentrations les plus élevées ont été observées dans le cerveau, suivi du foie et du sang.

Dans une étude portant sur des homogénats de tissu de lapin, la distribution tissulaire du toluène a été définie comme suit (de la concentration la plus élevée à la concentration la moins élevée) : tissus adipeux, moelle osseuse, cerveau, foie, cœur, poumons, reins et muscles (Sato et coll., 1974). Chez le chien, à la suite d'une exposition par inhalation, les concentrations de toluène étaient plus élevées dans le foie et dans le cerveau que dans les reins (Endoh et coll., 1989). Toutefois, chez le rat, des expositions au toluène par voie orale et par inhalation ont mené à des concentrations plus élevées dans le foie que dans le cerveau (Pyykkö et coll., 1977).

Une fois dans le sang, le toluène est réparti entre les érythrocytes et le sérum (selon un rapport de 1:1 chez l'humain et de 1:2 chez le rat). Plusieurs études ont établi des associations entre les concentrations sanguines et tissulaires de toluène, particulièrement dans le cerveau (Benignus et coll., 1984; Harabuchi et coll., 1993). Chez des rats ayant reçu par voie orale une dose de toluène de 400 mg/kg p.c., la plus forte concentration sanguine a été observée 1,5 heure après l'exposition (Ameno et coll., 1992) et la distribution du toluène dans le cerveau ne changeait pas selon que l'exposition soit survenue par inhalation ou par voie orale (Ameno et coll., 1992). Les données concernant l'humain portent à croire que l'accumulation de toluène est plus importante dans le cerveau que dans le foie après une exposition par inhalation, mais que le toluène semble avoir une plus grande affinité pour le foie après une exposition orale (ATSDR, 2000).

Des études chez l'animal dans lesquelles on a exposé par inhalation des souris femelles gravides au toluène indiquent que le toluène est distribué dans l'organisme en étant rapidement absorbé par les lipides (cerveau, tissus adipeux); par ailleurs, le toluène traverse facilement la barrière placentaire et les concentrations chez le fœtus correspondraient à environ 75 % des concentrations dans le sang maternel (Ghantous et Danielsson, 1986). Le toluène a aussi été détecté dans le lait maternel humain (Pellizzari et coll., 1982).

Fisher et coll. (1997) ont utilisé un modèle de lactation générique mis au point pour divers COV afin d'estimer la quantité de toluène pouvant être transmise à un nourrisson par le lait maternel d'une mère ayant subi une exposition professionnelle à une concentration de toluène correspondant à la valeur limite d'exposition (VLE) de l'American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) pour une journée de travail au moment de l'étude (50 ppm). Le modèle, qui n'a pas été validé et ne comportait aucun critère métabolique relatif au toluène, a prédit que l'apport chez un nourrisson de 10 kg serait de 0,46 mg/jour.

8.2.2 Éthylbenzène

Il existe peu de données sur la distribution de l'éthylbenzène chez l'humain à la suite d'une exposition par voie orale ou cutanée. Engström et Bjurström (1978) ont noté que l'éthylbenzène était rapidement distribué chez l'humain lorsqu'il était inhalé et qu'il était réparti dans tout l'organisme, y compris les tissus adipeux, les intestins, les reins et le foie. Des études sur l'inhalation chez l'animal appuient ces observations (Elovaara et coll., 1982; Engström et coll., 1985). Chin et coll. (1980) ont observé que l'éthylbenzène était distribué de façon efficace dans tout l'organisme de rats ayant été exposés par inhalation à de l'éthylbenzène radiomarqué; les plus fortes concentrations radioactives dans les tissus 42 heures après une exposition à 230 ppm d'éthylbenzène pendant 6 heures ont été détectées dans la carcasse, dans le foie et dans le tube digestif, et de plus faibles concentrations ont été observées dans les tissus adipeux. Il a aussi été établi que l'éthylbenzène traversait la barrière placentaire chez l'humain (OMS, 2003a; INRS, 2008).

Les pourcentages de dose absorbée par des souris glabres à la suite d'une application cutanée d'éthylbenzène marqué au 14C ont été les suivants : 15,5 %, carcasse; 4,5 %, point d'application; 14,3 %, air expiré; et 65,5 %, excréments (Susten et coll., 1990).

8.2.3 Xylènes

Il existe peu de données sur la distribution des xylènes ingérés chez l'humain et chez les animaux de laboratoire. Les isomères du xylène sont relativement solubles dans le sang.

Turkall et coll. (1992) ont observé que les tissus adipeux contenaient les concentrations radioactives les plus élevées à la suite d'un gavage oral : environ 0,3 % de la dose initiale administrée par mg de tissu chez les rats femelles et 0,1 % chez les rats mâles (les auteurs n'ont pas précisé le poids total des tissus adipeux analysés).

Kumarathasan et coll. (1998) ont calculé des coefficients de partage tissu sang dans plusieurs échantillons de tissus, d'organes (cerveau, muscles, reins, foie et tissus adipeux) et de sang de rat Sprague Dawley pour chaque isomère du xylène dans un mélange. Dans le cas du m-xylène, le coefficient de partage sang air s'est situé à 62 en moyenne. Le coefficient de partage tissu sang le plus élevé a été observé dans les tissus adipeux (50), suivis des reins (2,1), du foie et du cerveau (2) et enfin des muscles (1,8). Aucune différence n'a été remarquée d'un isomère à l'autre.

Riihimaki et Savolainen (1980) ont observé que 10 20 % d'une dose de xylène était distribuée aux tissus adipeux. De tous les tissus, ce sont les tissus adipeux qui présentaient la plus grande concentration de lipides neutres et la plus forte affinité pour les xylènes. Astrand et coll. (1978) ont noté que, après une absorption rapide de vapeurs de xylènes, la quantité détectée dans le sang représentait généralement 2 3 % de la dose de xylènes totaux absorbée; cela pourrait s'expliquer par la grande liposolubilité des xylènes, qui favoriserait leur distribution et leur accumulation dans divers tissus.

La concentration la plus élevée de xylènes (concentration combinée des xylènes et de leurs métabolites) à la suite d'une exposition de 4 heures à du p-xylène marqué au 14C (48 ppm) a été observée dans les reins de rat mâle, suivis des tissus adipeux sous cutanés (Carlsson, 1981). Bergman (1983) s'est penché sur la distribution du m-xylène marqué au 14C chez la souris et a trouvé des concentrations élevées de radioactivité dans les tissus adipeux, dans la moelle osseuse, dans la substance blanche du cerveau, dans la moelle épinière, dans les nerfs rachidiens, dans le foie et dans les reins immédiatement après une exposition par inhalation. Plus aucune radioactivité n'était détectable dans l'organisme 48 heures après l'exposition.

Fisher et al. (1997) used a generic lactation model developed for various VOCs to estimate the amount of o-, p- and m-xylene an infant would ingest through breast milk if the mother were occupationally exposed to xylenes at the ACGIH Threshold Limit Value at the time of the study (100 ppm) throughout a workday. The model, which was not validated and did not include metabolic parameters for xylenes, predicted that the intake for a 10 kg infant would be 6.59 mg/day.

8.3 Métabolisme

Un certain nombre de modèles PBPK chez l'humain et chez l'animal ont montré que l'exposition à des mélanges binaires de solvants aromatiques pouvait provoquer des interactions métaboliques qui modifient la vitesse du métabolisme et de l'excrétion (Tardif et coll., 1991, 1992, 1993, 1997). Ces interactions métaboliques, probablement dues à la compétition entre les solvants pour les enzymes responsables du métabolisme (p. ex. cytochrome P450 [CYP] 2E1), ont pour effet de prolonger la demi vie des deux solvants. On a aussi remarqué que des interactions découlant de l'exposition à un mélange ternaire (p. ex. toluène, xylène, éthylbenzène) surviennent chez l'animal et chez l'humain (Tardif et coll., 1997).

8.3.1 Toluène

Environ 80 % du toluène absorbé à la suite d'une exposition par inhalation est récupéré dans les urines sous forme d'acide hippurique, principal métabolite du toluène (Ogata, 1984; Löf et coll., 1993; Tardif et coll., 1998). Le métabolisme du toluène, qui a lieu principalement dans le foie, est une transformation par hydroxylation et oxydation séquentielle par des isoenzymes CYP (CYP2E1, CYP2B6, CYP2C8, CYP1A2 et CYP1A1) en acide benzoïque (réactions de type I), suivie d'une conjugaison de l'acide benzoïque (phase II) avec la glycine formant l'acide hippurique. Plusieurs études des métabolites urinaires chez des personnes exposées au toluène (Angerer, 1979; Andersen et coll., 1983; Dossing et coll., 1983; Inoue et coll., 1986; Baelum et coll., 1987, 1993; Jonai et Sato, 1988; Löf et coll., 1990, 1993; Ng et coll., 1990; Kawai et coll., 1992; Maestri et coll., 1997; Angerer et coll., 1998) et des rats (Bray et coll., 1949; Van Doorn et coll., 1980; Wang et Nakajima, 1992) ont établi que l'acide hippurique était le principal métabolite urinaire du toluène. Une voie CYP secondaire dépend d'une époxydation antérieure du noyau aromatique menant à la formation de l'o-crésol et du p-crésol, qui subissent des réactions de conjugaison les transformant principalement en dérivés de sulfate et de glucuronide. Il se produit aussi une conjugaison du glutathion entraînant la formation de S-benzylglutathion et d'acide S-benzylmercapturique (conjugaison avec l'alcool benzylique) ou de S-p-toluyl glutathion et d'acide S-p-toluylmercapturique (conjugaison avec le noyau époxyde). L'excrétion urinaire de ces métabolites mineurs représente moins de 5 % du toluène absorbé (Nakajima et coll., 1991, 1992a, 1992b, 1993, 1997; Nakajima et Wang, 1994; Tassaneeyakul et coll., 1996). CYP2E1, qui est une des principales isoenzymes CYP à intervenir dans la principale voie métabolique du toluène (Tassaneeyakul et coll., 1996; Nakajima et coll., 1997), serait exprimée plusieurs heures après la naissance chez l'humain et continuerait de s'accroître durant la première année de vie (Vieira et coll., 1996). L'excrétion de toluène non métabolisé dans l'air expiré peut représenter de 7 à 20 % du toluène absorbé (Carlsson, 1982; Leung et Paustenbach, 1988; Löf et coll., 1993).

8.3.2 Éthylbenzène

L'éthylbenzène est en grande partie métabolisé par oxydation (hydroxylation) par des enzymes microsomales (phase I), après quoi des réactions de conjugaison (phase II) entraînent la formation de métabolites qui seront excrétés dans les urines. La première étape est l'hydroxylation de l'éthylbenzène en 1-phényléthanol, qui est catalysée par des isoformes CYP spécifiques (CYP2E1/CYP2B6) (Sams et coll., 2004). Aucune différence qualitative significative sur le plan du métabolisme n'a été signalée entre la voie orale et l'inhalation chez l'humain ni chez les animaux de laboratoire.

Chez les personnes exposées par inhalation, les principaux métabolites de l'éthylbenzène ont été l'acide mandélique (environ 64-71 %) et l'acide phénylglyoxylique (environ 19-25 %) (Bardodej et Bardodejova, 1970; Engström et coll., 1984; Tardif et coll., 1997; Knecht et coll., 2000; Jang et coll., 2001). Dutkiewicz et Tyras (1967) ont observé que, chez des volontaires humains exposés par voie cutanée, l'excrétion urinaire maximale de l'acide mandélique a été atteinte 3 heures après l'exposition cutanée et ne représentait que 4,6 % de la dose absorbée; le taux d'absorption était plus élevé avec une solution aqueuse d'éthylbenzène qu'avec de l'éthylbenzène liquide (pur).

Des différences interspécifiques ont été observées dans la biotransformation de l'éthylbenzène (El Masry et coll., 1956; Bakke et Scheline, 1970; Climie et coll., 1983; Engström et coll., 1984, 1985). La différence la plus importante concerne les principaux métabolites, dont la nature et les proportions varient d'une espèce à l'autre. Chez les rats exposés à l'éthylbenzène par inhalation ou par voie orale, les principaux métabolites étaient l'acide benzoïque, l'acide hippurique, le 1-phényléthanol, l'acide mandélique et l'acide phénylglyoxylique (Climie et coll., 1983; Engström et coll., 1984, 1985). Nakajima et Sato (1979) ont révélé que l'activité métabolique in vitro des enzymes microsomales de foie de rat sur l'éthylbenzène était accrue par le jeûne, malgré une diminution marquée du volume du foie. Les auteurs ont aussi noté que la vitesse du métabolisme était considérablement plus élevée chez les mâles à jeun que chez les femelles à jeun.

8.3.3 Xylènes

La majeure partie du métabolisme des trois isomères du xylène a lieu dans le foie et, à un degré moindre, dans les poumons et les reins. La plus importante voie métabolique, qui représente la quasi-totalité de la dose de xylènes absorbée (90 %) chez l'humain, est l'hydroxylation d'un groupement méthyle, qui est principalement catalysée par une isoforme CYP (CYP2E1) formant des alcools méthylbenzyliques. Cette méthyl-hydroxylation est une voie métabolique saturable et inductible (Tassaneeyakul et coll., 1996). Dans une étape subséquente, les groupements alcooliques sont oxydés en acides méthylbenzoïques, qui se conjuguent avec la glycine et forment des acides méthylhippuriques, principaux métabolites excrétés dans les urines (Ogata et coll., 1970, 1979; Sedivec et Flek, 1976; Astrand et coll., 1978; Senczuk et Orlowski, 1978; Riihimäki et coll., 1979; Norström et coll., 1989). D'autres voies métaboliques ont produit des métabolites urinaires secondaires représentant < 10 % de la dose absorbée, en l'occurrence des alcools méthylbenzyliques, des o -toluylglucuronides, des acides mercapturiques des xylènes (p. ex. S-(o-méthylbenzyl)-N-acétylcystéine) (Norström et coll., 1988) et des xylénols.

Le métabolisme des xylènes est qualitativement semblable chez l'animal et chez l'humain. Toutefois, des différences quantitatives, particulièrement dans le métabolisme des acides méthylbenzoïques (acides toluiques), ont été signalées (Bakke et Scheline, 1970; Sugihara et Ogata, 1978; Ogata et coll., 1979; van Doorn et coll., 1980). Selon certains auteurs, ces différences s'expliqueraient en partie par la variation des doses administrées aux sujets humains et animaux lors des études (David et coll., 1979; Ogata et coll., 1979; van Doorn et coll., 1980).

Les résultats des études chez le rat montrent que les xylènes administrés par voie orale subissent un effet métabolique de premier passage qui limite la quantité de composé mère pénétrant dans la circulation générale (Kaneko et coll., 1995).

Les études chez l'animal montrent que le métabolisme des xylènes peut être affecté par des expositions antérieures (par inhalation ou par voie orale) aux xylènes (Elovaara et coll., 1989). Par exemple, le prétraitement du rat par du m-xylène a fait augmenter le pourcentage d'acide m -méthylhippurique et de thioéthers (conjugués du glutathion) dans les urines. L'excrétion de thioéthers dans les urines de 24 heures a augmenté d'environ 10 fois après une exposition par inhalation aux xylènes et de 20 fois après l'administration d'une dose orale.

8.4 Excrétion

8.4.1 Toluène

Le toluène est en majeure partie excrété dans les urines (Löf et coll., 1990, 1993; Turkall et coll., 1991; Tardif et coll., 1992, 1998), principalement sous forme d'acide hippurique, chez l'humain et chez les animaux de laboratoire. Il est rapidement éliminé du sang (Sato et Nakajima, 1978; Carlsson, 1982; Löf et coll., 1990, 1993) en trois phases ayant des demi-vies successives de 3, 40 et 738 minutes à la suite d'une exposition unique par inhalation chez l'humain (Löf et coll., 1993). Du toluène inchangé (non métabolisé) a aussi été éliminé dans l'air expiré (Carlsson, 1982; Leung et Paustenbach, 1988; Pellizzari et coll., 1992; Laparé et coll., 1993; Löf et coll., 1993; Monster et coll., 1993), surtout immédiatement après l'exposition, alors qu'il peut représenter de 7 à 20 % de la dose absorbée; l'élimination par l'air expiré diminue rapidement par la suite (Benoit et coll., 1985).

Du toluène inchangé a été détecté dans des échantillons d'air alvéolaire prélevés sur huit volontaires humains jusqu'à 4 heures après la fin de l'exposition (2 mg/minute de perfusion gastrique pendant 3 heures), et la vitesse d'excrétion urinaire de l'acide hippurique et de l'o-crésol était élevée chez ces volontaires comparativement à des volontaires non exposés (Baelum et coll., 1993). Il est intéressant de noter que l'administration concomitante d'éthanol (0,32 g/kg p.c., soit l'équivalent de deux boissons alcoolisées) à raison de 2 mg/minute a entraîné, d'une part, la diminution de l'excrétion urinaire de l'acide hippurique et, d'autre part, l'élévation de la courbe de la concentration en fonction du temps du toluène dans l'air alvéolaire; ces observations appuient les études antérieures ayant montré que l'éthanol inhibait la principale voie métabolique du toluène, c'est-à-dire l'oxydation des chaînes latérales (Dossing et coll., 1984; Wallen et coll., 1984). L'acide hippurique urinaire est couramment utilisé comme un biomarqueur de l'exposition au toluène, mais en raison de sa courte demi-vie, il est plutôt lié à l'exposition aigüe (Lowry, 1987). L'o-crésol urinaire, qui est plus spécifique, est actuellement utilisé comme biomarqueur de l'exposition professionnelle au toluène (Truchon et coll., 1999). L'acide hippurique et l'o-crésol dans les urines se sont avérés de bons marqueurs de l'exposition par inhalation aux concentrations de toluène supérieures à 50 ppm (188,5 mg/m3) (Ikeda et coll., 2008). Certains auteurs ont conclu que les concentrations sanguines de toluène constituaient la mesure la plus fiable de l'exposition au toluène (Kawai et coll., 1993; Brugnone et coll., 1995). Les concentrations sanguines de toluène semblent présenter une bonne corrélation avec les concentrations de toluène dans l'air inférieures à 1-3 ppm (3,8-11,3 mg/m3) (Kawai et coll., 1994; Ikeda et coll., 2008), pour lesquelles l'acide hippurique n'est pas un marqueur de l'exposition utile. Enfin, comme une petite fraction du toluène est aussi excrétée dans les urines, on a proposé de l'utiliser comme biomarqueur dans la surveillance de l'exposition professionnelle au toluène (Kawai et coll., 2008).

Chez le rat, environ 22 % d'une dose orale unique de toluène marqué au 14C (185 kBq) a été éliminée dans l'air expiré (Turkall et coll., 1991); en combinant cette fraction à celle excrétée dans les urines, Turkall et coll. (1991) ont calculé que la quasi-totalité d'une dose unique de toluène radiomarqué était éliminée dans les 48 heures suivant l'exposition.

8.4.2 Éthylbenzène

L'élimination de l'éthylbenzène et de ses métabolites chez l'animal à la suite d'une exposition orale est semblable à l'élimination suivant une exposition par inhalation (ATSDR, 2010). Des rats femelles ayant reçu une dose orale unique de 30 mg d'éthylbenzène radiomarqué au 14C par kilogramme de poids corporel ont excrété 82 % de la radioactivité dans leurs urines et 1,5 % dans leurs selles. Les principaux métabolites étaient l'acide mandélique (23 %), l'acide hippurique (34 %) et le 1-phényléthyl glucuronide (4 %). À l'instar des différences observées dans les voies de biotransformation, des différences quantitatives et qualitatives sont ressorties dans les pourcentages de métabolites excrétés dans les urines (Climie et coll., 1983).

Les lapins exposés par voie orale à l'éthylbenzène ont excrété de grandes quantités de conjugués glucuronides (32 %) dans leurs urines (Smith et coll., 1954; El Masry et coll., 1956) plutôt que de l'acide mandélique (2 %), de l'acide hippurique et de l'acide phénylglyoxylique, qui sont les principaux métabolites chez le rat.

Susten et coll. (1990) ont noté que la dose absorbée d'éthylbenzène marqué au 14C recueillie dans l'air expiré durant les 15 premières minutes de l'application de l'éthylbenzène était de 9,3 % chez des souris glabres exposées par voie percutanée.

8.4.3 Xylenes

Chez l'humain, environ 95 % des xylènes absorbés par inhalation sont biotransformés et excrétés sous forme d'acides méthylhippuriques, tandis que les 5 % restants sont éliminés sous forme inchangée dans l'air expiré (Sedivec et Flek, 1976; Astrand et coll., 1978; Senczuk et Orlowski, 1978; Ogata et coll., 1979; Riihimäki et coll., 1979; Pellizzari et coll., 1992). Une petite fraction (< 0,005 %) est excrétée sous forme inchangée dans les urines, et < 2 % sont éliminés sous forme de xylénols (Sedivec et Flek, 1976).

Selon Turkall et coll. (1992), l'excrétion de la radioactivité chez des rats ayant reçu une dose orale de m-xylène marqué au 14C montre que l'excrétion urinaire se produit essentiellement durant les 12 premières heures suivant l'administration de la dose et représente environ 50-59 % de celle-ci. Tandis que 96,2 % et 73,7 % de la dose ont été excrétés respectivement dans les urines des mâles et des femelles sur une période de 48 heures, environ 8 % et 22 % de la dose totale ont été éliminés sous forme inchangée dans l'air expiré par les mâles et les femelles, respectivement, durant les 12 premières heures. Dans l'ensemble, l'acide m-méthylhippurique a représenté 67-75 % de la radioactivité urinaire; il était suivi des xylénols à 2-18 % et du m-xylène inchangé à environ 1 %.

D'après les simulations générées à l'aide du modèle PBPK de Kaneko et coll. (1991a), l'accroissement de l'activité physique a fait augmenter l'excrétion urinaire de l'acide m-méthylhippurique, un métabolite du m-xylène. La concentration du métabolite dans les urines était plus faible chez les femmes que chez les hommes, tant durant qu'après l'exposition.

8.5 Modèles pharmacocinétiques physiologiques

Les modèles pharmacocinétiques physiologiques (PBPK) sont utiles pour évaluer les risques pour la santé humaine liés au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes, vu qu'il n'existe aucune donnée pertinente sur la toxicité pour les humains ingérant ces composés dans leur eau potable, qu'un grand nombre des études chez l'animal visent l'exposition par inhalation et, enfin, que la production de métabolites n'est pas linéaire en fonction de l'exposition au composé mère. Plusieurs modèles PBPK ont été établis pour chacun des composés. Le fondement structurel de ces modèles est le modèle initial de Ramsey et Andersen (1984) concernant le styrène, qui divise les organes en quatre compartiments : foie, tissus adipeux, tissus abondamment irrigués et tissus pauvrement irrigués.

En plus des modèles PBPK mis au point pour chacun des composés décrits dans les sections ci-après, plusieurs autres modèles ont été conçus pour évaluer l'exposition à des mélanges des composés ou à des mélanges de type essence. Le premier modèle élaboré à cette fin a servi à explorer les interactions entre le toluène et le m-xylène; il tenait compte du métabolisme de ces deux composés par CYP2E1 et comportait quatre compartiments d'organes (foie, tissus adipeux, tissus lentement irrigués et tissus abondamment irrigués) ainsi que des équations relatives à l'exposition et à l'excrétion pulmonaires (Tardif et coll., 1993, 1995). Plus tard, un autre modèle a incorporé l'éthylbenzène dans les mélanges (Tardif et coll., 1997). Des modèles PBPK mis au point pour les mélanges d'essence tenaient compte des trois composés ci-dessus ainsi que d'autres COV (Haddad et coll., 1999, 2000, 2001) ou encore du toluène, de l'éthylbenzène et de l'o-xylène en combinaison avec d'autres COV (Dennison et coll., 2003).

8.5.1 Toluène

Des modèles PBPK décrivant la cinétique du toluène inhalé ont été élaborés et validés pour le rat (Tardif et coll., 1993, 1995, 1997; DeJongh et Blaauboer, 1996; Haddad et coll., 1999, 2000, 2001; Dennison et coll., 2003), puis mis à l'échelle – et validés – pour l'humain (Pierce et coll., 1996a; Tardif et coll., 1997; Nong et coll., 2006). La plupart des modèles sont fondés sur les quatre mêmes compartiments (foie, tissus adipeux, tissus abondamment irrigués et tissus pauvrement irrigués), le métabolisme oxydatif saturable étant limité au foie. Parmi les modifications apportées à cette approche, on compte notamment l'ajout d'un compartiment pour le cerveau afin d'estimer les concentrations de toluène dans l'organe cible (DeJongh et Blaauboer, 1996) et la prise en considération du métabolisme extra-hépatique, spécialement dans les poumons (Pierce et coll., 1996a). On a aussi adapté un modèle de manière à simuler la pharmacocinétique à différents stades de l'enfance en se fondant sur des variables métaboliques et physiologiques propres aux enfants (Nong et coll., 2006); ce modèle incorporait également des répartitions de la population selon différentes variables concernant les adultes fondées sur la méthode de Monte-Carlo.

Deux autres modèles PBPK humains génériques élaborés pour les COV englobent le toluène. Fisher et coll. (1997) ont mis au point un modèle de lactation comportant un compartiment pour le lait afin d'estimer la transmission du toluène et d'autres COV des mères exposées par inhalation aux enfants qu'elles allaitent; cependant, les critères métaboliques relatifs au toluène ne semblent pas avoir été incorporés et le modèle n'a pas été validé. Un modèle générique visant plusieurs non-électrolytes organiques non polaires dilués dans une solution aqueuse a été utilisé pour caractériser l'absorption cutanée du toluène (dans trois compartiments : la couche cornée de l'épiderme, l'épiderme viable et le sang) (Shatkin et Brown, 1991); ce modèle n'a toutefois pas pu être validé pour le toluène en raison de grandes différences entre les estimations du modèle et les données empiriques.

8.5.2 Éthylbenzène

Plusieurs modèles ont été élaborés et validés pour simuler la cinétique de l'éthylbenzène inhalé chez le rat (Tardif et coll., 1997; Haddad et coll., 1999, 2000, 2001; Dennison et coll., 2003), chez la souris (Nong et coll., 2007) et chez l'humain (Tardif et coll., 1997). En général, tous les modèles avaient des structures semblables – des compartiments pour le foie, les tissus adipeux, les tissus lentement irrigués et les tissus abondamment irrigués, de même qu'une modélisation des poumons pour l'inhalation et l'excrétion – et le métabolisme oxydatif saturable était situé dans le foie. Le métabolisme extra-hépatique a aussi été incorporé dans le modèle de souris, et des calculs concernant l'activité métabolique ont aussi été effectués pour les poumons et pour les tissus abondamment et pauvrement irrigués (Nong et coll., 2007). L'exposition cutanée à l'éthylbenzène a aussi été simulée et validée chez l'humain à l'aide d'un modèle générique visant plusieurs non-électrolytes organiques non polaires dilués dans une solution aqueuse, qui décrivait seulement l'absorption dans le sang par l'intermédiaire de la couche cornée et de l'épiderme viable, et non la distribution subséquente à d'autres organes (Shatkin et Brown, 1991).

8.5.3 Xylènes

Des modèles PBPK ont été conçus pour décrire la cinétique du m-xylène (Tardif et coll., 1993, 1995; Haddad et coll., 1999, 2000, 2001; Kaneko et coll., 2000) de l'o-xylène (Dennison et coll., 2003) et des trois isomères du xylène mis ensemble (Adams et coll., 2005) lorsqu'ils étaient inhalés. Ces modèles ont été élaborés et validés pour le rat (Tardif et coll., 1993, 1995; Haddad et coll., 1999, 2000, 2001; Kaneko et coll., 2000; Dennison et coll., 2003) et pour l'humain (Kaneko et coll., 2000; Adams et coll., 2005). Un seul modèle comportait des compartiments autres que le foie, les tissus adipeux, les tissus abondamment irrigués, les tissus pauvrement irrigués et les poumons, de même que des équations relatives à la distribution du m-xylène dans les muscles (Kaneko et coll., 2000). La plupart des modèles ont limité le métabolisme oxydatif saturable au foie, et le métabolisme pulmonaire a été pris en considération dans une étude (Adams et coll., 2005). Bien que, dans la plupart des modèles, les équations aient été conçues pour estimer seulement la vitesse du métabolisme, un modèle a permis d'estimer les concentrations du métabolite acide m-méthylhippurique excrété dans les urines (Kaneko et coll., 2000).

Thrall et Woodstock (2003) ont aussi mis au point un modèle simulant les expositions à l'o-xylène par voie cutanée. Ce modèle, qui était fondé sur celui de Tardif et coll. (1993), comportait un compartiment supplémentaire pour la peau et a été validé pour l'humain et pour le rat.

Dans un modèle de lactation générique, Fisher et coll. (1997) ont ajouté un compartiment pour le lait afin d'estimer la transmission de l'o -xylène, du m-xylène, du p-xylène et d'autres COV aux enfants allaités en fonction des expositions par inhalation subies par leur mère. La pertinence de ce modèle est limitée, car il ne semble pas avoir incorporé les critères métaboliques relatifs aux xylènes et il n'a pas été validé.

8.5.4 Modèle de Santé Canada

Santé Canada a mis au point un modèle PBPK fondé sur celui établi par Tardif et coll. (1997) pour faciliter les extrapolations de l'exposition par inhalation à l'exposition par voie orale, des animaux de laboratoire à l'humain, et des fortes doses aux faibles doses en ce qui concerne le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes (Nong, 2014). Le modèle de Santé Canada repose sur les mêmes compartiments de base que ceux du modèle de Tardif et coll. (1997) (tissus adipeux, foie, tissus lentement irrigués et tissus abondamment irrigués, et exposition et excrétion pulmonaires), mais il a été mis à jour de manière à incorporer des équations relatives à l'exposition orale ainsi qu'un compartiment pour la peau qui pourrait être utilisé dans les estimations de la contribution de la douche et du bain à l'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes. L'absorption cutanée est fondée sur un modèle PBPK antérieur visant les COV (Thrall et coll., 2000, 2002, 2003) selon lequel les composés sont absorbés directement dans le sang sans effet de premier passage. Dans le modèle multivoie, le métabolisme est un processus oxydatif saturable se produisant dans le foie, sans aucun métabolisme extra-hépatique. Chaque composé a fait l'objet d'une modélisation distincte, sans interaction métabolique entre les composés à l'étude. Puisque l'étude effectuée par Nong et coll. (2007) indiquait que les valeurs prévues par le modèle en l'absence de rafinements pour le métabolisme extrahépatique variaient à l'intérieur d'un facteur de deux entre les expositions faibles et élevées, la simulation effectuée séparément pour chaque composé reste valide. Pour valider les expositions par inhalation dans le modèle, on a comparé les simulations des modèles pour les rats et les humains avec celles du modèle déjà validé de Tardif et coll. (1997); la validation pour la souris a été effectuée en comparant les simulations avec celles présentées par Nong et coll. (2007). L'exposition cutanée chez l'humain a été validée à l'aide des données de Thrall et Woodstock (2002) concernant le toluène, des données de Mattie et coll. (1994) concernant l'éthylbenzène (fondées sur les données concernant le benzène, dont les coefficients de partage sont très semblables pour l'exposition cutanée) et des données de Thrall et Woodstock (2003) concernant les xylènes. On a comparé le volet du modèle multivoie concernant l'exposition orale chez l'humain aux estimations des doses correspondantes découlant d'expositions par inhalation dans le but de valider à l'interne les extrapolations entre les différentes voies, malgré le manque de données sur l'exposition par voie orale chez l'humain.

Les données de Seeber et coll. (2004, 2005), du NTP (1999) et de Korsak et coll. (1994) ont été utilisées dans les modèles PBPK visant le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes, respectivement. Les doses ont été estimées d'après les concentrations sanguines moyennes des composés mères, qui sont considérées comme les fractions toxiques. La concentration dans le sang sert à estimer la concentration dans le cerveau; cette méthode est jugée appropriée, car il est établi que les courbes d'absorption et d'élimination du toluène dans le sang et dans le cerveau sont presque identiques (DeJongh et Blaauboer, 1996; van Asperen et coll., 2003; Bushnell et coll., 2007).

Dans le cas du toluène, une dose externe de 26 ppm (Seeber et coll., 2003; 2004), qui a été établie comme une dose sans effet nocif observé (NOAEL) dans une étude menée sur des personnes exposées dans le cadre de leur emploi, a été entrée dans un modèle PBPK humain en vue de l'estimation des concentrations sanguines internes moyennes de toluène au cours de la vie (en mg/L). La dose orale externe humaine produite par le modèle correspond au degré d'exposition ci-dessus, en se fondant sur une consommation quotidienne de 1,5 L d'eau potable.

Les concentrations sanguines internes d'éthylbenzène au cours de la vie ont été calculées à l'aide de modèles PBPK établis pour la souris (dans lesquels les critères d'effets étaient l'hyperplasie de l'hypophyse et les altérations des cellules hépatiques). Une NOAEL de 75 ppm établie dans l'étude menée par le NTP (1999) a servi à déterminer les concentrations internes moyennes d'éthylbenzène dans le sang et dans le foie au cours de la vie (en mg/L) à utiliser dans le modèle PBPK de souris. Les doses orales externes humaines produites par le modèle correspondent à une concentration d'éthylbenzène dans le sang et dans le foie équivalente à la NOAEL externe pour la souris de 75 ppm, en se fondant sur une consommation quotidienne de 1,5 L d'eau potable.

L'exposition à l'éthylbenzène a aussi causé la formation de tumeurs chez les rongeurs (NTP, 1999). Cependant, seules les tumeurs bronchio-alvéolaires ont été jugées pertinentes pour l'humain. Des doses externes ont été entrées dans le modèle PBPK de souris en vue de l'estimation des concentrations sanguines internes moyennes d'éthylbenzène au cours de la vie (en mg/L). Fondées sur le modèle log-logistique, considéré comme celui correspondant le mieux à la dose de référence (DR) établie par le logiciel de l'U.S. EPA (U.S. EPA, 2010), ces doses internes ont été analysées dans le but d'établir le meilleur point de départ pour le modèle humain. On a ensuite entré cette dose interne dans le modèle PBPK humain pour déterminer la dose externe humaine nécessaire pour produire des concentrations sanguines semblables à celles observées chez la souris, en se fondant sur une consommation quotidienne de 1,5 L d'eau potable et sur 70 ans d'exposition.

Dans le cas des xylènes, à la lumière des résultats au test de la tige tournante, une dose externe de 50 ppm de m-xylène a été établie comme étant la NOAEL chez le rat (Korsak et coll., 1994). Cette dose a été entrée dans un modèle PBPK de rat en vue de l'estimation des concentrations sanguines internes moyennes de m-xylène au cours de la vie (en mg/L). La dose orale externe humaine produite par le modèle correspond au degré d'exposition ci-dessus, en se fondant sur une consommation quotidienne de 1,5 L d'eau potable.

Le modèle PBPK décrit ci-dessus a aussi servi à estimer les contributions en litres équivalents (L-eq) des expositions par voie cutanée et par inhalation pendant la douche ou le bain (voir la section 5.6). On a estimé ces contributions en litres équivalents en appliquant le modèle PBPK humain à un scénario de bain de 30 minutes. La comparaison des doses internes établies pour l'absorption cutanée et l'inhalation avec la dose interne établie pour l'ingestion a permis d'estimer les contributions respectives en litres équivalents des expositions par absorption cutanée et par inhalation à 0,2 et 0,43 L-eq dans le cas du toluène, à 0,21 et 0,44 L-eq dans le cas de l'éthylbenzène, et à 0,21 et 0,43 L-eq dans le cas des xylènes.

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2015-04-15